Options
Impacts des changements climatiques sur les insectes ravageurs en Suisse : étude des paramètres climatiques déterminant
Auteur(s)
Schneider, Léonard
Editeur(s)
Date de parution
2023-05-12
Nombre de page
120
Mots-clés
Résumé
Cette thèse de climatologie appliquée s’intéresse aux impacts potentiels des changements climatiques sur les insectes ravageurs en Suisse. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la gestion des forêts et de l’agriculture, et pour leur adaptation aux évolutions climatiques attendues au cours du XXIe siècle. Les ravageurs dépendent fortement des températures pour leur développement, avec des sensibilités différentes selon les espèces. Ce travail cible les paramètres climatiques les plus pertinents dans le contexte suisse. Il s’agit d’une part des températures minimales hivernales, qui jouent un rôle-clé pour la survie des espèces sensibles au froid ; d’autre part, des températures moyennes pendant la période de développement, qui influencent la dynamique des populations, en particulier pour les espèces polyvoltines.
Nous présentons ici l’évolution de ces paramètres en Suisse, dans une approche qui associe des données mesurées sur les 40 dernières années (1980-2021) et des données simulées issues de scénarios climatiques pour les prochaines décennies (2022-2099). Nous avons fixé des seuils de sensibilité climatique pour différentes espèces de ravageurs sur la base de la littérature scientifique. Nous avons ensuite procédé à une analyse qui inclut les principales régions géographiques de la Suisse, ainsi que des classes d’altitude allant du Plateau jusqu’à la limite supérieure de la forêt (~2400 m), incluant ainsi toutes les zones forestières et agricoles du pays. Les données mesurées proviennent de stations du réseau de MétéoSuisse, tandis que les données simulées sont issues du programme CH2018, et se basent sur les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre RCP8.5 et RCP2.6. Le premier prévoit une augmentation continue des émissions annuelles de gaz à effet de serre au niveau mondial durant les prochaines décennies (scénario dit « business as usual »), tandis que le second postule un maximum des émissions durant les années 2020, avant une réduction importante dans les décennies suivantes (scénario qui implique des actions rapides et efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial).
Nos résultats montrent une diminution du nombre de jours froids (Tmin<–8°C et Tmin<–12°C) pendant l’hiver, même si les températures minimales ont moins augmenté pendant l’hiver qu’en moyenne annuelle sur les 40 dernières années. Toutes altitudes confondues, le nombre de jours avec Tmin<–8°C a diminué de 2.36 jours par décennie (p=0.02), tandis que le nombre de jours avec Tmin<–12°C a diminué de 1.02 jours par décennie (p=0.06), bien que de façon non-significative. D’ici la fin du siècle, le seuil de –8°C pourrait n’être atteint plus qu’un hiver sur quatre au-dessous de 500 m, et un hiver sur deux entre 500 et 800 m (scénario RCP8.5). Dans le même temps, le seuil de –12°C pourrait devenir rare au-dessous de 800 m (moins d’un hiver sur six) et être atteint moins d’un hiver sur deux entre 800 et 1700 m.
Concernant les températures moyennes, nos résultats montrent une augmentation légèrement supérieure pendant la saison de développement (avril-septembre) qu’en moyenne annuelle. Le nombre de growing degree days (GDD) au-dessus de 10°C (seuil de développement pour les ravageurs ciblés dans notre étude) a augmenté de 60 par décennie en moyenne, avec des tendances plus fortes à basse altitude (+128 GDD par décennie à basse altitude au sud des Alpes). D’ici la fin du siècle, le nombre de GDD sur le Plateau pourrait correspondre à ce qui est observé actuellement au sud des Alpes, et le nombre de GDD à moyenne altitude (800-1400 m) pourrait atteindre les valeurs actuelles sur le Plateau, selon le scénario RCP8.5. Avec le scénario RCP2.6, la situation reste beaucoup plus stable au cours du XXIe siècle, tant pour les températures minimales hivernales que pour les températures moyennes pendant la saison de développement ; mais les valeurs sont manifestement sous-estimées, en tout cas pour la décennie 2020.
Sur la base de ces résultats, on peut s’attendre à une installation plus facile sur le Plateau pour des ravageurs invasifs sensibles au froid, et à une élévation de l’aire de répartition pour certains ravageurs indigènes, notamment en forêt. Les ravageurs polyvoltins devraient bénéficier des saisons de développement plus chaudes pour produire davantage de générations annuelles. Ainsi, les changements climatiques en cours sont susceptibles d’entraîner une augmentation des dégâts causés par ces espèces dans les prochaines décennies. Pour en déterminer l’ampleur, il faut prendre en considération la complexité des effets des changements climatiques sur les écosystèmes agricoles et forestiers, avec des impacts multiples sur les différentes espèces et sur leurs interactions ; ainsi que les moyens de lutte développés pour lutter contre ces ravageurs. La compréhension de ces mécanismes est fondamentale afin de développer des plans d’adaptation efficaces pour les forêts et l’agriculture face aux changements climatiques attendus pour les prochaines décennies.
Nous présentons ici l’évolution de ces paramètres en Suisse, dans une approche qui associe des données mesurées sur les 40 dernières années (1980-2021) et des données simulées issues de scénarios climatiques pour les prochaines décennies (2022-2099). Nous avons fixé des seuils de sensibilité climatique pour différentes espèces de ravageurs sur la base de la littérature scientifique. Nous avons ensuite procédé à une analyse qui inclut les principales régions géographiques de la Suisse, ainsi que des classes d’altitude allant du Plateau jusqu’à la limite supérieure de la forêt (~2400 m), incluant ainsi toutes les zones forestières et agricoles du pays. Les données mesurées proviennent de stations du réseau de MétéoSuisse, tandis que les données simulées sont issues du programme CH2018, et se basent sur les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre RCP8.5 et RCP2.6. Le premier prévoit une augmentation continue des émissions annuelles de gaz à effet de serre au niveau mondial durant les prochaines décennies (scénario dit « business as usual »), tandis que le second postule un maximum des émissions durant les années 2020, avant une réduction importante dans les décennies suivantes (scénario qui implique des actions rapides et efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial).
Nos résultats montrent une diminution du nombre de jours froids (Tmin<–8°C et Tmin<–12°C) pendant l’hiver, même si les températures minimales ont moins augmenté pendant l’hiver qu’en moyenne annuelle sur les 40 dernières années. Toutes altitudes confondues, le nombre de jours avec Tmin<–8°C a diminué de 2.36 jours par décennie (p=0.02), tandis que le nombre de jours avec Tmin<–12°C a diminué de 1.02 jours par décennie (p=0.06), bien que de façon non-significative. D’ici la fin du siècle, le seuil de –8°C pourrait n’être atteint plus qu’un hiver sur quatre au-dessous de 500 m, et un hiver sur deux entre 500 et 800 m (scénario RCP8.5). Dans le même temps, le seuil de –12°C pourrait devenir rare au-dessous de 800 m (moins d’un hiver sur six) et être atteint moins d’un hiver sur deux entre 800 et 1700 m.
Concernant les températures moyennes, nos résultats montrent une augmentation légèrement supérieure pendant la saison de développement (avril-septembre) qu’en moyenne annuelle. Le nombre de growing degree days (GDD) au-dessus de 10°C (seuil de développement pour les ravageurs ciblés dans notre étude) a augmenté de 60 par décennie en moyenne, avec des tendances plus fortes à basse altitude (+128 GDD par décennie à basse altitude au sud des Alpes). D’ici la fin du siècle, le nombre de GDD sur le Plateau pourrait correspondre à ce qui est observé actuellement au sud des Alpes, et le nombre de GDD à moyenne altitude (800-1400 m) pourrait atteindre les valeurs actuelles sur le Plateau, selon le scénario RCP8.5. Avec le scénario RCP2.6, la situation reste beaucoup plus stable au cours du XXIe siècle, tant pour les températures minimales hivernales que pour les températures moyennes pendant la saison de développement ; mais les valeurs sont manifestement sous-estimées, en tout cas pour la décennie 2020.
Sur la base de ces résultats, on peut s’attendre à une installation plus facile sur le Plateau pour des ravageurs invasifs sensibles au froid, et à une élévation de l’aire de répartition pour certains ravageurs indigènes, notamment en forêt. Les ravageurs polyvoltins devraient bénéficier des saisons de développement plus chaudes pour produire davantage de générations annuelles. Ainsi, les changements climatiques en cours sont susceptibles d’entraîner une augmentation des dégâts causés par ces espèces dans les prochaines décennies. Pour en déterminer l’ampleur, il faut prendre en considération la complexité des effets des changements climatiques sur les écosystèmes agricoles et forestiers, avec des impacts multiples sur les différentes espèces et sur leurs interactions ; ainsi que les moyens de lutte développés pour lutter contre ces ravageurs. La compréhension de ces mécanismes est fondamentale afin de développer des plans d’adaptation efficaces pour les forêts et l’agriculture face aux changements climatiques attendus pour les prochaines décennies.
Notes
UniNE, FLSH, Institut de géographie, , soutenue le 12 mai 2023
Identifiants
Type de publication
doctoral thesis