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    ¿ Qué trajiste hoy ?: recherche ethnographique dans les clubs de troc à Buenos Aires
    Les clubs de trocs sont des cercles dans lesquels les participantes, en grande majorité des femmes, viennent échanger des biens au moyen d’une monnaie interne, les créditos, ou parfois en « troc direct », soit marchandise contre marchandise, sans recourir à un instrument monétaire intermédiaire. Ces clubs sont apparus en Argentine au milieu des années 1990 et se sont multipliés au cours des années suivantes pour former un réseau d’ampleur nationale avant de connaître un net recul depuis 2002. Cette recherche est centrée sur deux clubs de Buenos Aires en particulier, l’un situé dans la capitale et l’autre dans la banlieue. Partant de la description des activités qui y sont menées, je me suis attachée à comprendre le fonctionnement de ces trocs, ce que font les personnes qui y participent, comment elles le font et quel en est le sens. Un premier volet du travail expose le contexte historique de l’émergence, de la diffusion, puis du déclin des trocs en Argentine et s’intéresse à la question des créditos servant de monnaie interne au système. Dans un deuxième temps, c’est l’espace du troc qui m’ intéresse, dans sa triple dimension à la fois géographique, temporelle et sociale. L’espace est organisé différemment dans les deux trocs observés et ces différences mettent en évidence les différences organisationnelles d’ordre social propres à chaque lieu, influençant la nature des relations existant entre les participantes et les organisateurs/trices. Une analyse des types d’objets échangés permet de constater qu’ils sont générateurs d’inégalités entre les participantes. Les différences de pouvoir – économique et symbolique – des participantes reflètent les inégalités de leurs ressources sur le marché formel, soulignant ainsi le fait que le troc n’est pas un système économique autarcique. Le mécanisme des prix offre quant à lui deux axes de questionnements: d’une part, la fixation des prix est l’occasion pour les organisateurs/trices d’exercer – ou non – un contrôle sur les activités menées au sein du troc. D’autre part, les critères mobilisés pour l’établissement des prix sont multiples et dépassent la simple équivalence avec les prix pratiqués dans le commerce formel. Enfin, la manière de procéder aux échanges obéit à des normes comportementales plus ou moins implicites et la conclusion d’un échange considéré moralement acceptable implique de trouver le bon équilibre entre la satisfaction de ses intérêts personnels et le devoir de solidarité envers la communauté dont on fait partie. On observe alors que les logiques présidant aux échanges dans les trocs ne sont pas fondamentalement différentes de celles qui relèvent de l’économie formelle et témoignent du sentiment ambivalent que la pensée occidentale a développé depuis l’Antiquité à l’égard du profit.