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Christin, Olivier
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Les soldats français arrivent en Suisse. 1798 : Libération ou occupation ? La perspective française.
2024-06-24, Engelberts, Derck, Christin, Olivier
Le général Schauenburg (1748-1831), commandant en chef de l'armée française en Helvétie du 28 mars au 12 décembre 1798 a laissé une ample documentation au coeur de ce travail. En introduction, un général et ses archives face à l'historiographie Né baron, sa carrière a commencé en 1759. Lieutenant, il vit son baptème du feu en Corse entre 1768 et 1772. Commandant de bataillon à la Révolution, promu général de brigade dans l'état-major de Kellermann à Valmy (1792) puis de division, commandant de l'armée de la Moselle (mars 1793). Inculpé par la Convention (octobre 1793), écroué au Temple, condamné à mort, le 9 thermidor an II le sauve de la guillotine. Réintégré dans l'instruction de l'infanterie, cette vocation n'est interrompue que par le commandement en Helvétie. Retraité en 1814, il meurt aveugle en 1831, baron d'Empire, Grand-officier de la Légion d'honneur, Commandeur de Saint-Louis. Il laisse derrière lui un fonds documentaire volumineux couvrant l'histoire de l'infanterie française de l'Ancien Régime à la Grande Armée. Une modeste partie de ce fonds (1733 messages expédiés, 520 reçus et 258 « ordres du jour ») est la base de cette étude sur la vision française de la première année de la République helvétique « une et indivisible ». Ce fonds documentaire est complété par des documents tirés des archives historiques du SHD et des Archives nationales. L'introduction se pouruit par une présentation critique de l'historiographie consacrée (fin du XIXe siècle au début du XXIe), tant à l'Helvétique qu'aux armées du Directoire. Partie 1 : La « Campagne d'Helvétie » de 1798, les événements Cette partie restitue les événements en Suisse dans la perspective française. Cela permet de mieux appréhender la matérialité des faits, souvent présentés de manière lacunaire, partiale, voire fantaisiste par l'historiographie militaire suisse. Sont ainsi mis en lumière la mise sur pied tardive de la force offensive fin janvier 1798 et la campagne conduite par Brune (depuis le dud) et son subordonné Schauenburg (depuis le nord) contre Berne (févier – 5 mars 1798). Brune part vers l'armée d'Italie, passant le commandement à Schauenburg (28 mars). La proclamation de la République helvétique (12 avril) précède l'évocation des combats menés contre ceux qui refusent le nouvel ordre : les ci-devant « Petits Cantons », réunis en un seul nouveau canton (27 avril – 2 mai) puis les révoltés Haut-Valaisans à Sion (15-17 mai). Pour tous ces événements la réalité des actions et pertes françaises (pour la première fois) a été établie sur la base des registres matricule pour être mis en perspective avec les évocations antérieures, toujours très exagérées. La phase de stabilisation du nouveau régime au cours l'été 1798 évoque les quelques opérations de police menées contre certaines communes rétives. Le décret du Corps législatif du 12 juillet imposant la prestation du « serment patriotique » sur la constitution remet le feu aux poudres dans certaines parties, surtout catholiques, de la Suisse centrale et orientale. La période se clôt par la conclusion du « Traité d'alliance offensive et défensive » du 19 août entre la France et la Suisse, transférant la charge d'entretien des troupes de l'Helvétique à la France d'une part et la persistance du refus du serment en Nidwald. Les opérations menées contre Stans, aboutissant au « Schreckenstag » du 9 septembre sont évoquées en déterminant aussi précisément que possible les causes et responsabilités des exactions commises. Présentées avec des cartes, toutes ces opérations du 12 avril au 9 septembre sont menées par les troupes françaises sur mandat exclusif des autorités helvétiques. Simultanément, l'armée française présente en Suisse doit prévoir une position défensive avancée contre l'Autriche et la 2e coalition qui se met en place en fin d'année 1798. Elle occupe dès lors la Suisse orientale de Schaffhouse à la Landquart (frontière avec les Ligues Grises) et fait passer des troupes sur le flanc sud du Saint-Gothard, dans les nouveaux cantons de Bellinzone et de Lugano. Tous ces mouvements sont rendus complexes par les contraintes imposées par le terrain, le climat et la pauvreté structurelle, surtout alimentaire, des régions concernées. Les tensions montent dès l'occupation des Grisons par les Autrichiens (18 octobre). La coordination avec l'armée d'Italie s'impose, complexe à mettre en place en raison de la valse-hésitation du Directoire parisien. C'est dans ce contexte de tensions internationales croissantes que le commandement passe de Schauenburg à Masséna le 12 décembre. Partie 2 : L'armée française en Suisse : des troupes avec leurs cadres Cette partie présente en détail l'armée française intervenant en Suisse sous les ordres de Schauenburg. L'essentiel de l'analyse concerne les demi-brigades d'infanterie, 15 de ligne et 5 légères, ainsi que 12 régiments montés : hussards (3), chasseurs à cheval (2), cavalerie « lourde » (3) et dragons (4). Sont d'abord analysés les historiques des amalgames dans l'infanterie, avec des tableaux détaillés dans les annexes. Ensuite pour toutes les troupes, les corps des officiers (1482 individus) sous les aspects de l'évolution de leurs carrières et, si possible de leurs qualifications. L'analyse de la troupe se fait sur la base d'échantillons sélectionnés (2370 hommes) selon le critère de ce qui les relie à l'année 1798 en Suisse (promotions, désertions, décès, jugements etc.). Les structures d'âge à l'incorporation et en 1798 de l'ensemble des militaires étudiés (troupe et cadres) sont aussi analysées. Ces éléments sont synthétisés dans une série de tableaux figurant dans les annexes. Les actions et mouvements menés par chacun de ces corps lors de leur séjour en Suisse complètent ce tableau. Les états-majors et corps des officiers font l'objet d'une étude plus approfondie, comme aussi les administrations avec une attention particulière accordée à l'organisation de la logistique, problème majeur dans le séjour en Suisse. Un bref chapitre met en évidence la question de la présence feminine. Cette brièveté est le reflet de l'extrême rareté d'informations les concernant dans la correspondance. Enfin il y a une étude de l'instruction, de la formation et de l'évaluation des troupes. Cette partie intègre les informations des effets organisationnels et opératifs pour une aréme en campagne de la proclamation de la loi Jourdan-Debrel (5 septembre) instaurant la conscription en France. Partie 3 : Les relations entre les différents acteurs : troupes, autorités, population civile Résultant des parties précédentes, cette 3e partie permet de mettre en évidence l'évolution des rapports entre les différents « acteurs » intervenant dans ces événements. Elle montre comment les acteurs ont interagi, quels ont été leurs faits et gestes et comment la postérité les a interprétés. Sont passés en revue les questions du comportement des soldats, tant à l'égard de leurs cadres et de l'armée en général qu'à l'égard des populations au sein desquelles ils sont amenés à vivre au quotidien. Les relations des corps avec les administrations, tant militaires et politiques françaises que civiles suisses des différents niveaux : communal, cantonal et national au sens helvétique du terme, donc les Municipalités, Chambres administratives, Préfets et Directoire exécutif forment une approche complémentaire. Cinq sections étudient ces différents aspects. La première se penche sur les relations entre la troupe et sa hiérarchie d'une part, la population civile de l'autre. Au coeur de la question se trouve celle du respect de la discipline, des efforts déployés pour l'assurer et la prise en compte des critiques, directes ou au travers de la presse. Les relations entre les forces armées et leurs autorités de tutèle, tant françaises que helvétiques forment la deuxième approche. Le général en chef Schauenburg est au coeur de toutes ces interactions, devant concilier les besoins directs de la troupe avec ceux de la population et accorder son action aux exigences stratégiques de Paris d'une part aux besoins sécuritaires du gouvernement helvétique au service duquel il est également. Cette posture évolue au cours de l'année et prend une forme stabilisée par le traité d'alliance du 19 août entre les deux nations. C'est un écheveau de relations complexes aux exigences parfois contradictoires, délicates politiquement et miliairement. Le troisième axe approfondit les aspects logistiques et financiers de la campagne. C'est celui qui a laissé les traces les plus profondes dans l'historiographie, imprimant une image durablement négative de la période. Sans remettre en cause la charge considérable qu'a représenté pour l'Helvétique le séjour et l'entretien des troupes françaises sur son sol, ce chapitre interroge les mécanismes, les dysfonctionnements, les spécificités des différents services concernés (subsistances, fourrages, habillement, hôpitaux, finances). Une partie des montants engagés, tirés des caisses des anciens cantons, ont été injectés dans le circuit économique intérieur suisse. La portée financière précise devra faire l'objet d'études ultérieures, complexes et délicates vu la dissémination des données. L'analyse des événements a aussi permis de mettre lumière un aspect trop peu étudié par le passé : les conséquences du passage à différents moment de l'année de demi-brigades et d'innombrables détachements plus réduits de troupes montées ou d'artillerie (6 demi-brigades et 2 régiments de hussards en mai-juin, 10 compagnies d'artillerie en juillet, 8 demi-brigades en septembre-octobre). Ces passages ont des effets délétères sur les populations traversées en raisons des lacunes du service logistique au printemps. En automne, c'est l'itinéraire choisi (identique à celui du printemps, faisant souffrir les mêmes citoyens) qui est en contradiction formelle avec le traité d'alliance. Les routes de transit (d'ouest en est) accordées devaient soit longer le Rhin pour passer en Cisalpine par les Grisons, soit suivre l'axe Léman puis de la vallée du Rhône jusqu'au Simplon. Or c'est une variante nord-sud qui est utilisée, entrant par Bâle ou Nidau et ressortant par le Grand Saint-Bernard, en passant en terres bernoises, fribourgeoises, vaudoises et valaisannes. Il ressort de l'étude de détail des effets des passages que ce sont surtout les groupes de soldats isolés, les lâchés par la rapidité de la marche, voire les déserteurs rentrant vers la France qui posent les vrais problèmes. A cela s'ajoutent dès novembre les passages de détachements de conscrits (non formés et souvent indisciplinés) qui rejoignent leurs corps engagés en Suisse. L'ensemble des problèmes relevés a permis de discerner dans le 5e axe les mesures prises par l'armée pour sanctionner les abus et délits commis par les militaires de tous grades au travers de l'étude de l'application de la justice militaire française. Ce chapitre présente les principes de son fonctionnement formel supposé avant de se pencher sur son application réelle par le Conseil de guerre exerçant en Suisse. Ce sont ainsi 436 jugements qui ont été passés au crible dont un tiers concernent des crimes et délits commis contre la population civile. L'ensemble de la casuistique est présentée, analysée en détail quant aux 395 prévenus, jugements prononcés, procès en révision, exécution des peines voire acquittements prononcés, résumés aussi en tableaux dans les annexes. Conclusions générales De nombreuses conclusions intermédiaires figurent au fil des chapitres évoqués plus haut, faisant en quelque sorte des bilans spécifiques. La conclusion générale finale aboutit au constat que cette première année d'occupation de l'Helvétique par les troupes françaises met en évidence divers points forts généraux. En premier lieu le rôle central du commandant en chef, tant par la position qu'il occupe que par sa personnalité. Il veut frapper aussi vigoureusement que possible, mais avec autant de retenue que nécessaire. Il doit concilier les exigences des autorités françaises et helvétiques avec le contrôle et le commandement qu'il exerce sur les troupes sous ses ordres, des cadres supérieurs les plus proches aux soldats en poste dans les endroits les plus reculés. Il y a ensuite les multiples problèmes posés par les questions logistiques. Mieux ce service fonctionne, moins il y a de frictions avec la population civile. L'analyse comparative des situations tant en Suisse que dans des régions voisines françaises permet de dégager une problématique de relations entre civils et militaires bien plus qu'entre Suisses et Français. Le décalage entre les réalités du terrain et leur perception par les autorités parisiennes ressort aussi fortement, aboutissant à exacerber des tensions tant internes au système français que dans les rapports bilatéraux entre les « républiques soeurs ». Au bilan, l'arrivée des troupes françaises en Suisse demeure une guerre d'agression menée contre un pays voisin et non d'une « libération » comme cela figure dans le discours officiel de l'époque. Mais, contredisant la majorité de l'historiographie suisse consacrée à cette période, le comportement des troupes a été celui de soldats se comportant « comme à la maison », donc n'ayant ni plus ni moins d'égards face aux civils qu'en France. Pour les brèves, mais parfois (trop) violentes opérations militaires menées en avril-mai et septembre, l'action a toujours et uniquement pour base des décisions purement helvétiques (le ralliement à la constitution, la prestation du serment patriotique), les troupes françaises étant le seul « appareil réressif » dont dispose le nouveau pouvoir. Cela permet de considérer les opérations contre les « Petits Cantons », les Haut-Valaisans germanophones et les insurgés de Stans comme des séquences de guerre civile plus que de guerre interétatique, Paris n'ayant aucune part directe dans la conduite de ces actions, en étant seulement informé à postériori. C'est bien le rapport entre un monde militaire vivant sa dynamique propre et une société civile qui n'en comprende pas les besoins qui est donc au centre d'une question de régime politique bien plus qu'une problématique franco-suisse. Annexes Comme cela a été mentionné plus haut, un important volume d'annexes complète le travail. Les nombreux tableaux ont été cités, synthétisant les amalgames des demi-brigades d'infanterie, présentant pour la grande majorité des corps les mutations et structures d'âge, carrières et qualifications des officiers. On y trouve aussi les plans de relève des troupes d'infanterie et montées, l'évolution décadaire des effectifs de l'armée, les tableaux des inculpations et jugements de la justice militaire. On y trouve aussi la transcription intégrale de 120 des plus de 2'700 documents consultés et une série de notices biographiques concernant tant des Français que des Suisses et des étrangers (essentiellement Autrichiens) : des officiers supérieurs (31+10) et généraux (26+3+4) et des
La Réformation des clercs. Ancienne Confédération helvétique, 1525-1535
2018-5-31, Aberle, Marc, Flückiger, Fabrice, Christin, Olivier
Au tournant des années 1530, nombre de clercs se retrouvent devant un choix difficile : s’engager pour la Réforme ou en combattre les principes. Cet article s’intéresse au cas helvétique, où prêtres, moines et prédicateurs qui embrassent la nouvelle foi doivent composer avec des magistrats qui se pensent comme garants du salut, mais aussi convaincre des communes où le choix de religion ferait l’objet d’un vote. Inscription dans des contextes politiques précis, conditions sociales de l’engagement des clercs, importance prise par la connaissance de la Parole de Dieu au détriment de l’ordination pour être autorisé à parler du salut sont ici abordées pour montrer que les doctrines réformées ne s’imposèrent pas d’elles-mêmes, comme par leur vertu propre, mais parce que des hommes capables de porter ces idées en raison de leurs propriétés et de leur position sociales relevèrent le défi. Cette approche permet de saisir la logique de choix qui sont à la fois individuels et portés par des aspirations collectives, et de comprendre le rôle des habitus professionnels et des rapports de force locaux pour la Réforme dans le contexte particulier de l’Ancienne Confédération helvétique.
Marie mondialisée. L'Atlas Marianus de Wilhelm Gumppenberg et les topographies sacrées de l'époque moderne
2014, Christin, Olivier, Flückiger, Fabrice, Ghermani, Naïma
Grandes découvertes et évangélisation des Amériques, possibilités de reproduction à l’infini des images et des récits offertes par l’imprimerie, circulation sans précédent des objets, des produits et des personnes. Aux XVIe-XVIIe siècles, de nouvelles conditions historiques font que les images de la Vierge Marie, soudainement, se multiplient, se diversifient, s’exportent partout dans le monde, ou presque. Cette mondialisation de Marie, qui s’observe dans la littérature spirituelle et dans l’iconographie, porte quelques auteurs audacieux, souvent liés aux ordres religieux qui participaient au premier chef à ces échanges de biens symboliques, à entreprendre le recensement et le classement des images dans de vastes ouvrages encyclopédiques, dont l’Atlas Marianus du jésuite Wilhelm Gumppenberg est l’exemple le plus abouti. Ces ouvrages, les topographies sacrées, sont aussi l’occasion pour certains auteurs de se prononcer sur l’équilibre du monde, l’organisation de l’univers et la réalité des miracles avec l’ambition de contrecarrer les périls du temps : les attaques protestantes contre le culte de Marie et des saints, les positions des philosophes de la nature et des savants qui doutaient de l’action de forces surnaturelles invisibles mais irrésistibles, et les progrès de l’astronomie qui tendaient à vider les Cieux de toute présence surnaturelle et à laisser l’homme seul face à l’univers. Parler de Marie, c’était parler du monde comme il devait aller, un monde où Dieu ne se cachait pas. C’est ce moment clé de l’aventure de la science jésuite et de cette ultime tentative pour mettre tous les savoirs anciens et modernes au service de la foi que cet ouvrage entend retracer, en croisant histoire de l’art et histoire des sciences, anthropologie historique et histoire religieuse.
Jeux de rois. France et Angleterre à l’heure de l’absolutisme naissant (1610-1642)
2023-11-25, Boyko, Maxim, Christin, Olivier
Les monarques « pré-absolutistes » de la première moitié du XVIIe siècle avaient-ils l’appareil diplomatique correspondant à leur politique – c’est-à-dire les moyens de leurs fins – ou la politique de leur appareil diplomatique ? L’objectif principal de cette thèse vise à approfondir nos connaissances sur les relations entre la France et l’Angleterre depuis la mort d’Henri IV en 1610 jusqu’à l’année 1642, marquée à la fois par la disparition de Richelieu et le déclenchement de la révolution sur les îles Britanniques. L’étude de cette période – qui nous paraît être familière tout en restant peu étudiée et globalement perçue au prisme des romans d’Alexandre Dumas – ne se veut pas être un simple récit chronologique et événementielle des interactions politico-diplomatiques franco-anglaises, mais a pour objet d’analyser la structure et le fonctionnement de l’appareil diplomatique des deux états modernes ainsi que le jeu de ses représentants, afin d’essayer de comprendre comment l’état des structures administratives et la sociologie des acteurs diplomatiques ont pesé sur le cours des événements politiques entre les deux Couronnes. Ainsi, cette étude s’attachera à mettre en lumière certains traits majeurs de la diplomatie dans la première modernité, telle qu’elle ressort de l’étude des rapports franco-anglais : encore peu structurée sur le plan administratif et donc en retard dans la « modernisation » des instruments de l’État « pré-absolutiste », elle est l’outil d’une politique extérieure déjà intense mais protéiforme, qui emprunte plusieurs canaux pas encore exclusifs les uns des autres, mais n’en suit pas moins des codes et des protocoles très précis, dont chaque détail était investi d’un sens politique. La diplomatie peut alors à ce titre être vue comme un ensemble de rituels, une « chorégraphie » politique qui avait ceci de paradoxal que les figures étaient imposées avec une grande précision, sans être pour autant confiées à un appareil administratif structuré. En l’absence de ce dernier, le personnage de l’ambassadeur n’en est que plus central dans la diplomatie, dont il exécute les actes comme les figures d’un ballet ou d’une pièce théâtrale. À cet égard, cette thèse vise également à proposer une étude socio-professionnelle des ambassadeurs dont le but est de cerner la composition du vivier diplomatique dans lequel les monarchies puisaient afin de trouver des candidats, de comprendre comment les futurs représentants se préparaient à exercer leurs fonctions à l’étranger et de mettre en lumière les raisons du recrutement et du choix de tel ou tel homme. Qui plus est, cette étude – comparative par sa nature même – permettra de poser la question de la professionnalisation de l’activité diplomatique, inégale en France et en Angleterre, mais partout inaboutie. Par ailleurs – et c’est là un autre trait que ce travail vise à mettre en exergue – les ambassadeurs n’avaient pas le monopole des relations diplomatiques. Elles étaient aussi le fait d’une multitude d’autres acteurs, peu articulés, de tous rangs et de toute nature, qui, foisonnant entre les deux rives de la Manche, conduisaient des missions tant officielles qu’officieuses et se trouvaient de plus en plus nombreux à jouer un jeu dans les interactions entre les deux Couronnes. Enfin, nous proposerons, dans la lignée des éléments précédents, une lecture renouvelée de certains grands mouvements politiques et stratégiques des années 1610-1642 à la lumière d’une étude structurelle de l’appareil politico-diplomatique, appuyée notamment sur l’exploitation de la correspondance diplomatique et des écrits privés des acteurs. Puiser dans ces fonds, issus des archives tant anglaises que françaises, mais aussi de tierces puissances telles que Venise, permet de s’affranchir de prismes nationaux de lecture des événements, prismes dont l’influence reste prégnante dans toute la période qui nous intéresse.
De la coutume au code:: résistances à la codification du droit civil à Neuchâtel sous l'Ancien Régime
2018, Wyssbrod, Adrien, Christin, Olivier, Dunand, Jean-Philippe, Chaix, Gérald, Tappy, Denis
Le droit civil dans la principauté de Neuchâtel reste coutumier durant tout l'Ancien Régime. Malgré une volonté en apparence affirmée de codifier, les princes de Neuchâtel successifs ne parviennent pas à faire rédiger cette coutume. Leurs rêves de codifications s'inscrivent parfaitement dans les idées des Lumières et les souverains sont soutenus par les philosophes. Pourquoi, dans une petite principauté telle que celle de Neuchâtel, régie par de puissants souverains comme Frédéric II, la mise par écrit du droit se révèle-t-elle impossible ? Quelles résistances un tel projet rencontre-t-il, qui en sont les acteurs et comment agissent-ils ? Les réponses à ces questions ne peuvent être données qu'à la suite d'une analyse minutieuse de l'imposante masse de documents concernant la codification. Une fois ce phénomène éclairci, la comparaison du modèle neuchâtelois avec d'autres exemples de résistances à la codification permet de faire apparaître des constantes et des particularités dans ces oppositions. Ces informations, replacée dans le contexte de la fin de l'Ancien Régime permet d'observer et de mieux comprendre ces sociétés à un tournant de la modernité. La conception même de la souveraineté, de la domination et du pouvoir peuvent être interrogés au moyen de ces entreprises de codification qui ne parviennent que difficilement à aboutir, ou échouent simplement. Les résistances à la codification ne doivent être observées ni comme un phénomène anecdotique et provincial ni comme un mal à surmonter pour parvenir au code. Elles sont interrogées comme le miroir d'une société que rejette de manière parfaitement légitime une transformation du système juridique aujourd'hui faussement considérée comme une évolution forcément bénéfique. Quant à la réaction des princes face à cette opposition, elle témoigne du choix complexe et détermine quant à la figure du pouvoir qu'ils souhaitent incarner., Civil law in the Principality of Neuchâtel remained customary throughout the “Ancien Régime”. Despite a seemingly strong desire to codify, successive princes of Neuchâtel were unable to get this custom written. Their dreams of codifications were totaly in accordance with the ideas of the Enlightenment and the sovereigns were supported by philosophers. Why, in a small principality like Neuchâtel, governed by the powerful sovereigns Frederick II, was it impossible to put the law in writing? Which resistance did such a project encounter? Who are its actors and how do they act? The answers to these questions can only be given following a careful analysis of the large volume of codification documentation. Once this phenomenon has been clarified, the comparison of the Neuchâtel model with other examples of resistance to the codification makes it possible to reveal constants and particularities in these oppositions. This information placed in the context of the end of the “Ancien Régime”, allows us to observe and better understand these societies at a turning point in modernity. The conception of sovereignty, domination and power can be examined by means of these codification endeavours, which either failed only with difficulty or simply failed. Resistance to codification should not be observed either as an anecdotal and provincial phenomenon or as an evil to be overcome to reach the code. They are questioned as the mirror of a society which rejects in a perfectly legitimate way a transformation of the legal system today falsely considered as a necessarily beneficial evolution. As for the reaction of the princes of this opposition, it testified to the complex choice and determined the power figure they wished to embody.
Rendre visible la frontière confessionnelle. L’‹ Atlas Marianus › de Wilhelm Gumppenberg
2008, Christin, Olivier
Querelles de clocher dans l'Ancienne Confédération helvétique (1520-1540). Collateurs, dîmes et Réforme
2019-6-12, Aberle, Marc, Christin, Olivier
Au cours des années 1520-1540, l’introduction de la Réforme en Suisse s’accompagne d’innombrables querelles portant sur la destination des dîmes, sur les droits de collation, l’entretien du clergé, ou encore sur l’utilisation et la réparation des bâtiments dédiés au culte. À travers ces conflits, les autorités séculières et les communautés d’habitants cherchent non seulement à favoriser ou à bloquer la progression des idées nouvelles, mais aussi à promouvoir leurs intérêts particuliers et temporels. Les droits de collation et de patronage, les nombreux traités de combourgeoisie et les paix nationales deviennent dès lors autant de leviers juridictionnels mis à disposition de ces divers protagonistes – institutions, collectifs, individus – qui en font certes usage par la conviction d’assurer, par ces divers moyens, leur salut et celui de leurs alliés, mais aussi dans le but d’obtenir des concessions à propos de litiges plus terre-à-terre et déjà anciens. Cet article montre ainsi que la Réformation n’est pas uniquement affaire de conviction et d’aspirations intimes, mais qu’elle est aussi l’objet de tractations juridiques et économiques qui redessinent la carte confessionnelle et politique de l’Ancienne Confédération helvétique. La vallée de Moutier, troublée par une discorde qui dure plusieurs années et lors de laquelle deux cantons séparés par la confession sont amenés, en raison des circonstances, à s’allier pour exiger des communautés d’habitants qu’elles versent la dîme à leurs collateurs, offre un exemple éclairant de la complexité et de la fragilité qui accompagne l’implantation de la Réformation en Suisse, où la révolution religieuse est également procédurière.
L'Atlas Marianus de Wilhelm Gumppenberg. Edition et traduction
2015, Flückiger, Fabrice, Balzamo, Nicolas, Christin, Olivier
Au lendemain de la guerre de Trente Ans (1618-1648) paraissait à Munich un ouvrage singulier, l’Atlas Marianus du jésuite Wilhelm Gumppenberg. Entre topographie sacrée et encyclopédie de la Vierge, ce livre encouragé par la compagnie de Jésus répertoriait tous les lieux de pèlerinage et les innombrables miracles accomplis par les images vénérées de la Mère de Dieu. Déployant minutieusement les preuves de la puissance de la Reine des Cieux dans cette Europe morcelée entre des confessions ennemies, mais aussi en Asie et dans l’Amérique latine fraîchement christianisée, Gumppenberg érigeait Marie en une figure à la fois universelle et mondialisée. L’Atlas Marianus connut plusieurs éditions latines et allemandes ; il eut une influence décisive jusqu’au xixe siècle avant de tomber dans l’oubli. Riposte aux protestants qui récusaient vigoureusement l’efficacité des saintes images, il entendait aussi répondre aux philosophes de la nature et aux savants peu convaincus de l’effectivité du miracle et de son évidence. Devant la menace de voir le ciel et la terre se vider de la présence divine, les jésuites présentèrent avec lui leur contre-attaque, en convoquant attestations savantes, sources historiques et témoins irréprochables. Avec son abondante illustration, le livre permettait aussi à ses lecteurs un pèlerinage visuel vers des lieux lointains et offrait à tous, dévots et artistes, un véritable répertoire des visages de la Vierge. Marie mondialisée offre la première édition moderne annotée de cet ouvrage majeur pour l’histoire de l’art et l’histoire religieuse d’une période marquée par le défi de la Révolution scientifique et de la confessionnalisation.