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Transactions sexuelles marchandes, numérisation et espace : quelles transformations des pratiques et des valeurs ?
Auteur(s)
Editeur(s)
Date de parution
2023-05-25
Nombre de page
163
Mots-clés
- sociologie économique
- économie territoriale
- perspective institutionnelle
- espace et territoire
- transaction sexuelle marchande
- numérisation
- rapports sociaux de sexe et de genre
- economic sociology
- territorial economy
- institutional perspective
- space and territory– commercial sexual transaction
- digitization
- sex and gender relations
Résumé
Réalisée dans le large champ de la sociologie économique, ma thèse de doctorat a montré une ouverture claire et actuelle du champ des possibles dans le domaine des pratiques sexuelles tarifées au travers du numérique. Cette thématique, liée au milieu encore tabou des sexualités, m’a menée au sein de terrains complexes et extrêmement dynamiques qui participent aux structures de nos sociétés contemporaines. En conjuguant des perspectives transdisciplinaires faisant tant appel à la sociologie et à la géographie qu’à l’économie et aux Gender studies, ces axes complémentaires m’ont permis d’analyser un phénomène complexe en y comprenant ses actrices et acteurs, ses flux monétaires, ainsi que ses territoires et temporalités.
Afin de rendre compte de cette perspective, une méthode de recherche mixte a été mobilisée. Faisant appel aux entretiens exploratoires, puis semi-directifs dans un premier temps, j’ai élargi ma méthode en analysant des plateformes en ligne, tant d’un point de vue descriptif (profils en ligne, typologies de sites, images) que d'étude de discours en ligne (forums, notations et ranking, catégorisations). Ces nouvelles formes d’observation participante – sans contact direct sur les plateformes de livecam – feront l’objet d’une réflexion sur le plan éthique de la recherche. Cet ensemble couplé à des entretiens et à l’analyse de documents d’entreprises multinationales (DH, Entreprise n°2, Luxembourg – TC, Entreprise n°1, CH-Nevada) ont permis d’effectuer un aller-retour constructif entre une vision macro du marché global, tout en construisant une analyse micro des transactions opérées sur ce type de plateforme.
Afin de rendre compte d’un processus dynamique, ma recherche fait appel à deux bases théoriques distinctes : l’une plus contemporaine traitant notamment des perspectives mobilisées par des chercheur·e·s dans le domaine des plateformes, du caming et des sexualités (Jones ; Trachman ; Bergström ; Srnicek), l’autre plus classique faisant appel à des concepts stabilisés en Gender Studies et en économie institutionnelle (Tabet ; Commons ; Pheterson). En sus, les dimensions d’espace et de valeur ont été prises en compte tout au long de mon analyse. Non seulement les apports théoriques de la valuation (Aspers, Beckert ; Dewey) et de l’experience economy (Pine, Gilmore) m’ont permis d’analyser les éléments de la construction sociale des différentes valeurs, mais également l’axe spatial lié aux “medias“ ont mené à une articulation complète des espaces concrets, numériques et de leurs liens aux nouvelles technologies (Adams).
Pour conclure et formuler un résumé des résultats de ma recherche, cet ensemble a permis de montrer que le numérique mène à des formes d’évitement partiel au sein des espaces concrets des stigmates liés aux prestations sexuelles tarifées, et ce, tant du point de vue des prestataires que de la clientèle. En effet, les nouvelles technologies permettent une diffusion des pratiques sexuelles (annonces en ligne, prestations de livecam, vente de sous-vêtements utilisés, etc.) en évitant l’exposition à l’entourage social direct. En outre, la consommation de ce type de bien ou de prestation peut se réaliser de manière complètement discrète au travers d’une prise de contact et/ou d’une consommation numérique, d’un envoi postal anonyme, d’une rencontre dans un espace privé, etc. Si ma recherche expose des changements fondamentaux en termes de possibilités de consommation, elle montre également le maintien de schémas sociaux connus, puisque la majorité des ventes sont réalisées dans ce domaine par des femmes et des personnes se reconnaissant comme telles et que la consommation est, elle, majoritairement accomplie par des hommes.
Le numérique opère donc bien une claire ouverture du champ des possibles face à nos pratiques dans le domaine des sexualités et des corps. Ce type de prestation passe par une construction temporelle faisant tant appel à la scène publique de discussions sociétales des normes, des valeurs, ainsi que des institutions qu’à la scène privée et intimes des pratiques individuelles. Ceci rend finalement compte d’un fait social total, illustrant le fonctionnement d’un domaine spécifique de nos sociétés contemporaines, bouleversées par des technologies, tout en maintenant certaines structures sociales importantes comme celles des rapports sociaux de sexes et de genre.
Afin de rendre compte de cette perspective, une méthode de recherche mixte a été mobilisée. Faisant appel aux entretiens exploratoires, puis semi-directifs dans un premier temps, j’ai élargi ma méthode en analysant des plateformes en ligne, tant d’un point de vue descriptif (profils en ligne, typologies de sites, images) que d'étude de discours en ligne (forums, notations et ranking, catégorisations). Ces nouvelles formes d’observation participante – sans contact direct sur les plateformes de livecam – feront l’objet d’une réflexion sur le plan éthique de la recherche. Cet ensemble couplé à des entretiens et à l’analyse de documents d’entreprises multinationales (DH, Entreprise n°2, Luxembourg – TC, Entreprise n°1, CH-Nevada) ont permis d’effectuer un aller-retour constructif entre une vision macro du marché global, tout en construisant une analyse micro des transactions opérées sur ce type de plateforme.
Afin de rendre compte d’un processus dynamique, ma recherche fait appel à deux bases théoriques distinctes : l’une plus contemporaine traitant notamment des perspectives mobilisées par des chercheur·e·s dans le domaine des plateformes, du caming et des sexualités (Jones ; Trachman ; Bergström ; Srnicek), l’autre plus classique faisant appel à des concepts stabilisés en Gender Studies et en économie institutionnelle (Tabet ; Commons ; Pheterson). En sus, les dimensions d’espace et de valeur ont été prises en compte tout au long de mon analyse. Non seulement les apports théoriques de la valuation (Aspers, Beckert ; Dewey) et de l’experience economy (Pine, Gilmore) m’ont permis d’analyser les éléments de la construction sociale des différentes valeurs, mais également l’axe spatial lié aux “medias“ ont mené à une articulation complète des espaces concrets, numériques et de leurs liens aux nouvelles technologies (Adams).
Pour conclure et formuler un résumé des résultats de ma recherche, cet ensemble a permis de montrer que le numérique mène à des formes d’évitement partiel au sein des espaces concrets des stigmates liés aux prestations sexuelles tarifées, et ce, tant du point de vue des prestataires que de la clientèle. En effet, les nouvelles technologies permettent une diffusion des pratiques sexuelles (annonces en ligne, prestations de livecam, vente de sous-vêtements utilisés, etc.) en évitant l’exposition à l’entourage social direct. En outre, la consommation de ce type de bien ou de prestation peut se réaliser de manière complètement discrète au travers d’une prise de contact et/ou d’une consommation numérique, d’un envoi postal anonyme, d’une rencontre dans un espace privé, etc. Si ma recherche expose des changements fondamentaux en termes de possibilités de consommation, elle montre également le maintien de schémas sociaux connus, puisque la majorité des ventes sont réalisées dans ce domaine par des femmes et des personnes se reconnaissant comme telles et que la consommation est, elle, majoritairement accomplie par des hommes.
Le numérique opère donc bien une claire ouverture du champ des possibles face à nos pratiques dans le domaine des sexualités et des corps. Ce type de prestation passe par une construction temporelle faisant tant appel à la scène publique de discussions sociétales des normes, des valeurs, ainsi que des institutions qu’à la scène privée et intimes des pratiques individuelles. Ceci rend finalement compte d’un fait social total, illustrant le fonctionnement d’un domaine spécifique de nos sociétés contemporaines, bouleversées par des technologies, tout en maintenant certaines structures sociales importantes comme celles des rapports sociaux de sexes et de genre.
Conducted in the broad field of economic sociology, my doctoral thesis showed a clear and current opening up of the field of possibilities in the area of paid sexual practices through digital technology. This theme, linked to the still taboo area of sexuality, led me into complex and extremely dynamic fields that play a part in the structures of our contemporary societies. By combining cross-disciplinary perspectives from sociology and geography as well as economics and gender studies, these complementary approaches have enabled me to analyse a complex phenomenon by understanding its players, its monetary flows, its territories and its temporalities.
A mixed research method was used to capture this perspective. Initially using exploratory and then semi-structured interviews, I extended my method by analysing online platforms, both from a descriptive point of view (online profiles, site typologies, images) and from the study of online discourse (forums, ratings and rankings, categorisations). These new forms of participant observation - without direct contact on livecam platforms - will be the subject of reflection on the ethical aspects of the research. This, combined with interviews and analysis of documents from multinational companies (DH, Company no. 2, Luxembourg - TC, Company no. 1, CH-Nevada), enabled a constructive back-and-forth between a macro view of the global market and a micro analysis of the transactions carried out on this type of platform.
In order to account for a dynamic process, my research draws on two distinct theoretical bases: one more contemporary, dealing in particular with the perspectives mobilised by researchers in the field of platforms, caming and sexuality (Jones; Trachman; Bergström; Srnicek), the other more classical, drawing on stabilised concepts in gender studies and institutional economics (Tabet; Commons; Pheterson). In addition, the dimensions of space and value have been taken into account throughout my analysis. Not only have the theoretical contributions of valuation (Aspers, Beckert; Dewey) and the experience economy (Pine, Gilmore) enabled me to analyse the elements of the social construction of different values, but also the spatial axis linked to 'media' has led to a complete articulation of concrete, digital spaces and their links to new technologies (Adams).
To conclude and summarise the results of my research, it has been possible to show that digital technology leads to forms of partial avoidance within concrete spaces of the stigma attached to paid sexual services, from the point of view of both providers and clients. New technologies make it possible to disseminate sexual practices (online advertisements, livecam services, sale of used underwear, etc.) while avoiding exposure to the direct social environment. What's more, the consumption of this type of good or service can be carried out completely discreetly through digital contact and/or consumption, anonymous postal delivery, a meeting in a private space, and so on. While my research exposes fundamental changes in terms of consumption possibilities, it also shows that familiar social patterns are being maintained, since the majority of sales in this area are made by women and people who recognise themselves as such, while consumption is mainly carried out by men.
Digital technology is clearly opening up the field of possibilities for our practices in the area of sexuality and the body. This type of service involves a temporal construction that draws as much on the public arena of societal discussions of norms, values and institutions as on the private and intimate arena of individual practices. In the final analysis, this is a total social fact, illustrating the functioning of a specific area of our contemporary societies, which have been turned upside down by technologies, while maintaining certain important social structures such as those of social relations between the sexes and gender.
A mixed research method was used to capture this perspective. Initially using exploratory and then semi-structured interviews, I extended my method by analysing online platforms, both from a descriptive point of view (online profiles, site typologies, images) and from the study of online discourse (forums, ratings and rankings, categorisations). These new forms of participant observation - without direct contact on livecam platforms - will be the subject of reflection on the ethical aspects of the research. This, combined with interviews and analysis of documents from multinational companies (DH, Company no. 2, Luxembourg - TC, Company no. 1, CH-Nevada), enabled a constructive back-and-forth between a macro view of the global market and a micro analysis of the transactions carried out on this type of platform.
In order to account for a dynamic process, my research draws on two distinct theoretical bases: one more contemporary, dealing in particular with the perspectives mobilised by researchers in the field of platforms, caming and sexuality (Jones; Trachman; Bergström; Srnicek), the other more classical, drawing on stabilised concepts in gender studies and institutional economics (Tabet; Commons; Pheterson). In addition, the dimensions of space and value have been taken into account throughout my analysis. Not only have the theoretical contributions of valuation (Aspers, Beckert; Dewey) and the experience economy (Pine, Gilmore) enabled me to analyse the elements of the social construction of different values, but also the spatial axis linked to 'media' has led to a complete articulation of concrete, digital spaces and their links to new technologies (Adams).
To conclude and summarise the results of my research, it has been possible to show that digital technology leads to forms of partial avoidance within concrete spaces of the stigma attached to paid sexual services, from the point of view of both providers and clients. New technologies make it possible to disseminate sexual practices (online advertisements, livecam services, sale of used underwear, etc.) while avoiding exposure to the direct social environment. What's more, the consumption of this type of good or service can be carried out completely discreetly through digital contact and/or consumption, anonymous postal delivery, a meeting in a private space, and so on. While my research exposes fundamental changes in terms of consumption possibilities, it also shows that familiar social patterns are being maintained, since the majority of sales in this area are made by women and people who recognise themselves as such, while consumption is mainly carried out by men.
Digital technology is clearly opening up the field of possibilities for our practices in the area of sexuality and the body. This type of service involves a temporal construction that draws as much on the public arena of societal discussions of norms, values and institutions as on the private and intimate arena of individual practices. In the final analysis, this is a total social fact, illustrating the functioning of a specific area of our contemporary societies, which have been turned upside down by technologies, while maintaining certain important social structures such as those of social relations between the sexes and gender.
Notes
UniNE, FLSH, Institut de sociologie, soutenue le 25 mai 2023
Identifiants
Type de publication
doctoral thesis