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    Ecrits sur la botanique de Jean-Jacques Rousseau: édition critique
    (2012)
    Kobayashi, Takuya
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    Eigeldinger, Frédéric S.
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    Drouin, Jean-Marc
    Si l’importance du lien entre Rousseau et la botanique a souvent été relevée, les recherches dans ce domaine restent encore embryonnaires. Ce qui représenterait le plus expressément cette stagnation, c’est le fait que plusieurs de ses écrits sur les végétaux sont longtemps restés inédits. Les objectifs premiers de la présente thèse consistent donc à fournir tous les textes du Genevois sur la botanique, à en préciser les dates de rédaction et à retrouver leurs éventuelles sources, afin de mieux apprécier leur valeur dans l’histoire des sciences, qui est, à notre avis, non négligeable. Avec les données ainsi obtenues, nous avons essayé de recomposer le Rousseau botaniste, en vue d’en montrer un tout nouveau portrait. En voici quelques exemples : 1. Jean-Jacques recopiait des traités de l’époque, y compris l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, pour ses écrits. Nous pouvons déduire de cette technique de copier-coller les deux faits suivants qui remettent en question les études précédentes : 1. l’image ressassée de Rousseau botaniste – un amateur rêveur aux connaissances limitées – a été faussement fondée sur des analyses de textes qui ne sont pas de sa main ; 2. comme ce n’est qu’après 1777 que le Genevois a découvert le livre de Regnault dont il a repris au moins 54 articles pour son Dictionnaire de botanique, ce lexique ne date pas de 1774 comme les éditeurs précédents ont cru longtemps, mais bien de 1777-1778. 2. Le philosophe échangeait des plantes avec de grands spécialistes de l’époque : il était reconnu et intégré au sein du réseau scientifique. Bien que la majorité de ces échantillons ait disparu, nous en avons retrouvé quelques-uns qui démontrent, matériellement, cet aspect scientifique et social de Rousseau botaniste. Au sujet de ses herbiers, nous considérons que quelques-uns proviennent en fait d’un seul et même ouvrage, mélange de celui composé par lui-même et de celui que Fusée Aublet lui a donné vers 1778. Différents mélanges et combinaisons postérieurs ont engendré sept herbiers que nous connaissons aujourd’hui dont celui conservé à Neuchâtel : ils contiennent par conséquent divers spécimens qui ne sont pas de la main du Genevois. 3. Lorsque Jean-Jacques recopiait des livres de botanique, il en retouchait souvent la formation d’origine. Ces changements minutieusement effectués semblent montrer la sensibilité linguistique de l’écrivain Rousseau : il s’efforçait de décrire les végétaux le plus exactement et le plus succinctement possible. L’exemple le plus intéressant est sans doute ses Caractères de botanique, quelques mille signes conçus pour représenter concrètement les plantes. Comme nous le savons, Rousseau a inventé une méthode de partition musicale en chiffres et a échangé des lettres cryptées au moyen de codes secrets. Il semble que la compression de données par les chiffres et les signes constitue l’une des caractéristiques de la façon de penser du philosophe. À la lumière de ces éléments, il apparaît que l’intérêt de Rousseau pour les végétaux reflète avant tout sa passion pour la recherche, la découverte et les échanges scientifiques. La botanique était pour lui, dès le début, une activité scientifique et collective, et non un simple passe-temps salutaire et solitaire. De surcroît, comme le montrent le point 3 ci-dessus, Jean-Jacques porte, même dans ses activités scientifiques, une attention particulière à la langue. Il est par conséquent nécessaire d’examiner les rapports multiples et complexes qu’entretiennent écriture et botanique chez lui. Ces observations peuvent amener à envisager une nouvelle synthèse de la pensée rousseauiste. Les textes et les analyses que proposent la présente thèse, en faisant apparaître des perspectives nouvelles et fécondes, semblent pouvoir être la clé de voûte de cette refonte.