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Agents pathogènes d'importance médicale et vétérinaire chez 'Ixodes ricinus' en Suisse: infections et co-infections chez les tiques en quête et les tiques d'oiseaux

2012, Lommano, Elena, Gern, Lise

Dans les régions tempérées de l’hémisphère nord, les tiques représentent le premier vecteur d’agents infectieux d’importance médicale et vétérinaire. Parmi elles, Ixodes ricinus, abondante en Europe, transmet bon nombre de microorganismes aux Hommes et aux animaux, aussi bien des bactéries, des virus, que des protozoaires, pour la plupart responsables de zoonoses considérées comme émergentes. Ces microorganismes sont Borrelia spp., Anaplasma phagocytophilum, Rickettsia spp., Babesia spp. ou encore le virus de l’encéphalite à tique (TBEV). Depuis les années 80’, plus d’une dizaine d’agents pathogènes pour l’Homme ont été découverts dans les tiques en Europe. En Suisse, de nouvelles espèces comme Babesia venatorum, Rickettsia monacensis, Borrelia miyamotoi ou B. spielmanii ont fait leur apparition durant la dernière décennie. De plus, un cas de septicémie dû à Candidatus Neoehrlichia mikurensis, une bactérie transmise par I. ricinus, a récemment été signalé chez un homme résident en Suisse, sans que la bactérie n’ait jamais été décrite dans les tiques du pays. Face à l’émergence de ces pathogènes, nous avons évalué leur distribution géographique ainsi que leur prévalence dans les tiques dans l’Ouest de la Suisse afin d’identifier les zones à risque. Nous avons recherché Borrelia spp., Rickettsia spp., Babesia spp., A. phagocytophilum et Candidatus N. mikurensis dans les tiques en quête récoltées dans 11 sites. Globalement, 34.2% (505/1’476) des tiques étaient infectées par au moins un pathogène. Borrelia spp., Rickettsia spp. et Candidatus N. mikurensis étaient présents dans tous les sites investigués avec des prévalences de 22.5%, 10.2% et 6.4%, respectivement. A l’inverse, Babesia spp. et A. phagocytophilum ont démontré une répartition géographique plus restreinte et une prévalence plus faible (1.9% et 1.5%). Des co-infections, impliquant le plus souvent Borrelia spp. et Rickettsia helvetica, ont été détectées dans 19.6% des tiques infectées. Nous avons identifié Candidatus N. mikurensis pour la première fois dans les tiques sur le territoire helvétique ainsi que des espèces rarement signalées comme R. monacensis, B. lusitaniae et B. spielmanii.
En Suisse, ces dernières années, des cas humains d’encéphalite à tiques ont été déclarés hors du périmètre qui délimitait les foyers de TBEV jusque-là, dans l’Ouest du pays. Ainsi, à partir des années 2'000, de nouvelles zones endémiques au TBEV ont été répertoriées dans cette région. Nous avons confirmé la présence du TBEV dans les tiques libres dans l’une de ces nouvelles zones endémiques au virus, la Plaine de l’Orbe avec une prévalence globale de 0.1% (6/6’120). Parmi les cinq foyers identifiés, la prévalence du virus variait de 0.21 à 0.95. La diversité génétique des souches virales nous laisse supposer que les oiseaux pourraient être impliqués dans l’émergence de ces foyers, probablement par la dissémination de tiques infectées dans des milieux propices. Pour valider cette hypothèse et estimer l’éventail des pathogènes disséminés par les oiseaux, 1’205 tiques récoltées sur ces hôtes vertébrés ont été analysées. Cinq pathogènes de genres différents ont été détectés dans les tiques d’oiseaux. Le plus fréquent est Borrelia spp. (19.5%), suivi de Rickettsia spp. (12.3%), A. phagocytophilum (2%), Candidatus N. mikurensis (3.3%) et du TBEV (0.2%).
L’identification du TBEV dans deux larves et une nymphe fixées sur des oiseaux migrateurs (deux rouges-gorges et un merle noir) étaie notre hypothèse de l’implication des oiseaux dans l’émergence de foyers de TBEV dans l’Ouest de la Suisse. Par ailleurs, cette étude constitue un des premiers rapports de Candidatus N. mikurensis dans les tiques d’oiseaux et montre que plusieurs espèces de passereaux, dont le merle noir, sont impliquées dans les cycles de transmission de ces microorganismes. Nos résultats mettent en relief la circulation et co-circulation d’agents pathogènes d’importance médicale et vétérinaire dans les tiques en Suisse et l’implication des oiseaux dans le maintien de certains de ces pathogènes., In temperate regions of the northern hemisphere, ticks are considered as the primary vector of infectious agents of human and medical relevance. Among them, Ixodes ricinus is the most abundant in Europe. This tick species transmits to humans and animals many microorganisms that may cause zoonoses, including bacteria, viruses and protozoa like, for example, Borrelia spp., Anaplasma phagocytophilum, Rickettsia spp., Babesia spp. or the TBE virus (TBEV). In Europe since the 80s, more than 10 human pathogenic agents have been described in ticks. In Switzerland, new pathogen species like Babesia venatorum, Rickettsia monacensis, Borrelia miyamotoi or B. spielmanii appeared recently. Moreover, Candidatus Neoehrlichia mikurensis, transmitted by I. ricinus ticks, was detected in the blood of one man with signs of septicemia in Switzerland whereas this bacterium had never been described in ticks in the country before. In this context, our aim was to evaluate the geographic distribution and prevalence of tick-borne pathogens in order to identify risk areas in western Switzerland. Therefore, we prospected the presence of Borrelia spp., Rickettsia spp., Babesia spp., A. phagocytophilum and Candidatus N. mikurensis in ticks collected at 11 sites. Globally, 34.2% (505/1’476) of ticks were infected with at least one pathogen. Borrelia spp., Rickettsia spp. and Candidatus N. mikurensis were present at all investigated sites with prevalences of 22.5%, 10.2% and 6.4%, respectively. Conversely, Babesia spp. and A. phagocytophilum had smaller geographical ranges and lower prevalence rates (1.9% and 1.5%). Co-infections, involving mostly Borrelia spp. and Rickettsia helvetica, were detected in 19.6% of infected ticks. We identified Candidatus N. mikurensis for the first time in ticks in Switzerland as well as species rarely reported like R. monacensis, B. lusitaniae and B. spielmanii.
In Switzerland, over the last years, human TBE cases have been reported in the West of the country, outside a perimeter that included all TBEV foci until then. Thus, since the early 2000s, new TBE endemic areas were recognised in this region. Our results confirmed the presence of TBEV in ticks in one of these new endemic areas, the Plaine de l’Orbe, with a global prevalence of 0.1% (6/6’120). In this area, five foci were identified with TBEV prevalence values ranging from 0.21 to 0.95. The genetic diversity of the virus circulating in this endemic area led us suggest that birds were implicated in the emergence of these new TBEV foci, probably by disseminating infected ticks in environments favourable to the maintenance of TBEV foci. To test this hypothesis and evaluate the diversity of tick-borne pathogens that can be disseminated by birds, 1’205 bird-feeding ticks were analysed. Five pathogens of different genera were detected; Borrelia spp. was the most frequent (19.5%), followed by Rickettsia spp. (12.3%), A. phagocytophilum (2%), Candidatus N. mikurensis (3.3%) and TBEV (0.2%). The identification of TBEV in two larvae et one nymph feeding on migrating birds (two European robins and one blackbird) support our hypothesis on the implication of birds in the emergence of TBEV foci in western Switzerland. In addition, our study is one of the first reports on Candidatus N. mikurensis in bird-feeding ticks and shows that several passerines, including the blackbird, are implicated in the transmission cycles of these microorganisms. Our results highlight the circulation and co-circulation of tick-borne pathogens of medical and veterinary importance in ticks in Switzerland and the implication of birds in the maintenance of some of them in nature.