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Légitimité et légalité: considérations (sur la loi et la justice) à l'image de deux grands procès politiques
Auteur(s)
Mateva, Milena
Editeur(s)
Date de parution
2006
Mots-clés
Résumé
Le but de la présente recherche est d’apporter une contribution, sur la base d’analyse de textes doctrinaux et de dossiers judiciaires, au débat sur les métamorphoses de l’Etat en tant que forme organisationnelle du genre humain. Le problème traité est formulé dans les termes suivants: quels sont et comment sont fondés les modes de légitimité dominant l'espace européen à la fin du XX-ème siècle et comment s'inscrivent-ils dans l'héritage de l'Etat moderne naissant. La recherche se conclut par une comparaison de la conception légitimatoire jus-naturaliste (H. Grotius, T. Hobbes, S.v. Pufendorf, J. Locke) avec les développements actuels (représentés par le procès Barbie à Lyon en 1987 et le procès Honecker à Berlin en 1992-1993) de la conception légitimatoire véhiculée par la jurisprudence de Nuremberg. La conception légitimatoire jus-naturaliste 1. Le jus-naturalisme classique consacre théoriquement la légitimité à base souverainiste, donc l'incorporation. Le corps public est doté, avec l'acte de son institution par les contractants libres, d'un esprit commun (la volonté générale), représentant la source de la souveraineté. La personne artificiellement créée - la personne politique - a une existence palpable au-dessus des existences particulières: c'est un Dieu artificiel, création humaine. 2. Les lois naturelles contenant les préceptes de la raison et de l'équité préexistent à la législation humaine et jouissent, en quelque sorte, du statut de vérité juridique. La pièce de la législation étatique se joue sur le terrain de la découverte et de l'exégèse des lois naturelles. L'homme naturel étant, dans sa solitude originelle, sans repères lui permettant de reconnaître infailliblement les préceptes de la raison, la légalité forme son guide de comportement. C'est une astuce civilisationnelle de la communauté assurant l'accès du particulier à la légitimité. 3. Le détenteur de la souveraineté n'est pas disponible, dans sa personne politique, à une juridiction humaine. Son immunité de juridiction est le garant de la souveraineté. Une atteinte à cette immunité signifierait une mise en question du corps politique. Seul Dieu a juridiction sur le détenteur de la souveraineté. La conception légitimatoire de la jurisprudence de Nuremberg (ses développements actuels) 1. La jurisprudence de Nuremberg représente en premier lieu une attaque frontale contre l'immunité de juridiction de la personne politique. Dans tous les procès en cause sont jugés des ex-dirigeants d'Etat (à l'exception de Klaus Barbie, fonctionnaire de rang moyen), pour des actes d'Etat. Par ce procédé, la jurisprudence de ce type nouveau réduit l'homme d'Etat à un homme tout court, fait disparaître l'impact de la spécificité représentative de sa personne politique, et en fin de compte sa majesté. 2. Par la formule "injustice légale et droit supra-légal", avancée par Gustav Radbruch, qui résume la quintessence de la démarche innovatrice de Nuremberg, la légalité est détrônée de son rôle d'unique repère pour le comportement légitime et sa validité est conditionnée par la nature du régime politique. La légalité conserve sa validité dans le système de l'Etat de droit. Par contre, dans les situations de crise légitimatoire de la légalité, le rôle de repère est en partie substitué par un autre chaînon intermédiaire, à savoir la non-répréhensibilité, cette dernière pouvant être déterminée par une juridiction conforme à l'Etat de droit, et au regard des principes universels du droit, reconnus par tous les peuples civilisés. 3. En fin de compte, par les procédés décrits ci-dessus, la jurisprudence de Nuremberg aboutit à l'avènement d'une tendance de désincorporation et de légitimité principielle: les lois naturelles sont remplacées par des principes extraits de la pratique des peuples civilisés; la contractualité planétaire engage directement les individus. La critique conceptuelle de la légitimité principielle Les adversaires de la jurisprudence de Nuremberg voient se profiler, par le biais de la prétention universaliste, une sorte de Realpolitik bis: la subversion de la souveraineté de certains Etats "paria" et l'imposition d'un système politique uniforme. A l'aide de deux équations politico-juridiques: a) les principes universels du droit sont matérialisés dans le système politique de l'Etat de droit; b) l'Etat de droit est la forme d'Etat implémentée dans les pays de l'Occident, on aboutit à l'affirmation de la suprématie politico-juridique de l'Occident sur le reste de la planète, et au fondement idéologique de son hégémonisme.
Notes
Thèse de doctorat : Université de Neuchâtel, 2006 ; 1886
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Type de publication
doctoral thesis
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