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Working memory and associated cognitive abilities in cleaner wrasse "Labroides dimidiatus"

2024, Bonin, Léonore, Bshary, Redouan

Comprendre la nature de l'intelligence reste un défi majeur pour l'esprit humain. Divers types de mesures ont été employés pour déterminer ce qui constitue l'intelligence et expliquer les différences entre les espèces, ainsi qu'entre les individus d'une même espèce. Étudier la cognition, qui se définie comme l'ensemble des processus mentaux que les organismes utilisent pour percevoir, analyser et répondre adéquatement aux informations de leur environnement, permet d'évaluer et de comparer certaines unités fondamentales de ce que l'on appelle communément l'intelligence : les capacités cognitives. Une approche commune, bien qu’imparfaite, consiste à comparer la taille relative du cerveau par rapport à celle du corps pour estimer les différences de complexité cognitive entre les espèces. Lorsque cette mesure est appliquée aux vertébrés, il apparaît que les endothermes, qui régulent leur température corporelle par des processus physiologiques internes, possèdent un cerveau proportionnellement en moyenne dix fois plus grand que les ectothermes, qui dépendent de la température extérieure. Les poissons, reptiles et amphibiens, qui composent le groupe des ectothermes, sont largement considérés comme moins intelligents que les mammifères et les oiseaux qui composent le groupe des endothermes. Cependant, environ deux décennies de recherches sur le labre nettoyeur (Labroides dimidiatus), un petit poisson des récifs tropicaux, ont commencé à remettre en cause cette idée largement répandue. Des études comportementales et cognitives ont révélé que ce poisson pouvait, dans certains contextes, démontrer des capacités comparables, voire supérieures, à celles des primates. Les primates ayant un taille cérébrale relative importante, même au sein du groupe des endothermes. Ces découvertes ont incité un changement de perspective qui demande à se concentrer d’avantage sur les mécanismes par lesquels ces poissons résolvent les problèmes, plutôt que de se limiter à identifier les types de problèmes qu'ils sont capables de résoudre. Ce cadre conceptuel a inspiré les recherches présentées dans cette thèse, qui s’appuient également sur l’approche écologique de la cognition, postulant que les capacités cognitives d'une espèce sont modulées par ses besoins écologiques. Nous avons abordé ces questions de plusieurs manières. Tout d'abord, nous nous sommes concentrés sur la mémoire de travail, un processus cognitif clé qui sous-tend de nombreuses autres capacités, et l’avons exploré chez le poisson nettoyeur à travers divers paradigmes expérimentaux. La mémoire de travail est un type de mémoire à court terme conscient, utilisé pour combiner et manipuler des informations perceptuelles et internes, passées et présentes. Notre étude intègre différentes perspectives issues de la littérature scientifique et évalue la pertinence écologique de la mémoire de travail en tant que facteur modulateur. Ensuite, nous avons examiné l'inférence transitive, une capacité de raisonnement par laquelle les individus déduisent des relations inconnues entre des objets ou individus à partir de celles précédemment apprises. Il s'agit d'une capacité cognitive bien étudiée, présente chez des espèces aux cerveaux plus petits et qui ne semble pas nécessaire à l'écologie du poisson nettoyeur. Enfin, nous avons exploré la permanence de l'objet, qui se réfère à la compréhension qu'un objet continue d'exister même lorsqu'il est hors de vue. Cette capacité peut potentiellement aider à résoudre divers défis écologiques et permet d'évaluer un développement cognitif graduel, offrant ainsi des perspectives sur les différences qualitatives entre espèces, au-delà des simples différences quantitatives. Ces trois capacités cognitives sont intimement liées, avec à la fois l’inférence transitive et la permanence de l’objet qui peuvent dépendre de la mémoire de travail. Ainsi, leur étude conjointe permet de mieux comprendre ces interrelations. Dans ce travail de recherche, nous avons premièrement mis en évidence des échecs répétés du labre nettoyeur dans les premiers stades de test des différents paradigmes expérimentaux visant à étudier la mémoire de travail. Ceci nous a donc empêcher de tester les stades supérieurs dans les tâches visuelles autant que dans les tâches spatiales, qui auraient dû étudier certains aspects clés de la mémoire de travail reportés dans la littérature. Deuxièmement, nos recherches sur l’inférence transitive se sont aussi avérées négatives. Il paraissait aussi évident qu’un manque de mémoire était à l’origine de cet échec. De plus, en comparant nos résultats à ceux d’une autre équipe nous avons pu conclure que les poissons nettoyeurs pourraient simplement avoir besoin d’un entrainement plus étendu pour pouvoir résoudre la tâche. Ce besoin supplémentaire corrobore aussi l’approche écologique de l’inférence transitive car l’écologie du poisson nettoyeur ne semble pas nécessiter l’inférence transitive. Pour finir, nous avons démontré pour la première fois que le labre nettoyeur pouvait réussir une tâche de permanence de l’objet au stade 4 de Piaget, en retrouvant un objet caché, mais seulement après avoir été exposé au stade 3 (lorsque l’objet n’est que partiellement caché). La nature de l’objet, qui était sensée refléter des niveaux de pertinence écologique différents, n’a pas significativement impacté la performance des labres nettoyeurs. Il est à noter que nous avons obtenus la performance la plus élevée à ce jour chez un poisson pour cette tâche. En définitive, cette thèse démontre que, grâce à un entraînement adéquat, le labre nettoyeur peut pallier certaines limitations cognitives. Nous apportons aussi des données qui supportent l’approche écologique de la cognition, même si tester directement cette hypothèse s’est avéré délicat. Finalement, cette thèse propose aussi une hypothèse pour expliquer les différences de taille cérébrale relative entre les endothermes et les ectothermes, et suggère des pistes de recherche futures. Nous proposons que la capacité à contrôler l’attention pourrait expliquer la différence entre les deux groupes de vertébrés, et des études plus poussées chez d’autres poissons et plus largement, d’autre ectothermes, devraient être effectuées. ABSTRACT Understanding the nature of intelligence remains one of the most complex and enduring challenges for the human mind. Various metrics have been employed to elucidate what constitutes intelligence and to explain the variations in cognitive abilities both within and among species. The study of cognition, that is, the study of all the mental abilities that organisms use to perceive, analyze and respond to their environment, offers a pathway to measuring and comparing fundamental units that ultimately compose what we define as intelligence. One common, albeit imperfect, approach to estimating cognitive complexity across species is by examining brain size relative to body size. When applied to vertebrates, this measure highlights a striking mean 10-fold difference between ectotherms, whose body temperature largely reflects external conditions, and endotherms, which possess internal physiological mechanisms to regulate their body temperature. Ectotherms, a group consisting of fish, reptiles, and amphibians, are generally considered less intelligent than endotherms, which include mammals and birds. However, approximately 20 years of research on the Bluestreak cleaner wrasse (Labroides dimidiatus), a small reef fish, has begun to challenge this notion. Behavioral and cognitive studies have shown that this fish possesses abilities that, in some cases, rival or even surpass those of primates, which are large-brained even by endotherm standards. These key findings have prompted a shift from merely asking "what" cognitive tasks these fish can solve to exploring "how" they solve them. This is the foundation for the present work, in addition to the ecological approach to cognition, which posits that a species' cognitive toolkit is shaped by ecological demand. We employed multiple approaches to address these questions. First, we focused on working memory (WM), a key cognitive process underpinning many other abilities, and explored its role in cleaner wrasse through various experimental paradigms. WM is a short-term memory storage system used for the conscious combination and manipulation of both perceptual and internal information, encompassing past and present experiences. Our investigation integrated different perspectives from existing literature and assessed the ecological relevance of WM as a modulating factor. Second, we examined transitive inference (TI), a reasoning ability where individuals deduce unknown relationships based on previously learned ones. TI is a wellestablished cognitive ability found in species with smaller brains that is not essential to cleaner wrasse ecology. Lastly, we explored object permanence (OP), which refers to the understanding that an object still exists even when put out of sight. OP has the potential to help solve a variety of ecological challenges and allows for the assessment of gradual cognitive development, providing insights into qualitative differences between species rather than mere quantitative ones. These three cognitive abilities are interconnected, with both TI and OP potentially relying, at least in part, on WM. Consequently, studying all three has provided deeper insights into their relationships. In this thesis, we initially conducted a series of experiments to evaluate WM abilities in cleaner wrasse, though some paradigms remained incomplete due to behavioral biases. Across all paradigms, early failures prevented further exploration of key WM components in both visual and spatial tasks. These findings suggest that cleaner wrasse may rely on cognitive processes that do not require conscious recollection or control to solve problems and navigate their ecological challenges. Second, our investigation of TI yielded negative results as well, with evidence pointing to memory limitations likely impeding TI ability. In addition, comparing our results to those of another team also suggested that cleaner wrasse can succeed in the task when provided with extensive training. This necessity for additional training aligns with our hypothesis that cleaner wrasse ecology does not inherently demand TI, reinforcing the ecological approach to cognition. Lastly, we demonstrated for the first time that cleaner wrasse can successfully complete a Piagetian stage 4 task of object permanence (OP), retrieving fully hidden objects, but only after exposure to a stage 3 task (retrieving partially hidden objects). The nature of the object, which was supposed to reflect different levels of ecological relevance, did not significantly impact the performance of cleaner wrasse. Notably, this study reports the highest success rate in a fish for this task to date. To conclude, this thesis demonstrates that, with appropriate training, cleaner wrasse can compensate for the absence of complex cognitive mechanisms. Furthermore, our data bring support to the ecological approach to cognition, though direct testing can be challenging. Finally, we offer a hypothesis for the brain-size disparity between endotherms and ectotherms and suggest future research directions. We propose attentional control as a potential distinguishing factor between these vertebrate groups and recommend broader investigations across other fish species and, more generally, other ectotherms to develop a more comprehensive understanding.