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    Faire de Verviers un film : penser la mise en mémoire du passé dans une ancienne ville textile à partir de l’ethnographie visuelle de deux collections d’anciens objets industriels
    (Neuchâtel, 2024-02-29) ;
    En octobre 2014, je me suis rendu au consulat de Belgique à Berne pour y confirmer ma nationalité belge. Dès ce moment, j’ai éprouvé le désir de réaliser un film documentaire sur la ville de Verviers. M’intéressant à la manière dont le passé industriel imprègne la ville et son présent, j’ai entrepris l’ethnographie de deux collections d’objets issus de ce passé : la collection de machines textiles de la ville de Verviers stockée dans la réserve du Solvent où viennent travailler un groupe d’hommes retraités et une collection d’anciennes navettes de métiers à tisser constituée par mes soins en arpentant les brocantes de la ville. Cette thèse mobilise les champs de recherche de l’anthropologie visuelle, l’anthropologie de la mémoire, les études sur la culture matérielle et la socio-anthropologie du patrimoine pour penser les différentes mises en récit du passé industriel à Verviers. Elle prend la réalisation du film ethnographique long-métrage La place des choses comme point de départ pour penser la manière dont les personnes que j’ai filmées utilisent les objets pour raconter le passé et comment moi, en tant qu’ethnologue-cinéaste, j’ai pu me saisir des images produites pour monter un film. La pratique de l’observational cinema tel que théorisé par Colin Young et popularisé par le couple David et Judith MacDougall m’a permis de révéler les dimensions sensibles, matérielles et sensorielles des processus patrimoniaux. Les images tournées dans la réserve du Solvent encouragent à penser la fabrique des lieux de mémoire non pas uniquement de manière discursive, mais comme une opération pratique qui permet aux hommes qui s’y rendent de revivre le souvenir du travail disparu. Par ailleurs, la collecte d’anciennes navettes de métiers à tisser fut pensée comme un dispositif créatif qui permettrait de déconstruire le récit dominant de l’âge d’or industriel. Les témoignages enregistrés auprès des vendeuses et des vendeurs au moment où elles/ils se séparaient des objets m’ont amené à considérer la mémoire collective comme un ensemble de récits polymorphes inscrits dans le temps, fait autant de souvenirs précis que de trous de mémoire. Loin de représenter un temps aujourd’hui disparu, le film issu de cette recherche donne à voir les processus mémoriels et patrimoniaux contemporains qui ont lieu dans la ville de Verviers plus de soixante ans après les premières fermetures d’usines. Il rend compte des processus d’attachements et de détachements des personnes aux objets et au passé. La thèse, construite de manière multimodale, revient sur les différents choix théoriques, esthétiques et méthodologiques opérés dans ce travail pour tenter de faire de Verviers un film.