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Doubting the national order of poverty. The moral administration of “poor others” in Swiss welfare and migration bureaucracies
Date de parution
2023-06-19
Nombre de page
232
Mots-clés
Résumé
En Suisse, l’intrication entre assistance sociale et contrôle migratoire a eu pour effet de bannir de plus en plus la pauvreté. Les résident-es sans nationalité suisse sont confronté-es à la menace générale d’expulsion lorsqu'ils et elles exercent leur droit à recevoir une assistance sociale. De telles politiques révèlent un ordre national de la pauvreté caractérisé par un environnement hostile et la possibilité de déporter de larges segments de la population. Cette thèse plonge dans l'ordinaire de cet ordre national de la pauvreté. À travers un travail de terrain ethnographique dans les bureaucraties de l’assistance sociale et de la migration, j'étudie la construction et l'administration quotidienne des “poor others” [“autres pauvres”] en Suisse.
Les pratiques bureaucratiques au centre de cette recherche sont comprises à travers le concept de interior b/ordering. Cette notion permet d'explorer comment la menace générale d’expulsion est individualisée et dépolitisée par l'administration (morale) des “poor others.” Dans mon analyse, je démontre comment la production de différences est légitimée par des processus relationnels entre les différentes administrations impliquées, conduisant à une situation où la réception de l'assistance sociale est considérée comme “self-inflicted” [“auto-infligée”]. Cela implique la construction de la personne concernée comme pauvre à cause de sa “propre faute.” De telles méthodes rappellent les pratiques et les constellations coloniales de catégorisation des “autres” comme “paresseux,” “impossibles à éduquer” et “indignes,” ce qui est invisibilisé par la bureaucratisation et les justifications morales.
Cette thèse explore également l'importance de traiter les contradictions et les incertitudes, tant dans mes propres pratiques d'écriture et d'abstraction de la réalité sociale que dans les bureaucraties. Je révèle des similitudes entre “faire de la science” et “faire de la bureaucratie” et je propose une connexion entre les deux à travers la notion de doutes. Douter signifie questionner si ses propres pratiques sont “bonnes” et “vraies” par rapport à ce qui constitue “la vérité” et “le bien.” Dans la bureaucratie, les doutes émergent lors de l'application de la cohérence de la loi et des politiques sur la complexité du monde social. Cette thèse montre que certaines techniques doivent être appliquées pour gouverner les doutes dans les bureaucraties et rendre l'administration des “poor others” possible, efficace et efficiente. En m'appuyant sur les trois articles scientifiques qui composent ma thèse, je présente trois techniques différentes de gouverner les doutes : rule orientation, la documentation et la déresponsabilisation. Ces techniques sont liées aux propres tâches bureaucratiques des administrateur-ses, sont conditionnées par la morale du pouvoir d'État et facilitent la stabilisation de la “banalité” et du “evil” [“le mal”] de l'ordre national de la pauvreté.
Les pratiques bureaucratiques au centre de cette recherche sont comprises à travers le concept de interior b/ordering. Cette notion permet d'explorer comment la menace générale d’expulsion est individualisée et dépolitisée par l'administration (morale) des “poor others.” Dans mon analyse, je démontre comment la production de différences est légitimée par des processus relationnels entre les différentes administrations impliquées, conduisant à une situation où la réception de l'assistance sociale est considérée comme “self-inflicted” [“auto-infligée”]. Cela implique la construction de la personne concernée comme pauvre à cause de sa “propre faute.” De telles méthodes rappellent les pratiques et les constellations coloniales de catégorisation des “autres” comme “paresseux,” “impossibles à éduquer” et “indignes,” ce qui est invisibilisé par la bureaucratisation et les justifications morales.
Cette thèse explore également l'importance de traiter les contradictions et les incertitudes, tant dans mes propres pratiques d'écriture et d'abstraction de la réalité sociale que dans les bureaucraties. Je révèle des similitudes entre “faire de la science” et “faire de la bureaucratie” et je propose une connexion entre les deux à travers la notion de doutes. Douter signifie questionner si ses propres pratiques sont “bonnes” et “vraies” par rapport à ce qui constitue “la vérité” et “le bien.” Dans la bureaucratie, les doutes émergent lors de l'application de la cohérence de la loi et des politiques sur la complexité du monde social. Cette thèse montre que certaines techniques doivent être appliquées pour gouverner les doutes dans les bureaucraties et rendre l'administration des “poor others” possible, efficace et efficiente. En m'appuyant sur les trois articles scientifiques qui composent ma thèse, je présente trois techniques différentes de gouverner les doutes : rule orientation, la documentation et la déresponsabilisation. Ces techniques sont liées aux propres tâches bureaucratiques des administrateur-ses, sont conditionnées par la morale du pouvoir d'État et facilitent la stabilisation de la “banalité” et du “evil” [“le mal”] de l'ordre national de la pauvreté.
In Switzerland, the coupling of welfare benefits and migration control has resulted in the increasing banishment of poverty. Residents without Swiss nationality face the general threat of deportation when exercising their right to receive social assistance. Such policies reveal a national order of poverty characterized by a hostile environment and the deportability of wide segments of the population. This thesis descends into the ordinary of this national order of poverty. Through ethnographic fieldwork in welfare and migration bureaucracies, I investigate the everyday construction and administration of “poor others” in Switzerland.
The bureaucratic practices at the center of this research are understood through the concept of “interior b/ordering.” This notion allows to explore how the general menace of deportation is individualized and depoliticized by the (moral) administration of “poor others.” In my analysis, I demonstrate how the production of difference is legitimized through relational processes among various administrative offices involved, leading to a situation where the reception of social assistance is constructed as “self-inflicted.” The latter implies the construction of the person concerned as poor by their “own fault.” Such methods recall colonial practices and constellations of categorizing “others” as “lazy,” “unteachable” and “unworthy,” which is invisibilized through bureaucratization and moral justifications.
Additionally, this thesis explores the importance of dealing with contradictions and uncertainties, within my own practices of writing and abstracting social reality, but also within bureaucracies. I reveal similarities between “doing” science and “doing” bureaucracy and stimulate a connection between the two through the notion of doubts. Doubting implies questioning whether one’s practices are “good” and “true” in relation to what constitutes “the truth” and “the good.” In bureaucracy, doubts emerge when applying the coherency of law and policies on the messiness of the social world. This thesis shows that certain techniques must be applied to govern doubts in bureaucracies and render the administration of “poor others” possible, effective and efficient. By building on the three articles that are part of my thesis, I present three different techniques of governing doubts: rule orientation, documentation and de-responsibilization. These techniques are related to administrators’ own bureaucratic tasks, are conditioned by the morality of state power and facilitate the stabilization of the “banality” and “evil” of the national order of poverty.
The bureaucratic practices at the center of this research are understood through the concept of “interior b/ordering.” This notion allows to explore how the general menace of deportation is individualized and depoliticized by the (moral) administration of “poor others.” In my analysis, I demonstrate how the production of difference is legitimized through relational processes among various administrative offices involved, leading to a situation where the reception of social assistance is constructed as “self-inflicted.” The latter implies the construction of the person concerned as poor by their “own fault.” Such methods recall colonial practices and constellations of categorizing “others” as “lazy,” “unteachable” and “unworthy,” which is invisibilized through bureaucratization and moral justifications.
Additionally, this thesis explores the importance of dealing with contradictions and uncertainties, within my own practices of writing and abstracting social reality, but also within bureaucracies. I reveal similarities between “doing” science and “doing” bureaucracy and stimulate a connection between the two through the notion of doubts. Doubting implies questioning whether one’s practices are “good” and “true” in relation to what constitutes “the truth” and “the good.” In bureaucracy, doubts emerge when applying the coherency of law and policies on the messiness of the social world. This thesis shows that certain techniques must be applied to govern doubts in bureaucracies and render the administration of “poor others” possible, effective and efficient. By building on the three articles that are part of my thesis, I present three different techniques of governing doubts: rule orientation, documentation and de-responsibilization. These techniques are related to administrators’ own bureaucratic tasks, are conditioned by the morality of state power and facilitate the stabilization of the “banality” and “evil” of the national order of poverty.
Notes
UniNE, FLSH, nccr on the move, soutenue le 19 juin 2023
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Type de publication
doctoral thesis