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Würgler, Judith
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Une défense du moralisme: contre l'égoïsme méthodologique et l'adaptation des normes morales aux motivations humaines
2020, Würgler, Judith, Glauser, Richard
Ce travail soutient une variante extrême de moralisme éthique et politique. Cette variante est extrême car elle soutient simultanément les trois composantes constitutives du moralisme. Une variante plus modérée pourrait ne soutenir que l’une ou l’autre de ces composantes. Ces trois composantes sont les suivantes : 1. Il est raisonnable d’attendre de citoyens informés qu’ils adaptent leur comportement en fonction des exigences morales qui portent sur eux, même lorsque cela requiert pour eux de sacrifier une partie de leur intérêt personnel. 2. Il n’existe pas de limites, fondées sur des considérations au sujet des motivations humaines, à ce qui peut être exigé des individus sur le plan moral et politique. 3. La recherche en philosophie morale est indépendante et prioritaire relativement à la recherche empirique au sujet des motivations humaines. Seule la recherche normative – et non la recherche empirique – peut nous renseigner sur la nature et le contenu de la motivation morale. L’attitude moraliste est décriée en philosophie par des critiques de différents bords. Le but premier des pages qui suivent consiste à défendre le moralisme contre ces attaques. La première critique, fondée sur l’accusation de « sophisme moraliste », est formulée par les partisans du réalisme politique, auquel appartiennent de nombreux économistes. Ils accusent les théories politiques moralistes de reposer sur une conception (trop) optimiste et naïve de la nature humaine. Selon cette accusation, au lieu de s’attendre à ce que les êtres humains renoncent spontanément à leurs intérêts privés au nom du bien public ou de la morale, il faut plutôt « faire l’économie de la vertu » dans l’organisation de la société ; le but est d’obtenir un comportement extérieurement vertueux sans faire appel à des motivations vertueuses – notamment par la mise en place d’incitations monétaires. La seconde critique, fondée sur l’accusation d’ « erreur moraliste », est formulée par les partisans de l’ « humanisme moral ». Ces derniers accusent les théories éthiques moralistes de ne pas tenir compte de la nature humaine et de ses défaillances motivationnelles dans la formulation des principes moraux eux-mêmes. Selon cette accusation, une théorie morale qui est incompatible avec les motivations humaines, par exemple en exigeant des sacrifices individuels trop importants, ne respecte pas le principe « devoir-implique-pouvoir » et doit donc être rejetée. La thèse consiste avant tout à réfuter à la fois l’accusation de « sophisme moraliste » et celle d’ « erreur moraliste ». La dernière partie du travail consiste à défendre la troisième composante de la thèse moraliste, i.e. la priorité de la recherche morale normative par rapport à la recherche empirique. Il s’agit, dans cette partie, de réhabiliter le raisonnement dit « moraliste », souvent condamné comme fallacieux, consistant à dériver une conclusion descriptive sur la base d’une prémisse exclusivement normative. Par la réhabilitation de ce raisonnement, nous serons en mesure de tirer la conclusion descriptive suivante: il existe, chez l’être humain, une motivation morale suffisamment forte pour surmonter tous les obstacles motivationnels qui pourraient s’opposer à la réalisation de l’action morale. Abstract The thesis defends an extreme version of ethical and political moralism. It is extreme because it simultaneously upholds all the three constituent claims of moralism. A milder version would support only one or two of them. The three constituent claims of moralism are the following: 1. It is reasonable to expect informed citizens to adapt their behavior according to the moral requirements to which they are subject, even when that implies sacrificing part of their personal interest. 2. There are no limits, grounded on considerations about human motivations, to what can be morally or politically required of individuals. 3. Research in moral philosophy is independent and has priority over empirical researches on human motivations. Normative inquiries alone – and not empirical investigations – can inform us about the nature and content of moral motivation. This moralistic attitude has been criticized in philosophy from different perspectives. The primary aim of the present work is to argue against these criticisms. The first criticism is formulated by advocates of “political realism”, among whom figure many economists. It claims that moralistic theories commit a “moral fallacy”. According to this line of criticism, moralistic political theories rely on an (overly) optimistic and naïve conception of human nature. According to this charge, rather that expecting human beings to spontaneously give up personal advantages for the sake of the public good or for the sake of morality, one should rather “economize on virtue” in the organization of social institutions; the aim is to make citizens act in an outwardly virtuous manner without relying on virtuous motivations – most notably, by organizing monetary incentives appropriately. The second criticism is voiced by supporters of “moral humanism”. It claims that moralistic ethical theories fail to take account of human nature and its motivational deficiencies in the formulation of moral principles. By failing to do so, they commit what can be called a “moral error”. According to this line of criticism, a moral theory that is incompatible with human motivations, by requiring, for example, too great personal sacrifices, fails to conform to the principle that “ought-implies-can” and must, therefore, be rejected. The present PhD thesis consists primarily in refuting the two charges of “moral fallacy” and “moral error”. The last part of the work is a defense of the third component of the moralistic thesis, i.e. the priority of normative research over empirical research. The aim of this part is to rehabilitate a form of “moralistic reasoning”, often condemned as fallacious. This kind of reasoning derives a descriptive conclusion on the basis of a normative premise. Through the rehabilitation of this “moralistic” way of thinking, we will be able to derive the following conclusion: human beings are endowed with a moral motivation that is sufficiently strong to enable them to overcome any motivational impediment in the realization of moral action.