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    Bas-marais et prairies humides du Haut-Jura: relations sol-végétation et évolution
    (2015)
    Rion, Vanessa
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    Vittoz, Pascal
    Les marais sont des écosystèmes à grande valeur écologique. Ils abritent une importante diversité de milieux, et contiennent des espèces végétales spécialisées et particulièrement adaptées aux sols temporairement ou partiellement saturés en eau. Depuis quelques années, de nombreuses études ont démontré que les marais subissent actuellement des transformations dans beaucoup de pays, bien qu’ils soient pour la plupart protégés. En effet, la plupart de ces écosystèmes semi-naturels semblent être menacés par les activités humaines, comme les pratiques agricoles (enrichissement en nutriments, abandon de la fauche ou de la pâture), mais également par les changements climatiques. Ces facteurs ont un impact négatif sur l’écologie, le fonctionnement et la qualité de ces écosystèmes, altérant les conditions hydrologiques et provoquant par conséquent de profondes transformations dans les communautés végétales, avec par exemple la disparition de nombreuses espèces spécialistes typiques de ces écosystèmes.
    Dans cette recherche, il a été question d’étudier l’évolution, sur une durée d’environ 40 ans (1974 – 2012), de quelques milieux végétaux présents dans une zone particulière du Jura, plus précisément à la Vallée de Joux (Suisse, canton de Vaud) et à Chapelle-des-Bois (France, départements du Jura et du Doubs). Une partie de cette recherche (approche diachronique) a pour objectif de détecter d’éventuels changements floristiques dans cinq types de milieux représentant des bas-marais et des prairies marécageuses (Caricion fuscae, Caricion davallianae, Calthion, Filipendulion et Molinion). Pour cela, 110 relevés phytosociologiques faits entre 1974 et 1988 par Jean-Daniel Gallandat sont relocalisés sur le terrain et revisités en 2012 et 2013 (surface hétérogène mais identique entre chaque paire d’« ancien-nouveau » relevés), puis comparés. Puis, dans un deuxième temps, les causes de ces changements sont estimées d’une part grâce aux valeurs indicatrices de Landolt, puis, fait nouveau dans ces milieux humides, par l’utilisation des conditions édaphiques et notamment des formes d’humus. Comme ces dernières n’ont jamais été décrites auparavant dans les sites d’étude, cette étude des formes d’humus a été complétée, aux mêmes emplacements, par l’étude des sols et de la végétation actuels (sur une surface identique de 25 m2) ceci afin d’avoir une caractérisation ou un aperçu actuel des différents milieux végétaux inventoriés avec leurs sols et leurs formes d’humus (approche synchronique).
    L’approche synchronique a permis d’identifier actuellement plusieurs communautés végétales présentes parfois sur plusieurs types de sols ou de formes d’humus différents. De plus, cette étude simultanée de plusieurs paramètres a permis d’obtenir une meilleure compréhension du fonctionnement et de l’écologie actuels de ces milieux. Ces milieux sont complètement dépendants de la présence et de la chimie de l’eau (taux de carbonates et taux en nutriments notamment), mais également de la présence de bétail. Cette approche a également permis d’émettre des hypothèses sur la stabilité actuelle de ces milieux mais aussi sur les potentiels changements de dynamique du milieu grâce aux listes floristiques ainsi qu’aux séquences d’horizons des formes d’humus. Des changements de végétation semblent être inévitables dans le futur si les conditions environnementales et anthropiques actuelles des sites prospectés restent les mêmes.
    La comparaison des 110 anciens relevés effectués entre 1974 et 1988 avec les nouveaux relevés de 2012 et 2013 a permis de détecter des changements de végétation et de diversité spécifique dans les milieux humides prospectés, que cela soit au niveau des bas-marais, des prairies humides oligotrophes à Molinia caerulea ou des prairies humides plus eutrophes. L’utilisation simultanée des valeurs indicatrices de Landolt et des formes d’humus a permis de suggérer que ces différents milieux humides sont particulièrement menacés par une eutrophisation. Cette eutrophisation peut être due à un ensemble de sources différentes qui s’additionnent les unes aux autres et dont il est difficile d’identifier exactement la part de responsabilité. 1) Les changements de pratiques agricoles, avec notamment l’arrêt de la fauche et de la pâture, provoquent d’une part une prolifération des ligneux, et d’autre part, par l’accumulation de litière, une baisse de la lumière au niveau de sol ainsi qu’une augmentation de nutriments disponibles dans le milieu. 2) L’apport de nutriments peut également provenir par ruissellement des pâturages situés aux alentours des milieux humides prospectés. Cet apport sera d’autant plus important si l’utilisation de ces pâturages s’effectue plus intensivement. 3) L’apport d’azote provenant des dépôts atmosphériques a vraisemblablement également une part de responsabilité dans cette eutrophisation générale, comme cela l’a été suggéré dans plusieurs autres études. 4) Comme supposé par les formes d’humus, cette eutrophisation semble également provenir d’un assèchement, et semble toucher quelques marais uniquement. Ainsi, en période sèche, la minéralisation est accrue ce qui augmente le taux de nutriments disponibles ensuite pour les plantes. L’origine exacte de cet assèchement n’a pas pu être établie. Cependant, il semble que cet assèchement soit la conséquence d’une évapotranspitation augmentée résultant d’un abandon des pratiques agricoles (fauche et pâture). De plus, la présence de nombreux canaux de drainage particulièrement sur les sites de la Vallée de Joux semble également jouer un rôle dans cet assèchement, renforçant ainsi les effets induits par les changements de pratiques agricoles.
    Cette thèse semble avoir permis de démontrer que les milieux étudiés, même s’ils sont protégés par des mesures, des lois ou des directives, ont subi et subissent encore actuellement de nombreuses dégradations qui, d’une part, altèrent la qualité, la biodiversité et le fonctionnement de ces milieux, et qui, d’autre part, ont un fort impact fonctionnel et visuel sur le paysage des montagnes jurassiennes. De nouvelles mesures de gestion sont donc nécessaires pour enrayer ou limiter ces modifications et maintenir au mieux ces milieux ainsi que leur fonctionnement. Ces nouvelles mesures devront impérativement concerner tous les paramètres nécessaires à la survie de ces milieux et possibles à modifier, comme la présence et la chimie de l’eau (taux en nutriments notamment) et la ré-introduction et le contrôle de pratiques agricoles extensives (fauche et pâture)., Wetlands are ecosystems of high conservation value. They are a great source of vegetation types and biodiversity and contain plant species specialized and adapted to permanently or temporary water-saturated soils. In order to maintain their species richness and their quality, these fragile ecosystems must be conserved.
    However, several studies have demonstrated that some wetlands decreased in surface and in quality in many parts of the world since several years, although these biotopes are managed and protected by laws. Most of them are threatened by various factors linked to climate change and surrounding human activities, such as nutrient enrichment, desiccation and land-use changes. These factors have a negative impact on the ecology, the functioning and the quality of these wet ecosystems, altering the hydrological conditions and causing consequently dramatic transformations of the plant communities and a loss of many specialist species.
    In this project, the principal purpose was to study the evolutionary dynamic on a temporal scale of 40 years (1974 – 2012) of some types of wetlands in a particular part of the Jura Mountains, and more precisely in the Vallée de Joux (Switzerland, canton of Vaud), and in Chapelle-des-Bois (France, Jura and Doubs departments). A part of this research (diachronic approach) was consecrated to the detection of possible vegetation changes in five types of wetlands (Caricion fuscae, Caricion davallianae, Calthion, Filipendulion, Molinion). For this, 110 former phytosociological relevés made between 1974 and 1988 by Jean-Daniel Gallandat were relocated, resurveyed in 2012 and 2013 (heterogeneous surface, but identical between each pair of « old – new » relevés) and compared. Then, the causes of these observed vegetation changes were estimated by, firstly, using Landolt values, and secondly, as it is the originality of this study, by using edaphic conditions and particularly by humus forms. As these humus forms have not yet be described in the study area, this humus forms study were completed in same plots by present soils and vegetation descriptions (identical surface of de 25 m2) in order to have a description or a current overview of vegetation, soils and humus forms present in the sampled study sites (synchronic approach).
    The synchronical approach has enabled to identify at the moment many vegetal communities that are often characterized by different types of soils and humus forms. This part has also enabled to have a better understanding of the current functioning and the ecology of these environments. These biotopes are completely dependant on water presence and quality (especially carbonates and nutrients), but also by livestock. This approach has also enabled to make suppositions about the stability and the conservation’s state of these ecosystems, but also on potential dynamic’s changes thanks to floristic lists and horizons successions of humus forms. Some vegetation changes seem to be inevitable if the current environmental and anthropogenic conditions of the study sites are the same.
    The comparison of the 110 former relevés with the new ones has enabled to detect many vegetation changes and species diversity in the study wetlands alliances, including fens, oligotrophic wet meadows as Molinion and eutrophic wet meadows. The simultaneous uses of Landolt values and humus forms have enabled to propose that these different wetlands are threatened by eutrophication. This input of nutrients can be due to a set of different added sources that are very difficult to detect one by one. 1) Changes in agricultural practices, with mowing or pasturing abandonment, cause on one hand, the development of woody species, and on the other by litter accumulation, a decrease of the aboveground light and consequently an increase of released nutrients. 2) The nutrient inputs can also result from the streaming coming from the surrounding pastures. These inputs will be more important if the use of these pastures is carried out more intensively. 3) Nutrients coming from atmospheric deposits have certainly also a responsibility in this general eutrophication as it was already suggested by other studies. 4) As supposed by humus forms, eutrophication can also come from a drying up. Thus, in dry period, the mineralization of the organical matter is increased, which causes an increase of the rate of nutrients available for the plants. This draining seems to concern only a few wetlands in the study area. The exact origin of these drying up could not be established in this study. However, it seems that it is the consequence of an increased evapotranspiration causing by an abandonment of agricultural practises (mowing and pasturing). Furthermore, the presence of artificial drains particularly in both sites of the Vallée de Joux could also play a role in this drying up, accentuating the effects induced by land-use changes.
    This thesis demonstrated that the study wetlands, even that they are protected by measures or laws have been and are always suffering from numerous modifications that degrade the quality, the biodiversity and the functioning of these ecosystems. Furthermore, these degradations have a great functional and visual impact on the Jura Mountains landscape. New management measures are necessary to stop or reduce these modifications and to maintain these wetlands. These measures should absolutely concern all possible parameters necessary to the survival of these wetlands, as the presence and quality of water (nutrients rates notably) and the reintroduction and the control of agricultural extensive practices (mowing and/or pasturing).