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Rosset, Damian
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« We have our own kitchen » : distance et légitimité dans la production de savoir pour la procédure d’asile
2019, Rosset, Damian
La stricte séparation entre la production d’informations sur les pays d’origine (COI pour country of origin information) et l’évaluation des demandes d’asile est une norme fondamentale de la pratique professionnelle des producteurs de COI. En se penchant sur l’unité COI norvégienne, cet article examine la manière dont cette séparation est matérialisée à travers une véritable infrastructure de distanciation mise en place autour des sites de production des COI. Ce dispositif se manifeste non seulement dans les discours et les pratiques, mais aussi dans les structures organisationnelles, les lieux et les normes légales qui participent à l’écologie de la situation d’expertise particulière que constituent les COI. Il participe à la construction de la légitimité des institutions, mais aussi des acteurs impliqués dans la production du savoir.
Producing Knowledge and Legitimacy: Country of Origin Information in Asylum Procedures
2019, Rosset, Damian
Cette thèse traite des « informations sur les pays d'origine » (ou « COI », pour country of origin information), un type de savoir expert et un champ de pratiques professionnelles qui se sont développés dès la fin des années 1980 au sein des administrations d’asile en Europe occidentale et en Amérique du Nord, afin de soutenir la détermination du statut de réfugié. Ces informations sont utilisées pour évaluer la crédibilité des demandeurs d'asile et leur éligibilité à une forme de protection internationale. Plutôt que de se concentrer sur le rôle instrumental des COI dans les procédures d'asile, cette recherche explore les normes et les valeurs qui régissent le travail des unités COI dans plusieurs administrations européennes d'asile. Il interroge également le rôle de la production des COI dans la légitimation du savoir, des pratiques bureaucratiques et de l'autorité étatique. Cette thèse par article est composée d’un recueil de trois articles, éclectique tant d'un point de vue disciplinaire que méthodologique. Publiés respectivement dans des revues d'histoire, de sciences politiques et d'anthropologie sociale, les trois articles sont incorporés dans un texte d'accompagnement qui propose une introduction contextuelle, thématique et théorique commune, ainsi qu'une discussion méthodologique et une articulation des principaux résultats de la thèse. Le premier article – « sur l'histoire » – adopte une approche diachronique en analysant la création et le développement de l’unité COI française au sein de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’Ofpra. Basé principalement sur des données d'archives collectées à l'Ofpra, il examine l'institutionnalisation de la « documentation » sur les pays d'origine au sein de cette administration entre 1988 et 2008 et montre comment cette histoire reflète celle de la bureaucratisation des procédures d'asile. L’article met également en lumière le rôle et les dynamiques de la coopération (formelle et informelle) entre unités COI européennes dans le processus d'européanisation, à la fois verticale et horizontale, des politiques d'asile. Le deuxième article – « sur la distance » – traite de la séparation entre la production d'informations sur les pays d'origine et son utilisation dans l'évaluation des demandes d'asile. En étudiant le cas de l’unité COI norvégienne, l’article montre comment cette séparation se matérialise à travers une « infrastructure de distanciation » construite autour des sites de production de COI. Ce dispositif est perceptible non seulement dans les discours et les pratiques, mais aussi dans les structures organisationnelles, dans l’espace et dans les normes juridiques qui contribuent à l'écologie de ce site spécifique de production de savoir expert. La distanciation participe à la construction de la légitimité des institutions et des acteurs individuels impliqués dans la production du savoir. Le troisième article – « sur l’accès » – examine les négociations infructueuses pour obtenir l’autorisation de mener une recherche de type ethnographique au sein des unités COI suisse et norvégienne. L'article révèle comment la recherche envisagée entrait en concurrence avec les représentations et des identités des chefs des deux unités, remettant en question leur « construction idéalisée » émique des COI comme type de savoir et comme champ de pratiques. La négociation d’accès s’est ainsi transformée en compétition sur l'autorité cognitive et le monopole de la production de savoir légitime sur le champ des COI. Les trois articles démontrent que le domaine des COI est imprégné par la question de la représentation (et de l’autoreprésentation) de l'État et des acteurs bureaucratiques qui l’incarnent. Les articles offrent également un aperçu des dynamiques de construction de la lisibilité et de l'illisibilité dans les bureaucraties de l'asile et illustrent comment la nature située de l’expertise est négociée par les unités COI. En examinant le travail de légitimation épistémique et procédurale des unités COI, cette thèse illustre non seulement comment la légitimité du savoir et des procédures est construite autour des notions d’impartialité et d'objectivité, mais aussi comment ce processus déploie un effet dépolitisant sur la politique d'asile en faisant du statut de réfugié et de sa détermination des enjeux essentiellement techniques. Les COI sont donc un vecteur important de la bureaucratisation des procédures d'asile et de la dépolitisation de l'asile.