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    La dynamique des anthroponymes chez les Ding de la République démocratique du Congo (1885-1960)
    (2011)
    Tshiala, Lay
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    Monnier, Laurent
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    Ndaywel è Nziem, Isidore
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    Les Ding du Sud-ouest de la République démocratique du Congo ont subi la colonisation belge entre 1885 et 1960. Auparavant, leur anthroponymie était fondée sur un système de nom unique, oral, individuel, en langue kiding, non transmissible stricto sensu et acquérant un élément supplémentaire à chaque modification de la personnalité. Pratiqué aussi par d’autres ethnies, ce système contrastait avec les normes modernes de gestion introduites par le colonisateur. Pour l’accommoder à ces dernières, l’Etat colonial a institué un processus d’acculturation organisée et forcée, destiné à rendre le nom personnel des indigènes fixe et invariable. Il a classé ceux-ci dans deux catégories distinctes : les immatriculés (assimilés d’office ou sur demande aux Européens) et les indigènes ordinaires (attachés à leurs coutumes séculaires). Les premiers devaient se nommer à l’européenne ; les indigènes ordinaires devaient, par contre, garder leurs pratiques dénominatives précoloniales, mais avec un polissage substantiel : un nom désormais fixe et écrit, une structure à plusieurs éléments (nom, prénoms, surnom) et un schéma invariable. Pour obtenir ces changements, l’Etat leur a imposé un système d’inscription auprès de l’autorité européenne (1910), un « état civil au rabais » (déclaration obligatoire des naissances et décès, dès 1938) et un état civil normal (1958). Mais cette modeste politique n’a pas directement affecté les pratiques dénominatives des Ding. Car aucun Ding n’a obtenu le statut d’immatriculé, alors que l’inscription et les deux types d’état civil ont été contrecarrés par le manque de structures administratives adéquates et par l’absence de collaboration réelle des Ding. Pourtant, au sortir de la colonisation, l’anthroponymie ding présentait un nombre considérable de traits « exotiques » et européens en particulier. Les analyses et interprétations effectuées, grâce aux sources orales et écrites disponibles, révèlent que ces modifications relèvent surtout d’un processus d’acculturation spontanée : elles se sont opérées surtout par des biais officieux, informels et moins imposés ; grâce à des pratiques moins visibles et soutenues par certains Ding «européanisés» (lettrés, christianisés, catéchistes, instituteurs, notables fonctionnarisés…). Mettant à profit ses rapports informels et continus avec les forces dominantes, surtout économiques et religieuses, cette élite a élaboré diverses stratégies de résistance, de rejet, de créativité, d’emprunts sélectifs, d’imitation, d’appropriation, d’intégration, de réinterprétation, de diffusion et de reculturation de multiples traits dénominatifs étrangers ; ce qui a permis le maintien du système de dénomination précolonial, mais dans une forme actualisée et encore chargée d’une certaine flexibilité. Ces modifications se sont réalisées de façon disparate, non consensuelle, souvent par à-coups et par vagues successives ; toutefois, elles n’auraient pas été possibles sans un cadre structurel procuré par de nombreux acteurs politiques, économiques et religieux européens (administrateurs, investisseurs, missionnaires scheutistes, jésuites et oblats). Les premiers et principaux foyers d’acquisition de nouveautés ont été : les chantiers, les stations de l’Ẻtat, les centres commerciaux, les centres de mission chrétiens, les places de marché, les « routes des caravanes » et les abords des cours d’eau navigables. Puis, l’école (au sens large) a pris le relais à partir des années 1930, aux côtés de l’acquisition directe par contact avec les étrangers, de celle passant par l’usage des langues allogènes véhiculaires et de celle par héritage dès le bas âge.