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    "È la parola che fa vedere" : le théâtre de narration en Italie
    En 1989, Marco Baliani, un comédien italien, présente au public sa pièce Kohlhaas, inspirée d’un roman allemand, dans laquelle il expérimente pour la première fois une nouvelle modalité de performance théâtrale. Le comédien, en effet, monte sur scène seul, habillé en noir et s’assit sur une chaise, commençant à raconter une histoire grâce à sa voix et sa posture corporelle. Cet événement marque la naissance de ce qu’en Italie est connu comme théâtre de narration (teatro di narrazione). Depuis ce jour, ce style de théâtre n’a jamais cessé de se diffuser et d’évoluer, soit dans son esthétique et dans son apparat technique, soit dans ses contenus. Aujourd’hui, le théâtre de narration est, in Italie, une réalité très présente dans l’offre théâtrale et se décline sous plusieurs formes, certaines même en contradiction avec l’oeuvre originale de Baliani et des tous premiers conteurs. L’offre de spectacles s’élargit constamment et, depuis les années 2000 une démocratisation se produit du point de vue de l’accès aux parcours de formation permettant d’apprendre l’art de la conterie dramatisée. Désormais, selon les conteurs, tout le monde peut conter, il suffit d’en avoir envie. Cette ouverture a permis la naissance d’un large mouvement de conteurs amateurs qui côtoie et complète – aujourd’hui – l’oeuvre des conteurs professionnels et une hybridation croissante de la narration dramatisée avec d’autres formes artistiques (musique, théâtre d’objets et de figure, arts circassiens, etc…) Avec ce travail de thèse, je me propose d’analyser ce genre de théâtre en suivant deux pistes de travail distinctes mais complémentaires. Ma première piste de réflexion vise à analyser le développement de ce genre de théâtre de sa naissance à nos jours pour en décrypter les pistes évolutives, les changements esthétiques et de contenu et pour comprendre quels sont les héritages théoriques et techniques auxquels ce courant s’inspire. Le but de cette analyse sera celui de combler un vide existant aujourd’hui dans la littérature scientifique qui ne s’est consacré que partiellement au théâtre de narration italien. La deuxième piste de réflexion, par contre, s’interrogera sur la figure du conteur et sa raison d’être dans la société italienne contemporaine. La diffusion croissante de cette forme de théâtre montre un engouement de plus en plus important envers la figure du conteur, qui doit être étudié et expliqué. Pour cette raison, partant des écrits de Barthes et Foucault, théorisant la disparition progressive du statut d’auteur depuis les années ’60, je vais me demander si le conteur italien contemporain ne comblerait pas ce vide aujourd’hui. Ce travail s’inspirera d’une enquête de terrain multisite, menée en Italie de 2011 à 2014 et d’une approche analytique multidimensionnel combinant anthropologie de l’art et du théâtre, théories théâtrales contemporaines, anthropologie de la formation et ethnographie du processus créatif en milieu artistique.