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Manufacturing Difference : Double Standard in Swiss Institutional Responses to intimate Partner Violence
Maison d'édition
Neuchâtel
Date de parution
2019
Mots-clés
Résumé
Grâce aux efforts des mouvements féministes, les violences faites aux femmes sont maintenant reconnues internationalement comme un problème public. Cependant, bien que ce type de violences ait été originairement problématisé comme étant intrinsèquement lié aux rapports sociaux de sexes inégalitaires, les politiques et débats publics en Europe en général et en Suisse en particulier, tendent désormais à se focaliser sur la thématique de la migration, pour comprendre et expliquer ces violences. De ce fait, certaines formes des violences faites aux femmes qui touchent a priori davantage les populations migrantes, tel que « le mariage
forcé », les « mutilations génitales féminines » ou les « crimes d’honneur » se trouvent fréquemment au centre de ces politiques publiques. Cette approche suggère que ce phénomène reste l’apanage des populations migrantes. Bien que plusieurs études aient critiqué l’instrumentalisation de la rhétorique de « l’égalité de genre » ou des « droits des femmes » participant à la racialisation des violences faites aux femmes, ces critiques se sont le plus souvent concentrées sur ces mêmes formes de violences attribuées aux migrant.e.s. Cette recherche propose une approche alternative. Elle se concentre sur le problème public des « violences conjugales », qui est reconnu comme un problème de santé publique général dans beaucoup de pays européens. Cette approche permet de mettre à nu les mécanismes qui fabriquent la différence entre divers groupes sociaux tels que les « nationales/nationaux » et les « migrant.e.s » par les institutions de l’État.
C’est au moyen d’une démarche ethnographique « multisituée » au sein de trois institutions publiques en charge de la prise en charge des violences conjugales en Suisse romande que ce travail étudie cette fabrique de la différence. Les observations participantes au sein d’une unité de police, d’un service hospitalier et d’un refuge pour les victimes de violences conjugales, et innombrables entretiens ethnographiques, sont complétées par 56 entretiens d’expert réalisés avec les agent.e.s. Le travail de terrain s’est déroulé sur 18 mois entre 2014 et 2016. L’analyse du discours et des pratiques de ces agent-e-s envers les protagonistes des cas portés à leur connaissance permet de juxtaposer les récits des cas similaires, mais perçus différemment par les agent.e.s de l’État.
Une analyse rapprochée des réponses institutionnelles aux violences conjugales démontre en premier lieu que le cadrage général des politiques publiques actuelles concernant les violences conjugales évacue le système de genre et reste muet quant aux rapports sociaux de sexes inégalitaires dans la sphère intime. Ce cadrage interprète ces violences, non pas par le système de genre, mais par des caractéristiques individuelles telles que problèmes psychologiques ou consommation d’alcool ou substances illicites. Les violences sont donc expliquées comme relevant de l’individu et non pas du social. En deuxième lieu, lorsque ces violences impliquent des étranger.ère.s, venant du « Sud », une conception racialisée de la culture est mobilisée, visibilisant ainsi la domination masculine et analysant ces violences par des rapports sociaux de sexes inégalitaires qui seraient inhérents à « certaines cultures ». Ainsi, la visibilisation du genre dans certains des cas et son occultation dans d’autres, fabrique une différence racialisée/ethnicisée entre divers bénéficiaires de l’action publique, la faisant correspondre avec les différences morales entre une catégorie altérisée, les « Autres » et une catégorie civilisée, le « Nous ». Les conséquences pratiques de cette fabrique des différences sont également démontrées dans le travail.
Cette étude des réponses institutionnelles aux violences conjugales en Suisse et la manière dont celles-ci se différencient en fonction de divers types de populations permettent de contribuer à différents débats académiques actuels. Premièrement, des mécanismes similaires de la « racialisation du sexisme » ont été observés dans d’autres contextes européens. Cette étude du contexte suisse contribue à ce champ ainsi qu’aux champs plus larges des études postcoloniales et des critical race studies. Deuxièmement, cette étude contribue au champ des études sur les violences faites aux femmes, qui sont souvent étudiées, ou bien de manière
globale et sans distinction des groupes sociaux touchés, ou à l’inverse, en s’intéressant exclusivement aux types spécifiques des violences perçues comme « pathologies culturelles » et touchant particulièrement les populations migrantes. L’originalité de la démarche méthodologique de ce travail permet enfin de démontrer comment la sociologie de migration peut être dé-ethnicisée. Plutôt que d’étudier les « migrant.e.s », cette étude change le focus et regarde tous et toutes les bénéficiaires de l’action publique et leurs relations avec les institutions. Ce changement de regard permet d’interroger de manière critique la construction
sociale de la catégorie des « migrant.e.s » en étudiant les conditions et le contexte où ces personnes sont catégorisées et labellisées comme telles.
forcé », les « mutilations génitales féminines » ou les « crimes d’honneur » se trouvent fréquemment au centre de ces politiques publiques. Cette approche suggère que ce phénomène reste l’apanage des populations migrantes. Bien que plusieurs études aient critiqué l’instrumentalisation de la rhétorique de « l’égalité de genre » ou des « droits des femmes » participant à la racialisation des violences faites aux femmes, ces critiques se sont le plus souvent concentrées sur ces mêmes formes de violences attribuées aux migrant.e.s. Cette recherche propose une approche alternative. Elle se concentre sur le problème public des « violences conjugales », qui est reconnu comme un problème de santé publique général dans beaucoup de pays européens. Cette approche permet de mettre à nu les mécanismes qui fabriquent la différence entre divers groupes sociaux tels que les « nationales/nationaux » et les « migrant.e.s » par les institutions de l’État.
C’est au moyen d’une démarche ethnographique « multisituée » au sein de trois institutions publiques en charge de la prise en charge des violences conjugales en Suisse romande que ce travail étudie cette fabrique de la différence. Les observations participantes au sein d’une unité de police, d’un service hospitalier et d’un refuge pour les victimes de violences conjugales, et innombrables entretiens ethnographiques, sont complétées par 56 entretiens d’expert réalisés avec les agent.e.s. Le travail de terrain s’est déroulé sur 18 mois entre 2014 et 2016. L’analyse du discours et des pratiques de ces agent-e-s envers les protagonistes des cas portés à leur connaissance permet de juxtaposer les récits des cas similaires, mais perçus différemment par les agent.e.s de l’État.
Une analyse rapprochée des réponses institutionnelles aux violences conjugales démontre en premier lieu que le cadrage général des politiques publiques actuelles concernant les violences conjugales évacue le système de genre et reste muet quant aux rapports sociaux de sexes inégalitaires dans la sphère intime. Ce cadrage interprète ces violences, non pas par le système de genre, mais par des caractéristiques individuelles telles que problèmes psychologiques ou consommation d’alcool ou substances illicites. Les violences sont donc expliquées comme relevant de l’individu et non pas du social. En deuxième lieu, lorsque ces violences impliquent des étranger.ère.s, venant du « Sud », une conception racialisée de la culture est mobilisée, visibilisant ainsi la domination masculine et analysant ces violences par des rapports sociaux de sexes inégalitaires qui seraient inhérents à « certaines cultures ». Ainsi, la visibilisation du genre dans certains des cas et son occultation dans d’autres, fabrique une différence racialisée/ethnicisée entre divers bénéficiaires de l’action publique, la faisant correspondre avec les différences morales entre une catégorie altérisée, les « Autres » et une catégorie civilisée, le « Nous ». Les conséquences pratiques de cette fabrique des différences sont également démontrées dans le travail.
Cette étude des réponses institutionnelles aux violences conjugales en Suisse et la manière dont celles-ci se différencient en fonction de divers types de populations permettent de contribuer à différents débats académiques actuels. Premièrement, des mécanismes similaires de la « racialisation du sexisme » ont été observés dans d’autres contextes européens. Cette étude du contexte suisse contribue à ce champ ainsi qu’aux champs plus larges des études postcoloniales et des critical race studies. Deuxièmement, cette étude contribue au champ des études sur les violences faites aux femmes, qui sont souvent étudiées, ou bien de manière
globale et sans distinction des groupes sociaux touchés, ou à l’inverse, en s’intéressant exclusivement aux types spécifiques des violences perçues comme « pathologies culturelles » et touchant particulièrement les populations migrantes. L’originalité de la démarche méthodologique de ce travail permet enfin de démontrer comment la sociologie de migration peut être dé-ethnicisée. Plutôt que d’étudier les « migrant.e.s », cette étude change le focus et regarde tous et toutes les bénéficiaires de l’action publique et leurs relations avec les institutions. Ce changement de regard permet d’interroger de manière critique la construction
sociale de la catégorie des « migrant.e.s » en étudiant les conditions et le contexte où ces personnes sont catégorisées et labellisées comme telles.
Notes
Doctorat, Neuchâtel, FLSH, Maison d'analyse des processus sociaux (MAPS)
Identifiants
Type de publication
doctoral thesis
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