3kl UNIVERSITÉ DE NEUCHATEL Faculté de droit et des sciences économiques Les effets économiques régionaux des frontières internationales I' exemple de la frontière franco-suisse de Genève à Bâle THÈSE présentée à la Faculté de droit et des sciences économiques pour obtenir le grade de docteur par Philippe Jeanneret NEUCHATEL 1984 Les effets économiques régionaux des frontières internationales r exemple de la frontière franco-suisse de Genève à Bâle Les effets économiques régionaux des frontières internationales I' exemple de la frontière franco-suisse de Genève à Bâle THÈSE présentée à la Facultó de droit et des sciences économiques pour obtenir le grade de docteur par Philippe Jeanneret Monsieur Philippe JEANNERET est autorisé à imprimer sa thèse de doctorat es sciences économiques intitulée "Les effets économiques régionaux des frontières internationales. L'exemple de la frontière franco-suisse de Genève à Bale". Il assume seul la responsabilité des opinions énoncées. Neuchâtcl, 7 novembre 1984 Le doyen de la Faculté de droit et des sciences économiques ( I i \ François Kr>oepflér L ( -I- AVANT-PROPOS Cet ouvrage est l'aboutissement de plus de cinq années de recherches personnelles entreprises dans le cadre du Groupe d'Etudes Economiques* de 1'Université de Neuchâtel sous la direction du Prof. Denis MAILLAT, que je tiens à remercier ici de son appui et de ses conseils. Sx ce travail s'est heurté à de nombreux problèmes dans le domaine de 1'information économique régionale - le manque d'harmonisation en cette matière est un des effets les p'ius évidents de la frontière -, il me faut aussi relever qu'il n'aurait pas pu être mené à bien sans 1'aide de nombreuses personnes et institu- tions, aussi bien françaises que suisses. Mes remerciements s'adressent plus particulièrement à la Direction générale des Douanes, à Madame Anne-Chantal MEZGER-VOIDE et au Groupe de Recherches en Méthodes Quantitatives de 1'Université de Neuchâtel, ainsi qu'à Monsieur Charles HUSSY du Département de Géographie de l'Université de Genève. Ma reconnaissance va aussi à Madame Anne-Lise KUNZ et à mon épouse Françoise pour le soin et la patience qu'elles ont apportés à la transcription et à la cor- rection de mes nombreux manuscrits. Philippe Jeanneret, novembre 1984. * : Groupe rebaptisé "Institut de Recherches Economiques et Régionales" (IRER) à partir de 1985. - Ill - TABLE DES MATIERES Page INTRODUCTION: LES EFFETS ECONOMIQUES REGIONAUX DES FRONTIERES INTERNATIONALES 1 PREMIERE PARTIE: LES FRONTIERES INTERNATIONALES ET LA THEORIE ECONOMIQUE 7 Chapitre 1 La théorie économique et les régions frontières 9 1.1 Economie et espace 9 1.1.1 Les limites de la pensée économique 9 1.1.2 Economie régionale et économie internationale 10 1.1.3 Les différents courants de pensée de la science régionale 12 1.2 Les théories de la localisation 13 1.2.1 LOESCH 14 1.2.2 CHRISTALLER 18 1.2.3 OHLIN 22 1.2.A HOOVER 24 1.3 Les théories de la croissance régionale 26 1.3.1 Trois composantes du modèle de croissance régionale 27 1.3.1.1 Le facteur urbain 27 1.3.1.2 La diffusion spatiale de l'innovation 28 1.3.1.3 Les modèles de gravitation 29 1.3.2 La théorie de la polarisation 30 1.4 Les analyses de l'intégration économique 36 1.4.1 GIERSCH 37 1.4.2 BOURGUINAT 39 1.4.3 Les modèles de potentiel 42 Chapitre 2 La théorie face aux faits, quelques études récentes 47 2.1 HANSEN 47 2.2 SHERRILL 51 2.3 Institut de recherche régionale de Kiel 54 Chapitre 3 La géographie et les frontières 63 3.1 De la géopolitique à la géographie de la perception 64 3.2 Typologie et fonctions de la frontière 67 Chapitre 4 Problématique, objectifs et méthode 71 4.1 Les frontières de la pensée 71 4.2 Frontières, limites et régions 72 4.3 Les effets économiques régionaux de la frontière: un bilan de la littérature 75 4.3.1 Les différents courants théoriques 75 4.3.2 Vérifications empiriques 77 4.3.3 La politique régionale européenne et les régions frontières 77 4.3.4 Les problèmes des régions frontières 78 4.4 Objectifs, hypothèses et principales articulations de notre recherche 79 4.4.1 Fonctions de la frontière, flux et structures économiques 80 4.4.2 Délimitation du champ d'étude 82 4.5 Méthode 84 -IV- DEUXLEME PARTIE: L'EXEMPLE DE LA FRONTIERE FRANCO-SUISSE ENTRE GENEVE ET BALE 87 Chapitre 5 Cadre géographique et échanges internationaux 89 5.1 La région d'étude 89 5.1.1 La frontière franco-suisse entre Genève et Bêle 89 5.1.2 Types de régions et délimitation de la zone frontière 90 5.1.2.1 Agglomérations urbaines et régions industrielles 90 5.1.2.2 Délimitation de la zone frontière 91 5.2 La Suisse et le reste du monde: la balance des revenus 33 Chapitre 6 Les échanges de biens et services 97 6.1 Effets de proximité: hypothèses et organisation de l'étude 97 6.2 Les exportations de marchandises des régions suisses en 1981 99 6.2.1 Source: la statistique régionalisée du commerce extérieur 99 6.2.2 Effets de proximité, première vérification 103 6.2.3 Proximité culturelle ou géo-historique? 106 6.2.4 Analyse par produits et facteurs structurels 117 6.2.4.1 Proximité culturelle, résultats par produits 118 6.2.4.2 Influence des structures d'exportation et d'importation par produits 3 23 6.3 Structure géographique des exportations régionales de la R.F.A. et de la France 127 6.3.1 Les exportations des régions allemandes 1.27 6.3.2 Les exportations des régions françaises 129 6.4 Le commerce des régions frontières entre Genève et Bale 132 6.4.1 Les échanges commerciaux dans la région genevoise 133 6.4.1.1 Pays de destination et structure par produits des exportationsdu canton de Genève 133 6.4.1.2 Le commerce avec les zones franches du Pays de Gex et de la Haute-Savoie 136 6.4.1.3 Les exportations du canton de Genève vers les départements français voisins 139 6.4.2 Les échanges commerciaux et le Produit intérieur de la région bâloise 143 6.4.2.1 Pays de destination et composition par produits des exportations de la Suisse du Nord-Ouest 143 6.4.2.2 Les échanges de l'Alsace avec la Suisse 145 6.4.2.3 Les marchés et le Produit intérieur de la Suisse du Nord-Ouest 148 6.4.3 Les échanges commerciaux de la Chaîne du Jura 152 6.4.3.1 Pays de destination et structure par produits des exportations de la partie romande de la Chaîne du Jura 152 6.4.3.2 Les échanges de la Franche-Comté avec la Suisse 153 6.5 Les échanges de services 155 6.5.1 Les touristes étrangers en Suisse 157 6.5.2 Les achats de biens et services de la population des régions frontières 160 6.5.3 Les exportations de services 164 -V- Chapitre 7 Les mouvements des facteurs de production 169 7.1 Investissements internationaux et effets de la frontière 170 7.1.1 Mouvements de capitaux et investissements 170 7.1.2 Les implantations étrangères dans l'industrie des régions françaises 172 7.1.2.1 Définition et caractéristiques générales des implan- tations étrangères 172 7.1.2.2 Origine et répartition géographique des implantations étrangères dans l'industrie française: effet de proxi- mité 173 7.1.3 Les investissements étrangers dans les régions de la fron- tière franco-suisse 179 7.1.3.1 Genève 180 7.1.3.2 Baie 183 7.1.3.3 La Chaîne du Jura et la région horlogère 185 7.1.4 Commerce et investissements: séparation et proximité 189 7.2 Les travailleurs frontaliers et la politique suisse d'immigra- tion 191 7.2.1 Contexte et hypothèses de travail 191 7.2.1.1 Le statut des travailleurs frontaliers et le contexte économique européen 191 7.2.1.2 Hypothèses de travail 192 7.2.2 Les effets de la politique suisse d'immigration 194 7.2.2.1 Les différentes phases de la politique fédérale 195 7.2.2.2 Frontaliers et autres catégories de travailleurs étran- gers 199 7.2.3 Frontaliers profil socio-économique et répartition géogra- phique 203 7.2.3.1 Les travailleurs frontaliers et les autres actifs 204 7.2.3.2 Répartition géographique, première approche 208 Chapitre 8 Les structures socio-économiques 213 8.1 Profil socio-économique de la région frontière franco-suisse et problématique 213 8.1.1 Structures urbaines et répartition de la population 213 8.1.1.1 Hiérarchie urbaine et densité de la population 214 8.1.1.2 Structures d'activité et évolution de la population 21G 8.1.2 Problématique 220 8.2 Les agglomérations internationales de Cenève et de Bâle 221 8.2.1 Problème de la délimitation des agglomérations 223 8.2.1.1 Principes 223 8.2.1.2 Les définitions suisses et étrangères des aggloméra- tions 224 8.2.2 Evolution de la population et des emplois 226 8.2.2.1 Genève 226 8.2.2.2 Bâle 234 8.2.3 Les travailleurs frontaliers 239 8.2.3.1 Les mouvements pendulaires dans les grandes aggloméra- tions 239 8.2.3.2 Politique d'immigration et effets de la frontière 242 8.2.3.3 Structure d'activité et principales caractéristiques de la main-d'oeuvre frontalière 246 -VI- 8.3 La region frontière de la Chaîne du Jura 251 8.3.1 Délimitation de la zone d'étude 251 8.3.2 Structures urbaines et évolution de la population 253 8.3.2.1 Structures urbaines 253 8.3.2.2 Evolution de la population et principales caractéris- tiques démographiques 255 8.3.3 Structure d'activité et évolution des emplois 259 8.3.3.1 Structure d'activité en 1975 259 8.3.3.2 Evolution des emplois 263 8.3.i Marché du travail 267 8.3.4.1 Bassins d'emploi 267 8.3.¿.2 Emploi et chômage 268 8.3.5 L'effet séparateur de la frontière, un essai de synthèse 270 8.3.6 Les travailleurs frontaliers 274 8.3.6.1 Evolution 274 8.3.6.2 Répartition géographique et sectorielle 276 8.3.6.3 Frontaliers et structures économiques 280 8.3.6.4 La frontière comme cause des migrations frontalières 290 TROISIEME PARTIE: CONCLUSIONS 293 Chapitre 9 Résumé et conclusions 295 9.1 Les principaux effets régionaux de la frontière entre Genève et Baie: un résumé 295 9.1.1 Les échanges de biens et services 295 9.1.2 Les mouvements des facteurs de production 298 9.1.2.1 Les investissements 298 9.1.2.2 Les mouvements de main-d'oeuvre 299 9.1.3 Les structures socio-écomiques 301 9.1.3.1 La croissance urbaine 301 9.1.3.2 Les structures démographiques et économiques 302 9.2 Les effets de la frontière franco-suisse et la théorie écono- mique 303 9.2.1 Effets positifs et négatifs de la frontière 303 9.2.1.1 L'impact des relations transfrontalières actuelles 304 9.2.1.2 Les performances économiques des régions frontières 306 9.2.1.3 Position géographique et accès au marché 308 9.2.2 Facteur culturel et proximité 311 9.2.3 Généralisation et limites de cette recherche 313 9.3 Les régions suisses et l'intégration européenne 314 Bibliographie 321 Liste des tableaux 329 Liste des figures 332 Liste des cartes 333 ANNEXE STATISTIQUE: 335 Les exportations des réglons suisses en 1981 INTRODUCTION : LES EFFETS ECONOMIQUES REGIONAUX DES FRONTIERES INTERNATIONALES - 3 - INTRODUCTION: LES EFFETS ECONOMIQUES REGIONAUX DES FRONTIE- RES INTERNATIONALES Selon le dictionnaire, une frontière est une "limite d'un territoire qui en détermine 1'étendue" et, par extension, une "limite séparant deux Etats". C'est à cette seconde définition, plus étroite, que nous ferons référence dans la suite de ce travail en employant le terme "frontière" pour désigner une limite politique internationale. Une frontière politique internationale non seulement sépare deux (ou plusieurs) pays (Etats, nations) mais constitue aussi une limite entre des régions qui ne font pas partie du même ensemble national. De ce fait, la frontière confère un caractère "international" aux relations interrégionales et agit sur le développement économique de ces unités sub-natio- nales. A ce niveau, la question fondamentale est de savoir si ces limites politiques internationales agissent différem- ment selon la position géographique des régions, selon que ces régions sont proches de la frontière - on parlera de "régions frontières" dans la suite de ce texte - ou situées plus à l'intérieur d'un pays. Si ces différents éléments donnent les lignes de force de notre recherche, ils n'en recouvrent pas moins une probléma- tique qui reste trop large et qu'il est indispensable de mieux délimiter. Notamment, la relation entre dimension politique et économique soulève de nombreuses questions. En cette matière, nous ne chercherons pas à opposer ces deux types de phénomène. Pour nous, il ne s'agit pas de remettre en cause 1'existence des frontières internationales. Elles doivent être plutôt considérées comme une convention, comme une donnée principale de notre analyse. Il s'agit de mettre en lumière les effets que ces frontières exercent sur 1'économie des régions. Nous concentrerons donc 1'analyse sur les pricipaux composants de la croissance économique _ 4 - regionale eri relation avec les échanges interrégionaux. Dans ce sens, nous laisserons de côté les multiples effets et pro- blèmes que 1'existence d'une frontière peut présenter pour les individus. De même, l'aspect strictement institutionnel jouera pour nous un rôle secondaire. Si notre problématique est ainsi mieux définie, nous pouvons aussi remarquer qu'elle s'inscrit de manière plus large dans un courant contemporain de la recherche économique. En effet, 1'ouverture des économies régionales sur le reste du monde, et non plus seulement sur les autres composantes de l'espace national (ou l'inscription de ces régions dans la division internationale du travail), est devenue un thème d'actualité pour les économistes. On notera également qu'un tel sujet correspond à une problématique plus générale et soulève la question de la relation entre économie et espace. C'est cette dimension théorique qui sera approfondie dans la première des trois parties que compte cet ouvrage. Une telle démarche se justifie d'autant plus que le thème des effets de la frontière concerne à la fois l'économie régionale et 1'économie internationale. Bien que ces deux disciplines fassent en principe partie de "1'économie spatiale", nombre de leurs postulats restent, de nature opposée. Cette situa- tion "a cheval" explique vraisemblablement pourquoi le thème des régions frontières n'a que rarement été abordé par les théoriciens et n'a été traité que comme un cas particulier. Notre premier tour d'horizon (chapitre 1) sera consacré aux courants de la littérature économique les plus proches de notre thème, à savoir les théories de la localisation, de la polarisation et de l'intégration. L'image avant tout négati- ve qui se dégage de ces approches - la situation des régions frontières est considérée comme étant défavorable - sera ensuite confrontée (chapitre 2) aux résultats de quelques travaux empiriques contemporains. Notre analyse sera aussi étendue (chapitre 3) aux apports de la géographie, disci- pline qui envisage les frontières sous de nombreux aspects - 5 - non-économiques, de manière à mieux définir notre propre problématique (chapitre 4) età dégager les principales hypothèses de travail de notre recherche. La deuxième partie de ce travail sera consacrée à l'étude de la frontière franco-suisse entre Genève et Bale. Le contenu de ce volet empirique est double. D'une part, il s'agit de réunir l'information statistique indispensable à la descrip- tion des principales caractéristiques socio-économiques de cette zone, tâche qui est compliquée par la présence de deux pays aux systèmes statistiques différents. D'autre part, 1'accent sera porté sur 1'étude des échanges interrégionaux qui sont susceptibles de subir 1'influence de la frontière. La liaison de ces caractéristiques structurelles et des principales relations interrégionales (échanges de biens et services, mobilité des facteurs de production) constitue sans nul doute une des originalités de cette recherche, dans la mesure où souvent l'effet de la frontière n'a été envisa- gé que sous un seul de ces aspects sectoriels. Un poids particulier est accordé (chapitre 6) aux échanges de marchandises parce que nous avons pu tirer parti d'une nouvelle statistique régionale du commerce extérieur de la Suisse. Cette source particulièrement intéressante justifie qu'on étende l'analyse à l'ensemble des régions suisses, de manière à vérifier des hypothèses plus générales relatives au commerce international. Il s'agit dans ce cas d'examiner quelle est l'influence des facteurs culturels et de vérifier l'existence de relations privilégiées entre les régions frontières helvétiques et les pays limitrophes. Après avoir complété ce chapitre par une analyse du domaine des services, nous passerons à l'examen de la mobilité des facteurs de production (chapitre 7). Le développement des migrations alternantes des frontaliers français qui viennent travailler en Suisse est certainement un des effets les plus manifestes de la présence d'une frontière et de ses aspects institutionnels. Ce thème qui a déjà été abordé à l'occasion - 6 - de travaux antérieurs sera accompagné par une étude des in- vestissements directs. On examinera notamment si la mobilité du facteur capital est gouvernée par des règles comparables à celles observées dans le domaine des échanges de marchan- dises. L'analyse des structures socio-économiques régionales (chapi- tre 8) doit non seulement aboutir à une meilleure compréhen- sion des effets de la frontière mais doit aussi permettre de tenir compte des spécificités de chaque espace. Sous cet angle, la zone frontière franco-sui sse comprend deux types opposés de régions. Pour les agglomérations de Genève et de Baie, l'accent sera ainsi porté sur les phénomènes d'urbani- sation tandis que dans la zone intermédiaire, la Chaîne du Jura, l'impact de la frontière sera abordé sous un angle plus général. Dans la troisième et dernière partie de cet ouvrage (chapi- tre 9) nous présenterons un résumé des résultats de la par- tie empirique, résultats que nous tenterons ensuite de géné- raliser en relation avec les principaux postulats proposés par la théorie. Une telle démarche aboutit à poser de nouvel- les questions mais permet aussi de dégager de nouvelles voies de recherche, notamment dans le domaine des effets de l'intégration économique européenne sur l'espace helvétique. PREMIERE PARTIE : LES FRONTIERES INTERNATIONALES ET LA THEORIE ECONOMIQUE - 9 - CHAPITRE 1 LA THEORIE ECONOMIQUE ET LES REGIONS FRONTIERES 1.1 Economie et espace 1.1.1 Les limites de la pensée économique Si René GENDARME (1970, p. 890) constate que "la région frontière est une nouvelle venue en économie, les grands auteurs spécialistes de la région ou du commerce interna- tional n'y font aucune allusion", un examen attentif de la littérature montre que ce jugement est par trop rapide. En fait, cet oubli porte tout autant sur la notion de région que sur celle de frontière. La théorie des systèmes, par exemple, fait apparaître que le concept de limite est associé, explicitement ou non, à toute tentative de formali- sation des forces économiques. En poussant plus loin l'ana- lyse, on remarque donc que cette lacune - qu'il s'agisse ou non de régions frontières - correspond aux difficultés rencontrées par les économistes lorsqu"ils veulent prendre en compte l'espace. Dans une analyse très éclairante, Claude PONSARD (1955) met le doigt sur ce problème et montre comment les frontières politiques ont été intégrées aux théories économiques. Au départ, le concept de nation est une catégorie de la doctrine avant d'être une catégorie de la théorie dans la pensée économique: "L'intérêt national, réductible à celui du monarque chez les Mercanti].is- tes ou défini par le concours de tous les intérêts individuels chez les classiques, devient une réalité autonome avec les écoles dites nationa- les. La notion de frontière, obstacle qui abrite la spécialisation, inspire la doctrine libre-échangiste des théoriciens des coûts comparés ou conduit au protectionnisme ceux pour qui elle doit envelopper une économie complexe" (Ponsard 1955, p. 219). - 10 - Cette prise en compte de la nation, liée à la superposition des frontières politiques et économiques, ne devient complè- te qu'avec KEYNES et les théories macro-économiques: "... l'intérêt national devient susceptible d'une expression quantita- tive que la comptabilité nationale s'efforce de mesurer et la frontière devient un concept économique en définissant le développement complexe de la nation et en incitant à prendre conscience des relations interna- tionales" (PONSARD 1955, p. 220). Un tel concept reste toutefois très éloigné de celui d'es- pace: "Héritière du mode de réflexion traditionnel dans lequel les sujets économiques sont privés de tout environnement spatial et les marchés réduits à des points, la pensée moderne ne pouvait que réduire la nation, á son tour, à un point en l'intégrant" (PONSARD 1955, p. 220). Si, depuis, la pensée économique régionale s'est fortement développée, ses théoriciens ont toujours de grandes diffi- cultés à dépasser cette vision ponctiforme de l'espace. De plus, on peut relever que les analyses régionales restent le plus souvent confinées à 1'espace défini par les frontières nationales. 1.1.2 Econonie régionale et économie internationale Economie internationale - économie nationale - économie régionale, ce découpage de la pensée économique, qu'on retrouve souvent dans les programmes universitaires, est 1'expression d'une certaine division du travail qui s'opère entre les différentes disciplines économiques. Une telle division reste arbitraire et a peu à voir avec la notion d'espace, mais elle peut nous aider à comprendre pourquoi 1'étude des régions frontières pose autant de problèmes conceptuels. L'économie nationale n'ayant pas besoin de faire référence explicitement à l'espace dans la mesure où les frontières nationales constituent ses seules limites (RICHARDSON 1973), c'est dans la comparaison des théories régionales et - 11 - internationales qu'il faut rechercher des points de repère pour 1'analyse des régions frontières. A ce niveau, ce sont les postulats relatifs à la mobilité qui opposent le plus ces deux disciplines. Dans la théorie néo-classique du com- merce international, mais aussi dans certains de ses dépasse- ments, un pays reste "un espace d'immobilité des facteurs dont la combinaison permet la production de biens rares" (MUCCHIELLI et SOLLOGOUB 1980, p. 166). L'échange, la rela- tion entre les espaces s'effectue par 1 ' entremise des pro- duits , dont la mobilité est considérée comme parfaite. Les postulats de 1'économie régionale sont opposés. L'équilibre découle de la mobilité parfaite des facteurs de production alors que les mouvements des produits ont un impact moindre dans le long terme. Bien que sommaire, cette comparaison suscite une interroga- tion fondamentale: 1'économie des régions frontières et leurs relations avec les autres espaces doivent-elles être analysées avec les outils de 1'économie régionale ou inter- nationale? Dans un certain sens, on se trouve face à une situation de "no-bridge" entre ces deux approches théoriques. La réponse à cette interrogation ne se trouve toutefois pas dans l'ex- clusion d'un de ces deux courants. La science économique régionale a dépassé le modèle néo-classique et elle a inté- gré de nombreux apports de la théorie du commerce internatio- nal. Ces points de rencontre laissent tout de même subsister des différences très importantes entre les deux écoles. En plus du postulat d'immobilité des facteurs de production, 1'économie internationale se distingue par 1'existence de conditions particulières, à savoir: - des systèmes monétaires indépendants; - des frontières impliquant un ensemble de contrôles, d'in- terventions et de discriminations qui n'existent pas dans les échanges intra-nationaux; - 12 - - des coûts de transport et de communication relativement plus importants que dans le cas d'échanges intérieurs. Avec ce dernier point, on trouve un élément de rapprochement avec les théories de la localisation. Malheureusement, cette convergence n'est que très imparfaite et il faudra attendre longtemps encore avant que la théorie du commerce international devienne un "cas particulier" de la théorie de la localisation en offrant ainsi un instrument d'analyse privilégié des régions frontières. 1.1.3 Les différents courants de pensée de la science régio- nale Parmi les multiples écoles et courants de pensée de l'économie régionale, ou spatiale, on peut distinguer schématiquement deux types d'approches: - les théories de la localisation, basées sur une approche micro-économique des décisions de localisation des agents économiques (section 1.2); - les théories et les modèles de croissance interrégionaux, davantage orientés vers la maero-économie (section 1.3). Si une classification systématique des différents courants théoriques pose de nombreux problèmes, une telle tâche est encore plus difficile si on tient compte du fait que les frontières internationales ne constituent souvent qu'un élément marginal de ces théories. Sous cet angle, on peut cependant considérer que le début des années '50' marque un tournant. A partir de ce moment, les analyses sont influencées par la libéralisation du commerce international ainsi que par l'émergence d'espaces d'intégration économi- que , plus particulièrement par la création de la Communauté Economique Européenne, les écoles qui se sont développées dans ce contexte restent fortement liées aux précédentes - 13 - mais leurs approches s'en distinguent toutefois par le fait que c'est la disparition des frontières qui devient leur objet privilégié, raison pour laquelle on a choisi de leur consacrer une section particulière (1.4). Ce tour d'horizon sera ensuite complété par une analyse de quelques travaux empiriques (chapitre 2), puis on examinera (chapitre 3 > quels sont les apports spécifiques de la géogra- phie - autre composante importante de la science régionale - de manière à définir notre problématique des effets régio- naux de la frontière (chapitre 4). 1.2 Les théories de la localisation Si les théories de la localisation sont certainement les plus fécondes dans le cadre de l'étude des régions frontiè- res, aucun des pionniers de cette école n'a, à proprement parler, développé une théorie systématique des régions fron- tières. Ces espaces sont restés un cas particulier dans leurs analyses. Les désavantages et avantages liés à la localisation dans ces régions sont fonction de la manière dont chaque auteur tient compte du "monde réel" et intègre les facteurs politiques ou institutionnels. Le contexte économique et politique dans lequel ces analyses ont vu le jour a exercé une influence prépondérante sur la manière d'apprécier la situation des régions frontières. Si, comme le relève Niles HANSEN (1981), la vision de CHRISTALLER et de LOESCH est globalement défavorable, c'est parce qu'à 1'époque (1'entre-deux-guerres) les échanges étaient fortement entravés par les frontières et que les risques d'invasion militaire exerçaient un effet dépressif sur les régions frontières. Cette influence du contexte historique dans lequel sont nés les principaux travaux sur la localisation se fait sentir - 14 - encore à l'heure actuelle. En effet, même si.d'autres fac- teurs que la simple comparaison entre rationalités politique et économique sont venus s'ajouter à l'analyse de ces précur- seurs, cette vision négative des frontières et des régions frontières domine encore aujourd'hui. L'objectif n'étant pas de réécrire une histoire de la pensée économique spatiale, on a fait le choix de centrer la présen- tation autour de quatre auteurs qui présentent un intérêt particulier pour leurs apports à l'analyse des régions frontières, à savoir: LOESCH, CHRISTALLER, OHLIN et HOOVER. 1.2.1 LOESCH Héritier de 1'école allemande de la localisation (Von THUNEN, WEBER), Auguste LOESCH (1906-1945) est un des théori- ciens qui donne l'image la plus riche des effets de la fron- tière sur 1'organisation spatiale économique. Son analyse, présentée dans 1'ouvrage intitulé "Die räumliche Ordnung der Wirtschaft" , repose sur la distinc- tion entre dimension politique et économique des espaces (régions) et de leurs limites (frontières). Plus rigides, les frontières politiques sont plus larges que les frontiè- res économiques et les Etats sont comparés à des oasis, les barrières douanières, les lois, les langues et le sentiment d'appartenance à une communauté jouant le rôle du désert qui les sépare: "Political .frontiers are wider, so to speak, than economic boundaries. States, like oases, are separated as in a great desert by custom duties, law, language, a sense of community, insecurity and destiny". (LOESCH 1954, p. 198). 1) On trouve une analyse thématique ou chronologique de ces apports chez PONSARD 1955, SHERRILL 1979 et HANSEN 1981. 2) Ouvrage paru en 1940 en allemand. On se référera par la suite à la traduction en langue anglaise, datée de 1954. - 15 - Avec la frontière économique c'est le résultat du processus économique, le profit, qui se modifie alors qu'avec la fron- tière politique ce sont les peuples et les idées qui chan- gent. Une telle coupure est donc beaucoup plus marquée car si des zones intermédiaires, dans lesquelles les forces de deux espaces économiques s'équilibrent, peuvent subsister, 1'individu doit au contraire choisir entre deux Etats. LOESCH ajoute encore que l'ordre des objectifs ultimes de la ratiormalité politique, la permanence, le pouvoir, la cultu- re et la prospérité {continuance, power, kultur, prospe- rity), est parfaitement inverse à celui de la rationnante économique. Frontières politiques et économiques ont toutes deux pour effet d'interrompre le réseau des aires de marché. Cepen- dant , cet effet diffère qualitativement: les frontières économiques, assimilées à une "couture" ont tendance à occuper les vides apparaissant à leur proximité tandis que les frontières politiques, plus proches d'une "coupure", ont pour conséquence d'accroître le nombre de "trous" dans le réseau des aires de marché. Cet impact des frontières politiques s'explique par le fait qu'elles coïncident avec: - des frontières douanières; - des frontières nationales, les différences de langue, de coutume et même de "charactère" ayant le même effet que les droits de douane; - des frontières administratives, qui se marquent aussi bien au niveau de l'activité de l'Etat que par le fait que les voies de communication ne franchissent que très rarement les frontières. 1 ) Ces notions de "coupures" et de "couture" ont été empruntées au géographe allemand RATZEL (cf. 3.1). - 16 - Pour LOESCH, l'impact des frontières politiques est particu- lièrement négatif'en ce qui concerne 1'échange à courte distance. Tout d'abord, le poids des droits de douane est proportionnellement plus important lorsque les coûts de transports sont faibles. Ensuite, les multiples formalités liées au passage de la frontière découragent de nombreux petits entrepreneurs et la limitation du nombre de points de franchissement pénalise avant tout les échanges des régions les plus proches de la frontière. Finalement, les effets négatifs des frontières politiques et économiques s'additionnent. L'offre de biens est plus faible qu'ailleurs dans les aires peu peuplées qui bordent la fron- tière et, surtout, les prix y sont plus élevés en raison de coûts de transports supplémentaires et d'une concurrence moins vive: "In other respects state and economic boundaries have the same result: The market areas in their vicinity are larger, and therefore less numerous. The seam at the boundary gives more or less the impression of a wasteland, in so far as it is less thickly populated and many products can be obtained only from a distance or not at all. Prices are higher, partly because more freight on the average is added to the factory price and partly because there is less competition. Boundaries cause economic losses, and doubled boundaries, economic and political, mean double losses." (LOESCH 1954, p. 205). Le schéma proposé par LOESCH dans un paragraphe consacré aux effets d'une union économique permet df illustrer graphique- ment les effets d'une barrière douanière (voir figure 1.1). La limite de l'aire de marché est représentée par un trait continu dans la situation précédant l'union, après celle-ci, par une ligne brisée. Si, avant l'union, le pays de droite (Eastland) perçoit un droit de douane équivalent à une dis- tance DJ, l'aire de marché A du pays gauche (Westland) est limitée au segment CDE si les transports sont possibles dans toutes les directions et à FDG si le passage doit se faire uniquement par la douane localisée en B. Cette dernière situation est à rapprocher du cas où, malgré la liberté des échanges, le marché est limité à HJK par 1'obligation de franchir une rivière par un pont situé en B. - 17 - Figure 1.1 : Les effets d'une barrière douanière selon LOESCH Westland Source: LOESCH 1954, fig. 60, p. 341 LOESCH ne réduit pas son analyse à ces seuls éléments théori- ques . Ils'appuie sur un riche matériel d'observation contem- porain pour donner une image plus nuancée des effets de la frontière. Il remarque ainsi que les frontières politiques nationales peuvent constituer un facteur de localisation. Il s'agit ici surtout d'un effet indirect des barrières douani- ères. Les firmes "étrangères" s'implantent de 1'autre côté de la frontière pour échapper aux droits de douane et pour mieux accéder aux marchés en évitant d'autres obstacles non- tarifaires ou culturels. LOESCH prend pour exemple la fron- tière américano-canadienne et - cas plus intéressant dans le cadre de cette analyse - la frontière germano-suisse. L'entrée du pays de Bade dans le "Zollverein" allemand puis 1'adoption de tarifs élevés à la fin des années 1870 explique pourquoi de nombreuses entreprises suisses sont venues s'établir dans la région frontière allemande. Cette situation particulière - les régions frontières restent des - 18 - zones défavorisées pour LOESCH - s'explique par deux fac- teurs. D'une part, l'imposition est moins élevée en Suisse ce qui justifie le maintien des maisons-mères sur sol helvé- tique et, d'autre part, la proximité permet de garder des contacts étroits avec ces centres de décision et d'accéder plus facilement au circuit bancaire helvétique. Dans un chapitre ultérieur, LOESCH remarque que la région baloise est, a 1'origine, un espace homogène du fait de l'existence de très nombreux échanges de marchandises et de facteurs de production. Si les frontières y exercent des effets de localisation, elles n'en détruisent pas pour autant l'homogénéité de cette région. Ce n'est qu'avec les conséquences de la première guerre mondiale et de la riva- lité franco-allemande que cette situation s'est modifiée. De très nombreuses relations économiques ont été entravées, des aires de marché ont été modifiées. On remarque, par exemple, que certaines entreprises helvétiques se sont déplacées d'Alsace, territoire redevenu français, en Bade du Sud afin de continuer à pouvoir accéder au marché allemand. 1.2.2 CHRISTALLER L'analyse de Walter CHRISTALLER (1933>1> peut être * -¦ '21 consideree, dans une certaine mesure, comme complémentaire a celle de LOESCH. Elle s'applique aux biens et, surtout, aux services commercialisés dans et par les places centra- les. Chaque place centrale dessert une région complémentaire dont l'étendue varie en fonction des biens offerts. C'est le niveau, c'est-à-dire le degré de centralité, de ces biens qui détermine la position de la place centrale au sein d'un système organisé de manière hiérarchique. 1) Comme pour LOESCH, on a utilisé une traduction en langue anglaise, datée de 1966, de l'ouvrage allemand intitulé "Die zentralen Orte in Süddeutschland" paru en 1933. 2Ï Voir, par exemple, VANHOVE et KLAASSEN 1980. - 19 - L'organisation de ce système et la localisation des places centrales sont gouvernées, simultanément ou non, par trois types de logique: le marché, le trafic et le principe de séparation. Le marché, qui est un principe spatial, est cer- tainement le plus général. L'organisation en fonction des voies de communication (trafic) est par contre linéaire. A ces deux principes de nature économique s'oppose le principe de séparation qui n'a pas la rationalité du principe écono- mique mais qui a l'autorité du pouvoir étatique. Si schémati- quement l'application de ce principe aboutit à une structure dans laquelle des régions de moins en moins peuplées entourent et "défendent" la capitale (une place centrale de premier rang), une telle organisation n'est pas seulement le propre de pays menacés mais se retrouve aussi dans les pays où l'idée de communauté est forte. Ainsi CHRISTALLER parle de principe de séparation socio-politique. Pour CHRISTALLER, le principe de séparation trouve son expression contemporaine dans le découpage administratif pratiqué par les Etats modernes. Par rapport à la logique du marché, le principe de séparation a pour effet principal de couper les régions complémentaires et, par conséquent, de multiplier le nombre de places centrales. A l'intérieur d'un Etat, d'une économie nationale, les multiples facteurs qui déterminent le rang d'un bien, c'est-à-dire la structure de la demande, les prix, les salaires, la fiscalité et le coût de la distance, sont uniformes. Lorsqu'on franchit la fron- tière, c'est l'ensemble de ces variables qui se modifient et qui modifient en conséquence la structure (la taille, l'éloi- gnement) des places centrales : "But the moment one crosses the border of such a national economy (state) and enters another national economy, one observes an important difference .... where the political border is simultaneously a national border, not only the structure of the population but also the schedule of demands and other variables change ... the values and the measures of sizes, etc., which are the determining bases of central places, will be different on each side of a border. That is, the distance between the 1) On retrouve là l'idée de "désert frontalier". - 20 - central places and the size-types of central places and their progression will gave different basic measures." (CHRISTALLER 1966, p. 123). Une autre dimension apparaît dans l'analyse de CHRISTALLER, celle du temps. Les formes anciennes exercent durant une longue période leur influence sur les types ultérieurs d'or- ganisation du territoire. C'est ainsi qu'on peut retrouver les traces du système des places centrales des Romains. C' est ainsi que l'organisation spatiale relativement décen- tralisée de 1'Allemagne peut être expliquée par son passé fédéraliste. L'importance du facteur de séparation a toute- fois diminué avec la révolution industrielle. Le principe d'organisation selon le trafic l'a progressivement remplacé et, la disparition des frontières politiques, à 1 ' image de ce qui s'est passé en Allemagne, fait penser à CHRISTALLER qu'on s'achemine vers un mode d'organisation dans lequel la logique économique du marché prévaudra. En raison de ces facteurs institutionnels et historiques, l'analyse des régions frontières proposée par CHRISTALLER reste très nuancée. En principe, la situation des places centrales proches de la frontière est défavorable. Cela est dû au fait que ces places sont coupées d'une partie de leur région complémentaire. Si nombre de facteurs déterminant la centralità restent invariants au sein d'un espace national, il n'en va pas de même de la rémunération du capital. En effet, une prime de risque est intégrée au taux d'intérêt. En raison des risques politiques plus importants dans les régions frontières, le taux d'intérêt y est par conséquent plus élevé, ce qui les désavantage par rapport aux places centrales situées plus en retrait. De plus, la clientèle ainsi perdue n'est pas complètement transférée vers d'autres places, nationales ou étrangères, parce que l'augmentation des distances vient réduire d'autant le volume de la consom- mation. - 21 - Ces désavantages de principe sont toutefois compensés par de nombreux autres facteurs économiques et institutionnels. CHRISTALLER remarque, notamment, que la frontière ne limite pas 1'aire de marché de certains biens culturels comme le théâtre. Elément encore plus marquant, la frontière peut devenir, malgré 1'absence d'une région complémentaire, un facteur de localisation en favorisant le développement des activités liées au transit: "All such connections of the border place with the foreign country, together with the development of trading activity at the border, the storage of goods, the collection of duties on goods, and the earnings derived from them, strengthen the importance of the border place, even though it has no, or altmost no, complementary region." (CHRISTALLER 1966, p. 46). Cet effet frontière est d'autant plus positif que la situation politique est stable. A contrario, l'instabilité réduit à néant ces effets positifs en augmentant la prime de risque évoquée précédemment: "Near unstabilized borders, the central places will have, therefore, small complementary areas and will show limited development; central places near stabilized borders, on the other hand, will have, as a rule, greater development, since the border traffic stimulates action. To an even greater extent, these same factors (Stable or unstable borders) influence the price of insurance and the amount of depreciation." (CHRISTALLER 1966, p. 96). CHRISTALLER appuie sa demarche théorique deductive sur l'étu- de du système des lieux centraux d'Allemagne du Sud. Bien plus que la méthode utilisée, c'est son analyse des régions frontières germano-suisses qui nous intéresse. Il note ainsi que dans le cas de Baie - Mulhouse - Fribourg 1'effet du principe de séparation s'est traduit par une répartition de la centrante entre ces trois villes. Si l'organisation spa- tiale était déterminée par le seul principe du marché, les places centrales seraient plus nombreuses mais auraient un rang inférieur. La frontière agit également par le biais de la distance. En introduisant des droits de douane elle aug- mente en effet le coût psychologique des déplacements. En tenant compte de ce facteur on retrouverait - CHRISTALLER cite le cas des villes de Bale et de Lörrach - une mesure - 22 - differente de la distance physique mais qui correspondrait beaucoup mieux aux normes mises en évidence par 1'approche théorique. 1.2.3 OHLIN Même si elle n'aborde que de manière indirecte le cas des régions frontières, l'analyse de Bertil OHLIN (1933) est cependant précieuse parce qu'elle tente de lier dans un même schéma commerce interrégional et international. Dans le modèle de base, l'échange entre les régions trouve sa source dans les inégalités de prix et de dotation en fac- teurs de production. OHLIN introduit ensuite un élément qui vient limiter la mobilité des biens : le coût de trans- fert. C'est le poids relatif de ce coût qui détermine si un bien sera échangé entre les régions ou pays. A côté des biens échangés, qualifiés de "biens interrégionaux ou inter- nationaux" , on trouve donc des biens dont l'aire de marché est limitée à la région ("home market goods"). Ces biens "régionaux" peuvent être plus ou moins exposés à la concur- rence des biens importés. Font partie de la catégorie "pro- tégée" la plupart des services ainsi que les biens dont le coût de transport est élevé. Ce coût de transport constitue l'essentiel du coût de trans- fert interrégional. D'autres éléments viennent s'y ajouter lorsqu'on franchit une frontière internationale. Il s'agit des différences qui existent entre deux pays tant au niveau des lois, de la langue, des taxes que des "comportements économiques". Si ces divers éléments peuvent être traités sur le même modèle que les coûts de transport, d'autres obstacles rendent encore plus difficile l'échange interna- tional. 1) Dans la suite de ce texte, on fera référence à l'édition révisée, parue en 1967, de "interregional and international trade". - 23 - En premier lieu, l'existence de systèmes monétaires diffé- rents introduit une nouvelle variable dans le modèle, le taux de change, ainsi qu'une nouvelle contrainte, l'équi- libre des balances monétaires. Les caractéristiques socio- économiques nationales jouent ensuite un rôle important, dans la mesure où il y a uniformité intra-nationale mais pas internationale au niveau, notamment, de la conjoncture ou des conditions de travail. Lorsqu'on tient également compte des obstacles douaniers de nature administrative, on comprend que les frontières internationales aient un effet beaucoup plus marqué que les limites interrégionales. Cependant, ces obstacles peuvent être surmontés et, souvent, les différences de prix entre production nationale et biens importés restent dans des limites étroites. L'échange est donc possible; ce d'autant plus que les coûts de transfert agissent également au niveau intra-national ou intra- régional: "The market area over wich a certain commodity is distributed from a certain center of production does not stop at the national borders, except insofar as the latter are important obstacles. Often they are not, and goods pass the borders, i.e., enter into international trade." (OHLIN 1967, p. 174). A contrario, l'introduction de droits de douane élevés peut modifier la répartition spatiale des activités. Ainsi, les producteurs de biens d'exportation, qui généralement se localisent à proximité de la frontière, se voient davantage concurrencés {au niveau du marché des facteurs) par les branches qui travaillent pour le marché national. De cette manière, les régions centrales, qui sont mieux placées par rapport au marché national, sont favorisées : "... it is obvious that if a contry chooses to impose a tariff of some significance, the location of industry will be affected: some industries are stimulated, others are retarded. There is no reason to assume that those stimulated will be located in the same way as the others. Export industries tend to locate near good transfer facilities to other countries, e.g., close to good ports. Market-located home market industries, however, which may well expand owing to protection at the expense of export industries, locate to a large extent in the interior of the country. Protection may thus move industry away from the coastal districts to those in the interior." (OHLIN 1967, p. 207). - 24 - Le modèle d'OHLlN tient aussi compte de la mobilité inter- régionale et internationale des facteurs de production. Celle-ci est toutefois beaucoup plus malaisée que celle des biens parce qu'elle se heurte à de très fortes résistances de nature psychologique. Même si les mouvements de facteurs sont plus fréquents entre les régions qu'entre les pays, les échanges de produits n'en restent pas moins l'instrument privilégié des ajustements internationaux mais aussi interrégionaux. L'analyse d'OHLIN est donc avant tout celle du commerce et, plus particuliè- rement, du commerce international. En effet, le lien avec la théorie de la localisation reste très imparfait: pour OHLIN les disparités de développement entre régions s'expliquent par leur dotation en facteurs et, surtout, par les capacités et les coûts de transfert intrarégionaux. 1.2.4 HOOVER Si Edgar H. HOOVER s'est largement inspiré de LOESCH, son analyse est moins théorique et, surtout, accorde davantage d'importance aux facteurs institutionnels. Ainsi, ce sont non seulement la langue mais aussi de multiples particulari- tés culturelles, politiques et techniques qui caractérisent un pays et qui conditionnent 1'échange international: "Une frontière peut aussi concrétiser des différences de goûts, de coutumes et de langage (même entre deux pays aussi apparentés que, par exemple, les Etat-Unis et le Canada) qui imposent à l'exportateur un effort particulier, atteignant parfois, par le recours à des fabrica- tions spéciales, une coûteuse diversification des séries. Les modalités d'étiquetage, de publicité, de correspondance, se ressentent de Ia différence des langages, des systèmes de mesure, des normes techniques, pour tout ou partie d'un article (visserie, par exemple), tandis que Ia religion même peut apporter des restrictions ...." (HCX)VER 1955, p. 175). 1) Le principal ouvrage de HOOVER "The location of economic activity" a été publié, avec un certain retard dû à la guerre, en 1948. Dans ce texte on se référera à la traduction française parue en 1955. - 25 - Bien qu'il considère que l'effet principal de la frontière est de rétrécir les aires de marché et d'accentuer les for- ces centripètes des économies nationales, HOOVER insiste également sur ses retombées positives. Notamment, et contrai- rement à OHLIN (voir point précédent), des mesures protec- tionnistes peuvent aussi favoriser le développement de cer- taines activités dans les régions frontières: "Si, par exemple, un pays importateur de produits fabriqués décide d'importer et de transformer désormais les matières premières qu'il ne possède pas, ses entreprises (si elles sont orientées vers les sources plus que vers le marché) tendront à s'installer auprès des points d'entrée (bien entendu en deçà de la barrière protectrice). Même si. le coût de transport de ces matières premières n'est pas déterminant, ces points d'entrée présentent d'autres avantages: transbordement, redistri- bution, marché local___" [KOOVER 1955, p. 179). HOOVER passe ensuite en revue les échanges internationaux et interrégionaux. Dans le premier cas, il relève une tendance à la convergence car, même si des obstacles sont mis à la mobilité des biens ou des facteurs, les mécanismes de substi- tution rendent possibles des ajustements tendant à l'équili- bre général. Ce postulat est toutefois remis en doute par "l'économie réelle". Même au niveau international les fac- teurs sont mobiles et, à l'image de ce qui se passe au plan interrégional, les mécanismes d'évolution peuvent se tradui- re par une tendance à la divergence (par l'intermédiaire du multiplicateur régional). La frontière intervient dans ce schéma non seulement parce qu'elle impose la conversion des paiements d'une monnaie dans 1'autre mais aussi et surtout parce qu'elle est le lieu de confrontation d'intérêts nationaux et de politiques écono- miques divergents: "... une différence fondamentale apparaît: celle d'une séparation des autorités qui peuvent, chacune pour son compte, intervenir dans le volume du crédit, les taux d'intérêt, les prix, 1'investissement à l'extérieur, le contrôle douanier, le cours des changes, dans une optique de progrès et d'équilibres internes bien plus qu'aux fins de la prospérité internationale." (HOOVER 1955, p. 186). - 26 - 1.3 Les théories de la croissance régionale Si la différence entre approches micro-économiques {théories de la localisation) et macro-économiques (théories de la croissance régionale) est relativement claire, il est par contre plus difficile de dégager une vision synthétique des multiples courants, des multiples disciplines et techniques qui touchent à la croissance régionale. Harry W. RICHARDSON (1973 et 1978) est un des rares auteurs qui ait cherché à donner une vision d'ensemble dans ce domaine, et c'est sur son travail que nous nous appuierons ici. Fondamentalement, on peut distinguer deux approches théori- ques: les modèles néo-classiques qui postulent la convergen- ce, et les modèles du développement inégal, basés sur une hypothèse opposée. Les modèles néo-classiques sont surtout attirants parce qu'ils articulent croissance régionale et mobilité des facteurs de production. Toutefois, ils reposent sur des postulats très éloignés de la réalité et envisagent l'espace avant tout de manière ponctiforme. Les modèles de croissance cumulative, notamment ceux dévelop- pés par MYRDAL -et KALDOR, sont surtout applicables aux rela- tions entre pays sous-développés et pays riches. RICHARDSON, tout en reconnaissant les aspects plus réalistes de ces théo- ries, met en doute leur transposition au plan régional et relève leur côté peu formalisé. A côté de ces deux écoles, on peut distinguer une série d'ap- proches qui se distinguent par leur caractère partiel et par le fait qu'elles constituent davantage un instrument et une technique d'analyse qu'une véritable thécroissance régiona- le. Parmi ces approches on peut nentionner (RICHARDSON 1973 et 1978): - la théorie de la base économique; - les modèles input-output; - les modèles économétriques; - 27 - - l'analyse shift-share; - les modèles de gravitation ou modèles de potentiel. Dans son analyse, RICHARDSON (1973) relève les nombreuses limites auxquelles se heurtent ces différentes écoles et tente de les surpasser en proposant de fusionner les théo- ries de la localisation et de la croissance régionale. Une telle démarche doit reposer sur une prise en compte à un double niveau de 1'espace et de la distance: celui des dis- tances interrégionales, celui de la différenciation spatiale intra-régionale. Le modèle esquissé par RICHARDSON (1973) tente d'intégrer les apports de nombreux courants de recher- che et s'éloigne ainsi des modèles à forte cohérence interne tels ceux construits par les néo-classiques. Un tel modèle est surtout intéressant parce qu'il peut servir de toile de fond à l'analyse empirique qui sera présentée dans la seconde partie de cette recherche, en lui fournissant les indispensables points de repère théoriques. En ce qui concerne les frontières internationales, l'apport d'un tel modèle et par contre beaucoup plus limité et nous ne présenterons ici que trois de ses éléments, les plus intéressants par rapport à notre problématique. Parallèle- ment, nous consacrerons un point particulier (1.3.2) à la théorie de la polarisation. En effet, cette approche qui peut être classée dans la catégorie des théories du dévelop- pement inégal, n'a pas été intégrée par RICHARDSON mais a été utilisée par plusieurs auteurs pour analyser les effets de la frontière. 1.3.1 Trois composantes du modèle de croissance régionale 1.3.1.1 Le facteur urbain Pour RICHARDSON, l'introduction du fait urbain est le moyen le plus adéquat de rendre compte de la différenciation spatiale intra-régionale et de s'éloigner ainsi d'une vision - 28 - ponctiforme de l'espace. La répartition spatiale de la population et des activités dans l'espace - plus précisément leur agglomération en un nombre limité de lieux - est en effet plus importante que la distance qui sépare deux points: "Regional economists arc not merely concerned with the distances separating points in space (e.g. raw material locations and markets, one market and another, producers and consumers) but with the internal structure of these spatial points. In particular, the spatial agglomerations of population and economic activities may be the main distinctive feature between an analytical framework based upon a set of spaceless regions and one that recognises the existence of space both between and within regions". (RICHARDSON 1973 ). L'intégration de 1'économie urbaine non seulement permet de se rapprocher de la réalité mais constitue aussi un passage obligé si on veut tenir compte des économies externes et des effets d'agglomération. Cette dimension devra donc jouer un rôle majeur dans l'analyse des effets régionaux de la frontière. 1.3.1.2 La diffusion spatiale de l'innovation Cet élément, souvent oublié par les néo-classiques, devient un des aspects centraux des nouvelles politiques de dévelop- pement régional . Le progrès technique n'apparaît pas partout en même temps et, sa diffusion est freinée par de multiples facteurs. Le rapport avec les frontières internationales dépend dans ce cas du modèle choisi pour représenter cette diffusion. Ainsi, en se basant sur un modèle de diffusion selon la hiérarchie urbaine, HAGERSTRAND postule que le processus de diffusion est d'une part freiné par la frontière et qu'il est d'autre part sensible à la distance: "National border restrict the innovation diffusion process. The first adoption in a country of an imported innovation is usually in the 1) Voir, par exemple, EWERS et WETTMANN 1980. - 29 - capital or some other large city. When innovations cross .national boundaries, they spread most easily into neighbouring countries" . Une telle conclusion est étroitement liée au choix d'un modèle. On parviendrait vraisemblablement à des résultats différents - en tout cas en ce qui concerne le .rôle de la distance - si on se basait sur un mode de diffusion privilé- giant les facteurs internes aux entreprises . Dans la mesure où l'impact des frontières nationales dans ce domai- ne reste largement inexploré, la référence à cet élément doit surtout montrer que l'étude des effets de la frontière peut être étendue à toutes les composantes du modèle de la croissance régionale. 1.3.1.3 Les modèles de gravitation Le modèle de gravitation, ou modèle de potentiel, permet de rendre compte de la friction de la distance mais n'explique pas, à proprement parler, les causes du développement régio- nal. Ce modèle emprunté à la physique repose sur deux varia- bles, la masse (mesurée, par exemple, par le revenu régio- nal) et la distance. Ainsi, le potentiel de croissance d'une région est fonction de la masse des autres régions du systè- me et de la distance qui la sépare de ces dernières. Développé à l'origine dans le cadre de 1 ' analyse du commerce international, cet instrument a été utilisé comme nous le verrons plus loin (voir 1.4.3 et 2.3), pour évaluer l'impact de 1'intégration européenne. Même si RICHARDSON (1973) doute de son application au plan régional, il faut reconnaître qu'un tel modèle offre le très grand avantage de lier économie internationale et régionale et qu'il présente par conséquent un très grand intérêt pour l'étude des effets de la frontière. 1) Cité par RICHARDSON 1973, p. 121. 2) Voir, par exemple, MAILLAT 1982. - 30 - 1.3.2. La théorie de la polarisatio'n Issue des travaux de François PERROUX, la théorie de la polarisation s'appuie sur des concepts qui s'appliquent en premier lieu aux espaces économiques. Parmi les tenants de cette école, c'est surtout à Jacques-Raoul BOUDEVILLE que revient le mérite d'avoir développé la dimension spatiale et régionale de cette approche. Cet auteur a d'ailleurs consa- cré une partie de ses travaux à l'analyse des régions fron- tières. La transposition de ces concepts au niveau géographique con- serve une dimension technique mais l'enrichit de multiples facteurs socio-économiques: "Un pôle de développement, du point de vue technique, est un complexe d'activités agglomérées autour d'une activité motrice." ... "La polarisation se définit comme le développement d'un complexe écono- mique et social géogrophiquement aggloméré. Les économies externes qui caractérisent la polarisation sont essentiellement centrées sur l'effet de communication, au sens large, qu'il s'agisse des échanges de marchan- dises, de services ou d'information." (BOUDEVILLE 1972, pp. 263-264). Mais, élément encore plus important pour la compréhension de cette approche: "La polarisation est un processus dynamique et volontaire d'évolution des structures." (BOUDEVILLE, 1972, p. 264). Cet abandon de la "main invisible", l'accent porté sur les facteurs institutionnels sont une des raisons pour lesquelles les tenants de c,ette école se sont intéres- sés aux effets des frontières internationales. On peut trouver à cela une autre justification dans le fait que leur analyse a été contemporaine de la mise en place du Marché commun européen. Ainsi, les pôles sont considérés non seulement comme l'instrument du développement régional, mais aussi comme des "outils privilégiés d'intégration des communautés internationales". Dans son analyse économique des régions frontières, BOUDEVILLE (1971 et 1972) fait tout d'abord la critique des approches néo-classiques. La région est par définition plus ouverte que la nation et la théorie monétaire du commerce international ne s'applique pas aux échanges interrégionaux. - 31 - La nature des frontières et des régions frontières joue un rôle important dans l'analyse. BOUDEVILLE (1972, pp. 256- 257) distingue trois types de frontières politiques: - "Les frontières obstacles naturels à 1 ' état pur : Pyrénées, Alpes. Ces régions forment des ensembles, homogènes naturellement divisés par les lignes de crête en des espaces polarisés de nationalité différente."; - "Les frontières historiques partagent politiquement une zone de développement économique sans obstacles naturels et sclérosent le rayonnement des pôles urbains de développement."; - "Les frontières maritimes à la fois obstacles et attraction sont une source de localisations économiques récentes sur le pourtour des bassins océaniques.". Ces frontières partagent également trois traits communs : - une disparité artificielle et tranchée des rémunérations des facteurs de production, encore accentuée par les vicis- situdes monétaires ; - une distorsion des réseaux de polarisation urbaine défavo- rable aux centres les plus importants (par exemple: Baie); - un contact abrupt entre deux structures institutionnelles hétérogènes. C'est l'appIication des concepts et des instruments de la polarisation qui devrait permettre de surmonter ces obsta- cles en "matérialisant la solidarité européenne". Parmi les différentes formes que prend la polarisation, c'est la catégorie des pôles d'intégration qui semble le mieux convenir. Il s'agit d'un pôle de développement "qui met en communication des systèmes économiques j usque-là essentiel- lement étrangers". Dans le cas des pays européens, ces systèmes économiques sont en fait des "réseaux industriels et urbains" qui ont été "artificiellement disconnectés par des frontières politiques". - 32 - Pour que cette intégration puisse être effective, BOUDEVILLE distingue plusieurs conditions: - une forte croissance économique; - un système de prix frontaliers qui permet la distinction entre intégration et mouvements de transit; - des intérêts et des objectifs communs aux pays voisins; - des industries motrices plurinationales. Ces pôles d'intégration peuvent prendre plusieurs aspects mais "le type le plus général d'intégration polarisée est bien entendu triangulaire. C'est ainsi qu'il faut concevoir le développement Bale, Mulhouse, Fribourg;" (BOUDEVILLE 1972, p. 267). Cette évidence géométrique, qui ne semble pas nécessiter une quelconque démonstration, revient dans les travaux que BOUDEVILLE a menés jusqu'à sa mort accidentelle. Son appréciation des faits se modifie toutefois progressive- ment, à l'exemple du jugement qu'il porte sur le cas bâlois. Ainsi de pôle dont le rayonnement est entravé par la frontière, Bâle devient une métropole dont "l'influence dangereuse" doit être contrebalancée par le développement de l'industrie et des infrastructures de la région française voisine: "The Belfort, Montbéliard, Mulhouse triangle built in order to balance Bale's dangerous polarisation at the junction of Rhine and the Swiss plateau. The technical links are created by Peugeot (Montbéliard, Mulhouse). The social accessibility results from the commun Schema Directeur d'Urbanisme of Belfort and Montbéliard. The geographical Accessibility results from the highway Mulhouse, Belfort, Montbéliard and from the future Rhine-Rhone canal." (BOUDEVILLE 1975, p. 232). Développée à la même époque, l'analyse de René GENDÄRME s'inspire également des théories de la polarisation. Encore plus que chez BOUDEVILLE, on retrouve 1'idée de régions naturelles divisées par une frontière. Se fondant sur les travaux de précurseurs de la géographie politique, GENDARME considère que la ligne frontière n 'est pas une "vérité natu- relle". Il est donc préférable de raisonner en termes de lisières ou de zones ce qui justifie une vue très négative des effets de la frontière: - 33 - ".... une définition de la région frontière pourrait être la suivante: ce sont des zones qui ont leur développement entravé par la création d'une ligne artificielle, fixée de manière quasi arbitraire, partageant en deux ou trois une région naturelle." (GENDARME 1970, p. 891). C'est sur cet aspect "artificiel" de la frontière que GENDARME fonde sa critique de la théorie classique. Ainsi, 1'immobilité "voulue" des facteurs de production n'est pas compensée par celle des produits et l'équilibre postulé par le modèle classique ne peut pas se réaliser dans les régions frontières. L'étude des faits montre que la mobilité des capitaux entre des régions frontières constitue l'exception. De plus, la mobilité intra-nationale a joué un rôle aggravant: repousses par les risques politiques et militaires, les capitaux ont eu tendance à se diriger vers l'intérieur des pays, ce qui explique que les régions frontières, à l'image de l'Alsace et de la Lorraine, soient devenues des régions à économie vulnérable ou déprimée. A l'opposé, la frontière induit la mobilité du facteur travail. Déclenchés par des "disparités de salaires liées à des politiques économiques nationales différentes", les mouvements des travailleurs frontaliers mettent "ainsi dans les régions frontières les faits en contradiction avec la théorie" (GENDARME 1970, p. 896). En passant à l'analyse de l'intégration économique, GENDARME reprend le modèle de GIERSCH et constate que l'hypothèse d'égale répartition des ressources dans l'espace est irréa- liste. Il n'est donc pas assuré que les régions frontières centrales de l'union soient celles qui profitent le plus de 1'intégration. GENDARME cite trois catégories de régions qui pourraient être mieux placées à ce niveau: - les régions urbaines déjà fortement développées; 2 ) - les regions maritimes ; 1) Voir 1.4.1. 2) Au contraire de BOUDEVILLE, GENDARME ne semble pas considérer les régions côtières comme de véritables régions frontières. - 34 - - les régions frontières extérieures de l'union: ces zones sont susceptibles d'attirer des capitaux des pays voisins qui désirent pénétrer le territoire de 1'union. En essayant d'intégrer les apports des théories de la polarisation, GENDARME remarque que les régions frontières ne semblent pas pouvoir bénéficier pleinement des économies d'échelle et des économies externes. On peut donc les consi- dérer avant tout comme des pôles de développement incom- plets. Ceci s'explique par quatre types de problèmes auxquels sont confrontées ces régions: - les barrières douanières limitent l'exploitation des marchés; - l'existence de la frontière ne permet pas l'exploitation des complémentarités ; - 1'infrastructure des transports est concurrente et non irradiante; - il est impossible de parvenir à la pleine exploitation des disponibilités de main-d'oeuvre (non-liberté d'établisse- ment, non-équivalence des diplômes}. "La frontière politique a donc pour conséquence principale de bloquer los effets de diffusion du pôle de développement. Celui-ci n'aura pas la force entraînante qu'il aurait eue à l'intérieur de l'espace national. Nous référant à l'existence de zones sous-développées, coexistant de l'autre côté de la frontière avec des zones sur-développées, nous dirons qu'il s'agit là de pôle de développement incomplet." (GENDARME 1970, p. 903). Le Marché commun devant permettre de "reconstituer des régions naturelles", GENDARME en déduit que 1'intégration devrait rendre possible des effets d'entraînement, notamment en remettant en contact deux parties complémentaires d'une même région. Toutefois ces effets semblent avoir des consé- quences avant tout négatives dans la mesure où les régions frontières sont de force inégale et deviennent ainsi des zones d'amplification des effets de polarisation. Les effets - 35 - de domination qui en découlent sont encore amplifiés par les disparités monétaires, ce qui rend d'autant plus nécessaire l'harmonisation des politiques économiques nationales: "Comme les régions frontières sont composées, de part et d'autre de la frontière, d'une zone forte et d'une zone faible, le processus cumulatif joue, dans un premier temps, sur une économie faible à salaires insuffi- sants; il en résulte dans un deuxième temps, une migration de la main- d'oeuvre qualifiée qui empêche toute industrialisation ultérieure." (GENDARME 1970, p. 904). Bien qu'il ait lui-même contribué au développement des théo- ries de la localisation et à leur diffusion dans le monde anglo-saxon, Niles HANSEN porte cependant un j ugement sévère sur leurs apports à 1'étude des régions frontières. Selon lui, les tenants de la polarisation ne sont pas parvenus à développer une véritable théorie des régions frontières et souvent leur analyse n'apporte rien de plus que celle propo- sée par la théorie de la localisation. Cet échec est, au moins en partie, celui de la théorie elle-même. En fait, les effets de diffusion prédits par cette théorie ne se sont pas produits. Meme si la croissance est apparue dans quelques centres, les liens économiques sont restés très diffus et il paraît donc illusoire de réduire les problèmes des régions frontières à de tels mécanismes: "However, neither Gendarme nor Boudeville nor any growth pole theorist really develops a systematic theory relating border regions to the growth pole literature. Many of the examples cited of the consequences of an incomplete development pole were already recognized, at least implicitly, in classical location theory, and it is difficult to see what is to be gained by adopting the jargon of growth pole theory".... "Even where growth has been induced in selected centers, spread effects usually have been either nonexistent or much less than anticipated. The principal reason is the economic linkages tend to be very diffused spatially; they are not primarily a matter of a center and its hinterland or even an orderly filtering process from the higher-order to lower-order centers within an urban hierarchy. Thus the reduction of border region problems to the issue of spread effects appears to be too simplistic." (HANSEN 1981, p. 29). Cette remise en question peut se doubler d'un autre constat: les tenants des théories de la polarisation ont peu renouve- lé leur analyse. On en veut pour preuve un papier récent de GENDARME (1982) qui reprend l'essentiel des éléments dévelop- pés dans son article de 1970. Dans cette version actualisée, - 36 - la notion d'effets d'entraînement positifs disparaît presque complètement. Les régions frontières sont vues avant tout comme "zones d'amplification des disparités internes à la communauté". Les politiques régionales sont toujours diffé- rentes d'un pays à l'autre et les fluctuations monétaires sont venues encore aggraver les disparités. Ceci amène GENDARME à s'éloigner de la théorie de la polarisation et à insister sur les nombreux obstacles politiques qui s'oppo- sent encore aujourd'hui à l'intégration européenne: "Soyons clair, les problèmes des régions frontières sont ceux de la Communauté. Comment croire â l'Europe quand il y a toujours auLant de douaniers aux frontières intérieures. Comment parler de Marché Commun quand treize ans après l'union douanière les formalités intra-communau- taires sont aussi complexes. Comment parler de Marché Commun à l'entre- preneur qui se heurte partout à des barrières non tarifaires que les Etats dressent à nouveau entre eux... Comment ne pas voir que la région frontière révèle avec force le contraste entre le rêve européen et la réalité de sa construction. L'étude des régions frontières nous conduit à penser que ce n'est pas l'Europe qui est malade de ces régions mais les régions frontières qui sont malades de la "Non-Europe." (GENDARME 1982, p. 26). 1 .4 Les analyses de l'intégration économique Avec l'étude des effets de l'intégration économique on retrouve le contact avec les théories du commerce interna- tional . La question la plus souvent traitée dans ce cadre est de savoir si le jeu des effets de création et de détour- nement du commerce aboutit à un gain de bien-être et de déterminer quels sont les pays gui gagnent ou perdGnt à ce jeu. Si la signature du traité de Rome puis la mise en place du Marché commun ont suscité de nombreux travaux, on s'intéres- sera ici surtout aux études qui ont envisagé 1'impact de 1'intégration non seulement au plan national mais surtout au niveau des régions. Dans ce contexte, la question centrale n'est pas de mesurer les gains et les pertes de chacun des 1) Pour les effets nationaux de l'intégration, voir SCITOVSKY 1962 et SALASSA 1962. On peut également se référer à l'analyse de la litté- rature proposée par ADLUNG 1982. - 37 - partenaires d'une union mais bien plutôt d'évaluer ses consé- quences sur les disparités régionales. 1.4.1 GIERSCH L'article très souvent cité de GIERSCH (1949-1950) propose un modèle simplifié destine à rendre compte des effets de la frontière. Celui-ci se base sur trois hypothèses : - 1'espace est une grande plaine dans laquelle les coûts de transport sont proportionnels à la distance; - la population et les unités de production y sont distribuées uniformément. Ces unités, des fermes auto- suffisantes, sont de taille égale; - la plaine, de forme circulaire, est entourée d'un désert, obstable naturel qui se rapproche le plus d'une frontière politique. Lorsque les fermiers se décident à vendre un produit, leur aire de marché se trouve limitée par les coûts de transport. On aboutit ainsi à une structure hexagonale proche de celle proposée par LOESCH. Si on introduit plusieurs biens, la distribution des activités devient plus dense au centre de la plaine; ce qui s'explique par le fait que plus l'aire de marché d'un produit est étendue - le nombre de ces aires est déterminé par les coûts de transport - plus l'unité de production sera proche du centre de la plaine. L'accumula- tion du capital vient renforcer cette évolution et induit un processus d'agglomération de la population et des activités dont la répartition spatiale prend la forme d'un cône. Finalement, c'est donc le désert - la frontière - qui détermine le centre de gravité des activités en les repoussant vers le centre de la plaine. Pour montrer que la - 38 - différence entre désert et frontière est négligeable, GIERSCH reprend le schéma de LOESCH1' et de HOOVER. Bien qu'il abandonne ensuite une partie des restrictions de son modèle, GIERSCH estime cependant que la combinaison des économies internes et externes, de l'accumulation du capital ainsi que de certains avantages de localisation aboutira à un résultat comparable, les effets d'agglomération donnant la même forme conique à la distribution des activités dans 1'espace. On retrouve d'ailleurs ces forces d'agglomération au niveau de l'espace mondial. Toutefois, les frontières, plus particu- lièrement les barrières aux échanges, laissent subsister des forces centripètes nationales qui limitent les influences internationales. Sans ces tendances "déglomeratives" natio- nales, la prééminence du centre mondial, les Etats-Unis, serait encore plus marquée. GIERSCH en déduit que l'intégration économique aura pour effet d'affaiblir ces forces nationales au profit du ou des centres. Fait important, les régions frontières, auparavant défavorisées par la proximité du "désert", verront leur situation s'améliorer lorsqu'elles sont proches de ces centres, alors que d'autres régions ne seront plus protégées par les barrières douanières: "The locational consequences of the formation of, for example, a Western European Union can now be described by the following general statement: The abolition of barriers to inter-European trade and to inter-European movement of factors will weaken the deglomeration and will thus enforce international, and more precisely, inter-European, agglomeration. It will strengthen the attractiveness of the highly industrialised centre both for labour and capital. Towns and regions with artificial advantages due to national agglomeration will become disadvantageous. On the other hand, particular regions near the industrial centre, which have suffered under the depressing influence of national borders will gain instead." (GIERSCH 1940-1950, p. 91). 1) Voir 1.2.1 . - 39 - La disparition des protections douanières et des effets d'agglomération nationaux devrait normalement nécessiter une baisse des profits et des salaires dans les régions les plus touchées afin de rétablir leur compétitivité. Toutefois, le manque de flexibilité des revenus ainsi que la mobilité, relativement élevée dans le long terme, des facteurs de pro- duction limitent de tels aj ustements et GIERSCH pense donc qu'on assistera à une migration des facteurs en direction, et au profit, des centres industriels de l'Europe. 1.4.2 BOURGUINAT En cherchant à évaluer ex-ante les conséquences de l'inté- gration européenne sur l'espace français, Henri BOURGUINAT (1961 ) compare les objectifs de l'aménagement du territoire (niveau national) à ceux de l'intégration économique {niveau multi-national}. Si ces deux approches ont en commun l'objec- tif d'élever le bien-être, elles diffèrent cependant au niveau des moyens. L'aménagement du territoire vise avant tout à éliminer les disparités régionales résultant des for- ces du marché, créant ainsi des conditions plus favorables pour la croissance nationale. A 1 ' inverse, 1'intégration met l'accent sur l'élévation du bien-être de chaque pays ou d'un ensemble de pays, la réduction des disparités intra-nationa- les n'intervenant qu'en second lieu. Au début de son analyse, BOURGUINAT relève que deux visions opposées des effets de 1'intégration sont proposées par la science économique. La première met en évidence le fait que les firmes marginales ne seront plus protégées par les barrières douanières, ce qui, par le jeu des forces d'agglo- mération, aboutira à une influence aggravante de l'inté- gration sur les disparités régionales. La seconde insiste sur les conséquences d'une plus grande mobilité des facteurs de production. Dans ce cas, les ressources régionales pour- raient être mieux utilisées et il y aurait donc influence rééquilibrante. - 40 - BOURGUINAT cherche un premier élément de réponse en faisant le bilan de quelques expériences d'intégration. Il constate ainsi que "l'émergence d'économies de grands espaces" a eu un impact non seulement important mais aussi varié sur la distribution des activités. Dans le cas de l'Allemagne, le "Zollverein" a précédé l'unification politique. Contemporain d'une forte vague de progrès technique, ce processus a amor- cé les grandes tendances de l'organisation spatiale actuelle en permettant la création d'un marché national de grande taille. En intervenant avant l'union douanière, l'unifica- tion politique de l'Italie a eu un impact régional beaucoup plus négatif. En effet, le Sud du pays, qui vivait presqu'en vase clos à l'abri de puissantes protections douanières, a vu son pouvoir politique régional se dissoudre et les cen- tres de décisions économiques se déplacer vers le Nord du pays. L'impact spatial du BENELUX ou de la Communauté européenne de charbon et de l'acier (CECA) est moins marqué. Pour BOURGUINAT cela tient au fait que ces expériences sont res- tées limitées à certains secteurs. Si elles ont abouti à une spécialisation accrue, elles n'ont pas pour autant modifié de manière significative les structures spatiales préexis- tantes. Ayant ainsi démontré qu'une union douanière exerce des effets importants sur les disparités régionales, BOURGUINAT se réfère ensuite au modèle de GIERSCH (voir point précé- dent) pour souligner les effets positifs que 1'intégration devrait avoir théoriquement dans les régions frontières: "Un mouvement; importan): devrait se faire jour au profit des régions frontières; celles-ci de périphériques qu'elles sont actuellement avec tous les inconvénients qui en résultent sur le plan de la production et de la consommation deviendraient centrales." BOURGUINAT 1961, p. 16]). Partisan de la théorie de la polarisation, BOURGUINAT est conscient des limites du modèle de GIERSCH mais il n'en con- clut pas moins que l'évolution devrait correspondre à celle prédite par le modèle. En effet l'analyse de la situation - 41 - française à la fin des années '50' montre que les régions frontières du Nord et de l'Est ont connu une croissance supé- rieure à la moyenne nationale. Cette particularité, contrai- re aux hypothèses du modèle, s'explique par la proximité des sources de matières premières ainsi que par l'importance des économies externes et des effets induits par la concentra- tion des industries lourdes dans cette zone. Le processus d'intégration devrait donc encore accentuer ces avantages car la situation de ces régions, au coeur du nouveau marché européen, est très favorable. Pour BOURGUINAT ce phénomène est d'ailleurs plus général et il prévoit 1'émergence d * une "Lotharingie industrielle" qui comprendrait la plus grande partie des vallées du Rhin, du Rhône et du Pc-, ainsi que le Nord et l'Est de la France. A cette échelle internationale - on retrouve là la seconde conclusion de GIERSCH -, l'intégration devrait correspondre à une aggravation des effets de polarisation: "Ce sont les pays ou régions disposant d'activités les plus puissamment motrices qui auront les chances les plus importantes de développement cumulatif, La réalisation de l'Union douanière doit donc normalement par là profiter aux agglomérations nationales existantes et accélérer encore la décadence des régions attardées." (BOURGUINAT 1961, pp. 164-165). L'analyse détaillée que BOURGUINAT consacre ensuite aux effets probables de l'intégration sur l'espace français est beaucoup plus nuancée et apporte des éléments de réflexion plus intéressants. Notamment, 1'hypothèse d'un déplacement du centre de gravité vers l'Est est peu réaliste car la métropole parisienne continuera d'offrir un vaste marché. A un autre niveau, la suppression des droits de douane ne devrait pas avoir l'effet escompté dans tous les domaines. Les préférences des consommateurs continueront de jouer un rôle important et de particulariser chaque marché natio- nal '. D'ailleurs, BOURGUINAT ne considère pas que ces 1) Il est intéressant de relever à ce sujet que BOURGUINAT explique les différences de coûts entre la France et ses partenaires européens par des facteurs d'ordre structurel. Par exemple, le poids du secteur public est plus important en France parce qu'il est nécessaire d'y corriger des déséquilibres, notamment régionaux, plus accentués qu'ailleurs. - 42 - obstacles aux échanges soient toujours de nature négative, Par exemple, l'existence de marchés locaux ou régionaux "pro- tégés" pour certains biens devrait servir de support aux activités des régions périphériques pour leur permettre de se heurter ensuite à la concurrence internationale. En cela BOURGUINAT se distingue des courants libre-échangistes et se rapproche davantage de certaines analyses contemporaines du développement endogène. En laissant jouer les forces de polarisation, l'intégration devrait normalement accentuer la mobilité internationale des facteurs de production et créer par là une situation compara- ra ble à celle qui règne entre les régions d'un seul pays. De nombreux obstacles peuvent cependant s'opposer à une telle évolution. A cet égard l'analyse des différentes formes d'in- vestissements est particulièrement intéressante. BOURGUINAT relève notamment que les placements de portefeuille risquent d'être défavorables aux régions marginales dans la mesure où ils ne touchent que les entreprises qui offrent une sur- face financière suffisante. Les investissements directs résultent avant tout de 1'auto-investissement et on peut supposer que cette mobilité restera limitée aux secteurs à forte capacité financière (industrie lourde, par exemple). 1.4.3 Les modèles de potentiel Le modèle de gravitation a été utilisé pour apprécier 1'impact de la création et des élargissements successifs de la CEE sur le potentiel de croissance des régions européen- nes. Une première étude de CLARK, WILSON et BRADLEY (CLARK et al. 1969) reposait sur l'observation que la concentration des activités et de la population était de plus en plus influencée par le mode de localisation des industries mobi- les (footloose). Cette analyse a ensuite été actualisée et 1) Voir 1.3.1.3. - 43 - complétée par KEEBLE, OWENS et THOMPSON (KEEBLE et al. 1982) dans le sens plus général de 1'accessibilité régionale comme facteur de croissance. Ces deux études reposent sur une approche identique. Elles mettent 1'accent sur le rôle du marché des produits et des facteurs ainsi que sur la distance. Les entreprises et les régions ont un potentiel de croissance d'autant plus fort qu'elles se situent à proximité de marchés importants et peuvent de ce fait profiter d'économies d'échelle. Il y a donc aussi un effet d1agglomération, dans la mesure où à distance égale le potentiel d'une région sera d'autant plus élevé que la densité des marchés (régions) voisins sera plus élevée. En faisant abstraction de certains raffinements méthodologi- ques, le modèle utilisé dans ces deux analyses peut se résu- mer de la manière suivante: n potentiel de la région i volume des activités de la régionj coût de franchissement de la distance entre t et j tarif douanier si i et j ne sont pas situées dans le même pays On voit par ce modèle que l'effet de l'intégration et, par conséquent, des frontières n'est reflété que par 1'existence ou par les variations d'un tarif douanier (F). La méthode utilisée dans ce cas reste très grossière: la résistance opposée par la frontière est estimée par le coût moyen des droits de douanes, pour être ensuite convertie en une distance. L'intégration se traduira donc uniquement par une diminution des coûts liés à la distance. KEEBLE et al. «J F - 44 - reconnaissent qu'à part cela d'autres facteurs, notamment culturels, peuvent influencer les échanges. Ils refusent toutefois d'intégrer ces éléments difficiles à mesurer en alléguant que leur impact devrait diminuer avec le temps, Certes, la prise en compte de tels facteurs soulève de nombreux problèmes, mais 1'argument proposé est faible car il est difficile d'imaginer que les facteurs linguistiques disparaissent progressivement: "Clearly, ocCual trading patterns between countries may also be influenced by certain secondary non-economic considerations, such as cultural differences in taste and consumer preference, language and historic ties (e. g. within the Scandinavian countries or between the UK and Portugal). However, any attempt to incorporate such factors would necessary be arbitrary, and in any case, increasing economic integration whithin Western Europe is diminishing their relative importance over time." (KEEBLE et al, 1982, p. 425). Selon CLARK et al., l'avènement de la CEE a eu un effet dra- matique sur les inégalités régionales de développement dans la mesure où une hiérarchie centre-périphérie à 1'échelle européenne est venue se surajouter aux disparités intra- nationales. Ce sont donc les régions situées au centre de 1'Europe des six qui ont le plus profité de 1'intégration: "With the removal of the frontier costs between the E.E.C, countries following the Treaty of Rome, a dramatic changes has taken place in the pattern of potentials: no longer are there separate highs and lows, but instead, the region of greatest potential is super-imposed over national frontiers, giving an international core region and an international periphery." (CLARK et al. 1969, p. 204). Un tel impact s'explique par le niveau élevé des coûts de transports et, surtout, des barrières douanières existant avant la création de la CEE. Avec la libéralisation des échanges internationaux et avec le développement des infra- structures de communication, ces facteurs ont perdu de leur importance. Les résultats calculés par KEEBLE et al. en ce qui concerne les élargissements ultérieurs de la communauté n'en vont pas moins dans le même sens. Si les régions péri- phériques ont accru leur potentiel en termes relatifs, 1) Cette situation géographiquement périphérique désigne à la fois les régions communautaires situées à l'extrémité de l'espace européen et les régions dos pays qui viennent d'adhérer à la Communauté. - 45 - cela est dû avant tout à leur faible niveau de départ. A l'opposé, les régions centrales ont enregistré une augmenta- tion absolue beaucoup plus forte, ce qui a été à l'origine d'une augmentation des disparités entre centre et périphé- rie. Le principal mérite d'une telle approche est certainement de proposer un modèle interrégional qui s'applique au niveau international, ñ l'inverse, son défaut majeur est d'être sta- tique et, surtout, de privilégier 1'accès au marché sans vérifier la prééminence d'un tel facteur dans le processus du développement régional Dans ce modèle, ce sont les régions frontières qui devraient profiter le plus de l'intégration car c'est dans ces zones que la diminution des droits de douanes est la plus forte lorsqu'on la compare aux coûts de transport. Cet avantage est toutefois largement annulé par la situation défavorable que le modèle confère aux régions proches des frontières de l'Union. En supposant que toutes les régions soient de masse égale, ce sont en effet les zones placées au centre géométri- que de cet ensemble qui enregistrent le gain le plus élevé. Ce mécanisme est encore accentué lorsqu'on tient compte du niveau de développement élevé qui caractérise la situation de départ des régions centrales. Finalement, l'aspect méca- niste et la simplicité d'un tel modèle en font un instru- 2 ) - ment attrayant mais limitent d autant son apport a 1 etude des régions frontières. 1) Pour la critique de ce modèle, voir notamment BOUDEVTLLE 1972; PESCHEL 1975; ADLUNG 1982. 2) Le développement d'un tel modèle permet toutefois de corriger une partie de ses lacunes, conine nous le verrons au chapitre suivant (voir 2.3). - 47 - CHAPITRE 2 LA THEORIE FACE AUX FAITS, QUELQUES ETUDES RECENTES Des milliers d'études empiriques ont été consacrées aux pro- blèmes économiques des régions frontières. Malheureusement, cette dimension "frontière" a très souvent été oubliée ou n'a été abordée que sous certains aspects très sectoriels. Si on considère qu'une grande partie de ces travaux privilé- gient la dimension institutionnelle des relations transfron- talières, le nombre des études qui analysent les effets de la frontière sur les mécanismes de base de 1'économie, et qui permettent par conséquent de confronter la théorie aux faits, est finalement très limité. Nous avons choisi de centrer ce chapitre autour des travaux de quelques auteurs étrangers qui ont tenté de vérifier les apports de la théorie économique soit en étudiant le cas de certaines régions frontières (HANSEN et SHERRILL), soit en analysant à une échelle plus étendue les effets de l'intégra- tion (institut de recherche régionale de Kiel ). Les recher- ches d'origine helvétique étant consacrées à des aspects plus spécifiques des effets de la frontière, nous les utili- serons avant tout dans la partie empirique de ce travail. 2.1 HANSEN A Niles HANSEN (1977 a et b; 1981) revient le mérite d'avoir proposé une analyse critique de la manière dont les princi- paux courants de l'économie spatiale rendent compte des effets de la frontière. En accord avec GENDARME, il rejette tout d'abord les théories du commerce international parce qu'elles postulent 1'équilibre et 1'homogénéité des marchés, ce qui ne permet pas de rendre compte de la réalité des régions frontières : - 48 - "In fact, sudi theory is noL well adapted for this purpose because it is largely oriented to the notion of equilibrium. It postulates that both trading partners gain from the exchange and that any desequilibrium will be corrected by reequilibrating forces. It was never elaborated to deal systematically with economic inequalities, so it cannot explain the existence of under-development or the process of development. Even in its modern versions, international trade theory has as its ideal the generalization of free trade in order to promote world well-being. But the notion of homogeneous markets bears little resemblance to the realities of most border regions. The latter are profoundly influenced by particular local geographical, political and economic conditions." (HANSEN 1981, p. 21). Si le cadre d'analyse développé par les théoriciens de la localisation lui semble plus approprié, HANSEN reconnaît cependant que cette école ne parvient pas à formuler une vision satisfaisante du processus de développement et des problèmes concrets des régions frontières : "The great strength of classical location theory in general has been its elegant demonstrations of theoretical possibilities. Its principal weakness has been neglect of the development process. Problems common to border regions-disparities in growth rates; commuting and migration of workers across frontiers, lack of coherence in social and economic infrastructure, differing planning contexts, and so on - are not amenable to solutions flowing directly from location theory because it has not been concerned with policy paths that could be followed in order to realize economically rational market structures." (HANSEN 1977b, p. Bien qu'intégrant davantage les facteurs de pouvoirs, les théories de la polarisation se heurtent à d'autres limites, qui tiennent au fait qu'elles surestiment, de manière géné- rale, l'importance des effets de diffusion spatiale . Finalement, HANSEN aboutit à un constat d'échec qu'il attri- bue à la persistance des nationalismes, à la fois cause et conséquence des difficultés que rencontrent les économistes dans l'analyse des régions frontières : "... neither international trade theory, nor location theory, nor the growth pole approach to spatial development provides an adequate basis for analysing the economics of border regions. This lack of understanding of border regions and their problems may be in part both an effect and a cause of persistent nationalism in the face of attempts to achieve greater integration among countries." (HANSEN 1981, pp. 29- 30). U Voir 1.3.2. - 49 - Confronté à ces limites, HANSEN ne développe pas un nouvel outil théorique mais insiste au contraire sur les lacunes dont souffrent les analyses empiriques des régions frontiè- res. Il propose ainsi deux voies de recherche. Il s'agit, d'une part, de mieux saisir les flux qui traversent la fron- tière et qui mettent en relation des régions délimitées sur la base de critères fonctionnels et non plus seulement politiques. IX devrait être possible, d'autre part, de mieux comprendre la spécificité des régions frontières en les comparant aux espaces situés plus à 1 ' intérieur du pays: "... the analysis of border region problems and opportunities may be undertaken through complementary approaches, one focusing on interregional flows between border regions, the other concentrating on comparative studies involving both border and non border regions within given countries." (HANSEN 1977b, p. 8). HANSEN a tenté d'appliquer ces principes à l'étude de deux zones frontières, la région tri-nationale de Baie et la fron- tière américano-mexicaine. Si chaque fois ces analyses met- tent en évidence des facteurs et des situations spécifiques, il est néanmoins possible de dégager un certain nombre de constantes. Tout d'abord, HANSEN constate que les faits contredisent les théories qui, pour la plupart, postulent que les régions frontières sont défavorisées. En effet, qu'il s'agisse de 1'Alsace "menacée" par les pays voisins ou des régions américaines et mexicaines, les régions frontières sont plus développées que la moyenne nationale ou, à tout le moins, enregistrent une croissance supérieure à cette moyenne. D"après HANSEN ce constat peut être également étayé par les performances économiques des petits pays européens, dont 1'ensemble du territoire peut être considéré comme une région frontière: 1 ) Ces deux études envisagent surtout les flux transfrontaliers mais moins la comparaison systématique des régions internes et des régions frontières. 2) Voir l'analyse de BOUDEVILLE au point 1.3.2. - 50 - "Finally, small countries such as the Benelux nations, Switzerland, and Austria are among the most prosperous in the world. In a very real sense their territories are entirely border regions, yet they have managed to deal quite well with their obvious international dependencies." (HANSEN 1981, p. 32). HANSEN attribue la prééminence de Bale à des facteurs histo- riques et institutionnels. La cité rhénane a bénéficié de sa situation de -point de transit mais a aussi pu tirer parti déjà très tôt des avantages de localisation (stabilité poli- tique et monétaire, réseau bancaire, forte ouverture vers le reste du monde) propres à 1'ensemble de la Suisse. A 1'op- posé, le développement de l'Alsace semble encore être entravé par une structure politique et administrative forte- ment centralisée qui, au contraire des pays voisins, laisse peu de champ aux initiatives régionales: "Basel's importance cannot simply be explained by the city's position in a regional, national, or even international urban hierarchy. Rather, it is a result of complex historical, geogaphic, political and economic factors, both internal and external, which have operated in the context of a stable border situation. Moreover, the significance of this stability has been enhanced during periods of international instability elsewhere in Europe." (HANSEN7 1977a, p. 6). Le cas de la frontière américano-mexicaine est très diffe- rent parce que cette zone est le lieu de confrontation de disparités nationales parmi les plus importantes au monde. A côté de l'immigration mexicaine dans les régions fronta- lières américaines - immigration plus ou moins définitive (légale ou non) et migrations alternantes -, HANSEN analyse les effets de l'implantation de firmes américaines dans la région frontière mexicaine. Ce phénomène, qui a été encou- ragé par le gouvernement mexicain et par la réglementation douanière des Etats-Unis, est une des Manifestations de la nouvelle division internationale du travail . Bien que ces activités industrielles restent fortement dépendantes, au niveau fonctionnel ou structurel, des maisons-mères américai- nes , HANSEN estime que leur effet est positif, notamment 1) Une telle analyse semble d'ailleurs être en contradiction avec la critique des théories du commerce international formulée par HANSEN. - 51 - parce qu'elles contribuent à resserrer les liens de régions qui étaient désertiques au moment où la frontière a été fixée: "The U.S. and Mexican sides of the border share many common problems, yet millions of persons from both countries apparently have gained some avantages by moving freely to a region that was scarcely inhabited at the beginning of this century. Today, both sides of the border exist in a symbiotic relationship whose realities contradict both border theory and, too frequently, the assumptions of planners in both countries." (HANSEN 1981, p. 165). Finalement, l'analyse d'HANSEN peut se résumer à trois points principaux. Tout d'abord, les différents courants de la théorie économique semblent être peu adaptés à la situa- tion réelle des régions frontières. La seule voie possible est par conséquent de se concentrer sur l'étude empirique de cette réalité. Les quelques cas considérés par HANSEN mon- trent que l'effet contemporain de la frontière est moins négatif que ne le laissent supposer les préjugés hérités du passé. Cette dimension historique, de même que les facteurs institutionnels sont des éléments importants pour la compré- hension de la situation des régions frontières. Toutefois, les résultats d'une telle approche sont difficiles à généra- liser et ne permettent donc pas de proposer un nouvel outil théorique. 2.2 SHERRILL La problématique de Koren SHERRILL (1979) est proche de celle développée par HANSEN. Sur la base de l'analyse de la littérature elle classe les travaux consacrés aux effets de la frontière en quatre types d'approches. Les deux premiers sont relativement voisins, 1'un mettant 1'accent sur 1'effet de coupure "artificiel" des aires de marché, l'autre privilé- giant les différences des systèmes socio-économiques natio- naux (langue, culture, politique économique). Le troisième point de vue postule, lui, la libéralisation des échanges internationaux et suppose que ce processus aboutira à un développement de plus en plus déséquilibré, un côté de la - 52 - frontière tirant profit des faiblesses de l'autre. La dernière école, au contraire, constate que les régions fron- tières sont souvent bien développées en raison des effets positifs du commerce international (point de transbordement, plus grande ouverture aux échanges internationaux, etc...). Dans 1'ensemble, c'est toutefois une vision négative qui prévaut, Ia- plupart des économistes considérant que les régions frontières sont placées dans une situation défavora- ble. C'est ce postulat que 1'analyse de SHERRILL remet fondamentalement en question en montrant que les perfor- mances économiques des régions frontières sont dans bien des cas supérieures à la moyenne. La démonstration de SHERRILL se base sur deux types d'approches empiriques. D'une part, elle compare la croissance des régions frontalières et des régions internes d'Allemagne fédérale et, d'autre part, elle confronte l'évolution économique des espaces situés de part et d'autre de la frontière germano-autrichienne. Si une première analyse prouve que les régions frontières allemandes n'ont pas enregistré une croissance inférieure à la moyenne nationale - bien au contraire -, une typologie de ces régions en fonction des caractéristiques des pays limi- trophes permet encore d'affiner l'analyse. SHERRILL montre ainsi que les régions frontières de l'Est (limitrophes des pays du Pacte de Varsovie) ont connu une croissance inférieu- re à la moyenne nationale. Les régions frontières de 1'Ouest (voisines de pays appartenant à la CEE) ont par contre réalisé un meilleur score, mais cependant inférieur à celui des régions frontières du Sud (voisines de l'Autriche et de la Suisse) 1) Les régions allemandes et autrichiennes, frontalières ou internes, sont définies sur la base de critères "fonctionnels" (functionnal urban region). Toutefois, SHERRILL conserve les frontières nationales et, par conséquent, ne délimite pas de régions "transfrontalières". 2) SHIERILL s'appuie sur les résultats d'une analyse shift-share en fai- sant l'hypothèse, téméraire, que la composante régionale (competitiv effect) reflète les influences internationales. - 53 - En ce qui concerne la frontière germano-autrichienne, SHERRILL remarque que, bien qu'une part importante de sa population active soit employée en Allemagne, la zone fron- tière autrichienne enregistre une croissance comparable à celle de l'Allemagne du Sud. Finalement, le rythme de crois- sance des zones situées de part et d'autre de cette frontiè- re est nettement supérieur aux moyennes nationales enregis- trées dans ces deux pays. En comparant les régions de l'Est avec les autres régions frontières allemandes, SHERRILL arrive à la conclusion que l'échange international - rendu possible par la libéralisa- tion des échanges entre deux pays voisins - tend à promou- voir la croissance économique des régions frontières. Tou- tefois, on s'aperçoit que d'autres facteurs entrent en ligne de compte lorsqu'on remarque que les régions voisines de la Suisse et de l'Autriche ont connu une croissance supérieure à celle des régions frontières de 1'Ouest, pourtant favori- sées par leur proximité par rapport aux partenaires commer- ciaux privilégiés de la CEE . L'échange international est donc une condition nécessaire mais non suffisante du déve- loppement des régions frontières dans la mesure où des facteurs nationaux peuvent également exercer une influence prépondérante: "The major conclusion of this study are that international economic exchanges and international influences tend to promote growth in border regions; that limitations on international economic exchanges tend to retard growth in border regions; that international exchanges are a necessary but not sufficient conditions for economic growth in border regions; and that national influences play an important role in the growth of border region economies." (SHERRlLL 1979, p. 167). SHERRILL en conclut que ce sont des facteurs historiques na- tionaux, de nature politique et institutionnelle, et non pas 1'influence de 1'échange international, qui sont à 1'origine du "mal-développement" des régions frontières: 1) SHERRILL (1979, p. 112) en déduit également que les différences de culture, de langue, de politique économique ne jouent pas de rôle important. Une telle conclusion doit être toutefois mise en question, dans la mesure où les pays limitrophes du Sud de l'Allemagne sont plus "proches" culturellement que ceux de l'Ouest. - 54 - "Border regions have probably suffered more from neglect by the respective national governments than from international economic exchanges and international influences. If national governments refuse to invest in infrastructures and in public facilities and service in border regions for fear of benefitting "foreigners", this lack of investments will certainly depress economic growth in those regions". (SHERRILL 1979, p. 173). 2.3 Institut de recherche régionale de Kiel Les travaux entrepris sous la direction de Karin PESCHEL par l'Institut de recherche de Kiel (R.F.A.) fournissent un très volumineux et très riche matériel empirique sur les effets régionaux de l'intégration économique. Au niveau des conclu- sions, on relèvera que les résultats de ces recherches mettent en doute les hypothèses communément admises en ce domaine par la théorie. L'analyse de l'institut de Kiel ne s'est cependant pas limitée à une simple vérification empi- rique. Elle a reconsidéré les déterminants de la croissance régionale en proposant un modèle gravitationnel interré- gional . La première étude de cet institut (PESCHEL 1978; PESCHEL et al. 1979) a porté sur les effets de l'intégration européenne sur l'organisation spatiale allemande au cours de la période de croissance 1960-1972 . La mobilité des facteurs de pro- duction ayant été relativement peu influencée - les travail- leurs immigrés en Allemagne proviennent de pays extérieurs à la CEE et la libéralisation des mouvements de capitaux, tout en étant plus limitée, n'a pas établi de discrimination entre les partenaires de l'Allemagne -, c'est dans les modi- fications des échanges de produits qu'il'faut rechercher les principaux effets de l'intégration. L'analyse concerne'les effets primaires de l'intégration et repose sur une méthode indirecte qui compare 1'évolution 1) Cette période débute avec 1'entrée .en vigueur effective du Traité de Reme et se termine avant l'adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE. - 55 - effective à une situation hypothétique "sans CEE". C'est l'évolution des échanges avec les pays de l'AELE qui est choisie comme variable de référence, solution originale qui permet à la fois de comparer des pays relativement proches économiquement et de tenir compte de la libéralisation générale des échanges internationaux intervenue au cours de cette période. Un travail statistique considérable permet d'évaluer la production par branche industrielle des régions allemandes ainsi que leurs importations et exportations par pays de destination ou de provenance. Ce matériel est utilisé pour mettre en évidence, au moyen d'une méthode inspirée de l'analyse sbift-sbare, les composantes structu- relles et régionales des effets de l'intégration. Pour 1'ensemble de la R.F.A., 1'intégration s'est traduite par une progression plus forte des importations que des exportations. Ce processus a eu pour conséquence positive d'atténuer les tensions présentes au sein du marché du travail, ñu niveau régional, ces effets sont beaucoup plus complexes. En ce qui concerne les exportations, domaine dans lequel les données régionales sont les plus fiables, on remarque qu'au départ les régions développées sont en géné- ral plus ouvertes sur l'étranger et que leurs échanges avec les pays de la CEE sont plus importants. Cependant, ces régions fortes n'ont pas profité davantage que les autres du processus d'intégration, ce qui amène à constater que les tendances à une plus grande concentration spatiale prédites par la théorie ne sont pas vérifiées: "Änderungen der regionalen Produktionsbedingungen und/oder räumlichen Ausgleichsmechanismen während des Integrstionsprozesses haben dazu geführt, dass die Produzenten der stärker verdichteten Regionen ihre im Jahre 1960 bessere Ausgangsposition nicht zu überproportionalen integra- tionsbedingten Exportausdehnungen im Jahre 1972 ausnutzen konnten. Der Integrationsprozess hat also über die regionale Exportattätgkeit nicht agglomerationsfördernd gewirkt, wenn die Gesamtheit der Regionen entsprechend ihrer Siedlungsstruktur betrachtet wird," (PESCHEL et al. 1979, p. 83). A cette période de déconcentration spatiale des activités correspond également une diminution générale du degré de spécialisation. En regard des effets de l'intégration, - 56 - seules les régions bénéficiant d'une structure d'activité favorable au départ ont vu leur degré de spécialisation augmenter. A 1'opposé, les autres régions se sont reconver- ties et ont diminué leur degré de spécialisation, évolution qui est en contradiction avec l'hypothèse centrale de la théorie des avantages comparatifs (PESCHEL 1982). Qu'il s'agisse du modèle de GIERSCH ou des modèles de poten- tiel, la théorie prédit que les régions frontières centrales de l'Union profiteront de l'intégration tandis que celles situées à sa périphérie verront leur situation se dégrader. Parmi les régions frontières allemandes, celles situées à l'Ouest ont effectivement bénéficié de l'intégration, mais cependant dans une moindre mesure que ce qui aurait été possible en fonction des facteurs structurels. De surcroît, les autres régions frontières n'ont pas été véritablement défavorisées par le processus d'intégration: "Integration has favoured German regions which are closer to the geogra- phic center of the EEC, yet, it is hard to claim that integration effects have been to the detriment of the peripheral regions. They also had positive integration effects, although to a lesser degree than the regions at the western border. Besides, there are regions in or close to the Rhein-Main-valley with integration effects even weaker than those in peripheral regions ..., and there are others at the eastern border with medium ones ... Furthermore, the western regions were favoured less by integration than had been expected considering their export activities in 1960." (PESCHEL 1982, p. 265). Si, globalement, la structure spatiale des effets de 1'inté- gration n'entre pas en contradiction avec l'impact de la distance prédit par le modèle de gravitation, cette relation n'est toutefois vérifiée qu'à un niveau agrégé. Une analyse plus fine ne met au contraire en évidence qu'un ensemble de particularismes. En ce qui concerne les régions frontières PESCHEL (1981) observe que les Länder frontaliers dirigent en moyenne une part plus importante de leurs exportations vers les pays immédiatement limitrophes. Cet effet de proxi- mité n'est toutefois que partiel et, surtout, semble n'avoir été que peu modifié par l'intégration. Notamment, les liens privilégiés entre les Länder du Sud et les pays voisins membres de l'AELE (Suisse et Autriche) n'ont pas été altérés par la création de la CEE. - 57 - Ces résultats en partie contradictoires amènent PESCHEL à formuler une hypothèse intéressante en ce qui concerne l'in- fluence de la distance: cette influence n'est pas le reflet d'une situation actuelle. Le niveau et la structure des échanges commerciaux contemporains, notamment entre les régions situées de part et d'autre d'une frontière, sont davantage la manifestation de structures antérieures de lo- calisation et d'échange qui, elles, ont été modelées par l'impact beaucoup plus important que la distance exerçait à l'époque. C'est donc la relative stabilité de ces structures dans le long terme qui expliquerait 1'influence actuelle de la distance au niveau des échanges considérés globalement: "If at all, a distance variable can only explain the patterns of produc- tion and trade on an aggregate level. This distance variable is neither equivalent to the transportation costs of today, nor does it fully repre- sent the communication of today. It rather reflects the influence of the past on the contemporary spatial pattern of production and trade. The second (this) hypothesis implies two assumptions: first, that transpor- tation costs and regionally differing natural ressources together have formed the spatial production pattern in the industrialization process. Second, that this production and trade pattern remained spatially stable enough to reveal a distance impact on an aggregate level even today". (PESCHEL 1981, p. 607). A côté de cela, PESCHEL reconnaît que d'autres facteurs con- courent à expliquer les structures spatiales actuelles des échanges: - le développement dans le passé de formes de concurrence imparfaites, oligo- ou monopolistiques, ainsi que l'influ- ence des économies d'échelles liées à une spécialisation croissante - s'il veut augmenter ses ventes au-delà d'un certain seuil, un producteur est forcé de ne pas se limi- ter aux seuls marchés voisins - sont à l'origine de rela- tions qui sont dans une large mesure insensibles à l'effet de la distance; - au niveau du commerce international, l'impact de la distan- ce est probablement moins important que 1'influence de facteurs comme les affinités culturelles ou les liens poli- tiques. - 58 - Deux études ultérieures de l'Institut de Kiel ont tenté de vérifier ces hypothèses au niveau du commerce international. La première (HAASS et PESCHEL 1982) emprunte une approche descriptive (théorie des graphes, classification) pour mon- trer que depuis le début du siècle la structure du commerce international est restée relativement stable. La seconde étude (HERRMANN et al. 1982) tente, au moyen d'une analyse de régression, de quantifier l'influence des facteurs cultu- rels et de la comparer à celle de la distance et/ou de l'ap- partenance à une zone d'intégration. L'hypothèse centrale est que les coûts de communication ont un poids tout aussi important que celui de la distance. Ces coûts de communica- tion, qui existent tant au niveau de l'offre (connaissance du marché) qu'à celui de la demande (information des consom- mateurs), sont supposés être d'autant plus faibles que la proximité culturelle et linguistique est forte. La méthode utilisée consiste à sélectionner plusieurs grou- pes de produits susceptibles de réagir différemment aux coûts de communication , puis de tester 1'ensemble du modèle sur ces différents groupes. Les résultats obtenus ne vérifient que de manière très imparfaite 1'hypothèse de départ. En effet, globalement la distance géographique et 1'appartenance à une zone d'intégration contribuent davan- tage que les facteurs d'affinité culturelle à expliquer la structure du commerce international. On notera toutefois que la variable "proximité linguistique" joue un rôle signifi- catif, contrairement aux autres indicateurs "culturels" (religion, structures sociales, etc.). Pour passer du niveau international au niveau interrégional, l'Institut de Kiel a choisi de développer son propre modèle de croissance. La méthode utilisée repose sur deux approches 1) HERRMANN et al. (1982) supposent notamment que les matières premières ainsi que les produits dont le marché est contrôlé par des firmes mul- tinationales ne sont pas sensibles aux effets de proximité culturel- le. Ce thème sera exposé plus en détail dans la partie empirique (voir 6.2.4.1). - 59 - complémentaires. Tout d'abord un modèle de gravitation (BROECKER 1980 a et b; BROECKER et al. 1983) est construit pour rendre compte du commerce international et interrégio- nal. Les résultats obtenus en ce qui concerne l'effet de la distance et de la position géographique sont ensuite intro- duits dans un modèle de régression (REIMERS 1981) qui teste également l'influence d'autres variables sur la croissance régionale. Une telle approche se distingue toutefois nette- ment de celle de CLARK et al. (1969) . En effet, BROECKER et al. (1983 ) considèrent que la relation entre 1'accessibi- lité au marché des inputs et des outputs et la croissance régionale n'est pas vérifiée. De plus, les indicateurs utili- sés par CLARK et al., la population et le revenu régional, semblent peu fiables dans la mesure où, notamment, ils ne tiennent pas compte de la densité spatiale. Le modèle testé recourt donc à un nombre plus important de variables pour tenter d'expliquer les variations de la croissance régionale de l'emploi industriel au cours de la période 1960-1970. L'analyse s'effectue à un niveau très désagrégé - plusieurs régressions sont calculées pour chacune des trente-quatre branches industrielles retenues mais, surtout, présente la très grande originalité de fondre en un seul système interrégional septante-trois régions appartenant à quatre pays différents (R.F.A., Danemark, Suède, Norvège). Dans chaque cas on tient compte non seulement de la résistance opposée par les frontières mais 2) aussi de 1 influence exercée par des facteurs nationaux Au niveau du fonctionnement global du modèle , on retien- dra que, conformément à l'hypothèse de départ, l'accessibi- lité aux marchés ne joue qu'un rôle marginal. Les détermi- nants qui apparaissent comme étant les plus significatifs sont:_______ 1) Voir 1.4.3 2) Cette influence nationale est représentée par des variables "dummy". 3) Le modèle explique environ 40% de la variance, ce qui semble compara- ble aux résultats obtenus par d'autres modèles de ce type. - 60 - - les économies d ' échelle (taille des entreprises) (facteur positif); - le degré d'urbanisation (facteur négatif); - la localisation (degré de concentration spatiale) des bran- ches industrielles (facteur négatif); - l'effet national, facteur qui agit dans les deux sens et qui, globalement, a un poids moins important que celui des variables régionalisées. Ce modèle a ensuite été utilisé pour tester les effets de l'intégration en comparant une situation avec et sans CEE et AELE . Le principal résultat de cette simulation est que l'effet de l'intégration est faible et qu'il est surtout national. Les variations interrégionales au sein d'un pays sont très limitées, ce qui est dû en partie au fait que le modèle n'accorde que peu d'influence aux variables d'acces- sibilité. Finalement, on retrouve une conclusion identique à celle des études précédentes: l'intégration ne s'est pas traduite par une augmentation des disparités entre régions fortes et faibles. Dans le cas de l'Allemagne, par exemple, ce sont les régions frontières de l'Ouest et du Sud qui ont le plus profité de 1'intégration. Pour ces dernières, le gain n'a toutefois pas été suffisant pour compenser une situation relativement défavorisée. On retrouve là l'effet des deux volets en partie contradic- toires de ce modèle: les régions frontières ne sont pas dans une situation défavorable en termes de croissance économi- que, mais leur accès au marché reste toutefois plus mauvais que la moyenne et c'est cet aspect qui est privilégié dans 1'estimation des effets régionaux de 1'intégration. 1) La résistance des frontières nationales, mesurée en équivalent distan- ce, est augmentée dans l'hypothèse "absence d'intégration". - 61 - Les travaux de Karin PESCHEL et de son équipe se distinguent non seulement parce qu'ils lient l'approche internationale et interrégionale mais aussi - et c'est leur principal méri- te - parce qu'un effort très important a été consenti pour vérifier empiriquement cette problématique. Le modèle déve- loppé sert non seulement à combler les lacunes des statisti- ques régionales mais, surtout, montre bien qu'il est indis- pensable de mieux comprendre les mécanismes du développement régional avant d'analyser les effets de l'intégration écono- mique. Comme tout modèle économétrique, cette analyse prête le flanc à de nombreuses critiques. Notamment, la période ana- lysée est marquée par une croissance extensive et les résul- tats obtenus ne peuvent pas être transposés sans autre à une situation différente. A un autre niveau, les données disponi- bles font que cette analyse est centrée sur le secteur industriel mais reste beaucoup plus problématique en ce qui concerne les services. On notera également que des éléments importants comme les variables "technologiques" sont élimi- nés du modèle alors que de nombreux travaux montrent que celles-ci jouent un rôle important pour le développement régional. Malgré cela, les résultats obtenus à partir de méthodes très différentes (analyse descriptive et modèle économétrique) sont assez concordants pour mettre en doute les hypothèses traditionnelles de la théorie, notamment dans le domaine des effets de 1'intégration économique. Face à un tel constat, PESCHEL porte aussi un regard critique sur 1'apport des méthodes économétriques et propose une alternative qui doit retenir notre attention: une meilleure prise en compte des facteurs historiques, de l'influence actuelle des structures spatiales anciennes devrait permettre d'améliorer notre com- préhension de la situation contemporaine: - 62 - "In the past an enormous amount of scientific effort has been devoted to the development of interregional interactions models, their interpreta- tion, and the estimation procedures. What has been gained by this? In my iudgement, firt of oil one has learnt a lot of mathematics and econome- trics. Today, the techniques are sufficiently refined and the data, althoug incomplete, arc good enough to force the conclusion that diver- gences between model predictions and reality give evidence of major deficiencies of the underlying theories. Consequently a theoretical reorientation is needed. In which direction? I believe more inquiries are needed into the causes and consequences of Jocational decisions in the past to understand how spatial systems were formed, how a spatial structure of an individual historical period was transformed into ano- ther one, etc." (PE SCHEL 1981, p. 621). - 63 - CHAPITRE 3 LA GEOGRAPHIE ET LES FRONTIERES Parmi les différents courants de la science régionale, la géographie est certainement la discipline la plus concernée par l'espace et par ses lini i te s ou frontières. Pendant long- temps la délimitation des régions a été un des objectifs majeurs des géographes: "Grenzen als Linien, die unterschiedlich strukturierte Räume voneinander trennen, gehören seit jeher zum Forschungsgebiet der Geographie. Ein Hauptziel geographischer Arbeit war es lange Zeit, einheitliche Räume (Regionen) zu ermitteln und voneinander abzugrenzen." (LEIMBRUBER 1980, p. 67). Si l'histoire est marquée par l'utilisation que les puissan- ces politiques et militaires ont faite de certains aspects de la géographie (géopolitique), les apports de cette scien- ce à l'étude des frontières sont toutefois beaucoup plus larges et, surtout, ont considérablement évolué au cours de ces dernières décennies. Les géographes ont non seulement étudié les frontières et leurs effets régionaux depuis bien plus longtemps que les économistes mais leurs préoccu- pations se sont aussi centrées sur des aspects différents. Les emprunts faits à d'autres sciences sociales pour mieux cerner le concept de frontière se traduisent parfois par un langage étranger pour 1'économiste mais ouvrent cependant des perspectives dont il est indispensable de tenir compte. 1) On se référera par exemple aux comptes rendus et aux orientations bibliographiques fournis par les Cahiers de géographie du Québec, vol. 18, No. 43, 1974. - 64 - 3.1 Pe Ia géopolitique à la géographie de la perception Une mise en perspective historique du concept de frontière permet de dégager des étapes qui sont autant d'articulations de la géographie politique. D'abord fait du Prince, la fron- tière est ensuite intégrée aux valeurs du siècle des Lumiè- res. On aboutit ainsi aux frontières naturelles (bonnes) qui s'opposent aux frontières artificielles (mauvaises). Cette vision est toujours présente dans les travaux des pionniers de la géographie politique, notamment ceux de RATZEL, mais elle se double de critères ethniques sous l'influence du contexte politique: "Le XIX siècle connaîtra le triomphe de ce principe des nationalités qui inspirera la définition des frontières jusqu'aux traités qui réorga- niseront l'Europe, au lendemain du premier conflit mondial." (GUICHONNET et RAF1FESTIN, 1974, p. 20). La référence aux frontières "naturelles" ainsi que 1'adhé- sion de certains géographes aux visées expansionnistes du fascisme ont jeté le discrédit pendant une longue période sur 1'ensemble de la géographie politique. Ce n'est que depuis la fin des années cinquante qu'on observe un regain d'intérêt pour les frontières, grâce aux influences cumulées de la géographie anglo-saxonne et des débuts de l'intégra- tion européenne. Une des particularités de la géographie est de considérer la frontière sous deux angles bien distincts. Cette dualité trouve son corollaire dans la langue anglaise, qui utilise deux termes différents pour traduire le concept français de frontière: - "boundary": ligne frontière; - "frontier"; zone frontière. Cette distinction est ancienne. Déjà RATZEL opposait dans sa vision organiciste la ligne frontière, figée et abstraite, à la notion, plus concrète, de zonalité. "Frontier" peut - 65 - d'ailleurs se traduire par "frange pionnière" en français, expression qui prend également des sens différents selon les auteurs considérés. Celle-ci peut désigner à la fois les limites en évolution d'un Etat qui étend son emprise sur des territoires vierges ou peu densément peuplés (cas de la conquête de l'Ouest pour les U.S.A.) et des zones "tampons" (déserts, etc..) instituées par des Etats dont les frontiè- res sont au contraire définies . A cette approche utile pour une analyse historique, on préférera le concept, plus général, de zone située à proximité de la frontière et qui en subit les influences. Si, aujourd'hui, les géographes ont abandonné l'idée de frontières naturelles et/ou ethniques ils n'en continuent pas moins de s'intéresser aux deux aspects - ligne ou zone - de la frontière. Sous l'angle de la "ligne", les géographes ont développé une véritable "technique" de la frontière, qui passe par la délimitation, la démarcation et, étape ultime de l'inscription physique, par 1'abornement. Cette partie de la géographie politique a d'ailleurs aussi comme objet privi- légié l'étude des conflits, armés ou non, qui se cristalli- sent autour des frontières inter-étatiques. Une telle vision a peu de points communs avec les préoccupa- tions de la science régionale. On se tournera donc plus volontiers vers la seconde approche, qui présente l'avantage d'intégrer les apports d'autres disciplines sociales. Ce courant peut, lui-même, être subdivisé en deux orientations. La première, chronologiquement, est celle de la géographie régionale qui est dans une large mesure influencée par l'économie. Son objet est avant tout d'étudier les effets de la frontière sur les groupes sociaux et sur leurs relations à travers celle-ci '. 1) Voir à ce sujet PRESCOTT 1978. 2) Cette optique régionale n'empêche toutefois pas que les géographes mettent l'accent sur des effets de la frontière, principalement les effets de différenciation spatiale {"paysagère"), qui ont peu à voir avec l'analyse économique. - 66 - La seconde orientation est, elle, davantage influencée par la psychologie. L'analyse est centrée sur 1'homme et sur la manière dont il perçoit 1'espace (géographie de la percep- tion) . Bien que la transposition soit délicate , on peut retenir, qu'à l'image de l'animal, l'homme "possède" et per- çoit un territoire dont l'étendue est avant tout fonction de son vécu. Dans ce contexte, la frontière devient une notion centrale en entretenant des rapports très étroits avec l'action et la perception que l'homme a sur et de l'espace: "Territorialité et frontière sont étroitement liées; modifier l'une c'est modifier l'autre non pas dans son signifiant mais dans son signi- fié. La réciproque est vraie: modifier la frontière dans son signifiant (inscription spatiale) et/ou dans son signifié (fonctions dont elle est investie) c'est Induire une modification de la territorialité. De même, chîinger les instruments et les codes c'est influer à plus ou moins long terme sur Ia territorialité et sur la frontière." (RAFFESTIN 1981, p. 125). Au plan empirique cette approche se traduit par 1'élabora- tion de cartes cognitives (mental maps) qui renseignent le chercheur sur les effets qu'exerce la frontière au niveau de - 21 la perception et de 1 identité regionale . A ce sujet, Walter LEIMGRUBER (1980) propose un découpage en trois espa- ces organisés de manière hiérarchique. Le premier niveau, le plus restreint, est celui de 1'action; c'est 1'espace du quotidien, de la "conscience" la plus immédiate. Le deuxième est celui de la perception, c'est un espace subjectif qui est modelé par les systèmes de valeurs et d'information. Le troisième, le plus large, est un espace plus "objectif" ("Prozessraum"). C'est à son niveau que fonctionnent les processus politiques, économiques et sociaux. C'est donc une échelle qui se rapproche davantage de celle utilisée par les économistes. 1) La différence entre animal et humain réside dans le fait que le com- portement de ce dernier est médiatisé par des organes exosomatiques, notamment par le langage. Claude RAFFESTIN (1981, p. 119) remarque notamment: "Au moment d'écrire le premier mot relatif au sujet qu'é- nonce le titre (Les notions de limite et de frontières et la territo- rialité) , je découvre mon "enfermement" dans des limites et des frontières mentales car "penser" implique, ipso-facto, un système de limites". 2) Voir, par exemple, LEIMGRUBER 1981. - 67 - La géographie se distingue également par la méthode employée . A l'origine, l'approche géographique est avant tout descriptive. Par l'analyse des formes et des fonctions, l'accent est porté sur la mise en évidence de singularités locales et régionales. C'est l'accumulation de monographies, inspirées d'une conception encyclopédique, qui devrait permettre de dégager un certain nombre de régularités. A cette recherche inductive s'opposent des courants plus récents qui adoptent une démarche deductive et/ou qui privi- légient la recherche de similarités. Dans ce sens la géogra- phie devient une science "nomothétique" et s'éloigne d'une vision "idiographique", plus ancienne Il faut cependant constater que la plupart des études régio- nales proposées par des géographes sont marquées par cette approche "particularisante". On devra renoncer, par consé- quent, à en faire une présentation exhaustive . On s'in- téressera par contre davantage à d'autres travaux géographi- ques dans la mesure où ils proposent une typologie des frontières ou de leurs fonctions, approche qui est restée largement étrangère aux économistes. 3.2 Typologie et fonctions de la frontière La recherche de régularités, 1'orientation nomothétique de la géographie trouve fréquemment son expression dans la construction de typologies. Appliquée aux limites internatio- nales cette démarche a donné naissance à de multiples 1) On trouvera un tour d'horizon des méthodes de la géographie chez BAILLY et BEGUIN 1982. 2) On notera qu'il est parfois difficile de tracer une "frontière" entre la géographie et 1'économe: LOESCH et encore davantage CHRISTALLER appartiennent tout autant à cette première discipline. 3) On citera ici, par exemple, les études très riches de Suzanne DAVEAU (1959), Yola VAN WETTERE-VERHASSELT (1966) et Firmin LENTACKER (1973). Ces travaux seront utilisés avant tout lorsqu'ils seront en relation avec notre région d'étude ou avec certains de nos résultats. - 68 - classifications qui, pour la plupart, sont basées sur la dimension linéaire de la frontière. A côté des dichotomies traditionnelles frontières naturelies/artificielles, bonnes/ mauvaises, on trouve surtout des typologies basées sur le tracé (Etat allongé, frontière régulière, enclaves, excla- ves, etc.) ou sur le mode de délimitation de la frontière. Dans ce dernier cas on citera les typologies morphologi- ques (ou phénoménologiques: types physiographique, anthropo- géographique, géométrique et composite) et génétiques < fron- tières antécédentes, sur-imposées et subséquentes). A côté de cela, on trouve des classifications plus intéres- santes, qui, tout en partant de la frontière-ligne, mettent l'accent sur les effets exercés par les limites inter-étati- ques sur les relations et sur les structures des communautés humaines situées de part et d'autre. Ces typologies distinguent ainsi à la fois des frontières ayant ou non des effets au plan juridique et des frontières perméables/imper- méables. Cette perméabilité s'apprécie selon des échelles plus ou moins complexes. Cela peut aller d'une limite cultu- relle ressentie comme peu séparante à une frontière idéolo- gique qui met en conflit deux blocs ennemis. En allant plus loin, Paul GUICHONNET et Claude RAFFESTIN (1974) proposent une typologie qui rend compte de l'inten- sité des relations à travers la frontière en se basant sur les différentes catégories d'échanges économiques (mobilité de la main-d'oeuvre, investissements, échanges de biens et services}. C est la richesse, la diversité de ces échanges qui détermine le caractère plus ou moins complet de ces relations. On peut aboutir ainsi à une notion, également présente dans d'autres analyses, qui essaie d'inverser la problématigue en opposant frontières de contact ou de fusion à frontières séparantes. 1) Voir GUICTONNET et RAFFESTIN (1974, pp. 57-99). 2) Voir LEIMSRUBER (1980). - 69 - Cependant, 1'élément le plus intéressant proposé par ces deux auteurs dans leur "géographie des frontières" est cer- tainement l'analyse des fonctions de la frontière, fonctions par le truchement desquelles se manifestent les souveraine- tés nationales. A côté des dimensions militaires et idéologi- ques, trois catégories de fonctions apparaissent: ~ i^_fonction legale qui "signifie qu'en deçà d'une ligne politique démarquée, voire seulement délimitée, prévaut un ensemble d'institu- tions juridiques et de normes qui règlent l'existence et les activi- tés d'une société politique. La frontière délimite une aire territo- riale à l'intérieur de laquelle s'applique le droit positif d'un Etat donné". - la fonction fiscale "a longtemps eu pour objectif, maintenant encore mais dans une moindre mesure en raison des efforts pour libéra- liser les échanges, de défendre le marché national en prélevant des taxes sur les produits étrangers". - La fonction de contrôle "a pour dessein de surveiller les hommes et les biens qui franchissent la frontière. Cette surveillance s'accom- pagne évidemment de mesures d'exclusion et d'interdiction. "..." La frontière joue alors le rôle de filtre ___" (GUICHONNET et RAFFESTIN 1974, pp. ¿9-51). Selon RnFfESTIN (1980 pp. 151-152), la fonction légale est "sans doute la plus stable, la plus essentielle". Dénuée de "connotations négatives", elle s'applique également aux frontières intra-nationales. Finalement, cette fonction est toujours "présente" alors que les autres peuvent être "vir- tuelles". A la notion de fonction, GUICHONNET et RAFFESTIN ajoutent celle d'effets de la frontière. Ce faisant, ils quittent 1'approche institutionnelle pour retrouver les catégories de l'analyse géographique. En effet, deux des trois catégories mises en évidence, les effets directs (existence de doublets fonctionnels en matière d'infrastructure, par exemple) et induits (notamment la création d'activités (agences en doua- nes, etc.) découlant de l'existence de points de rupture/ar- ticulation), sont étroitement liées au tracé (ligne) de la frontière. A la dimension zonale correspond la troisième - 70 - catégorie, celle des effets indirects dont le contenu est plus familier aux économistes : "l'effet indirect provient du fait que la frontière juxtapose deux types différents de souveraineté politique. Une politique agricole, une politi- que industrielle, ... s'arrêtent naturellement'à la ligne frontière mais engendrent des réactions spécifiques de la part des groupes concernés qui sont contraints d'orienter leur action dans une direction détermi- née. ... Lo frontière dans ce cas exerce bien un effet indirect en ce sens que ce n'est pas son'tracé qui est cause de changement mais le fait qu'elle soit limite d'une décision ou d'un ensemble de décisions." (RAFFESTIN et al. 1975, p. 12). Cette approche typologique et fonctionnelle est surtout utile dans la mesure où elle permet d'envisager les compo- santes institutionnelles de la frontière. Comme nous le ver- rons dans le chapitre suivant, 1'approche sémiologique des géographes, plus particulièrement le travail de RAFFESTIN, devrait nous apporter des éléments importants pour mieux comprendre le concept de frontière et ses implications sur une telle recherche. 1) Les qualificatifs utilisés correspondent mal à la terminologie des économistes qui, eux, distinguent une notion d'antériorité entre "indirect" et "induit". - 71 - CHAPITRE 4 PROBLEMATIQUE, OBJECTIFS ET METHODE 4.1 Les frontières de la pensée Aborder l'étude des frontières et des régions frontières c'est soulever, consciemment ou non, une question fondamen- tale qui concerne tout autant la psychologie que la science régionale. La notion de limites - limites dont les frontiè- res inter-étatiques ne constituent qu'un sous-ensemble - est comme le relève RAFFESTIN un des traits de base de la pensée et du comportement humain qui se signale par sa permanence: "Nous sommes quotidiennement, dans toutes les phases de notre existence, confrontés avec la notion de limite: nous traçons des limites ou nous nous heurtons à des limites. Entrer en relation avec les êtres et les choses c'est tracer des limites ou se heurter à des limites. Toute rela- tion nécessite la délimitation d'un champ à l'intérieur duquel elle prend naissance, se réalise et aussi s'épuise." ... "De fait, depuis que l'homme est apparu, les notions de limites et de frontières ont considérablement évolué mais sans jamais disparaître." (RAFFESTIN 1980, p. 148). Même si nos préoccupations sont éloignées de celles de la psychologie ou de la sémiologie, il paraît extrêmement important de garder à l'esprit cet élément pour mieux com- prendre les obstacles auxquels est confrontée notre analyse. En effet, ces frontières constituent le cadre de référence privilégié mais le plus souvent implicite de l'économiste. Donnée des théories de 1'espace "ponctiformes" (économies internationale et nationale), cette notion disparaît progres- sivement lorsque 1'espace est introduit dans l'analyse. D'abord combinaisons de points et de distances, le concept d'espace s'enrichit (introduction du phénomène urbain, par exemple) pour mieux rendre compte de la réalité. Ce faisant, 1'économie spatiale évacue presque complètement la notion de frontières inter-étatiques. - 72 - Dans le même temps, la limite devient un instrument de l'ana- lyse régionale mais ce travail de découpage reste inscrit à l'intérieur des frontières nationales. 4.2 Frontières, limites et régions S'ils privilégient une logique qui fait peu de cas des contraintes politiques ou topographiques, les économistes se heurtent néanmoins aux même écueils que les géographes lors- qu'ils tentent de prendre en compte 1'espace. On retrouve en effet le plus souvent la notion de région naturelle opposée à celle de limite artificielle. A ce sujet, on prendra pour illustration l'analyse proposée par BOUDEVILLE . Cet auteur, qui par ailleurs se signale par la richesse et par l'originalité de ses analyses, retrou- ve en effet ce vieux schéma lorsqu'il étudie les régions frontières. Il oppose ainsi dans sa typologie les frontières "naturelles" (obstacles naturels ou frontières maritimes) aux frontières "historiques" qui partagent des zones de déve- loppement "sensiblement homogènes". Pourtant, BOUDEVILLE donne, dans le même ouvrage une signification bien précise à ce critère d homogénéité . Meme s il s applique aussi a des variables topographiques ("naturelles"), ce critère est sur- tout d'ordre statistique et économique. Son objectif est d'être opératoire. Face à cela, il est d'autant plus éton- nant de retrouver ce qui n'est en fait qu'un jugement de valeur: comme pour certains géographes, la frontière qui n'a pas de support topographique devient "artificielle", voire même arbitraire. Une telle orientation indique bien l'ampleur des problèmes 1) Voir 1.3.2 2) "En définitive, du point de vue de l'homogénéité, la notion d'espace économique est une analyse des dispersions à laquelle la notion de région ajoute la contrainte géographique fondée sur des frontières communes." (BOUDEVILLE 1972, p. 43). - 73 - auxquels est confronté l'analyste lorsqu'il aborde le thème des frontières. A ce sujet, on relèvera avec GUICHONNET et RAFFESTIN que l'influence du contexte idéologique et histori- que est particulièrement sensible dans ce domaine: "... il convient de garder présent â l'esprit que le contexte dans lequel évolue le chercheur qui s'intéresse aux frontières retentit d'une manière sensible sur ses idées et c'est pourquoi l'on parvient mal, dans ce domaine, à faire abstraction du substrat ancien qui dissimule les structures que l'on voudrait atteindre." (GUICHONNET et RAFFESTIN 1974, p. 34). Aujourd'hui, 1'idéal de 1'intégration a supplanté celui de la rationnante économique. S'il tend également à considérer la frontière comme un fait négatif, ce nouveau projet a cependant d'autres implications pour l'analyse. On ne parle plus de régions frontières, mais de régions frontalières et, surtout, transfrontalières. Ce dernier terme est sans nul doute important puisqu'il propose d'étudier simultané- ment les deux "côtés" de la frontière. Toutefois, il traduit malgré tout un présupposé idéologique et on limitera l'em- ploi de l'adjectif "transfrontalier" aux régions dont 1'étude a montré qu'elles répondent à un critère d'homogé- néité suffisant. Il paraît particulièrement important de tenter d'éliminer de tels a priori. Les frontières inter- étatiques sont un élément central de notre analyse; elles doivent donc par conséquent en constituer une des "données" essentielles en abandonnant, comme le propose RAFFESTIN, certains jugements de valeur superflus: "11 n'y a rien de plus absurde que d'entendre dire que tout système de limites est arbitraire. Tout système de limites est conventionnel, certes, mais dès lors qu'il a été pensé, mis en place et qu'il fonction- ne, il n'est plus arbitraire puisqu'il ,,facilite l'encadrement d'un projet social celui-là même d'une société.' ' (RAFFESTIN ]980, p. 149). 1) L'adjectif "frontalier" met davantage l'accent sur la notion d"'ouver- ture". Dans ce travail on renoncera cependant à l'utiliser, en lui préférant "frontière" pour éviter certaines confusions avec la notion de "travailleurs frontaliers", c'est-à-dire de travailleurs qui sont employés dans un pays gui n'est pas celui de leur domicile. 2) Souligné par nous. - 74 - Longtemps objet de disputes théoriques, la délimitation des régions est devenue progressivement un simple instrument de 1'analyse régionale. Aujourd'nui, les géographes comme les économistes reconnaissent qu'il y a autant de découpages de 1'espace qu'il y a de problèmes à étudier. Cet exercice est toutefois resté circonscrit par les frontières nationales et une question importante reste posée: quel rôle attribuer à la taille des Etats, taille qui n'est pas déterminée par l'analyste mais qui s'impose à lui? Certains auteurs considèrent que le territoire des petits pays, parmi lesquels la Suisse, est entièrement sous l'influ- ence des effets de la frontière. Cette question d'échelle est sans nul doute importante, mais elle n'implique pas qu'il faille dans tous les cas considérer ces petits pays comme formant une seule région. Les attributs d'une région et d'un pays restent fondamentalement différents (existence ou non d'un système monétaire, etc.) et, surtout, le décou- page régional doit être adapté en fonction de phénomènes dont 1'échelle spatiale peut varier considérablement. On notera également que certains concepts utilisés par la science régionale entretiennent une ambiguïté qui ressort plus particulièrement dans le cas des régions frontières. Ainsi, on qualifie souvent ces régions de "périphériques". Cela ne pose pas de problème lorsqu'on fait référence au sens premier de ce terme, c'est-à-dire à une position géogra- phique éloignée du centre (excentrique) du pays. Toutefois, l'adjectif "périphérique" est utilisé, encore plus fréquem- ment, pour désigner une position par rapport à un système de relations. Dans ce cas, cette notion n'a plus rien à voir avec des coordonnées géométriques; elle s'applique à un espace discontinu qui est celui du pouvoir, des relations dominant-dominé du modèle centre-périphérie. Ce double sens peut être à l'origine d'une confusion qu'il faut éliminer. En effet, un lieu, tout en étant proche géographiquement du 1) Voir par exemple HANSEN (2.1). - 75 - "centre", peut être dominé et par conséquent faire partie de la "périphérie". De meine, une région frontière, par défini- tion "périphérique", c'est-à-dire excentrique, peut jouer un rôle dominant en termes de pouvoir et être considérée comme "centrale". Une dernière question liée au couple frontière-région mérite d'être abordée. Il s'agit des frontières maritimes que certains auteurs mettent sur le même pied que les autres frontières "naturelles". Cette équivalence trouve sa source dans le fait que les frontières maritimes "juxtaposent" deux systèmes nationaux et agissent sur les distances/coûts de transport. Ce second élément peut néanmoins justifier une approche opposée qui met l'accent sur les différences: les frontières maritimes introduisent avant tout une distance supplémentaire. Les coûts de transports y sont par contre inférieurs à ceux des voies terrestres et les contraintes physiques en termes de réseaux semblent assez différentes. Similitudes ou différences, cette question mériterait - il suffit de penser aux Etats insulaires comme la Grande-Breta- gne - un ouvrage à elle seule, objectif qui dépasse largement le cadre de notre étude. 4.3 Les effets économiques régionaux de la frontière: un bilan de la littérature 4.3.1 Les différents courants théoriques Les travaux théoriques consacrés aux effets de la frontière, qu'il s'agisse des théories de la localisation ou des analy- ses de 1'intégration (c'est-à-dire dans ce cas de l'étude des conséquences de la disparition des frontières), restent dominés par- 1'opposition entre logique économique et logi- que politique. Fait politique, les frontières internatio- nales constituent un élément étranger qui vient perturber les décisions des agents économiques qui cherchent à maxi- miser leur utilité. En s'opposant à ce processus qui a 1) Voir la typologie de BOUDEVILiE (1.3.2) et l'article de PEWOUIL (1971). - 76 - valeur "universelle", les frontières constituent avant tout un élément négatif et les régions frontières sont par conséquent défavorisées. De l'analyse de la littérature, on peut dégager quatre types d'approche: le premier envisage les effets de la frontière sur la localisation des producteurs de biens et/ou de servi- ces. En réduisant les aires de marché et en introduisant un coût de transport additionnel, les limites internationales repoussent les activités vers le centre du pays et restrei- gnent le développement des régions frontières. Le deuxième courant de pensée reste compatible avec le précé- dent parce que basé sur le même modèle. Il essaie toutefois d'être plus proche de la réalité en mettant l'accent sur les effets indirects positifs que peut exercer la frontière. La frontière devient ainsi un facteur de localisation en favo- risant le développement de certaines activités, notamment de celles liées aux commerce de transit. L'approche de la théorie de la polarisation est plus com- plexe. Si la frontière bloque la diffusion de la croissance issue des pôles de développement, elle n'empêche toutefois pas la présence de tels pôles dans les zones frontières. Au contraire, elle peut aussi agir en amplifiant les déséquili- bres, ce qui accentue les rapports de domination qu'un côté de la frontière exerce sur 1 ' autre. Le dernier type d'approche lie espace régional et commerce international. En effet, le modèle de potentiel privilégie le rôle joué par la distance sur les échanges commerciaux. La frontière ne coupe pas les aires de marché mais agit plutôt en rendant plus coûteux l'accès au marché des régions voisines. Dans ce sens, les effets de l'intégration peuvent être positifs pour les régions frontières, mais ce sont sur- tout les zones situées au centre de l'espace d'intégration qui profitent le plus de ce processus. On notera également que cette approche reste malgré tout statique: elle ne con- sidère pas les effets que peut entraîner la mobilité des facteurs de production. - 77 - 4.3.2 Vérifications empiriques Les quelques travaux empiriques passés en revue aboutissent surtout à la remise en question des différents outils propo- sés par la théorie. Ces études, qui ont pour point commun de considérer une période marquée par une relative libéralisa- tion des échanges et par une croissance économique rapide, montrent que les régions frontières ne sont pas systémati- quement défavorisées en termes de croissance économique, ce qui infirme un des volets les plus importants des conclu- sions issues de la théorie. Les directions de recherche proposées pour dépasser cet échec de la théorie sont de deux types. D'une part, il s'agit de mieux analyser les spécificités des régions frontières en les comparant aux autres régions (HANSEN ) ou en tenant compte de l'influence de facteurs historiques (PESCHEL). D'autre part, la solution consiste à mieux comprendre le processus de développement régional en relation avec l'espace (REIMERS; BROECKER), seule manière d'apprécier les effets régionaux de la frontière (plus précisément ceux de l'intégration). 4.3.3 La politique régionale européenne et les régions fron- tières Un examen de la politique régionale de la CEE aboutit à un constat similaire à celui exposé au point précédent. Les régions frontières font partie, selon VfiNHOVE et KLAASSEN (1980), des "régions problèmes" de la CEE. Pourtant, ces deux auteurs considèrent, qu'à part certaines régions exter- nes (les régions limitrophes de la République démocratique allemande notamment >, les régions frontières ne sont pas plus mal loties que la moyenne des régions européennes: "We do not deny that there are problems specifically related to frontier regions. After all there are peripheral regions with respect to the national core regions, although from a European point of view the income levels and the employement possibilities are not always that bad." CVANHOVE et KLAASSEN 1980, p. 235). - 78 - Ce diagnostic ne vient en fait que confirmer la pratique de la politique régionale européenne: la CEE n'a consacré qu'une faible partie de ses aides aux régions frontières (ROHUS 1981). Pour l'avenir, on peut supposer que cette aide n'augmentera pas. La réorientation actuelle de la politique régionale communautaire doit en effet tenir compte avant tout de l'élargissement de la CEE aux pays méditérannéens et de l'émergence de nouveaux problèmes liés à la crise inter- venue dès le milieu des années '70'. 4.3.4 Les problèmes des régions frontières Malgré cette appréciation d'ensemble, on ne peut pas nier que les régions frontières souffrent de nombreux problèmes liés à leur situation particulière. En s'inspirant de l'étu- de de VAN DER AUWERA (1975), on peut retenir quatre catégo- ries de problèmes: - les disparités de structures économiques. Accentuées par des politiques économiques nationales parfois divergentes, les différences de niveau de développement peuvent devenir très significatives et expliquer, notamment, les mouve- ments de la main-d'oeuvre frontalière; - les disparités monétaires qui non seulement se répercutent sur les conditions de vie des travailleurs frontaliers mais peuvent aussi, à un échelon plus large, modifier sen- siblement les conditions de concurrence d'un côté de la frontière par rapport à l'autre; - le manque de coordination dans les politiques de transport et de communication, lacunes qui aboutissent à la mise en place d'infrastructures concurrentes de part et d'autre de la frontière; - l'absence d'harmonisation des politiques sociales. Cet obstacle à 1'intégration se traduit notamment par la préca- rité de la situation des travailleurs frontaliers. - 79 - A ces problèmes socio-économiques s'ajoute une multitude de problèmes d'ordres administratif, juridique ou culturel qui viennent contrecarrer les tentatives d'intégration. On cite- ra, par exemple, les nombreux obstacles administratifs, qui rendent plus difficile le franchissement de la frontière, ainsi que la non-reconnaissance des titres de formation générale ou professionnelle. 4.4 Objectifs, hypothèses et principales articulations de notre recherche Avec les problèmes énumérés au point précédent, on rejoint un niveau d'analyse beaucoup plus spécifique et plus éloigné des préoccupations de la théorie. On aborde aussi un domaine de plus en plus marqué par l'institutionnel et qui, par con- séquent, a moins de points communs avec 1'analyse régionale. Sans nier 1'importance de ces facteurs administratifs, juri- diques et sociaux, on les écartera partiellement de notre problématique. Notre objectif n'est pas de dégager les moda- lités d'une meilleure coopération transfrontalière mais, bien plutôt, de mettre en évidence la nature et l'ampleur des effets que la frontière exerce sur 1'économie des ré- gions frontières. La dimension institutionnelle ne doit pas pour autant être évacuée de notre analyse. L'Etat-Nation et ses frontières sont par excellence de nature institutionnelle. On intégre- ra donc ce facteur, mais à un niveau plus général, celui des fonctions attribuées à la frontière. Ce faisant, notre objectif premier ne sera pas de proposer une nouvelle théo- rie des régions frontières mais, bien plutôt, notre but sera de mieux comprendre comment la frontière agit sur les relations des régions et sur leurs structures économiques. - 80 - 4.4.1 Fonctions de la frontière, flux et structures économi- ques Pour intégrer cette dimension institutionnelle on s'inspire- ra de la typologie des fonctions dégagée par GUICHONNET et RAFFESTIN, tout en la liant à l'approche plus économique qui a été développée par les études consacrées aux régions fron- tières suisses dans le cadre du Programme national de recher- che "Problèmes régionaux" {RATTI et al. 1982; JEANNERET et MAILLAT 1981). On retiendra tout d'abord que la frontière met en contact deux systèmes nationaux qui se distinguent chacun par sa propre fonction légale. En termes économiques, cela se traduit par la juxtaposition de politiques (conjoncturelle, monétaire, sociale, etc.) qui, à l'exception peut-être de la politique régionale, obéissent à des objectifs déterminés au niveau national. Que l'ensemble de ces politiques aboutisse ou non à des divergences de niveau et/ou de rythme de déve- loppement, on peut retenir que la frontière est le lieu de confrontation de différences sectorielles qui sont souvent très importantes. De telles différences, qu'on pourrait qualifier de "différences de pression", peuvent être la cause de flux, de relations, qu'on qualifiera de "flux de tension". Ensuite, la frontière peut être investie d'une fonction de "filtre", qui correspond aux fonctions fiscale et de contrôle de GUICHONNET et RAFFESTIN. Cette fonction, qui s'exerce sur les flux, c'est-à-dire sur les échanges de biens et services ainsi que sur la mobilité des facteurs de production, peut elle-même être à l'origine de distorsions importantes en suscitant de nouveaux flux (cas de la contre- bande ou des investissements induits par des politiques commerciales protectionnistes, par exemple). Si la frontière a pour effet de donner à ces relations, parfois malgré la proximité, un caractère "international", on ne peut toutefois pas lui imputer la totalité de ces flux. On découvre ainsi intuitivement la nécessité de distin- - 81 - guer entre flux de tension et flux "normaux". Cette "normali- té" devra être appréciée en comparant les relations trans- frontalières à celles qui unissent les régions d'un même espace national. Les flux induits par la frontière mais, aussi, l'absence de relations qui découle de 1'effet de coupure exercée par les limites inter-étatiques agissent sur les structures socio- économiques et sur les capacités de développement des régions. L'analyse de ces structures peut donc non seulement permettre de mieux apprécier l'impact de la frontière mais aussi d'évaluer le poids des facteurs nationaux et leur impact régional. Cette introduction des facteurs nationaux pose la question de 1'échelle spatiale des effets de la frontière. Cette échelle varie considérablement en fonction des phénomènes analysés. Elle peut être limitée aux zones frontières dans le cas des mouvements de la main-d'oeuvre frontalière, mais elle peut aussi être liée à des facteurs de localisation très spécifiques qui sont en grande partie indépendants de la situation en zone frontière (cas des activités touristi- ques). Dans d'autres cas ce sont surtout des facteurs natio- naux qui prévalent (rôle de place financière internationale joué par la Suisse) et il est nécessaire de bien les distin- guer des retombées régionales. Si on peut parler d'effets positifs ou négatifs de la fron- tière sur le développement économique régional, il faut tou- tefois être conscient qu'une telle approche est avant tout normative. Ces effets peuvent s'inverser selon qu'on prenne en compte les intérêts d'un groupe social ou d'un autre, d'un côté de la frontière plutôt que de 1 ' autre. A ce niveau, c'est certainement l'impact de la frontière sur les capacités de développement des régions qui constitue 1'indi- cateur le plus adéquat. - 82 - Le choix d'une problématique qui tienne compte du cadre insti-tionnel devrait également nous permettre d'intégrer les facteurs historiques comme le propose PESCHEL. Ainsi, la référence aux fonctions et aux effets antérieurs de la fron- tière devrait améliorer notre compréhension de la nature et du niveau actuels des relations des régions frontières. On notera d'ailleurs que la reconnaissance de l'influence exer- cée par les formes anciennes de l'organisation du territoire n'est pas nouvelle ; déjà CHRISTALLER y faisait référence. Plus près de nous, les travaux du Centre d'Economie Régio- nale d'Aix-Harseille accordent une grande importance aux fac- teurs politico-administratifs pour expliquer les structures spatiales très différentes de la France et de la R.F.A. (PLANQUE 1977). 4.4.2 Délimitation du champ d'étude Plutôt que de partir d'une liste des problèmes spécifiques et sectoriels des régions frontières, on choisira un niveau d'analyse plus général en portant l'accent sur l'étude des catégories de relations les plus significatives en termes économiques, à savoir les mouvements des facteurs de produc- tion et les échanges de biens et services. Couplée avec une analyse des structures socio-économiques des régions frontiè- res cette approche devrait nous permettre d'obtenir une image la plus complète possible des effets économiques régionaux des frontières internationales. Pour chacun de ces domaines, on cherchera non seulement à vérifier les hypo- thèses développées au début de ce chapitre mais on passera aussi en revue certains aspects signalés dans 1'analyse de la littérature. Cette partie empirigue s'organisera autour de quatre points principaux: A) Les échanges de biens et services (chapitre 6). "Filtrés" par la frontières, ces échanges sont enregistrés au niveau international mais pas au niveau interrégional. Pour combler cette lacune nous exploiterons une nouvelle - 83 - statistique du commerce extérieur des régions suisses. Complétées par d'autres sources, ces données devraient nous permettre de vérifier l'existence de relations privilégiées entre les régions situées de part et d'autre de la frontière. On cherchera également à savoir dans quelle mesure des facteurs culturels et historiques peuvent expliquer cette proximité. Cette analyse portera surtout sur les mouvements de marchandises parce qu'en raison de leur caractère "immatériel" les échanges de services sont beaucoup plus difficiles à saisir. Dans ce domaine notre approche sera plus indirecte et s'appuyera sur 1'étude de la localisation de ces activités au sein de l'espace helvétique. B) Soumise aux fonctions de contrôle de la frontière et influencée par les "différences de pression" entre les pays, la mobilité du facteur capital (chapitre 1, section 7.1) peut avoir un support spatial très différent. Nous nous concentrerons ici sur les investissements directs. En effet, cette catégorie a un impact géographique pré- cis, contrairement aux placements financiers qui répon- dent davantage à une logique internationale. On cherchera non seulement à évaluer 1'importance de cette mobilité transfrontalière mais on vérifiera aussi si un effet de proximité se retrouve dans ce domaine. C) La mobilité du facteur travail (section 7.2) est certaine- ment le domaine dans lequel l'effet des fonctions de con- trôle de la frontière est le plus perceptible. Ceci est d'autant plus important dans le cas de la Suisse, pays qui n'est pas concerné par les règles de libre circula- tion adoptées par les pays de la CEE. On fera une distinc- tion fondamentale entre les migrations définitives et les mouvements pendulaires des travailleurs frontaliers, en cherchant à évaluer l'impact de la politique suisse d'im- migration sur ces différentes catégories de main- d'oeuvre. - 84 - D) La description et l'analyse des structures socio-économi- ques régionales (chapitre 8) doit nous permettre de mieux apprécier l'impact et la nature des relations transfronta- lières . A ce sujet on fera une distinction importante entre les agglomérations et les autres régions frontiè- res. Pour les premières, il s'agira d'évaluer l'influence de la frontière sur la diffusion de la croissance urbai- ne. Pour le reste de la zone frontière on s'attachera surtout à mesurer l'importance des facteurs nationaux au niveau de ces structures régionales. Ce cadre sera ensui- te utilisé pour mieux apprécier la nature et les effets des migrations des travailleurs frontaliers. Il s'agira notamment de faire la part entre ce qui est dû à la fron- tière et à un développement "normal" de la mobilité spatiale. Ce découpage thématique tient compte des principaux éléments d'une problématique économique mais - il faut le reconnaître laisse dans l'ombre des aspects qui peuvent avoir une grande importance sous l'angle du développement des régions. Notamment, la frontière exerce un impact important sur les infrastructures et, plus précisément, sur les voies de commu- nication . Faute de temps et de moyens nous laisserons de côté ces éléments d'une politique d'aménagement du territoi- re, thème qui mériterait à lui seul une étude particulière. 4.5 Méthode Notre méthode ne peut être ni purement deductive ni exclusi- vement inductive. On laissera donc une large place à la des- cription d'une réalité fort complexe, tout en essayant de vérifier quelques hypothèses sur la base d'informations sélectionnées dans cette optique. 1) Voir, notamment, RATTI 1982. - 85 - Notre but sera d'atteindre un certain stade de généralisa- tion en dépassant le niveau de la monographie. Un tel choix se justifie aussi par des contraintes matérielles. Vouloir "épuiser" un sujet (sens premier de la "monographie") comme le propose, sous forme de regrets, Charles RICQ , dépasse aujourd'hui les moyens d'une seule personne, voire même ceux d'une équipe de chercheurs. Cette tentation "encyclopédiste" n'est pourtant pas absente, surtout lorsqu'on désire rendre compte des facteurs histori- ques. Une telle perspective historique ne pouvant être consi- dérée que comme un complément à notre analyse, on se conten- tera d'utiliser les travaux déjà consacrés à ce sujet pour en extraire les faits politico-administratifs les plus signi- ficatifs en rapport avec 1'évolution de la frontière. 1) "Afin de caractériser ces espaces frontaliers, transfrontaliers, il aurait d'abord fallu décrire brièvement le "continuum" physique et écologique, avec toutes ses contraintes géographiques, ensuite inven- torier rapidement les paramètres démographiques et historiques des collectivités vivant dans ces espaces, ñ cet apport de la géographie, de la démographie et de l'histoire pour caractériser espace et collec- tivité, se superposerait, par palliers successifs, une analyse d'ordre économique, sociologique et politique pour le présent et pour l'avenir." (RICQ et al. 1981, pp. 136-137). OEUXIEME PARTIE : L'EXEMPLE OE LA FRONTIERE FRANCO-SUISSE ENTRE GENEVE ET BALE - 89 - CHAPITRE 5 CADRE GEOGRAPHIQUE ET ECHANGES INTERNATIONAUX L'objectif poursuivi dans ce chapitre est de fournir un bref aperçu de la région d'étude et d'apprécier l'importance des différents types de relations économiques qui lient la Suisse au reste du monde. 5.1 La région d'étude 5.1.1 La frontière franco-suisse entre Genève et Baie En terme de relief, l'espace situé entre Genève et Baie, entre le Rhône et le Rhin, se caractérise par la présence d'un massif montagneux, la Chaîne du Jura , qui s'étend de part et d'autre de la frontière franco-suisse. Cette homogé- néité n'est toutefois qu'un aspect: l'alternance de "monts" et de "vais" aboutit à un compartimentage, à un cloisonne- ment de cet espace naturel. Si la frontière franco-suisse se superpose à certains obstacles naturels (crêtes, gorges du Doubs), cette conjonction n'est toutefois pas systématique. L'exception la plus importante est constituée par 1'Ajoie (c'est-à-dire le district de Porrentruy sans le Clos-du- Doubs), région qui trouve son prolongement naturel sur le Territoire de Belfort. On retrouve une situation comparable aux deux extrémités de la zone d'étude. A Genève comme à Baie la frontière politique ne correspond pas à des obstacles topographiques importants. Dans une perspective historique la frontière franco-suisse peut être considérée comme relativement ancienne. Deux étapes majeures ont marqué sa mise en place. Tout d'abord, 1) Voir, notamment, DAVEAU 1959, BARBIER et THEVOZ 1979. - 90 - la Réforme a provoqué une première rupture, la plus grande partie des régions suisses s'étant converties à la foi réfor- mée tandis que le côté français restait catholique. La fin de l'ère napoléonienne a correspondu également à un point fort: les frontières internationales de la Suisse ont été reconnues internationalement par le Traité de Vienne et n'ont pour ainsi dire pas évolué depuis. 5.1.2 Types de régions et délimitation de la zone frontière 5.1.2.1 Agglomérations urbaines et régions industrielles Plus que le relief, ce sont les caractéristiques socio-écono- miques, la répartition spatiale de la population et des acti- vités, qui permettent de décrire la zone étudiée. Un rapide examen de ces structures du côté suisse (cet examen sera repris en détail au chapitre 8) montre que l'espace d'étude juxtapose deux types de régions biens différents : d'une part les agglomérations urbaines de Genève et de Baie, d'autre part la région intermédiaire formée par la Chaîne du Jura. Tableau 5.1 Population et structure d'activité des princi- paux composants de la partie suisse de la zone frontiere Population résidante en 1980 Part du secteur tertiaire dans l'emploi non-agricole en 1975 IXl Chaîne Qu Jura (9 districts) Agglomérations : Genève !canton) Bale !definition 70) 126-693 319'04O 361*813 34.7 72.1 55.7 Source : OFS; Calculs personnels 1 ) Ces chiffres ne concernent que la partie suisse. Pour les défini- tions, voir chapitre 8. - 91 - Comme le montre le tableau 5.1, cette opposition se marque non seulement en ce qui concerne le poids démographique chaque agglomération compte une population deux fois plus importante que celle des districts de la Chaîne du Jura mais aussi au niveau de la structure d'activité. La montagne jurassienne, qui se caractérise par une forte dispersion de la population et des activités, reste dominée par l'indus- trie tandis que 1'économie des agglomérations est tournée vers les activités de service. Ce découpage en deux types de régions et en trois secteurs de la zone frontière (Genève, Baie et la Chaîne du Jura) est important non seulement en termes de processus de développe- ment mais aussi en relation avec la frontière. En effet, si les centres de ces deux agglomérations se situent sur sol helvétique, leur périphérie se trouve à cheval sur la fron- tière et se prolonge sur sol étranger. 5.1.2.2 Délimitation de la zone frontière Bien que certains auteurs {HANSEN par exemple, voir 2.1) con- sidèrent que l'ensemble du territoire de petits pays comme la Suisse est situé en zone frontière, on ne peut pas rete- nir une telle hypothèse dans le cadre de notre étude. Non seulement l'espace étudié compte plusieurs régions fonction- nelles, mais surtout le découpage géographique peut varier en relation avec les catégories d'effets de la frontière. A ce niveau le type de mobilité constitue un critère détermi- nant. En ce qui concerne les migrations journalières des travailleurs frontaliers, les zones soumises à cette manifes- tation de la frontière se limitent à quelques dizaines de kilomètres de part et d'autre de celle-ci. L'aire de chalan- dise des services à la population se mesure à une échelle comparable tandis que le rôle de la distance devrait être différent en ce qui concerne les échanges et les transports de marchandises. - 92 - Carte 5.1 : Zones d'étude et principales limites adminis- tratives de la frontière franco-suisse -ST3^ RFA. FRANCE HAUTE-SAOME DOUBS FRANCHE-COMTE ^x ALSACE Aggloméra bé taise BELFORT/ V ( / HAUT-I RHIN f '' VILLE JURA Sn /BALE-, CAHFAG JM-—_¿? SOL EURE > (f-.; T^ j(^ \ \ **s^*jjcj *^^ r i *" y^£^ \ ¦ ••'.—j BERNE ,: Frontières internationales .: Cantons (CHI/ Dénartements IF) -__ • : Régions IF) Carte: Ph, Joanneret : zones d'étude limites de la Chaîne du Jura suisse (BARBIER et THEVOZ 19791 - 93 - Notre objectif n'est pas de fournir une délimitation précise et synthétique des zones soumises à l'influence de la fron- tière. Nous nous baserons sur un découpage spatial qui rend compte des principaux types de régions et, surtout, qui s'adapte aux unités administratives sur la base desquelles l'information statistique est disponible. En ce qui concerne les migrations frontalières et l'étude des structures démo- économiques, l'espace étudié se limitera ainsi d'une part au périmètre des deux agglomérations et, d'autre part, aux ensembles de communes {districts suisses et cantons fran- çais) jouxtant la frontière le long de la Chaîne du Jura. Au niveau des échanges de marchandises nous ne considérons pas seulement les régions proches de la frontière franco-suisse mais aussi le reste du pays afin de tenir compte d'une problématique qui corresponde à une échelle géographique différente. 5.2 La Suisse et le reste du monde: la balance des revenus La Suisse est fortement dépendante de ses échanges avec le reste du monde. Ce degré d'ouverture, qui ¦ s'explique en partie par la taille du pays, n'est cependant pas plus élevé que celui de pays industrialisés comparables; il a même été légèrement inférieur à celui des autres petits pays de l'OCDE au cours des années '70' (OCDE 197B). Si la Suisse constitue un cas particulier, c'est dans la mesure où cette dépendance s'est fortement accrue depuis la crise du milieu des années '70'. En effet, les échanges de biens et services représentaient environ 34% du PIB en 1970, proportion qui a passé à 46% en 1981 . Plus que le volume, c'est la structure de ces échanges qui nous intéresse parce qu'elle permet d'apprécier l'importance 1) Ces chiffres représentent une moyenne entre les exportations et les intportations. Ils ont été calculés aux prix de 1970. (Source: OFS 1983 bï. - 94 - Tableau 5.2 La balance suisse des revenus en 1981 (balance des opérations courantes) en millions de frs. Recettes Dépenses Solde A Trafic de marchandises 551ZBO 63-400 • 8-120 Commerce spécial 52'820 60-090 - 7-270 Autres postes 1 '270 2-770 - 1'500 Energie électrique rigo 540 650 B Services 13'B20 7'520 6-300 Tourisme 7-B40 5'260 2-580 Assurances privées S20 10 510 Opérations de commerce en transit 480 - 480 Transport de marchandises 720 70 650 Postes et télécommunications 290 330 40 Autres services dont : dépenses de consommation des frontaliers étrangers t 3'97O 330 I'850 2'12O 3 Î0 C Revenus du travail et de capitaux 14-510 5'290 9-220 Retenus du travail dont : salaires des frontaliers étrangers 870 3'450 3'440 - 2'5BO - 3'4'0 Revenus de capitaux 13-640 1'64O 11-800 BALANCE DtS BIENS ET OES 5ERVICES B3-610 76*210 7-400 (A*B*C) D Transferts unilatéraux l'440 3'410 - I-970 Transferts privés dont : transferts des travailleurs - étrangers (sans les frontaliers! 340 2'070 !'12O - 1'73O - l'120 Assurances sociales 530 B50 320 Transferts de l'Etat 570 490 80 BALANCE OES REVENUS (BALANCE OES OPERATIONS COURANTES] et la mieux 1) Seuls quelques services cantonaux de statistique ont publié les résultats relatifs à leur canton. Voir SCRIS 1982 et SCSGE 1983. 2} Le commerce spécial, dont l'importance dans les échanges de la Suis- se est indiquée par le tableau 5.2, ne comprend pas les échanges d'or et d'argent. - 100 - adaptée à nos besoins. En ce qui concerne la destination et la provenance des marchandises, la statistique découpe 1'espace mondial en une trentaine de zones en distinguant toutefois chacun des principaux partenaires commerciaux de la Suisse et, parmi eux, les pays limitrophes (R.F.A., France, Italie, Autriche). Le découpage du territoire helvétique repose tout d'abord sur les limites cantonales, certains cantons étant ensuite subdivisés en régions. Compte tenu du Liechtenstein - princi- pauté qui est liée à la Suisse par une union douanière et monétaire - et d'une région "solde" (localisation inconnue), la statistique distingue finalement 56 régions . Comme le montre la carte 6.1, ce découpage en régions douanières a, lorsqu'on dépasse le niveau cantonal, peu de points communs avec les subdivisions habituellement adoptées en matière d'aménagement du territoire. Notamment, deux cantons (Zurich et Vaud) comptent une région "reste du canton" qui est formée de plusieurs espaces non contigus. Pour qu'il soit possible d'utiliser sans trop de problèmes cette statistique régionalisée, il faut qu'il y ait une correspondance suffisante entre le lieu d'enregistrement (de dédouanement) et le lieu réel d'utilisation ou de produc- tion. Malheureusement, cette correspondance est loin d'être parfaite en ce qui concerne les importations. En effet, une grande partie des produits sont d'abord importés par des grossistes pour être ensuite distribués dans le reste du 1) L'intitulé des régions qui correspond au numéros de la carte 6.1 est reproduit à l'annexe statistique. 2) Le lieu d'importation ou d'exportation est donné par le numéro postal d'acheminement (NPA) des entreprises. Pour dessiner la carte 6.1, il a fallu faire la transposition entre ces NPA et les communes politiques. La concordance n'est toutefois pas toujours parfaite, ce qui explique l'existence d'un certain nombre d'enclaves. - 101 - Carte 6.1 : Les régions douanières suisses (état 1982) 1 ) Pour 1'intitulé correspondant au Nos des régions, voi r annexe (tableau Al) D Source : Direction générale des Douanes; Correspondance entre Numéros postaux d'acheminement et communes politiques, carte : Ph. Jeanneret FRANCE LIECHTENSTEIN AUTRICHE Reproduit avec l'auto- risation de l'Office fédéral de topographie du 22.11.1984 - 103 - pays. Ceci peut être illustré par le cas du canton de Zürich dont les importations représentent près du tiers (30.1%, en valeur) du total helvétique tandis que la part de ce canton dans les exportations est beaucoup plus faible (16.2%). Un biais comparable se retrouve en ce qui concerne les produits énergétiques : les importations de pétrole brut sont enregistrées pour une grande part dans les cantons où s'effectue le raffinage (notamment Neuchâtel). Pour ces raisons nous avons renoncé à utiliser les données régionales des importations et nous avons limité notre analyse aux exportations qui, elles, semblent être plus fiables. Certes, une partie de ces exportations passe par l'intermédiaire de grossistes ou de transitaires localisés dans les grands centres, mais dans l'ensemble leur structure géographique correspond beaucoup mieux à celle de la produc- tion2>. 6.2.2 Effets de proximité, première vérification La statistique du commerce extérieur ne permet qu'une évaluation partielle des effets de proximité. Si le lieu de départ des exportations suisses est donné avec une grande précision, on ne connaît par contre que le pays de destina- tion de ces marchandises. Dans le cas d'un pays voisin, cela signifie que ce lieu de destination peut tout aussi bien être une région frontière qu'une région fortement éloignée à l'échelle des distances helvétiques (cas de l'Italie du Sud ou de 1'Allemagne du Nord, par exemple). Par conséquent, l'analyse ne peut pas porter sur les effets de la distance. 1) Voir, notamment, l'analyse du SCRIS (1982). 2} Nous avons comparé, au niveau des cantons, la répartition géographi- que des exportations par groupes de produits avec celle des emplois pour les branches industrielles correspondantes. Les corrélations dans chaque cas sont presque toujours significatives et le coeffi- cient de corrélation est en moyenne de 0.80. - 104 - Cette dimension ne pourra être abordée qu'au moyen d'informa- tions complémentaires (voir 6.4). La première approche des effets de proximité repose sur une démarche relativement simple. On calcule un indice d'orientation qui compare la proportion des exportations régionales et nationales qui se dirige vers chacun des quatre pays limitrophes de la Suisse (Autriche, R.F.A., France, Italie) et vers le reste du monde . Sur cette base il est possible de' dessiner une carte d'orientation du commerce régional pour chacune des cinq zones considérées, cartes qui sont reproduites à l'annexe statistique. Afin de synthétiser cette information on a choisi de centrer et de réduire chacune de ces séries d'indices. La valeur la plus élevée indique ainsi vers quel pays les exportations des régions sont le plus orientées par rapport à la moyenne nationale. Ces résultats sont illustrés par la carte 6.2. L'exemple de cette carte, complété par l'analyse des indices d'orientation (voir annexe), permet de vérifier 1'hypothèse de l'existence d'effets de proximité. Le découpage obtenu, qui correspond grosso-modo aux régions linguistiques de la 2 ) Suisse , montre que chacune de ces regions dirige une part 1) L'indice d'orientation est calculé pour chaque couple de région (i) - pays (j): n X . . / X . i] i. X - / X X . = / X - . j=l i=l Pour ce premier calcul, on a choisi d'utiliser les données en valeur, plus représentatives que les données en poids. 2) Cet aspect est analysé en détail au point suivant. Pour les régions linguistiques, voir carte 6.3. - 105 - Jj ¦H 3 r-\ Tl UJ Mil m Ih pH +J C. (i I (Il •fl> (fi Ij ill JJ tn C m 'I) ¦H II D Ul r n m --4 C JJ n n) ¦h JJ (T il XU (JJ M --4 Vj (/) O (H - TJ T) (Jl ni c: n n ¦H ¦H T) Jj r m -H 4-1 m JJ O Ij n O x UJ m to m -) (D -J TJ a C ^ I) l4 ¦H I JJ ai m -H jj m n > m --4 C: U (Il O - 106 - de ses exportations supérieure à la moyenne vers le pays limitrophe qui appartient à la même communauté linguistique. Il ne faut pas perdre de vue qu'une telle démarche ne cherche pas à expliquer le volume des échanges de la Suisse avec ses différents partenaires commerciaux, qu'il s'agisse de pays voisins ou non. On se contente ici de comparer la structure géographique des exportations des régions et de 1'ensemble du pays, formule qui par conséquent privilégie les écarts à la moyenne . En fait le "reste du monde" constitue, en valeur, le marché le plus important de la quasi totalité des régions helvétiques. Lorsqu'un pays est un partenaire moins important, l'intervalle entre les valeurs extrêmes de l'indice est parfois très élevé. Cela est plus particulièrement le cas de l'Italie. L'orientation des régions tessinoises vers ce pays est très forte et si quelques régions bernoises (régions 2.4, 2.5 et 2.6) ont également un score élevé, leur orientation vers le marché allemand est aussi supérieure à la moyenne. 6.2.3 Proximité culturelle ou géo-historique? Si un premier examen apporte la preuve que la structure géographique des exportations des régions suisses subit 1'influence de la proximité, il reste maintenant à analyser la nature de ces effets. Deux hypothèses sont en présence. Il peut s'agir, d'une part, d'une proximité culturelle; chaque région exportant davantage en direction des pays culturellement proches, proximité qui peut être appréciée 1) La structure (en %) des exportations de l'ensemble de la Suisse en 1981 est la suivante (en valeur): Autriche 4.3 R.F.A. 18.3 France 9.0 Italie 7.7 Reste du monde 60.7 - 107 - au moyen des langues pratiquées dans ces différents espa- ces . D'autre part, c'est une proximité géo-historique, résultante à la fois de liens politiques anciens et de rela- tions économiques modelées dans le passé par les coûts de la distance, qui peut expliquer que les régions frontières sont davantage orientées que les autres régions vers les marchés des pays immédiatement limitrophes. En étant entourée de quatre Etats différents et en faisant cohabiter quatre commu- nautés linguistiques à l'intérieur de ses frontières, la Suisse constitue à n'en pas douter un cas d'école pour une telle analyse. Cependant, une autre particularité helvétique constitue un obstacle important: le territoire suisse est si exigu qu'il devient difficile de faire la distinction entre régions frontières et centre du pays. Comme l'indique la carte 6.3, il est relativement facile d'affecter les régions douanières aux différentes zones linguistiques. Un seul problème est posé par le cas des Grisons. A côté d'une région de langue italienne (région 16.1) et d'une forte communauté alémanique, ce canton compte en effet un groupe linguistique particulier, le rhéto- 2 ) romanche. Bien que 1 allemand domine nettement , nous avons choisi de classer cette région (16.2) dans une catégorie spécifique (rhéto-romanche). Dans l'ensemble, la répartition des exportations suisses (en valeur) entre les différentes régions linguistiques correspond relativement bien à celle de la population 1) Selon HERRMANN et al. (1982), la langue constitue le meilleur indica- teur de la proximité culturelle en matière de commerce international. Dans la suite de ce chapitre, la proximité culturelle sera donc con- fondue avec la proximité linguistique. 2) Les zones de langue allemande regroupaient en 1970 plus de 70% de la population de l'ensemble du canton des Grisons. 3) Voir tableau 6.1. La répartition (en %) de la population suisse entre les différentes régions linguistiques était la suivante en 1970: allemand 72.7% français 22.7% italien 4.1% rhéto- romanche 0.5% - 108 - ¦Z E il C K — tt - 109 - - 110 - La délimitation des régions frontières est par contre plus délicate. En fait, il faudrait pouvoir raisonner en termes d'accessibilité, en tenant compte des infrastructures et des moyens de communication, des obstacles naturels et des points de passage de la frontière. Faute de telles informa- tions et considérant que de toute manière les données rela- tives aux exportations ne permettent pas d'évaluer précisé- ment les distances, nous avons opté pour une méthode plus simple en ne retenant que les régions qui touchent à la frontière . Les régions frontières ainsi définies - régions présentées par la carte 6.4 -,représentent en 1981 un peu plus de la moitié (en valeur) des exportations suisses. L'agrégation des données régionales par zones linguistiques et par pays de destination confirme nettement 1 ' existence d'un effet de proximité culturelle. Comme l'indique le tableau 6.1 (données en valeur), on n'observe une part supérieure à la moyenne {par rapport à la structure nationale) que dans le cas où la région d'origine et le pays de destination pratiquent la même langue. Si la part du "reste du monde" est nettement inférieure lorsqu'on tient compte du poids des exportations (tableau 6.2), on retrouve cependant à quelques détails près la même influence culturelle. L'application du test du Khi-deux à ces tableaux indique que cet effet de proximité est "significatif" au sens où l'en- tendent les statisticiens. Qu'il s'agisse des données en valeur ou en poids, qu'on tienne compte ou non du "reste du monde", il est possible de rejeter l'hypothèse d'indépendan- ce - c'est-à-dire d'une distribution dirigée par le hasard - entre régions linguistiques et zones de destination avec 1) Les deux régions (1.9 et 20.2) formées de plusieurs espaces non contigus ne 'sont pas considérées comme frontière parce que certains de ces espaces ne touchent pas la frontière. De même on a considéré que le Lac Léman offrait un obstacle suffisant pour que les régions qui le bordent (20.1 et 20.3) soient exclues de la zone frontière. - in - Tableau 6.1 : Exportations par régions linguistiques et pays de destination en 1961 en valeur (millions de frs. et %)1 ' Régions linguistiques Pays de destination Total Autriche et R.F.A. France Italie Reste du monde allemand français Italien rhéto-romanche 9'439.8 25.21 1'520.O 13.31 357.7 18.21 162.7 41.61 2*892.8 7.71 1-512.7 13.El 158.7 8.61 29.2 7.51 2-407.3 6.41 874.6 7.71 699.6 35.51 42.5 10.91 22-764.6 60.7 7-519.9 65.81 756.2 38.31 156.7 40.01 37-504.5 1001 H'427.2 1001 1-972.2 1001 391.1 1001 Total 11-480.2 22.41 4-593.4 9.05 4-024.0 7.81 31-197.4 60.81 51'295.O 1001 Source : Oirection générale des Douanes; Exploitation et calculs personnels Tableau 6.2: Exportations par régions linguistiques et pays de destination en 1981 en quantité (milliers de tonnes et %) Régions linguistiques Pays de destination Total Autriche et R.F.A. France Italie Reste du monde allemand franceis italien rhéto-romanche 1-525.8 40.51 102.0 14.91 192.9 44.31 36.8 24.31 323.6 8.61 124.6 18.21 9.2 2.11 4.4 2.91 774.7 20.51 247.0 36.01 199.8 45.91 90.5 59.61 1-134.9 30.41 211.5 30.91 33.7 7.71 20.0 13,21 3-768.0 1001 685.1 1001 435.6 1001 151.7 1001 Total 1-857.5 36.81 461.8 9.21 1-312.0 26.01 T409.I 28.01 5-040.4 1001 Source : Oîrection générale des douanes; Exploitation et calculs personnels 1) Sans la région "inconnu" qui exporte pour 1'526.4 mio. de frs. et 45.7 milliers de tonnes en 1981. - 112 - une probabilité d'erreur très faible . Le test du Khi-deux peut être décomposé en comparant chaque région linguistique à la structure de 1'ensemble de référence. Une telle démar- che permet d'affiner les résultats mais, nous lui avons pré- féré la méthode de l'analyse de la variance (abrégée ANOVA par les anglo-saxons) parce qu'elle fournit des indications plus précises. Dans ce cas, on travaille non plus sur la base d'agrégation mais en considérant les données de chaque région. Il s'agit de vérifier si la moyenne (non pondérée, dans ce cas) de la part (en %) des exportations vers les pays voisins diffère selon qu'on considère des échanges entre zones de même langue ou non. Dans les trois cas exami- nés l'analyse de la variance montre que les régions suis- ses dirigent une part significativement supérieure à la moyenne de leurs exportations vers les pays voisins lorsque ceux-ci pratiquent la même langue {région de langue alleman- de vers l'Autriche et la R.F.A; de langue française vers la France, de langue italienne vers l'Italie). De tels résul- tats viennent donc renforcer ceux obtenus par l'analyse des données agrégées par types de régions et de pays. La même démarche a ensuite été appliquée non plus aux régions linguistiques mais aux régions frontières.Dans ce cas les résultats sont un peu moins tranchés mais restent cependant significatifs: de manière générale les régions frontières exportent davantage vers les pays immédiatement limitrophes que les autres régions suisses. A la suite de ce constat, il paraît plus utile de croiser immédiatement ces deux découpages régionaux afin de confronter nos deux hypothèses. Dans ce cas, le nombre des catégories de régions à prendre en compte est plus élevé. En effet, il faut non seulement croiser ces deux définitions mais il faut aussi 1) Le test du Khi-deux compare les fréquences observées et les fréquen- ces théoriques calculées à partir des marges du tableau (voir, par exemple: WONNAODTT et WONNAOCTT 1972). Il y a indépendance lorsque les fréquences observées sont trop proches des fréquences théoriques (calculées sur la base du poids total de chaque region et de chaque pays, dans le cas qui nous occupe). 2) La région rhéto-romanche (16.2) a été exclue de cette analyse. - 113 - considérer que certaines régions frontières jouxtent plu- sieurs pays Comme 1'indiquent les tableaux 6.3 et 6.4, le croisement de ces deux critères donne lieu à une quadruple hiérarchie: de manière générale, les régions frontières exportent davantage vers le(s) pays immédiatement limitrophe!s) lorsque la lan- gue pratiquée est la même; ce score des régions frontières est plus élevé que celui des régions centrales (non frontiè- res) de même langue et la différence est encore plus nette -• 2 ) lorsque la langue pratiquée est differente . Cette obser- vation n'est toutefois pas vérifiée dans tous les cas, raison pour laquelle on recourra à nouveau à 1'analyse de la variance. Cette méthode peut être complétée par une analyse de régression, basée sur le même principe, qui représente ces effets par deux variables dichotomiques (codées 0 ou 1, variables "dummy" dans le vocable anglo-saxon) . Comme l'indique le tableau 6.5, ces deux méthodes montrent que les deux effets de proximité sont plutôt de nature additive. Dans 1'ensemble, 1'influence de la proximité 1) La région de Bale touche à la France et à la R.F.ft, les Grisons (région 16.2) à l'Autriche et à l'Italie, le Valais (région 21.1) à l'Italie et à la France (voir carte 6.3). 2) Ceci peut être illustré par la proportion moyenne des exportations en valeur (tableau 6.3) des différentes catégories de régions à destina- tion de la France. On obtient dans ce cas la hiérarchie suivante: régions frontières de la France de langue française> régions fron- tières de la France de langue allemande^ régions centrales de langue française^ régions centrales de langue allemande. 3) Pour 1'analyse de régression avec deux "dummy variables", voir WONNACCTT et WCNNACOTT 1972. L'analyse de la variance a été réalisée au moyen d'une méthode développée à l'Université de Neuchâtel par Y. DODGE. Cette méthode présente l'avantage par rapport aux analyses "classiques" (voir DODGE 1985) de pouvoir traiter des tableaux dont les cases n'ont pas le même nombre d'observations ou sont même par- fois vides. Dans le cas précis, l'analyse de la variance porte sur des tableaux de dimension 2x2, chaque variable ayant deux niveaux (culture inden- tigue-differente; région frontière-autres régions). Dans l'analyse de la régression, le premier de ces niveaux est représenté par la valeur "1" pour chaque variable dummy alors que l'autre niveau est codé "0". - 114 P U) Cl i-i r: U-I H r-i (1) 13 ¦H m r, »Ol 0) Vj T— OJ OD 'U (Jl .— «1 (11 C il >¦ JJ r. n J-I •H JJ Ü m K ¦l-t Ul Jj n II) CJ U) •H Tl JJ m m JJ T) U O m (i > y m UJ O O CI O O O O O ä « in — CM PJ IO IM ¦w C-I CO «VI CTl •I ^ T ¦" 1/1 m d m „ _ "— „ _ __ in IM IfI r* in SD *r r" CO IQ " ä C ru ^. CM _ r*. "~ if *« m Cr. in O O IO O CO CM CB r^. O v r- O r^ r*. r» CO O TT r. UJ — *" "" ~ ^ ~~ ^* O IO n r*. en n r*. CTl m u> IO en ,» _ i-i r~ *i *• O Ci W _ IC CM CSJ Ol ¦j- i/> Ul _ CC O m m m O) „ _ (M ' CM n ' — *- CM '- - „• r n ^ en ^ ¡S CO £j o r*. CO IrI CO en O ¦ï — *" "~ «¦ Ol M *I CO — _ r- en IM fl- r- io m rn r- IM IO 1 S s s n ^3. CM ^ UJ ^ K — *T E tM Q s ¥ * »I ¦t Í Ki* «t - U. U. -I ,_ UI « s Ul UJ u> O s» -"* ¦» U. O U .ff J3 o jj J uî ¦H Ü ¦H : « Ul QJ m U) C 3 ,353 - 115 - e (O 3 a e Q) M o O O O y " OTAL O Vl ID m O O O LO UJ Ul pj ¦- O (Vl ^ CM — O *-> ÍM UO " «r ^. ^ »>v IO ^ Tj- ^ m ", EST - O ~ K ¦I Ct "~ CTl - o Cp MS 1-. Ol ID r* O r> O w " ¦" ¦" ^- LfI "~ CJ CJ rvi _l 4- OJ ^t ¦ O - P •= n rj cm « CTl o> - CM O CJ - CM *~ — ¦" U- » ,^ U- - O W »1 ui W O O (O Ol ^ O r*. P, r. _. c P^. uj ci ,^. Ol CtJ ri en «t «j in Oi 1-1 ^ _ " _ _ N ¦ O — IM Ul *j ? t_ r K L/1 — CO <~1 ¦o «¦*¦ Cf 00 O rg O (M «J CM ui ¦n- 4 O UJ CO r- 5 ICH S - O — »J f> I */» in £ LJ £ ? ? Í Í 5 1^ J 11J ¡7,í r ~ ¦a LL. Lv- «I CC IxI UJ CHE ALIE ÍL •I O í1 o: «t ** *t E ,9 "*" ¦—¦ Ll t_J =."S Cl Ij O (O 8¾ -3 5 u a CO S3 U) O Ul & Ul ¦ H ItU U-I DIjS .-I -f-l >© ZJ -H Q)-U M C 3 H m QJ Ol 'H O ä U) TJ -H U-I 3JJ-H SS« >.Q> W r-| > a) Ej Vj Ol Su'0 ¦8 S.8 U Vj 3 C g S en Ug Q) O Ul Ij - D U) O) Q) -P C Ü C tD Q) 1JJ è1 O U) O OO u) -mí u¡ Uj Q) Q) O) 4-) TD 1O Q) Q) Q) TJ "H »Ol Q) M . 3 4-> ¦ l-i o Q) 3 »H Q) (O Ö.4-I Ul-D. Q) 8 CO 'C-H OMO V-I 'HUO C-H 4.) -h . o d î(0 Ul (D m u « JS-H O) 4J Q) -U Ql -H U) 3QJ Q TJ Ö) - 117 - culturelle est la plus forte. L'importance de ce facteur est d'ailleurs vérifiée lorsqu'on considère les exportations en direction d'un autre pays de langue allemande, la République Démocratique Allemande {R.D.A.): la Suisse alémanique représente 84.1% des exportations (en valeur) vers ce pays alors que sa part dans l'ensemble des exportations suisses n'atteint que 71.0%. Malgré cela, l'effet frontalier n'en joue pas moins un rôle très significatif dans cinq des six . ,- - 1 ) cas consideres Nous pouvons donc conclure que, loin de s'exclure mutuelle- ment, les deux types d'effets de proximité mis en évidence par la théorie sont vérifiés par 1'analyse^.....empirique du commerce des régions suisses. Même s'il est parfois difficile de distinguer entre proximité linguistique et géo- historique (cas de 1'Italie, notamment) et malgré la taille réduite de 1'espace helvétique, nous constatons que les régions suisses dirigent une part de leurs exportations supérieure à la moyenne vers les pays voisins lorsque ceux- ci pratiquent la même langue et, que cette part est encore plus forte lorsque la région est immédiatement limitrophe du pays de destination. 6.2.4 Analyse par produits et facteurs structurels L'intérêt d'une analyse par produits est double. Il s'agit tout d'abord de vérifier si l'effet de proximité agit au niveau désagrégé des produits et d'expliquer d'éventuelles différences. Ensuite, la prise en compte de la structure de production des régions suisses et d'importation des pays voisins doit permettre d'évaluer le poids de ces facteurs structurels et d'apprécier en conséquence l'impact du com- merce extérieur sur les localisations. 1) Le cas de l'Italie est particulier dans la mesure où la corrélation entre régions frontière et linguistique est très forte (R = 0.731. Dans ce cas les deux variables représentent quasi le même phénomène et une d'entre-elles est donc exclue automatiquement de la régres- sion. - 118 - 6.2.4.1 Proximité culturelle, résultats par produits L'impact de la proximité peut varier en fonction de deux facteurs: les caractéristiques propres du produit et la nature des entreprises qui le produisent. C'est, au sens large, la sensibilité aux coûts de communication qui détermine ce premier facteur. HERRMANN et al. {1982} distinguent trois catégories de produits particulièrement sensibles aux effets de proximité: - certains biens d'investissement (une partie des machines ainsi que la mécanique de précision, par exemple) qui, en raison de leur caractère spécialisé, exigent un contact étroit avec la clientèle; - les biens de consommation fortement sensibles aux compor- tements culturels des consommateurs (produits alimentai- res); - les biens de consommation comportant une part élevée de "software" (appareils ménagers, électronique grand public, etc.). A l'opposé, les ventes de matières premières, de produits intermédiaires et de produits de consommation standardisés impliquent des coûts de communication plus faibles et sont donc moins sensibles aux effets de proximité. Le second facteur repose sur une distinction entre firmes de grande taille et/ou à caractère multinational et autres en- treprises. En effet, quelques soient les caractéristiques du produit, les grandes entreprises disposent de filiales ou de représentants dans les pays étrangers, ce qui abaisse consi- dérablement les coûts de communication liés à 1'approche de ces marchés. Pour cette analyse, nous nous sommes limités aux effets de la proximité culturelle. Nous avons effectué une régres- - 119 - sion pour chacun des vingt produits de la nomenclature et pour chacune des trois zones linguistiques (en valeur). Les résultats présentés au tableau 6.6 permettent d'apprécier 2 1 explication apportée (R I par le facteur de proximité culturelle et son degré de signification (probabilité) . La combinaison de ces deux indicateurs montre que l'effet de proximité est moins puissant au niveau des produits considé- rés séparément mais, qu'il reste cependant significatif dans la majorité des cas. Bien que cette nomenclature soit trop peu désagrégée pour vérifier pleinement les hypothèses expo- sées plus haut, il apparaît toutefois que les résultats obte- nus correspondent grosso modo à ce qu'on pouvait attendre. L'impact et la signification (R et probabilité) de la proximité linguistique sont en moyenne très faibles pour trois catégories de produits: l'habillement, les produits pharmaceutiques-colorants et la bijouterie. Bien que signifi- cative, l'explication apportée par ce facteur est faible pour cinq autres catégories: les textiles, le fer et acier, les métaux non-ferreux, les machines et appareils électri- ques et 1'horlogerie. Ces comportements peuvent être expliqués par les facteurs propres aux entreprises productrices. Pour ce faire, nous avons calculé pour chaque branche économique la part dans 1'emploi que représentent les grandes entreprises (de plus de I1OOO personnes). Cet indicateur rend compte non seule- ment de 1'effet taille mais aussi du caractère multinatio- 1) La proximité linguistique est représentée dans la régression par une variable "dummy" dichotomique. Voir 6.2.3. 2) Ce facteur peut expliquer une partie relativement faible des variations de la structure géographique des exportations régionales tout en restant significatif. 3) Il faut tenir compte du fait que, globalement, l'impact de ce facteur diffère entre les trois zones linguistiques considérées. Il faut donc essayer de calculer une moyenne entre ces trois zones. - 120 - nal, dans la mesure où dans la plupart des cas ces grandes entreprises sont également implantées à l'étranger. Le tableau 6.7 indique que deux branches, la chimie et la fonderie des métaux, sont nettement dominées par les grandes entreprises. On trouve donc là une explication au fait que les produits correspondants sont peu sensibles aux effets de proximité. Le cas de l'industrie des machines et appa- reils doit être analysé dans le détail. Les grandes entrepri- ses occupent une place très importante dans les groupes de la construction de machines, véhicules et appareils (groupes 351/352 et 356) ainsi que dans l'électronique (353), ce qui explique notamment la faible sensibilité du produit "machi- nes électriques". A l'opposé, le poids des grandes entrepri- ses est nettement plus faible dans le groupe de la mécanique de précision, catégorie (produit "autre") dans laquelle la proximité culturelle se fait sentir de manière très marquée. Si la sensibilité aux effets de proximité est fonction de la nature des produits, les exportations régionales n'en sont pas moins soumises à des influences, parfois contradictoi- res, qui tiennent aux particularités de l'économie helvéti- que. En effet, la Suisse ne produit pas de matières premiè- res et son insertion dans la division internationale du travail favorise des productions très spécialisées et à haute valeur ajoutée que le marché national ne peut absorber que dans une faible partie (voir tableau 6.7, colonne 6). Le contenu de ces exportations implique donc une forte sensibi- lité aux effets de proximité mais, cette tendance est annu- lée par le caractère-même de ces produits: leur haut degré de spécialisation fait que les marchés des pays voisins sont nettement insuffisants (voir tableau 6-6, colonne 2). Les exportateurs suisses doivent donc souvent, à l'exemple de l'horlogerie, s'adresser à l'ensemble du marché mondial. 1) La nomenclature en vingt catégories de produits est trop agrégée pour qu'on puisse établir une correspondance précise avec celle des activi- tés économiques. - 121 - Tableau 6.6 : Effet de proximité culturelle par catégorie de produits (analyse de régression avec variable "dummy" sur les données en valeur) 1 ) O O O CO O IMfJO Pl I-* O o a m r- O O (U O O O O O en 3 O O IO O O IM — O O O ¦— O O O O «i* I O O O -- O O o ru o O O O O O O O O O O O O O O d d O O O o a O O O O O O O O O O O d Q. — Is ~ . ^ u. O CO m i- P- O uj •» en IO im n r- Ph \í> UJ t. C-IU 3Wf ri — IM TU o o o O o o m o o O O ¦- UJ « TJ <. OJ ce O O O O ° ° à â i¿ ° DOD O D O O O O O O 5o¡ *• CTl Tf TT CO Tf ti- en co O r-l CO DCOID P, a> •J « r> -O CO n eo Tf O EO UJ m mor. Vl O U-I fM IO Tf d Vl t OJ TJ C Tf CJ TT C) m TT IO IO IO O (M Ul TT U) U3 «£¦ f» P- IO m G .r- 0> 4J U Ul IO ? T3 TJ C OJ Ul •s E TJ S •D T- L. a. io I Ol 3 Ul Ol C IJ U ui a. T- 3 Ul OJ E - 3 « Oi u> U Ul «j C « OJ •- aj nu «-i L O "A C TJ al ¦OJ £ *-> 3 S X a! C 2¾ Ol Ol o- 2 e C *J OJ iOi U E L- ¦a e C u O Ï 3 un E = 3 o- » U W CL T- O" Ul L. ai o *• C Ol - CL en Vl -— vi c 4J 1. ï = ai Ol Ol Ul Ol 4-1 Ol Oi ui OJ Vl O 3 OJ *J ¦o ai > .- CT v Ul L. C ui ai -o ai in = t. t- ai a. «1 « OJ l_ *J TJ O OT *J Ol = Ol L4 ¦0 Ol È «01 CL u ai Q ¦ai A fl CT E O 1 "S. Vl S Ol t- Ol t- l- i- »- C 4-. ?. »- £ +J > L. O O 4-1 U ai C 3 a u ai 3 ~- C Ol C Ol ai Oi ai "9 Ol c Ï « ef O Ul TJ OUO TJ T- T- ¦S t- 13 ¦ai W O OJ O *J T- ai Oi K 4J Ol ai ai ui o» ai L. S «* w Ol = Ul 3 OJ -U X O) ai r- CTU 1" a. ¡s w *j 4ITr- •J 4-1 •01 ¦* Ol «J ai ~- T- t- o 3 ai *- r— +J T- *- K m i- C C .C OJ r- O U Vl ~ 3 T-KJ ai X = V (-> TJ U 11 O T- 3 TJ id Ol «1 3 ¦n o t- 3 ï. id O « I- 3: S- ~ O SI« UktO u i; ï: CLj: a) < 4- 4-J 1- ai IO OJ k KU ¦01 O, 3 o a. O. Q- a. E ^ ¦ ¦ I E I > «t ¦ > I < 1— 1) Dans ce cas ce n'est pas la valeur du F qui figure dans ce tab mais le seuil de probabilité calculé pour l'acceptation/rejet l'hypothèse. Voir note au bas du tableau 6.5 tableau de - 122 - Tableau 6.7: Part des grandes entreprises dans l'emploi et part des exportations dans la production des branches de l'industrie en 1975 Activités par classes et groupes économiques Emc Total lois dans les entreprises de rOOO pers. et plus Producile Emplois finals et variations n et expo tions if Exportât rta-io frs] ions effectifs 5 de stock MÌO frs. X 2/3 Industrie,Arts et métiers 947'185 204'687 21.6 • » • 21 Produits alimentaires 91*389 9'777 10.7 1T264 872 7.7 22 Boissons 10'5B2 - - 2-065 21 1.0 23 Tabac 5'568 1*340 24.1 1-605 246 IS.3 24 Textiles 43'806 5' 357 12.2" ¦ 4-686 T471 31.4 25 Habillement,chaussure,lingerie 47-396 6-799 14.3 26 Industrie du bois,du meuble 62'823 - - 2'589" 139 5.4 27 Industrie du papier 16*606 1-139 6.9 ' 1-935 560 28.9 28 Arts graphiques 52'71O 2-7B9 5.3 29 Usinage des matières plastiques. caoutchouc,cuir 20'137 1-191 5.9 1-743 621 35.6 31 Industrie chimique 68'500 39-857 58.2 8-305 6-981 84.1 32 Industrie du pétrole 734 - - 3-417 446 13.1 33 Industrie de la pierre et terre 25'963 - - * * • 31 Métallurgie,artisans sur métaux, installations dans le bStiwnt 173-921 22-642 13.0 * * * ¦ 341 Métaux,produits de fonderie 33'491 16-989 50.7 - 342 Articles en met. façonnage et transformation des métaux 47-094 4'2BO 9.1 • 4-032 2-312 57.3 - 3*3 Constructions métalliques, artisans sur raêtaux 32'454 • - - 344 Installation dans le bâti. 60'882 1-373 2.3 * * * 35 Machines,appareils,véhicules 253'237 106-399 42.0 21-062 10-987 62.2 - 351/352 Construction générale de machines et appareils 116'175 43-453 36.8 * * * - 353 Electronique,électrotechn. 76-320 31-165 41.4 * • * - 354 Mécanique de précision, optique 18'434 2'546 13.8 # * * - 355 Construction de véhicules 13'0Bl 3-182 24.3 • * * - 356 Construction de mach, vêhicu. 28'227 26*053 92.3 * * * 36 Horlogerie,bijouterie 6T738 7-397 12.0 * * * - 361 Horlogerie 55-751 7*397 13.3 2'85B 2'749 96.2 - 362 Bijouterie,gravure,frappe 5-515 - Y 2-617 T 548 59.2 37 Autres industries et métiers ¡ 12-075 - Sources : OFS (RFE 1975); ANTILLE 1983 (tab. 3.121; Calculs personnels 1) Les chiffres concernant la production et les exportations, sont tirés de ANTILLE 1983. Pour la correspondance avec la nomenclature du recensement des entreprises, voir cet auteur. - 123 - Les conclusions d'une telle analyse ne peuvent être par con- séquent que très nuancées. Nous remarquerons tout d'abord que la proximité culturelle est peu sensible dans la chimie, branche dont le caractère multinational est très marqué dans le cas de la Suisse. Si ce résultat vérifie une de nos hypo- thèses, la prise en compte de la nature des produits - il s'agit de l'autre hypothèse - pose davantage de problèmes. En effet, la production de l'industrie suisse se signale par un caractère fortement spécialisé, ce qui devrait justifier une grande sensibilité des exportations aux effets de proxi- mité culturelle. Toutefois, cette hypothèse est remise en question par cette même caractéristique: la production suis- se est trop spécialisée, ce qui contraint les entreprises, quelque soit leur taille ou leur produit, à s'adresser à l'ensemble du marché mondial. Finalement, l'effet de proximité culturelle est surtout significatif à un niveau agrégé. Il est la résultante d'ef- fets par produits qui peuvent varier considérablement en fonction de facteurs très spécifiques. 6.2.4.2 Influence des structures d'exportation et d'impor- tation par produits Cette section repose sur une évidence: si les activités éco- nomiques sont réparties inégalement dans l'espace et entre les régions, il en va de même lorsqu'on ne tient compte que des productions qui sont exportées. Dans le même ordre d'idée, les partenaires commerciaux de la Suisse importent des produits helvétiques dont la structure diffère considé- rablement d'un pays à 1'autre. Mous pouvons donc faire l'hypothèse que c'est la combinaison de ces deux éléments structure des exportations des régions suisses et structure des importations des pays voisins - qui est à 1'origine, en partie du moins, des effets de proximité mis en évidence aux points précédents. - 124 - Il est donc important d'essayer d'isoler et d'évaluer l'in- fluence de ces facteurs structurels. Une telle démarche, fréquente en analyse régionale, devrait permettre de répon- dre à une interrogation fondamentale: la localisation des activités exportatrices est-elle également modelée par la proximité ? En effet, si les structures de production expliquent une grande partie de ces effets de proximité, c'est qu'elles en subissent, ou plutôt qu'elles en ont subi, elles-mêmes 1'influence. Pour isoler ces facteurs structurels, nous avons adopté une méthode inspirée de l'analyse shift-share. Il s'agit de cal- culer une répartition théorique des exportations de chaque région en tenant compte de sa production totale par produits et en faisant l'hypothèse que la destination (en %} de cha- cun de ceux-ci correspond aux proportions observées au niveau de l'ensemble de la Suisse . De cette manière, il est possible de tenir compte de la structure par produits à la fois des exportations de chaque région et des importa- tions des partenaires commerciaux de la Suisse (quatre pays limitrophes et reste du monde). Une telle formule ne fait varier que la structure par destination des exportations régionales. Elle laisse inchangées leur structure par pro- duits ainsi que la structure globale (produits et pays) des exportations nationales. 1) La structure géographique théorique des exportations de chaque région (i) en fonction des pays de destination (j) correspond à la somme des exportations calculées pour chacune des vingt catégories de produits (p) au moyen de la formule suivante: X X. -3P î.p ------------ X ..p montant total des exportations du produit p de la région i. part du pays j dans les exportations suisses du produit p. p=l où Xi-P : X OP - 125 r La confrontation des valeurs observées et théoriques pour les 56 régions indique que la corrélation entre ces deux séries est moyenne à faible. Elle est même en dessous du seuil de signification dans le cas des exportations dirigées vers la France. Tableau 6.8: Coefficient de corrélation entre la répatition observée et théorique des exportations des ré- gions suisses vers les pays voisins et le res- te du monde (valeur et quantité) Coefficient de corrélation (R) Valeur Quantité Autriche 0.65 0.49 R.F.A. 0.71 0.52 France ' * Italie 0.28 0.57 Reste du monde 0.66 0.58 Source : calculs personnels * : non significatif Le tableau 6.8 reste difficile à interpréter. En effet, une liaison subsiste entre ces deux séries mais il est difficile d'en apprécier l'importance. C'est la raison pour laquelle 2 ) nous avons recouru a nouveau a 1 analyse de la variance en l'appliquant cette fois aux valeurs théoriques calculées pour les 56 régions. Le tableau 6.9 fournit des résultats plus précis. Il montre que ces effets de proximité ne sont significatifs que dans cinq des seize cas considérés (deux types d'effets, quatre pays, en valeur et en quantité). Ce score est relativement 1) Voir les résultats détaillés présentés à l'annexe statistique. 2) Voir 6.2.3. - 126 - faible lorsqu'on le compare aux résultats obtenus à partir des valeurs réelles (voir tableau 6.5): à part la corréla- tion trop forte entre les deux effets pour l'Italie, seul l'effet frontière dans le cas de la R.F.A. (en quantité) était inférieur au seuil de signification. Tableau 6.9: Degré de signification de l'effet de proximi- mité calculé à partir de la répartition théo- rique des exportations des régions suisses (F calculé en valeur et en quantité) Valeur du F Proximité ¦ linguistique Proximité frontière Valeur Quant. Valeur Quant. Autriche R.F.A France Italie 7.80 9.84 (3.57) (0.091 10.58) (0.55) 5.28 (0.22) 13.52 (0.02) (2.4!) (0.28) (3.80) (2.03) 7.82 (1.31) Source : calculs personnels Nous pouvons donc en déduire que les effets de proximité mis en évidence aux points précédents ne dépendent que rela- tivement peu de la structure de production des régions suis- ses. Cela signifie que la localisation des activités expor- tatrices à l'intérieur de l'espace helvétique reste déter- minée par des facteurs qui ne sont pas liés à la proximité. 1) Ce tableau donne le F calculé, c'est-à-dire le rapport entre la variance expliquée et la variance inexpliquée. Les parenthèses indiquent que le résultat est inférieur à celui calculé sur la base de la distribution théorique du F (4.00 pour 1 et 60 degrés de liberté au seuil de 0.05). Dans les autres cas, on peut rejeter l'hypothèse d'égalité des moyennes au seuil de 0.05. - 127 - Cette proximité se fait surtout sentir en ce qui concerne la destination des exportations mais n'a semble-t-il pas amené une modification correspondante de la répartition spatiale des activités. 6.3 Structure géographique des exportations régionales de la R.F.A. et de la France L'analyse de la structure géographique du commerce des régions allemandes et françaises est intéressante à plu- sieurs égards. Elle permet non seulement de se situer de 1'"autre côté" de la frontière et de vérifier si les régions limitrophes entretiennent des liens privilégiés avec la Suisse mais elle peut, aussi, aboutir à une meilleure compréhension des effets de proximité. Contrairement à la Suisse, ces deux pays se caractérisent par l'existence d'une seule langue nationale, langue qui dans la plupart des cas est différente de celles pratiquées dans les pays limitro- phes. Dans ce sens, les éventuels effets de proximité sont avant tout de nature géo-historique et non culturelle. 6.3.1 Les exportations des régions allemandes La formule utilisée par Karin PESCHEL (1981) pour analyser la structure géographique des exportations des onze Länder de la R.F.A. est la même que celle que nous avons exposée au point 6.2.2. Ces résultats, qui concernent l'année 1968, sont relativement anciens mais PESCHEL indique toutefois que la valeur des indices d'orientation se caractérise par une très grande stabilité au cours de la période qui va de 1960 à 1976. Le tableau 6.10 vérifie pleinement 1'hypothèse de 1'existen- ce d'un effet de proximité. A quelques exceptions près, les régions frontières allemandes entretiennent avec les pays immédiatement limitrophes des échanges dont le niveau est - 128 - très largement supérieur à la moyenne. Cet effet est égale- ment significatif dans le cas des relations avec la Suisse: le Bade-Wurtemberg, seul Land immédiatement limitrophe, est celui qui enregistre le plus fort indice d'orientation face à notre pays. Tableau 6.10: Indice d'orientation des exportations des Länder allemands en direction des pays limi- trophes de la R.F.A. en 1 9681J Danemark Pays-Bas Belgique et Luxembourg France -Suisse Autriche Tchécoslovaquie Schleswig-Holstein Hamburg Bremen Medersachsen Berlin Nordrhein-Westfalen Hessen Saarland fihetnland-Pfalz Baden-Württemberg Bayern 3.40 1.51 1.59 1.05 1.10 0.95 1.01 0.40 1.06 0.83 0.80 0.97 0.85 0.81 0.83 0.90 1.40 O.BO 0.32 0.83 0.79 0.86 0.5Ò 0.60 0.73 0.87 0.59 1:5? 0.98 0.56 0.8? 0.77 0.81 0.56 0.84 0.45 0.50 0.63 0.91 0.83 5.52 1.22 1.13 0.96 0.55 0.75 0.75 0.58 0.88 0.79 1.20 0.64 0.99 1.6] 1.19 0.54 0.91 1.16 0.6B 0.97 0.83 1.07 0.25 0.98 1.15 1.72 0.66 2.01 1.09 0.60 2.87 1.09 1.42 0.24 0.96 0.52 i-15 Source : PESCHEL 1981 (tableau 2, p. 164) 1) Pour la formule de ,l'indice d'orientation, voir 6.2.2. L'indice d'orientation vers la R.D.A. n'est pas fourni par PESCHEL. Les chiffres soulignés indiquent que le pays j est immédiatement limitrophe du Land i. - 129 - Si les autres relations bilatérales nous intéressent moins, nous noterons cependant que le Land de Sarre constitue un cas particulier. En effet, cette région exporte cinq fois plus que la moyenne vers la France, ce qui est 1'indice le plus élevé de tout le tableau 6.10. Ceci peut s'expliquer avant tout par des causes de nature historique. A la suite de la seconde guerre mondiale, ce Land a été rattaché éco- nomiquement à la France jusqu'en 1947, date à laquelle il a rejoint la R.F.A,. Cette réintégration s'est traduite par une baisse des exportations en direction de l'étranger, ce qui fait que cette région est la seule à avoir enregistré un effet négatif en rapport avec le processus d'intégration de la CEE (PESCHEL et al. 1979). Malgré cela, les liens de cette région avec l'économie française restent très forts, ce qui montre 1'inertie de tels phénomènes. 6.3.2 Les exportations des régions françaises Nous avons recouru à la même démarche en analysant les exportations des 22 régions de programme françaises. Les données fournies par la Direction générale des Douanes et des Droits indirects nous ont permis de calculer l'indice d'orientation (en valeur) de chaque région en direction des pays voisins de la France pour l'année 1981. Là encore, les résultats, présentés par le tableau 6.11, confirment pleinement 1'existence d'un effet de proximité géo-historique. Les données à disposition rendent possible un examen plus détaillé des échanges avec la Suisse. Comme le montre la carte 6.5, ce sont les régions situées à 1'Est de la France qui sont les fournisseurs privilégiés du marché helvétique. Si 1'Alsace enregistre le score le plus élevé (voir tableau 6.11), les deux autres régions immédiatement 1> Cette situation est comparable à celle enregistrée après la première guerre mondiale: la Sarre a été détachée de l'Allemagne jusqu'en 1935. - 130 - Tableau 6.11: Indice d'orientation des exportations des régions françaises en direction des pays limi- trophes en 1981 (en valeur) Italie Suisse R.F.A. Belgique et Luxembourg Espagne Nord-Pas-de-Calais 0.70 0.45 0.89 ?:?§ 0.64 Picardie 0.69 0.59 0.99 1.3? 0.79 Ile-de-France 0.79 1.16 0.74 0.79 0.95 Centre 1.32 0.79 1.32 1.28 0.B0 Haute-Normandie 0.76 0.25 0.66 0.97 1.47 Bisse-Normandi e 1.07 0.33 0.66 - 0.85 0.54 Bretagne 1.49 0.45 0.70 0.85 1.85 Pays de la Loire 1.18 0.61 0.91 1.10 0.81 Poitou-Charentes 1.08 0.37 0.99 0.56 0.70 Limousin 2.78 0.68 0.76 1.17 1.07 Aquitaine 0.80 0.76 0.87 0.88 3.26 Midi-Pyrénées 1.61 0.27 0.65 0.53 2.77 C h amp agne - A rd enn e S 1.07 1.07 1.11 1.75 0.37 Lorraine 0.76 1.10 IAi 1:59 0.42 Alsace 0.52 %Jñ ?!§§ 0.60 0.44 Franche-Comté 0.65 1.10 0.58 0.54 1.44 Bourgogne "t.71 1.38 1.06 1.05 0.71 Auvergne 1.32 0.57 0.92 0.58 1.08 Rhône-Alpes U?î 1.28 0.96 0.88 0.12 Languedoc-Roussi 1lûn 1.73 0.62 1.02 0.63 ?;45 Provence-Côte d'Aigr 1-76 1.93 0.47 0.3S 1.30 Corse 3.41 0.16 0.90 0.41 0.04 Source : Direction générale des Douanes et des Droits Indirects; Calculs personnels 1) Pour la formule de l'indice d'orientation, voir 6.2.2. Les chiffres soulignés indiquent que le pays j est inmédiatement limitrophe de la région i (voir carte 6.5). - 131 - Carte 6.5 : Indice d'orientation des exportations des régions françaises vers la Suisse en 1981 ^\ Source : Direction générale des Douartes el des Droits indirects; Calculs el carle Ph.Jeanneret Indice d'orientation des exportations régionales vers la Suisse: i »1.2 l.2>i>1.0 0.8>i>O6 0.6>i>a4 0.4>i 1) Pour la formule de l'indice d'orientation, voir 6.2.2 - 132 - limitrophes de la Suisse, Rhône-Alpes (quatrième rang) et la Franche-Comté (sixième rang) présentent par contre des indices un peu plus faibles. Ces particularités peuvent en partie être attribuées à la structure des exportations de chaque région. Notamment, la Franche-Comté est davantage orientée vers le "reste du monde" et moins vers les pays européens à cause du contenu de ses exportations; ce qui explique que l'indice d'orientation vers la Suisse est inférieur à celui de régions plus éloignées.Al'opposé, le commerce des produits pétroliers peut influer considérable- ment sur cet indice. Les exportations françaises dans ce domaine ne transitent en effet que par quelques régions, Provence Côte-d'Azur et 1'Alsace notamment, ce qui peut être à 1'origine d'un indice élevé pour ces régions. Ces diffé- rents éléments seront d'ailleurs repris dans le détail aux points 6.4.2.2 et 6.4.2.3. En conclusion de cette section, nous retiendrons que l'ana- lyse des exportations des régions allemandes et françaises confirme les résultats obtenus dans le cas de la Suisse. Elle montre que, même en l'absence de proximité culturelle, les relations des régions frontières avec les pays limitro- phes atteignent un niveau largement supérieur à la moyenne, ce qui apporte une preuve supplémentaire de l'existence d'un effet de proximité de nature géo-historique. 6.4 Le commerce des régions frontières entre Genève et Baie Bien que nous disposions de données sur le commerce des régions situées de part et d'autre de la frontière franco- suisse, il reste difficile d'apprécier l'importance et la structure de leurs échanges réciproques. Qu'il s'agisse de la France ou de la Suisse, les statistiques douanières mentionnent le pays - et non la région - de destination ou de provenance. De surcroît, la région de destination - le lieu d'importation si on considère 1'autre pays - ne correspond pas dans tous les cas au lieu de consommation. On - 133 - notera également que les nomenclatures et les critères utilisés par l'administration des douanes diffèrent d'un pays à l'autre, ce qui est à l'origine de divergences parfois importantes, même en ce qui concerne le volume (poids) global de ces échanges Malgré cela, l'analyse de la structure de ces échanges et la comparaison des données disponibles des deux côtés de la frontière devraient fournir une première approximation du commerce transfrontalier. Pour ce faire, nous découperons la région d'étude en trois zones: Genève, la partie romande de la chaîne du Jura et la Suisse du Nord-Ouest (voir carte 6.6). Si dans chaque cas nous confronterons les données helvétiques aux échanges des régions françaises voisines, nous pourrons également nous appuyer sur deux sources particulières pour affiner et compléter cette analyse. Il s'agit d'une part d'une statistique douanière portant sur les échanges de Genève avec les départements français voisins et, d'autre part, d'une étude détaillée des sources du Produit intérieur de Baie et de la Suisse du Nord-Ouest. Ce second volet ne touche pas aux effets de proximité mais devrait nous fournir des informations extrêmement utiles quant à l'importance relative du marché régional ou national par rapport aux débouchés étrangers. 6.4.1 Les échanges commerciaux dans la région genevoise 6.4.1.1 Pays de destination et structure par produits des exportations du canton de Genève Si les exportations du canton de Genève sont, par rapport à la moyenne nationale, davantage tournées vers le "reste du monde" (voir carte 6.2 >, le marché français n'en constitue 1) Notamment, les [Douanes françaises indiquent que le poids des exporta- tions de produits suisses vers la France représentent 1.36 million de tonnes en 1981 alors que les statistiques des Douanes suisses indi- quent un poids nettement inférieur de 0.48 million de tonnes! (Sour- ce: Chambre de commerce suisse en France). - 134 - pas moins un débouché très important pour ce canton (14.1% contre 9.0% pour l'ensemble de la Suisse, voir tableaux 6.12 et 6.13). Comme 1'indique le tableau 6.12, cette double particularité trouve en partie sa source dans la structure des produits exportés à partir de Genève. L'horlogerie de haut de gamme et, surtout, la bijouterie et le commerce des pierres gemmes représentent en effet une proportion très élevée (63.6% en valeur) des exportations à destination du "reste du monde". Pour ces deux catégories de produits, Genève représente près d'un tiers (32.5%) des exportations suisses tandis que cette part n'atteint que 8.3% lorsqu1on considère 1'ensemble des marchandises exportées. Toujours par rapport à la structure nationale, deux autres catégories ont, à côté de ces produits de luxe, un poids particulier dans les exportations genevoises vers la France. Il s'agit des "autres produits chimiques" ainsi que du "papier et ouvrages en papier", productions qui avec la ( 2) bijouterie constituent parmi les points forts de l'industrie genevoise. Si on examine la part de la France pour chacun des produits exportés par Genève, cette vision se modifie. La part de la France est particulièrement forte en ce qui concerne les matériaux de construction, les produits chimiques de base, les ouvrages en métaux et les machines. Il faut remarquer que ces marchandises se caractérisent par un poids (en kilos) relativement important. L'effet culturel n'est vraiment très marqué que dans le cas des "ouvrages en papier" - catégorie qui 1) L'intitulé complet des groupes de produits est présenté au tableau 6.6. Pour le contenu détaillé de ces groupes, voir la "classification selon la nature des* marchandises" présentée en annexe de la première partie des "Commentaires annuels" de la Statistique du commerce extérieur de la Suisse publiés par la Direction générale des Douanes. 2) En ce qui concerne le commerce des pierres précieuses, il faut remar- quer que cette activité est relativement récente à Genève et que ce développement ne se traduit vraisemblablement que de manière très limitée au niveau de l'emploi (SCSGE 1983). - 135 - Tableau 6.12: Exportations du canton de Genève par produits et pays de destination en 1981 (valeur en millions de frs.) AGRICULTURE ENERGIE TEXTILES KKBILLEnENT PAPIER PLASTIQUE CHIHIE.HAT.IERES COLORANTS.PHARHA AUTRE.CHIKIE CONSTRUCTION FER.ET.ACIER NET.NON.FERREUX OUVR.EN.METAUX NACH.NON.ELEC. MACH.APP.ELEC. VEHICULES HORLOGERIE BIJOUTERIE AUTRE.PRECISION DIVERS TOTAL TOTAL EN * AUTR ICHE 0.02 0.09 0.05 1 .86 11 .07 10.99 0.17 .77 .72 ,38 .SS 48.22 1.10 RFA FRANCE ITALIE 0.65 0.03 1.52 7.63 10.75 1.59 8.95 14.98 49.13 0.17 0.6S 2.35 11.66 38.77 37.16 4.00 54.62 31.44 7.28 13.79 297.12 82.47 2.54 21.37 8.34 44.69 24.57 64.32 40.57 1.86 37.06 225.94 15.34 38.24 621.83 0.95 1.24 0.72 .83 .63 .11 .53 .39 6.75 14.13 1 9. 1 7. 11 19.53 0.27 1.35 1.73 7.93 23.68 16.72 2.67 87.68 76.27 7.02 10.56 289.79 6.59 RESTE DU HONDE 26.13 0.12 10.18 11.93 30.94 14.67 50.10 79.49 278.27 0.98 7.28 4.87 40.72 201.18 lit.45 24.22 686.77 1310.89 54.62 197.49 3142.30 TOTAL TOTAL EN * 30.49 2.10 15.31 28.61 134.22 20.64 88.43 115.12 394.92 2.80 10.48 11.16 86.73 339.02 216.89 32.92 871.90 1651.26 8S.64 260,62 4399.26 0.69 0.05 0.35 0.47 2.01 2.62 8.98 0.06 0.24 0.25 .97 .71 .93 .75 19.82 37.53 1 .95 5.92 100.00 71.43 100.00 Tableau 6.13: Exportations de la Suisse par produits et pays de destination en 1981 (valeur en millions de frs.)1' AGRICULTURE ENERGIE TEXTILES HABILLEKENT PAPIER PLASTIQUE CHIHIE.HAT.IERES PHARHAC I E.COLOR. AUTRE.CHIHIE CONSTRUCTION FER ET ACIER KETAUX NON FER. OUVRAGES HETAUX MACH.NON.ELEC. MACHINES ELEC. VEHICULES HORLOGERIE BIJOUTERIE INSTRUHENTS DIVERS TOTAL TOTAL EN « AUTRICHE 122.12 20.56 339.15 137.75 138.86 105.75 55.01 119.67 74.81 31.86 SS.31 41.33 181.02 32S.92 239.24 43.68 33.15 48.68 51.79 97.3S 2263.02 4.28 RFA 343.78' io. ei 603.91 409.26 371.82 313.54 425.47 701.34 325.55 98.96 330.04 186.00 863.20 1799.15 1255.86 188.06 293.38 346.21 409.66 411.45 9687.45 18.34 FRANCE ITALIE 174.25 4.77 212.68 85.48 215.92 108.36 391.12 SSl.49 165.86 31.77 63.57 . 93.70 259.08 829.30 452.46 47.67 269.99 479.84 171.13 142.85 4751 .32 9.00 452.52 9.45 242.68 44.00 75.76 99.24 215.58 460.01 108.20 36.32 66.04 65.31 141.47 599.32 341 .89 72.66 348.80 504.02 112.36 74.27 4069.91 7.71 RESTE DU MONDE 1027.2S 13.76 1339.70 3S3.96 373.68 447.23 1658.70 4045.88 1333.80 108.03 214.24 401.16 1295.58 6888.61 3464.23 568.95 2960.63 3696.69 970.29 866.95 32049.70 60.68 TOTAL 2119.92 59.35 2738.12 1030.45 1176.04 1074.12 2745.67 5878.39 2008.23 306.94 729.20 787.50 2740.35 10442.28 5773.67 921 .04 3906.15 5075.65 1715.23 1592.88 52821,39 100.00 TOTAL EN * .01 .11 .18 .95 .23 .03 20 .13 .80 SB 38 49 19 19.77 10.93 ,74 .40 ,61 .25 .02 100.00 1) Avec la région "inconnu". - 136 - comprend les produits des arts graphiques (livres, imprimés, etc.) - dont plus du 60% est dirigé vers la France. 6.4.1.2 Le commerce avec les zones franches du Pays de Ge x et de la Haute-Savoie Ville-Etat coupée de son arrière-pays, Genève a cependant pu bénéficier dès l'époque féodale de franchises locales lui permettant de s'approvisionner et de se désenclaver. Après la parenthèse de 1'occupation napoléonienne, le Congrès de Vienne apporta la reconnaissance internationale de ces zones franches. Leur surface fut ensuite agrandie en direction de la Savoie (1860) à l'occasion de la réunion de ce royaume à la France. Ce régime de la "Grande Zone" prit fin avec la première guerre mondiale. Désireuse de faire disparaître cette enclave dans son territoire douanier, la France victorieuse ira jusqu'à supprimer unilatéralement le régime des zones franches en 1923. Il fallut attendre un arrêt de la Cour de Justice de la Haye, puis une sentence arbitrale (1933) pour que les zones franches retrouvent leur existence. Leur périmètre fut d'ailleurs réduit par rapport à celui de la "Grande Zone" et correspond aujourd'hui à la situation en vigueur au début du siècle dernier. Le régime actuel de ces zones franches est relativement com- plexe. La France a reculé son cordon douanier en permettant ainsi aux habitants du Pays de Gex et d'une partie de la Haute-Savoie d'importer en franchise - mais en acquittant néanmoins les taxes fiscales - des marchandises en prove- nance de la Suisse et du reste du monde. Dans l'autre sens, les producteurs de ces zones peuvent exporter en franchise ou à des taux réduits leurs marchandises en direction de la Suisse. Ces exportations doivent cependant respecter une règle d'origine (50% au moins de la valeur ajoutée doit 1) Pour 1'historique et la description du régime actuel des zones franches, voir TARDY 1970; BUFFAT 1979; SANGUIN 1983. - 137 - provenir de la zone) pour les produits industriels et, pour les produits agricoles, sont soumises à un strict contingen- tement. Tableau 6.14: Commerce de la Suisse avec les zones franches du Pays de Gex et de la Haute-Savoie (valeur en ì'QQO frs.) 1960 1 1OOIl frs I % 1970 1'000 frs| % 1981 VO00 frsl % IMPOKTATIONS Total Produits agricoles 11'661.3 9' 131.4 100 78.3 24'466.6 19-875.6 100 81 .2 51'841.0 41*033.1 100 79.2 EXPORTATIONS Total Produits agricoles 2'798.5 1'248.0 100 44.6 6-044.9 2'657.8 100 44.0 5' 147.2 2*493.7 100 48.4 Sources : BUFFAT, 1979, p.36 (pour 1960 et 1970); Direction générale des Douanes; Calculs personne]s. L'analyse de l'évolution et de la structure du commerce de la Suisse avec les zones franches montre que, malgré un régime privilégié, ces échanges ont conservé une importance limitée et un intérêt avant tout local. Si les importations en provenance des zones franches ont presque quintuplé (en valeur ) en 1'espace d'une vingtaine d'années, elles ne représentent cependant en 1981 que le 1% des importations du canton de Genève. Cette disproportion est encore plus flagrante en ce qui concerne les exporta- tions: celles-ci n'atteignent que le 1 o/oo des exportations genevoises. Ce poids très faible est à mettre en relation - 138 - . avec le contenu de ces échanges. Les produits agricoles représentent en effet l'essentiel des importations en prove- nance des zones, le solde étant constitué avant tout de matériaux destinés à l'industrie genevoise de la construc- tion. Bien que moins élevée, la part des produits agricoles - il s'agit surtout de marchandises transformées comme le fro- mage et les boissons - reste cependant très forte lorsqu'on considère les exportations. Nous sommes donc en présence d'échanges en partie assymétri- ques qui sont modelés -par les relations ville-campagne. Les agriculteurs et les éleveurs zoniens approvisionnent, aux prix suisses, une agglomération dont la population a très fortement augmenté dans la période d'après-guerre. Soumis à cette concurrence, le secteur primaire genevois s'est tourné vers des productions plus intensives tout en restant partiel- lement protégé par le système des contingents. Dans le sens inverse, comme le relève Françoise BUFFAT (1979), les expor- tations vers les zones ont par contre stagné pour deux types de raisons. Tout d'abord, le développement industriel genevois ne s'est pas transmis aux régions françaises voisines. Ceci peut en partie être imputé à un effet de coupure de la frontière, effet qui a été amplifié par la suppression des zones franches après la premi ère guerre mondiale. Si aujourd'hui le développement de Genève repose sur les activités tertiaires et sur le secteur international l'industrie y a perdu de son dynamisme et est par consé- quent moins susceptible d'essaimer outre-frontière -, la réglementation des zones franches a joué et joue encore également un rôle peu entraînant. En effet, lorsqu'ils désirent exporter leurs marchandises en direction de la France et du reste de la CEE, les industriels zoniens sont dans 1'obligation de "nationaliser" leurs produits, c'est-à- dire d'acquitter les droits de douanes français sur les matières premières ainsi qu'e sur les moyens de 1) Ces exportations ont moins que doublé entre 1960 et 1981 alors que, pendant la même période, l'indice suisse des prix à la consommation a été multiplié par 2.5. - 139 - productions qu'ils ont utilisés. Dans ce sens, une localisation à l'intérieur de ces zones perd une grande partie de son attrait pour les activités tournées vers l'exportation. 6.4.1.3 Les exportations du canton de Genève vers les dépar- tements français voisins 2) Depuis quelques années , les douanes suisses établissent une statistique particulière concernant les échanges commer- ciaux du canton de Genève avec les départements voisins et avec le reste de la France. Ces relevés ne concernent que les postes douaniers situés sur sol genevois, à l'exclusion de 1'aéroport, et ne comptabilisent donc pas les marchandi- ses qui passent par d'autres postes ou qui empruntent la voie aérienne. pour cette raison, cette statistique ne saisit qu'un peu moins de la moitié (4 2% des exportations en valeur) des échanges entre Genève et la France. Ce degré de représentativité varie en fonction des produits et est particulièrement faible en ce qui concerne 1'horlogerie, la bijouterie et le commerce des pierres précieuses, marchandises dont une grande partie passe vraisemblablement par la voie aérienne. 1) Nous n'examinerons pas ici la statistique des échanges de Rhône-Alpes avec la Suisse parce que cette région a un poids éconcmique et démo- graphique (voir tableaux 6.15 et 7.1) trop important à l'échelle helvétique. 2) Il n'a malheureusement pas été posible de retrouver les données anté- rieures à 1981 de cette statistique intitulée "Statistique des échan- ges entre Genève et les régions françaises voisines; par mode de transport et genre de marchandises". Pour la définition exacte des bases de cette statistique, voir la note au bas du tableau 6.15. 3) La nomenclature adoptée pour cette statistique étant très différente de celle utilisée pour le commerce extérieur des régions suisses par pays de destination, il n'est pas possible d'effectuer une comparai- son précise au niveau des catégories de produits. - 140 - Carte 6.6 : Les régions du commerce transfrontalier franco-suisse I ion! ¡eres im er nationales regions tìépo r lernen! s > (Francel agrégats déréglons douanières (Suisse) \r\ -'\ ¦-, / ( BADEN- J WÜRTTEMBERG Haul Rhin / FRANCE ITALIE I"i_/ Carie Ph. Jeannorol - 141 - Tableau 6.15: Exportations du canton de Genève à destination des régions françaises voisines en 1981 et population de ces régions en 1982 Exportations Population ré- Indice DEPARTEMENTS genevoises 1981 sidante 1982 orien- ET REGIONS 1'00O frs % 1'000 hai % tation (A)/{B) 25 IXDUBS 355 0. 1 477 0.9 0. 11 39 JURA 7'465 2.9 243 0.5 5.30 RHONE-ALPES 67'537 25.8 5'016 9.2 2.80 01 AIN 4'380 1 .7 418 0.8 2.13 07 ARDECHE 1*023 0.4 268 0.5 0.80 26 DROME 1 ' 199 0.5 390 0.7 0.71 3B ISERE 4'919 1.9 937 1.7 1 . 12 42 LOIRE 515 0.2 740 1.4 0. 14 69 RHONE 25'512 9.7 1M45 2.6 3.73 73 SAVOIE 1*446 0.5 324 0.6 0.83 74 HAUTE-SAVOIE 28'544 10.9 494 0.9 12. 11 DEPARTEMENTS VOISINS DE GENEVE 75'357 28.8 5'736 10.6 2.72 RESTE DE LA FRANCE 186* 353 71.2 46'599 89.4 o.ao FRANCE TOTAL 26V 710 100 54'335 100 1 .00 Sources : Direction générale des Douanes; INSEE (RP 82),- Calculs personnels. Comme le montre le tableau 6.15, cette statistique indique clairement !'existence d'un effet de proximité géographique. Les départements voisins importent 28.8% (en valeur) des 1} Cette statistique concerne les exportations définitives en provenance du canton de Genève et à destination de la France qui sont enregis- trées par huit bureaux des douanes localisés dans le canton (La Prail- Ie, Port franc, Moillesulaz, Thônex-Vallard, Perly, Ferney-Voltaire, Meyrin, Gare des Eaux-Vives). Ne sont pas touchés: le trafic aérien et postal, le trafic qui passe par d'autres bureaux, le trafic des zones, de frontière et le trafic voyageur. - 142 - produits genevois destinés à la France, alors que leur poids dans la population française n'est que de 10.6% en 1982. De manière générale, ce rapport est d'autant plus élevé que le département est proche de la frontière franco-suisse (voir carte 6.6). A ce sujet, le cas de la Haute-Savoie est exem- plaire. Ce département immédiatement limitrophe de Genève importe treize fois plus de produits genevois par rapport à sa population. L'autre département limitrophe, 1'Ain, ne se classe par contre qu'au quatrième rang, après le Jura et le Rhône. Même si ce score s'améliore lorsqu'on tient compte du 2 ) commerce des zones franches , le cas de ce département montre que la proximité n'agit pas partout et dans tous les cas. Une telle exception tient en grande partie à la struc- ture d'activité de ce département. L'Ain est en effet nette- ment moins industrialisé que d'autres parties de la région Rhône-Alpes et offre donc des débouchés moins importants aux exportations genevoises. En saisissant moins de la moitié du commerce entre Genève et la France, cette statistique surestime sans aucun doute la part des départements voisins . Malgré cela, les résultats sont assez tranchés pour accréditer l'hypothèse d'un effet de proximité géo-historique qui s'ajoute à celui de la pro- ximité culturelle. 1) En quantité (poids) la part des départements voisins est de 54.5%. Au niveau de chaque département, l'effet de proximité est par contre moins régulier. Ceci provient du fait que, à un niveau aussi désagré- gé, la livraison d'un ou de quelques produits très pondéreux peut modifier considérablement la répartition d'ensemble. 2) En 1981 les marchandises genevoises exportées vers les zones franches représentent un montant de 2'430'603 fr. pour le Pays de Gex et 2'716'635 frs. pour la Haute-Savoie. 3) Notamment, la part de la population active agricole est de 13.9% dans l'Ain en 1975 (actifs au lieu de résidence), alors que cette propor- tion n'est que de 7.2% en Haute-Savoie, ce qui correspond grosso modo à la moyenne de la région Rhône-Alpes. 4) On peut supposer en effet eue les produits qui utilisent la voie aérienne ou qui empruntent un point de passage situé à l'extérieur du canton de Genève ne sont pas destinés aux régions françaises voisi- nes. On notera que la voie aérienne est très importante pour Genève en représentant 58.8% (en valeur) de l'ensemble des marchandises exportées par le canton. - 143 - 6.4.2 Les échanges commerciaux et le Produit intérieur de la région bâloise L'étendue de la région bâloise peut varier selon qu'on pren- ne en compte, par exemple, les délimitations successives de 1'agglomération ou le périmètre de la Regio Basiliensis. Dans le cas du commerce extérieur, nous avons choisi d'ad- joindre cinq régions (2.1 Laufental (BE), 10.1 Dorneck/ Thierstein (SO), 12.1 Agglomération de Bale (BL), 12.2 Autres régions de Baie-Campagne, 17.1 Rheinfelden/Laufenburg (AG)) au canton de Baie-Ville (région 11.0; voir carte 6.1). Cette délimitation présente en effet 1'avantage de correspon- dre presque parfaitement à celle utilisée dans le cadre de l'étude consacrée à l'économie de la Suisse du Nord-Ouest par la Regio Basiliensis (BUERGIN 1980; voir 6.4.2.3). En matière de commerce, ce problème de délimitation joue un rôle secondaire : BaIe-Vilie représente 83% des exportations (en valeur) de la Suisse du Nord-Ouest alors que la part du canton n'atteint que 40% en ce qui concerne la population. 6.4.2.1 Pays de destination et composition par produits des exportations de la Suisse du Nord-Ouest L'industrie chimique, dont 1'emploi et encore plus les cen- tres de décision sont concentrés dans la Ville de Bale , représente l'essentiel des exportations de la Suisse du Nord- Ouest, soit 78.9% en valeur. En raison de sa spécialisation, la région contribue à raison des deux tiers (69.4%) aux exportations suisses de produits chimiques alors qu'elle ne représente que 17.7% de 1'ensem- ble des exportations. Ce rapport est encore plus élevé pour 1) Le périmètre de la Suisse du Nord-Ouest est nettement plus étendu que celui de l'agglomération de Baie (définition 1980). 6 2) Le canton de Baie-Ville représente 96.1% des exportations de produits chimiques (en valeur) de la Suisse du Nord-Ouest. - 144 - les produits colorants et pharmaceutiques, domaine dans lequel la Suisse du Nord-Ouest représente 81.'!% des exporta- tions helvétiques. La structure géographique des exporta- tions de la région est bien entendu calquée sur celle des produits chimiques. De ce fait, la Suisse du Nord-Ouest est davantage orientée vers le "reste du monde" (66.0%) que la moyenne nationale (60.7%). La part des exportations vers les deux pays limitrophes est par contre plus difficile à interpréter. Si, avec 10.5%, les exportations de la région en direction de la France sont supérieures à la moyenne nationale (9.0%), la situation est Tableau 6.16: Exportations de la Suisse du Nord-Ouest sans la région 12.1 par produits et pays de desti- nation en 1981 (valeur en millions de frs.) RESTE DU AUTRICHE RFA FRANCE ITALIE HONDE TOTAL TOTAL I AGRICULTURE 4.27 30.02 15.99 16.67 40.97 107.91 1.26 ENERGIE 0.46 0.70 0.31 0.07 2.90 4.44 0.05 TEXTILES 2.40 28.94 S.S4 2.55 20. Bt 63.59 0.74 HABlLLEMEKT 3.02 IB.64 6,48 4.03 12.42 44.58 0.52 PAPIER S.79 17.61 7.16 2.63 12.97 46.17 0.54 PLASTIQUE 2.21 16.70 6.51 2.35 26.34 54.11 0.63 CHIMIE.MAT.1ERE5 23.67 1ÍS.32 244.97 110.92 999.23 1567.11 IB. 27 COLORANTS.PHARMA fil.93 479.45 473.94 358.49 3312.43 4706.24 54.86 AUTRt. CHlIt]E 11.96 103.71 45.20 41.07 684.04 885.98 10.33 C0KSTRUCTION 11.65 9.90 3.29 1.32 24.40 50.56 0.S9 FER.ET.ACIER 3.13 Sl.37 18.96 3.9S 47,17 124.57 1 .45 MET.NOH.FERREUX 3.80 11.39 9.78 10.62 22.11 57.89 0.67 OUVR.EH.METAUX 4.76 22.99 5.91 4.35 31.54 69.SS 0.81 NACH.NON.ELEC. 7.84 42.93 24.81 9.46 176,89 261.93 3.0S MACH.APP.ELEC. 8.Bl 41.82 20.37 11.33 125.52 207.85 2.42 VEHICULES 2.09 3.37 2.68 1.51 9.90 19.56 0.23 HORLOGERIE 2.43 17.25 9.12 1 .83 97. 7S 128.38 1 .50 BIJOUTERIE 0.00 12.38 0.33 0.53 2.02 15.26 0.18 AUTRE.PRECISION 1.75 24. 45 7.10 6.79 41.16 81.25 0.95 DIVERS 2.20 21.95 4.£5 1.45 51.42 61.86 0.95 TOTAL 184.17 1143.90 916.60 592.10 5742.02 8578.79 100.00 TOTAL EN X 2.15 13.33 10.68 6.90 66.93 100.00 inverse en ce qui concerne la R.F.A.: la Suisse du Nord- Ouest ne dirige que 14.4% des ses produits vers ce pays 1) La région 12.1 (agglomération de Baie: canton de Bale-Campagne) ne fi- gure pas dans ce tableau. Cette région exporte pour 774.0 millions de frs. (soit 8.3% de la Suisse du Nord-Ouest). Une telle omission ne mo- difie que très peu la structure par produits et pays exposée au tableau 6.16. Les pourcentages mentionnés dans le cormentaire (point 6.4.2.1) tiennent compte de cette région 12.1. - 145 - alors que la moyenne nationale est de 18.3%. Cette absence d'effets de proximité peut être attribuée pour une large part à la chimie, branche qui, comme nous 1'avons vu au point 6.2.4.1, Ost dominée par les trois multinationales bâloi ses (Ciba-Geigy, Hoffmann-La Roche et Sandoz). Cette explication est plus que confirmée lorsqu'on élimine cette branche. La part de la R.F.A. est en effet nettement supérieure dans les dix-sept autres catégories de produits et atteint, en moyenne, 27.4%. Le cas de la France est par contre plus complexe. Qu'on tienne compte ou non des pro- duits chimiques, la part de ce pays reste proche de 10.5%, soit légèrement en-dessus de la moyenne helvétique. Il est donc difficile de conclure avant d'examiner les relations de la Suisse du Nord-Ouest avec la région française voisine. 6.4.2.2 Les échanges de l'Alsace avec la Suisse Comme nous l'avons déjà vu en 6.3.2, l'Alsace est la région française dont l'indice d'orientation vers la Suisse est le plus élevé. Un examen du tableau 6.11 montre également que la valeur de cet indice est encore plus forte en direction de la R.F.A.. La statistique détaillée du commerce extérieur alsacien indique que la Suisse se classe en 1981 au deuxième rang des clients de cette région, immédiatement après la R.F.A. (42.4%), en absorbant 10.7% des exportations alsaciennes (en valeur). En ce qui concerne les importations, la Suisse vient en quatrième place, avec 4.2%, après la R.F.A. (41.7%), les Pays-Bas (5.3%) et l'Arabie Saoudite (5.1%). La présence de ce dernier pays montre que le classement des fournisseurs helvétiques serait encore meilleur si on ne tenait pas compte des importations de produits pétroliers. Avec un solde positif de 1.7 millions de francs français (FF) en 1981, c'est avec la Suisse que l'Alsace enregistre - 146 - son excédent commercial le plus important. Ce déséquilibre - les exportations vers la Suisse représentent plus du double des importations - peut cependant être attribué pour une part importante au rôle de lieu-de transit que joue l'Alsace dans les échanges de la France avec les pays voisins. Cette caractéristique apparaît clairement lorsqu'on examine la com- position par produits des échanges avec la Suisse. Tableau 6.17: Les échanges de l'Alsace avec la Suisse selon quelques groupes de produits en Ì981 (en millions de FF) Part de la Groupes de produits Importations Exportations Suis [rap. e Exp. classification H.A.P. Mio. FF l Mio. FF X S a Total l'Sfl6.9 100 3*263.4 100 4.2 10.7 dont : 01 Produits de l'agriculture 4.1 0.3 193.8 5.9 0.9 17.6 05 Pétrole brut,gaz naturel et produits pétroliers raffinés 2.9 0.2 l'077.7 33.0 0.0 27.2 17 Produits chimiques de base 629.5 40.7 799.8 24.5 18.8 18.2 18 Produits de la paracMctle 58.8 3.8 55.8 1.7 12.7 8.5 19 Produits de la pharmacie 27. 6 1.8 8.8 0,3 22.5 3.8 24 Equipement industriel 120.2 7.8 87.0 2.7 8.7 4.9 31 Véhicules automobiles et autres matériels de transport terrestre 8.9 o.e 116.8 3.6 0.2 4.4 44 Matières textiles naturelles préparées, fils,filés.ouvrages textiles en filés 56.9 3.7 125.4 3.a 2.9 4.3 et articles de bonneterie Source : Direction régionale des Douanes de Strasbourg; Calculs personnels Les produits pétroliers représentent en effet un tiers des exportations alsaciennes vers la Suisse et il est donc nécessaire de les éliminer si on désire que ce groupe ne vienne pas fausser notre appréciation des effets de proximi- té. L'analyse du contenu de ces échanges doit non seulement prendre en compte la part des principaux groupes de produits mais aussi considérer leur poids dans l'ensemble du commerce extérieur de la région. En ce qui concerne le montant global des exportations alsaciennes, c'est la chimie qui vient en - 147 - tête avec environ 22%, suivie de quatre autres branches dont le poids est relativement comparable: les machines (13.4%), le textile (11.9%), 1'agro-alimentaire (11.7%) et les véhicu- les (9.9%)1'. Si on passe aux échanges avec la Suisse, les produits de la chimie (N.A.P. 17, 18 et 19) occupent une place encore plus importante, tant au niveau des importations que des exporta- tions . En excluant le pétrole, ces produits représentent 46.4% des importations et 39.6% des exportations. La place des autres secteurs importants de 1'économie a 1sacienne est par contre plus limitée et, surtout, traduit des rapports plus unilatéraux avec l'économie suisse. Notamment, l'Alsace enregistre un solde positif au niveau des produits agrico- les, de l'automobile et du textile alors que sa balance face à la Suisse est déficitaire dans le domaine des biens d'équi- pement. Bien que relative aux échanges avec l'ensemble de la Suisse, cette statistique alsacienne nous autorise, grâce au con- tenu de ces flux commerciaux, à conclure qu'un effet de proximité existe également entre 1'Alsace et la Suisse voi- sine. L'industrie chimique helvétique étant fortement concen- trée dans la région de Baie (voir point précédent), il est très vraisemblable qu'une grande partie des échanges alsa- ciens s'effectue dans ce domaine avec cette région limitro- phe. Une telle déduction est d'ailleurs étayée par l'analyse des investissements transfrontaliers (voir 7.1.3.2): la chimie bâloise s'est en effet largement implantée en Alsace et y a développé plusieurs unités de production. Les caractéristiques des produits chimiques échangés reflè- tent bien la nature des relations qui découlent de cette présence bâloise en Alsace. L'essentiel du commerce porte en effet sur des matières premières comme l'indique le tableau 6.17. A ce titre, l'Alsace constitue un client et surtout un 1} Voir INSEE ALSACE 1982. - 148 - fournisseur privilégié - le solde de ces échanges est posi- tif à raison de 170 millions de FF pour l'Alsace - de la chimie suisse. A l'opposé, la balance alsacienne est nette- ment déficitaire en ce qui concerne les produits pharmaceu- tiques, domaine qui reste le point fort des maisons-mères bâloises. Si un tel résultat montre que, malgré un indice d'orienta- tion proche de la moyenne, la Suisse du Nord-Ouest entre- tient des relations privilégiées avec la région française voisine, il doit aussi nous amener à reconsidérer certaines de nos hypothèses relatives aux effets de la frontière. En l'occurence, cet effet de proximité repose sur une branche, la chimie, qui de par ses caractéristiques ne devrait pas être sensible à ce phénomène. Comme nous 1'avons déjà vu, la chimie bâloise est dominée par quelques firmes multinationa- les et elle est largement orientée vers des marchés éloi- gnés. Le fait que cette branche entretienne des relations privilégiées avec l'Alsace voisine constitue par conséquent une exception et montre que d'autres facteurs peuvent être plus importants que les caractéristiques du produit ou des firmes productrices. L'aspect historique joue sans nul doute un rôle important car ces liens sont relativement anciens. Dans un passé plus récent, deux autres facteurs peuvent expliquer le développement des implantations bâloises en Alsace. Il s'agit d'une part de la disponibilité, à proximi- té des maisons-mères, d'un important réservoir de main- d'oeuvre et, d'autre part, de 1'appartenance de 1'Alsace à la CEE, qui permet un accès plus aisé à ce très vaste marché (POLIVKA 1974). 6.4.2.3 Les marchés et le Produit intérieur de la Suisse du Nord-Ouest La Regio Basi l'i ens i s réalise chaque année depuis 1979 une vaste enquête qui lui permet de calculer le Produit inté- - 149 - rieur net de la Suisse du Nord-Ouest - Les informations recueillies sont d'autant plus précieuses que ce sont les seules données de cette nature disponibles en Suisse au 2) niveau regional . La méthode utilisée est simplifiée. Il s'agit de calculer la valeur ajoutée nette de chaque entre- prise et branche économique en faisant la distinction distinction inspirée par la théorie de la base économique entre la valeur ajoutée provenant des exportations au sens large (fundamentale Wertschöpfung) et celle réalisée dans la région (derivative WertSchöpfung). L'accent étant porté sur le secteur basique, 1'étude a cherché à déterminer d'où provient cette valeur ajoutée en distinguant le reste de la Suisse et les différents continents. Dans ce cas, les auteurs de 1'étude ont fait 1'hypothèse que la valeur ajoutée est proportionnelle au chiffre d'affaires réalisé dans ces différents marchés. Ces résultats peuvent non seulement être comparés aux données du commerce extérieur mais, surtout, permettent d'affiner l'analyse en confrontant les échanges avec le reste du pays et avec l'étranger. Si on se réfère à la théorie de la base économique, la part importante de la valeur ajoutée (65,6% en 1981) réalisée dans la région ne doit pas être interprétée comme 1'indice d'une forte intraversión de la Suisse du Nord-Ouest mais, bien plutôt, comme la conséquence d'un effet multiplicateur important des activités exportatrices (basiques). 1) Ces résultats sont disponibles pour les années 1978 à 1981, voir BUEEGIN 1980, 1981, 1982 et 1983. 2) Si des données sur le Revenu national sont maintenant disponibles au niveau régional, il n'existe encore rien sur le Produit régional. Le compte de production des branches économiques n'est disponible que pour l'année 1975 et n'est pas régionalisé. - 150 - Tableau 6.18: Origine (en %? de la valeur ajoutée nette de la Suisse du Nord-Ouest en 1978 et 1981 1978 1981 % Secteur basique/exportateur (fundamentale Wertschöpfung) Secteur non-basique/régional (derivative Wertschöpfung) 34.1 65.9 34.4 65.6 Valeur ajoutée nette totale 100 100 Source : FOEG et KYSS, 1983 (fig. 7, p. 32) En ce qui concerne l'industrie et les services (sans les ban- ques) , on remarque que les marchés étrangers offrent à la région bâloise des débouchés plus importants que le reste de la Suisse. Bien que comprenant les ventes de services, la répartition géographique du chiffre-d'affaires réalisé à l'étranger est très proche de celle indiquée par la statis- tique du commerce extérieur . Avec plus de 60%, l'Europe vient largement en tête et représente près des trois quarts du marché "reste de la Suisse". Pour revenir aux effets de la frontière, nous constatons que les deux pays limitrophes, la France et la R.F.A., attei- gnent ensemble moins du tiers des débouchés que le reste de la Suisse offre à l'économie de la région bâloise. Nous pouvons en déduire que même en tenant compte des effets de 1) L'industrie et les services (sans les banques) représentent environ 47% de la valeur ajoutée totale de la Suisse du Nord-Ouest et 95% de sa partie basique (fundamentale Wertschöpfung). 2) Au passage, cette comparaison permet de vérifier la validité de la régionalisation des données du commerce extérieur. 3) En supposant que. la part de la France soit comparable à celle indi- quée par la statistique du commerce extérieur, les deux pays repré- sentent ensemble environ 25% des marchés étrangers. Si on tient compte de l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé à l'extérieur de la région, cette proportion s'abaisse à environ 13%, chiffre qui doit être comparé aux 45.1% du reste de la Suisse. - 151 - Tableau 6.19: Répartition géographique (en %) du chiffre d'affaires de l'industrie et des services (sans les banques) et des exportations de la Suisse du Nord-Ouest en 1981 Origine du chiffre d'affaires en % Commerce extérieur destination des exporta tions en % Total Marchés étrangers Chiffre d'affaires total Suisse du Nord-Ouest Reste de la Suisse Etranger dont : - Europe (y compris URSS) * R.F.A. * France - Amérique - Afrique - Asie - Oceanie 100 19.3 36.4 44.3 27.0 6.2 6.5 2.8 5.9 0.6 //// //// //// 100 61.0 14.0 14.7 6.4 15.6 1 .4 //// //// 100 61.1 14.4 10.5 Ì5.5 6.3 15.8 1.3 Sources : FOEG 1983 (fig. 13, p. 59); Direction générale des Douanes; Calculs personnels proximité la part des deux régions voisines, l'Alsace et le Bade-Wurtemberg, ne représentent qu'une faible fraction de ce chiffre. Malgré leur poids démographique et leur situa- tion, 1'importance de ces espaces pour 1'économie bâloise est donc nettement plus faible que celle du reste de la Suisse, ce qui montre que la frontière reste en premier lieu un obstacle aux échanges. Cette quasi tautologie, qu'il est trop souvent impossible de vérifier par des chiffres, est certainement pour nous un des apports les plus importants de l'étude entreprise par la Regio Basiliensis. Toutefois, ce co istat ne doit pas nous faire perdre de vue que 1'existence d'effets de proximité, malgré cette frontière, est bien réelle. En cela une des hypothèses majeures de cette recher- ch3 reste vérifiée. - 152 - 6.4.3 Les échanges commerciaux de la Chaîne du Jura La Chaîne du Jura suisse s'étendant de Genève jusqu'au canton d'Argovie (BARBIER et THEVOZ 19791, son extrémité Est est donc en partie comprise dans la région de Baie (Suisse du Nord-Ouest). Par.conséquent, nous n'analyserons ici que sa partie romande formée de trois régions douanières limitrophes de la France. Il s'agit, d'Ouest en Est (voir carte 6.1): du Jura vaudois (région 20.2), du haut du canton de Neuchâtel (Autres régions NE, 22.2) et du canton du Jura (28.0). Dans cet ensemble, c'est la partie neuchâteloise qui a le poids le plus important avec 62.8% des exportations en valeur, le canton du Jura ne représentant que 22.0% et le Jura vaudois 15.2%. Par rapport à Bâle ou à Genève, l'importance de la partie romande de la Chaîne du Jura est très faible: elle ne représente en 1981 que le 2.6% de l'ensemble des exportations suisses. 6.4.3.1 Pays de destination et structure par produits des exportations de la partie romande de la Chaîne du Jura suisse La structure des exportations de la partie romande de la Chaîne du Jura est marquée par la dominance de 1'horloge- rie, produit qui représente 51.0% de ses exportations (en valeur). En ce qui concerne les pays de destination, la part de la France est, avec 15.7%, nettement supérieure à la moyenne helvétique (9.0%). A côté de cette spécialisation horlogère, les six catégories de produits appartenant à la métallurgie ou à l'industrie des machines-appareils représentent ensemble environ un autre quart des exportations régionales. Pour le solde, l'analyse devient plus délicate car elle repose sur des mon- tants trop faibles. 1) La région 2.2 Jura bernois/Bienne/Seeland ne peut pas être inclue dans cet ensemble parce qu'elle est située pour une grande part dans la zone du Pied du Jura (voir également carte 5.1). - 153 - Tableau 6.20: Exportations de la partie romande de la Chaî- ne äu Jura par produits et pays de destination en 1981 (valeur en millions de frs.) AUTR RESTE DU ICME RFA FRANCE ITALIE HOHDE TOTAL TOTAL I AGRICULTURE 13.35 0.44 4.72 17.78 44.71 81 .01 5.94 ENEPGIE 0.00 0.00 0.03 0.03 0.27 0.33 0,02 TEXTILES 6.14 5.14 5.60 0.03 46,59 63.50 4.65 HABILLEMENT 0.61 2.5S 4.30 0.12 1.36 6.94 0,66 PAPIER 0.29 0.37 1.45 0.46 3.76 6.32 0.46 PLASTIQUE 0.32 2.81 4.90 2.19 10.69 20.92 1 .53 CHIMIE.MAT.IERES 0.00 0.05 0.59 0.00 O.tl 0.75 0.06 COLORANTS.PHARMA 0.00 0.01 0.07 0,01 0.07 0.16 0.01 AUTPE.CHIMIE 0.01 0.12 0.38 0.07 0.53 1.10 0.08 CONSTRUCTION 0.23 4.99 1.69 0.66 1.10 8.68 0.64 FER.ET.ACIER 0.19 0.17 0.34 0.60' 16.29 17.59 1.29 MET.NON.FERREUX 0.00 0.10 0.76 0.04 0.66 1.56 0.11 OUVR.EN.METAUX 1.52 15.43 13.19 7.63 47.31 85.08 6.24 HACH.NON.ELEC. 3.62 33.30 3S.40 10.19 94.16 176.67 12.95 MACH.APP.ELEC. 0.62 24.63 13.35 3.67 40.61 82.88 6.07 VEHICULES o.os 1 .79 0.82 0.27 0.33 3.27 0.24 HORLOGERIE 3.33 56.80 95.15 67.83 472.99 696.11 51.02 BIJOUTERIE 0.01 1 .42 15.17 1 .34 23.74 41 .68 3.06 AUTRE.PRECISION 0.33 4.31 9.01 2.53 17.23 33.42 2.45 DIVERS 2.« 7.46 6.94 2.22 15.23 34.33 2.52 TOTAL 33.12 161.92 213.88 117.67 837.73 1364.31 100.00 TOTAL EN * 2.« 11.87 15.68 8.63 61.40 100.00 Les exportations suisses de produits horlogers étant dirigée à raison des trois quart (75.8%) vers le "reste du monde", la part du marché français au niveau régional est d'autant plus remarquable. Ce score élevé est non seulement dû aux autres catégories de produits, dont 17.8% sont destinés à ce pays voisin, mais aussi à 1'horlogerie, pour laquelle le marché français représente 13.7% contre seulement 6.9% au niveau national. 6.4.3.2 Les échanges de la Franche-Comté avec la Suisse La Suisse est un partenaire important de la Franche-Comté si on la compare aux autres pays européens. Qu'il s'agisse d'im- portations ou d'exportations, notre pays se classe immédiate- ment après la R.F.A. et l'Italie. En 1981, la Suisse four- nit 10.7% des importations de la Franche-Comté et absorbe 5.4% de ses exportations. Un tel rapport, inverse de celui - 154 - observé dans le cas de 1'Alsace, n'en n'est pas moins à l'origine d'un solde positif en faveur de la Franche-Comté. Ceci tient aux très bonnes performances à l'exportation que réalise l'économie franc-comtoise. En effet, globalement les exportations régionales atteignent près du triple de la valeur des importations et sont surtout dirigées vers les marchés non-européens, ce qui explique que l'indice d'orien- tation face à la Suisse soit inférieur aux valeurs observées dans d'autres régions frontières (voir 6.3.2). L'analyse de la structure par produits de ces échanges montre que plus du tiers des exportations franc-comtoises à destination de la Suisse est constitué de véhicules automo- biles. Cette proportion est d'ailleurs relativement faible car ces produits représentent près des deux-tiers de l'en- semble des exportations de la région. On notera aussi que, contrairement à l'Alsace, la Franche-Comté ne réexporte pas de produits pétroliers. Le tableau 6.21 montre qu'à côté de l'automobile, les instru- ments et le matériel de précision représentent une part élevée du commerce avec la Suisse, en atteignant 39.9% des importations et 17.2% des exportations (27.2% si on exclut les automobiles). L'importance de ce poste, largement déficitaire pour la Fran- che-Comté, s'explique par la spécialisation de cette région, qui est responsable d'environ 80% de la production horlogère française et qui compte également une industrie lunetière très développée (voir 8.3.3.1). Si une partie de ces échan- ges avec la Suisse ne fait que transiter par la région , l'essentiel de ces flux découle cependant de relations de 1) Ce taux de couverture atteint 291% au niveau global et 122% face à la Suisse. 2) Les produits en provenance de Suisse représentent 41.6% des importations de la Franche-Comté dans ce domaine. 3) Selon une cccmiunication orale de la Direction régionale des Douanes de Besançon. - 155 - Tableau 6.21: Les échanges de la Franche-Comté avec la Suis- se selon quelques groupes de produits en 1982 (en millions de FF) Groupes de produits Importations Exporta ions Classification N.A.P. Mio.FF K Mio.FF ï Total dont : 766.1 100 957.8 100 17 Produits chimiques de base 13.3 1.7 54.7 5.7 23 Machines outils 51.3 6.5 14.8 1.5 24 Equipement industriel 40.7 5.2 14.9 !.6 27 Machines de bureau et matériel de traitement de l'information 72,8 9.3 2.1. 0.2 29 Matériel électronique professionnel et ménager 49.6 .6.3 13.3 1.4 31 Véhicules automobiles et autres matériels de transport terrestre 9.8 1.3 355.9 37-2 34 Instruments et matériel de précision 313.7 39.9 164.3 17.2 Source : Direction régionale des Douanes de Besançon; Calculs personnels caractère intra-industriel. Comme dans le cas de la région bâloise, nous sommes en présence d'un effet de proximité qui découle du développement d'une même industrie de part et d'autre de la frontière. Reste à savoir quels- sont la nature et le contenu de ces relations, thème que nous aborderons à la section 7.2. 6.5 Les échanges de services La libéralisation des échanges internationaux s'est surtout appliquée aux marchandises tandis que les échanges de servi- ces restent entravés par de nombreuses réglementations de nature protectionniste. Malgré cela, la place de ces der- niers est relativement importante: à la fin des années "70" les "invisibles", c'est-à-dire les services ainsi que les revenus des facteurs de production, représentent plus du tiers du commerce mondial. A ce titre, la Suisse occupe une place privilégiée dans la mesure où ce chapitre de sa balance dégage un très fort excédent (voir 5.2). - 156 - Par rapport aux mouvements de marchandises, les échanges de services présentent une différence fondamentale qui compli- que considérablement l'analyse. En effet, ces échanges sont bien soumis aux fonctions de filtre de la frontière mais ils n'y sont toutefois pas mesurés. En Suisse, ces postes de la balance des revenus sont dans la plupart des cas calculés sur la base d'estimations indirectes et aucune donnée n'est disponible par pays et, encore moins, par région. Ces lacunes tiennent dans une large mesure au contenu, à la nature des activités de services. Ces activités, dont la définition est avant tout résiduelle - est tertiaire ce qui n'est ni primaire ni secondaire -, sont extrêmement hétérogènes. Leur plus petit dénominateur commun est de se caractériser par "l'absence ou le caractère secondaire du produit" (DATAR 1974) et donc de ne pas pou- voir faire l'objet d'un stockage. En matière d'échange inter- national le type de mobilité et de clientèle joue un rôle important et peut servir de critère pour différencier ces activités. Bien que la limite ne soit pas toujours facile à tracer, on peut considérer que c'est en général le consommateur qui se déplace lorsqu'il s'agit d'un service destiné aux ménages. C'est le cas notamment du tourisme et du commerce de détail. A l'inverse, les ventes de services aux entreprises impli- quent que ce soit le producteur {entreprise de conseil, par exemple) ou 1'information {gestion de capitaux, etc.) qui se déplace vers le consommateur. On notera aussi que le secteur des transports échappe à cette typologie dans la mesure où c'est le déplacement, des produits ou des consommateurs, qui devient 1'élément le plus important. Les échanges de services se distinguent également des mouve- ments de marchandises parce qu'ils impliquent une logique spatiale différente. A l'exception du tourisme, secteur qui le plus souvent est lié à des facteurs de localisation spécifiques et, surtout, immobiles dans l'espace (paysages, - 157 - mer, montagnes, etc. ) , les activités de services sont en effet modelées par l'urbain. Un tel constat soulève plus de problèmes qu'il n'en résout et, faute des données indispen- sables pour une telle analyse, nous nous contenterons ici de fixer quelques points de repère en ce qui concerne les effets de la frontière dans trois domaines: le tourisme, le commerce de détail - plus précisément les achats des consom- mateurs à travers la frontière - et les autres services exportés ou susceptibles d'être exportés. 6.5.1 Les touristes étrangers en Suisse Les régions suisses dont la vocation touristique est la plus marquée sont d'une part le Tessin et, d'autre part, les zones alpines (canton des Grisons et du Valais notamment). A part Genève, 1'offre touristique des grands centres urbains (cantons de Zurich, de BaIe-Vilie) se situe par contre un peu en-dessous de la moyenne. Les touristes en provenance des pays voisins de la Suisse représentent environ la moitié des nuitées d'hôtes étran- gers. Tout en étant importante, cette proportion montre bien qu'une grande partie des déplacements touristiques s'effec- tuent sur de longues distances en étant déterminés avant tout par les caractéristiques de l'offre touristique de chaque type de région. Malgré cela, l'examen des lieux de séjour des touristes selon leur nationalité indique des préférences assez mar- quées que nous pouvons attribuer en partie à un effet de proximité culturelle. En 1981, 54.3% des nuitées de touristes français se sont déroulées dans les six cantons romands (FR, VD, VS, NE, GE, JU) alors que la part de cette région dans l'ensemble des nuitées d'hôtes étrangers n'at- teint que 30.6%. Comme le montre le tableau 6.22 , cet effet de proximité culturelle s'observe également en ce qui concerne les touristes italiens ou allemands. A cet égard, 1) Les nuitées des hôtes autrichiens, qui ne représentent que 1.4% du total, ne sont pas réparties entre les cantons. - 158 - Tableau 6.22: Hôtellerie: offre et nationalité des hôtes étrangers [en % des nuitées) dans les cantons suisses en 1981 Lits pour rooo habit. Provenance des hôtes étrangers R.F.A. % France ï Italie * Autres X Zurich 13.e 18.4 3.9 5.7 72.0 Berne 32.2 39.7 e.o 2.4 49.9 Lucerne 32.2 23.1 3.5 1.9 71.5 Uri 76.1 49.6 5.7 3.1 41.6 Schwytl 66.4 61.8 3.3 2.3 32.6 Obwald 155.7 56.8 10. B 0.6 31.8 Nidwild 82.0 42.9 4.0 1.8 51.3 Glaris 41.8 45.6 7.3 1.6 45.6 Zoug 16.8 39.9 4.6 5.2 "50.3 Fri bourg 17.2 35.4 16.1 5.1 43.4 Soleure 9.B 41.0 6.2 6.1 46.7 Bile-Ville 20.3 25.5 8.0 6.8 59.7 Sàie-Campagne 9.4 38.9 5.5 6.2 49.4 Schaffhouse 13.1 31.7 17.1 8.2 43.0 Appenzell Rh.-Eut. 40.9 51.3 5.4 3.8 39.5 Appenzell Rh.-Int. 75.9 63.6 4.2 3.6 2B.6 Saint-Gall 26.0 53.3 4.7 5.1 36.9 Grisons 207.4 58.0 7.7 2.7 31.6 Argovie 11.4 38.9 5.6 4.9 50.6 Thurgovie 14.4 53.2 5.0 3.8 38.0 lessin 77.0 55.5 3.3 8.4 32.8 Vaud 36.9 17.4 21.6 4.5 56.5 Valais 111.1 40.3 17.0 2.5 40.2 Neuchîtel 16.2 24.5 24.4 7.7 43.4 Genève 39.5 5.4 9.4 5.9 79.3 Jura 23.7 23.8 29.2 5.2 41.8 Suisse total 35.1 36.1 9.1 4.1 50.7 Source : OFS (Tourisne en Suisse): Calculs personnels - 159 - le canton du Tessin constitue un cas particulier. Plus de la moitié des nuitées d'hôtes étrangers de cette région de lan- gue italienne provient de touristes de la R.F.A.. Un tel fait apporte la preuve que les déplacements touristiques sont très souvent motivés par la recherche de la différence, du dépaysement. La mise en évidence de ces facteurs de nature avant tout psychologique ne nous éloigne pas pour autant du thème des effets de la frontière. Tazio BOTTINELLI, géographe tessi- nois, fournit à ce sujet une hypothèse très intéressante. D'après lui, la vocation touristique du Tessin se justifie par 1'appartenance de ce canton à la Suisse. Sans cette frontière, le Tessin serait une périphérie agricole des grandes métropoles de l'Italie du Nord. Or, en participant à un espace helvétique caractérisé par une grande stabilité politique et économique ainsi que par un mode de vie spéci- fique, ce canton peut offrir aux touristes germaniques 1'exotisme qu'ils recherchent tout en leur garantissant un cadre de vie moins "étranger" que celui de l'Italie voisine. La proportion des hôtes en provenance des pays voisins n'est pas partout la mime. Elle est particulièrement faible dans les cantons urbains (Genève, Zurich, Bale ) ainsi qu'à Lucerne. Cet aspect est d'ailleurs étroitement corrélé avec la part que représente l'ensemble des touristes étrangers : dans ces quatre cantons les hôtes helvétiques (qui ne sont pas pris en compte dans le tableau 6.22) représentent moins de 30% des nuitées contre environ 40% pour l'ensemble de la Suisse. Ce côté cosmopolite est particulièrement développé à Genève, canton dans lequel la clientèle suisse ne représente que 15% des nuitées. Ceci tient à n'en pas douter au rôle de métropo- le internationale que joue la cité de Calvin. A l'inverse, la Chaîne du Jura se caractérise par une proportion élevée - 160 - d'hôtes d'origine helvétique . De manière générale cette région joue surtout le rôle de zone de détente pour les habitants des régions urbaines voisines et seule son extré- mité Ouest (Vallée de Joux) a une vocation touristique plus marquée. Si comme dans le reste de la Suisse romande, la part des touristes français est supérieure à la moyenne, la frontière fait cependant sentir ses effets à un autre niveau. Il s'agit surtout de la concurrence qu'exercent les régions françaises voisines, qui globalement bénéficient des mêmes conditioná naturelles. Là encore le facteur monétaire joue un rôle important en renchérissant l'offre touristique des régions suisses. Simultanément, les effets des fonctions légales de la frontière sont aussi perceptibles dans ce domaine. Comme l'a montré une étude récente , les politi- ques d'aménagement du territoire pratiquées de part et d'au- tre de la frontière aboutissent à des concepts touristiques différents, ce qui est illustré par l'existence du côté français (surtout dans la partie Ouest de la région) de projets de développement qui n'ont pas d'équivalent du côté suisse de la Chaîne du Jura. 6.5.2 Les achats de biens et services de la population des régions frontières Avec ce sujet nous rejoignons la théorie des places centra- les et l'analyse des effets de la frontière développées par CHRISTALLER (voir 1.2.2). Rappelons que dans ce modèle la frontière coupe d'une partie de leur arrière-pays les places centrales situées à proximité de la frontière en augmentant artificiellement la distance qui sépare le consommateur du centre d'approvisionnement situé dans un pays étranger. Cette conséquence du "principe de séparation", comme 1) La part des hôtes suisses atteint 87.2% dans le canton du Jura, ce qui est la proportion la plus élevée de tous les cantons suisses. 2) BERNASCONI 1982. - 161 - l'appelle CHRISTALLER, peut être mieux comprise en recourant au concept de "fonctions" de la frontière. En effet, les achats des consommateurs subissent 1'influence des trois types de fonctions de la frontière mis en évidence au point 4.4.1. Tout d'abord, les mouvements de marchandises que ces achats impliquent sont soumis à la fonction de con- trôle de la frontière. Les quantités de biens qui peuvent être importées en franchise sont strictement réglementées et sont en général inférieures lorsque le consommateur réside dans la zone frontière. Ensuite, le contenu et 1'importance de ces achats sont largement déterminés par la fonction fiscale de la frontière. Le système d'imposition peut varier d'un pays à l'autre et se répercuter sur les prix selon qu'il privilégie les prélèvements sur le revenu (cas de la Suisse) ou sur la consommation (cas de la France). De plus, même si ces systèmes sont comparables, des différences de prix substantielles peuvent subsister pour certains produits (cas du tabac, des alcools et de l'essence par exemple). En dernier lieu, les fonctions légales de la frontière font également sentir leurs effets dans ce domaine. Il suffit de penser aux conséquences des politiques économiques et monétaires qui peuvent modifier à plus ou moins long terme les rapports de prix de part et d'autre de la frontière en agissant sur les taux de change et d'inflation. Aucun chiffre précis n'est disponible sur les variations et l'importance de ce trafic frontière pour les régions concer- nées. Au niveau national la seule indication à disposition est celle rapportée par 1'OCDE quant aux effets de 1'appré- ciation du franc suisse au cours de 1'année 1978: "Il faut également noter Io développement important des achats à l'étran- ger, en France et en Italie notamment des résidants frontaliers, consé- cutifs à l'appréciation du franc suisse. Bien que ce facteur soit diffi- cile à quantifier précisément, certaines estimations officielles lais- sant supposer qu'il aurait pu représenter en 1978 environ 1¾ du chiffre d'affaires de l'ensemble de la Suisse" (OCDE 1978, p. 6). - 162 - L'impact perturbateur des facteurs monétaires, encore ampli- fié depuis l'abandon des taux de change fixes, est sans nul doute très important. Toutefois, il faut tenir compte du fait que notre région d'étude comprend deux agglomérations, Genève et Baie (voir chapitre 8), dont le centre situé sur sol helvétique devrait "normalement" rester le lieu d'appro- visionnement privilégié des populations des régions voisines si on prend en compte le degré de centralité de ces deux vil- les. Bien que parfois anciennes, quelques études nous renseignent sur l'attraction exercée par ces deux villes sur la partie "étrangère" de leur arrière-pays. De ces diffé- rents travaux nous pouvons conclure que l'aire d'influence de ces deux villes dans les pays limitrophes est considéra- blement réduite par la frontière. Les relations de consom- mation existent mais elles sont moins intenses et ne concer- nent qu'une partie de la palette des biens et services offerts par ces métropoles. Les achats de biens de consomma- tion courants sont particulièrement sensibles aux variations monétaires et restent très souvent motivés par les avantages spécifiques découlant de structures de prix différentes. Toutefois l'attraction de ces centres sur les populations des régions voisines n'est pas uniquement de nature commer- ciale. Un déplacement d'achat dans la ville voisine peut être combiné avec d'autres motifs de nature touristique ou professionnelle. A ce sujet les travailleurs frontaliers occupent une place particulière parce qu'ils peuvent mettre à profit leurs déplacements quotidiens et parce que leur salaire est obtenu en francs suisses. En matière culturelle l'effet de la frontière devrait être moins puissant. La nature "immatérielle" des services con- sommés (théâtre par exemple) fait qu'ils ne sont pas soumis à la fonction de contrôle de la frontière. Malgré cela les 1) Voir notamment pour Baie: JENNY 1969 et DEGE 1979 ainsi que TARDY 1970 et RAFFESTIN et al. 1975 pour Genève. - 163 - études déjà citées montrent que l'intensité de ces relations est malgré tout inférieure à ce qu'on pourrait attendre. L'effet de barrière est encore plus marqué en ce qui concer- ne les services liés de près ou de loin au secteur public. Dans ce domaine le poids de la "fonction légale" est particu- lièrement sensible. Notamment, la population des régions frontières voisines ne recourt que très peu aux services de formation ou aux services médicaux offerts par ces deux villes. Cela s'explique par 1'absence de reconnaissance réciproque des diplômes de formation et par la non-harmoni- sation des systèmes de sécurité sociale. A côté de ses fonctions, la frontière met en jeu de multi- ples phénomènes de nature sociale et psychologique qui subissent eux-mêmes à long terme l'influence des décisions politiques et économiques. A ce sujet, la recherche de Wilfried DEGE (1979) offre de très utiles points de repère. L'originalité du travail de DEGE est de comparer l'effet de deux frontières internationales en analysant d'une part le rôle de Strasbourg pour la population de la région allemande voisine d'Ortenau et, d'autre part, celui de Baie pour les habitants de la région de Lörrach. Théoriquement la frontière franco-allemande devrait être plus perméable parce gue l'appartenance commune à la CEE fait que la réglementation du trafic de frontière est beau- coup plus libérale qu'entre la R.F.A. et la Suisse. Bien que l'effet de barrière soit puissant dans ces deux espaces en détournant les consommateurs allemands vers des centres plus éloignés ou moins importants, DEGE montre que les relations entre Lörrach et Baie sont qualitativement supérieures à celles qui prennent place entre Ortenau et Strasbourg. Cette plus grande influence de Bale doit être recherchée avant tout dans des facteurs psychologiques car les différences de prix sont moins importantes entre la Suisse et l'Allemagne qu'entre la France et l'Allemagne. Tout d'abord, l'impact de la frontière franco-allemande est plus négatif car celle-ci - 164 - correspond à une frontière linguistique. Ensuite, l'intensi- té des relations personnelles est plus élevée entre le Bade du Sud et Baie, ce qui tient en partie à la présence d'un fort contingent de frontaliers travaillant à Baie, alors que dans l'autre espace les migrations de travail s'effectuent presque exclusivement de France en Allemagne. Dans cet exemple le poids des événements politiques et éco- nomiques d'un passé encore proche se fait sentir de manière marquée. En effet, on doit remarquer que l'Alsace reste une région de culture alémanique et qu'elle a appartenu pendant de longues périodes à l'espace germanique. Malgré cela, les relations avec l'Allemagne voisine se sont fortement disten- dues depuis la seconde guerre mondiale, évolution que l'inté- gration commerciale n'a semble-t-il pas suffit à renverser. 6.5.3 Les exportations de services La limite entre services et activités manufacturières est très mouvante (BRENDER et al. 1980) et est d'autant plus floue lorsque le service est lié directement ou indirecte- indirecte Ement à la vente d'un produit (marketing, engeneering, entretien, etc...). Pour cette raison, nous n'examinerons ici que les principaux services qui sont mentionnés dans la balance suisse des revenus, à savoir les banques, les assurances et le commerce (transport) à carac- tère international (transit). L'analyse de la participation de ces activités aux échanges internationaux pose parallèlement un problème de fond, celui des facteurs de localisation du secteur des services. En effet, la répartition géographique de ces activités est liée théoriquement à la concentration urbaine, phénomène qui permet de tirer parti des économies d'échelle et, surtout, des économies d'agglomération. Dans ce modèle traditionnel, la hiérarchie urbaine est déterminée conjointement avec - 165 - celle des services. En poussant plus loin le raisonnement, cela signifie que les services doivent se localiser dans les centres de rang supérieur pour pouvoir participer au commer- ce international. Si, au vu des bouleversements techniques et sociaux contem- porains, cette logique peut et doit être remise en question (JEANNERET et al. 1984), un tel sujet déborde toutefois largement notre cadre d'analyse. Nous nous contenterons ici d'examiner la répartition spatiale de certaines activités susceptibles de participer dans une mesure importante aux échanges internationaux de la Suisse. Il ne s'agit pas de proposer une nouvelle hiérarchie urbaine mais, bien plutôt, de retrouver notre problématique en essayant de distinguer entre effets régionaux et effets nationaux de la frontière. La première remarque qui s'impose est que les trois groupes de services examinés sont fortement concentrés dans l'espace helvétique. Les centres (villes ) des cinq plus grandes agglo- mérations regroupent en effet largement plus de la moitié des emplois alors que leur poids dans l'ensemble des activi- tés n'est que de 25%. Ces services sont par contre beaucoup moins bien représentés dans les cantons de la Chaîne du Jura (Neuchâtel et Jura). Un examen plus détaillé montre cependant qu'il existe des différences importantes d'une activité et d'une région à 1'autre. Tout d'abord, les services en liaison avec le commerce de transit (groupe 713) semblent être davantage liés aux principaux axes de communication qu'au phénomène urbain. Après Baie - région qui constitue le point d'arrivée du trafic fluvial sur le Rhin - c'est en effet le canton du Tessin qui enregistre le quotient de localisation le plus élevé. L'importance de cet axe Nord-Sud est d'ailleurs con- firmée lorsqu'on examine 1'ensemble du territoire helvéti- que: aucun des cantons qui ne sont pas mentionnés dans le tableau 6.23, n'atteint un quotient de localisation supérieur à l'unité. - 166 - Tableau 6.23: Répartition géographique (en %) et quotient de localisation de certains services en Suisse en 19751» 661 B X nques quot. 662 A ces, ass. s X ssuran-auf ïciates quot. 713 E tion, de voj X pédt-ureaux age quot. 6/9 secteur tertiaire I quot. Total enplot X Suisse total 100 1.00 100 1.00 100 1.00 100 1.00 100 Cantons : Zurich 31.4 1.64 30.0 t.56 20.5 1.07 22.2 1.16 19.2 Bâte-Vi1 le et Bâle-Canpagne 8.9 1.14 10.9 1.38 28.8 3.69 8.0 1.03 7.8 Tessin 8.6 T.87 2.6 0.57 12.1 2.63 5.0 1.09 4.6 Neuehätel 1.4 0.54 3.2 !.23 0.5 0.19 2.1 0.81 2.6 Genove 16.2 2.66 7.2 1.18 11.2 1.84 6.3 1.36 6.1 Jura 0.3 0.30 0.4 0.40 0.0 0.00 0.6 0.60 1.0 Villes : Zurich 27.9 2.82 23.2 2.34 15.5 1.57 13.9 1.40 9.9 Sale 7.9 i .se 10.4 2.08 23.8 4.76 5.8 1.16 5.0 Geneve 14.6 3.56 6.9 1.68 6.1 1.49 6.1 1.49 4.1 Berne 3.6 0.90 8.1 2.03 2.7 0.66 5.5 1.38 4.0 Lausanne 4.3 1.65 7.4 2.85 1.7 0.65 4.0 1.54 2.6 Source : OFS (RFE 1975); Calculs personnels Si la localisation des assurances correspond mieux à la hiérarchie urbaine helvétique en marquant notamment la 2 ) preeminence de Zurich , la situation est un peu differente dans le cas des banques. Les deux cantons qui enregistrent le plus fort quotient de localisation sont Genève et le Tessin. Ces scores élevés indiquent que les activités bancaires ont dans ces deux régions une fonction internatio- nale très marquée et ce d'autant plus que les sièges des principales banques helvétiques sont situés à Zurich ou à 1) Mesurés sur la base du nombre des emplois à plein temps. Le quotient de localisation compare la part d'une branche dans l'emploi régional à la part que cette même activité représente au niveau national (Genève: sans le secteur international). 2) Pour une analyse de cette hiérarchie, voir GERHHJSER et MANGOLD 1981. - 167 - Bale. Si un tel constat ne surprend pas dans le cas d'une ville à statut international comme Genève, il n'en va pas de même en ce qui concerne le Tessin . Ce canton ne compte aucun centre urbain de rang supérieur et il faut par consé- quent revenir aux effets de la frontière. Il est en effet plausible d'attribuer le développement très rapide de la place bancaire tessinoise à la proximité de la frontière italo-suisse. Il s'agit dans ce cas d'un effet de proximité culturelle et géographique,' les investisseurs italiens préférant traiter avec les banques tessinoises, nettement plus proches que les centres financiers de Zurich et de Baie. Malgré cela il est difficile de distinguer entre effet national et régional de la frontière. Dans un certain sens ce sont d'abord les conditions générales offertes par la place financière helvétique qui attirent les capitaux étrangers. L'aspect régional joue un rôle secondaire dans la mesure où les circuits financiers sont fortement intégrés. Les instituts tessinois ne sont souvent que des succursales ou des filiales des grandes banques helvétiques. A cause de cela, 1'effet de la frontière se fait surtout sentir au niveau des emplois alors qu'une grande partie des capitaux collectés se dirige vraisemblablement vers le reste du pays et est même immédiatement réexportée en Italie ou dans un autre pays. En dehors des grands centres urbains ou de régions bénéficiant de conditions spécifiques comme le Tessin, la frontière semble donc plutôt exercer un effet négatif en ce qui concerne le commerce international de services. Cette impression est d'ailleurs confirmée par les résultats d'une étude récente (JEANNERET et al. 1984 ainsi que HUSSY et al. 1983-84) réalisée dans deux petites villes suisses: Delémont, qui est la capitale du canton du Jura, et la région vaudoise d'Aigle, située à 1'extrémité Est du lac 1) On notera aussi qu'aucun des centres qui ne figurent pas au tableau 6.23 n'enregistre un quotient de localisation supérieur à 0.82. - 168 - Léman. Une enquête menée auprès d'une centaine d'entreprises privées de ces régions a en effet montré que les réseaux de relations en matière de services sont étroitement limités par les frontières internationales. Parmi plusieurs centaines de fournisseurs de services de ces entreprises seuls quelques-uns sont situés à l'étranger. Dans le sens inverse, le nombre des entreprises régionales qui vendent des services à des clients étrangers est également extrêmement réduit si on fait abstraction des activités touristiques. Pour l'ensemble du secteur tertiaire les marchés étrangers ne représentent que 4% du chiffre d'affaires alors que cette proportion atteint 29% dans le secteur secondaire. On voit par là que si ces régions ont une possibilité de s'insérer dans les échanges internationaux de services, c'est avant tout par le biais de prestations liées aux expor- tations de produits manufacturés. En effet, le tertiaire de dimension "internationale", tel qu'il a été décrit aux paragraphes précédents, est quasi absent dans ces régions. Notamment, les banques et les assurances implantées dans ces deux petites villes ont un caractère local ou, alors, jouent le rôle de relais d'organisations de dimension nationale. - 169 - CHAPITRE 7 LES MOUVEMENTS DES FACTEURS DE PRODUCTION A 1'évidence, les faits montrent que 1'immobilité des facteurs de production postulée par la théorie du commerce international (voir 1.1.2} ne correspond de loin pas à la réalité. Quand bien même la libéralisation des échanges a concerné avant tout les marchandises, les mouvements de main- d'oeuvre et de capital ont été très importants au cours de ces dernières décennies. Ainsi l'exportation de capitaux et 1'immigration de main-d'oeuvre étrangère constituent un volet important des relations de la Suisse avec le monde extérieur. Les mouvements de capitaux peuvent être envisagés non seulement comme la contre-partie des échanges de marchan- dises mais aussi comme une alternative. Dans ce cas l'inves- tissement direct dans un pays étranger se substitue à l'exportation. De telles décisions de localisation non seulement sont étroitement soumises aux fonctions de filtre de la frontière mais peuvent aussi être la conséquence de ce contrôle. Ainsi, 1'implantation d'une unité de production représente souvent le seul moyen d ' accéder à un marché étranger protégé par de nombreuses barrières, tarifaires ou non. Cet aspect institutionnel doit toutefois être envisagé avant tout comme un obstacle à la mobilité. En effet, en prenant un caractère international, ces nouvelles localisations se heurtent à de nombreuses difficultés (formalités, cadre juridique différent, etc..) et impliquent par conséquent des risques élevés. Lorsque ces obstacles sont surmontés, on peut supposer que la question de la distance se pose de manière différente. On peut en effet faire l'hypothèse que l'accès au marché ou à - 170 - certains facteurs de production (main-d'oeuvre, par exemple) devienne le déterminant majeur du choix d'une localisation, 1'éloignement du lieu d'origine de l'investissement restant un facteur secondaire. Il paraît donc important de vérifier si les effets de proximité analysés au chapitre précédent se retrouvent malgré tout au niveau des investissements réalisés dans les régions frontières. Cette problématique est par contre inversée en ce qui concerne les mouvements de main-d'oeuvre. En effet, nous nous intéresserons ici avant tout aux frontaliers, c'est-à- dire aux personnes qui travaillent en Suisse mais qui résident dans un pays limitrophe. Les coûts liés à ces déplacements quotidiens ainsi que le statut de cette main- d'oeuvre (limitation de l'espace au sein duquel de telles migrations alternantes sont autorisées) font que ce phéno- mène ne touche qu'une frange du territoire de deux Etats voisins. De ce fait, ce sont ces facteurs institutionnels et plus particulièrement la politique d'immigration qui doivent être étudiés en tout premier lieu. De telles migrations sont bien évidemment influencées par de nombreux facteurs écono- miques. Toutefois, une telle analyse doit être menée en parallèle avec celle des structures économiques régionales, raison pour laquelle nous aborderons ces deux thèmes, en les liant, au chapitre suivant. 7.1 Investissements internationaux et effets de la frontière 7.1.1 Mouvements de capitaux et investissements Dans une approche où l'espace joue un rôle majeur, il est primordial de distinguer les différentes formes que peuvent prendre les mouvements internationaux de capitaux. On oppo- sera ainsi le capital financier à 1'investissement, qui constitue sa traduction "physique". En effet, qu'il s'agisse de placements et de prêts à long terme ou de placements à court terme, les capitaux financiers sont surtout sensibles - 171 - aux "différences de pression" (taux d'intérêt et d'infla- tion, fluctuation des monnaies) - il suffit de penser aux mouvements des capitaux flottants (hot money Jala recherche de la sécurité ou d'un gain de change - qui existent entre les différents pays. Dans ce sens, la distance physique n'influence pas le choix du pays et, encore moins, celui de la région de destination. A l'opposé, l'investissement direct est lié à une activité précise et implique que 1'investisseur étranger assume le contrôle de cette activité et qu'il en détermine par conséquent la localisation. Ce lien avec l'espace, avec un ou plusieurs lieux déterminés, est particulièrement étroit dans le cas de l'industrie. En effet, dans ce domaine les investissements initiaux en matière de biens d'équipement sont en général élevés et restreignent par conséquent de manière durable la mobilité géographique des capitaux investis. L'investissement direct est donc parmi les différents mouvements de capitaux la seule catégorie pour laquelle la distance entre lieu d'origine et de destination puisse jouer un rôle important. En gardant le parallèle avec les mouve- ments de marchandises, l'existence d'un effet de proximité implique que, par rapport au reste du pays, les entreprises , des régions frontières investissent davantage dans les pays voisins et, encore plus, dans les régions limitrophes. Les données disponibles en la matière étant différentes elles portant sur l'origine des investissements et non sur leur destination - la question se pose dans des termes un peu différants. Ainsi, on cherchera à vérifier si les investissements étrangers réalisés dans une région frontière proviennent pour une part supérieure à la moyenne du pays voisin et de ses régions limitrophes. De telles données n'étant disponibles que pour la France et non pour la Suisse, il ne sera non plus pas possible de faire la distinction entre proximités culturelle et géo-historique. - 172 - Toujours en gardant le parallèle avec l'analyse des échanges de marchandises (voir 6.1), on peut considérer que de nombreux facteurs économiques contemporains sont: suscepti- bles de s'opposer à cet effet de proximité. Notamment, les investissements internationaux sont en général J.e fait de grandes entreprises présentes dans plusieurs pays et dans plusieurs régions de ces pays. Dans un tel contexte, on peut supposer que les avantages qu'offre la proximité géographi- que en ce qui concerne les contacts et les échanges intra- firme sont moins déterminants que des facteurs de localisa- tion comme l'accès au marché ou aux facteurs de production. 7.1.2 Les implantations étrangères dans 1'industrie des régions françaises 7.1.2.1 Définition_____et caractéristiques générales des implantations étrangères La statistique établie depuis plusieurs années par le Service du Traitement de l'Information et des Statistiques Industrielles (STISI) porte sur le stock de«: investis- sements étrangers, c'est-à-dire sur leur niveau s. un moment donné. Sont considérées comme implantations étr£.ngères les entreprises dont plus du 20% du capital social est détenu, à la suite d'un achat ou d'une création, par l'étranger. Au- dessous de ce seuil on considère que la participation ne permet pas d'exercer une influence déterminante sur la gestion de l'entreprise et qu'elle ne constitue donc qu'un simple placement financier. Au premier janvier 1981, (voir FRANCOIS 1983), 9.0% des entreprises industrielles françaises (sans 1'industrie agro- 1) On trouvera une analyse, rétrospective des statistiques du STISI (rebaptisé récemment "Service d'Etudes des Stratégies et des Statisti- ques Industrielles" (SESSI)) dans l'ouvrage signé par J.-P. FRANCOIS (1983) ainsi que dans un article récent publié par la Chambre de commerce suisse en France (CERJAT 1983). - 173 - alimentaire) sont contrôlées directement ou indirectement une entreprise contrôlée peut détenir une participation au capital d'une autre entreprise - par l'étranger. Ces entreprises en mains étrangères sont présentes avant tout dans les secteurs fortement capitalistiques (notamment les biens d'équipement et la chimie) et leur taille moyenne est nettement supérieure à celle des entreprises indigènes : elles représentent en effet 18.5% des effectifs employés dans 1'industrie française Les informations comptables disponibles montrent que ces entreprises étrangères contribuent pour une part très importante (28.4%1 aux exportations françaises mais que leur valeur ajoutée reste par contre comparable à celle des entreprises indigènes lorsqu'on élimine l'influence de la structure d1activité. Ces deux éléments sont 1'indice d'une moindre intégration à l'économie française. Ceci provient du fait que ces filiales ont conservé des liens étroits avec leur maison-mère: dans de nombreux cas ces échanges intra- firme sont en partie à l'origine d'une propension à exporter élevée et gonflent parallèlement le volume des importations, ce qui réduit d'autant la valeur ajoutée. 7.1.2.2 Origine et répartition géographique des implanta- tions étrangères dans l'industrie française: effet de proximité L'origine des implantations étrangères est très concentrée: six pays représentent à fin 1980 près de 90% des emplois offerts par ces entreprises. Les U.S.A. viennent largement en tête avec 33.4% des effectifs alors que la R.F.A. se classe au deuxième rang avec 15.7%. Avec une part de 11.5%, la Suisse précède ensuite des pays dont le poids économique est beaucoup plus important: le Royaume-Uni (11.4%), la Belgique-Luxembourg (9.2%) et les Pays-Bas (7.0%). 1) Cet "indica de pénétration" s'abaisse à 16.4% si on pondère les effec- tifs lorsque la participation est minoritaire, c'est-à-dire lorsqu'el- le se situa entre 20 et 50%. - 174 - Tableau 7.1 Emploi industriel et participations étrangères dans les régions françaises à fin 1980 Ensemble de 1 ' Industrie Part Tota ci pa ti e % du ns étran Europe gè ros LI S.A. {1000 pers.) (1000) total (1000) (1ÍK10) Nord-Pas-de-Calais 393 54 13.6 35.5 11.0 Picardie 17? 49 28.5 26.5 211.5 Ile-de-France 975 215 22.1 112.0 sr.o Centre 203 45 22.2 25.0 1H.0 Haute-Normandie 176 40 22.7 25.0 1.1.5 Basse-Normandie 89 8 9.0 6.0 ;;.o 9retagne 98 9 9.1 4.0 ii.O Pays de la Loire 22? 26 11.5 14.0 1Ü.0 Poitou-Charentes 91 12 13.2 8.0 ::.o Limousin 49 6 12.3 5.5 0.5 Aqu i ta i ne UD 18 12.9 6.5 li. 5 Midi-Pyrènfes 119 U •9.2 6.0 4.0 Chanpagne-Ardennes 131 27 20.6 18.5 6.5 Lorraine 240 55 22.9 43.0 9.0 Alsace 166 5? 31.3 39-5 10.0 Franche-Comte 141 20 14.2 11.0 8.0 ¦Bourgogne 13Ï 27 19.7 17.0 8.0 Auvergne 109 22 20.2 19.0 3.0 Rhône-Alpes 50? 75 14.9 50.0 23.0 Languedoc-Roussillon 6C 9 15.0 3.0 6.0 Provence-Côte d'Aïur 147 32 21.6 19-0 8.0 Corse 1 0 • - - France total 4'371 81? 18.5 494.0 273.5 Source : FRANCOIS 1983 (tableaux 5.2 et 6) - 175 - Une désagrégation régionale montre que ces implantations étrangères sont très inégalement réparties dans l'espace. La région parisienne représente à elle seule plus du quart des emplois offerts par ces entreprises à participation étrangère. Un tel phénomène ne fait toutefois que reproduire le déséquilibre régional qui découle de la forte concentration des activités au sein de l'espace économique français. Il paraît donc plus judicieux de considérer la part relative que représentent ces investissements étrangers dans l'industrie de chaque région. La structure qui ressort de cette analyse n'est toutefois pas très différente {voir carte 7.1 et tableau 7.1). La part relative de ces implantations étrangères reste supérieure à la moyenne dans la région parisienne et atteint des valeurs encore plus élevées dans les régions voisines de la capitale. A côté de ce pôle, la pénétration des capitaux étrangers est également très importante dans deux régions frontières du Nord-Est, 1'Alsace, qui avec un indice de 31.3% est la région la plus "dépendante" de l'étranger, et la Lorraine (22.9%). A 1'opposé, le poids relatif de ces participations reste faible dans les régions fortement industrialisées que sont Rhône-Alpes (14.9%), la Franche- Comté (14.2%) et le Nord-Pas-de-Calais (13.6%). Une telle carte se modifie toutefois lorsqu'on considère 1'origine 3e ces participations. On note ainsi une opposition (voir tableau 7.1) entre les U.S.A. et l'Europe. Les entreprises américaines ont une préférence beaucoup plus marquée pour Paris et les régions voisines alors que les participations originaires du vieux-continent s'orientent davantage vers les régions frontières de l'Est et semblent donc être sensibles à un effet de proximité géographique. (Voir FRANCDIS 1983). L'existence d'un tel effet signifie en principe que les pays voisins effectuent une part supérieure à la moyenne de leurs investissements dans les régions françaises immédiatement - 176 - limitrophes. Les participations étrangères en provenance d'Espagne et d'Italie étant négligeables, notre vérifica- tion ne porte que sur trois pays voisins de la France, à savoir la R.F.A., la Suisse et le couple Belgique-Luxem- bourg. Le calcul d'un indice d'orientation (voir tableau 7.2) montre que cette hypothèse est dans une large mesure véri- fiée: la région française pour laquelle les investisse- ments du pays voisin ont la préférence (indice d'orienta- tion) la plus élevée est dans les trois cas une région frontière immédiatement limitrophe. Cet effet de proximité est particulièrement clair dans le cas de la Suisse, (voir carte 7.2). Dans les trois régions limitrophes, 1'Alsace, la Franche-Cornté et RhÔne-Alpes, la part des investissements helvétiques dans 1'ensemble des participations étrangères dépasse 25%, ce qui représente plus du double de la part moyenne de la Suisse qui est de 11.5%. Cette règle générale n'est toutefois pas vérifiée dans chaque cas. En effet, cet indice d'orientation atteint également des valeurs importantes dans des régions beaucoup plus éloignées. Bien qu'un tel indice puisse parfois être influencé par la présence de quelques grandes entreprises, il indigue aussi gue d'autres facteurs entrent en jeu dans le choix d'une localisation. Le cas des pays non limitro- phes, et plus particulièrement celui des U.S.A., montre ainsi que Paris et les régions avoisinantes exercent une forte attraction sur les investissements étrangers, ce qui peut s'expliquer par la centrante élevée de cette zone et par les avantages qu1une telle situation peut offrir aux activités de commercialisation. 1) Notamment, la part des investissements suisses en Haute-Normandie devrait être actuellement nettement inférieure aux chiffres indiqués par le tableau 7.2. En effet, la firme Brown-Boveri a été amenée à céder à une entreprise française nationalisée - ce qui montre égale- ment 1'influence des facteurs institutionnels - la participation qu'elle détenait dans une grande entreprise implantée en Haute- Normandie. (Voir CERJAT 1983). - 177 - Tableau 7-2 Emplois contrôlés et indice d'orientation des participations des pays voisins dans 1'industrie des régions françaises à fin 1980 Participations en milliers d'emplois Indice d'orientation R.F.A. Suisse Belgique et Lux. B.F.A. Suisse Belgique et Lux. Norr/-Pas-de-Calais 5.0 3.0 14.5 0.5? 0.48 3.08 Picîrdie 3.0 2.0 6.0 0.37 0.37 1.44 Ile-de-France 24.5 23.0 13.5 0.72 0.94 0.71 Centre 4.5 3.5 1.5 0.65 0.67 0.39 Haute-Normandie 5.5 6.0 2.5 0.86 1.25 0.75 Bas¡e-Norma lidie 3.0 0.0 0.0 2.33 - - Bretagne 0.5 0.5 1.0 0.34 (1.50 1.12 Pay: de la Loire 3.0 LO 1.5 0.68 0.37 0.73 PoUou-Charentes 1.0 0.5 1.0 0.49 0.50 0.92 Limcusin 0.5 0.5 0.5 0.49 0.33 1.20 Aquitaine 1.5 1.0 1.0 0.58 0.50 0.65 Midi-Pyrénées 1.0 0.5 2.0 0.58 0.37 2.33 Chan pagne-Ardennes 6.5 2.0 4.5 1.50 0.58 i.ai Lorraine 26.5 2.0 7.0 1-0.6 0.33 1.49 Als;ce 22.5 12.5 2.5 2.73 2.12 0.57 Frarche-Comtê 0.5 6.0 3.0 0.22 2.67 1.85 Bourgogne Z.5 3.0 3.0 0.58 1.00 1.16 Auvt rone 1.5 4.5 4,5 0.47 1.79 1.12 PJiôie-Alpes 12.5 19.0 3.5 1.04 2.18 0.52 Lançuedoc-Roussillon 1.0 0.5 0.5 0.65 0.46 0.57 Pro\ence-CHe d'Aiur 2.0 2.0 2.0 0.37 0.56 0.41 Frarce total 128.5 93.0 72.0 1.00 1.00 1.00 Source : FRANCOIS 1983; Calculs oersonnels 1) L'indice ^'orientation est calculé en rapportant la part du pays j dans les investissements étrangers de la région i à la proportion que ce pays représente dans l'ensemble des investissements étrangers en France. Les chiffres soulignés indiquent que la région i est immédia- tement limitrophe du pays j. - 178 - Carte 7.1 : Taux de penetration di;s investis- étrangers dans l'indu-strie des régions française;; à fin 1980 Part ¡e ¡pat ions étrangères en t de l'emploi industriel régionah t>22.l)í 2l.2>t>19.6X Source: FRANÇOIS 1983 - 179 - En conclusion, nous pouvons constater que 1'effet de proxi- mité observé dans le domaine des échanges de marchandises se retrouve dans celui des_____investissements directs interna- tionaux. Un tel parallélisme s'explique non seulement par le fait que ces deux types de mobilité sont les facettes d'un même phénomène économique mais aussi par les liens étroits qui existent entre ces deux éléments. Il est en effet proba- ble qu'une partie de ces relations commerciales privilégiées s'explique par les liens étroits que les entreprises à parti- cipation étrangère entretiennent avec leur pays d'origine. Vn tel constat laisse toutefois dans 1'ombre un certain nom- bre de points importants. Tout d'abord, l'effet de proximité n'est que partiellement vérifié car nous ne connaissons que le pays et non la région de provenance de ces investisse- ments étrangers. Ensuite, nous ne savons pas dans quelle mesure le poids du passé peut expliquer la situation actuelle. 7.1.3 Les investissements étrangers dans les régions de la front:.ère franco-su is se A part uni» étude du Service de statistique du canton de Genève (SCÎJGE I960), très peu d'informations sont disponi- bles sur lt;s participations étrangères en Suisse, et encore moins sur ;.eur répartition régionale. Une telle lacune tient en partie au fait que la politique helvétique en la matière est plus libérale que celle pratiquée par les autorités françaises. La frontière suisse n1est pas pour autant parfai- tement pernéable, mais les fonctions de contrôle dont elle a été investie au cours de ces dernières années ont porté avant tout sur 1'arrivée de capitaux étrangers à buts spécu- latifs. Cette situation est aussi étroitement liée à des facteurs économiques plus fondamentaux. Par sa stabilité économique et politique, par la valeur élevée de sa monnaie et par son rôle de place financière, la Suisse attire avant - 180 - tout des activités de services qui peuvent mettre à profit ces avantages. A contrario de tels facteurs agissent négati- vement lorsqu'il s'agit d'activités de production. Les coûts helvétiques sont comparativement élevés en la matière et le marché national est trop exigu pour justifier à lui seul l'implantation de firmes étrangères. Dans ce sens, on peut supposer que l'essentiel des investissement!; qui ont "franchi" la frontière au cours de 1 ' après-guerr«! ont suivi la direction Suisse-France. Ce point sera donc en grande partie consacré à la recherche de la provenance des investissements suisses effectués dans les régions françaises limitrophes. Comme dans le domaine des échanges de marchandises/ nous diviserons la frontière franco-suisse en trois régions, à savoir les agglomérations de Genève et de Baie ainsi que la Chaîne du Jura. 7.1.3.1 Genève Les recherches menées par la Chambre' de commerce suisse en France (CERJAT 1983) montrent qu'une partie importante des participations suisses dans l'industrie de la région Rhône- Alpes sont relativement anciennes et ont été motivées par l'approvisionnement du marché français. Ce sont avant tout les grands groupes industriels helvétiques (alimentation, chimie, construction ,electro-mécanique) qui sont ainsi représentés, alors que le nombre des firmes genevoises est par contre très faible. Comme nous 1'avons déjà relevé (voir 6.4.1.3) 1'étendue de la région Rhône-Alpes est beaucoup trop importante pour qu'on puisse parler d'effet de proximité. Pour cette raison, nous nous sommes -concentrés sur un département voisin, la Haute-Savoie, en essayant d'identifier l'origine géographi- que des participations suisses sur la base de 1'ANNUAIRE des participations étrangères en France {1979). Si cette source indique (voir JEANNERET et MAILLAT 1981) que les firmes - 181 - genevoises sont très bien représentées , une analyse plus détaillée amène à nuancer ce premier résultat. En effet, l'influence de la proximité se fait bien sentir. L'essentiel de ces investissements est concentré dans la zone frontière des dix kilomètres mais leur poids économique reste par contre trèu limité, ce qui corrobore les résultats d'une enquête réalisée par l'Université de Genève (RfiFFESTIN et al. 1975). Nous retrouvons ainsi les deux facteurs déjà mis en évidence {voir 6.4.1.2}, à savoir la vocation non indus- trielle de Genève et l'effet de barrière , déjà ancien, exer- cé par la frontière. L'étude publiée par le Service cantonal de statistique sur 2 ) la dépendance économique des entreprises du canton de Genève" (SCSGE 1980) ne permet pas de localiser la prove- nance régionale des participations étrangères mais offre par contre 1'avantage de comprendre le secteur tertiaire ainsi que les participations originaires du reste de la Suisse. L'examen de 1'origine des participations étrangères montre qu'avec 18.9% la France a un poids nettement plus faible que les U.S.A. (49.3%} mais qu'elle se classe cependant au pre- mier rang des pays européens. Cette présence française est certainement 1 * indice de 1'exis- tence de !relations privilégiées entre ces pays voisins et Genève. Toutefois, la nette prédominance du secteur tertiaire laisse supposer qu'il s'agit avant tout d'une proximité culturelle. Comme le relève 1'étude genevoise (SCSGE 1980, p. 21), Genève constitue un point d'appui pour les entreprises françaises qui désirent à la fois développer 1} Pour l'année 1978, 12 des 23 participations helvétiques étaient origi- naires du canton de Genève. 2) Contrairement aux statistiques françaises, l'étude genevoise ne tient pas compte des participations "indirectes". - 182 - Tableau 7.3 Taux de dépendance des entreprises da canton de Genève par secteur et lieu d'origine en 1975 Secteurs Emplois totaux en 1975 (A) Pénétration étrangère (en % de A) Total France U.S.A. Pénétration du reste do la Suisse (en % de A) Secondaire Tertiaire 55-330 143-924 5.1 21.-3 1.3 1.5 2.3 4.3 18.3 16.B Total 199'254 16.B 1.4 3.7 17.3 Source : SCSGE 1980 leurs activités internationales et accéder au marché helvé- tique. En cela, la ville du bout du Léman joue un rôle comparable à celui que Zürich joue pour les entreprises allemandes. L'étude genevoise est encore plus intéressante dans la mesure où elle permet d'aborder un autre aspect de la frontière par la comparaison des participations de 1'étran- ger et du reste de la Suisse. Si on fait abstraction du secteur international, qui est compris dans les participa- tions étrangères et qui représente plus de 10% de l'emploi du tertiaire genevois (voir également 8.2.4.3), le contrôle exercé par le reste de la Suisse est environ deux fois plus important que celui originaire de l'étranger. Ce déséquili- bre est encore plus marqué si on ne tient compte que des participations d'entreprises françaises. On vérifie ainsi que, même si elle est loin d'être imperméable, la fron- tière oppose néanmoins un obstacle majeur à la mobilité internationale en privilégiant les mouvements intra- nationaux. - 183 - 7.1.3.2 Bale Une étude réalisée par le service régional de 1'INSEE (INSEE Alsace 1976) montre que l'effet de proximité dans le domaine des investissements étrangers est encore beaucoup plus net si on distingue les deux départements alsaciens. Ainsi, la majorité des implantations étrangères sont d'origine suisse dans le département limitrophe du Haut-Rhin, alors que c'est la R.F.A. qui joue ce rôle dans le Bas-Rhin. Tableau 7.4 Origine des participations étrangères dans 1'in- dustrie alsacienne en 1973 Suisse R.F.A. fiutres Total % % % % Haut-Rhin 54.2 24.6 21.2 100 Bas-Rhin 29.4 57.9 12.7 100 Alsace 41.3 41 .7 17.0 100 France 13.7 8.7 77.6 100 Source : INSEE ALSACE 1976a Le dépouillement de 1'ANNUAIRE des participations étrangères en Prance M979) indique que, contrairement à Genève, l'ef- fet de proximité se retrouve également du côté suisse. Les entreprises bâloises tBale-Ville et Campagne) contrôlent plus des trois quarts du capital des entreprises à partici- pation suiüse implantées dans le Haut-Rhin. Cet effet est d'ailleurs encore plus marqué lorsqu'on affine 1'analyse: une grande partie de ces implantations sont localisées dans les communes françaises limitrophes de Baie et sont des filiales des; grandes firmes chimiques bâloises. 1) Pour l'ensemble de la France, la part des investissements suisses a légèrement régressé au cours des années '70' tandis que les participa- tions allemandes progressaient régulièrement; ce qui explique les différences observées par rapport au tableau 7.2. - 184 - La Chambre de commerce suisse en France (CERJnT "t 983) relève que les investissements suisses en Alsace sont beaucoup moins diversifiés (à cause du poids de la chimi«) et, sur- tout, plus récents que dans la région Rhône--Alpes. Cet aspect historique mérite toutefois d'être approfondi et on se basera pour cela sur l'analyse géo-historique de POLIVKA (1974). En effet, comme le relève déjà LOESCH (voir 1.2.1) la présence bâloise en Alsace est ancienne. Ce phénomène a été une première fois amplifié par la défaite française de 1870 et par l'annexion de l'Alsace par l'Allemagne. D'une part, Mulhouse a été coupée de son arrière pays et a perdu de son importance par rapport à Bale et, d'autre part, 1'intégration de la région au Zollverein allemand a amené plusieurs entreprises bâloises à s'implanter dans les communes alsaciennes voisines (Saint-Louis, Huningue) afin de pouvoir accéder au marché allemand. La seconde vague d'implantations helvétiques s'est déroulée environ un siècle plus tard, plus précisément à partir des années 1960. Ce phénomène, qui a pris des dimensions beau- coup plus importantes, trouve son origine dans doux facteurs de nature économique et politique. Tout d'abord, la chimie bâloise a connu un développement très rapide dans l'après- guerre et a ouvert de nombreuses unités de production dans les zones environnantes. Dans ce contexte l'Alsace voisine non seulement présentait l'avantage d'offrir un grand réser- voir de main-d'oeuvre mais aussi facilitait 1'accès au Marché Commun. Ce facteur politique a certainement joué un rôle significatif (voir POLIVKA 1974) car pour la chimie bâloise les débouchés représentés par les pays de la C.E.E. sont beaucoup plus importants que ceux des pays appartenant à l'A.E.L.E.. Par rapport à Genève, 1'existence d'un effet de proximité paraît donc beaucoup plus claire dans la région bâloise. Ce phénomène s'explique en partie par l'ancienneté des relations que la cité rhénane entretient avec la France voisine. Si aujourd'hui cette proximité physique constitue - 185 - un avantage en facilitant les contacts et les échanges intra- firme, il est toutefois vraisemblable qu'elle ait perdu de son importance. En effet les entreprises chimiques bâloises sont non seulement implantées dans d'autres régions fran- çaises mais sont aussi devenues de véritables multinationa- les en étant présentes dans le monde entier. Dans ce sens, les structures de gestion de l'entreprise deviennent un facteur central et jouent un rôle beaucoup plus important que la distance physique. Ce phénomène est d'ailleurs très bien illustré par l'organisation du groupe Ciba-Geigy en France (voir CERJAT 1983): les établissements qui fournis- sent le continent européen sont rattachés à la maison-mère bâloise tandis que ceux qui n'approvisionnent que le marché français dépendent d'un siège parisien, même s'ils sont localisés dans la zone frontière alsacienne. 7.1.3.3 La Chaîne du Jura et la région horlogère Bien que la Franche-Comté soit la région dans laquelle les participations suisses représentent la part la plus élevée des investissements étrangers, cette présence reste cepen- dant limitée lorsqu'on raisonne en termes absolus. Notam- ment, le nombre d'emplois offert par des entreprises suisses est deux fois plus important en Alsace, alors que l'indus- trie de cette région a un poids comparable à celui de la Franche-Comté (voir tableaux 7,1 et 7.2). Le dépouillement de 1'ANNUAIRE des participations étrangères (1979 ) indique que les entreprises suisses sont surtout implantées dans le Territoire de BeIfort et dans le Doubs, département dans lequel est concentré l'essentiel de l'indus- trie horlogère française (voir 8.3.3). L'identification de l'origine de ces investissements montre, qu'à part le secteur horloger, ces participations proviennent d'entrepri- ses disséminées dans l'ensemble de la Suisse industrielle. Des investissements de proximité existent cependant mais - 186 - leur nombre reste limité; ce qui tient aussi au fait que le poids économique de la zone frontière est faible par rapport au reste de la Suisse. Notamment, seules cinq entreprises du canton du Jura sont signalées par I1ANNUAIRE pour l'année 1978. Toutes ces participations sont localisées dans la zone frontière française (trois dans le Haut-Rhin et deux dans le Territoire de Belfort) mais aucune n'atteint une taille vraiment importante (voir JEANNERET et MAILLAT 19ÍH). Si l'ampleur et le nombre des participations suisses dans 1'horlogerie française sont plus élevés, cette présence pose toutefois une question épineuse. En effet, on peut se demander si ces investissements helvétiques dans la zone frontière sont motivés par la seule proximité géographique ou si au contraire c'est la présence de l'industrie fran- çaise dans cette région - il s'agirait là de facteurs écono- miques et techniques - qui joue le rôle le plus important. Pour répondre à cette interrogation on s'appuiera sur 1'ana- lyse historique et géographique de Suzanne DAVHAU (1959), qui retrace les principales étapes de la dynamique spatiale de 1'industrie horlogère. Apparue simultanément en Suisse (production de montres dans les montagnes neuchâteloises) et en t-'rance ( horloges dans la région de Morez) à la fin du dix-septième sitíele, cette activité se développa surtout du côté suisse en raison de conditions économiques et politiques plus favorables, mai s resta de nature artisanale. C'est l'introduction de la division du travail (établissage) à la fin du dix-huitième siècle qui fut à l'origine d'une diffusion spatiale de cette activité. De petits ateliers, qui ne réalisaient qu'une partie des opérations de production, se créèrent dans les campagnes voisines des premiers centres horlogers. Cette expansion resta cependant limitée aux espaces proches. En effet, les nombreux échanges qu'impliquaient une division du travail déjà poussée étaient très sensibles à la dis- tance. A l'origine, la frontière ne semble pas avoir été un - 187 - obstacle majeur et cette activité se développa en France voisine notamment grâce à 1'arrivée d'horlogers suisses contraints d'émigrer pour des motifs politiques. Ces facteurs politiques jouent néanmoins un rôle avant tout négatif. La révolution puis le régime napoléonien accen- tuèrent les mesures protectionnistes. Les Douanes françaises allèrent même j usqu'à interdire 1'implantation des activités horlogères dans les communes frontières par crainte de la contrebande. Il faut attendre la fin du dix-neuvième siècle et la "mécani- sation" de L'horlogerie - processus qui implique que la main- d'oeuvre soit concentrée dans les fabriques - pour que cette activité se développe à la fois dans la région frontière française et dans le reste de la Suisse. Selon DAVEAUX (1959) ces liens historiques font que 1'horlogerie franc- comtoise peut être considérée comme la "fille" de son homolo- gue helvét ique. Toutefois, si au départ les échanges franco- suisses étaient très importants, les événements politiques ont distendu ces liens et ont été à l'origine d'une indépen- dance croissante entre ces deux industries nationales. La "guerre" douanière qui a opposé la Suisse à la France a la fin du dix-neuvième siècle a été un premier point de rupture. Di; nombreux industriels helvétiques se sont implan- tés de l'autre côté de la frontière pour pouvoir accéder au marché français. Ce phénomène ne s'est pas limité à la zone frontière; il a aussi concerné des activités non horlogères ainsi que des entreprises suisses éloignées de la frontière. Les deux conflits mondiaux ont ensuite accentué cette cou- pure et 1'horlogerie française, avant tout tournée vers son marché national, a connu une évolution différente de celle enregistrée du côté suisse. Ces relations ont encore évolué au cours des dernières décen- nies . Les .années ' 60 ' ont été marquées par un important pro- cessus de restructuration et de concentration de l'horloge- - 188 - rie helvétique. Ainsi, les participations suisseis en France, qui étaient avant tout le fait d'entreprises isolées, sont passées sous le contrôle des grands groupes helvétiques- Cette présence a ensuite été étendue par le rachat d'entreprises en difficulté, ce qui a permis à l'horlogerie suisse d'exercer une influence importante sur certains segments de l'i nd us trie horlogère française. ( Vo:. r BELHOSTE et METGE 1978). Cette stratégie, avant tout motivée par l'accès au marché français et européen, s'est ensuite profondément modifiée à la suite des difficultés croissantes que rencontrait L'indus- trie horlogère. De nombreux emplois ont disparu et le proces- sus de concentration s'est encore accentué, si bien que la présence suisse en France s'est considérablement amoindrie, soit parce que les industriels suisses ont abandonné certai- nes participations, soit parce que les entreprises contrô- lées ont tout simplement disparu. Si la Suisse reste un fournisseur important de 1'horlogerie française {voir 6.4.3.2), elle partage toutefois aujourd'hui ce rôle avec le Sud-Est asiatique. Un tel fait est non seulement 1'indice de 1'internationalisation croissante de la production mais aussi d'un rôle différent de l'espace. Ainsi, du côté helvétique, les bouleversements techniques (introduction de la montre électronique) et économiques ont encore accentué la concentration, et l'ensemble de la branche ne s'organise plus qu'autour d'un seul grand groupe. De ce fait, la distance géographique, la proximité, devrait jouer un rôle encore plus marginal. Une telle perspective historique permet de répondre à la question posée précédemment et de mieux cerner le rôle de la frontière. Ainsi l'existence de l'industrie horlogère de part et d'autre de cette limite internationale s'explique dans une large mesure par un effet de proximité, par le poids important de la distance à l'époque de l'industria- lisation de cette zone. Si les liens qui liaient ces deux - 189 - industries nationales persistent encore à 1'heure actuelle, ils sont moins importants et, surtout, ils n'ont plus grand chose à voir avec la proximité, avec la distance, 7.1.4 Commerce et investissements: séparation et proximité Le chapitre précédent a montré que, malgré un net effet de coupure introduit par la frontière, les régions frontières entretiennent des relations commerciales plus étroites avec les pays limitrophes et plus particulièrement avec les régions frontières voisines. Cette particularité s'explique à la fois par une communauté culturelle et linguistique mais aussi par un héritage du passé, par des liens anciens qui se sont tissés à une époque où l'impact de la distance était beaucoup plus important. Ce second aspect ressort beaucoup plus clairement de l'ana- lyse des investissements internationaux, ce qui contribue également à expliquer l'existence de ces relations commer- ciales privilégiées. Toutefois cette analyse montre aussi que l'effet de barrière de la frontière ainsi que ses effets perturbateurs sont déjà anciens. A n'en pas douter, une partie importante des investissements réalisés dans les pays et les régions limitrophes au siècle passé est le résultat de politiques protectionnistes. Cet effet se retrouve dans un passé beaucoup plus récent, lorsque les entreprises suisses développent leurs investis- sements en France pour pouvoir mieux accéder au marché de la C.E.E.. Ce phénomène s'inscrit toutefois dans un contexte où la proximité joue un rôle moins déterminant. L'étude des faits montee cependant que ce postulat n'est pas vérifié dans tous les cas. On peut notamment expliquer les investis- sements de la chimie bâloise en Alsace voisine par les liens qu'entretiennent depuis longtemps ces deux régions, mais cela paraît toutefois insuffisant. Il faudrait mieux connaî- tre les motifs qui ont déterminé le choix de ces implanta- tions. - 190 - Une étude sur les investissements allemands en Alsace (BOERKIRCHER et TIEDTKE 1981) apporte quelques éléments de réponse à cette question. Les principaux résultats de 1'en- quête réalisée par ces auteurs montrent l'existence d'un net effet de proximité - près de la moitié des firme:: allemandes proviennent du Bade-Wurtemberg voisin - et indiquent que l'accès au marché esfle motif principal de ce:; implanta- tions. Pour BOERKIRCHER et TIEDTKE c'est non seulement l'accès au marché français qui est important, mais aussi la situation centrale de l'Alsace par rapport au m^irché euro- péen. Ce facteur, qui correspond aux hypothèses des modèles de gravitation ( voir 1.4.3), peut certes jouer un rôle; impor- tant mais il est aussi possible d'éclairer les résultats de cette enquête sous un jour différent. En effet, si la situation centrale de l'Alsace e;;t intéres- sante pour les investissements étrangers, elle devrait l'être pour toutes les entreprises allemandes. De surcroît, on peut aussi considérer que le Bade-Wurtemberg voisin jouit à peu de chose près du même avantage de localisation. Or, malgré cela, l'existence d'un effet de proximité apparaît nettement. Sur cette base on peut donc tenter de proposer une interprétation qui rende compte de ces localisations. La combinaison de deux facteurs jouerait ainsi un rôle majeur; d'une part l'accès au marché français (malgré la mise en place du marché commun, de nombreuses entraves aux échanges subsistent), d'autre part la proximité. On retrouverait donc, à côté des effets des fonctions de contrôle de le frontière, l'effet de la distance, facteur qui semble encore jouer un rôle important dans certains cas. - 191 - 7.2 Les travailleurs frontaliers et la politique suisse d'immigration 7.2.1 Contexte et hypothèses de travail 7.2.1.1 Le statut des travailleurs frontaliers et le con- texte économique européen Par définition, le travailleur frontalier est un migrant alternant - ou actif pendulaire - qui exerce son activité dans un Etat tout en résidant dans un autre Etat. De ce fait, il est soumis à deux souverainetés nationales et sa liberté de mouvement est conditionnée par l'existence d'un accord entre ces Etats. Si les réglementations en vigueur diffèrent considérablement d'une région à l'autre, il est néanmoins possible de dégager deux constantes. Tout d'abord les mouvements des travailleurs frontaliers sont étroitement soumis aux fonctions de filtre (fonctions fiscale et de con- trôle) de la frontière, ceci d'autant plus que celle-ci est la limite des politiques du marché du travail et de l'immi- gration. Ensuite, le frontalier doit obéir à des règles spécifiques qui ne sont applicables ni aux immigrants défini- tifs ni aux autres actifs pendulaires: dans la plupart des cas, le lieu de résidence et le lieu de travail du fronta- lier doivent se situer dans une zone dont l'étendue - de dix jusqu'à cinquante kilomètres d'un côté et de l'autre de la frontière selon les cas - est fixée par un accord interna- tional. Selon Charles RICQ (1981), au sein de l'espace européen en- viron 250'000 frontaliers franchissaient régulièrement en 1975 une frontière internationale pour se rendre à leur tra- vail. A cette échelle, l'ampleur de ce phénomène reste donc limité, surtout si on le compare à 1'effectif des chômeurs enregistré à la même époque. Cet impact varie toutefois con- sidérablement car les migrations frontalières ne se répartis- sent pas uniformément le long des frontières européennes. Malgré sa petite taille, la Suisse "accueillait" en effet - 192 - environ 105'000 frontaliers en 1975, ce qui représente plus de 40% de l'effectif enregistré au niveau européen. En sens inverse, l'effectif des frontaliers suisses travaillant dans les pays voisins était par contre négligeable. 7.2.1.2 Hypothèses de travail Si les déterminants des migrations frontalières sont multi- ples, trois éléments centraux pour notre problématique peuvent être mis en évidence. En premier lieu, 1'ampleur et les variations des migrations frontalières sont subordonnées aux politiques d'immigration et du marché de l'emploi en vigueur dans le pays de travail. Ceci est d'autant plus important que l'accord entre la Suisse et la CEIî est resté de nature commerciale et ne s'applique donc pas à la circula- tion des personnes. Dans ce sens, nous pouvons considérer que les mouvements des travailleurs frontaliers sont avant tout la manifestation d'un effet de la frontière et de ses fonctions de filtre^ Ensuite, pour que ces mouvements aient lieu, il faut qu'une condition économique de base soit remplie, c'est-à-dire qu'une offre d'emploi existe dans un pays et trouve preneur dans 1'autre. Les effets de la frontière se font également sentir de manière déterminante à ce niveau. Qu'il s'agisse des politiques monétaire ou du marché du travail, les Etats prennent des mesures souvent différentes, et parfois même divergentes, qui modifient sensiblement le niveau d'activité ainsi que les structures socio-économiques régionales. Ces "différences de " pression", qui se font particulièrement sentir dans les régions frontières, sont donc susceptibles de se modifier avec le temps et donc d'influer sur les migrations frontalières. De telles modifications peuvent être très importantes et amener à long terme un renversement du sens des mouvements comme cela s'est produit dans le cas de la frontière franco-belge. - 193 - En dernier lieu, il ne faut pas oublier que les frontaliers restent malgré tout des migrants alternants. Dans le cas où la frontière est perméable, c'est-à-dire lorsque des accords internationaux rendent possible ce type de mouvements pendulaires, la répartition spatiale de la population et des emplois est amenée à jouer un rôle déterminant. D'exception, la disjonction entre lieu de travail et de résidence devient une règle, surtout dans les régions urbaines. Bien que séparés d'une partie de leur arrière-pays par la frontière, certains centres urbains comme Genève ou Baie étendent leur influence au-delà de cette limite en procurant des emplois a la main-d'oeuvre des régions voisines. Il convient donc de renverser la problématique dans de tels cas: d'effets de la frontière, les mouvements des travailleurs frontaliers deviennent des mouvements pendulaires "normaux" qui s'effec- tuent malgré 1'existence de la frontière et non à cause d'elle. Parler d'effets de la frontière implique également qu'on soit au clair en ce qui concerne les relations de causalité. Il est nécessaire de distinguer à ce sujet les facteurs qui sont à la source, c'est-à-dire en amont, des migrations frontalières - il s'agit des déterminants économiques et institutionnels qui viennent d'être passés en revue - de ceux qui découlent d'un développement de ces migrations et qui se situent en aval. En !'occurence, l'existence de ces mouvements exerce elle-même des effets sur les structures socio-économiques des espaces de travail et de résidence. Qu'il s'agisse de causes ou de conséquences, la prise en compte de la dimension économique de ces phénomènes exige une connaissance approfondie des structures et des particu- larités de chaque région. Dans la mesure où ces deux éléments - migrations frontalières et structures régionales - sont intimement liés, nous les analyserons au chapitre suivant en ne traitant ici que l'aspect institutionnel de la frontière ainsi que certaines caractéristiques générales des migrations frontalières. - 194 - Comme pour les autres catégories de migrations, définitives ou alternantes, les comportements individuels jouent égale- ment un rôle important dans le développement et l'évolution des mouvements de travail qui s'effectuent à travers la fron- tière. La situation du frontalier, "à cheval" entre deux systèmes dans les domaines de la sécurité sociale, de la fiscalité, de la formation etc. ... (voir RICQ 1981), est précaire sous bien des aspects. Dans ce sens l'institution- nel rejoint le niveau miero-sociologique. Cependant, nous n'aborderons pas cet aspect de la question car, malgré tous ces problèmes et toutes ces embûches, le poids dos ¡acteurs de nature économique a été, et est encore, suffisamment fort pour justifier le développement de ces migrations. 7.2.2 Les effets de la politique suisse d'immigration Jusqu'à la première guerre mondiale, la politique d'immigra- tion de la Suisse peut être qualifiée de libérale. Les étran- gers jouissaient pratiquement de la liberté d'établissement et leur effectif augmenta fortement pour atteindre 15.4% de la population résidante en 1914. La guerre mit un terme à cette situation. Investi de pouvoirs extraordinaires, le Conseil fédéral réglementa l'entrée et le séjour des étran- gers en instituant une police des étrangers, tâche qui était jusque là du ressort des cantons. Il fallut attendre le milieu des années '30' pour que cette modification soit traduite dans un article constitutionnel puis dans une loi fédérale. La crise économique et la seconde guerre mondiale furent ensuite à l'origine d'une diminution très marquée de la population étrangère, dont la part s'abaissa jusqu'à 5.2% en 1941. Bien que reposant sur des bases légales inchangées, la poli- tique d'immigration de l'après-guerre se caractérise par un très net renversement de tendance. La très forte croissance économique des années '50' se traduisit par un afflux de main-d'oeuvre étrangère d'une ampleur inconnue dans d'autres - 195 - pays. En 196 4, point culminant de ce phénomène, la propor- tion des étrangers (avec les saisonniers et les frontaliers) ira jusqu'à atteindre 18% de la population résidante. Paral- lèlement l'immigration devient à la fois un thème majeur de la politique nationale et une variable centrale de la politi- que économique suisse, ceci d'autant plus que les autres moyens d'action des autorités fédérales sont strictement limités par l'importance qui est attribuée au respect de la liberté du commerce et de l'industrie. Ceci fut à l'origine d'une réorientation profonde de la politique d'immigration. L'objectif fut d'abord de stopper l'afflux de main-d'oeuvre puis de diminuer le volume de la population étrangère. Ce processus aboutit à une fonctiona- lisation croissante des différentes catégories de travail- leurs étrangers. Les mesures restrictives s'appliquèrent avant tout aux nouvelles autorisations de séjour (autorisa- tions annuelles), les étrangers séjournant depuis plusieurs années en Suisse (de 5 à 10 ans, selon les nationalités) pouvant êt:re mis au bénéfice d'un permis d'établissement. Le rôle attribué aux travailleurs saisonniers devint surtout conjoncturel. Leur effectif ne venant pas augmenter celui de la population résidante, les frontaliers furent considérés comme une catégorie marginale et ne furent pour ainsi dire pas soumis aux mesures de contingentement. 7.2.2.1 Les différentes phases de la politique fédérale Les nombreuses interventions du Conseil fédéral qui se sont échelonnées de 1'après-guerre jusqu'à ce jour ont connu des modifications importantes en fonction d'objectifs politiques et économiques qui ont varié au cours du temps et qui ont parfois été contradictoires. Schématiquement, il est possi- ble de distinguer trois grandes phases de la politique d'immigration. 1) On trouvera une description et une analyse très complète de la politi- que d'immigration chez WIDMER 1978. - 196 - A) 1945-1963 Dans l'après-guerre, le Conseil fédéral a surtout: été guidé par des considérations d'ordre économique. Il s'agissait de fournir à l'économie nationale une offre de travail suffisan- te pour faire face à l'augmentation de la demande tant suisse qu'étrangère provoquée par la reprise de l'activité économique. Cette reprise était toutefois considérée comme incertaine dans la longue période, ce qui amena les autori- tés fédérales à favoriser un taux de rotation éJevé de la mai n-d'oeuvre étrangère. Ainsi, en cas de fléchi ssèment de la conjoncture, cette main-d'oeuvre aurait pu sans trop de problèmes jouer le rôle d'amortisseur. La poursuite de la croissance due notamment à la libéralisa- tion des échanges internationaux modifia ensuite de manière considérable le rôle joué par la main-d'oeuvre étrangère. De conjoncturel, il devint structurel alors que, simultanément, l'économie suisse ressentait les premiers signes de la "sur- chauffe" . L'augmentation considérable de 1'immigration 1'effectif des travailleurs étrangers soumis à contrôle passa de 106'076 en février 1949 à 445'61O en 1962 - favori- sée par la pression de la demande étrangère devint elle-même source de tensions inflationnistes par la création d'une demande additionnelle. B) 1963-1970 La rapide progression des effectifs de la main-d'oeuvre étrangère fut non seulement l'expression et une des causes de la "surchauffe" économique, mais elle posa également avec beaucoup plus d'acuité qu'auparavant le problème de l'inté- gration des étrangers, tant au niveau de 1'appareil de production qu'à celui de la vie sociale en général. Les tensions engendrées par ce phénomène aboutirent à la création d'un fort mouvement xénophobe réclamant des mesures pour lutter contre la surpopulation étrangère en Suisse. - 197 - Cette situation amena le Conseil fédérai à abandonner sa politique libérale en édiétant des mesures restrictives à caractère avant tout conjoncturel. Les travailleurs étran- gers ne furent d'ailleurs pas les seuls touchés. D'autres mesures restrictives s'appliquèrent également au marché de l'argent, au crédit ainsi qu'au secteur de la construction. Le premier arrêté (mars 1963) agissait de manière indirecte en faisant dépendre le renouvellement et 1'octroi des autori- sations de séjour d'un plafonnement de l'ensemble du person- nel (suisse et étranger) de chaque entreprise. Ce plafond était fixé par rapport à l'effectif maximum de l'entreprise enregistré en 1962. Cette première réglementation, renforcée en 1965, n'aboutit qu'à freiner la progression de la main-d'oeuvre étrangère. Bien que la période du surchauffe ait pris fin, la limita- tion de la main-d'oeuvre étrangère restait un objectif important de la politique fédérale. Trois arrêtés successifs (1965-66-67) marquèrent un durcissement de l'attitude des autorités. La limitation de 1'effectif total du personnel des entreprises fut maintenu et on exigea de surcroit la réduction de l'effectif des étrangers. Ce système du "double plafonnement" s'accompagnait de mesures plus sélectives, notamment par les restrictions imposées à la mobilité inter- professionnelle de la main-d'oeuvre étrangère, ainsi que par la limitation du nombre des saisonniers affectés au secteur de la construction. Ce système présentait beaucoup d'inconvénients surtout par le fait qu'il risquait de figer les structures économiques. C'est la raison pour laquelle le Conseil Fédéral tenta d'assouplir sa politique dès la fin des années '60' (arrêtés de 1968 et de 1969). La limitation de l'effectif total des entreprises fut abandonnée et la mobilité distributive des étrangers améliorée progressivement. - 198 - 1970-1980 Le début des années '70' fut marqué par une reprise des tensions inflationnistes ainsi que par l'échec relatif de la politique d'immigration. La poursuite de la croissance de 1'effectif de la main-d'oeuvre immigrée s'accompagna d'une forte progression de la population étrangère résidante, ce qui incita le Conseil fédéral à adopter un<> politique nouvelle. Il s'agit - ce principe est encore valable aujour- d'hui - de remplacer le système du plafonnement au niveau de l'entreprise par celui d'un contingentement global. Cette nouvelle réglementation vise avant tout à limiter l'effectif de la main-d'oeuvre étrangère résidante (permis annuels et d'établissement) en fixait un plafond aux nouvel- les autorisations de séjour à l'année accordées dans chaque canton. L'admission des travailleurs saisonniers resta par contre plus souple, ce qui à la suite de la reprise conjonc- turelle enregistrée au début des années '70' aboutit à une augmentation marquée de cette catégorie. Cett<> évolution amena en 197 3 le Conseil Fédéral à prévoir également un contingentement de la main-d'oeuvre saisonnière. Finalement, 1'objectif de réduction de la population étran- gère que s'était fixé le Conseil fédéral ne pu être atteint qu'avec "1'aide" de la forte récession intervenue dès 197 4. De fin août 1973 jusqu'à la même période de 1976, la main- d'oeuvre au bénéfice d'une autorisation de séjour (travail- leurs à l'année et saisonniers) diminua de moitié (257*000 contre 516'0OO en 1973). Cette évolution permit aux autori- tés fédérales de réduire sensiblement le contingent d'auto- risations saisonnières et à 1'année sans que les maximums fixés soient dépassés. L'effectif des résidents (établis et annuels) continuera de diminuer jusqu'en 1979. Ensuite, l'amélioration du climat 1) Cf. Ordonnance du 17 octobre 1979, ROLF 1979, II, p. 1391. - 199 - économique fut à l'origine d'une nouvelle augmentation dont le rythme s'est cependant ralenti suite à la récession inter- venue à la fin de 1982. La main-d'oeuvre saisonnière a été par contre beaucoup plus sensible à la reprise de 1977. Le nombre de 120'000 personnes a été atteint en août 1981 ce qui est nettement inférieur au maximum de 206'0OO enregistré en 1964 mais ce qui dépasse le plafond de 110*000 fixé par le Conseil Fédéral . L'évolution des frontaliers a suivi la même tendance mais toutefois de manière moins marquée. Cela a permis à cette catégorie de dépasser pour la première fois en 1983 l'effectif des saisonniers. On notera encore que depuis le début des années '70' d'au- tres mesures sont venues compléter la politique d'immigra- tion. Notamment, les règles relatives à la mobilité des rési- dents ont été progressivement assouplies. A partir de 1976 le délai fixé pour pouvoir changer de profession et de canton a été réduit à un an pour les travailleurs bénéficiai- res d'un permis annuel. La fin des années '70' et le début des années '80' ont vu le thème de 1'immigration reprendre de 1'importance sur la scè- ne publique. Inspirée par l'objectif d'une meilleure intégra- tion des étrangers, une initiative populaire fut nettement rejetée pac le peuple suisse (1981). Un projet de révision de la loi sur les étrangers proposé par les autorités fédé- rales subit ensuite le même sort (1982) parce qu'étant aussi jugé trop libéral par les mouvements xénophobes. 7.2.2.2 Frontaliers et autres catégories de travailleurs étrangers La politique poursuivie depuis le début des années '60' a abouti ainsi à assimiler progressivement les travailleurs étrangers .'résidants (établis et annuels ) à la main-d'oeuvre indigène. Avec les années, un nombre croissant d'autorisa- 1) Ordonnance du Conseil Fédéral du 22 octobre 1980, ROLF 1980, II. pp. 1574-1590. - 200 - tions de séjour à l'année ont été transformées en permis d'établissement. Au contraire, une partie relativemnt faible de saisonniers ont pu accéder à un statut de résidents, en raison du rôle conjoncturel de plus en plus marcué que la réglementation leur conférait. Les travailleurs frontaliers forment en quelque sorte une catégorie à part dans la mesure où ils échappent à la dicho- tomie "stable-conjoncturel". Les mesures restrictives édic- tées par le Conseil Fédéral ne les touchèrent que pendant une courte période. Ils ne furent assimilés aux autres travailleurs étrangers que par les deux premiers arrêtés "restreignant l'admission de main-d'oeuvre étrangère" . Dès 1966, les frontaliers ne furent par contre plus compris dans 1'effectif des travailleurs étrangers . Ils échappèrent ensuite également au système du contingentement global et il faut attendre 1973 pour que le Conseil fédéral prenne des mesures restrictives afin de freiner la très forte augmenta- tion des effectifs enregistrée à cette époque. Il s'agit d'une redéfinition des conditions d'octroi des autorisations frontalières, qui prévoit que le.frontalier doit résider dans la zone frontalière depuis au moins six mois, que son lieu de travail doit également être situé dans cette zone et qu'il a l'obligation de regagner quotidiennement son ^ . ¦-, 3} domicile La figure 7.1 montre bien, qu'après avoir stagné entre 1964 et 1966 à la suite des mesures restrictives prises par le Conseil fédéral, l'effectif des frontaliers a crû régulière- ment jusqu'à l'irruption de la crise. 1) Arrêté du Conseil fédéral (ACF) du 1er mars 1963 et du 21 février 1964. 2) Ordonnance du Département fédéral de l'économie publique: du 1er mars 1966, ROLF 1966, I, p. 500. 3) ACF' du 6 juillet 1973, ROLF 1973, I, p. 1098. - 201 - Figure 7.1: Evolution des effectifs des différentes catégo- ries de travailleurs étrangers en Suisse (fin août) 500000 I-------1-------1-------1-------r—i-------1-------1 i-------1-------1-------1-------1-------r 1960 1970 1980 Source:Oliami; Graphique Ph. Jeanneret Avec une diminution de 25% entre 1974 et 1977, la chute des effectifs frontaliers fut sensible mais toutefois beaucoup moins importante gue celle subie par les saisonniers ou les annuels. Par rapport au milieu des années cinguante, la catégorie des frontaliers est celle qui enregistre la plus forte progression, si on fait abstraction des étrangers mis au bénéfice d'une autorisation d'établissement, ftvec 111'500 personnes le record de 1973 (HO'OOO) est d'ailleurs dépassé en 1982. Oe moins de 10% au milieu des années soixante, la part des frontaliers dans la main-d'oeuvre soumise à con- trôle - segment sur leguel la politigue' d'immigration agit en priorité - atteint presqu'un tiers en 1983. Ceci est - 202 - d'autant plus significatif que Les saisonniers ie peuvent être employés que dans quelques branches, surtout dans le bâtiment et l'hôtellerie, activités qui occupent alus de 80% de cette carégorie de main-d'oeuvre étrangère. Figure 7.2: Part (en %) des différentes catégories de main- d'oeuvre étrangère soumise à contrôle en Suisse (fin août) 100W 80*- 1960 1970 I960 Source: Oliamt; Calculs e! graphique Ph. Jeaoneret Nous pouvons donc conclure, gu'en ne s'appliquant pas aux travailleurs frontaliers, les mesures restrictives adoptées par la Confédération en matière d'immigration ont été en partie à 1'origine de la très forte augmentation du nombre de frontaliers travaillant en Suisse enregistrée depuis le milieu des années soixante. - 203 - 7.2.3 Frontaliers: profil socio-économique et répartition géographique RICQ (1981) relève qu'il est très difficile de tracer un profil du frontalier européen "type" parce que les condi- tions socio-économiques varient considérablement d'un pays à l'autre. La seule constante que puisse dégager cet auteur est qu'en moyenne (à quelques exceptions près, dont Genève) la part du secteur secondaire est plus importante dans l'emploi des frontaliers que dans celui de la main-d'oeuvre résidante. Bien que cette diversité se retrouve dans le cas de la Suis- se qui jouxte quatre pays différents, il est plus facile de mettre en évidence certaines caractéristiques de cette main- d'oeuvre. De manière générale, les frontaliers sont en effet plus jeunes que les actifs résidants et leur niveau de quali- fication est aussi inférieur. Une telle analyse se heurte cependant très vite à des obstacles importants. Pour que la comparaison reste fondée, il faut qu'elle porte sur une population comparable. C'est la raison pour laquelle nous tenterons dans cette section de comparer les frontaliers aux autres pendulaires ainsi qu'aux autres catégories de travail- leurs étrangers. Cette section sera ensuite complétée par une première analy- se de la !répartition géographique de cette main-d ' oeuvre. Nous nous contenterons ici de situer 1'importance de ce phénomène dans les différents cantons suisses. Les effets découlant de la présence de cette main-d'oeuvre seront par contre aboirdés au chapitre suivant car on ne peut pas entre- prendre uruî telle analyse sans tenir compte des structures socio-économiques des régions concernées. - 204 - 7.2.3.1 Les travailleurs frontaliers et les autres actifs Lorsqu'on analyse la structure par âge et par se>:e des fron- taliers, il n'est pas possible de la comparer sans autre à celle de la population active résidante. Ces caractéristi- ques varient en effet considérablement selon que ces actifs se déplacent ou non pour travailler. Tableau 7.5: Structure par sexe et âge de la population active résidante et des travailleurs fronta- liers1» Population Total active rési Non-pendulaires Jante (SO) Pendulaires Front.i déc. 79 iers août 83 Effectifs 3'098'930 1'85S-152 I'243"784 88'987 105479 Part de femmes !en S) 36.3 39.2 31.8 38.3 35.1 Groupes d'âge : - moins de 20 ans - de 20 à 24 ans - de 25 ä 29 ans - de 30 à 39 ans - de 43 à 49 ans - de 50 à 59 ans - de 60 à 64 ans - 65 ans et plus Total 89.5 126.2 118.4 239.8 ' 195.2 158.1 47.S 25.3 rooo 76.3 113.7 109.1 228.6 202.1 177.7 56-0 36.5 rooo 109.0 145.0 132.3 256.4 184.B 128.9 34.8 e.B ' rooo 53.8 137.9 IBO.a 302,8 199,1 1OS.6 13,7 4.2 rooo 34.8 134.3 153.0 313.9 219.9 118.7 21.1 6.3 rooo Sources : Registre central des étrangers, OFS (RFP 1980); Calculs personnels Le tableau 7.5 nous montre que les pendulaires, c'est-â-dire les actifs qui travaillent dans une autre commune; que celle de leur résidence, sont en moyenne beaucoup plus jeunes que le reste de la population active. Finalement, la relative jeunesse des travailleurs frontaliers n'est plus si éviden- te. La structure par âge des pendulaires résidants est en 1) La structure par sexe n'est pas disponible par groupes d'âge en ce qui concerne la population active résidante. - 205 - effet plus proche de celle des frontaliers que de celle des non-pendulaires. Outre un taux de féminité élevé et le faible poids des classes d'âges de moins de vingt ans - cette catégorie de main-d'oeuvre ne comprend qu'une très faible part de jeunes en formation -, les frontaliers se distinguent par la modifi- cation relativement rapide de leur pyramide des âges. Entre décembre 1979 et fin août 1983 la part relative des femmes s'est en effet sensiblement abaissée alors que la moyenne d'âge a augmenté de plusieurs points. Une telle évolution est assez difficile à interpréter car elle peut avoir été influencée par des facteurs conjoncturels ainsi que par des facteurs structurels qui varient de manière importante d'une région à 1'autre. Toutefois, on doit constater que la forte augmentation des effectifs intervenue au cours de la période examinée ne s'est pas traduite par un rajeunissement de cette main-d'oeuvre. Au contraire, le vieillissement de la pyramide a été régulier et a touché à la fois les hommes et les femmes. Il n'est d'ailleurs expliqué que dans une faible mesure par la diminution de la part relative des femmes, catégorie dont la moyenne d'âge est nettement plus basse Nous pouvons donc faire 1'hypothèse que cette évolution correspond à une progression de la dimension structurelle de la main-d'oeuvre frontalière. La comparaison avec le autres catégories de travailleurs étrangers montre que le profil démographique des frontaliers se rapproche sensiblement de celui des étrangers stables. Même si les frontaliers sont en moyenne plus jeunes, cette différence perd de son importance lorsqu'on considère que la catégorie des établis comprend à la fois des pendulaires et des ncn-pendulaires. A 1'opposé, les bénéficiaires de permis annuels et, surtout, les saisonniers ont une moyenne d'âge nettement inférieure à celle des frontaliers. 1) La part des moins de 30 ans est en 1983 de 27.2% pour les haïmes et de 41.8% pour les femmes. En 1979 ces chiffres étaient respectivement de 30.5% et 48.1%. - 206 - L'examen de la structure d'emploi des frontaliers confirme la remarque de RICQ (1981): cette catégorie de travailleurs est davantage concentrée que la'moyenne dans le secteur secondaire et, plus particulièrement, dans l'industrie. Comme l'a démontré Jean-Philippe WlDHER (1978), l'immigra- tion massive de la main-d'oeuvre étrangère s'est traduite dans l'après-guerre par une modification profonde des struc- tures productives de 1'économie suisse. Ces transformations résultent d'un double mécanisme. Il y a eu, globalement, un processus de substitution, les étrangers remplaçant les Suis- ses qui quittaient le secteur secondaire pour occuper des emplois plus "gratifiants" dans les activités tertiaires. Ce phénomène a toutefois varié fortement d'une branche à l'au- tre. Dans les activités industrielles les plus dynamiques comme la chimie, l'augmentation de la main-d'oeuvre étrangè- re a été principalement induite par la croissance de la bran- che. Dans les branches en perte de vitesse, marquées depuis longtemps par la chute de l'emploi, l'immigration n'a fait par contre que compenser partiellement les départs d'actifs de nationalité helvétique. Ainsi que 1'indique le tableau 7.6, le déséquilibre de la structure d'emploi des étrangers qui résulte de ces proces- sus est encore accentué dans le cas des frontaliers. En 1975, environ sept frontaliers sur dix travaillaient dans le secteur secondaire. Cependant, la comparaison des fronta- liers et des étrangers résidants montre que le poids de ces deux catégories d'actifs varie beaucoup d'une branche à l'au- tre. Notamment, les étrangers résidants sont surrepresentés dans le bâtiment et l'hôtellerie parce que ces deux activi- tés occupent un très fort contingent de saisonniers. A 1'in- verse, le poids des frontaliers est nettement supérieur à la moyenne dans des branches aussi opposées comme l'habillement et la chimie. Si la comparaison est également favorable aux frontaliers dans le domaine des transports, des banques et du commerce de gros, il faut néanmoins constater que cette - 207 - Tableau 7.6 : Répartition par branche et degré de spéciali- sation des frontaliers et des autres étran- gers en 1975 1' Emp Suisses et étrangers ois Etrangers résidants Fronta-liers Degré spéci a Etrangers ré sidants de isation Frontaliers Secteur secondaire !'213-615 343'727 55-619 1.33 1.43 2/3 lndjstrie, arts et metiers - 24 TeUi les ¦ 25 Habillement - 31 Chimie - 34 Metallurgie ¦ 35 Machines, appareils - 36 Horlogerie 4 Bâtiirent 953'710 43'341 46'319 68'975 175'983 254'215 61'05B 225'503 242'692 18-782 20'463 11*578 41*941 78-B86 12-610 97-669 46-595 2-071 5"171 8'174 7'795 l'997 1-031 8'528 1.20 2.06 2.11 0.78 1.13 1.46 0-96 2.03 1.52 1.47 3.56 3.74 1.39 0.25 2.08 Ì.18 Secteur tertiaire !'324'120 196-049 25'709 0.70 0.61 - 61/62 Cocirerce de gros - 64/65 Commerce de d&tail - 66 Banques, assurances -- 71 Transports - 72 Pestes, télécomnunications - 73 Hctols, restaurants Ë/9 Aul res services dont Bl Administration publique 113-177 228*791 105-105 120'112 50'969 158'5OO 531*359 B9'0O8 15-776 28'434 9'5Ol H'485 l'022 56'480 75*660 l'4B8 3'212 3'164 2-051 4-224 52 2*017 6'UB 190 0.64 0.59 0.44 0.45 0.10 1.69 0.67 0,09 0.87 0.43 0.61 1.11 0.05 0.40 0.35 0.06 Total ¡econdaire et tertiaire 2'537'735 539-776 81'328 1.00 1.00 Source : OFS fRFE 19751; Calculs personnels catégorie d'actifs reste, comme les autres étrangers, large- ment sous-représentée dans le secteur tertiaire. Une grande partie des différences observées entre fronta- liers et étrangers résidants doit être imputée à la réparti- tion géographique des activités, certaines branches étant 1) Emplois à temps complet. Les frontaliers comprennent quelques person- nes de nationalité suisse. Le degré de spécialisation est obtenu en rapportant la part de la catégorie dans une branche à sa part calcu- lée pour l'ensemble des activités. - 208 - mieux représentées dans les régions frontières. C'est ce fac- teur qui explique que l'impact de la main-d'oeuvre fronta- lière ne peut être analysé qu'en relation étroite avec une approche détaillée des structures régionales. Toutefois, même si nous ne disposons à ce stade que de quelques éléments d'informations épars - notamment le degré de qualification de ces différentes catégories d'actifs reste inconnu -, il est possible de formuler un certain nombre de remarques quant à 1'impact global des migrations frontalières. Tout d'abord, l'analyse de son profil démogra- phique nous montre que, malgré les fluctua C i ors ¿i court terme, cette main-d'oeuvre s'inscrit de manière de plus en plus structurelle dans 1'économie helvétique. Ensuite, l'examen de l'emploi par branche vient en partie confirmer et compléter nos hypothèses de travail (voir 7.2.1.2). L'impact de la politique d'immigration reste en effet ambivalent. Dans certains cas, notamment en ce qui concerne la chimie et certaines activités tertiaires, cette politique est un facteur nécessaire mais non suffisant du développe- ment des migrations frontalières. Au contraile, on est semble-t-il en présence d'un facteur déterminant, lorsque ce sont des activités menacées, l'habillement par exemple, qui sont concernées, 7.2.3.2 Répartition géographique, première approche En ne provenant, par définition, que des pays limitrophes de la Suisse, les frontaliers se distinguent fondamentalement des autres catégories de main-d'oeuvre étrangère. En effet, ce n'est pas la proximité qui détermine ces migrations "défi- nitives" mais la situation du marché du travail des pays d'émigration. L'essentiel de ces étrangers provient des pays de l'Europe du Sud qui se caractérisent par un surplus de main-d ' oeLivre. - 209 - Tableau 7.7: Provenance fen %) selon la nationalité des différentes catégories de travailleurs étran- gers en 1983 (fin août) Etablis Annuels Saisonniers Frontaliers Total Pays voisins de la Suisse : - R.F.A. - France - Italie - Ajtriche 70.3 9.2 5.3 51.5 4.3 32.3 7.4 3.8 19.2 2.0 26.0 1.7 1.8 21.0 1.5 99.6 17.2 44.9 31.3 6.2 62.2 9.1 ID.3 39.0 3.8 Autres pays dont : - Espagne - Portugal - Yougoslavie - Turquie 29.7 . 12.4 0.9 4.4 3.6 67.6 12.5 7.1 17.0 8.2 74.0 22.1 20.9 29.4 0.1 0.4 0.1 0.0 0.0 0.0 37.8 11.9 4.5 9.3 3.4 Total 100 100 100 100 100 Sou-ce : Registre central des étrangers, Calculs personnels A l'origine, la plus grande partie des immigrés étaient de nationalité italienne. Progressivement, l'aire de recrute- ment s'est étendue en direction de pays plus éloignés. Aujourd'hui, ces autres pays fournissent la majorité des tra- vailleurs soumis à contrôle, qu'il s'agisse des annuels ou des saisonniers. Malgré cette évolution, la répartition géographique des étrangers résidants{établis et annuels) indique qu'il existe une nette préférence de nature culturelle dans le choix du lieu de résidence. 1> Une faible proportion des frontaliers est de nationalité "étrangère" par rapport au pays de résidence. - 210 - Tableau 7.8: Nationalité (en % > de la main-d'oeuvre étrangè- re résidante (établis et annuels) dans les dif- férentes régions linguistiques en 1983 (fin août)1' Suisse Suisse Suisse Suisse romande alémanique - italienne Total R.F.A. 3.2 1 1 .8 2.8 8.8 Autriche 0.8 5.3 0.7 3.7 France 14.9 I. 1 0.G 5.0 I taJ i e 38.2 42.6 04. 0 4 3.9 Autres pays 42.9 39.2 11.1 38.6 Total 100 100 100 100 Source : Registre centrai des étrangers; Calcu.ls personnels Si les Italiens fournissent le plus fort contingent de main- d'oeuvre étrangère dans les trois principales régions lin- guistiques, on remarque néanmoins que les personnes en prove- nance des pays voisins de la Suisse s'établissent avant tout dans les régions dans lesquelles on pratique la même langue. Il est difficile de dire si cette préférence culturelle se double d'un effet de proximité géographique. Si dans cer- tains cantons frontières la part,des immigrés en provenance du pays immédiatement limitrophe est encore plus élevée, une telle échelle géographique reste cependant trop peu désagré- gée pour qu'on puisse identifier cet effet avec certitude. Malgré cela, il est vraisemblable que les liens historiques qu'entretiennent les régions frontières avec les pays voi- sins se retrouvent au niveau de l'immigration. Toutefois, ces différences restent mineures si on considère que la plus grande partie des,étrangers provient de pays éloignés. 1) Les Grisons sont inclus dans la partie alémanique. - 211 - Tableau 7.9: Emploi total (secteurs secondaire et tertiai- re), frontaliers et autres étrangers dans les cantons en 1975 Cantons Total Suisses et étrangers Etrange residan effect. rs ts I Franta effect. i ers X Zurich 50«'625 114-919 22.8 1-474 0.3 Berne 338'630 47-692 14.1 259 0.1 Lucerne IGO'879 16*041 15.9 - - Uri 12'613 2*733 21.6 - - Schwyz es*75i 5*117 17.8 - - Obwald 7'B78 1*361 17.3 - - Nid-ald 9'190 1-569 17.1 - - Glaris 15*295 4*044 26.4 • - Zoug 29'114 S'799 19.9 - - Fribourg 5T151 7-118 13.1 - - Soieure 90-335 17'565 19.6 3B3 0.4 Bàie-Ville 136'831 23*557 17.2 14-764 10.8 Bàie-Campagne 69'087 16*595 24.1 3-551 5.1 Schaffhouse 30'887 6-510 21.1 2-716 8.8 Appeniel1 Rh.-E.- 14'24B 3*401 23.9 31 0.2 Appenzell Rh.-I. 3'571 576 16.2 3 0.0 Saint-Gall 147'654 28'4SB 19.3 3'973 2.7 Grisons 67'722 19'246 28.4 752 1.1 Argoïie 168'029 36'602 21.9 3'335 2.0 Thurgavie 63'209 16'874 ZS.1 970 1.5 Tessin 120'85B 32'922 27.2 23'227 19.2 Vaud 192-677 50'2SO 26.1 1-406 0.7 Valais 77-89-1 14'37B 18.5 1-254 1.6 Neuchatel 67-256 16-509 24.5 2-011 3.0 Genève l62'953 46*984 28.8 19-741 12.1 Jura 23*167 3*649 15.7 1-478 6.4 Suisse total 2-537-735 539-776 21.3 81'328 3.2 Source : OFS (RFE 1975); Calculs personnels L1 examen d<; la répartition géographique des travailleurs frontaliers (voir tableau 7.9) montre que cette catégorie de main-d'oeuvre n'est absente que dans huit des 26 cantons et demi-cantons suisses. L'impact, mesuré par rapport à 1) Emplois à temps complet. L'effectif des frontaliers comprend des per- sonnes de nationalité suisse. - 212 - l'emploi total, et le volume de ces migrations varient toute- fois considérablement d'une région à l'autre. A eux seuls, quatre cantons (Bâle-Ville, Bâle-Campagne, TesE.in et Genè- ve) regroupent environ les trois quarts des fronteliers occu- pés en Suisse. Ces cantons, dont la quasi totalité du terri- toire se situe en zone de frontière, sont également ceux dans lesquels le poids de cette catégorie de me in-d'oeuvre par rapport à l'emploi total est le plus important.. Si l'effectif des frontaliers travaillant dans les cantons situés entre Genève et Bale est nettement plus faible, cela ne signifie pas pour autant que l'intensité de ce phénomène y soit inférieure. Les pourcentages du tableau 7.9 s'appli- quent en effet à l'ensemble du territoire de ces cantons. Si on ne tient compte que des zones frontières, ces rapports se modifient et le poids des frontaliers dans l'emploi total devient plus proche du rapport observé à Baie et à Genève (voir JEANNERET et MAILLAT 1981). La comparaison entre frontaliers et étrangers résidants livre également une information intéressante: i.l n 'existe pas de relation claire entre ces deux categories; de main- d'oeuvre. Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, la part des étrangers résidants dans l'emploi total n'est pas inférieure -au contraire elle est relativement élevée - dans les cantons qui occupent un fort contingent de frontaliers. Cela signifie, d'une part, que cette catégorie de main- d'oeuvre ne s'est pas substituée aux autres étrangers et que, d'autre part, l'évolution et l'importance relative de ces migrations dépendent dans une large mesure de facteurs économiques régionaux. Dans ce sens, la politique d'immigra- tion constitue surtout un facteur permissif et il nous faudra analyser dans le détail le rôle des structures et des spécificités régionales au chapitre suivant. 1) On a inclu ici le demi-canton de Bâle-Campagne parce que cela permet de mieux tenir compte du périmètre de l'agglomération baloise. - 213 - CHAPITRE 8 LES STRUCTURES SOCIO-ECONOMIQUES 8.1 Profil socio-economique de la région frontière franco- suisse *it problématique Avant de détailler la problématique qui sera développée dans ce chapitre, il convient de tracer au préalable un portrait synthétique des principales caractéristiques démographiques et économiques de notre région d'étude. En effet, ce périmè- tre juxtapose à la fois des régions urbaines et des zones à faible densité qui toutes deux nécessitent une approche spé- cifique. 8.1.1 Structures urbaines et répartition de la population La première étape obligée d'une étude des structures socio- économiques d'un espace divisé par une frontière internatio- nale demande un long travail d'approche afin de rassembler des informations statistiques comparables d'un pays à l'au- tre et de choisir les indicateurs les plus pertinents. Cette tâche étant considérablement compliquée du fait que les critères et les concepts statistiques diffèrent d'un pays à l'autre - il s'agit là d'un effet des fonctions légales de la frontière qui est très facilement perceptible pour le chercheur -, nous nous référerons avant tout aux données concernant 1'effectif et la répartition spatiale de la population. Ces éléments, qui seront ensuite complétés par une rapide analyse de la structure sectorielle des emplois, doivent aboutir en premier lieu à une présentation synthé- tique, au moyen de quelques cartes , des différentes 1) Cette représentation cartographique pose d'ailleurs un problème épi- neux. Il n'existe pas de fond de carte indiquant sur une base unifor- me le coitour des différentes unités politiques et administratives (communes, cantons, départements etc.) pour l'ensemble du périmètre étudié. C= travail a été réalisé sur la base d'un collage d'éléments disparates réalisé par l'Office fédéral de la topographie à l'inten- tion d'une étude financée par l'Office de l'aménagement du territoire (OFAT; voir JEANNERET 1982). - 214 - composantes de 1'espace franco-suisse et de leurs principa- les caractéristiques. 8.1.1.1 Hiérarchie urbaine et der.sité de la popule.tion Le plus large périmètre - environ 46'000 kilomètre carrés pris en compte dans cette étude livre une image étendue de la hiérarchie urbaine de 1'espace franco-suisse. Pour cela nous nous baserons sur les définitions les plus récentes des agglomérations urbaines utilisées de part et d'autru de la frontière. Tableau 8.1: Population résidante dos agglomérations urbai- nes de la région frontière franco-suisse Suisse : Agglomérations 1980 France : Unités urbaines 1982 ... - agglomération Internationale 489"000 - agglomération suisse 366*865 r a agglomération internationale 444'00O - agglomération suisse 363*953 Berne 298*125 Mulhouse 220*613 Lausanne 253*003 Montbéliard 128*194 Besançon 120*772 Annecy 1Î2'632 Sienne 84*056 Belfort 76'22l Neuchätel 66*494 Fri bourg S6-019 Sources : OFS (RFP 1980). INSEE (RP 1982Ï, estimations personnelles Complété par la carte 8.1, ce tableau indique que les agglo- mérations suisses de Genève et de Baie dominent nettement 1) Nous n'avons retenu ici que les agglomérations de plus de SO'OOO habitants. Pour la comparaison des définitions suisse et française des agglomérations, voir 6.2.2.2. 2) On fait abstraction ici des unités urbaines de Lyon (T220'844 hab. ) et de Strasbourg (373'47O) qui sont situées en bordure du périmètre retenu. - 215 - Carte 8.1 : Population résidante des agglomérations urbaines et des principales communes (communes de plus de 2'000 habitants) ~ — — : Frontières internationales ----------: Cantons(CH) Departements IF) 30 k 50 • 2 à 5 Sources:OFS, INSEE; Carte Ph.Jeanneret 1) Agglomérations (CH) et Unités Urbaines (F) de plus de 50'000 habitants. France : population sans doubles comptes. - 216 - la hiérarchie urbaine de cette zone frontière, qu'on tienne compte ou non de leur extension sur sol étranger. Les autres centres urbains situés entre ces deux pôles sont de taille inférieure et sont surtout plus éloignés de la fiontière. La Montagne jurassienne, qui se superpose à la zone frontière franco-suisse, est ainsi dépourvue de centres de rang supé- rieur. Situées au Nord-Est de cette zone, les agçlomérations de Belfort et de Montbéliard sont très proches du canton du jura et s'étendent jusqu'à proximité de la frontière. Ces différences sont encore mieux illustrées par l¿i carte 8.2 qui représente la densité de population è 1'échelle communale. Outre le fait qu'elle permette d'identifier la plupart des centres importants, cette variable permet de découper 1'espace d'étude en plusieurs zones contrastées. Schématiquement, on peut opposer le long de la 1 igne fron- tière deux types de régions: d'une part, les zones à forte concentration de Genève et de Baie et, d'autre part, un espace intermédiaire caractérisé par une grande dispersion de la population et des activités. Cette dernière zone peut ensuite être découpée selon deux axes. On remarque en effet que la densité est nettement plus élevée dans la partie suisse ainsi que dans l'extrémité située à l'Est du périmè- tre. A l'opposé, la densité de population des départements du Doubs et du Jura est particulièrement faible- A l'excep- tion de quelques communes frontières et de l'agglomération de Besançon, cet espace correspond bien à ce qu'on appelle communément le "désert français". 8.1.1.2 Structures d'activité et évolution de la population Ces disparités se retrouvent également au niveau de la struc- ture sectorielle des activités. Pour des raisons pratiques, nous avons effectué cette analyse à un niveau géographique plus agrégé, celui des districts suisses et des cantons fran- çais. La carte 8.3 marque bien la liaison qui existe entre la - 217 - Carte 8.2 : Densité de population par commune dans la zone frontière franco-suisse Frani¡Bies ¡ninnai tono he* SourcetiOFS. INSEE;Cari« Ph.Jeannerel - 218 - Carte 8.3 : Structure sectorielle d'activité des districts suisses et des cantons français en 1975 , Froniié'ts inlern* ! ion a Ui Source*- OFS. INSEE : Calculi el etile Ph, Jeenneret - 219 - concentration de la population et celle des emplois du secteur tertiaire. La typologie retenue permet également de mieux caractériser cet espace. Notamment, les zones françai- ses à très faible densité restent dominées par les activités agricoles alors que la partie suisse de la Chaîne du Jura voit prédominer les activités industrielles.Si la région genevoise est marquée par une très forte présence du ter- tiaire, la partie Est de cette carte offre aussi une image différente. En effet, les agglomérations de Baie ainsi que de Belfort et Hontbéliard sont davantage orientées vers 1'industrie, les activités tertiaires restant cantonnées dans les centres. Tableau 8.2: Evolution (absolue et indicée) de la popula- tion résidante des cantons suisses et des dé- partements français CH 1900 F 1901 CH 1941 F 1946 CH 1960 F 1962 CH 1970 F 1968 CH 1975 F 1975 CH 1980 F 19B2 Cantons lui SSti Gen6»e v*ud Neuchltel Juri Bilí (BS-EL) 132*609 (100) 2B1'379 (100) 126-279 (100) 57'4GO (100) 180-724 (100) 174'855 1131.9) 343'379 (122.0) I17'900 (93.4) 56'353 (SB.l) 264'420 (146.3) 259-234 (195.5) 429'512 (152.61 1-17-633 (116.91 63'496 1.110.5) 373'870 (206.9) 331-599 (250.1) 511 'B51 (181.9) 169'173 (134.0) 67-261 (117.1) 439-634 (243.4) 335'734 (253.2) 525'864 (186.9) 165'868 (131.4) É7'479 (H7.4) 440-500 1243.7) 349'040 (263.2) 528*747 (187.9) 158-368 (125.4) 64-986 (113.1) 423-737 (234.5) Départements français Haute'Javoi e AIn Juri Ooubi Belfort Haut-Rhin 263'803 (!0Ol 343*048 (100) 261M 79 (100) 298'913 (1001 92'304 1100) 495 '20*9 (100) 270-565 (102.6) 29B-556 (87.0) 216-396 (82.8) 298'355 (99.8) 86-64B (93.91 471'705 195.31 329'230 (124.81 314'457 (91.7) 225'584 IB6.4) 3B4'979 1128.8) 109-371 (118.5) 547'920 (110.6) 378-550 (143.5) 339'262 (9B.9) 233'441 IB9.4) 426'469 I14Î.7) 118-450 (128.3) 585'Oie (118.1) 447-795 (169.71 376'477 (109.7) 23B'B56 191.5) 471-082 1157.6) 128-125 1138.8) 635'209 (128.3) 494-505 (187.5) 418-516 .(122.O) 242-925 (93.0) 477-163 (159.6! 131*999 (143.0) 650-372 (131.3) Sources : IHSEE; OFS; Recensements cantaaux , Calculs personnels L'analyse de l'évolution dans la longue période de la popu- lation des grandes unités administratives et politiques - 220 - permet non seulement de retrouver cette opposition entre centres urbains et autres régions mais illustre également l'effet de disjonction introduit par la frontière. On remarque tout d'abord que les cantons suisses de Genève et de Bale ont enregistré la croissance la plus forte sur 1'ensemble de la période: ces deux régions urbaines ont vu leur population plus que doubler entre 1900 et 1980.Ensuite, la comparaison entre les deux pays indique que les rythmes de croissance ont été différents de part et d'autre de la frontière. Dans un premier temps, la croissance démographi- que française a été considérablement ralentie par les effets des deux guerres mondiales. Cette différence s'est prolongée jusqu'à la fin des années '60', la croissance étant particu- lièrement soutenue du côté suisse grâce à 1'immigration de travailleurs étrangers. Depuis, ce rythme s'est fortement ralenti. La population des régions françaises a continué de croître grâce à 1'excédent naturel alors que certains cantons suisses enregistraient un fort recul. Cette particularité des cantons jurassiens (Neucbâtel et Jura ) reproduit d'ailleurs ce qui s'était passé dans l'entre-deux guerres. En effet, la grave crise économique des années '30' a eu dans ces régions des conséquences aussi négatives que celles du conflit mondial du côté français. 8.1.2 Problématique Ce rapide survol montre bien que notre problématique ne peut pas être unique. Elle doit tenir compte du fait que le péri- mètre étudié comprend deux types de régions opposés. Nous distinguerons donc d'une part les agglomérations de Genève 1) On a additionné ici les demi-cantons de Baie-Ville et Baie-Campagne pour pouvoir tenir compte du processus de décentralisation urbaine car Bâle-Ville ne comprend que trois ccmmunes (en 1980/ l'indice est de 181.7 pour Bâle-Ville et de 321.0 pour Bâle-Campagne). 2) L'évolution positive de l'ensemble du canton de Vaud devient négative lorsqu'on ne tient compte que de sa partie jurassienne (voir 8.3). - 221 - et de Bale et, d'autre part, la zone frontière de la Chaîne du Jura. A Genève et à Bale, les effets de la frontière seront abor- dés avant tout sous l'angle des structures urbaines. Il s'a- gira d'examiner comment la frontière agit sur le processus de décentralisation urbaine en le freinant ou, voire même, en le détournant. Pour ce faire on tentera de reconstituer le périmètre de ces agglomérations en tenant compte des sec- teurs de la périphérie qui sont situés sur sol étranger. Les mouvements de la main-d'oeuvre frontalière seront replacés dans ce contexte et seront considérés à priori comme une manifestation "normale" de la disjonction entre lieu de tra- vail et lieu de résidence. On examinera ensuite si cette hy- pothèse se vérifie complètement ou non en comparant le pro- fil de cette main-d'oeuvre avec celui des actifs résidants. A l'opposé, ces mouvements de travailleurs seront envisagés dans la Chaîne du Jura comme une manifestation des effets de la frontière et, notamment, des "différences de pression" qui découlent de la juxtaposition de deux systèmes natio- naux. Cette approche implique qu'on mette davantage 1'accent sur 1'étude des structures socio-économiques, de manière à vérifier le caractère "anormal" de ces migrations et à éva- luer leur impact sur le marché du travail des zones frontiè- res. Dans la mesure du possible on tentera également de comparer ces structures socio-économiques de part et d'autre de la frontière. Le but d'une telle démarche ne sera pas d'analyser les mécanismes de diffusion mais, on s'appliquera au contraire à cerner l'effet de séparation, de disjonction, qui découle de la présence d'une frontière internationale. 8.2 Les agglomérations internationales de Genève et de Baie Les régions urbaines, les agglomérations, se caractérisent par une très forte concentration géographique de la popula- tion et, surtout, des activités. D'abord issue des villes, la croissance s'est largement diffusée dans les zones voisi- - 222 - nés, dans leurs périphéries. Ce phénomène de décentralisa- tion a d'abord touché la population puis les activités industrielles tandis que les services se développaient en restant localisés dans les centres. Bien que, récemment, les grandes agglomérations aient perdu de leur importance relati- ve et qu'il devienne de plus en plus difficile de tracer une limite entre urbain et non-urbain, ce mécanisme de diffusion peut servir de base à l'analyse des effets spécifiques que la frontière exerce dans les régions urbaines. A ce sujet deux hypothèses de travail peuvent è:re formu- lées. Tout d'abord, la frontière freine ou détourne les effets de diffusion de la croissance urbaine lorsqu'un centre est proche de la frontière. En contrôlant, en empêchant parfois les délocalisations et les ftux migra- toires, la limite d'Etat modifie la répartition spatiale des activités et de la population. Ce mécanisme peut recouvrir des effets d'amplification d'un certain nombre de phénomè- nes, mais l'effet de la frontière reste avant tout celui d'une barrière. La seconde hypothèse, relative aux migra- tions alternantes, est complémentaire.' Nous postulerons dans ce cas que la frontière oppose un frein aux mouvements des travailleurs frontaliers qui se dirigent vers la partie de l'agglomération située dans un autre Etat. Ces migrations alternantes, qui peuvent être considérées comme des mouve- ments pendulaires "normaux", s'effectuent donc malgré la frontière et non à cause d'elle. Cette hypothèse est d'au- tant plus fondée qu'il est difficile d'imaginer que, globale- ment, ces flux s'inversent en 1'absence de frontière. Pour dégager ces effets de la frontière nous procéderons avant tout en termes de comparaison. Après avoir délimité les différentes parties des agglomérations internationales de Genève et de Baie, il s'agira de comparer .L'évolution démographique et économique de ces différents secteurs. Cette démarche sera ensuite complétée par une comparaison entre les deux agglomérations internationales et les autres grands centres urbains suisses. En ce qui concerne les - 223 - frontaliers, on examinera comment cette main-d1oeuvre s'intè- gre dans les structures productives afin de vérifier s'il s'agit de pendulaires "normaux" ou non. 8.2.1 Problème de la délimitation des agglomérations 8.2.1 .1 Principes Si 1'objectif principal de la définition statistique et de la délimitation des agglomérations est de mesurer l'ac- croissement de l'habitat urbain, les méthodes utilisées peuvent varier considérablement d'un pays à 1'autre. Ces différences sont en quelque sorte une des manifestations des fonctions légales de la frontière. Chaque pays a non seule- ment un cadre géo-économique propre mais assigne également des objectifs spécifiques à la délimitation de ses agglomé- rations ou zones urbaines. Schématiquement, on peut distin- guer deux types d'orientation: la définition soit peut être formelle en se bornant à délimiter des aires qui se carac- térisent par la continuité de l'espace bâti, soit elle met l'accent sur des aspects fonctionnels (structures d'acti- vité, croissance et migrations de la population, migrations pendulaires, etc. ), critères qui dépassent la simple descrip- tion et qui sont mieux adaptés aux objectifs de la politique d'aménagement du territoire. Les définitions successives retenues en Suisse mêlent à la fois l'aspect formel et l'aspect fonctionnel. Malgré cela, comme le relève Martin SCHÜLER (1983), le terme "aggloméra- tion" , identique dans les trois langues nationales, recouvre des sens en partie différents, ce concept étant perçu sous l'angle formel en Suisse romande et davantage sous l'aspect fonctionnel en Suisse alémanique. Cette différence se retrouve amplifiée lorsqu'on compare les méthodes utilisées en France et en R.F.A.. Mais, ce qui ressort le plus d'une rapide comparaison, c'est que 1'échelle géographique adoptée dans ces deux pays voisins est largement inadaptée aux - 224 - découpages habituels de 1'espace helvétique. Par exemple {SCHÜLER 1984), l'application du critère allemand de "Verdichtungsraum" conduirait à définir au maximum sept grandes régions urbaines suisses (contre 31 ou 33 avec les critères helvétiques). Faute d'une harmonisation internationale en cette matière, notre démarche devra viser avant tout à dégager des critè- res opératoires en tirant parti des informations qui restent comparables de part et d'autre de la frontière. Le but à atteindre n'est pas une définition "scient ifiquenent complè- te" des agglomérations internationales mais bier. plutôt de réunir un certain nombre de points de repère afir d'évaluer l'impact de la frontière sur la répartition spatiale des personnes et des activités- 8.2.1.2 Les définitions suisses et étrangères des agglomé- rations Tout en conservant un double aspect formel et fonctionnel, les critères de délimitation des agglomérations i.tilisés en Suisse ont subi quelques modifications importantes à l'occa- sion du recensement fédéral de 1980 . Ces nouveaux critères ont surtout amené une forte augmentation du nombre de communes inclues dans la catégorie des agglomérations (502 contre 344 précédemment). En termes de population, la part 1) Voir La Vie économique, juillet 1983 ainsi que SQIULER 1984. Les principales modifications introduites sont les suivantes: - le centre d'une agglomération peut être constitué de plusieurs communes. Il n'y a plus de seuil pour ce centre mais l'ensemble de l'agglomération doit atteindre au moins 20'000 habitants; - une commune est rattachée à l'agglomération si au minimum un sixiè- me de sa population active résidante travaille dans le centre et si elle remplit trois parmi cinq autres conditions supplémentaires (continuité du bâti, densité minimale, croissance de la population supérieure à la moyenne, part d'un tiers de la population active résidante travaillant dans le centre, faible proportion d'actifs dans le secteur primaire). - 225 - de cet agrégat est passée de 51.2% de l'ensemble de la popu- lation résidante à 57.7% (pour l'année 1980). Ce glissement a toutefois été moins marqué en ce qui concerne les deux ré- gions qui nous intéressent, ce qui réduit les inconvénients de cette nouvelle formule. La définition de 1'agglomération bâloise a été très peu modifiée: seules deux communes ont été ajoutées, ce qui représente une augmentation de la popu- lation de seulement 0.6%. En ce qui concerne Genève, l'ad- jonction de la région vaudoise de Nyon a fait passer le nombre des communes de 28 à 45 mais cette extension ne se traduit que par une augmentation de 2.4% en termes de population. La prise en compte de ces nouveaux critères se justifie d'au- tant plus que I1OFS a également tenté d'intégrer la compo- sante internationale des agglomérations situées à la frontière. Dans la mesure du possible nous utiliserons donc les mêmes définitions lorsque les données à disposition nous le permettront. Quant à elles, les statistiques françaises distinguent deux types de régions urbaines, les Zones de Peuplement Indus- triel et Urbain (Z.P.I.U.) et les Unités Urbaines. Bien que reposant sur des critères fonctionnels, les Z.P.I.U. recou- vrent des espaces beaucoup trop étendus à l'échelle helvéti- que à cause des seuils adoptés par les statisticiens fran- çais. Pour cette raison nous utiliserons les Unités Urbai- nes, espaces qui sont définis uniquement sur la base de la continuité du bâti et qui comprennent des communes isolées ou des ensembles de communes dont la population atteint au moins 2'00O habitants. Bien que très formelle, une telle définition présente cependant un avantage: 1'INSEE tient compte de la frontière en délimitant une partie française des agglomérations de Genève et de Baie qu'il est possible de reprendre moyennant quelques adaptations. 1) Dans son étude actuellement en préparation, SCHÜLER (1984) définit cinq agglomérations internationales: Genève, Bàie, Constance- Kreuzlingen et Côme-Chiasso/Mendrisio. - 226 - En ce qui concerne Baie, l'analyse est considérablement com- pliquée par la présence du secteur allemand de l'aggloméra- tion. Heureusement, une étude très complète a été réalisée il y a quelques années par la Regio basiliensis (WEISS et HAEFLIGER 1978) et fournit les informations indispensables à notre analyse. De' plus, ce travail fait dans une large mesure la synthèse des recherches antérieures (EICHENBERGER 1968; JENNY 1969) qui ont été consacrées à l'influence que la ville de Bâle exerce sur son arrière-pays. 8.2.2 Evolution de la population et des emplois 8.2.2.1 Genève La delimitation*, de l'agglomération internationale de Genève, présentée par la carte 8.4, correspond à celle qui a été définie par SCfîULER (1984). La partie suisse est celle déterminée à l'occasion du recensement de 1980. La partie française comprend les quatorze communes inclues par 1'INSEE en 1982 , auxquelles a été ajoutée l'Unité Urbaine de Collonges-sous-Salève (communes de Collonges-sous-Saleve, Archamps et Bossy) dans la mesure où il ne semble pas y avoir de rupture du bâti en direction de la frontière suisse. La comparaison de 1'évolution de la population dans les différents secteurs de l'agglomération montre que le centre (la ville de Genève) a régulièrement perdu de 1'importance au profit de la périphérie. De 1960 à 1982 la population du centre a diminué de 10% alors que celle de la périphérie faisait plus que doubler pendant la même période. Malgré une forte croissance démographique (+91.6%), le poids du secteur français dans l'ensemble de l'agglomération 1) La délimitation de 1982 compte une seule commune supplémentaire, Lucinges, par rapport à celle de 1975. - 227 - Carte 8.4 : Délimitation de 1'agglomération internationale de Genève í......> '' "'...../ ......' ¦ ¦ r-S^'SJ^Q^f fond decarts IUEE + + + + + Frontière franco-suisse Se*" Limiies do l'agglomération internationale de Genève - 228 - genevoise reste limité. Cela tient au fait que la périphérie suisse a enregistré une augmentation de sa population encore nettement plus marquée (+134.7%). Si cette comparaison est un premier indice des effets de la frontière - la croissance urbaine s'est davantage diffusée du côté suisse -, un examen plus détaillé montre cependant des variations sensibles d'une période à l'autre. Tableau 8.3: Evolution de la population résidante dans les secteurs de 1'agglomération internationale de Genève CK I F 1 360 962 I CH 1 F I ÌÌ0 Î68 l CH t F 1 Î75 Ì75 1 CH 1982 F 1982 I Secteurs de la périphérie - français - suisse 39-772 89'564 13.0 29.3 49'958 168-936 12.7 43.1 69*957 191"239 16.8 45.9 76-216 210*251 17.2 47.3 Périphérie total 129-336 42.3 218'694 55.8 261-196 62.7 285-467 64.5 Centre (Genève) 176-183 57.7 173-618 44.2 155-759 37.3 157-406 35.5 Agglomération total 305'519 100 392-512 100 416-995 108 tJ43'873 100 Sources : OFS, IfJSEE, recensements cantonaux GE et VD; Calculs personnels La croissance la plus forte a été enregistrée pendant les an- nées '60'. Elle a été spectaculaire du côté suisse (taux de croissance annuel moyen de 6.6%) ce qui fait que le secteur français (3.9%) a tout juste pu maintenir sa part dans l'en- semble de l'agglomération. La première moitié des années '70' a ensuite vu un renversement de tendance : la croissance démographique s'est nettement ralentie du côté suisse mais s'est par contre accélérée dans le secteur français. Enfin, la fin de la période se caractérise par un tasseir.ent marqué et par un rapprochement des deux secteurs de la périphérie. 1) Pour la France: population sans doubles comptes. - 229 - Du côté suisse comme du côté français le taux de croissance annuel moyen atteint environ 1.3¾, tandis que, parallèle- ment, la population de la ville de Genève se stabilise. Les causes de cette évolution contrastée doivent être recher- chées au niveau de l'emploi, une telle comparaison pose cependant (3e nombreux problèmes de nature statistique. Des lacunes importantes subsistent à plusieurs niveaux: - les recensements suisses de la population {I960, 1970 et 1980) ne saisissent pas les emplois occupés par des fron- taliers ; - la statistique de la Police des étrangers ne tient pas compte des frontaliers occupés dans le secteur internatio- nal ; - il n'a pas été possible de reconstituer un "historique" complet de la partie française sur une même base géographi- que. D'autre part, les résultats relatifs à la population active ne sont pas encore disponibles pour 1982. Il a donc fallu procéder à de nombreuses estimations et on a pour cela déterminé un cadre géographique plus adéquat: le reste du canton de Genève (sans la ville) est considéré comme la partie suisse de la périphérie alors que le secteur français correspond à la délimitation utilisée par 1'INSEE en 19751'. Le tableau 8.A montre que la ville de Genève enregistre un très fort excédent d'emplois tout au long de la période. En termes relatifs elle a toutefois perdu de son importance car au cours des années '60' la croissance a été beaucoup plus forte dans le reste du canton. Pour le secteur français, 1) Il ne comprend donc pas les quatre communes de Lucinges, Collonges- sous-Salève, Archamps et Bossy (voir carte 8.4). - 230 - Tableau 8.4: Evolution des emplois dans les secteurs de l'agglomération internationale de Ger.ève 19G0 I 1970 I 1975 I 1980 Périphérie française 13'000 * ä 15'000 8.4 à 9.G 19'0OO 9.0 23'6OO 10.5 Périphérie suisse (reste du canton) P.A.D. + Pendulaires (CH) * Frontaliers 22 '343 8'528 1'200 * 33'6Î2 13-937 7'800 * 9'80O * 23'6OO 37'250 10-500 * • Emplois 31*800 20.3 à ?0.9 59'500 * 28.0 67'800 * 10.2 71'360 * Périphérie total «'800 è 46'BOO 29.0 i 29.9 78'800 * 37.0 91'4QQ * •10.7 Centre (Genève) P.A.O. + Pendulaires (CH) + Frontaliers 88'795 18*933 reoo * 81'376 40'201 12'200 * 14-300 * 69'905 56*235 16'4OO * ¦ Emplois 109*500 * 70.1 à 71.0 133*700 * 63.0 133'400 * 59.3 142'540 * Aggionérat ion total 154'30O , è 156'3OO 100 212'200 * 100 224'800 * 100 Sources : OFS, SCSGE, INSEE; Calculs et estimations personnels cette période a été surtout marquée par la progression des migrations frontalières en direction de la Suisse. Cette situation s'est cependant modifiée à la fin de la décennie. En effet, la partie française a connu à ce moment-là une croissance de l'emploi supérieure à celle de la partie suis- se. En fait ce phénomène correspond plutôt à une meilleure résistance de l'emploi car les chiffres de 1975 tiennent compte déjà d'une forte diminution de l'emploi - surtout du côté suisse - intervenue à la suite de la crise économique. 1) P.A.D.= population active domiciliée = actifs travaillant et résidant dans la commune. Pour 1980, on n'a pas éliminé les migrations ayant lieu à l'intérieur de la périphérie suisse (elles augmentent donc le poste "immigrants"). Les chiffres estimés {signalés par une astérisque) tiennent compte notamment du secteur international. - 231 - Cette résistance de l'emploi du côté français de la fron- tière s'étend d'ailleurs à une zone plus large que celle de l'agglomération. Elle touche en fait l'ensemble du Genevois français qui peut être défini comme le bassin d'emploi fron- talier de Genève. Comme le relève une étude de J.-P. VERDIER (1980), ce phénomène peut être en partie attribué à l'effet induit par le développement des migrations frontalières. En effet, le Genevois français a connu un très fort excédent migratoire au cours de la période intercensitaire 1968-1975. Sur les quelques 3O1OOO actifs qui sont arrivés dans la région pendant ces sept années, l'auteur précité considère qu'environ 8'600 ont acquis le statut de frontalier et que 9'400 autres ont occupé des emplois laissés vacants par les indigènes devenus frontaliers pendant cette période. Ce pro- cessus a servi de base au développement de la région, qui a pu se poursuivre malgré la forte diminution du nombre des travailleurs frontaliers. En effet, on peut estimer qu'une bonne partie des frontaliers qui ont perdu leur emploi ont pu retrouver du travail dans le Genevois français. L'examen des différentes catégories de mouvements pendulai- res au début des années '80' fournit une base d'appréciation relativement simple des conséquences de l'existence d'une frontière internationale sur la répartition de la population et des emplois dans l'espace genevois. La comparaison de ces différents flux pendulaires montre tout d'abord que le canton de Genève forme un bassin d'emplois qui est dans une large mesure indépendant du reste de la Suisse. Ensuite, le nombre des actifs genevois qui tra- vaillent en France est extrêmement faible, ce qui constitue une des manifestations les plus claires de la frontière. Si les rapports entretenus avec les régions suisses voisines reflètent la forte attraction exercée par le pôle gene VOi-S.,. les relations avec la France sont marquées par un déséquili- bre beaucoup plus fort et traduisent un rapport de domina- tion à sens unique. - 232 - Tableau 8.5: Emplois et migrations alternantes dans le can- ton de Genève au début des années '80' Recensement fédéral de 1980 Actifs résidant et travaillant dans la même commune 93-505 Pendulaires : - Actifs résidant dans le canton et travaillant : . dans une autre cornaline du canton 85'1Zl , dans un autre canton suisse l'I« . en France 163 - Actifs résidant dans un autre canton et travaillant dans le canton de Genève a'37fl Recensement français de 1982 Frontaliers soumis i contrôle 23'032 Frontaliers de nationalité suisse von Frontaliers occupés dans le secteur international fl'539 Frontaliers "occasionnels" 35? Actifs travaillant dons le cantar de Genève 215'935 Source : SCSGE; Calculs personnels Les différentes composantes de la main-d'oeuvre frontalière apportent encore une autre information. Le nombre des Suisses qui résident en France et qui travaillent à Genève est également très limité. Cette particularité ne tient pas à la politique d'immigration suisse - ces personnes n'ont pas besoin d'un permis de travail - mais aux mesures prises par les autorités'françaises. En effet, les très fortes pres- sions exercées sur le marché immobilier de la région frontiè- re par des acheteurs genevois ont amené la France au début des années '70' à limiter très strictement les autorisations d'établissement octroyées aux étrangers. L'impact de cette mesure peut être mieux apprécié si on considère les mouve- ments de population qui se sont déroulés au sein de la partie suisse de 1'agglomération. Uniquement entre 1965 et 1) Frontaliers "occasionnels" = personnes travaillant à Genève pour un employeur français (régie, intérim). - 233 - 1970, ce sont environ 19'0OO personnes qui ont migré de la ville de Genève vers le secteur suisse de la périphérie (délimitation 1970), ce qui représente près des deux-tiers des nouvelles arrivées enregistrées dans cette zone (voir ROSSI 1983). Nous pouvons en déduire que si la frontière n'a pas empê- ché la creissance de 1'agglomération, elle a par contre blo- qué une partie des mécanismes de décentralisation urbaine. La croissance du secteur français n'est pas le résultat d'un processus de déconcentration mais la conséquence d'une croissance "séparée", en partie autonome et en partie indui- te par le développement des migrations frontalières. Dans le sens inverse, la comparaison de 1'effectif des fron- taliers avec les autres migrants et avec les actifs rési- dants des communes françaises de la périphérie permet de mieux mesurer l'impact de la frontière. En 1975, 62.2% des actifs du secteur français étaient des migrants e 1ternants , c'est-à-dire que ces personnes travail- laient en Suisse (frontaliers) ou dans une autre commune française. Bien que cette proportion soit élevée, elle reste cependant comparable à ce qu'on peut observer dans le sec- teur suisse de la périphérie: en 1970, 67.7% des actifs des communes genevoises (sans la ville de Genève) travaillaient dans une autre commune, part qui est passée à 75.2% en 1980. Ainsi, le fort développement des migrations frontalières n'a semble-t-il pas provoqué une augmentation "anormale" de la mobilité spatiale dans cette région. Nous pouvons remarquer au contraire que le poids des frontaliers est relativement faible dans la zone Est du secteur français. Cela tient au fait que la commune d'Annemasse joue dans une certaine mesu- re le rôle d'un centre secondaire indépendant en offrant des emplois aux actifs des communes voisines. Bien que ce phéno- mène soit moins marqué que dans le secteur allemand de - 234 - Tableau 8.6: Population active résidante, migrants alter- nants et frontaliers dans les communes fran- çaises de l'agglomération genevoise en ì 975 Communes Actifs résidant dans la comtune (A) Actifs t a l'ext Total(B) availlant rieur ttont fron taliers Front en ' (B) Ii ers de (A) Ferney-Voltaire 2'871 T 828 1-580 86.4 55.0 Prevessin-Moens 642 523 401 76.7 62.5 Ornen 485 420 337 80.2 73.6 Annexasse 11'76Z 5-103 3-151 61.7 26.8 Gaillard 4 "794 3-B14 2'611 63.5 54.4 Saint-Julien-en-Genevols 2'943 1-565 l'274 81.4 43.3 Anbi1 Iy 2'62O 2-196 T120 51.0 42.7 Ville-la-Grand 2'260 !'694 547 3Í.3 24.2 Vetraz-Nonthoui 1-302 roo9 334 33.1 25.7 Cranves-Sales sa? 647 175 27.0 19.8 Monnetier-Mornex 678 463 213 45.0 31.4 Etrembières 639 414 188 45.4 29.4 Arthar-Pont-Notre-Dame 357 234 7B 33.3 21.8 Luclnges 206 140 38 27.1 18.4 Collonges-sous-Salève 979 704 553 78.6 54.4 Archamps 365 296 202 68.2 52.5 Bossey 218 143 86 60.1 39.4 Total M'026 21-193 12-888 60.6 37.9 Source : INSEE (RP 1975, dépouillement exhaustif!; Calculs personnels 1'agglomération bâloise (voir point suivant), nous pouvons tout de même constater que malgré sa relative perméabilité perméabilité qui est toutefois à sens unique - la fron- tière reste une barrière en permettant un développement en partie indépendant des côtés français et suisse de l'agglo- mération. 8.2.2.2 Bàie L'étude très complète du Service de coordination internatio- nale de la Regio basiliensis (WEISS et HAEFLIGER 1978) four- nit la plupart des renseignements nécessaires à l'analyse de / - 235 - l'agglomération internationale de Baie. Pour cette raison, il n'a pas paru nécessaire de modifier la délimitation pro- posée par cette étude . Nous nous sommes limités à essayer d'actualiser une partie de ces données, tâche d'autant plus ardue que l'agglomération recouvre non deux mais trois pays . Tableau 8.7: Evolution de la population résidante dans les secteurs de l'agglomération internationale de Bale CK 19 D 19 F 19 30 35 30 X CH 19 0 19 F 19 50 51 32 l CH 19 D 19 r 19 70 70 58 ï CK 19 0 19 F 19 75 75 75 % CH 19 D 19 F 19 30 Ï0 Î2 l Secteurs de la pérlphÊrie - allemand - français - suisse 31 '496 16'8U 35'0SO 16.5 B.8 18.3 77-791 25'819 M 8'648 18.1 6.0 27.7 90'403 29'603 168'596 18.0 5.9 33.6 92'375 34-346 182'299 18.4 6.8 36.3 88'897 35'176 182'670 18.2 7.2 37.4 Périphérie total 83'1OO 43.6 222'258 51.8 288'602 57.5 309'020 61.5 306'743 62.8 Centre (Bile) 107-670 56.4 206'746 48.2 212-857 42.5 192'822 38.5 1S2-143 37.2 Agglomération total 191*070 100 429-004 100 501'459 100 501'842 100 488'886 100 Sources : HEISS et HAEFLlGER 1978, 0F5, IKSEE, Office statistique du Bade-Wurtemberg; Calculs personnels 1) Cette délimitation comprend du côté suisse l'agglomération de Baie définie en 1970 par l'OFS, pour la France l'Unité urbaine de Bâle- Saint-Louis (selon la délimitation de 1975 qui est identique à celle de 1982) à laquelle est ajoutée la commune de Blotzheim (aéroport de Bâle-Mulhcuse). Le secteur allemand comprend 1'"Einheitsgemeinde" Grenzach-hyhlen, les "Gemeindeverwaltungsverband" Lorrach-Inïlingen et Vorderes Kandertal ainsi que le "Grosse Kreisstadt" Weil am Rhein. 2) Les chiffres concernant la population du secteur allemand nous ont été connruniqués par Martin SCHÜLER. - 236 - Entre 1900 et 1960 la population de l'agglomération a plus que doublé. La plus forte croissance a été enregistrée dans le secteur helvétique qui a multiplié sa population par trois. Bien que l'évolution de la Ville de Baie ait été moins favorable, ce phénomène s'est traduit par une baisse du poids relatif des parties "étrangères" de l'aggloméra- tion. Cette évolution s'est encore amplifiée au cours des années '60', la croissance très marquée de la périphérie helvétique ayant plus que compensé la perte enregistrée par le centre de 1'agglomération. Ce mécanisme s'est par contre inversé à partir de cette période. La population de la ville de Bale a diminué de près de 15% entre 1970 et 1980, tandis que la périphérie suisse voyait sa croissance être stoppée à partir du milieu des années '70'. Si cela explique que les secteurs "étrangers" aient vu leur poids relatif augmenter à nouveau, il faut cependant remarquer que c'est avant tout en raison du dynamisme démographique de la partie française, le secteur allemand ayant également enregistré une perte de population au cours de la dernière décennie. L'évolution des emplois est par contre différente, ce qui s'explique par le rôle que jouent les migrations alternan- tes. Contrairement à Genève, l'augmentation des emplois au cours des années 60 a été plus forte au centre de l'agglo- mération que dans la partie suisse de la périphérie. Cette évolution a eu pour corollaire une très forte progres- sion des migrations alternantes dirigées de la périphérie suisse en direction de Baie. Les migrants pendulaires prove- nant de France ou d'Allemagne - les travailleurs frontaliers représentent par contre une part beaucoup plus faible des actifs résidant dans ces deux secteurs. Du côté allemand les emplois ont suivi l'évolution des actifs, ce qui a permis de maintenir le "déficit frontalier" à un niveau très bas. Dans le secteur français l'écart entre emplois et actifs s'est par contre creusé au cours des années '60' ce qui a abouti à une forte progression des migrations frontalières. - 237 - Tableau 8.8: Evolution des emplois et des actifs dans les secteurs de 1'agglomération internationale de Bâle D 1961, F 1962, CH 1960 D 1970. F 1968, CH 1970 Emplois A Actifs B A/B ï Ennlois A Actifs B A/B t Secteurs de la Peripherie - allemand - français - suisse 38'279 11'223 42'176 39*271 11*563 54*347 97.5 97.1 77.6 40'528 1Ï'160 55'462 41'532 13'108 77*864 97.6 85.1 71.2 Périphérie total 91"678 105*181 87.2 107'150 132'524 80.9 Centre (Bâle) 132'556 105*358 125.8 158*796 11 !'773 142.1 Agglomération total 224*234 210*539 106.5 265'946 244'297 108.9 Source : WEISS et HAEFLlGER 1978 Bien qu'il n'ait pas été possible d'actualiser les données concernant 1'emploi , nous pouvons considérer que les conclusions proposées par 1'étude de la Regio (WEISS et HAEFLIGER 1978) restent encore d'actualité. Elles montrent bien comment 1'effet des frontières internationales s'est fait sentir dans les différents secteurs de l'agglomération bâloise, raison pour laquelle nous en citerons de larges extraits: "Dans Ja partie allemande la croissance de la population s'explique avant tout par l'essor économique qui a suivi la seconde guerre mondiale et par l'imnigration d'habitants venus du Nord et de l'Est de l'Allemagne. Comme chef-lieu du Landkreis Lörrach, la ville même de Lörrach doit remplir des fonctions de centre urbain très diversifiées, qui, s'il n'existait pas de frontière, seraient certainement remplies par Bâle. 1) Selon les résultats du recensement de 1980, on constate que la ville de Baie a perdu environ 3% de ses emplois (en tenant compte des frontaliers), tandis que la périphérie suisse enregistrait une légère augmentation. - 238 - Mais comme le centre de l'agglomération se situe à l'étranger, de surcroît en Suisse, pays non-membre de la Communauté Européenne et qui fait partie en plus d'un autre grand secteur économique, Lörrach a pu se développer comme un centre secondaire indépendant. Ainsi le phénomène de densification dans le secteur allemand de l'agglomération est issu plutôt des villes de Lörrach et de Weil am Rhein que de Bàie. La fron- tière d'état joue ici à nouveau un grand rôle sur l'orientation de la densification. Une extension vers le Sud étant exclue, la croissance se fit forcément vers le Nord dans les communes du Wiesental ainsi qu'en aval du Rhin. Les signes de densification sont identiques à ceux observés du côté suisse, mais demeurent moins marqués pnrci; que Lörrach est plus petit". "Dans le secteur français ..... la densification repose essentiellement sur l'accroissement des deux grandes communes de Huningue et St. [,ouis, alors que les autres communes connaissent une stagnation. Mais pourtant ces deux grandes communes ne parvinrent pas à former un centre secon- daire semblable à celui de Lörrach du côté allemand. Il faut rechercher la cause de cette absence de centre secondaire dans le fait que ces deux communes françaises n'ont pas de fonctions centrales importantes, iden- tiques à celles qu'on retrouve à Lörrach, mais certainement aussi dans Le fait que l'Alsace n'a pas connu après la seconde guerre mondiale un essor économique aussi important que le lìade-Wurttemberg. La frontière d'état doit donc être considérée par le secteur français de l'aggloméra- tion comme un plus grand frein pour l'essor économique que du côté du secteur allemand, où on assiste à une évolution semblable, mais plus favorable dans un contexte différent." "...Les limites du Canton qui dans d'autres domaines peuvent avoir d'importantes influences, ne jouent aucun rôle dans le processus de densification de l'agglomération de Bale. Les frontières d'état nu Nord et à l'Ouest du secteur suisse de l'agglomération sont d'une certaine importance dans la mesure où elles renforcent la densification dans le secteur périphérique suisse. On peut admettre qu'en l'absence de fron- tières d'état on assisterait en partie à un report de la densification vers le Word et 1 Ouest. La densification se serait alors certainement faite de façon moins intense du côté suisse." (WEISS et HAKFLlGER J978, pp. 67-68). "Lc fait que, du secteur allemand en 1970 il n'y a qu'environ un dizième des actifs qui vont travailler en Suisse, est une preuve d'une relative indépendance de ce secteur par rapport au marché de l'emploi du centre de l'agglomération. Cette constatation est renforcée par le fait que les trois quarts de tous les travailleurs frontaliers allemand?; se rendant à Bale viennent du secteur allemand et que seulement un guari, est issu de l'extérieur de 1 agglomération. Ainsi le secteur d'influence du marché de l'emploi de Baie se limite en Allemagne au secteur allemand de la périphérie urbaine." "Le fait que, du secteur français en 1970 plus d'un quart de tous les actifs vont travailler à Bile, montre que dans cette partie de la péri- phérie de l'agglomération la dépendance du marché de l'emploi du centre de l'agglomération, est plus grande pour ce secteur que pour le secteur allemand. La zone d'influence du côté français est aussi beaucoup plus importante, du fait qu'environ la moitié de tous les migrants français viennent du secteur français; l'autre moitié vient du restant du sud de - 239 - l'Alsace. Cette nécessité de migrer s'explique par le déficit connu du nombre des emplois en Alsace." "Il n'est pas étonnant que la proportion des migrants vers !!àie issue du secteur suisse de l'agglomération est avec 50% des actifs en 1970, de loin la plus élevée, du fait qu'il n'existe ici aucune sorte de barrière législative vis-à-vis du travail et que Bâle entretient les liens les plus étroits avec le secteur économique de la Suisse du Nord-Ouest. Ceci ressort également lorsque l'on constate que presque 90% de tous les migrants vers Bâle viennent du secteur suisse de l'agglomération. Aussi remarque-t'on un certain parallélisme entre Ie développement de beaucoup de communes de l'agglomération et la croissance du nombre de leurs emi- grants. Il est évident que la croissance des emplois dans ces communes, ne suit pas celle de la population. La conséquence en est que dans le secteur suisse la rupture entre le logement et le lieu de travail est la plus marquée Je tous les secteurs." "De même que le nombre des migrants du secteur suisse de la périphérie urbaine vers Bâle est le plus élevé, ainsi la migration de Bâle vers la périphérie de l'agglomération est la plus forte en direction du secteur suisse de la périphérie urbaine. Les migrants de Bâle vers l'Allemagne et la France sont comparativement si peu nombreux qu'on peut les négli- ger. Ici ressort encore plus clairement que pour les immigrants l'effet de coupure des frontières d'Etat." (WEISS et HAEFLIGER 1978, pp. 87-88). 8.2.3 Les travailleurs .frontaliers 8.2.3.1 Les mouvements pendulaires dans les grandes agglo- mérations suisses La comparaison des différents secteurs des agglomérations internationales constitue une première étape. Il faudrait ensuite disposer d ' une référence indiquant ce qu'est le développement "normal" d'une région urbaine, afin de mieux comprendre les effets de la frontière. Un tel modèle n'existe bien sûr pas, mais on peut tout de même s'en appro- cher en comparant les agglomérations frontières aux autres agglomérations. Dans le cas de la main-d'oeuvre frontalière, nous mettrons en parallèle l'intensité et l'évolution des flux pendu laires en direction du centre des cinq plus grandes agglomérations helvétiques. Une telle démarche est d'ailleurs fréquente en économie urbaine (voir par exemple, ROSSI 1983; BAECHTOLD 1983), mais dans la plupart des cas on ne tient pas compte des frontaliers parce que ces mouvements ne sont pas saisis par les recensements fédéraux. - 240 - Tableau 6.9 Mouvements pendulaires orientés vers; le centre des cinq principales agglomérations suisses (ef- fectifs et part en % des emplois du centre) Connu ne Pendulaires travaillant dans le centre (effectifs) Part (en I] les emplois centre dans du Variations (O du nombre de pendulaires centre I960 1970 1980 1960 1970 I960 60-70 70-60 Zurich 50'585 92'319 130-595 IB.7 30.5 42.4 82.5 41.5 BSIe (OfS) 25'663 «2'958 54*259 20.5 29.3 39.5 67.4 26.3 Baie (avec frontaliers) 33'300* 561200* 71'BOO* 25.0 35.3 46.4 68.8 27.8 Genève I0FS) 18-933 40'92l 56'235 17.5 33.0 44.6 116.1 37.4 Genève (avec Frontaliers ) ZO'700*. 52'400« 7Z-6O0* 18.9 39.2 51.0 153.1 38.5 Berne 21'900 40'144 59'597 22.1 34.0 47.3 83.3 48.5 Lausanne 12-216 24-272 31*311 17.3 28.6 37.2 98.7 29.0 Sources : ROSSI et TAHI 1979, BAECHIOLD 19B3; Estimations Cl et calcul; personnels Le nombre de cas examinés est trop faible pour qu'on puisse faire abstraction des particularités locales (taille de la commune centre , configuration de" 1'agglomération) qui influent sur le volume et l'intensité des mouvements pendu- laires. En tenant compte de cela, on peut considérer que Genève et Baie ne se distinguent pas fondamentalement des trois autres grandes agglomérations suisses, et ce-même si on adjoint la main-d'oeuvre frontalière aux autres flux pendulaires. Ce constat demande toutefois a être nuancé en fonction des périodes considérées. Ainsi, l'effet de la frontière est plus particulièrement sensible entre 1960 et 1970. En blo- quant l'arrivée d'autres catégories d'étrangers, la politi- que d'immigration a eu pour conséquence un appel accru à la main-d'oeuvre frontalière. Ce phénomène est nettement plus marqué à Genève qu'à Bale. Dans cette dernière agglomération 1) Rappelions que les déplacements domicile-travail ne sont, pas considé- rés comme des mouvements pendulaires lorsqu'ils se déroulent sur le territoire d'une seule ccmmune. - 241 - 1'accroissèment du nombre des pendulaires travaillant au centre a été plus faible que dans les quatre autres agglomérations, qu'on tienne compte ou non des frontaliers. Pour Genève 1'image est inverse: c'est là que les mouvements pendulaires ont le plus augmenté et les frontaliers ne viennent qu'accentuer cette tendance. La période 1970-1980 se signale par une orientation nouvelle. Zn effet, le rythme de croissance des migrations frontalières en direction de Genève s'est considérablement ralenti et est devenu, comme à Baie, à peu près identique à celui des pendulaires "nationaux". Au surplus, cette augmen- tation {27.8% à Baie et 38.5% à Genève) est restée inférieu- re à celle enregistrée à Berne (48.5%) ou à Zurich (41.5%). En résumé, nous pouvons constater que notre hypothèse de travail est dans une large mesure vérifiée. L'augmentation du nombre des frontaliers occupés dans les deux aggloméra- tions cons Ldérées a certes été rendue possible par la politique d'immigration mais n'en constitue pas pour autant un effet de la frontière. Le développement de ces migrations reste comparable à celui des autres mouvements pendulaires et peut donc être considéré davantage comme une manifesta- tion d'une évolution "normale" de la mobilité au sein d'une région urbaine. Ce parallélisme est frappant dans le cas de Bàie: sur l'ensemble de la période, et si on fait abstrac- tion des fluctuations conjoncturelles, le rythme de croissan- ce des pendulaires "nationaux" et frontaliers a été à peu de chose près le même. A Genève, région dans laquelle les migra- tions frontalières sont plus récentes (voir point suivant ) , la très forte augmentation des années "60" peut être considé- rée dans jne certaine mesure comme le résultat d'un "effet de rattrapage". Plus récemment le rythme d'évolution des deux catégaries de mouvements pendulaires s'est d'ailleurs considérablement rapproché. - 242 - 8.2.3.2 Politique d'immigration et effets de la frontière Si, globalement, le développement des migrations fronta- lières en direction de Genève et de Bâle peut être envisagé comme la conséquence d'une évolution "normale" des mouve- ments pendulaires, la frontière n'en fait pas moins sentir ses effets à plusieurs niveaux. Tout d'abord, comme nous l'avons déjà relevé en 7.2, l'emploi des frontaliers reste très sensible aux fluctuations conjoncturelles et aux infle- xions de la politique d'immigration. Dans les deux régions urbaines comme dans le reste de la Suisse, la progression des effectifs s'est faite surtout sentir à partir du milieu des années '60', période à partir de laquelle les autres catégories de main-d'oeuvre étrangère ont été soumises à contingentement. A Genève comme à Baie, un maximum d'environ 25'00O frontaliers1' a été atteint en 1974. A la suite de la crise, ces effectifs diminuèrent ensuite d'environ 25% jusqu'en 1977, perte qui est comparable à celle enregistrée dans l'ensemble de la Suisse. Depuis, la reprise a été relativement rapide et le plafond de 1974 est presque retrou- vé au début des années 1980. L'emploi de la main-d'oeuvre résidante est nettement moins sensible aux fluctuations conjoncturelles (la diminution a été de 7.8% entre 1974 et 1977). On peut donc faire l'hypo- thèse que le nombre des actifs pendulaires a varié dans la même mesure ou a même enregistré une évolution moins négati- ve, ce qui montre mieux une des spécificités de la main- d'oeuvre frontalière. La figure 8.1 fournit une autre information qui ressort de la comparaison des deux régions étudiées. On remarque en effet que le niveau des migrations frontalières était 1) Pour Genève ces chiffres ne comprennent que les frontaliers soumis à contrôle. Si on tient compte des frontaliers de nationalité suisse et de ceux qui sont occupés dans le secteur international, l'effectif est d'environ 28'500 personnes en 1974 et de 28'900 (voir tableau 8.5} en 1982. - 243 - Figure 8.1: Evolution à fin août de l'effectif des fronta- liers à Genève et à Baie [total et frontaliers de nationalité française) 100C------------------------------------------------------------------------------------ I------1-----1-----1------1------1------1------1------1------1-----1------!-----------1— 1960 1970 1980 Source: PFE ; GraphlQue Ph. Jeannerei nettement plus élevé à Baie qu'à Genève au début de la période examinée- Si cette différence tient en partie à des facteurs locaux spécifiques, elle correspond dans une mesure plus large encore à un effet de la frontière qui dans l'ag- glomération bâloise juxtapose non deux mais trois Etats. Ainsi, l'évolution de l'effectif des frontaliers allemands a été très particulière, alors que les frontaliers d'origine française ont suivi une progression comparable à celle enregistrée à Genève. Il y a donc là une manifestation de la frontière qui, selon les "différences de pression" et leur évolution dans le temps,„agit de manière différente d'un pays à 1'au~re. 1 ) Pour Baie on a additionné les demi-cantons de Bâle-Ville et Bâle- Campagne, ire qui donne une bonne approximation de l'effectif des fron- taliers occupés dans l'agglomération bâloise. - 244 - Pour mieux comprendre les différents facteurs qui sont en jeu, nous utiliserons, en l'actualisant, le travail très complet que BnNZ (1964) a consacré aux frontaliers occupés dans le demi-canton de Bâle-Ville, ce qui permet d'étendre l'analyse à une période plus longue. La figure 8.2 illustre bien 1'influence des divers événe- ments politico-économiques qui ont marqué la période considé- rée. Tout d'abord, la crise des années '30' a prDvoqué une nette diminution des migrations frontalières puis la frontière est devenue quasi imperméable à cause de la guerre. Après avoir retrouvé leur niveau des années '30', les effectifs des 'frontaliers français et allemands ont par contre enregistré une évolution divergente au cours des années '50'. Cette différence tient en grande partie aux conditions économiques régnant dans ces deux pays. Vaincue, l'Allemagne connaissait des difficultés économiques importan- tes, encore agravées par l'immigration en provenance de l'Est, alors que la France vivait une période de reconstruc- tion marquée par une intense activité économique. La diminution du nombre de frontaliers allemands qui est ensuite intervenue entre 1960 et 1965 est expliquée, selon BANZ (1964), par deux facteurs. D'une part la reprise d'une croissance économique rapide a atténué les problèmes du marché du travail des régions allemandes et, d'autre part, l'évolution des monnaies et des salaires a été marquée par une convergence entre la Suisse et la R.F.A., ce qui a diminué l'attrait que la Suisse exerçait sur les frontaliers badois. Du côté français, ces deux éléments n'étaient par contre pas réunis, ce qui explique que les actifs alsaciens ont été davantage attirés par les emplois offerts par Bâle. La seconde moitié des années '60' est, elle, marquée par une très forte augmentation des frontaliers en provenance des deux pays. Très probablement, ce parallélisme doit être compris comme un effet de la politique d'immigration helvé- tique. A court de main-d'oeuvre, l'industrie bâloise s'est - 245 - tournée davantage encore vers les pays voisins en offrant des conditions très attractives aux habitants des régions frontières. Figure 8.2: Evolution du nombre d'autorisations de travail (de 1928 à 1956) et de l'effectif des fronta-. liers occupés à Bâle-Ville (à fin août) autorisations J L effectif 10000 5 000 ALLEMANDS ,' A ^. /V /* I 1930 40 50 56 56 1980 Sources: BANZ 1964. PFE;Graphique Pti.Jeannere! 1) Le nonbre des autorisations de travail délivrées aux frontaliers, seule indication disponible jusqu'en 1956, est supérieur à l'effectif des personnes occupées à cause de la rotation de cette main-d'oeuvre. - 246 - Cette tendance commune ne s'est toutefois pas poursuivie au- delà de 1970. En effet, l'effectif des frontaliers français a augmenté de plus de 6'0OO personnes jusqu'en 1974, tandis que le nombre des frontaliers allemands se stabilisait. Une différence comparable se retrouve après_ la chute commune de 1974-1977: le nombre des frontaliers allemands est resté à un niveau inférieur alors que la reprise était très rapide pour les frontaliers français. Sans nul doute, ces divergen- ces résultent de "niveaux de pression" qui diffèrent d'un pays à 1'autre. Toutefois, d'autres facteurs comme la struc- ture d'emploi des frontaliers allemands et français jouent vraisemblablement aussi un rôle. Finalement, cette analyse nous montre qu'à côté de la poli- tique d'immigration helvétique les différences de pression, c'est-à-dire les différences de niveau des prix et des salaires, du niveau d'activité et des monnaies, influent de manière significative sur les migrations frontalières. 8.2.3.3 Structure d'activité et principales caractéristi- ques de la main-d'oeuvre frontalière La main-d'oeuvre frontalière se distingue également de la po- pulation active résidante par sa structure d'emploi, ce qui tient à la fois à l'effet de la frontière et à la spécifici- té des activités régionales. Ce sont ces éléments que nous tenterons d'apprécier en comparant les parties helvétiques des agglomérations de Genève et de Baie. ñu niveau de la structure sectorielle des activités, Genève se distingue de Baie par la part très importante qu'y repré- sente le secteur tertiaire. Si on tient compte du secteur international les services représentent ainsi plus du 72% du total des emplois alors que cette proportion s'établit à 55.7% à Bâle. - 247 - Globalement, la part qu'occupent les frontaliers dans l'emploi de ces deux régions reste comparable, même si elle est un peu plus élevée à Genève. La différence intervient avant tout au niveau des secteurs économiques. En effet, le degré de pénétration s'établit à peu de chose près au même niveau dans le secondaire alors qu'il varie du simple au double dans les services. Tableau 8.10: Structures de l'emploi total et frontalier à Genève et à Baie en 1975 Canton de Genève Aggi orner ation de aie Emploi total dont fron aliers % Emploi total dont fr Ii ers nta-S II Secteur secondaire 54-939 8'225 15.0 93-973 13-058 13.9 - Industrie,M"t5 et metiers 39*193 6'7OO 17.0 78'105 11'7B3 15.1 - BStiment.gínie civil 12'396 T3S3 10.9 13-741 i'2ia 8.9 III Secteur te-tlaire (avec secteur international) 126'931 (142-264)* 12-197 (16-178)* 9.6 (11.4) 118-071 6'822 5.8 - Commerce,!)jnques assurances, aff. iimob. 49-488 7-329 14.B 42'882 2'989 7.0 - Transports et comauni-cations,hôtellerie 22-739 1-505 6.6 27'847 2'167 7.8 - Autres services 54-704 3-363 6.1 47'342 1 '666 3.5 (- Organlsaticns Internationales} [ 15-333)* [3-98I)* 126.0} - ¦ - Total II « III 181'870 20-422 11.2 212'044 19'880 9.4 (avec secteur international (197'203l* (2fl'403l* 112.41 Sources : 0F< (RFE 1975); SCSGE; Calculs personnels Les colonnes 5 et 6 du tableau 8.11 permettent de comparer la répartit.ion par branche de l'emploi total et des fronta- liers et donnent une meilleure image des différences entre Genève et Dale. On voit ainsi que les frontaliers sont sur- représentés dans 1'Industrie comme dans le Bâtiment. Dans les branch€;s industrielles les plus importantes le rapport présenté p;ir le tableau 8.11 ne varie que très peu entre Genève et Bile. 1) Qnplois à plein temps et à temps partiel. Pour Genève, l'effectif des frontaliers occupés dans le secteur international (organisations gouvernementales) ne comprend pas les missions permanentes. - 248 - Tableau 8.11: Répartition de l'emploi total et frontalier par branche économique à Genève et à Bale en 197511 Emploi Genève total (A) Bâle Frontal Genève ers [Bl Bàie (B)Z(A) Gen-ïve Baie II Secteur secondaire 279 443 337 657 1.21 1.48 Industrie.arts et métiers 200 358 275 593 1.38 1.61 - Chimie i; 167 31 304 1.32 1.82 - Métallurgie 34 52 49 97 1.44 1.87 - Hachines,appareils 56 46 83 68 1.48 1.48 BStinent,génie civil 63 65 55 61 0.37 0.94 IM Secteur tertiaire 721 557 663 343 0.')2 0.62 - Commerce de gros 57 46 63 34 I.Il 0.74 • Coameree de détail 102 102 134 79 i..n 0.77 - Banques,assurances 76 49 B9 35 1.17 0.71 - Transports,entrepôts,exp. 41 69 28 86 0.68 1.25 * Hôtel s,restaurants 54 40 31 21 OMJ 0.53 - Administration publique 36 25 6 2 0.17 0.08 ¦ Organisations internatio. 78 - 163 - 2.09 - - Instruction 54 37 13 4 0.Ü4 0.11 - Hygiène publique 54 57 21 10 0.39 0.18 - Consultation,représ. d'intérêts, serv. com. 55 38 48 23 O.ti? 0.61 Total 11 * III rooo rooo rooo rooo 1.00 1.00 Sources : OFS (RFE 19751; SCSGE; Calculs personnels Dans le secteur tertiaire on remarque tout d'abord que les frontaliers n'ont qu'un accès très limité à certaines bran- ches appartenant au secteur public (Administration/ Instruc- tion et Hygiène publique). C'est dans les autres branches que la différence se marque entre Genève et Bâle. Dans cette dernière région, les frontaliers restent sous-représentés dans ces activités alors que la situation est inverse à Genève. Deux branches se signalent par une situation parti- culière: 1 ) Qnplois à plein temps et à temps partiel. Genève = Canton, Bale = Agglomération définition OFS 1970. - 249 - - à Bale la branche des Transports emploie un fort contin- gent de frontaliers, ce qui peut s'expliquer par le fait que cette activité se rapproche à'une activité de "type secondaire"; - à Genève le secteur international se signale également par un nombre élevé de frontaliers. Ceci tient au caractère "international" de ces activités ainsi qu'au fait que les personnes travaillant dans ce secteur ne sont pas soumises au contrôle qui touche les frontaliers occupés dans le secteur genevois. Ces structures d'activités diffèrent selon le sexe et ont également on impact sur le statut socio-professionnel de cette main-d'oeuvre. Les femmes sont avant tout concentrées dans le secteur des services tandis que les hommes travail- lent plutôt dans le secondaire. A Genève, par exemple, 50% des hommes sont ouvriers alors que 50% des femmes sont employées de bureau . Ce rapport est un peu différent à Baie dans la mesure où les activités industrielles y occu- 2) pent une place plus importante On peut donc constater que les frontaliers occupés dans ces deux agglomérations sont mieux intégrés dans les structures productives que ce n'est le cas de la Chaîne du Jura {voir 8.3.6}. Ils sont plus qualifiés et leur structure d'emploi se rapproche d'avantage de celle des résidents sans toute- fois être tout à fait comparable. Cette différence constitue d'ailleurs un indice de 1'effet en partie discriminatoire qu'exerce la frontière. L'examen de la structure par âge montre que les frontaliers occupés à Genève sont en moyenne plus âgés qu'à Baie. Cette différence est cependant moins importante que celle qui res- sort de la comparaison entre frontaliers alsaciens et alle- mands travaillant dans cette dernière région. 1) Cf. INSEE RHONE-ALPES 1976. 2) Cf. INSEE ALSACE 1976. - 250 - Tableau 8.12: Structure par âge des frontaliers à Genève et à__Ba août) à Bale (selon leur nationalité) en 1983 (fin 1) Groupes d'âge Bâle {BS + HL) Genève Total Allemands Français Total de 15 â 24 ans 10. 1 / 13.3 14.2 16.9 de 25 à 34 ans 21.5 42. 1 35.6 37.7 de 35 è 44 ans 27.0 24.3 25.2 !2.0 45 ans et plus 41.4 17.3 25.0 19.5 Total 100 100 1 OU 100 Source : Registre central des étrangers; Calculs personnels En effet, les frontaliers français se caractérisent par une moyenne d'âge très basse. 58.4% d'entre eux sont âgés de moins de 35 ans alors que cette proportion n'est que de 31.6% pour les frontaliers allemands.'Ce vieillissement très marqué des travailleurs en provenance du pays de Bade 41.4% ont plus de 44 ans! - résulte en partie de la stabili- sation relativement ancienne de ces flux migratoires/ tandis que la moyenne d'âge de la main-d'oeuvre alsacienne s'est considérablement rajeunie à la suite des fortes fluctuations intervenues ces dernières années. Cette forte sensibilité conjoncturelle des frontaliers fran- çais correspond également à une structure d'empiei particu- lière. Les Alsaciens sont surtout occupés dans l'industrie alors que les Badois travaillent davantage dans les services et le bâtiment. Ajoutée aux résultats de la comparaison entre frontaliers et actifs résidants, cette analyse montre que le processus de 1) Frontaliers soumis à contrôle. Bale = Bâle-Ville + Baie-Campagne. - 251 - "fonctionnalisation" de cette catégorie de main-d'oeuvre est largement influencé par les "différences de pression" exis- tant d'un pays à l'autre. Ce sont ces différences - différen- ces de prix et de salaires, du niveau d'activité et différen- ces de structures de formation de la main-d'oeuvre - qui font que les mouvements des travailleurs frontaliers se dis- tinguent plus ou moins des autres mouvements pendulaires. 8.3 La région frontière de la Chaîne du Jura 8.3.1 Délimitation de la zone d'étude Pour délimiter la zone frontière qui s'étend de Genève à Baie nous nous sommes basés sur un découpage administratif intermédiaire entre la commune et le canton suisse ou 1'ar- rondissement français. Nous avons ainsi retenu, comme le montre la carte 8.5, 22 unités administratives qui jouxtent la frontière, soit: - neuf districts suisses: (d'Est en Ouest) Delémont, Porren- truy, Les Franches-Montagnes, La Chaux-de-Fonds, Le Locle, Le Val-de -Travers, Grandson, Orbe, La Vallée; - treize cantons français : Ferrette, Hirsingue, Delle, Beaucourt, Hérimoncourt, Saint-Hippolyte, Maiche. Le Russey, Marteau, Hontbenoît, Pontarlier, Mouthe, Morez. Bien qu'en partie arbitraire, ce choix offre deux avantages importants. Tout d'abord il permet de couvrir un espace dont la profondeur (de dix à vingt kilomètres, voir carte 8.5) correspond grosso-modo à celle des migrations frontalières. Outre la réduction du nombre d'observations à traiter, ce découpage permet également de faciliter la collecte d'infor- mation car c'est à cette échelle que les données communales sont le plus souvent regroupées par les statistiques offi- cielles. Malheureusement, toutes les informations socio- - 252 - Carte 8.5 : Délimitation de la zone frontière ie la Chaîne du Jura Frontières notional** Fronce Vp^ /—' i HAUT-RHINr y TÌELFORT f ^ ) f\ Cerio URBAPLAN 10 M 31 - 253 - économiques ne sont pas disponibles à un niveau aussi désa- grégé, raison pour laquelle nous ferons référence dans certains cas à des ensembles plus importants, notamment aux cantons suisses ou aux départements français . 8.3.2 Structures urbaines et évolution de la population 8.3.2.1 Structures urbaines Comme nous 1'avons déjà remarqué précédemment (voir carte 8.2), la Chaîne du Jura se caractérise par une très faible densité de population. Tableau 8.13: Densité de la population dans la zone fron- tière Superficie ¦km2 Population CH 1980, F 1962 Densité hab./km2 Partie suisse 1'787.5 162'693 91 .0 Partie française 2'390.1 145'889 61 .0 Sources : OFS, INSEE; Calculs personnels Si ce phénomène est encore plus marqué du côté français, cela tient surtout à la partie Ouest de cette zone. En effet, les trois cantons (Delle, Beaucourt, Hérimoncourt) situés à la frontière Nord du district de Porrentruy ont une densité de population nettement supérieure à la moyenne. Cette différence tient au fait que cette zone constitue le prolongement de 1'Aire urbaine Belfort-Montbéliard. C'est également dans cette partie de la région frontière que la 1) Deux cantons (Ferrette et Hirsingue) appartiennent au département du Haut-Rhin et, par conséquent, à la région de programme Alsace; il n'a donc pas été possible de recueillir certaines informations par ail- leurs disponibles pour la région Franche-Comté. - 254 - concentration est plus forte du côté français que du côté suisse. Ailleurs, ce rapport est inversé mais il faut remar- quer que la moyenne élevée de la partie suisse est due dans une large mesure au district de La Chaux-de-Fonds (413 habitants au kilomètre carré). Ces différentes caractéristiques se retrouvent au niveau de la structure urbaine. La zone retenue ne compte aucune véri- table agglomération et le nombre des communes importantes y est très réduit. Tableau 8.14: Population résidante des principales communes de la zone frontière Suisse 1980 France 1982 plus de 10'00O habitants La Chaux-de-Fonds 37*234 Le Loele ' 12*039 Pontarlier 17*983 Delémont 11'68? entre 5"000 et 10'0OO habitants Porrentruy 7'039 Delle Horez 8*161 6*739 Morteau 6*445 Beaucourt 5*682 entre 2*000 et 5'000 habitants Sainte-Croix (4'543>, Le Chen it <4'359l Haiehe (4'3Bl), Vlllers -le-Lac (4'142> Orbe (3*985), Fleurier (3'573), Les Fins (2'346), Les Rousses (2*3311 Vallorbe (3'375), Bassecourt (2'9«l Couvet (2'62?), Courrendlin (2'435| Courroux [2'15B), Courgenay (2*014) Sources : OfS (RFP 1980), INSEE (RP 1982) 1) Sur la tase du recensement de 1975 la partie française compterait une cairaine de plus dans ce tableau car celle de Damprichard est tombée en-dessous du seuil de 2'000 habitants en 1982. - 255 - Sur un total de 384 communes, seules 24 peuvent être clas- sées au rang de ville si on retient les normes françaises et ce nombre tombe à quatre si on utilise le critère helvé- tique (plus de 10'000 habitants). Le degré d'urbanisation est nettement plus élevé du côté suisse: les communes de plus de 2'00O habitants y représentent 61.5% de la popula- tion résidante alors que cette proportion n'est que de 41.0% dans la partie française. A nouveau, cette différence s'ex- plique en partie par la présence de La Chaux-de-Fonds, ville dont la taille se situe nettement au-dessus de la moyenne (voir carte 8.1). 8.3.2.2 Evolution de la population et principales caracté- ristiques démographiques Au cours des deux dernières décennies la population de la zone frontière a connu une évolution moins favorable que dans les ensembles de référence (cantons suisses et départe- ments français, voir tableau 8.2). La partie suisse de cette zone a enregistré une chute plus marquée que dans le reste du pays, alors que les gains de la partie française étaient plus faibles que ceux des départements frontières. De ce fait, des différences substantielles subsistent entre les deux pays, l'évolution de la population étant nettement plus positive dans la partie française de la zone frontière. Au-delà de cette composante nationale, 1'évolution a été très variée dans la partie française. La plupart des cantons fortement agricoles (Saint-HippoIyte. Mouthe, Le Russey, Montbenoît) ont vu leur population diminuer entre 1962 et 1975. Depuis, comme le montrent les premiers résultats du recensement de 1982, cette tendance s'est légèrement inver- sée. Les autres cantons ont par contre enregistré une évolu- tion positive sur l'ensemble de la période, évolution par- fois nettenent supérieure à la moyenne (Delle, Beaucourt, 1) Pour la structure des activités, voir 8.3.3. - 256 - Pontarlier, Morez, Hérimoncourt)- Toutefois, les cantons industriels de Morteau et de Maicbe se signalent par une diminution de leur population résidante au cours de la pério- de 1975-1982. Tableau 8.15 Evolution de la population résidante de la zone frontière CH 1960 F 1962 CH 1970 F 1968 CH 1975 F 1975 CH !980 F 1982 Partie suisse 173'307 (100) 179'829 (103.7) 173*421 (100.0) 162'693 (93.B) Partie française 129'120 (100) 133'966 (103.8) 141M81 (109.6) 145*889 (113.0) Sources ; OFS, Recensements cantonaux, INSIDE; Calculs personnels Du côté suisse, l'évolution démographique a été plus unifor- me. Seul le district de Delémont a vu sa population augmen- ter entre 1960 et 1980. Tous les autres districts ont enre- gistré une évolution plus négative que la moyenne, à l'excep- tion de La Chaux-de-Fonds qui a un peu mieux résisté en rai- son de la très forte croissance des années '60'. Ces disparités sont sans nul doute le résultat de 1'évolu- tion des activités économiques et du processus d'urbanisa- tion. Toutefois, des facteurs nationaux transparaissent également dans les principales structures démographiques régionales. Les valeurs que prennent différents indicateurs démographiques permettent non seulement de distinguer les unités administratives qui forment notre zone mais illustrent aussi comment la frontière sépare des populations en juxtapo- sant des rythmes d'évolution souvent très contrastés. Ainsi, l'ensemble de la partie française de la zone frontiè- re se caractérise par un taux de natalité nettement supé- rieur à celui observé du côté suisse. Ce phénomène est étroi- tement lié - il est à la fois cause et conséquence - à une - 257 - structure d'âge beaucoup plus jeune de la partie française. L'indice de vieillissement, qui est d ' autant plus élevé que la population est jeune, est supérieur à 0.3 dans tous les cantons français alors que du coté suisse seuls les trois districts du canton du Jura enregistrent des valeurs compara- bles en 1970. Cette particularité de la partie française se retrouve au niveau du bilan démographique de la première moitié des années 70: le solde naturel, c'est-à-dire la dif- férence entre les naissances et les décès, a été fortement positif. Bien que l'agrégation de l'ensemble des cantons don- ne un résultat proche de zéro, le bilan migratoire a aussi joué un rôle important. En effet, cette moyenne est le résul- Tableau 8.1i> Principales caractéristiques démographiques de la zone frontière Partie suisse Partie française Groupes d'âge - moins de 20 ans - de 20 â 64 ans - 65 ans et plus Total Indice de vieillissement Part de la population étrangère CH 1970 30. lï 5G.9Ï 13.0% 100 0.30 18.lt F 1975 33.5« 54.1« 12.4« 100 0.39 7.0Ï Bilan démographique ( taux de variations annuels moyens) - variation totale - variation due au solde naturel - variation duc au solde migratoire CH 1970-75 - 0.72t * 0.36Ï - 1.08« F 1968-75 * 0.77« + 0.771 i O.D0I Sources : OFS, INSEE; Calculs personnels 1) Indice de vieillissement: (0 à 19 ans) - (65 ans et ¿¡lus) (20 à 64 ans) Plus cet indice est proche de 1, plus la population est "jeune". - 258 - tat de comportements très divers. Les cantons agricoles ont enregistré un solde migratoire fortement déficitaire tandis que quelques cantons industriels (Delle, Beaucourt, Hérimon- court, More2) voyaient 1'immigration excéder 1'émigration sur l'ensemble de la période 1962-1975. C'est ce bilan migratoire qui explique dans une large mesure 1'évolution démographique plus uniforme de la partie suisse. Ce poste a été très positif jusqu'à la fin des années '60' grâce à l'immigration massive de population étrangère. A ce niveau la différence est très marquée entre les deux pays: la part des étrangers atteint 18.1% dans la partie suisse (en 1970) contre seulement 7.0% du côté français (en 1975). A partir des années '70', les mesures de contingentement de l'immigration puis la crise économique sont venues renverser ces flux. La diminution de la population étrangère s'est ainsi additionnée au déficit migratoire qui caractérisait la population suisse depuis les années '60'. Ce phénomène a été également à l'origine d'une modification du bilan naturel. Celui-ci est devenu négatif à la fin des années '70', le fort taux de natalité de la population étrangère ne suffisant plus à compenser 1'excédent des décès de la population d'origine suisse Les différences observées d'un pays à 1'autre tant en ce qui concerne les structures démographiques que leur évolution montrent bien que la frontière "déconnecte" les deux parties de notre région d'étude. De plus, ces rythmes différents sont susceptibles de se traduire par des mécanismes cumula- tifs qui, à leur tour, peuvent être à l'origine d'une aggra- vation des disparités. Un tel constat reste cependant un peu rapide. Il est nécessaire d'examiner de plus près le rôle des activités économiques et, surtout, il faut vérifier si les moyennes par pays, notamment celles présentées au tableau 8.16, ne masquent pas certains rapprochements au 1 ) Ce phénomène se retrouve également dans les trois districts du canton du Jura, bien que retardé en raison d'une structure par âge plus jeune que la moyenne. - 259 - niveau des unités (cantons et districts) qui forment la région frontière. 8.3.3 Structure d'activité et évolution des emplois La répartition géographique des emplois ainsi que leur struc- ture sectorielle sont largement corrélées avec la population et avec l'armature urbaine. Ainsi, les emplois du secteur des services; sont concentrés (voir carte 8.3) dans les agglo- mérations situées à l'extérieur du périmètre étudié, tandis que la zone frontière de la Chaîne du Jura se signale par la dominance des activités industrielles. A côté de cela, le secteur primaire a conservé un poids important dans certai- nes régions des départements du Doubs et du Jura, ce qui oppose les composantes française et suisse de la zone fron- tière. 8.3.3.1 Structure d'activité en 1975 A) Partie française Les résultats du recensement de la population de 1975 (popu- lation active au lieu de travail) permettent de mettre en évidence principalement deux types de structure d'activité dans les cantons français. Cinq cantons ont une structure économique qui reste dominée par les activités agricoles. Ils regroupent ensemble 46% des emplois du secteur primaire de la partie française de la zone frontière mais seulement 16% de 1'emploi total. Cette caractéristique s'accompagne d'un sous-développement du sec- teur industriel et, par conséquent, d'un poids relativement important des services. Seul le canton du Russey fait excep- tion dans la mesure où la construction mécanique (horloge- rie) , représente une part importante des emplois de cette région. - 260 - Le canton ò" Hirsingue se trouve dans une situation un peu semblable, bien que le secteur agricole y soit moins impor- tant. Pontarlier recense lui plus de 40% de ses emplois dans les services, ce qui est lié au rôle de centre régional joué par cette ville (à comparer avec La Chaux-de-Fonds). Les six cantons restants peuvent être considérés comme des régions industrielles dans la plupart des cas dominées par une ou deux branches économiques. Tableau 8.17 Structure d'activité des cantons français en 19751 ' Cantons agricoles Part du secteur primaire en ï Autres activités Importantes {part en X de l'emploi total) MontbenoU Saint-Hippolyte Le Russey Ferrette Houthe 5?.9 40.4 32.1 30.9 22. Z T 20 Bois (8.9Ï) T 13 Fonderie (11.5X) T 14 Mécanique (29.81) T Zi Bâtiment (12.7X) T 20 BoIs(H.5X) T 30 Hötellerie(8.8I) Cantons industriels. Part de l'industrie en X sans BTP Zi Activités dominantes (part en 1 de l'emploi total) Delle Beaucourt Horteau Horez Maïche 6B.8 65.6 59.6 57.6 54.4 T 13 Fonderie (31.9X) T 15 Construction électrique (18.6X) T 15 Construction électrique (55.5X) T 16 Automobiles (2B.IX) 1 13 Fonderie (23.3X) T 14 Construction mécanique (47.2X) T 14 Construction mécanique (45.7X) T 14 Construction mécanique (41.9X) "Autres" Pontarl1er Hirsingue 43.6 43.2 Industrie diversifiée,Services: 40.7X T 18 Textiles (28.51) 5ource : INSEE (RP 1975); Calculs personnels 1) Population active au lieu de travail, selon la nomenclature d'activi- tés économiques, sect. 38 de la comptabilité nationale. 2) BTP: Bâtiment et Travaux Publics. - 261 - La nomenclature d'activité utilisée dans le recensement est relativement agrégée et il est nécessaire d'effectuer des recoupements avec d'autres sources de manière à mieux carac- tériser les sous-régions de la zone. On remarque ainsi que la branche "construction mécanique" (T 14) regroupe à la fois la construction de machines (machines agricoles, machi- nes-outils, équipement industriel et matériel de manuten- tion) et la fabrication de matériel de précision (horloge- rie, lunetterie, instruments d'optique et de métrologie). D'autres informations montrent que c'est ce dernier segment qui est le plus important dans la zone frontière, l'horloge- rie étant concentrée dans le département du Doubs et la lunetterie dans celui du Jura. On peut donc en déduire que le canton de Morez est spécialisé dans la lunetterie et les cantons de Morteau, Haîche et Le Russey dans l'horlogerie, le solde de cette industrie étant localisé dans la région de Besançon. Les deux cantons du territoire de Belfort se caractérisent par des activités différentes: la fonderie et le travail des métaux pour Delle, la construction électrique (composants électroniques) pour Beaucourt. Seul le canton d'Hérimoncourt accueille 1'industrie automobile,qui par ailleurs constitue l'activité dominante de la région Franche-Comté et plus par- ticulièrement du Doubs . En effet, cette industrie emploie presque le quart des actifs du département, ce qui représen- te un effectif équivalent à l'ensemble des emplois de la par- tie française de la zone frontière! 1) Si la branche horlogère n'apparaît pas de manière séparée dans la nomenclature française, c'est parce que cette activité est relative- ment peu importante au niveau national. En effet, près de 80% de la production française est concentrée en Franche-Canté et plus particu- lièrement dans le département du Doubs. 2) Usines du groupe Peugeot, notamment à Sochaux. - 262 - B) Partie suisse L'ensemble de la partie suisse peut être considéré comme une région industrielle. En effet, même si le district des Fran- ches-Montagnes compte presqu'un quart de ses emplois dans le secteur primaire, l'industrie y joue toutefois ur rôle domi- nant. Trois branches économiques, l'horlogerie (36), la métallurgie (34), les machines et appareils (35) représen- tent à elles seules 80% des emplois industriels! C'est la combinaison de ces trois branches qui permet de caractériser la structure d'activité de chaque district. Tableau 8.18: Structure d'activité des districts suisses en 1975U Industries arts et métiers 120/38) X Horlogerie (36) X Métallurgie, machines,appareils (34/35) X Autres branches importantes X Districts horlogers La Vallee Le Locle Les franches-Montagnes La Cnaux-de-Forids Porrentruy 65.9 63.5 46.1 49.é 54.4 53.4 42.0 37.0 31.9 24.7 5.3 15.6 4.7 9.7 9.2 Tertiaire (40.4) Hal>1Uef»ent/tent.(8.7) Districts "machines" Grandson Orbe 48.8 45.3 0.8 0.8 34.6 21.2 Alimentation (13.7) Districts "mixtes" Delêmont Val-de-Travers 49.2 57.6 21.0 29.4 20.0 18.3 - Source : OFS IRFE 1975); Calculs personnels L'industrie horlogère est la branche la plus importante de la partie suisse. Son poids (46% des emplois industriels en 1981) est beaucoup plus fort que du côté français, même si la zone frontière ne compte qu'un tiers des emplois de l'hor- logerie suisse. Cette industrie domine la structure d'acti- vité de cinq districts (La Vallée, Le Locle, Les Franches- 1 ) Bnplois à temps complet. - 263 - Montagnes, La Chaux-de-Fonds, Porrentruy) et représente un poids équivalent à celui des machines dans deux autres (Delé- mont et le Val-de-Travers ). L ' horlogerie n' est absente que dans deux districts, Grandson et Orbe, régions dans lesquel- les les machines et la métallurgie dominent. Les autres acti- vités économiques jouent un rôle souvent négligeable. Le sec- teur des services est un peu mieux développé à La Chaux-de- Fonds ,alors que 1'industrie alimentaire (Orbe) et de 1'habil- lement (Porrentruy} diversifient quelque peu la structure d'activité de deux autres districts. 8.3.3.2 Evolution des emplois A) Partie suisse Depuis le début des années '70', 1'ensemble de la partie suisse a subi une très forte diminution de l'emploi. Cette baisse provient avant tout des activités industrielles et n'a été compensée que très partiellement par le développe- ment du secteur des services. Ainsi, presque 13'000 emplois industriels ont été perdus entre 1970 et 1981. Cette diminu- tion de plus de 30% est nettement supérieure à celle enregis- trée dans 1'ensemble de la Suisse (-21.2%). Ceci est dû à l'horlogerie qui, dans la zone comme dans le reste du pays, a enregistré des pertes d'emplois beaucoup plus importantes que les autres activités industrielles (-42.9% entre 1970 et 1981). Ainsi, près de 10'000 emplois horlogers ont disparu dans la partie suisse de la zone frontière. La métallurgie et les machines ont connu une évolution nette- ment moins négative. Si la chute a été régulière jusqu'en 1976, la reprise intervenue ensuite s'est prolongée jusqu'à la fin de la période. A fin 1981, 1'emploi dans ces deux industries atteignait encore 80% de son niveau de 1970. - 264 - Figure 8.3: Evolution indicée de l'emploi industriel dans la partie suisse de la zone frontière (1970:100) 100 T---r 1970 1975 Source :OFS (Sl): Calculs et graphique Ph. Jeanneret 1980 L'évolution dans les districts a été davantage influencée par des caractéristiques locales que par la structure par branche. Ainsi, certains districts horlogers ont connu une évolution moins négative (Franehes-Montagnes, Poi rentruy) ou au moins égale (La Chaux-de-Fonds) à la moyenne ôe la partie suisse, h 1'opposé Grandson (district "machine") a enregis- tré une perte d'emplois supérieure à la moyenne, précédant le Val-de-Travers, district dans lequel l'emploi industriel a diminué de moitié entre 1970 et 1981. La chute de l'emploi s'est encore accentuée au cours des deux dernières années. Les bases de la statistique de l'in- dustrie ayant été modifiées, nous nous référerons ici aux nouvelles données de la statistique de l'emploi, qui ne sont disponibles qu'à l'échelle des cantons. L'évolution enregistrée dans les deux cantons dont l'ensem- ble (canton du Jura} ou une partie importante (Neuchâtel) du - 265 - Tableau 8.19: Evolution indicée de l'emploi en Suisse et dans les cantons frontières (au troisième trimestre) 1981 1982 1983 Suisse : Emploi total 100 97.9 98.0 Canton de Neuchátel : Emploi total 100 95. 1 90.6 Secteur secondaire 100 92.5 84.5 Secteur tertiaire 100 98.6 98.8 Canton du Jura : Emploi total 100 98.0 94.7 Secteur secondaire 100 98.3 92.0 Secteur tertiaire 100 97.5 100.0 Sources : OFIAMT; Calculs personnels territoire appartient à la zone frontière montre que la récession intervenue à fin 1982 a eu un impact très négatif sur 1'économie de cette région. En 1'espace de deux ans, l'emploi du secteur secondaire a subi une chute située entre 8% (Jura) et plus de 15% (Neuchâtel}, évolution qui dans une large mesure peut être attribuée à l'industrie horlogère . Ce climat difficile s'est également ressenti dans le secteur des services qui, contrairement à l'évolution enregistrée au plan national, n'a pas pu accroître son volume d'emplois. B) Partie française L'évolution de 1'emploi dans la partie française est beau- coup plus difficile à apprécier dans la mesure où les infor- mations statistiques font souvent défaut au niveau sub- régional. 1) L'indice |»ur la Suisse, disponible sur une base différente a été re- calculé par nos soins. La comparaison avec les indices cantonaux doit cependant ¡;tre faite avec prudence. 2) Durant la seule période 1981-1982, l'emploi horloger du canton de Neu- châtel a diminué de 9.1% alors que pour l'ensemble de l'industrie cantonale ce taux n'était que de 2.4%. - 266 - Les données disponibles pour l'ensemble de la Franche-Comté montrent que 1'évolution de 1'emploi a été moins négative qu'en Suisse. L'industrie a mieux résisté et la croissance du secteur des services a permis de maintenir, vcire d'aug- menter légèrement le volume d'emploi. Figure 8.4 : Evolution indicée de 1'emploi en Franche-Comté (1970:100) ENSEMBLE des ACTIVITES Industrie de ta '"-...... ...... partie suisse 60 ~t-------1-------1-------:-------1-------1-------1-------1-------1-------1------1--------1-------1 1970 1975 1980 Sources: INSEE.ASSEDIC.OFS; Calculs et graphique Ph.Jeanneret L1évolution récente (depuis 1979 ) a été par contre moins favorable. La création d'emplois dans le secteur tertiaire s'est ralentie et l'industrie a enregistré une très forte baisse d'activité, notamment dans 1'automobile, secteur qui s'était jusqu'ici mieux comporté que l'horlogerie. En ce qui concerne la zone frontière, il semble que ce soit la région de Maiche-Morteau qui ait subi la plus forte baisse d'em- ploi, ce qui est vraisemblablement dû à la spécialisation de ces deux cantons dans l'horlogerie . I) Sur la base de recoupements entre diverses sources, on peut estimer que, sur la période 1975-1980, l'emploi total dans ces deux cantons a diminué d'environ 7 à 8% et l'emploi industriel de 14 à 17%, évolu- tion comparable à celle enregistrée du côté suisse. - 267 - 8.3.4 Marché du travail 8.3.4.1 Bassins d'emploi Les activités structurent l'espace géographique sans tenir compte des limites administratives internes d'un pays. Ceci est particulièrement frappant lorsqu'on analyse les déplace- ments domicile/travail, mouvements qui ont une grande impor- tance en matière d'aménagement du territoire et qui permet- tent de définir les contours des bassins d'emplois, vérita- bles "régions de travail". La comparaison des études disponibles de part et d'autre de la frontière (TAMI et LEIBUNDGUT 1978, LANG 1960) met en évidence une différence d'échelle entre les deux pays. En effet, la Franche-Comté se signale par l'existence de deux très grand:; bassins d ' emploi, Sochaux et Besançon, alors que 1'espace helvétique est beaucoup plus compartimenté. Cette particularité française s'explique d'une part par la forte dispersion de la population du Doubs et, d'autre part, par la concentration de l'industrie automobile à Sochaux et des emplois tertiaires à Besançon. Ces différences se retrouvent lorsqu'on analyse 1'importance des migrations alternantes au niveau de chacune des composan- tes de la zone frontière. Globalement, la mobilité - phénomè- ne mesuré par la proportion des actifs qui travaillent à 1'extérieur de leur commune de résidence - est en effet deux fois plus importante dans la partie française (38.0% en 1975) que dans la partie suisse (17.4% en 1980) . En co- rollaire, le rapport entre emplois et population active rési- dante est dans la plupart des cas négatif du côté français. 1 ) Nous laisserons ici de côté la partie de la zone qui appartient à l'Alsace, région qui est davantage orientée vers Bâle. 2) Il faut toutefois remarquer qu'une partie de cette différence résulte des découpages administratifs en vigueur dans les deux pays. Les communes suisses ayant en général une surface plus grande, la part des actifs gui les quittent pour travailler à l'extérieur est de ce fait moins importante. - 268 - Seuls Delle, Morez et Pontarlier enregistrent un rapport proche ou supérieur à 1 , ce qui s'explique par le fait que ces cantons sont les centres de bassins d'emplois indépen- dants. Si on élimine l'influence du déficit rés-.ultant des migrations frontalières, les cantons de Horteau et de Maîche retrouvent un rapport proche de l'unité et se rapprochent ainsi de la situation des districts suisses. 8.3.4.2 Emploi et chômage Comme nous l'avons déjà vu (voir 8.3.3.2), la crise économi- que du milieu des années '70' a eu un impact beé.ucoup plus négatif dans la partie suisse que dans la partie française de la zone frontière. Malgré cela, c'est surtout du côté français que le chômage s'est accru, tandis que du côté suis- se le nombre des personnes sans emploi retrouvait, après une pointe en 1975-1976, un niveau très bas. Cette différence spectaculaire s'explique par plusieurs élé- ments qui distinguent la Suisse de la France: - en Suisse la baisse très marquée de l'emploi s'est tradui- te pendant la seconde moitié des années '70' avant tout par une forte diminution de la population active étrangère ainsi que par une baisse du taux d'activité des femmes; - en France, les travailleurs étrangers n'ont joué ce rôle d'amortisseur conjoncturel que de manière beaucoup plus limitée. De surcroît, le nombre des personnes I la recher- che d'un emploi a augmenté régulièrement, suite à l'arri- vée sur le marché du travail de fortes cohortes de jeunes en fin de scolarité. Comme le montrent les tableaux 8.20 et 8.21, le début des années '80' enregistre une nouvelle progression du chômage, mais cette fois-ci dans les deux pays. En effet, les - 269 - Tableau 8.20: Demandes d'emploi (moyennes annuelles) et taux de chômage en fin de période dans les zones A.L.E.1' Décembre 83 1979 1980 1981 1982 1983 effect. t Saint-C laude 34.7 512 827 932 1-036 932 8.2 Pontarlier 477 585 769 962 1-175 1-205 9.7 Morteau-Haîcfie 481 699 916 1-377 1-397 1-426 9.6 Montbéliard 3-782 5'1D5 6-752 7-218 7-C53 7-726 11.2 Belfo-t 3-203 3'636 4'776 5-502 S'435 5'785 11.0 Sources : INSEE, ERET; Calculs personnels Tableau 8.31: Chômeurs à temps complet et taux de chômage en fin de période dans les districts suisses 1976 1979 1980 1981 1982 1983 Janvi eff. r 84 S Oelênont 106 110 64 60 197 346 498 3.4 PcrrenUuy 73 IK 31 49 92 211 328 3.1 Les Franches-Montagnss 24 64 16 37 51 17 Gl 1.5 La Chau>-de-Fonds 380 167 65 58 287 494 558 2.9 Le Lode 107 53 27 37 100 236 333 4.4 Le Val-ce-Travers ¦ 73 52 22 56 112 164 231 4.3 Grandsor 35 30 8 4 25 33 50 1.0 Orbe 34 8 5 7 19 27 40 0.5 La VaIHe 41 14 3 1 11 21 18 0.6 Sources : Offices cantonaux du travail; Calculs personnels 1) Le taux 3e chômage en décembre 1983 est calculé par rapport à la population active du recensement de 1975. Les zones A.L.E. (Agence locale pour l'emploi) s'étendent au-delà de l'espace défini dans cette étude car elles regroupent plusieurs cantons français (Les Bouchoux, Saint-Claude, Moirans en Montagne, Morez, Saint Laurent pour Saint-Claude; Mouthe, Levier et Pontarlier pour Pontarlier; Montbenoît, Morteau, Pierrefontaine, Le Russey et Maîche pour Maîche- Morteau; Saint-Hippolyte, Pont-de-Roide, Hérimoncourt, L'Isle-sur-le- Doubs, Montbéliard, Audincourt et Sochaux pour Sochaux; ainsi que l'ensemble du département pour Belfort. 2) Le taux d= chômage en janvier 1984 est calculé par rapport à la popu- lation active du recensement de 1980. - 270 - districts jurassiens et neuchâtelois - la partie vaudoise semble moins touchée - connaissent les taux de chômage les plus élevés de Suisse. Les chiffres du tableau 8.21 sont d'ailleurs sous-estimés car ils ne tiennent pas compte du chômage partiel parce qu'il n'existe pas de données fiables dans ce domaine à l'échelle des districts. Par exemple, au niveau du canton de Neuchâtel la proportion des personnes touchées passe de 2.2% à 5.0% à fin 1983 si on inclut cette variable dans le calcul. Ce rapprochement récent entre 1'évolution économique des deux parties de la zone frontière s'explique avant tout par l'évolution enregistrée du côté suisse. Il s'agjt là d'une conséquence des problèmes structurels croissants que connaît l'ensemble du pays et, à un degré encore plus marqué, la Chaîne du Jura. Dans cette région, la dégradation récente de la position concurrentielle de l'industrie des machines est venue s'ajouter aux difficultés déjà anciennes de: l'horloge- rie, ce qui explique la très forte baisse de l'emploi inter- venue au cours de ces quelques dernières années (voir Ö.3.3.2). La population active étrangère ayant déjà forte- ment diminué au cours de la décennie précédente, cette caté- gorie ne peut plus jouer le rôle "d'amortisseur conjonctu- rel". En plus de cela, la persistance des problèmes fait que les entreprises recourent moins au chômage partie].. 8.3.5 L'effet séparateur de la frontière, un essai de syn- thèse Les informations présentées aux points précédents montrent bien que les deux parties de la zone frontière s'opposent tant au niveau des structures démographiques et économiques qu'à celui de leurs transformations dans le temps. Les moyen- nes calculées pour chaque pays fournissent une première indi- cation de ces différences mais cette comparaison reste toute- fois insuffisante. Il faut pouvoir tenir compte des varia- tions autour de ces moyennes en analysant chacune des unités - 271 - qui forment la zone. De cette manière, on pourra vérifier si le profil de certains cantons français et districts suisses se rapproche malgré l'opposition entre les deux pays. Une telle démarche demande de traiter un volume important d'informations car il faut multiplier chaque variable par le nombre d'unités administratives (observations) qui composent la zone frontière. La méthode qui semble le plus appropriée dans ce cas est 1'analyse factorielle qui permet de synthéti- ser des grands tableaux de données tout en limitant la perte d1information. Dans le cas précis nous avons choisi 1'analyse factorielle en composante principale , que nous avons appliquée a un tableau contenant onze variables {colonnes), choisies parmi les donnée:; démo-économiques disponibles les plus significa- tives, et 2?. observations (lignes) correspondant au neuf dis- tricts sui :ì se s et au treize cantons français. Chaque varia- ble a été exprimée de manière à éliminer 1'influence du poids des observations et des différences dans les périodes de relevé entre les deux pays . Chaque variable a ensuite été centré«; et réduite afin de rendre possible la comparai- son entre des séries de nature hétérogène. Comme 1'indique la figure 8.5, les deux premiers axes facto- riels rendent compte de plus des deux tiers de la variance totale, ce qui paraît satisfaisant (voir LEBÄRT et al. 1977). Le premier facteur oppose clairement deux groupes de variables: d'un côté la part de la population étrangère ainsi que le quotient d'emploi (emplois/population active résidante) et, de l'autre, la croissance de la population au cours de la seconde moitié des années '70', le degré de mobilité (part des pendulaires dans les actifs résidants) et 1) Voir à ce :;ujet LEBART et al. 1977. 2) Par exemple, les variations de la population ont été exprimées en taux annuel moyen puis converties en indice pour que les données restent positives. Les données structurelles, comme le poids du secteur primaire, ont été exprimées en pourcentages. - 272 - Figure 8.5: Structures démo-économiques de la zone frontiè- re: analyse factorielle en composante principale _ • APopulaMon Solde • iQ70-7t; migratoire 1M/U 7a 1970-75 Morteau ¦ Ponlarliet I Hérimoncourl A Population ^1975-80 * Maiciio Indice de fviellissement Hirsingue .Mobilité alternante Facteur 2 30.2* l A Population 1960-70 i Densité Delémont Porrentruy Emplois/Actifs résidants ? Ls Ch au x-de-Fonds 0 Etrangers Ferie Me Montbanoîl Secteur # tertiaire H Le Russey Moût he , Secteur Primaire Saint- Hippolyle Les Franches- ? Mon.agr.es ^Qfbe Fadeur 1 38-3% ? Le L oc le La Vallée + Le Vii I-de-Travers Grandson Légende; • Variables Obseivalionsi ? Districts suisses ¦ Cantons fiançais Sources: OFS. INSEE; Calculs et graphii ique Ph, Jeanneret - 273 - la structure par âge (représentée par l'indice de vieillisse- ment, qui est d'autant plus élevé que la population est jeune). L'examen de la projection des points-observations offre une information encore plus intéressante: le premier facteur oppose nettement la Suisse à la France et il peut être assimile à l'effet "séparateur" que la frontière exer- ce sur les structures démographiques et sur leur évolution . Avec la variable "population étrangère" on retrouve les con- séquences de la politique d'immigration suisse de l'après- guerre, tandis que l'association de la structure par âges et de 1'évolution récente de la population indique bien les dynamiques différentes qui se sont mises en place de part et d'autre de la frontière au niveau démographique. Si une discrimination claire s'établit entre les deux pays, on notera cependant que deux cantons français (Delle et Horez) et deux districts suisses (Delémont et Les Franches- Montagnes) ont des scores très proches de l'origine. Ceci est le rés jltat d'un comportement "moyen" de ces unités mais indique aussi que des points de rapprochement subsistent malgré la frontière. Dans ce sens, on peut considérer que les districts du canton du Jura sont les plus "français" de la partie suisse, ce qui s'explique notamment par une struc- ture par âges plus jeune que la moyenne. Le deuxième facteur permet d'opérer une classification des observations en fonction de 1'évolution de la population enregistrée de 1960 à 1975. La discrimination est nettement plus marquée du côté français car ce facteur oppose claire- ment les cantons agricoles et peu industrialisés (cantons qui ont une forte composante tertiaire dans l'emploi non agricole) au reste de la partie française. L'influence de la structure des activités est par contre moins forte du côté 1) Dans l'analyse en composante principale, il n'est pas possible d'in- terpréter la distance entre un point-variable et un point-observation car ces points appartiennent à deux espaces différents. Il est cepen- dant licite de comparer la position de deux observations par rapport à l'ensemble des variables (voir LEBART et al. 1977). - 274 - suisse - tous les districts sont industriels - et c'est l'évolution de la population qui joue un rôle déterminant. Ainsi, tous les districts situés en-dessous de l'origine ont commence leur déclin démographique au cours des années '60' ou bien ont connu une évolution moins positive que la moyenne- La position des points-variables dans le pian factoriel permet de mieux préciser l'influence des facteurs nationaux. Très proche de l'origine du premier facteur, la croissance des années "60" caractérise les deux parties de la zone. Au contraire, 1'évolution 1970-1975, qui est fortement corrélée avec le solde migratoire, est un attribut de la partie fran- çaise car tous les districts suisses à l'exception de Delé- mont ont connu une évolution négative. 8.3.6 Les travailleurs frontaliers 8.3.6.1 Evolution Les seules données disponibles sur la longue période sont celles fournies à 1'échelle des cantons suisses par la Police des étrangers. L'examen de cette série montre que l'effectif des frontaliers occupés dans la Chaîne du Jura a évolué de la même manière qu'au niveau national jusqu'au début des années '70'. A partir des années '70' l'emploi des frontaliers dans la Chaîne du Jura est par contre marqué par une beaucoup plus forte sensibilité aux mouvements de la conjoncture. Ainsi le nombre des frontaliers a reculé entre 1971 et 1972 pour enregistrer ensuite une progression très marquée jusqu'en 1974, variations qui pour une large part peuvent être attri- buées aux fluctuations conjoncturelles enregistrées dans l'industrie horlogère. Le comportement de cette branche explique également la très forte diminution, beaucoup plus - 275 - importante qu ' au niveau national, qui est intervenue à la suite de la crise de 1974-1975. Par exemple, le nombre des frontaliers occupés dans le canton de Neuchatel a chuté de plus de moitié entre 1974 et 1977, tandis que la diminution enregistrée au plan national atteignait 25%. Figure 8.6: Effectif des frontaliers occupés dans les can- tons de Neuchatel et du Jura (à fin août) -------------1---------1---------1---------1---------1---------1---------1---------1---------1 |---------r 1960 1970 1980 Source: Oliaml/PFE; Graphique Ph. Joan no rei La reprise intervenue à partir de 1977 a été également mar- quée par de fortes variations dans le court terme (voir figu- re 8.7) liées aux difficultés de l'économie jurassienne et de sa composante horlogère. Depuis 1981, les effets de la récession :se sont fait sentir davantage que dans le reste du pays et l'effectif des frontaliers atteint en fin de période un niveau nettement inférieur aux maxima enregistrés en 1974. 1) Le canton du Jura ne s'étant séparé de celui de Berne qu'en 1979, nous avons agrégé ces deux cantons pour que la série reste homogène. Le canton de Vaud ne figure pas dans ce graphique parce qu'il n'est pas possible de savoir dans quelle mesure l'augmentation relativement récente du nombre des frontaliers doit être imputée aux districts de la Chaîne du Jura ou au reste du canton (croissant lémanique). - 276 - 8.3.6.2 Répartition géographique et sectorielle Un premier examen de la répartition spatiale et de l'impor- tance relative (mesurée en % des emplois) de la nain-d'oeu- vre frontalière montre que, si l'effectif des frontaliers occupés dans les neuf districts suisses (4'236 en 1975) est nettement inférieur à celui enregistré dans les aggloméra- tions de Genève et de Bale (voir 8.2.3)/ son impact est par contre comparable, ce qui s'explique par la faible densité de la population et des activités dans la Chaîne du Jura. Une analyse des lieux de résidence et de travail indique également que cet impact varie fortement dans 1'espace. Du côté suisse, la main-d'oeuvre frontalière était en 1975 concentrée dans quelques communes , et son impact n'était très marqué que dans les districts du Locle et 3e Porren- truy. Le même phénomène se retrouvait du côté français où seuls les cantons de Morteau, Mouthe, Delle, Ferrette et Hirsingue voyaient une part significative de leur main- d'oeuvre franchir la frontière (voir carte 8.6). Les donnés concernant la structure des activités, disponi- bles à l'échelle des cantons, montrent que les travailleurs frontaliers sont concentrés dans 1'industrie. 1) Il n'a pas été possible de connaître les effectifs de frontaliers par commune française de résidence. 2) Seules 13 communes de la zone comptaient plus de 100 frontaliers occu- pés à plein temps en 1975: Le Locle (804), La Chaux-de-Funds (521), Vallorbe (414), Porrentruy (376), Aile (457), Les Brenets (351), Fleu- rier (321), Couvet (239), Sainte-Croix (199), Le Chenit (156), Fahy (111), Boncourt (102), Ballaigues (101) (source: RFE 1975). 3) La majorité des frontaliers résidant à Ferretee ou Hirsingue travail- lent à l'Est de la zone (cantons de Berne, Soleure, Bâle-Campagne). - 277 - Carte 8.6 : Effectifs et importance relative des travailleurs frontaliers dans la zone frontière en 1975 ^- ( J ,y'^V-v 1205] Pori en % rnjirn] mam Eflectlfs - de l'emploi à plain Iwnps des districts suisses - dt la population activa de résidence des contons français moms de 5 % de 5-0 à 9.9% de 10.0 à 14.9% 15.0% et plos Souices: OFS. INSEE; Calculs GEE; Carle URBAPLAN - 278 - Tableau 8-22: Emplois et frontaliers par branche économique es dans les cantons du Jura et de Neachâtel en 19751) Canton Total eff. du .fur X a FronU eff. i ers X Canton de Neuchâtel Total Frontaliers eff. ï eff. S 2/5 Secteur secondaire 2/3 Industrie,arts et métiers 23 Tabac 24 Textiles 25 Habillement,chaussure 34 Métallurgie 35 Machines,appareils 36 Horlogerie,bijouterie 4 Bâtiment.génie civil Î5'271 13*417 606 384 650 rasa !'820 6*323 1*600 65.9 57.9 2.6 1.7 2.8 8.0 7.9 27.3 6.9 1*408 1"387 92 291 181 56 71 643 21 95.3 93.8 6.2 19.7 12.2 3.B 4.8 43.5 1.4 39'226 33'6S6 l'046 79 198 3*556 7*465 15*028 * 4*453 53.3 50.0 1.6 0.1 0.3 5.3 11.1 22.3 6.6 1*796 1*761 89 520 1*087 29 69.3 87.6 4.4 25.9 54.1 1.4 6/9 Secteur tertiaire 61-65 Cowaerce (gros et détail) 73 KoteIs,restaurants 7*896 1*990 l'149 34.1 8.6 5.0 70 12 30 4.7 0.8 2.0 28*030 7'326 2*739 41.7 10.9 4.1 215 64 35 10.7 3.2 1.7 Total secondaire et tertiaire 23'167 100 1*478 100 67*256 100 2'011 100 Source : OFS (RFE 1975); Calculs personnels Cette spécialisation est encore plus marquée au niveau des branches économiques: dans les deux cantons l'industrie domi- nante, l'horlogerie, occupe environ la moitié d>3S fronta- liers. Le canton du Jura se distingue par l'existence de quelques entreprises du textile et de l'habillement, locali- sées dans le district de Porrentruy, pour lesquelles l'em- ploi frontalier a une très grande importance (voir JEANNERET et MAILLAT 1981). A Neuchâtel c'est par contre l'industrie des machines (surtout dans le district du Locle) qui occupe le plus grand nombre de frontaliers après l'horlogerie. 1) Emplois à temps complet. Cette structure est comparable dans le canton de Vaud où l'industrie occupe 75% des frontaliers. Les données de ce canton ne figurent toutefois pas dans ce tableau car le poids de la partie jurassienne est trop faible par rapport au reste du territoire vaudois. - 279 - Les informations livrées par la statistique de l'industrie permettent de montrer non seulement que l'impact de la main- d'oeuvre frontalière a varié dans le temps mais aussi que sa répartition spatiale s'est modifiée. Tableau 8.23: Evolution de l'emploi industriel total et frontalier (effectifs et % de l'emploi total) dans les districts suisses Emploi Industriel total Frontalier effectifs S part du total en 1 1970 1974 1976 1931 1970 1974 1976 1981 1970 1974 1976 1981 Delemont 6-049 5'634 4'665 4'666 146 252 38 237 2.4 4.5 0.1 5.1 Porrentruy 5'797 5' 779 4'575 4*305 1-266 l'735 l'002 1*199 21.8 30.0 21.9 27.9 Les Franches Montagnes l'422 1*284 1'2ZB 1'2OO 45 62 55 165 3.2 4.8 4.5 13.8 La Chaux-de-Fonds 10'335 9'130 7'146 7'108 369 701 229 461 3.6 7.7 3.2 6.5 Le Locle 6'366 -5'617 4'283 3'955 I'13* 1*516 760 931 17.8 27.0 17.7 23.5 Le Val-de-Travers 3'654 3'2Z7 2'477 1*907 316 465 213 203 8.6 14.4 8.6 10.6 Grandson 2* 349 1*666 l'495 l'404 252 370 174 226 10.7 19.8 11.6 16.1 Orbe 2* 909 V 580 2*214 2'337 294 495 395 608 10.1 19.2 17.8 26.0 La Vallée 2'5B6 2*332 1*549 1*625 201 470 140 420 7.7 20.2 9.0 25.8 Total «¦467 37'449 29*632 28'509 4*023 6'065 3'006 4'450 9.7 16.1 10.1 15.6 Source : OFS {Statistique de l'industrie); Calculs personnels Dans l'ensemble formé par les neuf districts de la Chaîne du Jura, 1'emploi des frontaliers a enregistré une légère pro- gression entre 1970 et 1981, tandis que le nombre des rési- dents occupés dans l'industrie chutait de plus d'un tiers au cours de la même période. En fait, cette divergence reflète avant tout 1'évolution enregistrée au cours de la première moitié des années '70'. Depuis, ces deux catégories de main- d'oeuvre oit connu une évolution plus comparable si on fait abstraction des variations conjoncturelles. Cela explique, 1) Les bases de la statistique ont été modifiées récemment. A partir de 1982, il n'est plus possible de faire la distinction entre travail- leurs étrangers et suisses. - 280 - qu'après avoir passé de 9.7% en 1970 à 16.1% en 1974, la proportion des frontaliers dans l'emploi industriel ait retrouvé un niveau similaire en 1981. Cette tendance ne se retrouve toutefois pas dans chaque district. L'impact de la main-d'oeuvre frontalière est resté (voir carte 8.6) très important dans les districts de Porren- truy et du Locle mais il a cependant diminué entre 1974 et 1981. Les districts d'Orbe et des Franches-Montagnes sont les seuls à avoir enregistré une augmentation absolue au cours de cette période. Le district vaudois de la Vallée se signale par une forte progression en termes relatifs et la part des frontaliers dans 1'emploi industriel y dépasse comme à Orbe la barre des 25%. 8.3.6.3 Frontaliers et structures économiques Si la politique d'immigration est un déterminant des migra- tions frontalières-, les facteurs économiques jouent égale- ment un rôle majeur. L'état des structures économiques 1 ) ' regionales et leur evolution non seulement conditionnent en amont l'emploi de la main-d'oeuvre frontalière mais sont aussi modifiés par elle. Pour mieux analyser cette relation en aval, il convient d'apprécier la place qu'occupent les frontaliers au sein du marché du travail, ce oui devrait permettre ensuite d'évaluer 1'influence que la présence de cette main-d'oeuvre exerce sur les structures productives. A ce sujet, une question importante est de savoir si les fron- taliers entrent en concurrence avec la main-d'oeuvre rési- dante ou s'ils jouent au contraire un rôle complémentaire ou indépendant au sein du marché du travail régional. Sur la base des chiffres présentés au point précédent (voir tableau 8.23), on peut supposer qu'il y a eu un phénomène de substitution entre frontaliers et résidents au cours de la 1) Nous nous limiterons ici à la partie suisse de la zone frontière. - 281 - première moitié des années '70' . Cette hypothèse est d'au- tant plus plausible que cette augmentation des effectifs frontaliers s'est déroulée dans une phase où le recul de 1'emploi régional était déjà amorcé. Dans ce sens la Chaîne du Jura se distingue des agglomérations car le développement du secteur des services est resté beaucoup plus limité et n'a pas pu compenser la chute de 1'emploi industriel. Comme l'a ;nontré Daniel HELD (1983), l'étude du fonctionne- ment d'un marché de l'emploi au niveau local et régional nécessite la connaissance d'un très grand nombre d'informa- tions à la fois quantitatives et qualitatives. Il est non seulement indispensable de connaître le stock (effectif, degré de qualification, etc..) et les flux (échanges du bassin régional avec l'extérieur de ce bassin et au sein des entreprises, etc.), mais il est aussi indispensable de com- prendre les interrelations entre les différentes catégories d'emplois [chaînes de mobilité). Aucune étuüe de ce type n'étant disponible sur la zone frontière je la Chaîne du Jura, nous nous limiterons ici à approfondir certaines caractéristiques de la main-d'oeuvre frontalière sur la base d'enquêtes disponibles pour les cantons de Neuchâtel et du Jura En premier lieu, la comparaison de 1'évolution à court terme des effectifs frontaliers et du chômage fournit une meilleu- re appréciation de l'influence de la conjoncture. On notera cependant que 1'évolution du chômage ne reflète qu'imparfai- tement celle de l'emploi. Ceci est surtout le cas en début de période car la très forte crise de 1974-1975 s'est traduite d'abord par le départ d'un nombre important de travailleurs étrangers. Progressivement, cette "marge de manoeuvre" s1est réduite et la dégradation des conditions économiques de ces dernières années s'est manifestée davan- tage par une augmentation du niveau de chômage. Ceci appa- ll Voir notanment JEANNERET et MAILLAT 1981 et HUMBERSET 1980. - 282 - raît clairement dans le cas du Jura, canton dans lequel le volume de la main-d'oeuvre frontalière est également le plus sensible aux facteurs conjoncturels. Figure 8.7: Evolution mensuelle du nombre de chômeurs (à temps complet) et de travailleurs frontaliers dans le can.ton du Jura frontaliers 2 000 1500 1000 A FRONTALIERS j \ K i* 1975 Sources: Office cantonal Ctu travail (BE1JUl. PFE /Police cantonale des étrangers IBE1JU); Graphique Ph, Jeannerel chômeurs 1000 500 Si au Jura les variations du nombre des frontaliers réagis- sent assez parfaitement à celles du chômage, l'évolution enregistrée dans le canton de Neuchâtel n'est par contre pas aussi nette. Jusqu'au début des années '1980' le chômage et le volume de la main-d'oeuvre frontalière (voir figure 8.6) ont en effet suivi une évolution parallèle, marquée par une baisse régulière puis par une stabilisation. Cette particu- larité peut tenir à une situation conjoncturelle un peu différente dans le canton de Neuchâtel mais, surtout, elle s'explique par un facteur institutionnel. En effet, à Neuchâtel les autorités cantonales, qui sont chargées de 1'octroi des permis de travail frontaliers, ont adopté une - 283 - attitude plus restrictive que dans le canton du Jura. Cette composante institutionnelle n'est cependant pas absente dans ce dernier canton. Chaque fois que le chômage des résidents atteint un niveau jugé important, les autorités deviennent plus restrictives dans l'octroi de nouveaux permis fronta- liers, ce qui accentue le mouvement à la baisse qui résulte des licenciements effectués par les entreprises. Dans ce sens, nous pouvons supposer qu'en permettant aux entreprises de s'adapter de manière plus souple aux fluc- tuations de la conjoncture, la main-d'oeuvre frontalière contribue dans une certaine mesure à la stabilité de 1'em- ploi des résidents. On peut aussi observer une différence importante entre les deux cantons en ce qui concerne la structure par sexe et âge de la mai i-d'oeuvre frontalière. Ainsi, la part des femmes est deux fois plus importante au Jura et la moyenne d'âge est très basse, qu'il s'agisse d'hommes ou de femmes. Cette caractéristique s'explique, mais en partie seulement, par la présence au Jura de branches comme l'habillement et le tex- tile qui emploient une forte proportion de femmes, alors qu'à Neuchâtel 1'activité la plus importante après 1'horloge- rie, la métallurgie et les machines, est une activité avant tout "masculine". Les informations obtenues à la suite du dépouillement des fichiers de la Police des étrangers de ces deux cantons mon- trent que les frontaliers jurassiens se caractérisent par un taux de rotation extrêmement élevé, phénomène qui est en partie lié aux fluctuations conjoncturelles. Ainsi, on a pu déterminer en 1980 que seulement 38.9% des frontaliers juras- siens avaient obtenu leur premier permis de travail avant 1975, tandis que cette proportion était deux fois plus éle- vée (75.6%, selon HUMBERSET I960) dans le canton de Neuchâ- tel à la même époque. - 284 - Tableau 8.24: Structure par sexe et âge de la main-d'oeuvre frontalière dans les cantons de Heuchâtel et du Jura en 1983 (mois d'août) Canton de Neuchâtel Canton du Jura Groupes d'âge Homnes Femmes Total Horanes Femmes Total eff. t eff. t eff. ï eff. ï eff. S eff. S moins de 20 ans 7 0.6 12 3.0 ¡9 1.2 43 6.2 67 8.2 110 7.3 de 20 à 24 ans 123 10.2 103 25.7 226 14.0 158 22.8 286 34.J 444 29.4 de 25 à 29 ans 258 21.3 92 23.0 350 21.7 152 22.0 169 20.5 321 21.2 do 30 i 39 ans 533 44.0 120 29.9 653 40.5 222 32.1 167 20.t 389 25.7 de 40 à 49 ans 193 15.9 45 11.2 238 14.8 69 10.0 74 9.J 143 9.4 de 50 i 59 ans 81 6.7 27 fi.7 108 6.7 43 6.2 47 5.7 90 6.0 de 60 à 64 ans 16 1.3 2 0.5 18 1.1 5 0.7 10 1.2 15 1.0 Total 1*211 100 401 100 l'612 100 691 100 820 10) 1'5Il 100 Source : Registre central des étrangers; Calculs personnels Les personnes qui travaillent en Suisse depuis plusieurs années peuvent être considérées comme un "noyau stable" qui s'oppose aux autres frontaliers, plus jeunes et dont la situation très précaire est étroitement liée à la conjonc- ture. Les informations relatives aux salaires des frontaliers informations tirées des fichiers de la Police des étrangers - permettent non seulement de compléter cette description mais aussi de mieux apprécier les conséquences que peut avoir la présence de cette main-d'oeuvre sur les structures producti- ves (voir RATTI et al. 1982). Une première analyse des résultats détaillés de l'enquête sur les salaires et les traitements effectuée en octobre de chaque année par 1'OFIAMT montre que les gains des ouvriers sont nettement inférieurs à la moyenne suisse 1} Nous n'avons reproduit ici que les chiffres concernant les gains des ouvriers, catégorie dont les caractéristiques sont plus proches des frontaliers que celle des employés. - 285 - Tableau 8.25: Gains horaires moyens des travailleurs fron- taliers et des ouvriers (y compris les fron- taliers) dans le canton du Jura et en Suisse en 19801 ' Frontaliers Ouvriers {octobre 1980) Jura Jura Su s se Hommes Femmes Hommes Fémues Hommes Femmes Totti (y compris 10.49 7.90 Î3.B8 9.76 14.65 9.90 sen ices) Indtstrîe 10.29 7.84 14.07 9.77 15.13 10.04 - Tabac ,Textiles, Habillement 9.38 7.65 - - 14.43 9.35 - Métallurgie, Machines 10.51 8.48 14.24 9.77 14.90 10.23 - Hcrlogerie, Bijouterie 10.30 7.90 14.02 9.81 14.84 10.30 Bâtiment 11.50 - 13.33 - 13.86 - Sources : OFIAHT {enquête d'octobre), enquête et calculs personnels Tableau 8.25 Gains horaires moyens des travailleurs fronta- liers et des ouvriers < y compris les fronta- liers) dans le canton de Meuchâtel et en Suis- se en 1981j* Frontaliers Ouvriers (octobre 1981) Neuehâtel Neuchîtel Suisse Hommes Fermes Hermes Fermes Hommes F émue s Total (y compris 13.52 10.24 15.28 11.30 15.58 10.57 services) Industrie 13.60 10.55 15.68 11.41 15.93 11.05 - ?>éta11urgie, f'achines 13.59 10.55 15.20 11.54 15.93 11.05 - horlogerie, Bijouterie 13.Bl 10.64 15.80 11.37 16.07 11.30 Bâtiment 13.90 - 14.23 - 14.61 - Soirees : OF[AMT (enquête d'octobre), enquête et calculs personnels 1) Les salaires mensuels des frontaliers ont été convertis en gains horaires sur la base d'une durée moyenne de travail de 186 heures. - 286 - dans les deux cantons. Cette différence, qui se retrouve également en ce qui concerne les gains des employés, est dans une large mesure imputable à la structure d'activité. En effet, l'horlogerie, qui reste une branche très impor- tante dans les deux cantons, se situe au bas de La hiérar- chie salariale helvétique. Si les salaires versés par l'in- dustrie de 1'habillement et des textiles sont encore plus faibles, cet élément n'explique cependant qu'une partie de la différence observée entre les cantons de Neuchàtel et du Jura. En fait, les gains jurassiens sont aussi inférieurs dans l'horlogerie, ce qui tient au contenu de cette indus- trie: le canton du Jura est spécialisé dans la production de boîtes de montre (voir KUNZ 1978) du milieu et du bas de gamme, activité qui se distingue par une forte intensité de main-d'oeuvre en moyenne peu qualifiée. 2 ) Bien qu il faille rester prudent , la comparaison entre les gains cantonaux moyens et les salaires perçus par les fron- taliers montre que ces derniers ont des gains très bas. Cette disparité est toutefois beaucoup plus forts dans le canton du Jura où elle atteint dans l'industrie environ 27% pour les hommes et 20% pour les femmes, alors que la diffé- rence n'est, respectivement, que de 13% et 8% dans le canton de Neuchàtel. A nouveau, l'explication apportée par la struc- ture d'activité n'est que partielle. Si au Jura les textiles et 1'habillement servent des salaires très bas et abaissent la moyenne des salaires frontaliers, la disparité salariale entre frontaliers et résidents est cependant tout aussi forte dans l'horlogerie. Pour synthétiser ces différents éléments d'information, il paraît utile de prendre comme point de comparaison 1'étude 2) Notamment, les salaires indiqués par les employeurs sur les demandes de permis peuvent être dans certains cas supérieurs à ceux versés effectivement aux travailleurs frontaliers. D'un autre côté, les chiffres fournis par I1OFIAm1 restent partiels car les salaires de certaines branches ne peuvent être que partiellement régionalisés. - 287 - réalisée par l'Office de la recherche économique du canton du Tessin (U.R.E.) (RATTI et al. 1981 et 1982). En effet, bien que 1'effectif et la part relative des frontaliers soient beaucoup plus importants au Tessin (voir tableau 7.9), la situation de ce canton présente davantage d'analo- gies avec celle de la Chaîne du Jura qu'avec celle des agglo- mérations de Baie et de Genève. Tout d'abord, les chercheurs de 1'U.R.E. sont arrivés à la conclusion que la présence massive de la main-d'oeuvre fron- talière, surtout dans l'industrie, aboutit à un dualisme du marché du travail tessinois (voir également ROSSI 1982). On trouve ainsi d'un côté un marché "libre" destiné au rési- dents suisses et étrangers, et de l'autre un marché "con- trôlé" qui regroupe les frontaliers et les saisonniers, catégories dont la mobilité est étroitement limitée par les dispositions administratives en vigueur. Dans la Chaîne du Jura, le cas qui se rapproche le plus de cette situation est celui des industries de l'habillement et des textiles implantées dans le district de Porrentruy. Bien qu'il soit difficile de parler d'un véritable marché du tra- vail (les quelques entreprises considérées n'offrent qu'envi- ron 900 emplois, dont 500 sont occupés par des frontaliers), on peut considérer que la présence de cette main-d'oeuvre, très peu rémunérée, a contribué dans une large mesure à la survie et au maintien de ces entreprises dans la région. Le parallèle avec le Tessin va d'ailleurs plus loin: le direc- teur d'une firme de l'habillement nous a déclaré que ses concurrents les plus dangereux sont des entreprises tessinoi- ses qui emploient des frontalières italiennes dont le niveau de rémunération est encore plus faible qu'au Jura. 1 ) Voir également un article paru à ce sujet dans l'"Hebdo" du 23.10.1981. - 288 - Le cas de l'horlogerie, qui, il faut le rappeler, reste une des activités les plus importantes de la Chaîne du Jura, est plus complexe. En effet, on trouve dans la zone frontière à la fois des entreprises où l'emploi frontalier est devenu prédominant et d'autres dans lesquelles il reste marginal. Les frontaliers employés dans la première catégorie d'entre- prises sont en général très peu qualifiés et leur situation reste extrêmement précaire car liée aux fluctuations de la conjoncture. On trouve ainsi quelques établissements indus- triels, surtout dans le district de Porrentruy, dont la survie dépend presque exclusivement de la présence de la main-d'oeuvre frontalière. De tels cas ne constituent cepen- dant de loin pas la règle générale. Souvent les frontaliers ne représentent qu'une part plus limitée de l'emploi et béné- ficient de conditions plus proches de celles des résidents. Ceci est plus particulièrement le cas du canton de Neuchâtel si on se base sur le niveau de rémunération des frontaliers. En effet, bien que les données à disposition ne soient pas suffisamment désagrégées - il faudrait disposer de chiffres concernant des emplois comparables en termes de qualifica- tion, de durée, etc. -, on peut tout de même supposer que les différences indiquées au tableau 8.26 sont en réalité un peu moins importantes, si on tient compte du fait que la durée d'emploi des frontaliers est moins longue et que leur niveau de qualification est en moyenne inférieur à celui des résidents.- Dans le cas du Jura ce rapprochement est par contre beaucoup moins net: la différence avec le salaire cantonal moyen reste considérable même si on ne tient compte que des frontaliers "stables", c'est-à-dire qui travaillent depuis plusieurs années en Suisse . Cette différence entre Neuchâtel et le Jura peut s'expliquer en partie par la spécificité des activités horlooères de ces 1) Cette disparité est encore accentuée si on tient compte du fait qu'au Jura les salaires frontaliers influencent en principe davantage la moyenne cantonale qu'à Neuchâtel, canton dans lequel la zone fron- tière ne représente qu'une fraction du territoire. - 289 - deux cantons mais aussi par un facteur institutionnel: les autorités neuchâteloises semblent avoir contrôlé de manière beaucoup plus stricte le niveau de rémunération des fronta- liers, en fixant des minima de manière à éviter une concur- rence trop forte avec la main-d'oeuvre résidante. L'exis- tence d ' une telle concurrence par les salaires est non seule- ment est confirmée par de nombreuses informations, notamment de sources syndicales, mais est aussi d'autant plus normale que le phénomène de segmentation du marché du travail, de "dualisation", est beaucoup moins prononcé qu'au Tessin. Malgré cela on peut considérer que cette concurrence entre frontaliers et résidents s'effectue avant tout de manière indirecte: en permettant le maintien de certaines entrepri- ses, le recours à la main-d'oeuvre frontalière a pour effet d'abaisser le niveau relatif des salaires et des quali- fications, ce qui a un impact non négligeable au niveau du marché du travail en le rendant de moins en moins attractif pour les résidents. En fait, ce phénomène doit être replacé dans un contexte plus globa L, celui du déclin rapide de 1'industrie horlogè- re. Les très graves problèmes rencontrés ces deux dernières années par cette branche ainsi que par 1'industrie des machines ont mis un terme à la reprise de l'emploi fronta- lier intervenue à la fin des années '70' et ont ainsi bloqué le processus de substitution qui aurait pu s'amorcer. Au cours du passé récent la zone frontière ne semble pas s'être mieux comportée, en termes d'emplois, que le reste de la Région horlogère. Les fermetures d'entreprises et les réductions de personnel ont surtout répondu ( voir SIEBER 1982) à des facteurs techniques (regroupement autour des principaux centres de décision, spécialisation accrue de chacune des sous-régions, notamment). En conclusion, 1'avenir de la partie helvétique de la zone frontière reste étroitement lié à celui de l'ensemble de la région et de 1) Cette influence est d'ailleurs reconnue par ALTERMATT (1981) dans son étude consacrée aux disparités salariales entre les régions suisses. - 290 - 1'industrie horlogere et plus particulièrement à la survie des pièces maîtresses que constituent les granas groupes horlogers Dans ce sens le facteur de localisation repré- senté par la frontière et par le recours possible à la main- d'oeuvre frontalière ne joue qu'un rôle secondaire. En un mot: l'emploi frontalier ne pourra subsister et éventuelle- ment se développer à l'avenir que si les entreprises ne disparaissent pas. 8.3.6.4 La frontière comme cause des migrations frontalières Dans la Chaîne du Jura comme dans le reste du pays, la crois- sance des effectifs frontaliers intervenue jusqu'en 1974 peut être considérée dans une large mesure comme un effet des fonctions de la frontières et, plus particulièrement, de la politique d'immigration helvétique. Dans la période qui a suivi, l'influence des facteurs économiques est devenue pré- pondérante et les mesures administratives, notamment au niveau des cantons, n'ont fait que s'adapter à cette évolu- tion. Inscrite dans un contexte de baisse marquée de l'em- ploi, la présence des frontaliers joue le rôle d'un révéla- teur des difficultés que rencontre 1'économie de la Chaîne du Jura. Envisagée à la fois comme une soupape conjoncturel- le et comme un moyen pour certains secteurs de résister à la concurrence des pays à bas salaires, cette main-d'oeuvre se voit attribuer un rôle spécifique qui peut être considéré à son tour comme un effet de la frontière. Toutefois cette spécificité n'est pas 1'élément qui distin- gue le plus la Chaîne du Jura des agglomérations de Genève et de Bâle. Cet aspect "artificiel" des migrations fronta- lières ressort en effet davantage lorsqu'on analyse leur 1) Les centres de décision de ces grands groupes horlogers ainsi que l'essentiel des activités de recherche, notamment dans le domaine électronique, sont localisés au Pied du Jura, c'est-à-dire à l'exté- rieur de la zone frontière. - 291 - contexte géographique. A ce niveau, ce n'est pas la distance parcourue par les frontaliers - la plus grande partie de ces travailleurs provient de la zone des dix kilomètres (voir HUMBERSET 1980 ainsi que JEANNERET et MAILLAT 1981) - qui les distingue des autres mouvements pendulaires, mais plutôt la structure spatiale de ces deux catégories de flux. On voit ainsi les migrations frontalières modifier considéra- blement la carte des mouvements pendulaires: de très petites communes, qui attirent un nombre très faible de résidents, deviennent ainsi de véritables centres d'emploi et drainent des espaces beaucoup plus étendus. Ce déséquilibre, cet aspect unilatéral - il n'y a pour ainsi dire pas de mouve- ments de Suisse en France - est particulièrement frappant dans le cas du district de Porrentruy. Cette zone est en effet très proche des grands centres industriels que sont BeIfort et Sochaux-Montbéliard et il est très probable qu'en 1'absence d'une frontière cette zone ferait partie de l'aire d'influence de ces centres. C'est en cela, aussi, que nous pouvons considérer que dans la Chaîne du Jura les migra- tions frontalières se font davantage à cause de la frontière et non malgré elle. TROISIEME PARTIE CONCLUSIONS - 295 - CHAPITRE 9 RESUME ET CONCLUSIONS Dans ce dernier chapitre nous présenterons tout d'abord un résumé des principaux résultats de cette recherche (9.1), avant de les comparer aux hypothèses de la théorie (9.2) économique. Cette démarche a pour objectif à la fois de revenir sur les aspects positifs et négatifs des effets régionaux de la frontière et d'examiner dans quelle mesure les résultats obtenus peuvent être généralisés. Le dernier point (9.3) sera consacré aux effets régionaux de l'inté- gration économique, thème qui jusqu'ici a très peu été étudié dans le cas de la Suisse, mais que les résultats de notre recherche permettent d'un peu mieux approfondir. 9.1 Les principaux effets régionaux de la frontière entre Genève et Bàie: un résumé Pour présenter un résumé des principaux résultats de cette recherche nous nous baserons sur le découpage retenu au début de ce travail, en considérant les effets de la fron- tière au niveau des échanges de biens et services, de la mobilité des facteurs de production et, enfin, sur 1'évolu- 1'évoluatien des structures économiques régionales. 9.1.1 Les échanges de biens et services Le cas de la Suisse du Nord- -Ouest, seule region pour laquel- le la comparaison entre échanges intra-nationaux et interna- tionaux est possible, moni tre que les frontières d'Etat opposent une nette barrière aux échanges commerciaux. . Ainsi, le reste de la Suisse c iffre à l1 'économie bâloise des débou- - 296 - chés trois fois plus importants que ceux représentés par le marché des deux pays limitrophes, la France et la 3.F.A. L'analyse des données régionalisées du commerce extérieur de la Suisse apporte la preuve que les frontières culturelles exercent une influence importante sur la structure géogra- phique de ces échanges. Ainsi la Suisse romande dirige plus de 13% (en valeur) de ses exportations vers la France, pro- portion qui est près de deux fois supérieure à celle enregis- trée dans le reste de la Suisse. Cette préférence culturelle est encore plus marquée lorsqu'on considère les relations entre les régions de langue italienne et 1 ' ItaIi-3: ce pays représente un tiers des débouchés de cette zone linguisti- que, alors que sa part n'atteint que 8% du total des expor- tations helvétiques. L'impact de ce facteur culturel doit toutefois être relativisé dans la mesure où plus des trois quarts des exportations des régions suisses sont destinés à des pays qui appartiennent à une communauté linguistique différente. Cet effet culturel se double d'un effet de proximité géogra- phique. Ce second effet est moins net mais reste tout de même significatif: notamment, les régions limitrophes de l'Autriche dirigent vers ce pays une part de leurs exporta- tions qui est supérieure à celle enregistrée dans les autres régions de langue allemande. Cet effet se retrouve également le long de la frontière franco-suisse. Des sources d'informa- tions complémentaires montrent non seulement que les régions frontières helvétiques entretiennent des relations privilé- giées avec les pays voisins mais aussi que ces Liens sont encore plus étroits avec les régions frontières immédiate- ment limitrophes. Ainsi, les échanges commerciaux entre Genè- ve et la Haute-Savoie, entre la Chaîne du Jura et la Franche- Comté ainsi qu'entre Baie et l'Alsace semblent atteindre un niveau nettement supérieur à ce qui est indiqué par les don- nées du commerce international. Cet effet de proximité ne s1explique toutefois pas par la structure des produits expor- tés. Un tel résultat est important car il signifie que la - 297 - localisation des activités exportatrices reste déterminée par d'autres critères que la seule proximité des marchés des pays voisins. Des informations aussi précises font par contre défaut dans le domaine des échanges de services. En ce qui concerne les achats des consommateurs, quelques études montrent que la frontière affaiblit le rayonnement des villes de Genève et de Bale. A côté des services collectifs (santé, formation, etc.), secteur dans lequel la coupure est presque totale, les achats courants de la population (alimentation, etc.) semblent êbre gouvernés avant tout par les différences de prix qui résultent des fonctions de la frontière (fiscalité, cours de change, taux d'inflation). Pour les autres servi- ces, force est de s'appuyer sur des données indirectes, notamment sur la répartition géographique de ces activités au sein d= 1 'espace helvétique. Sous cet angle, le secteur touristique constitue un cas particulier dans la mesure où les principaux facteurs de localisation de cette activité sont immobiles dans 1'espace (paysage, etc,). Ce secteur est surtout développé dans les régions de montagne ainsi qu'au Tessin et ne joue qu'un rôle marginal le long de la fron- tière franco-suisse. Le reste du tertiaire privé est par contre en relation étroi- te avec le phénomène urbain. Dans la zone étudiée on obser- ve que les activités liées au commerce de transit sont très fortement représentées dans la région bâloise, tandis que c'est le secteur bancaire qui joue ce rôle à Genève. La comparaison avec le canton du Tessin permet de supposer que la présenca de la frontière n'est pas étrangère à ce phéno- mène. En affet, ces deux types d'activités sont également fortement aéveloppés dans ce canton, bien qu'il soit dépour- vu de centres urbains de taille importante. Un tel effet reste toutafois circonscrit dans l'espace: ces deux types d'activités sont nettement sous-représentés dans la Chaîne du Jura. - 298 - 9.1.2 Les mouvements des facteurs de production 9.1.2.1 Les investissements Une étude genevoise confirme que le niveau des investisse- ments internationaux est nettement inférieur à celui observé au plan intra-national. Des données relatives à l'industrie des régions françaises montrent qu'on retrouve également un effet de proximité: les pays voisins de la France réalisent une partie importante de leurs investissements dans les régions frontières limitrophes. Une analyse des relations régionales le long de la frontière franco-helvétique apporte toutefois des résultats plus contrastés. Même si, à cause de facteurs économiques nationaux, 1'essentiel de ces investissements se réalise dans le sens Suisse-France, le niveau des participations genevoises dans les régions voisines reste faible. Au contraire, l'emprise bâloise en Alsace est beaucoup plus importante, ce qui tient au dynamisme de 1'industrie chimique suisse. Parallèlement, ces investissements semblent avoir été influencés depuis longtemps par la politique commerciale des Etats: 1'implantation dans le pays voisin est souvent la seule solution pour pouvoir accéder à son marché national ou, ce qui est plus récent, au marché de la CEE. Ces différents éléments se retrouvent lorsqu'on examine les participations suisses dans 1'horlogerie franc-comtoise. Si au départ le développement de l'horlogerie jurassienne s'est transmis en France voisine, des facteurs politiques (protec- tionnisme, guerres) se sont opposés très tôt à ce processus et cette industrie a connu un développement de plus en plus indépendant de part et d'autre de la frontière. Bien que l'industrie suisse ait accru ses participations au cours des années '60' dans le but de mieux pénétrer le marché fran- çais, ces investissements sont aujourd'hui beaucoup plus limités. Cela s'explique par les graves difficultés auxquel- les se trouve confrontée cette industrie en France comme en - 299 - Suisse, ce qui montre aussi l'importance des facteurs écono- miques. 9.1.2.2 Les mouvements de main-d'oeuvre Les mouvements de main-d'oeuvre sont un domaine très impor- tant des relations économiques de la Suisse avec 1'exté- rieur. Influencés par les différences de niveau de dévelop- pement économique, ces mouvements s'effectuent presque exclu- sivement dans le sens "reste du monde"~Suisse. Les facteurs institutionnels, plus précisément la politique suisse d'immi- qration, jouent un rôle considérable en cette matière. Ayant atteint un niveau très élevé à la suite de la forte croissance économique de 1'après-guerre, 1'immigration de main-d'oeuvre étrangère est devenue un thème majeur de la politique helvétique. Les mesures prises dans le but de combattre la "surchauffe" et de limiter l'effectif de la population étrangère résidante n'ont pour ainsi dire pas touché les travailleurs frontaliers. En conséquence, la forte augmentation de cette catégorie de main-d'oeuvre peut être comprise en partie comme un effet indirect de la politique d'immigration. Contrairement aux autres catégories de relations, ces mouve- ments de main-d'oeuvre restent par définition limités à un espace d'une vingtaine de kilomètres de part et d'autre de la frontière. L'effectif des frontaliers, qui dépasse le chiffre de 1 00'000 personnes, est inégalement réparti dans l'espace: avec le Tessin, les agglomérations de Baie et de Genève emploient près des trois quarts de cette catégorie de main-d'oeuvre étrangère. Malgré un effectif beaucoup plus réduit, l'impact des frontaliers dans la Chaîne du Jura est toutefois comparable lorsqu'on le rapporte au nombre d'em- plois des zones frontières. - 300 - La différence entre la Chaîne du Jura et les deux aggloméra- tions frontières n'est pas seulement quantitative. En effet, l'analyse montre que l'augmentation très importante des migrations frontalières dans ces deux régions urbaines n'a fait que suivre le développement des migrations alternantes dirigées vers le centre de ces agglomérations. En cela, ce développement s'est effectué malgré la frontière plutôt qu'à cause d'elle. Les migrations frontalières ne sont toutefois pas comparables en tous points aux autres mouvements pendu- laires. Bien que les frontaliers soient largement intégrés a l'économie de ces deux régions, leur structure d'emploi dif- fère de celle des résidents et, surtout, ces migrations ne s'opèrent qu'à sens unique. L'influence de ces différences nationales (rythmes de croissance, prix et salaires, évolu- tion démographique) se fait d'ailleurs particulièrement sentir dans la région bâloise: l'effectif des frontaliers alsaciens a fortement augmenté, alors que le nombre des travailleurs en provenance d'Allemagne est resté stable. Dans la Chaîne du Jura les migrations frontalières sont beaucoup plus sensibles aux mouvements de la conjoncture. L'effet de la politique d'immigration s'est bien fait sentir j usqu'au milieu des années '70' mais depuis les difficultés croissantes de l'horlogerie, branche qui reste très impor- tante dans cette région, ont provoqué une baisse sensible des effectifs. Les frontaliers sont concentrés dans quelques branches industrielles, ce qui les distingue de la main- d'oeuvre résidante. Si une partie d'entre eux est plus ou moins intégrée à 1'économie régionale, un autre segment assez important se caractérise par un niveau de qualifica- tion très bas et par des conditions d'emploi précaires. Au niveau du marché régional du travail, on peut considérer que la présence des frontaliers concurrence la main-d'oeuvre résidante de manière avant tout indirecte, en exerçant une pression à la baisse sur le niveau des qualifications et des salaires. A quelques exceptions près, ce phénomène n'a toute- fois pas abouti à une segmentation du marché de l'emploi - 301 - aussi marquée qu'au Tessin, canton dans lequel la disponibi- lité de la main-d'oeuvre frontalière est devenue un vérita- ble facteur de localisation pour les industries labour-inten- siv. Cette différence est pour une large part attribuable aux difficultés très importantes que rencontre 1'industrie jurassienne ainsi qu'aux mécanismes institutionnels qui favo- risent la main-d'oeuvre résidante. 9.1.3 Les structures socio-économiques 9.1 .3.1 La croissance urbaine Pour les régions de Baie et de Genève, l'effet structurel de la frontière se fait avant tout sentir au niveau du proces- sus d'urbanisation et de diffusion de la croissance urbaine. La reconstitution du périmètre de ces deux agglomérations internationales montre que cette diffusion en direction de la partie de la périphérie située sur sol étranger - dans les deux cas le centre de l'agglomération se trouve sur le territoire suisse - est restée incomplète. L'effet de la frontière se marque de manière évidente: le processus de décentralisation à travers la frontière n'a touché ni la population ni les emplois. Même si ce dernier élément est moins vérifié dans la région bâloise - la chimie bâloise s'est aussi implantée dans la périphérie étrangère - c'est pourtant dans cette agglomération que le report du processus de densification en direction de la partie helvétique de la périphérie est le plus évident. Le développement récent de la partie étrangère de la péri- phérie s'est fait de manière avant tout indirecte car il a reposé presque exclusivement sur la forte augmentation des migrations frontalières. Bien que la politique d'immigration de la Suisse ne soit pas étrangère à une telle évolution, on peut considérer qu'il s'agit avant tout d'un effet de rattra- page car l'intensité des migrations frontalières n'est pas supérieure à celle des mouvements pendulaires enregistrés dans la partie suisse de ces agglomérations. - 302 - Ce processus de diffusion est aussi influence par les dispa- rités existant entre les Etats: il est notamment plus limité dans la partie allemande que dans la partie française de la périphérie de 1'agglomération bâloise. Ces facteurs natio- naux additionnés aux frein exercé par la frontière font aussi que les secteurs étrangers de la périphérie ont leur propre dynamique et peuvent se développer en partie de manière indépendante. 9.1 .3.2 Les structures démographiques et économiques Dans la Chaîne du Jura, la frontière franco-suis;;e apparaît avant tout comme un élément séparateur. Cette séparation se manifeste par 1'influence de facteurs nationaux qui se font sentir tant au niveau de l'état que du dynamisme des struc- tures socio-économiques. La comparaison des deux secteurs de la'zone frontière montre ainsi que la partie française se caractérise par une struc- ture par âge plus jeune ainsi que par une croissance démo- graphique plus forte, tandis que du côté suisse c'est le phé- nomène de l'immigration, puis du reflux de la main-d'oeuvre étrangère qui joue le rôle le plus important. A côté de quelques centres industriels, le secteur français reste en partie une zone de faible densité dans laquelle les activités agricoles continuent d'occuper une place impor- tante. L'ensemble de la partie suisse est par contre forte- ment industrialisé et est dominé par les activités liées à la micro-mécanique (horlogerie, mécanique de précision), secteur qu'on ne retrouve que dans une fraction de la zone française. Cette spécialisation de l'industrie helvétique est à l'origi- ne d'une évolution très négative de 1'emploi, plus négative que dans le secteur français. Cette évolution se traduit bien par des résultats différents au niveau du marché du - 303 - travail; mais ces différences ne vont pas dans le sens atten- du. En effet, les difficultés économiques des années '70' se sont traduites par une augmentation du chômage beaucoup plus forte du côté français, tandis que le mécanisme de l'émigra- tion a contribué à limiter le nombre des personnes sans emploi dans la partie suisse. Si dans une période récente les comportements des deux par- ties de la zone frontière se sont rapprochés sous 1'effet de la crise économique, il s'agit là vraisemblablement de 1'in- fluence de facteurs nationaux. Malgré l'importance de ces déterminant:; nationaux, il est cependant possible de retrou- ver des points de rapprochement entre les différents compo- sants de la zone frontière franco-suisse. Notamment, le comportement démographique du canton du Jura n'est pas très différent de celui de certains cantons français industriels. 9.2 Les er'fets de la frontière franco-suisse et la théorie économique Pour comparer les résultats de notre recherche empirique aux enseignements de la théorie économique, nous partirons des éléments les mieux connus, à savoir les liaisons transfronta- lières existantes. La frontière agissant aussi comme une barrière aux échanges, la suite de cette démarche sera basée sur des informations plus indirectes. Notre objectif est non seulement de proposer un bilan global des effets économiques régionaux de la frontière mais aussi de tenter de générali- ser ces conclusions et de dégager d'autres interprétations possibles. ¡îous cet aspect, il sera donc aussi utile de s'in- terroger su" les limites d'un tel exercice. 9.2.1 Effets positifs et négatifs de la frontière En préambule, il paraît nécessaire de réaffirmer que 1'oppo- sition entre rationalité économique et "irrationalité" poli- - 304 - tique apporte peu à l'étude des effets de la frontière. Comme l'a très bien montré RAFFESTIN (1980 et 1981), ces deux dimensions sont étroitement imbriquées et la fixation de limites, de frontières, est un trait fondamental de la pensée humaine. Dans ce sens, il n'y a pas de frontières arbitraires. Par son objet même - le terme de région vient du latin "re- gio", mot qui comprend aussi les sens de pouvoir et de limi- te - l'économie régionale est une discipline qui privilégie le concept de frontière. Si la topographie oppose parfois des obstacles importants aux échanges (cas des Alpes, par exemple) et constitue par là un support aux limites régiona- les et nationales, on ne peut pas pour autant considérer les autres types de frontières comme "artificiels" (cans le sens où une frontière couperait en deux une région "naturelle"). En étant devenue plus un outil qu'un but en soi, la délimita- tion des régions est aussi devenue multiforme et insiste sur l'usage que les hommes font de l'espace. En plus de la conti- guïté, le concept de région met l'accent sur l'homogénéité des caractéristiques économiques et' sur 1 ' intensité des interrelations (régions homogènes et fonctionnelles). Dans ce sens, les frontières politiques internationales introdui- sent de multiples ruptures de cette continuité, ce qui expli- que la difficulté qu'il y a à parler de régions "transfronta- lières". 9.2.1.1 L'impact des relations transfrontalières actuelles Comme le démontre l'exemple de Baie, l'espace national reste un lieu d'échange privilégié malgré la libéralisation du commerce international. Toutefois, et contrairement aux postulats de l'économie internationale, les relations des régions situées de part et d'autre de la frontière portent non seulement sur des produits mais aussi sur des facteurs de production. - 305 - C'est sur ces relations existantes que peut reposer notre première évaluation des effets positifs et/ou négatifs de la frontière. Dans ce domaine, la conclusion la plus importante est que la mobilité des facteurs de production garde l'em- preinte de la frontière: elle reste dans la plupart des cas unilatérale.. Cette manifestation des disparités entre deux systèmes économiques nationaux ne suffit cependant pas à qualifier ces effets. Pour cela il faut à la fois revenir aux fonctions de la frontière et tenir compte des structures socio-écononiques des régions concernées. Si le développement des migrations des travailleurs fronta- liers est lié à la politique d'immigration, ce phénomène ne s'est pas traduit par une modification profonde des facteurs de localisation. En cela la situation à la frontière franco- suisse se distingue de celle observée au Tessin, canton dans lequel la présence des frontaliers s'est accompagnée d'une transformation des structures de production (RATTI et al. 1982). Dans la Chaîne du Jura suisse l'impact de ce phénomène reste conditionné par les difficultés que rencontrent les activi- tés régionales. A Baie et à Genève le contexte économique joue un rôle opposé mais, surtout, l'effet de la frontière est moins perceptible. L'ampleur des migrations frontalières reste comparable à celle des autres mouvements pendulaires enregistrés dans ces deux agglomérations. La présence de la frontière 3'y fait donc sentir moins directement et on peut parler sous certains aspects d'un "marché transfrontalier du travail". Bien que son effet séparateur soit dans ce cas plus évident, la frontière ne s'oppose toutefois pas aux investissements tranfrontaliers. Cette mobilité, qui reste étroitement liée à des factsurs institutionnels nationaux (politique commer- ciale, accès au marché), ne semble pas avoir de retombées négatives au niveau des structures économiques régionales. - 306 - Un tel jugement peut prendre des nuances différentes selon qu'on se place d'un côté ou de l'autre de la frontière. Notamment, le caractère à sens unique de ces relations qu'il s'agisse des mouvements de main-d'oeuvre ou des inves- tissements - peut être perçu du côté français comme 1'expres- sion d'un rapport de domination. Malgré cela, si on tente de faire un bilan de ces relations transfrontalières sous l'an- gle de leur impact sur le développement régional, c'est leur aspect avant tout positif qui ressort. 9.2.1.2 Les performances économiques des régions frontières Une telle appréciation n'est plus possible lorsqu'il y a absence de relation, lorsque la frontière exerce un effet de coupure. Dans ce cas, la seule méthode à disposition est indirecte: il s'agit de comparer les régions frontières aux régions internes. Une telle démarche repose sur 1'hypothèse - hypothèse qui comme nous 1'avons vu est très largement répan- due dans la littérature - que les régions frontières sont défavorisées par rapport au reste du pays. Des études étrangères (SHERRILL 1979, VANHOVE et KLAASSEN 1980) infirment cette hypothèse en montrant qu'en Europe les performances économiques des régions frontières n€ se distin- guent pas de celles des régions internes. Dans le cas de la Suisse nous n'avons jusqu'ici pas procédé à une telle analy- se comparative. Il paraît donc utile de proposer quelques points de repère dans ce domaine, de manière à pouvoir pro- longer notre réflexion. Si on utilise le revenu par habitant en faisant 1'hypothèse que cet indicateur permet de mesurer le niveau et le rythme de développement d'une région et de tenir compte ainsi des effets passés et actuels de la frontière, nous aboutissons à une conclusion similaire. En 1'occurrence, la zone frontière que nous avons étudiée comprend deux régions urbaines. Baie et Genève, qui se classent dans le groupe de tête des cantons suisses. - 30? - Tableau 9.1 : Revenu régional par habitant dans quelques can- tons en 1965 et 1978 (moyenne suisse: 100) 1965 1978 indice rang indice rang Zürich 116.1 5 125.2 3 BaLe-Vilie 156.4 1 143.8 1 Bâle-Campagne 96.8 10 95.4 8 Neuchâtel 101.7 7 84.5 17 Genève 127.2 2 124.2 4 Suisse 100 - 100 - Source : FISCHER 1981 Le reste de la partie suisse de cette zone, c'est-à-dire la Chaîne du Jura (représentée au tableau 9.1 par le canton de Neuchâtel), peut être par contre considéré à l'échelon helvé- tique comme une région industrielle en déclin, ou plutôt en redéploiement (BOULLIfiNNE et MAILLAT 1983). Une telle évolu- tion ne peut pourtant pas être attribuée à la présence d'une frontière internationale. L'indicateur du revenu mesure l'in- fluence de multiples autres facteurs. Notamment, les mêmes problèmes économiques se retrouvent le long du Pied du Jura et dans la reste de la région horlogère, zones plus éloi- gnées de la frontière mais qui sont également handicapées par une structure d'activité défavorable. En résumé l'étude du cas de la frontière franco-suisse mon- tre à la fois que les relations transfrontalières existantes n'ont pas d'impact négatif sur les régions considérées et que le développement économique de ces dernières reste déter- miné par d'autres facteurs que la présence d'une frontière internationale. 1) Le rang est exprimé par rapport aux 25 cantons et demi-cantons, le canton du Jura n'étant entré en souveraineté qu'en 1979. - 308 - 9.2,1.3 Position géographique et accès au marché Une telle démonstration reste néanmoins insatisfaisante si on désire faire référence à une situation "sans f rontières". Dans ce sens, on peut supposer que le développement de ces régions serait supérieur en l'absence d'une limite politique internationale. Une telle vérification est une tache délica- te car elle implique qu'on connaisse la relation qui existe entre le développement économique d'une région et sa posi- tion géographique. De tous les courants de la littérature économique,ce sont cer- tainement les travaux consacrés au modèle de potentiel qui semblent les plus proches de ces préoccupations. En étant centré sur le couple distance (coûts de transport) / marché (masse), ce modèle fournit un instrument simple à utiliser mais ne constitue pas une véritable théorie de développement régional. Sans que cela soit vérifié, l'accès au marché est considéré comme le facteur principal de ce processus de déve- loppement et les régions frontières sont de ce fait sous- développées parce que d'une part les limites internationales viennent augmenter la distance qui sépare ces régions des marchés voisins et parce que, d'autre part, ces régions sont (par définition) éloignées du centre du marché national. Malgré, ou plutôt en raison de ces défauts, un tel modèle peut nous offrir une base pour pousser plus loin notre réfle- xion en nous basant sur les informations accumulées au cours de ce travail. Pour cela il paraît important de faire la distinction entre 1'industrie et les services (ou, ce qui serait encore plus adéquat, entre les activités de type ter- tiaire et les activités secondaires ou manufacturières), dans la mesure où ces deux secteurs ne répondent pas à la même problématique en ce qui concerne la distance. En effet, pour l'industrie l'échange implique que ce soit le bien qui soit déplacé; alors que dans le cas d'un service, de nature "immatérielle", c'est le consommateur ou, plus rarement, le producteur ou l'information qui se déplace. - 309 - Pour les activités industrielles, domaine auquel le modèle de potentiel est le plus souvent appliqué parce que les coûts de transport et les taxes douanières sont plus facile- ment quantifiables, le modèle de croissance développé par 1'Institut de recherche régionale de 1'Université de Kiel montre bien (REIMERS 1981} que le processus de développement régional est déterminé par d'autres facteurs que 1'accès au marché. Parallèlement, les modèles de transport indiquent que la distance joue un rôle significatif mais que son influ- ence reste limitée (BROECKER et al. 1983). Cette infirmation du modèle de potentiel est d'autant plus justifiée dans le cas de la Suisse et de notre région d'étude que le marché suisse reste très exigu et que la plupart des activités industriell3s sont par conséquent obligées d'exporter sur 1'ensemble du marché mondial, qu'elles soient localisées dans les régions centrales ou dans les zones frontières. Pour une partie des activités tertiaires, plus précisément pour les services destinés en majeure partie à la popula- tion, la distance joue un rôle important parce que la clien- tèle principale de ces services est avant tout une clientèle régionale. Pour ces activités la frontière joue donc un rôle négatif car elle exerce à ce niveau un net effet de coupure. Ceci est non seulement vrai dans les agglomérations mais aussi dans le reste des régions frontières, car ce phénomène touche tout particulièrement les services de type collectif (santé, éducation, etc.). Un tel effet ne se retrouve par contre pas pour les autres catégories de services, activités que la théorie économique lie en général à la hiérarchie urbaine. Au contraire, 1'examen d= la localisation de ces services dans 1'espace helvétique montre que la fonction internationale de Genève (notamment dans le secteur bancaire) est très développée et qu'à Bale re sont les activités liées au commerce de transit qui sont surreprésentées. La comparaison avec le Tessin, canton dans lequel ces deux types de services occupent également une place importante, indique que la frontière - 310 - n'est pas étrangère à un tel développement: on retrouverait là un effet positif découlant de la rupture introduite par la frontière. Un tel effet ne s'étend toutefois pas à l'en- semble de la zone frontière car il paraît lié à la présence d'axes de communication importants, ce qui expliquerait que ces activités soient absentes de la Chaîne du Jura. Bien que nous n'ayons pas pu approfondir ce thème, il est vraisemblable que la frontière joue également un rôle néga- tif dans le domaine des infrastructures. Par exemple, les limites nationales peuvent être à l'origine d'une interrup- tion des voies de communication (cas de la Chaîne du Jura) ou rendre plus difficile le développement de certains équi- pements (cas des aéroports internationaux de Genève et de Bâle-Mulhouse). Malgré cela, il est difficile d'affirmer que la frontière puisse amener une modification profonde de la hiérarchie régionale. Si certaines études (voir STUDER 1983) indiquent que le développement récent des activités de services de haut de gamme a favorisé la région zurichoise par rapport aux autres grands centres urbains helvétiques, rien ne prouve que l'avantage de Zürich provienne de la distance un peu plus grande (par rapport à Baie et à Genève) qui sépare cette métropole de la frontière avec les pays voisins. Finalement, l'examen du développement économique de ces ré- gions frontières au cours de ces dernières décennies tend à vérifier plutôt les effets positifs que les aspects négatifs prédits par la théorie économique. Ce jugement reste toute- fois global et ne s'applique qu'à une période récente. Dans ce sens, nous retrouvons la conclusion de SHERRILL (1979) qui constate que l'échange international et la perméabilité actuelle des frontières exercent un effet positif sur les régions frontières, alors que les effets négatifs sont avant tout liés aux politiques nationalistes pratiquées au cours des périodes antérieures. - 311 - 9.2.2 Facteur culturel et proximité Une autre conclusion importante de notre travail touche aux obstacles non tarifaires que la frontière oppose au commerce international. En effet, le facteur culturel, mesuré par l'intermédiaire de la langue, influence notablement la struc- ture géographique des échanges que les régions suisses entre- tiennent avec les pays voisins. Cette relation privilégiée entre les espace appartenant à la même communauté culturelle est non seulement intéressante sous l'angle de la politique helvétique - en effet on aurait pu supposer que la forte interpénétration de 1'industrie suisse ainsi que 1'apprentis- sage des autres langues nationales s'opposent à une telle différenciation - mais permet aussi de mieux apprécier un élément controversé des analyses du commerce international. Ainsi les résultats de HAASS et PESCHEL (1982) se trouvent confirmés. Au contraire l'hypothèse de KEEBLE et al. (1982), qui supposant que ces facteurs perdent de leur importance, est remise en question. Cette conclusion doit toutefois rester nuancée: la plus grande partie des échanges des régions suisses se font avec des pays appartenant à une communauté culturelle différente. Il paraît donc pour cela préférable de renverser la problématique: dans ce sens, la différence culturelle ne constitue pas un obstacle absolu à 1'échange international mais, c'est la proximité culturelle qui permet la mise en place de liens privilégiés. Le second résultat tiré de l'analyse du commerce extérieur des régions suisses est par contre beaucoup plus délicat à interpréter. En effet, si les régions frontières exportent davantage gue la moyenne vers les pays et les régions immé- diatement limitrophes, cette différence - différence moins importante que dans le cas de la langue mais toutefois signi- ficative -, que nous avons baptisée "proximité géo-histori- que" , peut provenir de facteurs très différents. L'application des modèles d'échanges interrégionaux amène- rait a attribuer ce phénomène à un effet contemporain de la - 312 - distance. Bien que nous n'ayons pas pu vérifier empirique- ment cette hypothèse, elle nous paraît discutable. On peut admettre en effet que les coûts de transport actuels jouent un rôle, mais qui reste toutefois très faible. Une telle hypothèse semble d'autant plus fondée que les distances qui séparent les régions suisses étudiées sont dans de nombreux cas extrêmement réduites à l'échelle internationale. Au début de ce travail nous avons accepté 1'interprétation proposée par PESCHEL (1981) qui explique cette proximité par la persistance de liens anciens entre les régions frontiè- res, liens qui se seraient tissés à une époque où la dis- tance jouait un rôle beaucoup plus important. Bien que cela ne soit pas une démonstration rigoureuse, on peut admettre qu'un certain nombre d'éléments cités dans notre travail (notamment l'exemple du développement de l'industrie horlo- ger e franeo-suisse) confirment cette hypothèse. On peut toutefois continuer de s'interroger sur la validité d'une telle explication et tenter de proposer de nouvelles directions de recherche. On pourrait ainsi ramener cette proximité géographique à la dimension culturelle, en suppo- sant que 1'indicateur utilisé précédemment, la langue, ne mesure pas la totalité de ce facteur culturel. Cela signifie- rait que les régions frontières sont plus proches en ce qui concerne leurs habitudes de consommation, phénomène qui serait amplifié par une interraction sociale (à travers la frontière) relativement élevée (notamment par l'entremise de la main-d'oeuvre frontalière). La distance joue également un rôle dans le domaine des inves- tissements transfrontaliers. Notamment, la proximité géogra- phique entre une maison-mère et sa succursale étrangère peut être un élément important en facilitant les contacts organi- sationnels. Si ce phénomène peut expliquer en partie les liens commerciaux privilégiés existant entre les régions situées de part et d'autre d'une frontière, cette relation entre localisation des activités et flux commerciaux ne se - 313 - retrouve toutefois pas à un niveau plus général. En l'occur- rence, 1'analyse du commerce extérieur des régions suisses montre que les effets de proximité observés ne s'expliquent pas par la structure des activités régionales. Cela signi- signi+fie que la proximité (physique ou culturelle) des mar- chés des pays voisins ne constitue qu'un facteur de locali- sation secondaire. 9.2.3 Généralisation et limites de cette recherche Au cours de ce travail nous avons tenté de généraliser un certain nombre d'observations tirées du cas de la frontière franco-suisse. On doit relever qu'une telle généralisation pose problème car notre travail ainsi que 1'expérience d'autres auteurs montrent que souvent 1'analyse des régions frontières ne met en évidence qu'un ensemble de situations particulières. Pour surmonter ce problème, certains, le plus souvent des géographes, ont proposé de construire des typologies de la frontière <ît des régions frontières. Une telle démarche est certainement utile dans la mesure où elle facilite les com- paraisons. Ainsi, il est important que notre région d'étude comprenne a la fois des agglomérations et des zones moins urbanisées; il n'est non plus pas indifférent qu'une fron- tière corresponde à la crête d'un massif alpin, car cela a des conséquences évidentes sur les relations qui peuvent se mettre en place au niveau interrégional. Ne concernant qu'une fraction des frontières internationales d'un seul pays, la portée de nos conclusions reste par conséquent toute relative. Malgré cela, l'outil de la typologie ne nous semble pas l'instrument le plus adéquat pour arriver à une meilleure compréhension des effets économiques régionaux de la fron- tière. Une telle compréhension ne jaillira non plus pas lorsqu'une monographie aura été consacrée à chaque région - 314 - frontière. Pour nous, 1'espoir réside davantage dans une meilleure compréhension théorique des mécanismes fondamen- taux du développement régional et du rôle joué par l'espace. Sous un angle plus pragmatique, l'étude des régions frontiè- res a aussi beaucoup à gagner d'une mise en pratique des discours consacrés à 1'intégration. En effet, un processus d'harmonisation, en particulier dans le domaine statistique, est une des premières étapes vers l'intégration et constitue une condition sine qua non d'une véritable approche trans- frontalière. A l'exception de quelques tentatives de la Regio Basilien- sis, une telle harmonisation n'est pas réalisée le long de la frontière franco-suisse. On trouvera là une explication au fait que notre analyse est restée en grande partie unila- térale en ne considérant souvent que le côté suisse de la frontière. Nous terminerons par une autre remarque: notre recherche s'est limitée aux principales catégories de rela- tions économiques interrégionales. Elle n'a pas considéré les multiples problèmes et inconvénients que la frontière nationale impose aux individus et, parfois même, aux collec- tivités régionales et locales. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre le j ugement avant tout positif que nous avons porté sur les effets de la frontière. Un tel constat ne signifie donc pas que la situation actuelle soit satisfai- sante et qu'il faille renoncer à développer la coopération transfrontalière. 9.3 Les régions suisses et l'intégration européenne Jusqu'ici les retombées régionales de 1'intégrâtion économi- que n'ont été que très rarement analysées. Dans le cas de la Suisse, cette lacune est d'ailleurs plus générale car la lit- térature consacrée aux effets de 1'intégration européenne sur l'économie helvétique dans son ensemble reste fort mince. Dans la mesure où ce thème constitue un aspect par- ticulier des effets de la frontière, il paraît intéressant - 315 - d'examiner si les résultats de notre recherche peuvent être utilisés pour mieux comprendre les effets de l'intégration économique européenne sur 1'organisation spatiale de la Suis- se. Les données disponibles restant largement insuffisantes, un tel exercice reste délicat et nous en resterons donc dans la plupart des cas au stade de 1'hypothèse. Tableau 9.2 Structure géographique (en %> des échanges com- merciaux de la Suisse Importations Exportations 1960 1973 1983 1960 1973 1983 R.F.A. France Italie CEE <(i) CEE (il) 29.4 12.6 10.5 61.0 67.9 30.2 14.0 9.3 61.0 68.6 28.5 11.7 8.3 58.7 65.5 18.4 6.7 8.2 40.9 48.7 14.0 8.8 8.3 40.0 45.6 19.9 8.6 7.1 40.6 48.6 Autriche AELE (8) AELE 16) 2.2 11.7 4.8 5.0 17.0 9.6 3.5 12.9 6.6 3.2 17.0 9.4 6.0 22.0 12.6 4.1 16.2 8.5 CEE(9'+AELE(6) 72.7 78.2 72.1 58.1 58.2 57.1 4 pay:; voisins 54.7 58.5 52.0 36.5 37.1 39.7 Total 100 100 100 100 100 100 Sourcii : Annuaire statistique de la Suisse, Calculs personnels 1) Ce tableau rend compte des principaux espaces d'intégration européens et de leurs modifications. En 1972 la CEE est passée de 6 {France, R.F.A., Italie, Belgique, Luxembourg, Pays-Bas) à 9 pays avec l'adhé- sion de l'Irlande, de la Grande-Bretagne et du Danemark (on ne tient pas compte de l'adhésion récente de la Grèce). Avec le départ de la Grande-Bretagne et du Danemark, l'AELE est passée de 9 à 7 pays mem- bres (de 8 à 6 si on ne tient pas compte de la Suisse): Autriche, Nor- vège, Suède, Finlande, Islande et Portugal. - 316 - Les relations économiques de la Suisse avec les pays euro- péens sont marquées par plusieurs étapes. Membre fondateur, la Suisse fait partie de l'Association Européenne de Libre Echange (AELE) depuis 1960. La modification des rapports entre l'AELE et la CEE intervenue au début des années '70' - modification marquée par l'adhésion de la Grande-Bretagne et du Danemark à la CEE - a amené la Suisse a passer un accord de libre échange avec -la CEE. Conclu en 1972, cet accord a amené la suppression complète des droits de douiine sur les produits industriels à partir de 1977. i En partie occultés par la libération générale des échanges commerciaux (GATT!, ces différents accords se sont traduits en partie par des effets de détournement des courants commer- ciaux (BOSSHARDT 1979). Ainsi, les échanges avec les pays de l'AELE ont fortement progressé au cours des années '60', tendance qui s'est ensuite renversée au profit des pays de la CEE- Même si la Suisse est très fortement liée à l'économie euro- péenne, les effets de l'intégration sont restés l:.mités. Com- me l'indique le tableau 9.1, la part des pays de la CEE a tendance à diminuer, ce qui peut être attribué aux nouvelles formes de la division internationale du travail. En ce qui concerne les échanges avec les pays limitrophes, 1'Autriche constitue un cas particulier. En effet, la part de ce pays membre de l'AELE a très fortement progressé et, même si un certain recul est enregistré depuis le milieu des années "70", 1'intensité de ses relations avec la Suisse (voir HAASS et PESCHEL 1982) reste très forte lorsqu'on tient compte de son poids économique relativement faible à l'échel- le européenne. Comme le suppose BÛSSHARDT (1979), il semble que la "proximité culturelle" soit en partie à l'origine de ces relations privilégiées. Lorsqu'il s'agit d'aborder la dimension régionale, l'aspect sectoriel de l'intégration prend une grande importance. La libéralisation des échanges, qu'il s'agisse des relations de - 317 - la Suisse avec la CEE ou l'AELE, s'est limitée aux produits industriels. Elle ne s'est étendue ni aux produits de l'agri- culture, ni aux services et n'a non plus pas touché à la mobilité des facteurs de production. C'est donc dans le domaine des échanges de marchandises qu'il faut rechercher les effets directs de 1'intégration économiques. Les données du commerce extérieur des régions n'étant dispo- nibles que pour l'année 1981, il n'est pas possible d'effec- tuer une analyse dynamique de ces effets. Toutefois, on peut essayer de tirer parti de ces données en faisant l'hypothèse que la structure géographique des échanges régionaux reste stable ' en termes relatifs, c'est-à-dire lorsqu'on la compare à la structure nationale. On peut supposer tout d'abord que l'intégration européenne a eu des effets plus ou moins uniformes au niveau des régions linguistiques, dans la mesure où tous les pays "culturelle- ment proches" ont été impliqués dans ce processus. Ensuite, la place emportante qu'occupent les pays limitrophes de la Suisse peut nous amener à supposer que les régions frontiè- res - il s'agit là de l'effet de proximité géo-historique ont été favorisées par rapport au centre du pays. Un tel effet est certainement resté très faible car le "reste du monde" (les pays non immédiatement limitrophes) représente un marché beaucoup plus important. Cette hypothèse est d'ail- leurs renforcée par le constat que la localisation des acti- vités exportatrices ne semble pas être influencée par la structure géographique de leurs marchés. Si la position des régions dans 1 ' espace géométrique (ré- gions centrales/régions frontières ou excentriques) ne devrait pa:; avoir joué un rôle déterminant, on peut aussi supposer, en s'appuyant sur d'autres travaux (PESCHEL et al. 1979) , que les relations de pouvoir - il s'agit là du 1 ) Une telle stabilité dans le temps a été observée dans le cas de l'Allemagne par PESCHEL. - 318 - rapport entre centre et périphérie - n'ont pas été modifiées fondamentalement par la libéralisation des échanges de mar- chandises. Dans notre région d'étude, 1'agglomération bâloi- se a pu bénéficier d'un avantage relatif du fait de sa forte composante industrielle, mais un tel phénomène ne- se retrou- ve pas dans le cas des autres grands centres urbê.ins tournés davantage vers les activités de services. Une te]le supposi- tion correspond d'ailleurs aux tendances observées (JEANNERET 1984) au niveau de l'emploi industrie] en Suisse: même si cela est moins marqué pour les emplois non-produc- tifs (de type tertiaire), la répartition spatiale de l'indus- trie helvétique s'est caractérisée par un phénomène de décon- centration au cours de la dernière décennie. L'intégration exerce également d'autres effets qui ne sont pas liés directement à 1'abaissement des tarifs douaniers. Dans le cas des relations Suisse-CEE on peut penser notam- ment au facteur de stabilité économique offert par la mise en place du système monétaire européen ou aux modifications des courants du transit Nord-Sud qui ont découlé de la poli- tique suisse en matière de transport' (RATTI 19£:2). Toute- fois, de tels exemples restent trop sectoriels pour amener une modification profonde de l'équilibre interrégional helvé- tique. Reste posée la question des effets de l'intégration dans le secteur tertiaire et plus précisément dans le domaine des services qui participent au commerce- international. A ce sujet, LENDI et al. (1982) supposent que la mise en place de la CEE a amené une amélioration de la situation de la Suisse en termes d'accessibilité. En offrant de meilleures condi- tions cadre, l'intégration européenne aurait aussi favorisé le développement de certains services exportés par la Suisse (Banques, assurances, conseil). Dans la mesure où de telles activités sont surtout localisées dans les grands centres urbains, ces auteurs en concluent que 1'intégration euro- péenne a accentué les tendances à la concentration au sein de l'espace helvétique. - 319 - Bien que conforme aux courants dominants de la littérature, une telle déduction doit être remise en question. En effet, le lien entre l'intégration Suisse-Europe et le développe- ment des activités de services reste ténu. L'accord de 1972 ne touche pas ce domaine et la possibilité de s'établir et d'exercer son activité dans un autre pays reste soumise à de très nombreuses réglementations nationales. A cet égard, le cas des Assurances constitue certainement un cas d'école parce que ce domaine vient de faire, après de longues négo- ciations, l'objet d'un accord particulier entre la Suisse et la CEE. En touchant une activité déjà fortement internationalisée et dont le segment "exportateur" est vraisemblablement très concentré dans 1'espace (ces affaires internationales concer- nent surtout les centres des grandes entreprises localisés dans les régions urbaines du pays), un tel élargissement de l'accord commercial Suisse-CEE peut avoir à l'avenir des effets sur 1'organisation spatiale helvétique. Une telle supposition ne s'applique toutefois pas aux effets passés de 1 ' intégration et mérite encore d'être analysée de manière approfondie. Dans ce sens nous rejoignons une de nos conclusions précédentes: une meilleure compréhension des effets des frontières internationales et de 1'intégration non seulement nécessite des informations statistiques plus complètes mais passe aussi par une meilleure compréhension des mécanismes de base du développement régional. 1) Selon GAEUS (1983), les prijnes encaissées par les assurances suisses dans les pays de la CEE représentent environ un tiers de leurs recet- tes. - 321 - BIBLIOGRAPHIE ADLUNG R., Wirtschaftliche Integration und regionaler Strukturwandel, 1982 Bonn" (Thèse, Université de Bale) ALTERMATT K., Raumliche Lohndisparitäten in der Schweiz. Riiegger, 1981 Diessenhofen ANHUAIRE des participations étrangères en France, Opéra Mundi, Paris, 1979 (édition 1978-79) ANTILLE G., L'interdépendance de l'économie suisse: estimation d'une 1983 matrice de coefficients techniques pour 1975. Castella, Albeuve BAECHTOLD H.-J-, Die Entwicklung der schweizerischen Grosstädte 1970- 1983 1980. 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de la Suisse avec les zones franches des Pays de Gex et di; la Haute-Savoie 137 6.15 Exportations du canton de Genève à destination des régions françaises voisines en 1981 et population de ces régions en 1982 141 - 330 - 6.16 Exportations de la Suisse du Nord-Ouest par produits et: pays de destination en 1981 144 6.17 Les échanges de l'Alsace avec la Suisse selon quelques groupes de produits en 1981 146 6.18 Origine de It) valeur ajoutée nette de la Suisse du Nord- Ouest en 1978 et 1981 150 6.19 Répartition géographique du chiffre d'affaires de l'industrie et des services et des exportations de la Suisse du Nord- Ouest en 1981 151 6.20 Exportations de la partie romande de la Chaîne du Jura par produits et pays de destination en 1981 153 6.21 Les échanges de la Franche-Comté avec la Suisse selon quel- ques groupes de produits en 1982 155 6.22 Hôtellerie: offre et nationalité des hôtes étrangers dans les cantons suisses en 1981 158 6.23 Répartition géographique et quotient de localisation de cer- tains services en Suisse en 1975 166 7.1 Emploi industriel et participations étrangères dans le;ï régions françaises à fin 1980 174 7.2 Emplois contrôlés et iudice d'orientation des participations des pays voisins dans l'industrie des régions françaises à fin 1980 177 7.3 Taux de dépendance des entreprises du canton de Genève par secteur et lieu d'origine en 1975 ' 182 7.4 Origine des participations étrangères dans l'industrie alsa- cienne en 1973 183 7.5 Structure par sexe et âge de la population active résidante et des travailleurs frontaliers 204 7.6 Répartition par branche et degré de spécialisation des fron- taliers et des autres étrangers en 1975 207 7.7 Provenance selon la nationalité des différentes catégories de travailleurs étrangers en 1983 209 7.8 Nationalité de la main-d'oeuvre étrangère résidante dans les différentes régions linguistiques en 1983 210 7.9 Emploi total, frontaliers et autres étrangers dans les can- tons en 1975 211 8.1 Population résidante des agglomérations urbaines de la région frontière franco-suisse 214 - 331 - 8.2 Evolution de la population résidante des cantons suisses et des départements français 219 8.3 Evolution de la population résidante dans les secteurs de l'agglomération internationale de Genève 228 8.4 Evolution des emplois dans les secteurs de l'agglomération internat:_onale de Genève 230 8.5 Emplois ^t migrations alternantes dans le canton de Genève au début des années "80" 232 8.6 Population active résidante, migrants alternants et fronta- liers dans les communes françaises de l'agglomération gene- voise en 1975 234 8.7 Evolution de la population résidante dans les secteurs de l'agglomération internationale de Baie 235 8.8 Evolution des emplois et des actifs dans les secteurs de l'agglomération internationale de Bâle 237 8.9 Mouvements pendulaires orientés vers le centre des cinq prin- cipales agglomérations suisses 240 8.10 Structures de l'emploi total et frontalier à Genève et à Baie en :.975 2A7 8.1.1 Repartition de l'emploi total et frontalier par brandie éco- nomique it Genève et à Bâle en 1975 248 8.12 Structure par âge des frontaliers à Genève et à Bâle en 1983 250 8.13 Densité de la population dans la zone frontière 253 8.14 Population résidante des principales communes de la zone frontière; 254 8.15 Evolution de la population résidante de la zone frontière 256 8.16 Principales caractéristiques démographiques de la zone frontière 257 8.17 Structure d'activité des cantons français on 1975 260 8.18 Structure d'activité des districts suisses en 1975 262 8.19 Evolution indicée de l'emploi en Suisse et dans les cantons frontières 265 8.20 Demandes d'emploi et taux de chômage en fin de période dans les zone;: A.L.E. 269 8.21 Chômeurs à temps complet et taux de chômage en fin de période dans les districts suisses 269 - 332 - 8.22 Emplois et frontaliers par branche économique dans les can- tons du Jura et de Neuchâtel en 1975 278 8.23 Evolution de l'emploi industriel total et frontalier dans les districts suisses 279 8.24 Structure par sexe et âge de la main-d'oeuvre frontalière dans les cantons de Neuchâtel et du Jura en 1983 284 8.25 Gains horaires moyens des travailleurs frontaliers et des ouvriers dans le canton du Jura et en Suisse en 1980 285 8.26 Gains horaires moyens des travailleurs frontaliers et des ouvriers dans le canton de Neuchâtel et en Suisse en 1981 285 9.1 Revenu régional par habitant dans quelques cantons en 1965 et 1978 307 9.2 Structure géographique des échanges commerciaux de la Suisse 315 LISTE DES FIGURES 1.1 Les effets d'une barrière douanière selon LOESCH 17 7.1 Evolution des effectifs des différentes catégories de travail- leurs étrangers en Suisse 201 7.2 Part des différentes catégories de main-d'oeuvre étrangère soumise à contrôle en Suisse 202 8.1 Evolution de l'effectif des frontaliers à Genève et á Bale 2¿3 8.2 Evolution du nombre d'autorisations de travail et de l'effec- tif des frontaliers occupés à Bâle-Ville 245 8.3 Evolution indicée de l'emploi industriel dans la partie suisse de la zone frontière 264 8.4 Evolution indicée de l'emploi en Franche-Comté 266 8.5 Structures démo-économique de la zone frontière: analyse factoriello en composante principale 272 8.6 Effectif des frontaliers occupés dans les cantons de Neuchâtel et du Jura 275 8.7 Evolution mensuelle du nombre de chômeurs et de travailleurs frontaliers dans le canton du Jura 282 - 333 - LISTE DES CARTES No intitulé Page 5.1 Zones d'étude et principales limites administratives de la frontière franco-suisse 92 6.1 Les régions douanières suisses 101 6.2 Orientation des exportations des régions suisses en 1981 105 6.3 Les régions douanières suisses selon leur appartenance lin- guistique 108 6.4 Les régions frontières de la Suisse 109 6.5 Indice d'orientation des exportations des régions françaises vers la Suisse en 1981 131 6.6 Les régions du commerce transfrontalier franco-suisse 140 7.1 Taux de pénétration des investissements étrangers dans L'indus- trie des légions françaises à fin 1980 178 7.2 Indice d'crientation des investissements suisses dans l'indus- trie des légions françaises à fin 1980 178 8.1 Populatior résidante des agglomérations urbaines et des prin- cipales communes 215 8.2 Densité d(' population par commune dans la zone frontière franco-sui sse 217 8.3 Structure sectorielle d'activité des districts suisses et des cantons fiançais en 1975 218 8.4 Délimitation de l'agglomération internationale de Genève 227 8.5 Délimitation de la zone frontière de la Chaîne du Jura 252 8.6 Effectifs et importance relative des travailleurs frontaliers dans la zone frontière en 1975 227 ANNEXE STATISTIQUE : LES EXPORTATIONS DES REGIONS SUISSES EH 1981 - 337 - ANNEXE STATISTIQUE LES EXPORTATIONS DES REGIONS SUISSES EN 2 981 Sommaire : Tableau Al : Les régions douanières de la Suisse A2 : Exportations en valeur à destination des pays voisins A3 : Exportations en quantité à destination des pays voisins A4 : Indice d'orientation des exportations en valeur A5 : Indice d'orientation des exportations en quantité A6 : Répartition théorique des exportations en valeur A7 : Répartition théorique des exportations en quantité Carte Al : Indice d'orientation des exportations des régions vers l'Autriche {en valeur) A2 : Indice d'orientation des exportations des régions vers la R.F.A. (en valeur) A3 : Indice d'orientation des exportations des régions vers la France {en valeur) A4 : Indice d'orientation des exportations des régions vers l'Italie (en valeur) A5 : Indice d'orientation des exportations des régions vers le "Reste du monde" (valeur) - 338 - Tableau Al : Les régions douanières de la Suisse (état 1982) 01.0 Canton de Zurich 01.1 Zürich 01.2 Limmattal 01.3 Glattal 01.4 Oberland 01.5 Zimmerberg 01.6 Pfannenstiel 01.7 Winterthur et env. 01.8 Reste canton de Zürich 02.0 Canton de Berne 02.1 Laufental 02.2 Jura/Bienne/Seeland 02.3 Erlach/Seeland Est 02.4 Berne 02.5 Burgdorf/Ogeraargau 02.6 Schwarzwasser etc. 02.7 Thun-Innerport 02.8 Obersimmental etc. 03.0 Canton de Lucerne 03.1 Lucerne Agglomeration 03.2 Reste canton de Lucerne 04.0 Canton d'Uri 05.0 Canton de schwyz 05.1 March 05.2 Reste canton de Schwyz 06.0 Unterwald (Obwald et Nidwald) 07.0 Canton de Glaris 08.0 Canton de Zoug 09.0 Canton de Fribourg 10.0 Canton de Soleure 10.1 Dorneck/Thierstein 10.2 Reste canton de Soleure 11.0 Canton de Bâle-ville 12.0 Canton de Bâle-Campagne 12.1 Agglomération de Bale (BLJ 12.2 Reste canton de Bâle-Campagne 13.0 Canton de Schaffouse 14.0 Canton d'Appenzell 15.0 Canton de Saint-Gali 15.1 St.-Gall agglomération 15.2 Reste du canton de St.-Gali 16.0 Canton des disons 16.1 Misox 16.2 Reste du canton des Grisons 17.0 Carton d'Argovie 17.1 Rheinfelden/Laufenb. 17.2 Bsden/Brugg/Zurzach 17.3 Reste cantor. d'Argovie 18.0 Canton de Thiurgovie 19.0 Canton du Tessin 19.1 District de Hendrisio 19.2 Sotto Ceneri 19.3 Sopraceneri 20.0 Canton de Vatd 20.1 Lausanne agçlomération 20.2 Jura 20.3 Vallée du Rr.ône 20.4 Reste du canton de Vaud 21.0 Canton du Valais 21.1 Vallée du Rhône inférieur 21.2 Reste du canton du Valais 22.0 Canton de Neuchâtel 22.1 Région Lac 22.2 Reste du canton de Neuchâtel 23.0 Canton de Genève 28.0 Canton du Jura 29.0 LIECHTENSTEIN 32.0 Inconnu Source : Direction générale des Douanes - 339 - Tableau A2 : Exportations en valeur [millions de frs. des régions suisses à destination des pays voisins en 1981 RESTE DU AUTRICHE RFA FRANCE ITALIE MONDE TOTAL 01.1.ZK.ZURICH 241.B 780.9 193.6 214.0 2617.6 4048.0 01.2.ZH.LlHHATT 19.2 90.1 16.3 14.2 195.9 335.7 01. 3.ZH.GLATTAL 42.B 166.8 50.3 24.9 271.0 SSS.6 01. 4.ZH.OBEBLAH 66.6 217.5 64.7 92.0 603.4 1044.3 01.S.ZH.ZlHHERB 28.6 90.3 28.6 32.3 233.1 412.9 01.6.IH.PFANHEH 31.3 120.9 74.0 30.2 271.3 527.7 01.7.ZH.WlNTHER 31 .8 151.0 61.2 42.7 679.9 966.6 01.8. ZH.UNTERL 29.6 84.6 25.B 14.6 157.6 312.2 01.9.ZH.AUTRE. 29.8 100.1 30.2 24.6 161 .3 366.0 02.1.BE.LAUFENT 16,2 25.7 19.0 2.9 16.0 79.8 02.2.BE.BIENNE 35.7 294.2 144.7 187.6 1291.7 1954.0 02.3.BE.BERNE. 5.1 23.5 9.0 5.4 57.2 100.2 02.4.BE.ERLACH 33.6 207.9 62.9 122.2 433.7 660.3 02.5.BE.BURCDOR 42.0 139.5 80.5 91.3 366.0 721.2 02.6.BE.SCHWARZ 6.3 3S.3 19.8 . 40.5 54.8 156.7 02.7.BE.THUN.. 5.3 56.2 25.4 22.9 121.8 231.6 02.B.BE.OBEFSIM 1.8 6.0 1.1 1.7 B.9 19.4 03.1.LU.ACGL0. 36.3 162.8 53.8 54.1 1521.3 1630.3 03.2.LU,AUTRE. 31.7 IB8.7 27.0 37.4 13B.7 423.5 04.0.URI...... 6.3 37.5 5.4 2.1 42.9 94.3 05.1.5Z,HAPCH. 10.9 69.8 13.8 9.7 146.3 250.5 05.2.SZ.AUTRE. 6.5 36.2 10.0 6.7 77.3 136.7 06.0.UHTERWALD 17.7 54.9 7.0 7.4 148.8 235.8 07.0.GLAPIS. .. 29.5 51.8 25.0 12.0 91.8 210.2 08.0.ZUG...... Si.4 236.1 65.7 76.1 572.4 1001.7 09.0.FRIBOURG. 40.8 125.7 101.8 58.0 386.9 713.1 10.1.SO.DORNECK 7.7 33.6 9.9 9.6 103.1 163.9 10.2.SO.AUTRE. SB.6 550.0 191 .9 170.5 1466.8 2467.8 11.0.BALE.VILLE 142.B 927.5 831 .4 543.2 5317.9 7762.7 12.1.BL.AGGLO. 30.6 201 .2 66.7 47.1 426.3 774.0 12.2.BL.AUTRE. 11.9 98.3 30.9 24.1 200.5 365.7 13.0.SCHAFFOUSE 46.2 301.7 66.9 83.S 507.5 1005.8 14.0.APPENZELL 23.6 58.4 22.1 19.2 91.8 215.2 15.1.SC.AGGLO. 76.B 181.3 68.8 115.1 405.5 847.5 15.2.SG.AUTRE. 309.1 559.7 136.4 123.8 1240.0 2368.9 16.1.GR.HISOX. 0.8 14.8 1 .4 5.7 11.3 34.1 16.2.GR.AUTRE, 24.9 137.8 29.2 42.6 1S6.7 391.1 17.1.AG.RHEINFE 5.5 58.9 25.4 12.3 104.5 206.6 17.2.AG.BADEN. 44.6 290.8 110.1 66.4 1627.6 2139.5 17.3.AG.AUTRE. 97.1 426.9 123.8 72.4 877.3 1597.5 18.0.THURCOVIE 83.0 392.9 111.6 SS.6 642.3 1288.4 19.1.Tl.MENDRI 13.1 63.4 72.2 465.1 285.2 899.0 19.2.TI.SOTTOCE 18.1 82.4 63.8 132.6 300.8 597.6 19.3.TI.SOPRACE 26.7 138.3 21 .4 96.2 159.0 441.6 2G.1.VD.LAUSANN 26.2 173.6 173.9 86.8 796.7 1259.1 20.2.VD.JURA. . 13.7 23.8 27.1 15.9 127.0 207.5 20.3.VD.RHONE. 1.4 10.4 7.1 1 .0 25.7 45,6 20.4.VD.AUTRE. 20.6 97.5 125.7 67.1 467.4 778.2 21.1.VS.RHONE. 2.7 38.2 25.3 17.4 94.6 178.2 21.2.VS.AUTRE. 15.0 61.6 47.9 27.9 291.2 443.6 22.1.NE.LAC... 16.9 95.8 98.6 49.3 474.6 735.4 22,2.HE.AUTRE. 8.3 82.3 147.4 71.4 546.6 856.0 23.0.¿ENEVE... 4B.2 297.1 621.8 2S9.8 3142.3 4399.3 28.O.JURA..JU. 11.1 55.8 39.3 30.4 164.2 300.6 29.0.LIECHENST 79.7 276.6 79.0 51.9 449.0 936.4 32.0.INCONNU. . 67.6 402.7 157.9 45.8 852.4 1526.4 SUISSE.TOTAL. . 2263.0 9687.4 4751.3 4069.9 32049.9 52821.6 Source : Dir ection générale des Douanes; Exploitation et calculs personnels - 340 - Tableau A3 : Exportations en quantité (1'0QO tonnes) des réqions suisses à destination des E ays voisins en 1981 AUTR RESTE DU ICHE RFA -RANCE ITALIE HONDE TOTAL 01 .1 .ZH.ZURICH 37.2 96.8 24.3 97.7 94.6 350.7 OI .2.ZH.LIKMATT 5.4 fl.O 1 .3 2.1 11.0 27.8 Dl.3.ZH.GLATTAL 3.S 9.1 2.0 12.7 10.S 37.8 01.*.ZH.OBERLAN 21 .0 11.9 2.9 S.6 19.3 60.7 01.5.ZH.ZIHKERB 4.1 8.B 1 .1 4.4 U .6 30.0 01 .6. ZH.PFANNEN 6.1 5.4 1 .8 14.7 7.2 35.3 01 .7. ZH.WINTHER 7.5 14.7 4.7 5.5 27.4 59.7 01 .8. ZH.UNTEPL 5.2 32.4 1 .8 4.0 18.7 62.3 01 .9. ZH.AUTRE. S.4 14.0 2.6 6.5 11 .4 39.8 02.1 .BE.LAUFENT 8.4 S.8 6.6 1.0 3.3 28.1 02. 2. BE. BIENNE 1 .8 9.6 6.6 9.5 .10.5 38.3 02.3.BE.BERNE. 0.5 3.8 2.8 3.2 4.7 IS.0 02.4.BE.ERLACH 4.3 30.7 7.8 78.0 27.3 148.1 02.5.BE.BURGDOR 5.2 12.2 6.8 40.8 26.3 91 .3 02.6.BE.SCHWARZ 0.6 ¦ 3.6 1.9 9.8 5.5 21 .4 02.7,BE.TKUN.. 0.6 4.5 2.1 3.6 10.1 20.9 02,6.BE.OBERSIN 0.8 0.6 0.1 1.1 0.2 2.8 03.1.LU.AGGLO. 9.5 46.1 17.0 23.2 57.9 153.6 03.2,LU.AUTRE. 11.1 50.7 9.9 41.6 22.6 135.9 04.0.UBI...... 1 .0 2.8 0.7 0.B 3.1 8.5 05.1.SZ.HARCH. 1.3 4.4 0.5 2.2 4.8 13.1 05. 2.SZ.AUTRE. 0.4 2.4 3.3 8.0 3.0 17.0 06.0.UNTERWALD 2.2 4.2 0.3 1.9 4.0 12.6 07.0.GLARIS... 3.5 6.9 2.1 2.4 9.2 24.0 8.1 26. 2 2.7 19.0 20.3 76.3 09.0.FRIBOURG. 12.3 18.2 8.2 19.3 35.6 93.6 10.1.SO.DORNECK 1.1 4.5 1.5 1.4 10.6 19.2 10.2.SO.AUTRE. 14.0 204.0 38.2 51 .3 76.9 3B4.4 11.0.BALE.VILLE 11.8 104.1 38.7 34.7 259.5 448.7 12.1 .BL.AGGLO. 5.4 S*.6 17.5 52.5 32.2 162.2 12.2.BL.AUTRE. 1..2 3.6 1.6 12.3 3.7 22.3 13.0.SCHAFFOUSE 4.6 46.8 4.1 8.6 31.9 95.9 14.0.APPENZELL 2.1 2.7 0.6 1.1 2.1 8.6 15.1.SG.AGGLO. 14.7 9.7 2.8 12.1 12.9 52.2 IS. 2.SC.AUTRE. 49.3 55.8 16.4 SO.3 61.9 233.7 16.1.GR.HISOX. 1 .1 9.6 1 .0 4.0 1.1 16.9 16.2.GR.AUTRE. 9.6 27.1 4.4 90.S 20.D 151.7 17.1.AG.RHEINFE 2.8 21.3 13.4 19.7 6.9 66.2 17.2.AG.BADEN. 6.9 98.5 18.7 31 .S 62.2 217.8 17.3.AG.AUTRE. 24.8 65.8 27.0 72.4 55.7 245.7 18.0.THURGOVIE 22.6 88. S 22.7 25.5 S3.1 212.4 19.1.Tl.HENDRI 1.4 3.0 1.1 18.9 4.4 28.8 19.2.TI.SOTT0CE 3.8 9.5 4.8 60.1 12.0 110.2 19.3.Tl-SOrRACE 13.5 ISO.9 2.2 96.9 16.3 279.7 20.1.VD.LAUSANN 1.2 6.S 9.1 70.6 28.4 115.8 20.2.VD.JURA.. 1.8 0.6 S.9 5.9 7.4 21.6 20.3.VD.RHONE. 0.2 0.9 2.0 O.S 5.4 9.0 20.4.VD.AUTRE. 8.9 4.9 22.0 25.6 39.1 100.4 21.1.VS.RHONE. 0.3 3.9 12.4 6.1 S.6 28.2 21.2.VS.AUTRE. 3.9 15.0 10.2 8.9 45.S 83.5 22.1.NE.LAC... 4.7 4.8 6.1 25.1 20.5 61.2 22.2.NE.AUTRE. 0.3 1.S 4.8 4.6 3.4 14.7 23.0.GENEVE... 2.7 10.3 33.6 16.8 33.3 96.7 28.O.JURA. .JU. 1.3 5.5 13.8 62.9 22.3 105.6 29.0.LIECHENST 8.5 15. 3 3.4 2.6 12.8 42.6 32.0.INCONNU.. 2.3 14.1 17.7 6.6 5.0 45.7 SUISSE.TOTAL.. 393.6 1480.1 479.6 1318.6 1414.2 S0S6.2 Source : Dire :tion générale des Douanes Exploitatio et calculs personnels - 341 - Tableau A4 : índice d'orientation en valeur des exportations des réqions suisses en 1981 RESTE DU AUTRICHE RFA FRANCE ITALIE HONDE 01.1. ZH.ZURICH 1.394 1 .052 0.532 0.686 1 .066 01.2.ZH.LIHHATT 1.332 1 .464 0.539 0.549 0.962 01.3.ZH.GLATTAL 1.79B I .637 1 .002 0.582 0.804 01. 4.ZH.OBERLAN 1.489 1.136 0.689 1.143 0.952 01. 5.ZH.ZIHHERB 1.619 1.192 0.771 1.015 0.930 01.6.ZH.PFAHNEN 1.3*5 1.250 1 .558 0.74Z 0.647 01.7.ZH.WINTHEB 0.768 0.852 0.704 0.573 1.159 0t.8.ZH.UNTERL 2.213 1.478 0.919 0.606 0.632 0t.9.ZH.AUTRE. 1.903 1.492 0.917 0.872 0.616 02.1.BE.LAUFENT 4.729 1.753 2.651 0.47B 0.331 02.2.BE.BIEHNE 0.426 0.821 0.623 1.246 1.090 02.3.BE.BERNE. 1.193 1.278 0.995 0.703 0.941 02.4.BE.ERLACH 0.910 t.318 0.813 1.843 0.B31 02.5.BE.BUBGDOR 1,35S 1.055 1.240 1.643 0.B41 02.6.BE.SCHHARZ 0.935 1.227 1 .406 3.355 0.577 02.7.BE.THUN.. 0.532 1.323 1.221 1.263 0.867 02.6.BE.OBERSIH 2.109 1.679 0.632 1.150 0.752 03.1.LU.AGGLO. 0.4BS 0.485 0.327 0.384 1.370 03.2.LU.AUTRE. 1 .746 2.429 0.710 1 .146 0.540 04.0.URl...... 1.560 2.170 0.641 0.292 0.750 OS.1 .SZ.«ARCH. 1.012 t .520 0.615 0.501 0.963 OS.2.SZ.AUTRE. 1 .102 1.444 0.811 0.637 0.933 06.0.UHTERWALD 1 .749 1.269 0.331 0.407 1.040 07.0.GLAR1S... 3.27Ç 1.345 1.322 0.739 0.720 1 .197 1.285 0.729 0.9B6 0.942 09.0.FRIBOURG. 1.337 0.961 1.586 1 .055 0.894 10.1.SO.DORNECK 1.100 1.116 0.675 0.761 1.036 10. 2. SO.AUTRE. 0.63* 1.215 0.865 0.897 0.980 11.0.BALE.VILLE 0.429 0.651 1.191 0.906 1.129 12.1.BL.AGGLO. 0.924 1.418 0.958 0.7B9 0.912 12. 2.BL.AUTRE. 0.762 1 .465 0.939 0.855 0.904 13.0.SCHAFFOUSE 1.072 1 .636 0.739 1.077 0.832 14.0.APPENZELL 2.561 1.479 1.144 1 .159 0.703 tS.l.SC.AGGLO. 2.HS 1.166 0.902 1 .762 0.789 15.2.SG.AUTRE. 3.045 1.2SS 0.640 0.678 0.B63 16.1.GR.H1S0X. 0.569 2.370 0.459 2.176 0.547 16.2.GR.AUTRE. 1 .485 1.921 0.B30 1 .412 0.660 17.1.AG.RHElNFE 0.623 1.555 1.364 0.774 O.B34 17.2.AG.BADEH. 0.487 0.741 0.572 0.403 1.254 17.3.AG.AUTRE. 1.419 1.457 0.B62 0.5B8 0.905 IB.0.THURGOVIE 1.504 1.663 0.963 0.590 0.822 19.1.TI.HEHDRI 0.340 0.385 0.893 6.715 0.523 19.2.TI.SOTTOCE 0.708 0.752 1.166 2.679 0.829 19.3.TI.SOPRACE 1.414 1 .707 0.53B 2.827 0.593 20.1.VD.LAUSANM 0.4*6 0.752 1.535 0.894 1.045 20.2.VD.JURA.. 1.545 0.625 1.454 0.992 1 .009 20.3.VD.RHOHE. 0.697 1 .247 1.726 0.289 0.930 20.4.VD.AUTRE. 0.61* 0.6B3 t. 796 1.118 0.990 21.1.VS.RHONE. 0.3S4 1 .169 1.577 1.266 0.875 21.2.VS.AUTRE. 0.7*7 0.757 1.200 0.815 1.082 22.1.ME.LAC. . 0.536 0.710 1.490 0.870 1 .064 22.2.ME.AUTRE. 0.227 0.524 1.914 1.083 1 .052 23.0.GENEVE... 0.256 0.368 1.571 0.B55 1 .177 28.O.JURA..JU. ' 0.858 1.012 t.454 1.312 0.900 29.D.LIECHEHST 1.9*7 1 .611 0.939 0.720 0.790 32.0.INCOHNU.. 1.033 1.438 1.150 0.390 0.920 SUISSE.TOTAL.. 1.000 1.000 1.000 1.000 1 .000 Source : Direct ion générale des Douanes; Exploitât et ca! culs personnels 1) Pour le formule de 1'indice d'orientation, voir 6.2.2 - 342 - Tableau A5 : Indice d'orientation en quantité des exportations des réqions suisse; ; en 1981 RE5TE DU AUTRICHE RFA FRANCE ITALIE MONDE 01.1. ZH.ZURICH. 1.371 0.949 0.736 1.074 0.970 Ol .2.ZH.LIMKATT 2.SlO 0.987 0.514 0.290 1.419 Ol.3.ZH.GLATTAL 1.204 0.82B 0.553 1.293 1.001 Ol. 4. ZH.OBEBLAN 4.474 0.674 0.500 0.356 1.144 Ol.5.ZH.ZIHHEPB 1.756 1.004 0.396 0.569 1.393 Ol.b.ZH.PFAHNEM 2.244 0.523 0.S51 1.611 0.735 Ol.7.ZH.WINTHER ] ,(.26 0.B45 0.832 0.352 1.648 Ol.8.ZH.UHTERL, LOBI 1.79] 0.313 0.250 1.083 Ol.9.ZH.AUTPE.. 1.751 1.210 0.683 0.627 1.026 02.1.BE.LAUFENT 3.«61 1.080 2.497 0.136 0.417 02.2.BE.BIENNE. 0.608 0.866 1 .8BB 0.956 0.990 02.3.BE.BERHE.. 0.392 0.881 1.955 0.836 1.123 02. 4.BE.EBLACH. 0.377 0.713 0.559 2.030 0.663 02.S.BE.BlIRCDOR 0.740 0.458 0.78S 1.725 1.037 02.6.BE.SCHWARZ 0.347 0.584 0,916 1.770 0.927 02.7.BE.THUN... 0.390 0.733 1.062 0.669 1.737 02.8.BE.0BER51H 3.776 0.731 0.27S 1.488 0.300 03.1.LU.AGCLO.. 0.797 ] .031 1.172 0.SB3 1.355 03.2.LU.AUTRE. 1.057 ] .282 0.774 î.i eo 0.598 1.589 1.145 0.873 0.376 1.307 05.1.SZ.KARCH. 1.23S 1.153 0.393 0.641 1.315 OS.2.SZ.AUTRE.. 0.277 0.476 2.041 1.821 0.630 06.O.UNTERWALD 2.250 ] .350 0.235 0.575 1.151 07.O.GLARlS____ 1.863 0.987 0.917 0.384 1.377 OB.O.ZUG....... 1.374 1.183 0.370 0.960 0.956 09.0.FRIBOURG. 1.700 0.669 0.924 0.793 1.369 10.1.SO.DORNECK 0.7S6 0.805 0.852 0.284 1.990 10.2.SO.AUTRE.. 0.469 1 .824 1.053 0.515 0.720 11 .0.BALE.VILLE 0.339 0.797 0.914 0.298 2. OBO 12.1 .BL.AGGLO. 0.432 1 .156 1.144 1 .247 0.715 12.2.BL.AUTRE.. 0.695 0.546 0.747 2.U4 0.S96 13.0.SCHAFFOUSE 0.62] 1.676 0.452 0.344 1 .196 14.O.APPENZELL, •3.207 1.066 0.692 0.506 0.882 15.1.SG.ACGLO. . 3.626 0.636 0.578 0.895 0.891 15.2.SG.AUTRE.. 2.728 0.B21 0.744 0.830 0.952 16.1.CR.H]SOX. 0.841 ] .958 0.65t 0.924 0.228 16. 2.CR.AUTRE.. 0.839 0.615 0.311 2.300 0.475 17.1.AG.RHEIHFE 0.539 1 .106 2.149 1 .151 0.485 17.2.AG.BADEN.. 0.411 ] .553 0.912 0.558 1.028 17.3.AG.AUTRE.. 1.306 0.921 1.165 1.137 0.815 18. O. THUBGOVIE. 1.373 1 .432 1.132 0.464 0.899 19.] .TI.HENDBI. 0.618 0.358 0.420 2.526 0.552 19.2.TI.SOTTOCE 0.450 0.297 0.46b 2.802 0.390 19.3.TI.SOPRACE 0.622 1 .854 0.083 1.336 0.209 20.1.VD.LAUSANN 0.130 O. 192 0.832 2.353 0.8B4 20.2.VD.JUBA... 1.047 0.095 2.892 t. 059 1.237 20.3.VD.BHONE.. 0.277 0.353 2.337 0.213 2.159 20.4.VD.AUTRE.. 1.142 0.166 2.326 0.983 1.399 21.1.VS.RHONE.. 0.115 0.470 4.667 0.837 0.709 21.2.VS.AUTRE.. 0.611 0.618 1 .291 0.411 1.959 22.1.NE.LAC____ 0.990 0.270 1 .054 1.586 1.203 22.2.NE.AUTRE.. 0.288 0.344 3.473 1.222 0.839 23.O.GENEVE____ 0,357 0.367 3.682 0.671 1.239 28.O.JURA..JU., 0,158 0.178 1.381 2.296 0.757 29.O.LIECHENST, 2.571 1.234 0.854 0.233 1.082 32.0.INCONNU... 0.644 1.059 4.110 0.560 0.393 SUISSE.TOTAL... 1.000 1 .000 l.OOD 1 .000 1.000 1) Source : Direction générale des Douanes; Exploitation et calculs personnels 1) Pour la formule de l'indice d'orientation, voir 6.2.2 - 343 - Tableau A6 : Répartition théorique des exportations en valeur (millions de frs. ) selon la struc- ture par produits en 19811^ AUTR RESTE DU ICHE RFA FRANCE ITALIE MONDE TOTAL 01.1. ZH.ZURICH 187.6 799.4 360.1 285.9 2415.0 4048.0 01.2.ZH.LIMMATT 14.7 72.0 27.5 22.3 199.2 335.7 01.3.ZH.GLATTAL 29.2 117,5 46.4 36.5 324.0 555.6 01.4.ZH.OBERLAH 48.4 211.4 86.1 69.4 626.9 1044.3 01.5.ZH.ZIMHEBB 23.6 82.0 35.4 36.0 235.9 412.9 01.6.ZH.PFANNEN 25.7 116.6 46.4 31.7 305.3 527.7 01.7.ZH.UINTHER 44.4 192.4 80.9 59.3 5B9.6 966.6 01.8.ZH.UNTERL 21.6 69.9 27.4 22.6 170.6 312.3 01.9.ZH.AUTRE. 18.6 84.9 32.0 26.0 204.6 366.0 02.1.BE.LAURENT 6.1 18.7 8.5 11.7 34.9 79.8 02.2.BE.BIENNE 44.7 255.3 151.4 155.2 1347.4 1954.0 02.3.BE.BERNE. 4.4 20.7 8.5 7.4 59.3 100.2 02.4.3E.ERLACH 45.2 176.7 81.2 89.3 466.0 660.3 02.5.BE.BURCDOR 45.2 145.5 60.4 73.1 396.9 721.2 02.6.BE.SCHWAB! 6.4 26.6 13.0 23.3 83.3 156.7 ¦ 02.7.BE.THUN.. 11.0 47.7 20.6 21.7 130.5 231.6 02.B.BE.OBERSIM 1.4 5.1 1.8 1.3 9.9 19.4 03.1.LU.ACGLO. 74.1 245.0 163.0 170.0 1178.3 1630.4 03.2.LU.AUTRE. 29.1 102.9 42.2 35.3 214.2 423.6 04.0.URI...... 4.9 19.0 9.1 7.5 53.9 94.3 05.1.SZ.MARCH. 13.9 57.4 22.1 16.5 140.5 250.5 05.2.SZ.AUTRE. 9.9 36.9 12.7 9.6 67.6 136.7 06.0.UNTERWALD 12.6 51.1 17.6 16.4 136.0 235.8 07.0.CLARIS.. . 14.1 43.4 18.5 17.6 116.6 210.2 08.0.ZUG...... 50.9 226.0 93.4 69.7 561.7 1001.7 09.0.FRIBOURG. 32.2 13S.6 64.1 58.5 422.7 713.2 10.I.SO.DORNECK 9.2 36.9 15.6 12.6 89.7 163.9 10.2.SO.AUTRE. 119.3 522.8 213.2 161.1 1451.4 2467.6 11.0.BALE.VILLE 198'.9 1105.1 791.0 588.9 5079.4 7763.2 12.1.BL.AGGLO. 35.8 156.3 76.0 56.2 447.7 774.0 12.2.SL.AUTRE. 16.1 71.2 30.5 27.0 220.8 365.7 13.0.SCHAFFOUSE 43.« 169.0 82.7 82.5 608.0 1005.9 !4.0.APPENZELL ie.8 50.5 17.7 15.7 112.6 215.2 15.1.SG.AGGLO. 63,2 191.5 69.9 66.8 434.0 847.5 15.2.SG.AUTRE. 140.3 534.6 212.1 164.9 1317.0 2368.8 16.1.GR.MISOX. 2.7 B.B 3.7 2.5 16.4 34.1 16.2.CR.AUTRE. 24.3 76.0 39.9 34.8 214.1 391 .1 17.1.AG.RHEINFE 11.2 50.2 17.4 15.1 112.7 206.6 17.2.AG.BADEN. 90.5 449.0 175.0 134.2 1290.8 2139.5 17.3.AG.AUTRE. 88.4 365.4 146.1 117.2 880.5 1597.5 18.0.THURGOVIE 70.5 292.1 112.1 93.1 720.6 12B8.4 19.1.Tl.MENDRI 29.2 120.2 61.6 78.7 589.2 899.0 19.2.Tl.SOTTOCE 29.1 120.3 51.4 47.3 349.7 597.7 19.3.Tl.SOPRACE 26.9 114.6 40.4 34.2 225.4 441 .6 20.1.VD.LAUSANH 54.6 236.2 112.9 89.9 765.6 1259.1 20.2.VD.JURA.. 9.0 36.3 17.0 23.4 121.9 207.5 20.3.VD.RHONE. 2.2 11.3 4.2 3.0 24.9 45.6 20.4.VD.AUTRE. 35.0 146.6 69.9 78.6 446.1 778.2 21.1.VS.RHONE. 6.7 34.3 17.0 13.4 106.7 178.2 21.2.VS.AUTRE. 15.8 84.1 54.4 35.4 253.6 443.6 22.1.NE.LAC... 25.5 103.4 65.S 83.2 457.8 735.4 22.2.NE.AUTRE. 18.5 106.0 65.0 68.6 597.9 656.0 23.O.GENEVE... 115.2 573.8 393.5 358.4 2958.4 4399.3 28.0..JURA..JU. 15.7 56.0 23.6 26.3 179.1 300.8 29.0.LIECHENST SO.8 230.6 62.9 57.7 514.4 936.4 32.0.INCONNU.. 54.4 246.8 136.3 121.4 967.S 1526.5 Source : C aïeuls personnels 1) Pour le calcul des exportations théoriques, voir 6.2 - 344 - Tableau A7 : Répartition théorique des exportations en quantité (l'QOO tonnes) selon la structure par produits en 1981 1) AUTR PESTE DU ICHE RFA FRANCE ITALIE HONDE TOTAL 01.1.ZH.ZURICH, 31 .1 101 .2 34.6 75.6 108,3 350.7 01-2.ZH1UlMH)ITT 2.0 6.9 2.4 5.8 6.8 25.9 01.3.ZH.GLATTAL 3.5 10.7 4.2 8.0 11.8 38.2 01. 4. ZH. OBEBLAII 7.5 13.6 5.B 10.1 23.7 60.7 01.5. ZH.ÏIHHERB 2.4 7.6 3.0 8.3 8.6 30.0 01.6.ZH.PFAHNEH 4.0 10.1 4.0 6.9 10.4 35.3 01.7.ZH.WINTHER -3.9 14.8 5.4 7.8 27.8 59.7 01.8.ZH.UHTERL 4.7 21.7 7.S 9.6 18.7 62.3 01.9.ZH.AUTRE. 3.4 11.1 3.9 7.7 13.7 39.8 02.1.BE.LAUFEHT 2.1 9.6 3.6 8.7 4.1 28.1 02.2.BE.BIENNE 2.5 10.0 3.6 9.3 12.8 38.3 02. 3.BE-.BERME. 0.8 2.9 1.1 6.4 3.8 15.0 02. 4.BE.ERLACH 9.6 29.3 12.6 66.9 29.7 148.1 02.5.BE.BURGDOI 6.5 16.3 7.6 35.9 23.1 91.3 02.6.BE.SCHWAR3 1.1 3.7 1.6 10.4 4.7 21.4 02.7.BE.THUN.. 1.4 5.2 l.S 5.7 6.8 20.9 02.8.BE.OBERSIh 0.1 0.6 0.2 1.2 0.6 2.8 03.1.LU.ACGLO. 12.2 46.6 13.0 32.6 49.0 153.6 03.2.LU.AUTRE. 9.9 31.5 13.0 51 .3 30.2 13S.9 0-1.0.URI...... 0.9 2.4 0.9 1.3 3.0 8.5 05.1.SZ.HARCH. 1 .1 3.2 1.3 2.0 5.5 13.1 05.2.SZ.AUTRE. 1 .3 3.8 1.4 5.1 5.3 17.0 06.0.UNTERWALD 1.1 3.3 1.2 3.3 3.8 12.6 07.0.GLARIS... 2.2 6.5 2.6 S.6 7.1 24.0 6.7 19.1 8.1 23.0 19.5 76.3 09.0.FRIBOURG. 6.8 26.4 8.8 30.9 20.6 93.6 10.1.SO.DORHECK 1,1 5.3 2.0 2.6 6.2 19.2 10.2.SO.AUTRE. 33.1 136.6 38.7 . 80. S 95.5 384.4 11.0.BALE.VILLE 35.0 136.0 44.7 6S.8 165.2 448.7 12.1.BL.AGGLO. 11 .9 57.5 18.5 30.6 43.7 162.2 12.2.BL.AUTRE. 1.3 4.7 1.6 6.6 5.9 22.3 13.0.SCHAFF0USE 6.4 29.1 9.2 20.6 30.6 95.9 H. 0. APPENZELL 0.8 2.1 0.8 1.3 3.7 8.6 15.1.SG.AGGLO. 8.7 12.1 4.9 10.5 16.0 52.2 15.2.SG.AUTRE. 18.7 72.1 21.4 48.6 72.9 233.7 16.1.GR.HISDX. 1.6 6.3 1 .9 3.7 3.4 16.9 16.2.GR.AUTPE. B.9 30.3 12.5 64.1 36.0 151.7 17. 1 .AG.RHEINFE 4.6 28.2 5.3 14.5 13.4 66.2 17.2.AG.BADEN. 12.0 56.3 18.3 66.5 62.8 217.8 17.3.AG.AUTRE. 17.1 76.0 21.1 67.2 64.3 245.7 16.0.THURGOVtE 19.5 59.8 19.B 46.4 66.8 212.4 19.1.Tl.MENDR] 2.5 8.5 2.8 4.3 10.8 28.8 19.2.TI.SOTTOCE 7.6 33.5 10.4 3S.7 23.1 110.2 19.3.TI.SOPPACE 19.5 114.5 24.3 75.8 45.7 279.7 20.1.VD.LAUSANN 8.7 28.6 10.9 36.4 31.2 115.8 20.2.VO.JURA.. 1.3 4.7 2.0 8.6 4.9 21.6 20.3.VD.RHONE. 0.7 3.1 0.7 1.6 2.9 9.0 20.4.VD.AUTRE. 6.5 21.0 8.7 42.8 21.4 100.4 21 .1.VS.RHONE. 1 .8 10.1 3.3 6.7 6.3 28.2 21.2.VS.AUTPE. 5.4 24.6 8.9 13.2 31.3 B3.5 22.1.NE.LAC... 7.2 9.9 4.4 29.3 10.3 61.2 22.2.HE.AUTRE. 0.8 3.0 1.1 4.7 4.9 14.7 23.0.GENEVE... 10.3 26.5 10.7 20.7 26.6 96.7 28.O.JURA..JU. 5.6 26.2 8.3 47.S 18.1 105.6 29.0.LIECHENST 3.4 14.0 3.6 5.0 16.5 42.6 32.0.INCONNU.. 3.3 15.7 5.3 13.0 8.4 45.7 Source : C aïeuls personnels 1) Pour le calcul des exportations, théoriques, voir 6.2 - 345 - rn r O --j tT ^-~ »m U Ij 3 (Il (Il l-J m m ¦d > in C C. m (i —- •H -U ^H m OO jj (TV U M i) D C X III m OJ Ul r m U T) ¦h U r; JJ O T -h < 4J - (H i-l JJ r Ul Q) Ij ¦h (Il M > ¦n .H m m 1) n W -rJ Ul Tl --J C 3 KJ Ul « (n U C ¦H O Q) a) -nj ¦- C -M Cn « C JJ Ml) û) 0 OJ U C Ul U (D ta u ai ^j 3 Q) Vj 3 jO 0 a 3 CT E Q m « a) m x: w m ¦-< JJ U C Ol 3 C Q) -O u G • r-( (O Ol C 0) T) (Il JJ 3 .-H U -H U KJ (O -H "O U U U M <5 JJ TJ C a m c CP O m TJ a ¦H V) C U ¦H U) Q) O <0 3 O) M •-J JJ CT1O Ij JJ H O m U O U) U) U u Q) M (D (D U u a JJ .-J. (D -H -H X -H r-< M U Q U g (U «D JJ ¦H U -rj U) •H C ¦r-f U « Tl m Ul C 3 u QJ O O (I) M J U) "O Tl 3 n F~^ O) .H - 346 - g C^ a CO IM IM 1136 I fi I ca m S 10 P) CD n O •H rp «fli U ,. Vl u a) 3 ti (U m m r > « ¦H n 4J m m -— Ul *j -h u ^ Q) n co ¦- C n o> m d X -H (D O Ai C « r HJ M m (!) 3 (U 0 a Tl a < Vl r; V) ^H n Ck a) 3 •H ¦ ¦0 u 4J ^H «J Ql (D 4J n¡ -J U n •~i ITl m M -U ¦H IO IQ) Q) U Lj C o a> iQ) C >+ - > ffi O i/i ¦n ¦H V) w C -M : i ni (!) 0 "J X i) V) -J 4J ¦-4 V) 4J -ri Ul Tl ¦h Ö 0 m n i QJ i-l ; m D Cd x: IN »r < 0) II) U fl) 4J U jj U n Vj m n m U CO U - 347 - - 348 - n 0 -H a xi> U V) „ m m -a 3 (I) m r-t c: m O > ¦r* ¦H C m m If! jj —¦ H n (I) Cl .H ¦>v n n ai Ul r X CTi 0) n U) -H C Ul Lj Ul C 3 (Il ru Cl O n, ¦a (!) a Ul n -H U) .-H o rH ai 3 -H m ¦a JJ jj ^ ITI W 0) (Tl -M - ^ O r, -H m m Im JJ ¦H 0) i(D (I) U ij C O fli iQ) r. X •- > ff> O (Jl •n ¦h m CI C j-> : i m (I) 0 U - 349 -