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Jeux de rois. France et Angleterre à l’heure de l’absolutisme naissant (1610-1642)

2023-11-25, Boyko, Maxim, Christin, Olivier

Les monarques « pré-absolutistes » de la première moitié du XVIIe siècle avaient-ils l’appareil diplomatique correspondant à leur politique – c’est-à-dire les moyens de leurs fins – ou la politique de leur appareil diplomatique ? L’objectif principal de cette thèse vise à approfondir nos connaissances sur les relations entre la France et l’Angleterre depuis la mort d’Henri IV en 1610 jusqu’à l’année 1642, marquée à la fois par la disparition de Richelieu et le déclenchement de la révolution sur les îles Britanniques. L’étude de cette période – qui nous paraît être familière tout en restant peu étudiée et globalement perçue au prisme des romans d’Alexandre Dumas – ne se veut pas être un simple récit chronologique et événementielle des interactions politico-diplomatiques franco-anglaises, mais a pour objet d’analyser la structure et le fonctionnement de l’appareil diplomatique des deux états modernes ainsi que le jeu de ses représentants, afin d’essayer de comprendre comment l’état des structures administratives et la sociologie des acteurs diplomatiques ont pesé sur le cours des événements politiques entre les deux Couronnes. Ainsi, cette étude s’attachera à mettre en lumière certains traits majeurs de la diplomatie dans la première modernité, telle qu’elle ressort de l’étude des rapports franco-anglais : encore peu structurée sur le plan administratif et donc en retard dans la « modernisation » des instruments de l’État « pré-absolutiste », elle est l’outil d’une politique extérieure déjà intense mais protéiforme, qui emprunte plusieurs canaux pas encore exclusifs les uns des autres, mais n’en suit pas moins des codes et des protocoles très précis, dont chaque détail était investi d’un sens politique. La diplomatie peut alors à ce titre être vue comme un ensemble de rituels, une « chorégraphie » politique qui avait ceci de paradoxal que les figures étaient imposées avec une grande précision, sans être pour autant confiées à un appareil administratif structuré. En l’absence de ce dernier, le personnage de l’ambassadeur n’en est que plus central dans la diplomatie, dont il exécute les actes comme les figures d’un ballet ou d’une pièce théâtrale. À cet égard, cette thèse vise également à proposer une étude socio-professionnelle des ambassadeurs dont le but est de cerner la composition du vivier diplomatique dans lequel les monarchies puisaient afin de trouver des candidats, de comprendre comment les futurs représentants se préparaient à exercer leurs fonctions à l’étranger et de mettre en lumière les raisons du recrutement et du choix de tel ou tel homme. Qui plus est, cette étude – comparative par sa nature même – permettra de poser la question de la professionnalisation de l’activité diplomatique, inégale en France et en Angleterre, mais partout inaboutie. Par ailleurs – et c’est là un autre trait que ce travail vise à mettre en exergue – les ambassadeurs n’avaient pas le monopole des relations diplomatiques. Elles étaient aussi le fait d’une multitude d’autres acteurs, peu articulés, de tous rangs et de toute nature, qui, foisonnant entre les deux rives de la Manche, conduisaient des missions tant officielles qu’officieuses et se trouvaient de plus en plus nombreux à jouer un jeu dans les interactions entre les deux Couronnes. Enfin, nous proposerons, dans la lignée des éléments précédents, une lecture renouvelée de certains grands mouvements politiques et stratégiques des années 1610-1642 à la lumière d’une étude structurelle de l’appareil politico-diplomatique, appuyée notamment sur l’exploitation de la correspondance diplomatique et des écrits privés des acteurs. Puiser dans ces fonds, issus des archives tant anglaises que françaises, mais aussi de tierces puissances telles que Venise, permet de s’affranchir de prismes nationaux de lecture des événements, prismes dont l’influence reste prégnante dans toute la période qui nous intéresse.