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L’enquête journalistique : du mythe au renouvellement. Comment un genre fondateur du journalisme se met en valeur à travers ses méthodes et sa narration
Titre du projet
L’enquête journalistique : du mythe au renouvellement. Comment un genre fondateur du journalisme se met en valeur à travers ses méthodes et sa narration
Description
Au vu des rapides changements technologiques et sociétaux qui affectent le domaine des médias, le journalisme est en reconfiguration profonde, et le journalisme d'investigation (ou journalisme d’enquête) n'est pas en reste. Ce dernier vivrait actuellement un renouveau. En bien ou en mal, avec les révélations d’Edward Snowden, l’enquête sur l’attentat de Boston, Wikileaks, les notes de frais des parlementaires du Royaume-Uni, ou plus près de nous SwissLeaks ou l’affaire Cahuzac, le journalisme d’investigation semble avoir repris une place centrale dans les débats sociétaux actuels, alors que le genre fait son retour dans l’imaginaire collectif. A diverses échelles, des rédactions, des groupes ou des individus produisent une palette variée d’enquêtes, des plus modestes et locales aux plus sonores, orchestrées par des consortiums internationaux ou des cellules spécialisées. Force est de constater que la définition du journalisme d'enquête est chargée d'enjeux politiques suscitant de vifs débats, ce à quoi s'ajoute une dimension identitaire qui fonde bien des vocations de journalistes.Cette recherche cherche à clarifier le rôle que joue l’enquête dans la restructuration contemporaine du journalisme par les nouvelles conditions technologiques, juridiques, économiques et sociales, et, à l’inverse, comment la mutation du champ est en train de redéfinir un genre mythique et mythifié, sinon fondateur. Le débat entourant la définition et la nature du journalisme d’investigation n’en facilite pas l’étude : il est largement entaché de mythes et de clichés, ce qui péjore la compréhension de l’évolution des pratiques d’investigation, alors même que les changements contemporains sont rapides et radicaux. C’est en étudiant les méthodes utilisées en investigation, et la manière dont ces méthodes sont rapportées, parfois même théâtralisées, dans le récit d’enquête, que nous serons à même de dépasser les mythologies et de mieux comprendre et définir les plus-values présentes et futures du genre. Ces méthodes sont diverses, de même que leur enseignement : « par hypothèse », statistiques, quasi-ethnographiques, informatisées et orientées vers les données, « de précision »... Nous faisons l’hypothèse que ces méthodes, quelles qu’elles soient, servent non seulement comme outils pour l’investigation, mais aussi comme un élément-clé de légitimation de l’investigation et de ses praticiens. Il faut donc étudier l’enquête en portant une attention toute particulière à ses narrations, qui intègrent souvent des faits et des discours liés à la méthode - que ces narrations soient classiques ou innovantes. La recherche sera ponctuée de restitutions et de discussions des résultats avec les journalistes eux-mêmes, en se focalisant en particulier sur la question de la formation à l’investigation : renouveler profitablement l’enquête passe en effet par une réflexion sur son enseignement (quels fondamentaux ? quelles méthodes ? quelles écritures ? quelles innovations?), à l’heure où l’apprentissage de ce genre fondateur échappe en partie aux cursus officiels et est le fait d’autodidactes ou d’apprentissage par essais et erreurs. Etudier l’enquête, genre fondamental et identitaire du journalisme, en travaillant sur sa dimension processuelle et sa narration, permettra de comprendre comment se négocient et se redéfinissent les pratiques et les identités professionnelles dans les cadres que bouleverse la crise contemporaine, et d’évaluer la contribution possible de l’enquête au renouveau du journalisme contemporain. Le processus d’enquête et sa narration relèvent en effet de ce qu’un journaliste est, de ce qu’il considère comme ses prérogatives, et de ce qu’il se donne pour but de produire.
Chercheur principal
Statut
Completed
Date de début
1 Septembre 2017
Date de fin
31 Janvier 2022
Organisations
Site web du projet
Identifiant interne
44131
identifiant
3 Résultats
Voici les éléments 1 - 3 sur 3
- PublicationAccès libreLe journalisme d’investigation à l’ère du numérique. Du mythe au renouvellement(2017-1-17)Le journalisme a connu de nombreuses crises dans sa courte histoire ; la dernière en date semble toutefois plus massive et plus bouleversante que les précédentes. La profession vit en effet une période de bouleversements majeurs, dûs en grande partie à l’avènement de l’ère numérique et à ses conséquences. Dans ce contexte, l’image sociale des journalistes s’est encore « dégradée » (Neveu, 2001, 93), l’« ampleur de la défiance » (Charon, 1993, 13) envers les professionnels est encore plus considérable - comme en attestent divers sondages (notamment : www.tns-sofres.com/publications/barometre-2016-de-confiance-des-francais- dans-les-media), débats publics ou même ouvrages de professionnels aux titres évocateurs parus ces dix dernières années (par ex : A-t-on encore besoin des journalistes ? / Notre métier a mal tourné / ...). Cette crise d’image est dûe au moins autant aux fautes commises à certaines occasions par certains professionnels (fautes immédiatement visibles et surexposées par nature) qu’aux attentes considérables et très positives (mais parfois surévaluées) que suscite cette profession dans l’espace public. Ces attentes sont souvent entachées de stéréotypes et confortées par des mythes sur le rôle du journalisme et sa nature. Comme tous les mythes, ces derniers sont à la fois utiles socialement, en termes de cohésion, d’identité professionnelle ou d’explication, mais ils sont aussi excessivement simplificateurs et déformants. C’est du côté positif (mais aussi surévalué) de l’image du journalisme que se situe l’investigation (ou « enquête », les deux termes seront ici employés comme des synonymes), genre sur lequel, chose étonnante dans un champ aussi disputé, tout le monde est à peu près d’accord : l’investigation, c’est bien, c’est noble, c’est nécessaire, c’est l’honneur du journalisme... Ce genre est donc crédité d’un préjugé très positif, qui interpelle dans le cadre de la durable crise d’image évoquée plus haut.
- PublicationAccès libreStay Strong, Get Perspective, or Give Up: Role Negotiation in Small-Scale Investigative Journalism(2022-5-5)
; This article examines how investigative journalists, especially those working in newsroom contexts, deal with discrepancies between ideals and practice by actively negotiating their roles. Based on interviews with 28 Swiss journalists, it argues that despite having a strongly shared ideology revolving around the democratic roles of journalism, investigative reporters negotiate their investigative commitment on a daily basis. The study provides a conceptual model of this process based on a distinction between “liquid” and “solid” negotiation strategies, in the sense of Deuze. “Liquid” strategies involve reinterpreting, contesting and combining various journalistic roles, leading journalists to negotiate their investigative performance based on various individual organizational and institutional factors. Conversely, “solid” strategies tend to involve dogmatic attitudes toward investigative journalism. While this approach allows journalists to live by their ideals most of the time, it can also lead to simply dropping out. The study concludes with several important implications for research on journalistic identity and roles, as well as on media management, particularly regarding journalists’ agency in redefining journalism. - PublicationAccès libre“To Me, It's Normal Journalism” Professional Perceptions of Investigative Journalism and Evaluations of Personal Commitment(2021-1-28)
; ; This paper examines how professionals define investigative journalism, which criteria they use to assess their and others’ work, and how they apply them. Based on 23 in-depth interviews with Swiss journalists, our research sheds new light on professionals’ normative assumptions, and provides insights on how to think about investigative journalism more generally. Implicit and explicit professional definitions reveal a shared conception of journalism, which has strong normative implications. According to their narratives, professionals rely on a gradual and multilevel definition of investigative journalism, while often talking about it as an absolute. Rather than a discrete category, “investigative journalism” is best seen as existing on a continuum between full-fledged investigative endeavor and the most basic reporting, with the main cursor being the personal commitment: professionals value the extent of efforts provided during the investigative process, as much as other constitutive elements such as exposing breaches of public trust. They built on a mix of various elements regarding what constitutes investigative journalism. We distinguished three types of defining criteria: motive, extent of efforts and technique involved. These criteria counterbalance each other in practice. Arguably, these gradual conceptions allow for adjustments between a clear-cut ideal and the real work context.