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    Produire du lait, créer du sens: adaptations et résistances quotidiennes chez les producteurs de lait suisses romands
    Produire du lait en Suisse romande, c’est exercer une activité économique conditionnée par un cadre politique omniprésent. Au tournant du siècle, ce cadre a subi une transformation profonde. D’un système protectionniste et productiviste, on est passé à une logique libérale, associée à une rhétorique de multifonctionnalité. Les éleveurs laitiers ont dû trouver les moyens de s’adapter à cette redéfinition de leur métier. C’est à l’étude de ces processus d’adaptations et de résistances, que ce travail est consacré. Une description ethnographique du quotidien des éleveurs laitiers romands permet dans un premier temps de rendre compte des pratiques qui constituent l’unité de ce groupe professionnel. Cette base commune ne doit toutefois pas faire oublier la grande diversité des situations : contexte géographique, activités annexes et main-d’œuvre sont autant de facteurs de particularisation des exploitations. La description du rôle déterminant des politiques agricoles, dans le développement des modèles offerts aux agriculteurs et dans leur diffusion tout au long du 20ème siècle, sert ensuite de toile de fond à l’analyse des discours que les éleveurs romands développent aujourd’hui sur leur métier et sur eux-mêmes. Quatre figures identitaires en ressortent : le producteur nourricier, le successeur succédé, le travailleur indépendant et le gestionnaire. Ces figures renvoient au sens que donnent les éleveurs à leur métier. Elles ont une fonction d’identification et de distinction sociale face à l’extérieur du groupe et également en son sein. Suite aux changements du cadre politique et économique, certains éléments de ces représentations identitaires se retrouvent en décalage avec le vécu des éleveurs. Cette remise en cause de la définition de leur métier s’accompagne d’une pression économique croissante. Dans leur quotidien, il devient nécessaire de trouver des solutions pour « faire avec » ce double mouvement. L’enjeu est premièrement de trouver des solutions pour pallier la baisse des prix des produits agricoles. Investissements et réorganisation du travail, diversification des revenus et économies généralisées sont les principales « armes » de cette résistance au quotidien. Chacun y recourt selon ses possibilités, ses compétences et ses aspirations. Deuxièmement, il s’agit d’aménager un nouvel équilibre entre les représentations identitaires du groupe et le cadre législatif, économique et politique. Les éleveurs laitiers romands développent ainsi un ensemble de pratiques de résistance et d’adaptation, dans le but de rendre leur quotidien « praticable », tant sur le plan matériel que symbolique. Au final, certains changements sont décelables aujourd’hui, qui participent à une redéfinition du métier d’éleveur. Ils concernent essentiellement le sens de la production, les modalités de transmission intergénérationnelle et le rapport au travail. Toutefois, deux éléments demeurent profondément ancrés dans les représentations identitaires des producteurs de lait romands et en constitue un cœur stable : la fonction productrice et l’objectif de transmission. Le travail ethnographique révèle un univers fait de changements et d’adaptations quotidiens. Que les stratégies développées par les éleveurs ne correspondent toutefois pas toujours aux modèles dominants, mais répondent également à des logiques parallèles. Ainsi, ce travail cherche à cerner la multiplicité des logiques d’action et à identifier les efforts et les compétences déployés par les éleveurs romands afin de « rester paysan », dans un contexte de redéfinition identitaire général.