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    Accès libre
    Navigations intelligentes? Vivre les nouveaux médias spatiaux personnalisés
    (Neuchâtel, 2019)
    Repérer son emplacement sur une carte, choisir un itinéraire pour rejoindre le point X, trouver un restaurant proche : aujourd'hui, la résolution de ces problèmes navigationnels passe souvent par l’utilisation de médias numériques. Grâce à eux, plus besoin de chercher où vous êtes, ni de mémoriser le plan des transports publics : vous êtes directement géolocalisé sur une carte et des algorithmes calculent un parcours vers le lieu que vous cherchez. Ces nouveaux médias spatiaux automatisent bon nombre des tâches que nous réalisions par nous-mêmes et présentent souvent un fonctionnement « intelligent », adaptant leurs informations aux données qu’ils captent sur notre contexte (localisation, heure, jour de la semaine, intensité du trafic, etc.). Dans cette thèse, je m’intéresse à des applications qui, en plus d’adapter leur contenu au contexte, le personnalisent aussi en fonction du profil de l’utilisateur. A l’instar de Google Maps qui introduisait récemment une fonctionnalité calculant « le degré selon lequel vous êtes susceptible d’apprécier un lieu, en fonction de vos centres d’intérêt, de vos avis, et de l’historique de vos positions », de plus en plus de pourvoyeurs d’informations spatiales sur le web personnalisent leurs services en fonction de ce qu’ils comprennent de l’utilisateur, à partir de ses clics, de ses « likes », ou de l’historique des lieux visités. Cette tendance est particulièrement visible sur les « moteurs de recherche de lieux », des applications qui indiquent les restaurants, cafés, bars proches de l’utilisateur et pouvant lui plaire. Avec ces médias spatiaux intelligents et personnalisés, nous accédons donc à des cartes de plus en plus différenciées en fonction de notre profil, de nos affiliations sociales et de nos habitudes spatiales. C’est précisément à la déstandardisation de ces informations d’aide à la navigation que je me suis intéressée en problématisant, d’une part, les fragmentations spatiales et l’entre-soi qu’elle pouvait engendrer et en cherchant, d’autre part, à comprendre comment les usagers de ces services vivaient leur navigation sur mesure. Au travers d’entretiens réalisés avec des utilisateurs de l’application Foursquare à New York, je montre comment le rapport au monde de ces personnes (c’est-à-dire leur relation à l’espace urbain, à l’altérité et à eux-mêmes) est « médiatisé » par les données numériques prélevées sur leurs pratiques spatiales, ainsi que par les algorithmes régissant le classement des lieux qui leur sont affichés. Autrement dit, j’examine ce que signifie « habiter » dans ces médiations technologiques et dans les formes de spatialités, de coexistence et de subjectivités qu’elles sous-tendent. En plaçant l’analyse au niveau des récits des utilisateurs, je documente les logiques prévalant à la production de données de localisation et montre l’incomplétude et la polysémie de ces données desquelles dépend le profilage algorithmique. Ma thèse offre ainsi une perspective située et incarnée sur le « big data » ; elle permet de questionner le pouvoir d’orchestration du quotidien qu’exercent les technologies numériques et souligne les ambiguïtés et les fragilités qui accompagnent les nouveaux modes de connaissances et de gestion du monde par les « data » et les algorithmes.