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Marqueurs corrélatifs entre syntaxe et analyse du discours
Titre du projet
Marqueurs corrélatifs entre syntaxe et analyse du discours
Description
Le présent projet vise à décrire certaines configurations connues en linguistique sous le nom de « corrélation ». Cette appellation regroupe toute une série de constructions dont le point commun réside dans l’interdépendance de leurs membres, qui peuvent être au nombre de deux ou plus : voir les séquences marquées canoniquement par les couples ou les séries de connecteurs d’une part… d’autre part ; non seulement… mais encore ; d’un côté… d’un autre côté ; dans un premier temps… dans un second temps ; en premier lieu… en second lieu ; etc.
Jusqu’à présent, ce sont surtout les corrélations « phrastiques » qui ont été étudiées, c’est-à-dire les constructions où deux morphèmes sont dans un rapport d’implication bilatérale, comme dans cette boutade de Coluche : « plus je cours moins vite, et moins j’avance plus vite », où le quantifieur « plus » du premier segment implique, au sens logique du terme, la présence de « moins » dans le deuxième segment, sans quoi la structure reste incomplète. Il en va de même pour des constructions comme « Fussiez-vous l’empereur de Chine, je ne vous prêterais pas un kopek » (Riegel et al. 2009 : 873), où c’est l’inversion verbe-clitique à l’imparfait du subjonctif qui entraîne la nécessité d’une suite, et qui conditionne le temps du verbe de cette suite. Nombreux sont les travaux qui se sont penchés sur la relation qui lie les deux membres de ces constructions. Citons en particulier l’ouvrage collectif « La corrélation : aspects syntaxiques et sémantiques » (2013) qui réunit une quinzaine d’études présentées par O. Inkova et P. Hadermann, ainsi que la thèse de S. Allaire, « Le modèle syntaxique des systèmes corrélatifs » (1977), dans laquelle sont qualifiées de corrélatives « des marques grammaticales qui entrent en relation de dépendance contextuelle pour établir entre les mots des liens formels de complémentarité et contribuer ainsi à leur “ordination” » (op. cit. : 23).
Si cette définition vaut prototypiquement pour les constructions « siamoises » du type « plus il mange plus il grossit » (Savelli 1993), aussi dénommées « corrélatives isomorphes » dans la récente thèse d’A. Roig (2013) sur le même sujet, l’observation montre qu’à l’échelon discursif, il existe au contraire, à l’écrit comme à l’oral, une grande latitude de réalisation dans le marquage des segments prétendument corrélés qui, à l’occasion, peuvent apparaître individuellement, comme dans l’exemple ci-dessous, où le marqueur d’un autre côté n’est pas précédé par d’un côté, et fonctionne plutôt comme un marqueur discursif.
« Ça me paraissait un peu con d’acheter des oranges mais je savais pas du tout ce qu’il fallait acheter à une fille qui se trouvait derrière les barreaux et j’arrivais pas à me concentrer là-dessus. D’un autre côté, les oranges c’était rempli de vitamines. » [Djian 1985 : 120 < frantext]
Au niveau d’analyse concerné, cela remet en cause l’idée même que les « liens de complémentarité » se situent au plan « formel ». C’est bien là le propos de Deulofeu (2001 : 118) quand il affirme que « il ne semble […] pas possible d’établir un lien entre l’ensemble des morphèmes qui appellent ‘sémantico-pragmatiquement’ un autre élément du même genre et une structure caractérisable en termes micro-syntaxiques », car « nous savons tous que l’emploi de d’une part n’implique pas nécessairement un d’autre part dans le discours improvisé. Pour qu’un tel discours soit cohérent, il suffit que “l’autre part” soit évoquée plus loin sous quelle forme que ce soit » (ibid. : 117). En d’autres termes, c’est l’idée de « relation de dépendance » qui est remise en question sitôt qu’on envisage les structures où le corrélat formel n’est pas celui normativement attendu, voire où il est tout simplement absent.
À la suite de l’article souvent cité de G. Turco et D. Coltier (1988) sur les « marqueurs d’intégration linéaires », C. Schnedecker (1998) a défriché notre champ de recherches en proposant le terme de « corrélats anaphoriques » pour désigner les marques qui relèvent à la fois de la référence, par le biais de la notion d’anaphore, envisagée comme un phénomène de « dépendance interprétative », et de la syntaxe, à travers des morphèmes spécialisés dans le découpage textuel. Le point commun de ces marqueurs tient dans le fait qu’ils « structurent […] le discours suivant un mode commun complexe […] qui implique conjointement l’anaphore et la corrélation, autrement dit un lien référentiel et un lien syntaxique » (Schnedecker 1998 : 3-4). Cette approche des marqueurs corrélatifs doit cependant être revisitée à la lumière d’une conception mémorielle de l’anaphore et des connecteurs pragmatiques, dont la macro-syntaxe du Groupe de Fribourg, à laquelle M.-J. Béguelin, qui dirige le projet, a notablement contribué, en propose un modèle, et qui nous sert de cadre théorique de référence.
Cette thèse vise donc à caractériser, de manière plus satisfaisante que ce n’est le cas jusqu’ici, le(s) type(s) de dépendance qui s’instaure(nt) entre les segments corrélés à l’échelon macro-syntaxique et discursif, lorsque l’occurrence de tel ou tel marqueur « projette » (au sens de Auer 2002), ou « présuppose » (au sens du Groupe de Fribourg 2012), la présence, avant ou après lui, d’un élément avec lequel il entretient un rapport de co-orientation ou d’anti-orientation argumentative. En particulier, il est question d’entreprendre un recensement systématique des procédés mis à contribution par les sujets parlants pour assurer le marquage du lien d’interdépendance pragmatique qui assure à chaque membre de la corrélation sa pertinence en regard de son correspondant, et ce en l’absence de marques explicites telles que les marqueurs listés au début de cette présentation. Il s’agira de décrire au mieux le fonctionnement des routines corrélatives macro-syntaxiques et discursives, sur la base de données attestées provenant tant de l’écrit que de l’oral (corpus Frantext, CFPP2000, OFROM, PFC, Factiva, et d’autres).
Jusqu’à présent, ce sont surtout les corrélations « phrastiques » qui ont été étudiées, c’est-à-dire les constructions où deux morphèmes sont dans un rapport d’implication bilatérale, comme dans cette boutade de Coluche : « plus je cours moins vite, et moins j’avance plus vite », où le quantifieur « plus » du premier segment implique, au sens logique du terme, la présence de « moins » dans le deuxième segment, sans quoi la structure reste incomplète. Il en va de même pour des constructions comme « Fussiez-vous l’empereur de Chine, je ne vous prêterais pas un kopek » (Riegel et al. 2009 : 873), où c’est l’inversion verbe-clitique à l’imparfait du subjonctif qui entraîne la nécessité d’une suite, et qui conditionne le temps du verbe de cette suite. Nombreux sont les travaux qui se sont penchés sur la relation qui lie les deux membres de ces constructions. Citons en particulier l’ouvrage collectif « La corrélation : aspects syntaxiques et sémantiques » (2013) qui réunit une quinzaine d’études présentées par O. Inkova et P. Hadermann, ainsi que la thèse de S. Allaire, « Le modèle syntaxique des systèmes corrélatifs » (1977), dans laquelle sont qualifiées de corrélatives « des marques grammaticales qui entrent en relation de dépendance contextuelle pour établir entre les mots des liens formels de complémentarité et contribuer ainsi à leur “ordination” » (op. cit. : 23).
Si cette définition vaut prototypiquement pour les constructions « siamoises » du type « plus il mange plus il grossit » (Savelli 1993), aussi dénommées « corrélatives isomorphes » dans la récente thèse d’A. Roig (2013) sur le même sujet, l’observation montre qu’à l’échelon discursif, il existe au contraire, à l’écrit comme à l’oral, une grande latitude de réalisation dans le marquage des segments prétendument corrélés qui, à l’occasion, peuvent apparaître individuellement, comme dans l’exemple ci-dessous, où le marqueur d’un autre côté n’est pas précédé par d’un côté, et fonctionne plutôt comme un marqueur discursif.
« Ça me paraissait un peu con d’acheter des oranges mais je savais pas du tout ce qu’il fallait acheter à une fille qui se trouvait derrière les barreaux et j’arrivais pas à me concentrer là-dessus. D’un autre côté, les oranges c’était rempli de vitamines. » [Djian 1985 : 120 < frantext]
Au niveau d’analyse concerné, cela remet en cause l’idée même que les « liens de complémentarité » se situent au plan « formel ». C’est bien là le propos de Deulofeu (2001 : 118) quand il affirme que « il ne semble […] pas possible d’établir un lien entre l’ensemble des morphèmes qui appellent ‘sémantico-pragmatiquement’ un autre élément du même genre et une structure caractérisable en termes micro-syntaxiques », car « nous savons tous que l’emploi de d’une part n’implique pas nécessairement un d’autre part dans le discours improvisé. Pour qu’un tel discours soit cohérent, il suffit que “l’autre part” soit évoquée plus loin sous quelle forme que ce soit » (ibid. : 117). En d’autres termes, c’est l’idée de « relation de dépendance » qui est remise en question sitôt qu’on envisage les structures où le corrélat formel n’est pas celui normativement attendu, voire où il est tout simplement absent.
À la suite de l’article souvent cité de G. Turco et D. Coltier (1988) sur les « marqueurs d’intégration linéaires », C. Schnedecker (1998) a défriché notre champ de recherches en proposant le terme de « corrélats anaphoriques » pour désigner les marques qui relèvent à la fois de la référence, par le biais de la notion d’anaphore, envisagée comme un phénomène de « dépendance interprétative », et de la syntaxe, à travers des morphèmes spécialisés dans le découpage textuel. Le point commun de ces marqueurs tient dans le fait qu’ils « structurent […] le discours suivant un mode commun complexe […] qui implique conjointement l’anaphore et la corrélation, autrement dit un lien référentiel et un lien syntaxique » (Schnedecker 1998 : 3-4). Cette approche des marqueurs corrélatifs doit cependant être revisitée à la lumière d’une conception mémorielle de l’anaphore et des connecteurs pragmatiques, dont la macro-syntaxe du Groupe de Fribourg, à laquelle M.-J. Béguelin, qui dirige le projet, a notablement contribué, en propose un modèle, et qui nous sert de cadre théorique de référence.
Cette thèse vise donc à caractériser, de manière plus satisfaisante que ce n’est le cas jusqu’ici, le(s) type(s) de dépendance qui s’instaure(nt) entre les segments corrélés à l’échelon macro-syntaxique et discursif, lorsque l’occurrence de tel ou tel marqueur « projette » (au sens de Auer 2002), ou « présuppose » (au sens du Groupe de Fribourg 2012), la présence, avant ou après lui, d’un élément avec lequel il entretient un rapport de co-orientation ou d’anti-orientation argumentative. En particulier, il est question d’entreprendre un recensement systématique des procédés mis à contribution par les sujets parlants pour assurer le marquage du lien d’interdépendance pragmatique qui assure à chaque membre de la corrélation sa pertinence en regard de son correspondant, et ce en l’absence de marques explicites telles que les marqueurs listés au début de cette présentation. Il s’agira de décrire au mieux le fonctionnement des routines corrélatives macro-syntaxiques et discursives, sur la base de données attestées provenant tant de l’écrit que de l’oral (corpus Frantext, CFPP2000, OFROM, PFC, Factiva, et d’autres).
Chercheur principal
Statut
Completed
Date de début
1 Juin 2013
Date de fin
28 Février 2017
Chercheurs
Identifiant interne
22805
identifiant
24 Résultats
Voici les éléments 1 - 10 sur 24
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