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Rebetez, Martine
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Impacts des changements climatiques sur le vignoble neuchâtelois : étude des indices bioclimatiques déterminants
2024, Comte, Valentin, Rebetez, Martine
Cette thèse de doctorat en climatologie appliquée s’intéresse aux impacts des changements climatiques sur la viticulture neuchâteloise au travers des indices bioclimatiques. Les changements climatiques constituent un enjeu contemporain majeur qui touche l’ensemble du globe. L’agriculture, ainsi que la viticulture, sont impactées directement et indirectement par les changements climatiques. La hausse des températures de l’air et de la fréquence et durée des périodes de sécheresse modifie les stades phénologiques de la vigne, ainsi que la composition phénolique des vins produits. Les changements climatiques amènent des modifications dans l’aire de répartition et les cycles de reproduction des ravageurs et dans l’occurrence des maladies fongiques qui affectent la vigne. Ce travail se focalise dans un premier temps sur les impacts directs amenés par les changements climatiques pour le vignoble neuchâtelois, soit sur l’évolution des indices bioclimatiques pertinents pour la viticulture de 1900 à aujourd’hui. Puis, avec pour but d’anticiper les moyens d’adaptation à venir, les tendances futures des indices bioclimatiques pertinents sont abordées selon deux scénarios d’émissions anthropiques de gaz à effet de serre futurs : un scénario optimiste (RCP4.5) et un scénario pessimiste (RCP8.5). Enfin, nous nous sommes focalisés sur une modélisation de changements futurs dans l’aire de répartition des insectes ravageurs viticoles, en nous focalisant particulièrement sur deux espèces : l’eudémis de la vigne et la cicadelle de la vigne (respectivement Lobesia botrana et Scphoideus titanus). Nous avons utilisé les mêmes scénarios d’émissions anthropiques de gaz à effet de serre (RCP4.5 et RCP8.5). Nos résultats montrent que le climat viticole, illustré par des indices bioclimatiques, s’est passablement réchauffé (+400 HI et +2°C sur la période végétative ces 40 dernières années). Les tendances pour l’indice de Huglin, la température moyenne de la période végétative de la vigne, et les indices de fraicheur des nuits indiquent que des mesures d’adaptation seront nécessaires pour maintenir une production de vins de qualité. Du point de vue de la température moyenne de la période végétative de la vigne, le climat viticole est passé en 50 ans d’un climat froid, à la limite des possibilités de culture des cépages à la phénologie la plus précoce, à un climat intermédiaire, trop chaud pour les cépages les plus précoces selon cet indice. Nos résultats avec l’indice de Huglin indiquent que le climat viticole est passé durant la même période de la catégorie « trop froid », à la catégorie « tempérée », renforçant le constat précédent. Les tendances avec un indice de fraicheur des nuits qui tient compte de l’avancée de la date des vendanges, montrent que le Pinot noir bénéficiera de moins en moins souvent de températures nocturnes fraiches avant les vendanges. Ces trois indices montrent également que le climat était trop frais pour la production de vins de qualité il y a 50 ans, et que la hausse des températures de l’air est également bénéfique de ce point de vue dans la région puisqu’elle permet la production de vins de qualité. Les perspectives pour le futur montrent que quel que soit le scénario, le climat viticole du vignoble neuchâtelois va continuer à se réchauffer jusque dans les années 2050. Pour le milieu de siècle et donc les années 2035 à 2064, les scénarios RCP4.5 et RCP8.5 ne montrent pas de différence significative entre les tendances des indices bioclimatiques analysés. La température moyenne de la période végétative de la vigne devrait avoisiner 17.5°C (17.9°C au bord du lac et 17°C sur les hauteurs du vignoble), contre 15.5°C pour la période récente (1991-2020). Le climat viticole sera alors dans la catégorie « chaud », pour « warm », de cet indice bioclimatique. Une hausse substantielle de l’indice de Huglin relatif au vignoble neuchâtelois devrait également se produire. Nos résultats indiquent que pour le milieu du siècle (2035-2064), on devrait avoisiner en moyenne 2000 HI (2100 au bord du lac et 1900 sur les hauteurs du vignoble), contre 1650 pour la période récente (1991-2020) dans la région. Pour la fin de siècle (2070-2099), le climat viticole se réchauffe très peu en comparaison avec le milieu de siècle avec RCP4.5. Nos résultats avec RCP8.5 indiquent en revanche que le climat de fin de siècle serait un nouveau type de climat. Il serait particulièrement problématique pour la culture de la vigne, puisque très chaud, et incluant ’une hausse des événements météorologiques extrêmes (sécheresses, pluies diluviennes, etc.). Ces résultats indiquent un besoin en moyens d’adaptation grandissant, sans pour autant condamner la culture des cépages traditionnellement cultivés dans la région. Ils indiquent néanmoins que les possibilités de culture de cépages plus thermophiles que le Pinot noir pourraient constituer une mesure d’adaptation à long terme, tout comme un déplacement plus haut en altitude des cépages les plus précoces. Nos résultats relatifs aux ravageurs viticoles indiquent que le climat du vignoble neuchâtelois deviendra de plus en plus adapté de manière générale aux insectes invasifs exotiques. Les résultats pour l’eudémis de la vigne indiquent que cette espèce devrait pouvoir produire plus de générations, 3 générations 1 année sur 4 d’ici le milieu du siècle selon les deux scénarios utilisés. Pour la fin de siècle, avec RCP8.5, c’est presque une année sur 2 qu’il faudrait compter sur 3 générations. Comme les pièges à confusion sexuelle semblent fonctionner relativement bien pour cette espèce, cela n’est toutefois pas très inquiétant pour le vignoble neuchâtelois. Nos résultats pour la cicadelle sont eux plus inquiétants. Cette espèce, porteuse de la flavescence dorée, n’est pas encore présente dans le vignoble. Le climat actuel est moyennement propice à l’adaptation de cette espèce. Nos résultats pour le futur indiquent que quel que soit le scénario (RCP4.5 et RCP8.5), le climat sera idéal pour cette espèce dans le vignoble neuchâtelois. La station viticole cantonale à Auvernier a déjà mis au point une stratégie de surveillance, avec la mise en place de dizaines de pièges dans le but d’éviter une arrivée surprise et incontrôlée de cette espèce dans la région. Nos résultats viennent confirmer que cette stratégie est nécessaire et judicieuse. D’autres résultats, mais n’ayant pas fait l’objet de publications scientifiques, ont également été produits. Ceux-ci concernent notamment le risque de gel printanier et la fréquence de jours avec des seuils problématiques pour la culture de la vigne (30 et 35 °C). Nos résultats sur le gel printanier indiquent que le risque de rencontrer ce phénomène devrait demeurer stable dans les prochaines décennies, quel que soit le scénario climatique. Ce risque devrait même diminuer si des cépages plus tardifs viennent supplanter une partie des cépages précoces actuellement cultivés à Neuchâtel. Nos résultats relatifs aux seuils de température indiquent qu’il sera de plus en plus fréquent de rencontrer des températures au-dessus de 30°C et 35°C durant l’été. Alors que ces températures étaient rarement atteintes avant les années 1990, il sera normal d’avoir une vingtaine de jours où la température dépasse 30°C d’ici le milieu du siècle. Pour la fin de siècle cela dépend beaucoup des scénarios et des RCMs utilisés. La plupart des RCMs montrent un décrochage entre les données mesurées et celles simulées pour la période actuelle, ce qui semble confirmer que la hausse des températures estivales pour l’Europe centrale est sous-estimée dans la plupart des GCMs (Global Climate models) et RCMs (Regional Climate models). Nos différents résultats démontrent à quel point le changement climatique peut affecter l’agriculture et qu’il est important d’en saisir la complexité afin de pouvoir anticiper les problèmes futurs et s’adapter en amont pour pouvoir assurer la pérennité de la production agricole.
Impacts des changements climatiques sur les insectes ravageurs en Suisse : étude des paramètres climatiques déterminant
2023-05-12, Schneider, LĂ©onard, Rebetez, Martine
Cette thèse de climatologie appliquée s’intéresse aux impacts potentiels des changements climatiques sur les insectes ravageurs en Suisse. Il s’agit d’un enjeu majeur pour la gestion des forêts et de l’agriculture, et pour leur adaptation aux évolutions climatiques attendues au cours du XXIe siècle. Les ravageurs dépendent fortement des températures pour leur développement, avec des sensibilités différentes selon les espèces. Ce travail cible les paramètres climatiques les plus pertinents dans le contexte suisse. Il s’agit d’une part des températures minimales hivernales, qui jouent un rôle-clé pour la survie des espèces sensibles au froid ; d’autre part, des températures moyennes pendant la période de développement, qui influencent la dynamique des populations, en particulier pour les espèces polyvoltines. Nous présentons ici l’évolution de ces paramètres en Suisse, dans une approche qui associe des données mesurées sur les 40 dernières années (1980-2021) et des données simulées issues de scénarios climatiques pour les prochaines décennies (2022-2099). Nous avons fixé des seuils de sensibilité climatique pour différentes espèces de ravageurs sur la base de la littérature scientifique. Nous avons ensuite procédé à une analyse qui inclut les principales régions géographiques de la Suisse, ainsi que des classes d’altitude allant du Plateau jusqu’à la limite supérieure de la forêt (~2400 m), incluant ainsi toutes les zones forestières et agricoles du pays. Les données mesurées proviennent de stations du réseau de MétéoSuisse, tandis que les données simulées sont issues du programme CH2018, et se basent sur les scénarios d’émissions de gaz à effet de serre RCP8.5 et RCP2.6. Le premier prévoit une augmentation continue des émissions annuelles de gaz à effet de serre au niveau mondial durant les prochaines décennies (scénario dit « business as usual »), tandis que le second postule un maximum des émissions durant les années 2020, avant une réduction importante dans les décennies suivantes (scénario qui implique des actions rapides et efficaces pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial). Nos résultats montrent une diminution du nombre de jours froids (Tmin<–8°C et Tmin<–12°C) pendant l’hiver, même si les températures minimales ont moins augmenté pendant l’hiver qu’en moyenne annuelle sur les 40 dernières années. Toutes altitudes confondues, le nombre de jours avec Tmin<–8°C a diminué de 2.36 jours par décennie (p=0.02), tandis que le nombre de jours avec Tmin<–12°C a diminué de 1.02 jours par décennie (p=0.06), bien que de façon non-significative. D’ici la fin du siècle, le seuil de –8°C pourrait n’être atteint plus qu’un hiver sur quatre au-dessous de 500 m, et un hiver sur deux entre 500 et 800 m (scénario RCP8.5). Dans le même temps, le seuil de –12°C pourrait devenir rare au-dessous de 800 m (moins d’un hiver sur six) et être atteint moins d’un hiver sur deux entre 800 et 1700 m. Concernant les températures moyennes, nos résultats montrent une augmentation légèrement supérieure pendant la saison de développement (avril-septembre) qu’en moyenne annuelle. Le nombre de growing degree days (GDD) au-dessus de 10°C (seuil de développement pour les ravageurs ciblés dans notre étude) a augmenté de 60 par décennie en moyenne, avec des tendances plus fortes à basse altitude (+128 GDD par décennie à basse altitude au sud des Alpes). D’ici la fin du siècle, le nombre de GDD sur le Plateau pourrait correspondre à ce qui est observé actuellement au sud des Alpes, et le nombre de GDD à moyenne altitude (800-1400 m) pourrait atteindre les valeurs actuelles sur le Plateau, selon le scénario RCP8.5. Avec le scénario RCP2.6, la situation reste beaucoup plus stable au cours du XXIe siècle, tant pour les températures minimales hivernales que pour les températures moyennes pendant la saison de développement ; mais les valeurs sont manifestement sous-estimées, en tout cas pour la décennie 2020. Sur la base de ces résultats, on peut s’attendre à une installation plus facile sur le Plateau pour des ravageurs invasifs sensibles au froid, et à une élévation de l’aire de répartition pour certains ravageurs indigènes, notamment en forêt. Les ravageurs polyvoltins devraient bénéficier des saisons de développement plus chaudes pour produire davantage de générations annuelles. Ainsi, les changements climatiques en cours sont susceptibles d’entraîner une augmentation des dégâts causés par ces espèces dans les prochaines décennies. Pour en déterminer l’ampleur, il faut prendre en considération la complexité des effets des changements climatiques sur les écosystèmes agricoles et forestiers, avec des impacts multiples sur les différentes espèces et sur leurs interactions ; ainsi que les moyens de lutte développés pour lutter contre ces ravageurs. La compréhension de ces mécanismes est fondamentale afin de développer des plans d’adaptation efficaces pour les forêts et l’agriculture face aux changements climatiques attendus pour les prochaines décennies.
Le tourisme face aux changements climatiques : comment articuler une démarche de durabilité ?: Le cas des Alpes Vaudoises et de la stratégie « Alpes Vaudoises 2020 »
2018, Bruni, Morgane CĂ©cile, Rebetez, Martine
La démarche Alpes Vaudoises 2020 vise à solutionner l’apparition pour le tourisme « d’enjeux spécifiques » liés au réchauffement climatique. Les stations de ski de moyenne altitude sont particulièrement concernées par la réduction de l’enneigement. Or, la transition vers un tourisme moins dépendant de la neige est au centre de politiques publiques fédérales et cantonales. Leur but consiste à permettre aux régions spécialement axées sur le tourisme hivernal de poursuivre des activités économiquement rentables tout en prenant en compte l’évolution climatique qui affecte ce secteur.
Dans le Canton de Vaud, les acteurs du tourisme et le Département de l’économie et du sport ont dès lors présenté une Vision pour le développement futur du tourisme dans les Alpes Vaudoises. En juillet 2013, un rapport final, qui synthétise les options offertes par les experts et les groupes de travail, a été présenté au Conseil d’Etat. En mars 2015, ce dernier a proposé sa version d’un développement futur du tourisme pour les Alpes Vaudoises. Il s’inspire directement de la philosophie fédérale prônant un usage rationalisé des aides étatiques au profit de projets régionaux rentables et générant de la croissance économique en tenant compte de la variabilité climatique. La démarche entreprise vise à entamer une transition progressive vers un tourisme annuel moins tributaire de la neige. La stratégie souhaitée par les autorités cantonales se développe autour de 5 thématiques d’action : le tourisme 4-saisons, la mobilité, l’hébergement, le soutien aux remontées mécaniques et à l’enneigement artificiel ainsi que des mesures d’accompagnement environnementales. A ce plan d’adaptation au changement climatique s’ajoute en outre l’obligation légale d’intégrer une démarche de durabilité. En effet, il s’agit d’une prérogative constitutionnelle qui concerne l’ensemble des politiques publiques suisses.
Mon mémoire analyse donc la traduction des constats scientifiques liés aux changements climatiques en mesures concrètes sur le terrain, suite à l’adoption d’une politique d’adaptation aux changements climatiques dans les Alpes Vaudoises. La région est au cœur d’un vaste plan de restructuration économique qui, associé à des mesures de durabilité, vise à préserver les ressources naturelles et les écosystèmes et valoriser le capital culturel et socioéconomique local.
Je souhaite donc expliciter comment le maintien du ski et les mesures initiant la transition du tourisme hivernal vers une diversification de l’offre touristique 4-saisons peuvent s’articuler dans un contexte de durabilité.