M9?- UNIVERSITE DE NEUCHATEL INSTITUT DE ZOOLOGIE Eco-éthologie de la fouine (Martes fo ina Erxleben, 1777) dans le Jura suisse par Nicole Lâchât Feller licenciée en biologie Thèse présentée à la Faculté des Sciences de l'Université de Neuchâtel pour l'obtention du grade de docteur es sciences 1993 UNIVERSITÉ DE NEUCHATEL INSTITUT DE ZOOLOGIE Eco-éthologie de la fouine (Martes foina Erxleben, 1777) dans le Jura suisse par Nicole Lâchât Feller licenciée en biologie Thèse présentée à la Faculté des Sciences de l'Université de Neuchâtel pour l'obtention du grade de docteur es sciences 1993 IMPRIMATUR POUR LA THÈSE Ecoéthologie de la fouine (Martes foina . Erxleben,.....1.7.7.7.). dans I.e....Jurai ..suisse......................... de (Vbdame Nicole Lâchât. Feller...................................... UNIVERSITÉ DE NEUCHÂTEL FACULTÉ DES SCIENCES La Faculté des sciences de l'Université de Neuchâtel sur le rapport des membres du jury, MM. Cl. Mermod, W. Matthey, P. Marchesi, D. Meyer (Fribourg), S. Broekhuizen (Arnehm) et S.W. Buskirk..(Laramier USA) autorise l'impression de la présente thèse. Neuchâtel, le .....22 .novembre...1993................................................ A Ben Il y a un plaisir dans les bois sans chemins. Il y a un enchantement des rivages déserts. Il y a une société où personne ne met les pieds... L'homme, je ne l'aime pas moins, mais la nature plus. Lord Byron TABLE DES MATIERES page 1. INTRODUCTION 1 2. TERRAIN D'ETUDE 5 3. MATERIEL ET METHODES 7 3.1. Matériel et méthodes de terrain 7 3.1.1. Récolte des crottes 7 3.1.2. Piègeages 7 3.1.3. Radiotélémétrie 9 3.1.4. Traces sur neige 12 3.1.5. Phare 13 3.2. Matériel et méthodes de laboratoire 14 3.2.1. Captures 14 3.2.2. Anesthésie 14 3.2.3. Manipulations 15 3.2.4. Marquage 16 3.2.5. Lâcher 16 3.2.6. Cadavres 17 3.2.7. Analyse de crottes 17 3.3. Analyse des données 19 3.3.1. Analyse des domaines vitaux 19 3.3.2. Saisons 21 3.3.3. Traitements statistiques 21 4. RESULTATS 23 4.1. Populations 23 4.1.1. Piègeages 23 4.1.2. Cadavres 23 4.1.3. Sex ratio 24 4.1.4. Cycle de reproduction 26 4.1.5. Structure d'âge 28 4.1.6. Mensurations corporelles 30 4.1.7. Ectoparasites 32 4.1.8. Discussion 33 4.2. Régime alimentaire 41 4.2.1. Aspect et localisation des crottes 41 4.2.2. Caractéristiques générales du régime 43 alimentaire 4.2.3. Variations saisonnières 46 4.2.4. Variations annuelles 49 4.2.5. Relation entre consommation et densité 54 de campagnols 4.2.6. Variations sexuelles et individuelles 55 4.2.7. Transport et cache de nourriture 56 4.2.8. Discussion 57 4.3. Habitat 65 4.3.1. Milieux fréquentés 65 4.3.2. Variations sexuelles, individuelles et 67 saisonnières 4.3.3. Discussion 69 4.4. Gîtes 73 4.4.1. Situation des gîtes 73 4.4.2. Description des gîtes 76 4.4.3. Occupation des gîtes 78 4.4.4. Variations individuelles et sexuelles 80 4.4.5. Partage des gîtes 80 4.4.6. Gîtes temporaires 82 4.4.7. Utilisation saisonnière 83 4.4.8. Discussion 84 4.5. Activités 90 4.5.1. Rythme d'activité 90 4.5.2. Variations saisonnières 92 4.5.3. Influence de la météo 94 4.5.4. Repos au gîte 97 4.5.5. Activité stationnaire 98 4.5.6. Discussion 99 4.6. Déplacements 103 4.6.1. Importance des déplacements 103 4.6.2. Distances entre les gîtes 105 4.6.3. Vitesse de déplacement 105 4.6.4. Locomotion 107 4.6.5. Discussion 109 4.7. Domaines vitaux 112 4.7.1. Surfaces des domaines vitaux 112 4.7.2. Description des domaines vitaux 115 4.7.3. Organisation sociale 128 4.7.4. Densité de population 132 4.7.5. Partage de l'habitat avec la martre 134 4.7.6. Discussion 136 4.8. Concurrence avec les chats 146 4.8.1. Comparaison des régimes alimentaires 146 4.8.2. Partage des gîtes 148 4.8.3. Interactions 148 4.8.4. Interactions avec d'autres espèces 150 4.8.5. Discussion 151 5. SYNTHESE ET CONCLUSION 154 6. RESUME 158 7. SUMMARY / ZUSAMMENFASSUNG 161 8. REMERCIEMENTS 166 9. CARNETDE NOTES 169 9.1. La fouine qui voulait voir le monde 169 9.2. Les yeux plus gros que le ventre 170 9.3. Humeurs nocturnes 171 10. BIBLIOGRAPHIE 173 11. ANNEXES 184 1. INTRODUCTION Bien que connue depuis l'Antiquité (Aristote en fait une description, Aristophane et Pline l'Ancien la mentionnent), la fouine (Martes foina Erxleben, 1777) resta longtemps une espèce méconnue, souvent confondue avec d'autres mustelines tels que la martre (Martes martes). l'hermine (Mustela erminea) ou la belette (Mustela nivalis). De nos jours, encore bien des gens l'assimilent à cette "petite bête qui devient blanche en hiver" alors que d'autres, souvent de langue allemande, l'associent à la martre sous l'appellation de "Marder". Si le genre Martes est très ancien (Miocène inférieur), les premiers fossiles définis comme appartenant à l'espèce Martes foina datent du Pleistocène supérieur et proviennent du Moyen-Orient. La colonisation de l'Europe centrale remonte à l'ère post-glaciaire (Anderson 1970). La fouine y aurait suivi l'homme. La fouine appartient à une catégorie d'animaux qui sont aujourd'hui encore malheureusement trop souvent considérés comme des puants, des malfaisants, des nuisibles. Elle a été et est encore l'objet d'une chasse parfois acharnée, non pas tellement pour sa fourrure, mais pour sa mauvaise réputation d'écumeuse de basses-cours, de "mangeuse de voitures", sans parler de son rôle éventuel de propagatrice de la rage. La fouine est un animal futé et fort discret. Très mobile, difficile à capturer, son étude en nature est de ce fait une gageure que peu de chercheurs désiraient relever jusqu'à un passé récent. La plupart des travaux s'en tenaient à l'étude du régime alimentaire (Delibes 1978, Amores 1980, Holisova et Obrtel 1982, Kalpers 1983, Rasmussen et Madsen 1985, Ansorge 1989), établi sur la base d'analyses de crottes ou de contenus stomacaux, à des mensurations de î cadavres ou d'individus de collections (Delibes et Amores 1986, König et Müller 1986, 1987) ou encore à des observations en captivité (Waechter 1975, Humbert-Droz 1980). Le suivi de traces sur neige, s'il peut fournir d'intéressantes données sur l'utilisation de l'espace, les techniques de chasse ou encore les déplacements est dépendant des conditions météorologiques et ne permet pas d'identifier les individus ni de les différencier facilement des martres qui peuvent occuper le même genre de milieux en Europe centrale. L'étude de populations selon la méthode de "capture-marquage- recapture" n'est que peu utilisée, du fait des difficultés pratiques qu'elle comporte (Rasmussen et al. 1986). Ce n'est qu'avec l'avènement de nouvelles techniques telle que la radiotélémétrie que des recherches plus approfondies et plus détaillées ont pu être mises en chantier. Peu de travaux en milieu naturel ont été réalisés à ce jour. On peut citer deux pôles d'intérêt principaux: les Pays-Bas avec le groupe de chercheurs liés à Broekhuizen (1983, 1984, 1989) et Müskens (1984, 1989) et l'Allemagne avec les travaux de Föhrenbach (1984,1987), Herr- mann (1986, 1987, 1989) et Skirnisson (1986). Quelques autres études plus limitées, ont été réalisées en France et en Belgique (Waechter 1975, Labrid 1983 et 1987, Kalpers 1984, Lodé 1991). En Suisse, la fouine n'a fait l'objet que de peu de recherches: Tester (1986, 1987) étudia le régime alimentaire et la distribution de la fouine dans le canton de Bâle, Baumann (1989) établit la structure d'âge des populations et les principales causes de décès et Zimmerli (1982) mena une étude parasitaire dans le canton de Vaud. Pour le reste, il faut citer le travail général mais fort important de Schmidt (1943). 2 Note: la fouine est absente de Grande-Bretagne, d'Irlande et de Scandi- navie. La présente étude fait partie d'un projet de plus grande envergure visant à étudier l'ensemble des prédateurs du campagnol terrestre (Arvicola terrestris scherman) dans le Jura suisse, projet mis sur pied par le Prof. Claude Mermod. De plus, ce travail s'inscrit dans la suite logique des recherches effec- tuées dans le département d'éco-éthologie des vertébrés de l'Institut de Zoologie de Neuchâtel. Il a pour but de parfaire les connaissances de Péco-éthologie de la fouine, plus particulièrement dans les domaines suivants: - Ie régime alimentaire (en relation avec les cycles de pullulation du campagnol terrestre) - Ia fréquentation et l'utilisation de divers types de gîtes - Ie schéma des activités - l'utilisation de l'espace et du temps - Ia description des domaines vitaux et l'organisation sociale - les éventuelles compétitions avec d'autres espèces (chat domestique Felis catus. martre). Lorsque cela a été possible, les variations (saisonnières ou annuelles, sexuelles ou individuelles) de ces différents comportements ont été mises en évidence. L'influence de facteurs exogènes (alimentation, climat, habitat, activités humaines) ou endogènes (état physiologique, âge) est également prise en compte. Figure 1 : Situation géographique de la zone d'étude 4 2. TERRAIN D'ETUDE Le terrain d'étude correspond à la zone choisie pour le projet prédateurs- proies évoqué ci-dessus. Il est situé dans le Jura suisse (N-W du canton de Berne), à la frontière avec les cantons de Neuchâtel et du Jura (47°09'N, 6°56'E). Ii s'agit d'une zone de 30 km2 dont l'altitude varie entre 900 et 1290 mètres (Fig.1). Le site de La Chaux d'Abel présente l'aspect typique des hautes terres jurassiennes. La topographie est vallonnée et des lignes de crêtes aux pentes boisées parfois raides divisent le paysage. La plus grande partie de la région est très influencée par l'homme dont les activités principales sont l'élevage de bovins, l'exploitation forestière et dans une moindre mesure la culture de céréales. De nombreuses petites routes quadrillent le terrain et desservent environ 80 fermes, relativement isolées les unes des autres mais distribuées assez régulièrement sur toute la surface. Des murs de pierres sèches, parfois associés à des haies, séparent les différentes propriétés. L'ensemble constitue une mosaïque de prairies (23%), de pâturages (32%), de pâturages boisés (25%) et de forêts (20%) où l'épicéa (Picea abies) domine (Abieti et Aceri-Fagetum). Des combes à neige et quelques tourbières complètent le paysage. On trouve des érables (Acer pseudo- platanus) dans les pâturages boisés et divers arbres fruitiers (pommiers, cerisiers, pruniers) dans les vergers des fermes. Des sorbiers (Sorbus aucuparia). des alisiers (Sorbus aria) et des églantiers (Rosa spp.) croissent dans les pâturages et le long des haies. Le climat est humide, les saisons très contrastées. L'hiver dure presque six mois et peut s'avérer très rigoureux, la température descendant régulièrement au-dessous de 00C, parfois même jusqu'à -30°C en janvier 5 et février, dans certaines zones. La couverture neigeuse persiste souvent plus de quatre mois. Ii faut souligner cependant que durant cette étude, deux hivers (1988/89 et 1989/90) furent quasiment dépourvus de neige. Cette tendance au manque dé neige ou tout au moins à une couverture neigeuse tardive (janvier-avril) semble se confirmer avec les années. Les données météorologiques proviennent de Ia station de La Chaux-de- Fonds, distante de 15 km (Jornod 1986-1991). Pour la période d'étude (1986-1991), la température annuelle moyenne s'est montée à 6,4°C alors que la pluviosité annuelle moyenne a atteint 1459 mm. e 3. MATERIEL ET METHODES 3.1. MATERIEL ET METHODES DE TERRAIN 3.1.1. Récolte des crottes Les crottes ont été ramassées dans 12 gîtes répartis sur l'ensemble du terrain d'étude, au début de chaque saison climatique (décembre-février, mars-mai, juin-août, septembre-novembre). Les lieux de récolte ont été déterminés après examen systématique des gîtes potentiels, à l'intérieur de bâtiments. Ceci évite une possible confusion avec les laissées de martres qui n'utilisent pas ce type de gîtes. En effet, seules les fouines sont liées aux habitations. Quelques crottes furent récoltées sur le terrain, lors de suivis de traces sur neige d'animaux connus ou dans les pièges, suite à une capture. 3.1.2. Pièqeaqes Les fouines ont été capturées à l'aide de trappes en grillage métallique robuste, à double porte tombante (modèle Tomahawk Live Trap Co., n° 206, Tomahawk, Wisconsin, USA). Ces trappes pèsent un peu plus de 3 kg et mesurent 81,5 x 24,5 x 24,5 cm. Elles sont pliables. La plupart du temps, ces pièges sont appâtés avec des oeufs de poule (oeufs cuits en hiver pour éviter qu'ils n'éclatent à cause du gel) déposés sur la palette centrale. Du miel est parfois ajouté pour rendre le tout plus attractif. D'autres types d'appâts ont également été essayés: souris blanches tuées, têtes de poulet, sardines en boîte, morceaux de saucisses, fruits secs (pruneaux, abricots, pommes), confiture de framboises mêlée à de la farine d'avoine (recette donnée par un trappeur 7 canadien!). Ces différents appâts n'ont guère eu de succès qu'avec les chats, les micromammifères et les fourmis! Il a parfois été nécessaire d'attacher les oeufs avec un fil de fer car certaines fouines ont trouvé le moyen de s'en saisir et de ressortir du piège sans que celui-ci ne se déclenche. D'autres fois, le piège fonctionne mais l'animal parvient à s'échapper grâce à sa rapidité et au fait que la trappe est peut-être un peu trop courte. C'est pourquoi une des deux portes est fréquemment laissée fermée, l'oeuf posé au-delà de la palette pour obliger la fouine à s'engager profondément dans le piège. Ceci lui enlève toute chance de fuite mais la rend plus méfiante, prolongeant d'autant le délai de capture. Au début, les trappes étaient régulièrement enduites de cire d'abeille à chaud, dans le but de les rendre plus attractives et de masquer l'odeur humaine. Pour cette dernière raison, des gants étaient utilisés lors des manipulations. Finalement, du lisier dilué dans de l'eau était giclé sur le piège et aux alentours pour effacer l'odeur du piègeur. Par la suite, ces précautions furent abandonnées, les fouines n'étant que peu sensibles à l'odeur humaine (obs.pers.). Par contre, les pièges sont parfois aspergés de Nuoc Mam dilué (sauce à base de poisson) dont la forte odeur semble être attirante. Les trappes sont posées dans des endroits jugés favorables (lieux de passages, murs de pierres, haies), pas trop proches des gîtes, car les fouines ne se font que rarement prendre à proximité de leur refuge. Les pièges sont camouflés à l'aide de matériel trouvé sur place (bran- ches, pierres, mousses, planches, etc.). Il semble important de veiller à une continuation entre le sol environnant et le fond du piège. Ce camouflage est destiné d'une part à rendre les pièges moins stressants pour les fouines lors d'une capture (isolement, imperméabilité) mais 8 surtout à les dissimuler aux yeux des hommes. Malgré ces précautions, deux d'entre eux disparurent durant ce travail. Le piègeage commence par une période de pré-appâtage avec les pièges bloqués ouverts. Ceci dure jusqu'à ce que les oeufs disparaissent (parfois plusieurs semaines). Ensuite le piègeage lui-même commence, à raison d'une tournée par jour, tôt le matin. Les trappes restent en principe tendues sans interruption jusqu'à la capture. En effet, le moindre changement suffit à prolonger le piègeage qui peut durer de quelques jours à plusieurs semaines, voire plusieurs mois. 3.1.3. Radiotélémétrie Durant toute la durée de ce travail, un récepteur radio portatif (KWK 202) mis au point par K. Wagener de Cologne (D) et une antenne Yagi à 2 éléments ont été utilisés. La puissance du signal indique l'éloignement de l'animal. Sa position est déterminée par triangulation. Différentes sortes d'émetteurs dont la fréquence se situe toujours entre 147,500 et 148,500 MHz (normes PTT) ont été testés: 1) dans un premier temps, des émetteurs de type MH/A de Wagener, fixés à un collier de plastique doublé de cuir que l'on accroche au cou de l'animal ont été employés. L'antenne (rectiligne et flexible) mesure 10 à 15 cm et repose sur le dos de l'animal. Le poids de l'ensemble varie de 35 à 40 g. 9 Ces émetteurs sont équipés d'une pile au lithium et ont une durée de vie théorique de 3 à 4 mois. Le signal consiste en 40 à 60 pulsations par minute. La rapidité du "bip" varie avec l'activité de l'animal (mouvement ou repos). La portée est variable selon la topographie du terrain (1 à 10 km). Dans notre terrain, elle n'excédait que rarement 1 à 2 km. Trois fouines ont été munies de tels émetteurs. La première (FA7) a été retrouvée morte après trois mois et demi, blessée au cou par son collier. L'émetteur fonctionnait toujours. La seconde (FA9) a été recapturée après 5 mois. Le collier émettait encore. Blessée au cou, elle a été soignée durant un mois et relâchée en pleine forme. L'émetteur de la troisième (FA10) a cessé de fonctionner (?) après un jour. Cette fouine semble avoir été revue plus d'un an après, portant toujours son collier. Elle n'a jamais été recapturée. Plus ou moins fiables du point de vue de l'émission, ces émetteurs ont été abandonnés en raison du danger de blessure pour l'animal étudié. Ce type d'émetteur ne semble pas convenir pour la fouine. Son mode de vie pourrait être la cause de ces accidents (irritation du cou aggravée par la paille des gîtes). La rigidité du collier, de même que l'antenne qui le tire vers le sol sont également mises en cause. D'autres auteurs qui ont utilisé ce type d'émetteurs avec des fouines, ont aussi eu quelques problèmes (Herrmann, comm. pers.). 2) par la suite, pour éviter tout risque de blessure, des émetteurs internes ont été placés par un vétérinaire dans la cavité peritoneale de l'animal lors d'une petite intervention chirurgicale. Cette technique a également été 10 utilisée par Skirnisson et Feddersen (1984). L'émetteur pèse 25 à 30 g et fonctionne avec une pile au lithium. La durée de vie est estimée à 280 à 345 jours. Le signal, variable selon l'activité consiste en 45 à 90 pulsations par minute. L'antenne en boucle est incorporée dans la masse. Ces émetteurs, fabriqués par la firme Wildlife Materials Inc., Carbondale, Illinois (USA), bien que n'exposant la fouine à aucun danger de blessure et ne constituant pas une gêne ont le désavantage de nécessiter une opération (stress pour l'animal), donc l'intervention d'une personne extérieure (complication des manipulations, perte de temps). De plus, la portée est très réduite (< 1 km). Des deux fouines équipées d'un tel émetteur (FA16 et FA17), la première ne donna plus de signal après 7 jours et la seconde après 2 mois et demi. Ce type d'émetteur fut également abandonné. 3) finalement, le choix se porta à nouveau sur des colliers émetteurs, de la maison Televilt, Stora (S) cette fois-ci. Il s'agit d'émetteurs de type TXT-2Sm-M à pile au lithium, fixés à un collier métallique qui fait office d'antenne en boucle. Le collier est doublé d'une gaine de plastique et le système de fermeture par vis est enrobé dans une gaine thermo- rétractable au moment de la fixation. L'ensemble pèse 30 à 48 g. La durée de vie est estimée à 4 à 10 mois. Le rythme de pulsation est de 45 à 50 par minute. Il varie avec l'activité de l'animal. La portée est analogue à celle des émetteurs du premier type (portée théorique de 3 à 5 km). La durée de vie varia de 23 jours à environ 6 mois. Six fouines furent équipées de tels colliers. Aucun problème de blessure n'intervint. Seule une légère usure des poils du cou fut constatée. il Les localisations au gîte se font tous les jours. Dans la mesure du possible, chaque individu est suivi 1 fois par semaine, du crépuscule (début théorique de l'activité) à l'aube (retour au gîte, stabilisation). Lors de ces suivis, la position de l'animal, son activité, le milieu fréquenté, la météo ainsi que d'autres données plus générales sont relevés toutes les quinze minutes. Les suivis s'effectuent à pied ou en raquettes à neige. La distance d'observation varie selon les moments et dépend du terrain traversé et de l'activité de l'animal. On évite de le perturber en s'approchant trop de lui. La distance limite d'observation va de quelques mètres à 200 à 300 mètres, selon les individus étudiés et selon les circonstances. Il n'y a pas de règle précise, seules l'expérience et l'intuition décident. La précision des localisations diminue avec l'éloignement du sujet ou la complexité plus grande du milieu. 3.1.4. Traces sur neige Il est très difficile, voire impossible de distinguer les empreintes de la fouine de celles de la martre, hormis dans d'excellentes conditions. Par exemple, une très fine pellicule de neige sur un substrat dur permet de reconnaître les pelottes plantaires de la fouine alors que les coussinets poilus de la martre apparaissent avec moins de netteté. Il est rare que de telles conditions se trouvent sur le terrain. Dès lors, seules les pistes de fouines équipées d'émetteurs-radio ont été suivies. Des indications quant aux comportements de chasse et de prédation, aux façons de se déplacer, aux milieux fréquentés peuvent ainsi être récoltées. 12 3.1.5. Phare Chaque mois, trois nuits de suite, des parcours de phare ont été effectués dans le cadre du projet prédateurs-proies (Weber et al. 1991, Méia et al. 1992, Lâchât et al. 1993). Durant ces parcours les fouines sont recen- sées, de même que leurs comportements (individuels ou sociaux), leurs modes de déplacement, diverses attitudes et le type de milieu dans lequel elles évoluent. Ces relevés permettent par ailleurs d'avoir une meilleure idée de la répartition des fouines sur l'ensemble du terrain d'étude. Mais ces dernières sont rapidement dérangées par le phare et ont tendance à fuir. Cette technique est trop aléatoire en ce qui concerne cette espèce pour espérer en tirer une analyse détaillée des résultats. Les différentes observations effectuées sur le terrain sont enregistrées sur dictaphone avant d'être retranscrites. 13 3.2. MATERIEL ET METHODES DE LABORATOIRE 3.2.1. Captures Les fouines capturées sont immédiatement transférées dans une caisse en bois munie de portes coulissantes vitrées. Le transport vers le laboratoire se fait dans les heures qui suivent, l'animal étant gardé au sec et au chaud, isolé des perturbations par une couverture. La plupart du temps, les fouines sont très calmes, mais quelques petits problèmes ont parfois eu lieu (voir carnet de notes, 9.1). Le traitement des animaux se fait généralement le jour de la capture. En cas de recapture, la fouine est de nouveau examinée, sauf si cela se produit peu de temps après la première capture (certaines fouines juvéniles se sont fait prendre deux jours de suite, dans des pièges diffé- rents). 3.2.2. Anesthésie Au laboratoire, les fouines sont transvasées de la boîte de transport vers une boîte plus petite, préalablement tarée. Elles sont alors pesées (le poids est important pour décider de la quantité d'anesthésique). Ensuite, on les préanesthésie en insufflant de l'éther dans la boîte. Cela fait, on leur injecte en intra-musculaire dans la cuisse 0,3 ml de Kétalar (solution à 50 mg/ml de chlorhydrate de kétamine) par kilo de poids corporel. L'avantage de ce produit est qu'une surdose n'est pas dangereuse. En cas de nécessité (animal très énervé et ne s'endormant pas) on peut même doubler la piqûre. Un tranquillisant (Sédalin) est généralement ajouté, à raison de 0,1 ml/kg. 14 Ces dosages, établis sur la base des expériences de Marchesi (1989) suffisent pour une narcose complète de 20 à 30 minutes. Durant ce travail, 34 anesthésies de 26 fouines et 2 martres ont été effectuées sans aucun problème. Le réveil se fait petit à petit, les animaux restant engourdis durant 3 à 5 heures. 3.2.3. Manipulations Divers examens sont systématiquement effectués: a) Poids: avant la narcose, l'animal est pesé dans la boîte d'anesthésie. Ceci donne une indication sur son état de santé. b) Etat général: la fourrure (couleur, épaisseur, mue, éventuelle blessure), les griffes, les oreilles (déchirures), les dents (usure, cassure, caries) sont inspectées. Le plastron est dessiné (facteur d'identification dans certains cas). c) Détermination du sexe: on reconnaît les mâles à leur bacculum (et aux testicules lorsqu'ils sont descendus), les femelles à leur vulve (et à leurs tétines en période d'allaitement). Avec l'habitude, la physionomie et la stature permettent aussi de différencier les sexes presque à coup sûr, déjà dans le piège. d) Estimation de l'âge: divers critères permettent d'estimer l'âge. Ce sont la présence ou l'absence de crête sagittale, l'état des testicules et de la dentition. Avec un peu d'expérience, l'allure générale, permet déjà de dire s'il s'agit d'un individu jeune ou âgé. Seule la distinction entre individus juvéniles (< 1 an) et individus adultes a été faite. L'évaluation de l'âge par comptage des anneaux cémentiques des racines dentaires (méthode décrite par Marchesi 1989) n'a pas été effectuée par souci de préserver l'intégrité des animaux capturés. 15 e) Mensurations: on prend les mesures suivantes: Q: queue (de l'orifice anal à la dernière vertèbre caudale) TC: tête-corps (de la pointe du museau à l'anus) PP: patte postérieure (du talon à l'extrémité des doigts, sans les griffes). f) Parasites: les ectoparasites (tiques, puces) sont recueillis et mis en alcool pour déterminations ultérieures. Tout le corps est examiné, avec un soin particulier pour la tête (oreilles) et le cou. 3.2.4. Marquage Les fouines sont marquées par découpage d'encoches à l'emporte-pièces dans le bord du lobe des oreilles, selon un code établi par Debrot (1982). Ce système, largement utilisé dans notre laboratoire permet de marquer 255 individus différents, sans leur porter préjudice. Ce marquage pouvant disparaître avec le temps ou être confondu avec des marques naturelles (déchirures, morsures), il a été envisagé un moment de fixer une marque auriculaire de plastique coloré à l'oreille des fouines. Ceci n'a finalement été effectué qu'une fois, en raison de la fragilité de l'oreille et des risques de déchirure importante qui s'ensuivent. D'autres critères corporels individuels (forme du plastron, taches, cicatrices, etc.) sont également répertoriés. 3.2.5. Lâcher Après examen, les fouines sont installées dans une boîte grillagée, garnie de paille ou de sciure. Elles reçoivent de l'eau, une souris et parfois un oeuf. Le lâcher a lieu à proximité de l'endroit de la capture, le plus souvent au crépuscule pour éviter un stress à l'animal, éloigné de son gîte diurne. 16 Ceci se passe quelques heures après la manipulation, dès le réveil complet de l'animal. A quelques occasions, des fouines ont été gardées en captivité dans une animalerie. Il s'agit de: - une fouine équipée d'un collier émetteur, gardée 36 heures en observation pour s'assurer du bon fonctionnement de l'appareil. Par la suite, les autres ont été relâchées dès leur réveil complet - Ia première fouine portant un émetteur interne, gardée 5 jours pour prévenir d'éventuels problèmes suite à l'opération. La seconde a été relâchée le jour même de l'opération - Ia fouine blessée par son collier, gardée en convalescence 30 jours. 3.2.6. Cadavres Les fouines trouvées mortes le long des routes sont disséquées pour examen du contenu stomacal et intestinal, recherche d'éventuels endoparasites et préparation du crâne pour collection. 3.2.7. Analyse des crottes Les crottes récoltées sur le terrain sont conservées en alcool. Au moment de l'analyse, elles sont émiettées sous la loupe binoculaire. Les restes de proies sont classés en 5 grandes catégories: mammifères, fruits, insectes, oiseaux, divers. L'analyse se fait selon les méthodes utilisées par Marchesi et Mermod (1989) et Marchesi et al.(1989). Les poils sont identifiés à l'aide de l'ouvrage de Debrot et_a].(1982), les plumes avec celui de Day (1966). Les graines de fruits et les insectes sont déterminés grâce à des collections de référence constituées par Marchesi lors de son travail sur la martre. 17 Les divers regroupent les déchets alimentaires trouvés près des habitations, les charognes, des débris végétaux et les oligochètes. La mise en évidence de ces derniers se fait par identification de chètes, en transparence à la loupe. Ces chètes sont rapidement estimées (<50, >50, >100). Afin de ne pas surestimer les proies dont les restes dans les crottes sont très volumineux, des critères spécifiques à chaque type de proie ont été adoptés: les vertébrés et les fruits doivent représenter au moins 10% du volume de l'échantillon, les insectes et les végétaux au moins 30%. Il est probable que les oeufs dont les coquilles ne sont pas forcément avalées soient sous-estimés (oeufs perforés puis lappés). Les oligochètes ne sont pas comptabilisés dans les résultats, pour deux raisons: - leur mise en évidence ne s'est pas faite systématiquement au début de l'étude - ils peuvent provenir du contenu stomacal d'une proie consommée par la fouine (taupe Talpa europea. Carabidae). Ce fait a été démontré expérimentalement par Marchesi (1989). Pour le calcul de la niche alimentaire (BS) et du chevauchement des régimes (a), les formules de Hespenheide (1975) et de Pianka (1975) ont été utilisées: BS = (B- l)/(n - 1); B = (Z P12)"' où n = nombre de catégories considérées; P1 = proportion de chaque catégorie sur le nombre total d'items. 18 n y p * p. Oxy = ------- ' -=, i i où Pi= proportion de chaque catégorie alimentaire des espèces x et y. Si a = 1, les régimes sont identiques et si a = 0, ils n'ont aucune proie en commun. 3.3. ANALYSE DES DONNEES 3.3.1. Analyse des domaines vitaux (DV) Les différentes méthodes disponibles pour le calcul des DV, quoique fort utilisées, ne sont pas totalement fiables ni surtout aisées à appliquer. Une récente étude (Harris et al. 1990) montre qu'un certain nombre de précautions doivent être prises, et ceci dès la planification d'une étude de telemetrie (nombre de pointages minimum, indépendance dans le temps des différentes localisations, etc.). Le présent travail ayant débuté bien avant la parution de ces considérations, il n'est possible d'en tenir compte que dans une certaine mesure. L'analyse des DV, se fait de la manière suivante: lors de la mise sur papier des suivis, chaque localisation des fouines est indiquée par un numéro sur une carte topographique. Au moment du traitement de ces données, les coordonnées de ces points sont calculées sur la base d'une carte du terrain au 1:25 000 (carte nationale de la Suisse) à l'aide d'une tablette graphique Genitizer GT-1812D. Une liste de coordonnées est ainsi établie grâce à un programme de saisie de 19 coordonnées conçu pour travailler sur un PC IBM-compatible (Mandax 386). Par la suite, ces fichiers de données sont traités par le programme Mc Paal (version 1.21, M. Stüwe, Conservation and Research Center, National Zoological Park, Smithsonian Institution, Front Royal USA) qui permet de calculer et de représenter des DV selon 6 méthodes différentes (pour les détails, voir Marchesi 1989). Dans le cas présent et au vu des remarques de Harris et al. (1990), seules deux de ces méthodes seront utilisées: 1) le polygone convexe minimum (PC) qui représente le plus petit polygone convexe contenant toutes les localisations. L'aire comprise dans ce polygone est égale à la surface du DV. Cette méthode a l'inconvénient de parfois surestimer cette surface, en englobant des secteurs totalement ignorés par l'animal. Toutefois, le PC semble échapper en partie aux contraintes évoquées plus haut, ce qui a autorisé son choix. Ceci d'autant plus qu'il est le seul traitement permettant des comparaisons fiables avec d'autres auteurs et qu'il a été utilisé par toutes les personnes traitant du DV de la fouine (Broekhuizen 1983, Labrid 1983, Föhrenbach 1984, Kalpers 1984, Skirnisson 1986, Herrmann 1989, Lodé 1991). 2) le quadrat qui donne une bonne idée de l'utilisation réelle de l'habitat et des lieux de passage habituels. La grille choisie pour les analyses a des mailles de 100 m x 100 m (sauf mention spéciale). Le nombre de localisations est donné pour chaque cellule. Cette méthode du quadrat n'est pas non plus affectée par les mises en garde de Harris et al. (1990). 20 3.3.2. Saisons Lorsque les résultats sont interprétés de manière saisonnière, l'année a été divisée en saisons météorologiques: hiver: décembre à février printemps: mars à mai été: juin à août automne: septembre à novembre. 3.3.3. Traitements statistiques - Ie test du chi2 ou le test exact de Fisher (tfd), lorsque les échantillons sont faibles, sont utilisés pour comparer deux proportions, aux risques choisis de a = 0,05 et a = 0,01 - Ie test U de Mann-Whitney compare deux moyennes de rangs lorsque la distribution de l'échantillon n'est pas normale ou pas connue (test non paramétrique) - Ie test binomial exact permet de voir si une proportion observée correspond à une proportion théorique connue - les coefficients de corrélation de rang de Spearman permettent d'étudier le lien existant entre deux variables - l'analyse de variance fait des comparaisons multiples de moyennes en fonction de différents facteurs - Ia régression logistique linéaire permet de confronter les valeurs observées de P (en fonction d'une variable explicative) aux valeurs prédites par un modèle. 21 Note: dans ce genre de travail, les données récoltées ne sont pas toujours indépendantes et ne présentent pas forcément une distribution normale. De ce fait, l'application de tests statistiques n'est souvent pas évidente. Les résultats de ces tests doivent être pris avec quelque distance. 22 4. RESULTATS 4.1. POPULATIONS 4.1.1. JPiègeages De mai 1987 à mai 1992, 2450 heures de piègeage (préparation et pose des pièges, pré-appâtage, sessions de piègeage) ont été effectuées. Ceci représente près de 7850 unités-pièges, pour un bilan de 33 captures de 24 fouines (moyenne de 244 unités-pièges pour une capture), 9 captures de 5 martres (Martes martes) ainsi que les prises de 4 putois (Mustela putorius). 4 Turdinés (3 merles Turdus merula dont un couple et 1 grive draine T.viscivorus). 19 chats (Felis catus). 3 écureuils (Sciurus vulgaris) et 2 hérissons (Erinaceus europaeus). En ce qui concerne les fouines, le nombre de prises varie avec les saisons (Tab.1). L'été et l'automne (N=17 et N=8) sont nettement plus favorables. En hiver et au printemps (N=2 et N=6), les captures sont rendues difficiles par le gel qui bloque les pièges et la neige qui les remplit ou les recouvre. C'est ainsi qu'une nuit de mai 1991, une (ou des fouines) préleva impunément 13 oeufs, les pièges étant pratiquement tous gelés! Durant ces années de piègeage, aucun accident ou décès n'a été à déplorer, hormis une ou deux égratignures sans gravité du museau ou des pattes chez des individus un peu excités (voir annexe 1). 4.1.2. Cadavres Au total, 19 cadavres de fouines ont été récupérés. Douze proviennent du massif jurassien, trois du bas du canton de Neuchâtel, un de Vaud et un de Fribourg, deux n'ont pas de provenance déterminée. 23 La plupart de ces fouines (95%) ont été tuées sur la route. Une a été euthanasiée, suite à l'infection d'une blessure à l'oreille et à la perte d'un tympan (FA9). Il s'agit de 10 femelles (dont 1 juvénile) et de 9 mâles (voir annexe 1). 4.1.3. Sex ratio La plupart des vertébrés ont, à la naissance, une sex ratio de 1:1. Dans les résultats, la sex ratio est exprimée par la proportion de femelles (Pf) sur l'ensemble des animaux considérés (Caughley 1977). Les résultats sont comparés à cette valeur théorique de 0,5 par le test binomial exact. Dans les 2 échantillons, le nombre de femelles est supérieur à celui des mâles (Tab.2). Les sex ratio des captures et des fouines écrasées ne sont pas significativement différentes de la valeur théorique. 24 Femelles Mâles Total Printemps 4 11 5 1 2 6 3 1 6 17* 8 2 Eté Automne Hiver Total 21 12 33 Tableau 1 : Captures des fouines selon les saisons. * : dont 7 juvéniles. N Pf Résultat Captures (A +J) Cadavres 24 19 0,54 0,53 NS (p > 0,05) NS (p > 0,05) Tableau 2: Sex ratio des fouines. Proportion de femelles (Pf) et comparaison avec les chiffres théoriques (test binomial exact). A: adulte J: juvénile N=nombre d'animaux. 25 4.1.4. Cycle de reproduction L'observation directe de fouines sur le terrain est relativement rare, surtout si l'on désire éviter des dérangements. C'est la raison pour laquelle peu de renseignements précis concernant la reproduction chez cette espèce sont à disposition. Au fil des années, quelques indications intéressantes ont cependant été recueillies. a) Accouplement Les données concernant l'accouplement sont très rares. La plupart des fouines suivies par telemetrie évoluaient dans des DV qui ne se recou- paient pas, ou à des périodes qui ne se chevauchaient pas. Il est malgré tout certain qu'à deux reprises, un mâle (FA25) et une femelle (FA23) se sont rencontrés. C'était le 29.7.91 à 23h45 et le 27.8.91 à 0h20 dans une petite forêt. A une autre occasion (2.7.91) ces 2 fouines se trouvaient dans la même région, mais sans qu'une rencontre puisse être assurée. Les conditions (huit, forêt) n'ont pas permis de contact visuel. Chez les 5 mâles adultes capturés, les testicules étaient très développés sur 3 individus examinés d'avril à juin, alors que sur les 2 autres, examinés en décembre et en mars, ils étaient régresses. Parmi les fouines accidentées, 1 cadavre trouvé en mai et 4 en juin avaient des testicules proéminents. Un cadavre découvert en février montrait des testicules régresses. En ce qui concerne les femelles, une seule, en juillet, avait la vulve un peu tuméfiée. 26 b) Mise-bas Peu de données concernant la période exacte de la mise-bas, ainsi d'ailleurs que le nombre de jeunes ont été récoltées. Parmi les 13 fouines femelles capturées, 5 montraient des signes d'allaitement. Il s'agit de FA9 qui lors de sa première capture le 7.4.87 avait des tétines très développées. Ce fut à nouveau le cas le 7.7.88 lors de sa seconde capture. Par la suite, elle fut aperçue le 29.8.88 et le 5.9.88 en compa- gnie d'un juvénile. Suivie par telemetrie, elle fut à nouveau capturée le 8.8.89 étant allaitante. Deux jeunes avaient été pris quelques jours auparavant au même endroit. On peut donc affirmer que cette femelle a mis-bas 3 années consécuti- ves. Ces faits sont confirmés par le paysan chez qui elle logeait qui entendit à chaque fois les jeunes piailler au-dessus de son garage, dans une remise contenant des fagots de bois. La femelle FA13, capturée le 15.6.89 avait elle aussi des tétines très développées et était visiblement allaitante. La femelle FA18, capturée le 6.5.90 était également allaitante. La femelle FA23, capturée allaitante une première fois le 11.6.91 fut suivie par telemetrie. Lors des suivis nocturnes, il lui arrivait fréquemment de retourner au gîte mais sans s'y reposer. On suppose qu'elle allait nourrir sa portée (14.6. et 17.6.91). Recapturée le 3.4.92, elle avait à nouveau les tétines très gonflées et suintantes. FA26 quant à elle fut capturée le 12.8.91. Ses mamelles étaient proéminentes et légèrement irritées. Suivie elle aussi par telemetrie, elle fut aperçue deux fois avec d'autres individus non identifiés et à deux reprises (20.8. et 6.9.91), on l'entendit en compagnie de jeunes à proximité d'un de ses gîtes. 27 Début avril 1990, 2 jeunes fouines ont été trouvées dans un toit de ferme au Peu-Péquignot (JU). Une des deux fut récupérée par la mère, l'autre abandonnée. Elle semblait avoir deux semaines environ (selon les indications fournies par des collègues de Giessen, D), pesait 125 g et avait les yeux clos. La naissance devait remonter aux derniers jours de mars. Nourrie au biberon avec du lait en poudre pour chiot, elle ne survécut qu'une semaine. Le 29 mai 1990, 2 fouines d'environ 2 mois furent recueillies en provenance de Fribourg. Le mâle pesait 450 g et la femelle 400 g. Elles se nourrissaient déjà de viande. En résumé, dans le Jura, l'accouplement doit bien avoir lieu entre juin et août. Un rut secondaire hivernal n'a pas été mis en évidence. Les mises-bas semblent intervenir fin mars-début avril, avec parfois des portées retardées jusqu'à fin avril, attestées par l'existence de femelles allaitant encore en juillet et même en août. 4.1.5. Structure d'âge Les fouines examinées ont été classées par âges selon les observations suivantes: - Ia mise-bas a lieu en mars-avril - on considère comme juvéniles les individus ayant moins d'une année (classe d'âge 0+) et comme adultes ceux ayant plus d'un an, sans tenir compte de la maturité sexuelle. On parlera parfois de subadultes dans le cas de fouines arrivant au terme de leur première année, ceci en liaison avec la recherche de leurs propres DV (cf. 4.7.). Les juvéniles représentent 58% des fouines capturées. Le pourcentage des mâles juvéniles est de 64% et celui des femelles 54% (Tab.3). La différence n'est pas significative (tfd, p = 0,69). 28 Femelles Mâles Total N 13 juv. 54% N 11 juv. 64% N 24 juv. 58% Tableau 3: Proportions de juvéniles dans les captures. N=nombre de captures. Sexe Age Moyenne Nombre Minimum Maximum Poids M F M F A A J J 1458,8 1235 1261,6 1075,7 4 6 7 7 1260 1180 970 865 1740 1270 1420 1290 Queue M F M F A A J J 236,5 232 237 220,3 4 6 7 7 215 220 195 175 251 240 260 250 Tête/corps M F M F A A J J 466,3 453,2 435 429,7 4 6 7 7 450 435 365 385 480 472 460 450 Patte post. M F M F A A J J 81,5 77,8 80,4 73,8 4 6 7 7 79 74 74 69 83 80 85 77 Tableau 4: Mensurations des fouines capturées (N=24). F: femelle M: mâle A: adulte J: juvénile Poids en g Longueur de la queue en mm Longueur de la tête + corps en mm Longueur de la patte postérieure en mm. 29 4.1.6. Mensurations corporelles Ces mesures concernent uniquement les fouines capturées (Tab.4). Le tableau 5 donne les comparaisons entre les différents échantillons (analyse de variance). Chez les adultes, toutes les mesures des mâles sont plus grandes que celles des femelles mais seuls le poids et la longueur de la patte postérieure sont significativement différents. La situation est identique chez les juvéniles. Il n'existe de différence significative entre les classes d'âge de chaque sexe que pour le poids et la longueur tête-corps, bien que les mesures soient généralement plus élevées chez les adultes. Le dimorphisme sexuel (rapport de la valeur moyenne des mâles sur celle des femelles, pour chaque variable) chez les adultes est le suivant: poids: 1,19; Q: 1,01; TC: 1,02; PP: 1,04. Les mâles sont 19% plus lourds et environ 2% plus grands que les femelles. Dans le cas des juvéniles, le dimorphisme sexuel vaut: poids: 1,17; Q: 1,07; TC: 1,01; PP: 1,08. Les jeunes mâles sont donc 17% plus lourds et environ 5% plus grands que les petites femelles. Les données à disposition ne permettent pas de mettre en évidence d'éventuelles variations de poids saisonnières chez les adultes. 30 Poids Queue Tête/corps Patte post. MA /FA ++ - -- ++ MJ/FJ ++ -- -- ++ MA/MJ ++ -- ++ -- FA/FJ ++ -- ++ -- Tableau 5: Comparaison des mensurations par sexe et par classe d'âge. Analyse de variance. -- : différence non significative (p > 0,05) + : différence significative (0,05 > p > 0,01) ++ : différence hautement significative (p < 0,01) MA: mâle adulte FA: femelle adulte MJ: mâle juvénile FJ: femelle juvénile. Parasites Hôte n N Ixodides: Pholeoixodes hexagonus (Leach1915) Pholeoixodes rugicollis (Schulze et Schlottke 1929) Carnivores Hérisson Carnivores 5 4 4 1 Siphonaptères: Ceratophyllus (Monopsyllus) sciurorum sciurorum (Schrank 1803) Ecureuil 10 6 Tableau 6: Ectoparasites récoltés sur les fouines. n: nombre de parasites N: nombre de fouines infestées 31 4.1.7. Ectoparasites a) Ixodides Les 8 tiques récoltées proviennent de 2 fouines piégées et d'un cadavre. Elles appartiennent à deux espèces endophiles: Pholeoixodes hexaaonus (Leach 1815) et Ph.ruaicollis (Schulze et Schlottke 1929) (Tab.6). Le taux d'infestation est bas: fouines capturées: 6,1% (N=33) cadavres : 5,3% (N=19). Toutes les tiques ont été récoltées de mai à novembre. Description des infestations: - FA15 $ juv.: 1 tique ? dans l'oreille droite (Ph. hexaqonus) - FA21 0,05). La niche alimentaire (BS) calculée à partir des cinq catégories de proies (sans les oligochètes) a des valeurs moyennes pour l'hiver et l'été. Le printemps présente la niche la plus large mais ceci est sans doute accentué par les débris végétaux très abondants. En automne, la niche alimentaire est relativement large, probablement à cause de la grande diversité en fruits. HIVER: 0,5621 PRINTEMPS: 0,7421 ETE: 0,5971 AUTOMNE: 0,6044 (N crottes = 499). La valeur annuelle de BS est de: 0,8058 (N crottes = 580). 4.2.4. Variations annuelles Il a paru important de définir plus précisément l'importance que prend le campagnol terrestre (Arvicola terretris scherman) dans le régime de la fouine (Lâchât Feller 1993). Ce rongeur montre de fortes fluctuations périodiques de ses populations dans cette région (Saucy 1988) et l'étude recouvre l'ensemble d'un de ces cycles de pullulation. Debrot (1981,1983) et Erlinge (1981 ) ont montré que ces pullulations ont une grande influence sur l'hermine. Il était dès lors intéressant de savoir si c'était aussi le cas pour un autre musteline comme la fouine, d'autant plus que Waechter (1975) y fait allusion en ce qui concerne certaines populations de fouines en Alsace (France). Dans un second temps, 850 crottes ont donc été analysées sur une période d'environ 5 ans (mars 1987 à novembre 1991). 49 Oiseaux 7.1% Insectes 18,1% Mammifères 37,9% Fruits 17,7% Figure 4: Régime alimentaire de la fouine durant un. cycle de pullulation du campagnol terrestre (Arvicola terrestris scherman). Distribution des catégories de proies (N=1181). B Mommifères lu Fruits pil Insectes ? Oiseaux ¦ Divers 1987 1988 1989 1990 1991 années Figure 5: Variations annuelles des catégories de proies. Pourcentage absolu. N(87)=463; N(88)=152; N(89)=107; N(90)=130; N(91 )=329. 50 Si la fouine consomme toujours une grande variété de nourriture (animale ou végétale), son régime diffère significativement de celui établi hors de la pullulation (Fig.4) (chi2, p < 0,001). Cette différence se marque surtout par la supplantation des fruits par les mammifères qui prennent la première place dans le régime avec 37,9% (N=1181) des items analysés. Il s'agit à 77,9% (N=448) de campagnols terrestres, Arvicola terrestris. Les autres micromammifères, tels que Apodemus spp.. Clethrionomys qlareolus. Pitvmvs spp. ou Microtus spp. sont nettement plus rares. Les fruits (17,7%) accusent une forte baisse due à la réorientation du régime et n'arrivent plus qu'en quatrième position. Les "divers" (19,2%) et les insectes (18,1%), de même que les oiseaux (7,1%) se maintiennent à peu près à leur niveau antérieur. En considérant le régime alimentaire de la fouine année par année, durant tout le cycle de pullulation du campagnol, on constate des variations significatives (Fig.5): 1987: dès le début de la pullulation, les mammifères prennent la première place avec 38% des proies analysées (N=463; chi2, p < 0,001). 42,1 % des crottes (N=397) contiennent des restes de mammifères (27,7% contiennent des restes de campagnol terrestre) (Fig.6). La proportion de campagnol dans les crottes "avec poils" est de 65,8% (N=167). L'importance des fruits (11,9%) est significativement diminuée (chi2, p < 0,001). 51 Mammifères A. terrestris 1987 1988 1989 1990 1991 années Figure 6: Proportion de crottes contenant des restes de mammifères. 52 1988: la densité des populations de campagnols augmente considé- rablement et la progression des mammifères dans le régime se poursuit, avec 51,3% des proies (N=152; chi2, p < 0,01 ). 79,2% des crottes (N=96) contiennent des poils (67,7% contiennent du campagnol) (Fig.6). La proportion d'Arvicola terrestris dans les crottes "avec poils" est de 85,5% (N=76). La diminution des fruits se confirme (12,5%). Toutefois, il n'y a pas de baisse significative par rapport à 1987 (chi2, p > 0,05). Ce sont surtout les catégories insectes et "divers" qui diminuent. 1989: au plus fort de la pullulation, les mammifères représentent le 63,6% des proies (N=107). L'augmentation n'est toutefois pas significative par rapport à 1988 (chi2, p > 0,05). 97% des crottes (N=63) contiennent des poils (90,4% contiennent du campagnol) (Fig.6). La proportion d'Arvicola terrestris dans les crottes "avec poils" est de 93,4% (N=61). Les fruits accusent une baisse importante bien que non significative par rapport à 1988 (chi2, p > 0,05), avec 6,5% des items analysés. Les insectes et les oiseaux diminuent également. 1990: le cycle de pullulation est en phase descendante. La tendance s'inverse. Les mammifères chutent de façon significative (45,4%; N=130; chi2, p < 0,01), alors que l'importance des fruits s'accroît considérable- ment en comparaison avec 1989 (33,9%; chi2, p < 0,001). 60% des crottes (N=97) seulement contiennent encore des poils (58,8% contiennent du campagnol) (Fig.6). Par contre, la proportion d'Arvicola terrestris augmente toujours dans les crottes "avec poils", pour culminer à 98,3% (N=58). 53 Il est intéressant de noter que les insectes chutent également de façon significative (1,5%; chi2, p < 0,01). 1991: la densité des populations de campagnols continue à diminuer durant le printemps et l'été. En automne, c'est l'effondrement. Dans le régime, les mammifères ont retrouvé leur importance d'avant la pullulation (20,4%, N=329), suite à une nouvelle baisse significative (chi2, p < 0,001 ). Seules 34% des crottes (N=197) contiennent encore des poils (29,4% contiennent du campagnol) (Fig.6). Arvicola terrestris reste la proie mammifère la plus chassée, avec 86,6% (N=67) des items analysés. Les analyses de crottes s'arrêtent en novembre 1991. Les crottes de l'hiver (décembre 91-février 92) ne sont pas prises en considération. Ceci explique l'importance un peu minimisée affichée par les fruits. L'augmen- tation des oiseaux n'est pas significative (chi2, p >0,05). La niche alimentaire (BS) calculée à partir des cinq catégories de proies prend les valeurs suivantes durant la pullulation de campagnols: 1987:0,7041 1988:0,5192 1989:0,3181 1990:0,4790 1991:0,9286. 4.2.5. Relation entre la densité de campagnols et leur consommation Les moyennes annuelles de densité de campagnols, établies à partir des données récoltées par Weber et Aubry (1993) sont les suivantes: 1987: pas de données 1990: 443 campagnols/ha 1988: 590 campagnols/ha 1991: 123 campagnols/ha 1989: 620 campagnols/ha 54 Elles ont permis de montrer qu'il existe une corrélation significative entre l'abondance de ces rongeurs durant les cinq années du cycle et leur consommation par la fouine (coefficient de corrélation de Spearman, r = 0,94, p = 0,005). 4.2.6. Variations sexuelles et individuelles La récolte des crottes se fait le plus souvent sans savoir de manière sûre quel est l'animal qui les a déposées. En effet, même si l'on pense avoir affaire à un animal déterminé, on ne peut pas exclure la présence d'une autre fouine dans le même gîte (cf. 4.4.5.). De ce fait, il n'est pas possible de mettre en évidence d'éventuelles variations sexuelles ou individuelles. Des particularités ont toutefois été relevées. Certains individus se sont quelque peu distingués par le choix de leur nourriture, ceci surtout en fonction de l'offre alimentaire dont ils disposaient ou de circonstances particulières. Ainsi la fouine FA26 (?) qui consomma beaucoup de cerises durant l'été 1991 alors que son domaine vital comprenait un verger composé entre autres de cerisiers. Ainsi les fouines FA23 (?) et FA25 (tf) dont les territoires se chevau- chaient en partie et qui avaient accès à un alisier (Sorbus aria). On retrouve les fruits de cet arbre en grandes quantités dans les crottes de ces deux individus. On peut encore citer l'exemple de FA9 (?) qui à deux reprises dans son existence fit des dégâts dans un poulailler. La première fois alors qu'elle était blessée par son collier émetteur et la seconde fois alors qu'elle avait l'oreille droite déchirée et infectée, le tympan perforé et le sens de l'équilibre gravement perturbé. A chaque fois, elle était accompagnée de 55 jeunes à nourrir. Sa chasse rendue difficile (impossible) par ses blessu- res, elle se rabattait sur des proies plus faciles. 4.2.7. Transport et cache de nourriture Les fouines mangent en général leurs proies sur place. Il leur arrive cependant de transporter certaines proies importantes (micromammifères, oeufs, oiseaux) jusqu'à un abri ou dans leur gîte. Les oeufs ne sont pas cassés pendant le transport. Les fouines les calent entre leurs canines. Ensuite, elles pratiquent une ouverture sur le dessus et en lappent le contenu. En captivité, elles tuent les souris puis les emmènent pour les manger à l'abri des regards (obs.pers.). Pendant les sessions de piègeage, lors du pré-appâtage, les oeufs sont souvent mangés à proximité des pièges ou transportés à quelques dizaines de mètres. Ils ne sont jamais mangés à l'intérieur des pièges. Dans les gîtes (tas de paille), il est fréquent de trouver des restes de proies amenées là par la fouine: coquille d'oeufs, os, restes de micro- mammifères, plumes, papiers de plaque de chocolat (la fouine en est friande, voir carnet de notes, 9.2.), sachet de biscuits, etc. Une paysanne raconte même qu'elle a retrouvé à plusieurs reprises sur les bottes de paille les oeufs de plâtre qu'elle pose dans les nids pour inciter les poules à pondre. 56 4.2.8. Discussion La fouine est un carnivore bien connu pour son régime de caractère généraliste et opportuniste, tel que l'ont relevé de nombreux auteurs, parmi lesquels Waechter (1975), Delibes (1978), Kalpers (1983). Elle exploite d'abord les ressources les plus abondantes et les plus aisément accessibles. Son régime peut dès lors subir des variations qui sont autant de spécialisations locales ou temporelles. Aspects généraux La fouine consomme beaucoup de proies de milieux ouverts ou semi- ouverts (Microtus/Pitymys. A.terrestris), ou de proies liées aux activités humaines et proches des habitations (poules, larves de E.tenax. fruits domestiques, guêpes des habitations, déchets ménagers), représentant plus du 40% de son régime. Ceci est confirmé par nos relevés de telemetrie et nos captures qui montrent que la fouine se nourrit autour des habitations et que si elle fréquente les milieux forestiers (cf.4.3.1), il s'agit en grande partie de pâturages boisés où elle peut trouver ses proies habituelles. La place tenue par les fruits peut paraître étonnante pour un carnivore. Pourtant, ces derniers sont à l'occasion la nourriture la plus fréquente également dans d'autres régions, comme le mentionnent Waechter (1975), Skirnisson (1986) et Tester (1986). Parmi les fruits, les espèces dominantes varient selon les zones d'études. Précisons enfin que l'abondance des fruits dans le régime de nos fouines est peut-être en partie surestimée, car la quantité de crottes récoltées est plus grande en automne et en hiver. 57 Nous pouvons relever que de nombreux auteurs en Europe observent que les mammifères sont les proies principales de la fouine, les plus courants appartenant aux arvicolinés: Microtus spp.. A.terrestris (Waech- ter 1975, Kalpers 1983, Skirnisson 1986, Tester 1986), aux murines: Apodemus spp. (Delibes 1978, Skirnisson 1986, Tester 1986), aux lagomorphes, lapin domestique y compris (Waechter 1975, Kalpers 1983, Skirnisson 1986), et aux insectivores: Crocidura russula (Waechter 1975, Delibes 1978, Amores 1980). Il est intéressant de parler du cas de la souris grise (Mus musculus) qui n'apparaît pas dans le régime de nos fouines. Sa présence a été démontrée par des piègeages dans les fermes du terrain (Sen-Gupta 1993). Toutefois, il semble qu'elle n'est pas très fréquente et se confine dans les remises ou les caves plutôt que dans les granges où la fouine se tient volontiers. Certains auteurs (Pearson 1964, Borkenhagen 1978) avancent que les murines (Apodemus spp.. Rattus spp.. Mus musculus) sont moins consommés que les autres micromammifères par les chats, bien que ceux-ci les chassent et les tuent. Ce phénomène est d'ailleurs aussi bien connu avec les musaraignes. Il se pourrait que la fouine obéisse au même schéma, en plus du fait qu'elle a peu de chances de rencontrer des souris dans ses gîtes préférés. De plus, la fouine a la réputation de respecter une zone dans et autour de son gîte où elle ne chasserait pas. Ceci a été testé sur nos fouines par le dépôt d'oeufs dans ou à proximité des gîtes. Les résultats, très variables selon les individus ne permettent pas de tirer de conclusions. Il faut préciser toutefois que Mus musculus n'est pas toujours absente du régime: Waechter (1975), Kalpers (1983) et Skirnisson (1986) la citent, mais en faible quantité. 58 Les autres catégories (insectes ou invertébrés, oiseaux, divers) sont identifiées par tous les auteurs. Lorsque nous comparons plus spécifiquement nos résultats (Tab.9) à ceux de Tester (1986) dont les zones d'études sont proches de la nôtre (Jura soleurois et bâlois) mais d'altitude moins élevée (250-600 m), nous constatons que les valeurs de a sont variables et celle de chi2 toujours significatives. Il est intéressant de noter qu'il y a autant de différence entre La Chaux d'Abel et la campagne soleuroise qu'entre cette dernière et la ville de Bâle. Le régime alimentaire est donc surtout influencé par l'habitat de l'animal et, dans une moindre mesure, par sa localisation géographique. Les écarts des régimes se marquent mieux au niveau des espèces. Le régime des fouines étudiées par Tester comprend nettement plus de nourriture liée aux activités humaines, les fruits cultivés par exemple. Chx d'Abel Tester SO Tester BS Chx d'Abel a chi2 Tester SO a chi2 0,897 157 Tester BS a chi2 0,756 320 0,89 143 Tableau 9: Comparaison avec Tester (1986). Recouvrement des niches alimentaires a et valeurs de chi 2(ddl=4) pour les cinq catégories de proies. Chx d'Abel: fouines de la Chaux d'Abel Tester SO: fouines de la campagne soleuroise Tester BS: fouines de la ville de Bâle. 59 Variations saisonnières Sur le terrain d'étude, avec ses particularités écologiques et géographi- ques, le régime alimentaire pris au niveau des cinq grandes catégories montre des variations selon les saisons. La plupart des auteurs remarquent ces variations saisonnières (Delibes 1978, Amores 1980, Skimisson 1986, Tester 1986, Ansorge 1989) et en tirent les grandes lignes suivantes qui correspondent à nos propres résul- tats: - en automne et en hiver, le régime est très riche en fruits - les mammifères sont principalement consommés en hiver et au prin- temps - les insectes sont les plus importants en été - les charognes et les déchets ménagers sont surtout présents en hiver et au printemps. En ce qui concerne les débris végétaux, il faut relever que chez nous ils sont surtout abondants au printemps et en été, périodes qui correspon- dent à l'occupation de gîtes "humains" par la fouine, notamment pour la mise-bas et l'élevage des jeunes. Ceci peut être mis en parallèle avec la consommation plus élevée de E.tenax et de poules durant ces saisons. Variations annuelles Dès le début de la pullulation de campagnols, le régime de la fouine se réoriente, les mammifères prenant la première place, au détriment des fruits. Conformément à la théorie de !'"optimal foraging" (Emlen 1966, Schoener 1971, Pyke 1977) un prédateur devrait augmenter sa sélectivité sur les proies préférées lorsque celles-ci augmentent en densité. Il devrait maximiser la différence entre les gains et les coûts de sa chasse et 60 décider quelles proies (ou types de proies) seront les plus favorables (Pianka 1974, Mac Arthur 1972, réf. in Erlinge 1981). Ce sont les proies fournissant le plus d'énergie qui seront préférées. C'est ce qui se produit avec le campagnol terrestre. Etant le plus abondant et le plus gros micromammifère à disposition dans notre région, il devient la proie principale. Dès lors, la niche alimentaire de la fouine se réduit considéra- blement pour prendre, au sommet de la pullulation, une valeur se rapprochant de celle d'une niche de spécialiste (< 0,3), telle que l'hermine (Debrot 1981). On constate d'ailleurs, en accord avec Erlinge (1981) que la largeur de la niche est inversement proportionnelle à la densité de campagnols. Lorsque la population de campagnols chute (1990), on assiste à une brusque remontée des fruits suivie l'année suivante par un étalement de la niche alimentaire. Il semblerait que la fouine connaît une certaine période de flottement durant laquelle son régime doit se réajuster afin de pallier à la diminution des proies-mammifères. En bonne généraliste euryphage, elle consomme alors un large éventail de proies, accentuant sa pression sur des proies normalement de moindre importance ou d'intérêt secondaire. Elle réduit sa dépendance vis-à-vis du campagnol en exploitant le plus efficacement possible toutes les autres sources de nourriture ce qui explique la valeur très élevée de la niche alimentaire durant cette période. Impact sur le campagnol terrestre L'impact de la fouine en tant que prédateur du campagnol terrestre n'est pas facile à estimer. Plusieurs auteurs (Krebs 1974, Erlinge 1975, Andersson et Erlinge 1977) s'accordent à dire que la prédation ne saurait suffire à stopper une 61 pullulation en phase ascendante. Selon ces auteurs, les prédateurs (toutes espèces confondues) ne peuvent que réduire les pics de pullulation, donc maintenir les populations à un niveau inférieur et retarder le prochain pic. La phase descendante de la pullulation se déclencherait également indépendamment des prédateurs qui ne joueraient un rôle réel qu'en fin de pullulation, accélérant la chute. Sur notre terrain, la fouine joue certainement ce rôle de modérateur, en compagnie du renard (Vulpes vulpes). du chat domestique et du hibou moyen-duc (Asio otus). Son impact est probablement maximum au moment de l'effondrement des populations. On en veut pour preuve la proportion importante de campagnols terrestres trouvée dans les crottes contenant des poils en 1990 (près de 100% des proies-mammifères) et jusqu'en 1991 (plus de 86%). Toujours selon les théories Scandinaves (Erlinge étal. 1984), la présence de généralistes en nombre suffisant et stable (grâce à des proies alternatives) devrait prévenir les pullulations car ils réagissent prompte- ment aux changements de densité des micromammifères. Ceci n'est pas du tout vérifié sur notre terrain malgré une densité relativement grande de prédateurs (chats, renards, fouines). Il est vrai toutefois que si les populations de chats et de fouines se maintiennent plus ou moins au fil des années, ce n'est pas le cas pour le renard (Weber et al. 1991). Les populations de ce canidé fluctuent rapide- ment, notamment à cause de la pression de la chasse. Une étude à plus long terme serait nécessaire pour tenter d'expliquer l'existence de pullulations du campagnol terrestre malgré la présence d'un nombre considérable de prédateurs, ceci d'autant plus que ces pullula- 62 tions semblent être différentes de celles des autres micromammifères (Saucy 1988). Niche alimentaire Le caractère généraliste de la fouine est bien illustré par la liste des espèces consommées (Tab.8 et annexe 2) et son opportunisme par les variations constatées au fil des saisons et des années. On retrouve cette diversité et cette flexibilité chez plusieurs auteurs. Ainsi, en zone méditerranéenne (Amores 1980), les invertébrés tiennent une place importante et la fouine consomme, hormis les habituels insectes, des Orthoptères, des Myriapodes, des Arachnides (y compris le scorpion Buthus occitanus) et des Crustacés. Parmi les oiseaux, on trouve des espèces aussi différentes que les troglodytes (Troglodytes troglodytes) et les perdrix rouges (Alectoris rufa) ou les faisans (Phasianus colchicus). Delibes (1978) signale un torcol (Jynx torquilla). Amores (1980) une pie-grièche grise (Lanius excubitor) et Skirnisson (1986) un grèbe huppé (Podiceps cristatus). Comme proies très particulières, on peut citer des lézards en grand nombre (Psammodromus alqirus. Blanus cinereus, Lacerta lepida) en Espagne (Amores 1980), des oeufs de tortues (Testudo hermanni)) dans le massif des Maures en Provence (Swingland et Stubbs 1985), une chauve-souris (Kalpers 1983). En ce qui concerne une éventuelle compétition interspécifique avec la martre, la stratégie alimentaire de la fouine en situation rurale pourrait être des plus favorables: en plus de la nourriture trouvée dans les habitations, la fouine peut profiter davantage de celle des milieux ouverts tout en bénéficiant aussi des espèces forestières. Les densités et cycles 63 d'abondance des espèces-proies n'étant pas forcément synchrones dans ces différents milieux, la fouine sera moins soumise aux variations écologiques de son habitat, plus diversifié que celui de la martre (Marchesi et al. 1989). 64 4.3. HABITAT 4.3.1. Milieux fréquentés Le milieu traversé par les fouines en activité a été relevé lors des suivis par telemetrie, à chaque pointage, soit toutes les 15 minutes (N=1402). Les suivis se déroulaient de nuit et il n'était souvent pas possible de déterminer avec exactitude quel type de végétation l'animal traversait. Une liste de 8 types de milieux a donc été élaborée. Elle reprend les grandes caractéristiques du terrain d'étude. Il s'agit des: 1) pâturages boisés: prairies pâturées avec arbres plus ou moins isolés (épicéas, érables) ou en bosquets 2) pâturages: prairies pâturées ou fauchées 3) haies: cordons boisés pouvant atteindre quelques mètres de largeur (arbustes ou arbres) 4) murs: murs de pierres sèches délimitant les terrains, parfois associés à des haies d'arbustes 5) surfaces cultivées: prairies et champs 6) jardins, vergers: terrains situés à proximité immédiate d'une habitation 7) lisières: portions s'étendant jusqu'à 10 mètres de part et d'autre de la forêt 8) forêts: étendues variables de conifères et de feuillus. Ces différents milieux représentent 3 grandes catégories: - milieux ouverts: pâturages, surfaces cultivées - milieux semi-ouverts: haies, murs, jardins et vergers - milieux forestiers: pâturages boisés, lisières, forêts 65 Milieux N(F) % N(M) % N(tot.) | % Pâturages boisés 199 23,6 252 44,9 451 32,1 Pâturages 12 1,4 0 0 12 0,9 Haies 10 1,2 43 7,7 53 3,8 Murs 69 8,2 22 3,9 91 6,5 Cultures 4 0,5 2 0,4 6 0,4 Jardins 94 11,2 94 16,7 188 13,4 Lisières 56 6,7 15 2,7 71 5,1 Forêts 397 47,2 133 23,7 530 37,8 Total 841 100 561 100 1402 100 Tableau 10: Utilisation des différents types de milieux, en période d'activité (N=1402). N(F): nombre de relevés pour les femelles N(M): nombre de relevés pour les mâles N(tot.): nombre de relevés totaux. Femelles Mâles Total Milieux forestiers Milieux semi-ouverts Milieux ouverts 77,5 20,6 1,9 71,3 28,3 0,4 75 23,7 1,3 Tableau 11 : Fréquence d'utilisation (%) des 3 grands types de milieux, en période d'activité. 66 Les différentes observations des fouines dans ces 8 milieux sont représentées dans le tableau 10. L'activité locomotrice seule est considérée. Les périodes de repos, dans des gîtes temporaires ou principaux n'interviennent pas ici. Toutes ces observations sont nocturnes (voir carnet de notes, 9.3.). Dans la région jurassienne, la fouine est sans conteste liée aux milieux forestiers, au sens large (74.9%, N=1402). La comparaison avec les 2 autres grandes catégories groupées est hautement significative (test binomial, p < 0,001). Les milieux semi-ouverts sont très significativement plus utilisés que les milieux ouverts (test binomial, p < 0,001). 4.3.2.Variations sexuelles, individuelles et saisonnières Les types de milieux fréquentés varient selon le sexe des animaux (Tab.11 ). Les femelles utilisent significativement plus les milieux forestiers (chi2, p = 0,011) et les milieux ouverts (chi2, p = 0,005) que les mâles. Ceux-ci fréquentent plus les milieux semi-ouverts (chi2, p < 0,001). Les variations individuelles observées sont faibles (Tab.12): 6 fouines sur 9 utilisent statistiquement plus les milieux forestiers (test binomial avec alternative double, p < 0,001). Dans le cas de FA22, le petit nombre de données ne permet pas de traitement. FA16 et FA17 n'utilisent pas significativement plus les milieux forestiers (test binomial avec alternative double, p = 0,38 et p = 1). Si la forêt et les milieux forestiers restent les habitats préférés des fouines tout au long de l'année, on observe des variations des proportions mensuelles des différents milieux (Fig.7). 67 M. forestiers M. s.-ouverts M. ouverts N FA9 F 63,3 31,6 5,1 237 FM 6 M 38 52,5 9,5 21 FA17 F 50 48,1 1,9 106 FA21 M 63,8 36,2 0 174 FA22 M 25 75 0 4 FA23 F 84 14,2 1,8 209 FA24 F 100 0 0 48 FA25 M 77,5 22,5 0 360 FA26 F 93,5 6,5 0 243 Tableau 12: Fréquence d'utilisation individuelle (%) des 3 grands types de milieux, en période d'activité (N=1402). F: femelle M: mâle Juin Juil Août Sept Oct. Nov. Dec. Janv EU Forêts ^¾¾ Lisières BB Jardins H Cultures TJiI Murs Wîii Haies I I Pâturages Wi Pâtu. boisés Figure 7: Taux de fréquentation des différents milieux au cours de l'année, pendant les phases d'activité. 68 4.3.3. Discussion Milieux fréquentés Si la martre est considérée comme un animal typiquement forestier, la fouine est plutôt connue comme une espèce anthropophile, allant même jusqu'à vivre en ville (Hainard 1971, Waechter 1975, Tester 1986). Cependant, dans certaines conditions particulières, elle peut être beaucoup moins dépendante de l'habitat humain, voire vivre en milieu forestier strict, mais souvent alors dans un environnement rocheux (Waechter 1975, Delibes 1983). Des auteurs tels que Heptner et Naumov (1974), Labrid (1983) ou Skirnisson (1986) citent des cas où la fouine est forestière, en l'absence de milieux rocheux. Elle habiterait même des zones froides (Asie centrale), loin de toute habitation. Sa répartition moins septentrionale que celle de la martre serait due à une moins bonne protection naturelle contre le froid (fourrure moins dense). Heptner et Naumov distinguent deux types d'habitats potentiels: un type primaire correspondant aux pays montagneux à climat modéré où la couche de neige n'est pas trop importante en hiver et un type secondaire anthropophile existant en plaine. Finalement, Delibes (1983) émet l'hypothèse que le caractère anthropo- phile de la fouine pourrait n'être que la conséquence d'une compétition interspécifique avec la martre. Pour sa théorie, il s'appuie sur le fait que lorsqu'elles sont sympatriques, les deux espèces occupent des habitats différents alors qu'en allopatrie elles ont plus ou moins le même. Nos résultats montrent que les deux espèces peuvent cohabiter en milieu naturel. Il est vrai néanmoins que les fouines de La Chaux d'Abel sont 69 très largement synanthropes. Nous reviendrons ultérieurement sur ce problème de compétition interspécifique. Si nos fouines sont localisées avant tout en milieux forestiers, il s'agit autant de forêts que de pâturages boisés. En effet, ce milieu particulier au Haut-Jura joue un rôle déterminant dans le schéma d'utilisation de l'espace chez ces animaux. Les milieux ouverts sont évités dans la mesure du possible (Tab.11 et cf. 4.6.4.). La fouine utilise des corridors constitués par les haies et les murs de pierres pour se déplacer du couvert forestier vers les habitations humaines. Elle passe également beaucoup de temps aux alentours de ces dernières, dans les jardins, les vergers et près des fumiers. Ces observations coïncident avec celles de Broekhuizen (1983) et Skirnisson (1986). Pour être parfaitement rigoureux, il faudrait toutefois mettre en relation la préférence pour certains éléments du paysage et le temps que les fouines y passent avec les surfaces occupées par ces milieux sur le terrain d'étude. En définitive, l'anthropophilie de la fouine jurassienne se manifeste avant tout en ce qui concerne le choix des gîtes (cf. 4.4.). Pour ce qui est de son domaine vital, on peut plutôt la qualifier d'espèce forestière, au sens défini dans ce chapitre. Variations du milieu fréquenté Des différences d'utilisation du milieu selon le sexe ont été constatées chez la martre (Marchesi 1989). Elles sont reliées à celles constatées dans le régime alimentaire et dues en particulier à des comportements de chasse dissemblables. Les femelles seraient plus liées à l'habitat optimum de l'espèce (forêt) que les mâles. 70 Dans le cas de la fouine, nous n'avons pas pu mettre en évidence de variations du régime alimentaire selon le sexe (cf.4.2.6.). Les différences d'utilisation du milieu sont toutefois aussi probablement en liaison avec des exploitations divergentes des ressources alimentaires. Les femelles chassent plus en milieux forestiers protégés alors que les mâles, bien qu'étant aussi très liés à ces zones ont une plus grande tendance à utiliser les milieux semi-ouverts, garants d'une nourriture abondante (par exemple les campagnols terrestres). Les données concernant les variations saisonnières d'utilisation des milieux ne sont que fragmentaires. Ces variations sont peu marquées et difficiles à interpréter. Elles permettent malgré tout de dire que les fouines choisissent leurs terrains de chasse selon la disponibilité alimentaire (cf. 4.2.3.). En été, les milieux forestiers sont beaucoup visités, notamment les forêts en juin et juillet et les pâturages boisés en août. La fouine y trouve quantité de nourriture (insectes, oiseaux, petits fruits). En automne, les haies, les murs et les lisières prennent de l'importance. La fouine va y chercher les fruits de saison (Sorbus spp., Rosa spp.). Avec l'hiver, la forêt et le pâturage boisé sont les milieux les plus fréquentés parce que la nourriture y est plus accessible (en raison de la couche de neige moindre) et les déplacements plus faciles. Les environs des habitations sont parfois intensivement exploités, notamment par temps très froid ou lors d'importantes chutes de neige (cf.4.5.3.). Les données pour le printemps manquent. La littérature fournit peu d'indications sérieuses sur ces types de variations. Plusieurs auteurs (Kalpers 1984, Labrid 1987, Lodé 1991) déclarent que l'alimentation conditionne l'utilisation de l'espace chez la fouine. Malheureusement, ces résultats ne se basent à chaque fois que 71 sur l'étude d'un animal, sur une petite période de l'année et ne devraient donc pas être généralisés. De son côté, Skirnisson (1986) montre, à partir de l'étude de deux fouines durant une année, que la stratégie d'occupa- tion du domaine vital est en relation étroite avec différents facteurs environnementaux, dont l'offre alimentaire. 72 4.4. GITES 4.4.1. Situation des gîtes La situation des gîtes (les milieux choisis) a été étudiée et les différents gîtes ont été caractérisés, de manière à déterminer dans quelle sorte de matériau les fouines établissent leurs nids (Lâchât Feller, sous presse). Cinq milieux pouvant abriter un gîte ont été récensés: grange (liée ou non à une habitation), remise ou hangar, maison d'habitation (et ses alentours immédiats), pâturage boisé, forêt. Pour chacune de ces catégories, différentes possibilités de localisation du nid (substrat) ont été établies: dans la paille, dans le foin, dans un plancher ou un toit, dans un tas de bois ou de branches, dans une cavité au sol, dans un mur de pierres sèches, dans un arbre, dans un endroit non identifié. La radiotélémétrie a permis d'établir 518 utilisations de 59 refuges diurnes localisés avec plus ou moins de précision (Tab. 13). Nature des gîtes Les gîtes se situent en majorité dans des granges (67,2%, N=518) et des remises (24,5%). Au total, 92,1% des refuges utilisés sont recensés dans des constructions humaines. Les abris naturels (7,9%) se trouvent soit en forêt (6%), soit dans des pâturages boisés (1,9%). Il est intéressant de noter, qu'en moyenne, 64% (< ^ ~ = 79 Un gîte peut aussi n'être occupé qu'une seule fois (17 cas recensés durant cette étude). Le taux global de retour aux gîtes (rapport du nombre de retours dans un gîte déjà utilisé au moins une fois sur le nombre total d'utilisations de gîtes) est au total de 88,6% (N=518). Il est de 87,2% pour les mâles (N=235) et de 89,8% pour les femelles (N=283). Pour chaque sexe, les taux saisonniers de retour aux gîtes varient. 4.4.4. Variations individuelles et sexuelles Le genre de gîtes utilisés ("humains" ou "sauvages") est très variable selon les individus (Tab. 16). Quatre fouines (N=9) ne fréquentent que des gîtes "humains". Les cinq autres ont une majorité de gîtes "humains" mais aussi quelques gîtes "sauvages". Une seule femelle (FA26) montra une préférence pour les gîtes "sauvages" (56 % des utilisations, N=39). Il faut noter que les mâles habitent significativement plus de gîtes "humains" que les femelles (test exact de Fischer, p = 0,01). D'autre part, ils occupent en moyenne un plus grand nombre de gîtes (toutes catégories confondues) que les femelles (7,5 / 5,8) et le taux moyen d'utilisation d'un même gîte par un mâle est de 8,1 alors que chez une femelle il est de 10,5. 4.4.5. Partage des gîtes Certains gîtes ont été fréquentés par plusieurs fouines (dans le temps). C'est ainsi que si 59 gîtes ont été recensés tout au long de cette étude, seuls 47 d'entre eux n'ont été habités que par une des fouines étudiées. Les périodes de suivis télémétriques n'étant que rarement simultanées et ne se recoupant que très partiellement, il est difficile d'avoir une idée globale concernant l'utilisation conjointe des gîtes par plusieurs fouines. 80 Gîtes humains Gites sauvages Total FA 7 M FA16 M FA 21 M FA 25 M 12 3 8 5 0 0 1 1 12 3 9 6 Total 28 2 30 FA 9 F FA17 F FA 23 F FA 24 F FA 26 F 6 4 3 3 3 4 0 1 0 5 10 4 4 3 8 Total 19 10 29 Total M+F 47 12 59 Tableau 16: Nombre de gîtes utilisés par les différents individus. M: mâle F: femelle 81 Toutefois, plusieurs observations de fouines non identifiées quittant une cachette ou en activité à proximité d'un gîte utilisé par un animal connu laisse penser que la cohabitation ne doit pas être rare. Cependant, deux fouines (FA23 ? et FA25 tf) dont les DV se recouvraient partiellement et qui ont été suivies ensemble durant 3 mois et demi n'ont jamais partagé le même gîte, bien que se côtoyant lors de leurs chasses. Il se pourrait dans ce cas que le mâle ait évité certains gîtes utilisés quelques mois plus tôt par un autre individu, décédé entre temps (FA22). Son territoire ne se serait alors pas encore complètement étendu à celui laissé vide par le mâle précédent. D'autre part, des observations de femelles connues en compagnie de jeunes jusqu'en septembre suggèrent que les petits peuvent partager le gîte de leur mère durant plusieurs mois. 4.4.6. Gîtes temporaires Un certain nombre de gîtes peuvent servir de manière temporaire, entre les périodes de chasse nocturne. Ce sont des cachettes où la fouine se repose ou se met à l'abri. Il s'agit soit de gîtes utilisés également comme abris principaux, soit de gîtes différents ne servant que la nuit (exemples: racines d'arbres, lisière, buisson, mur de pierres sèches). Les pauses dans ces différents endroits peuvent varier de quelques minutes à quelques heures. Les durées moyennes ont été établies par saison: hiver: 103' été: 45' automne: 67'. Nous ne disposons pas de données pour le printemps (mars à mai). 82 4.4.7. Utilisation saisonnière L'utilisation des gîtes varie avec les saisons (Tab.17). Si en hiver, les gîtes "humains" (tas de paille avant tout) sont nettement préférés (98,9 % des utilisations, N=91), avec la belle saison, les gîtes naturels prennent de l'importance, avec un maximum durant l'automne (19,4%, N=160). Toutefois, les abris à l'intérieur d'habitations restent les plus recherchés durant toute l'année (86,5 % en moyenne, N=462). On assiste également à une fluctuation du nombre de cachettes durant l'année. Les fouines en utilisent plus en été et en automne. Hiver Printemps Eté Automne 1 * 95,6 84,2 77,6 76,9 2 1,1 15,8 6,2 13,1 3 8,9 3,75 4* 1,1 4,7 3,75 5 2,6 1,9 6* 2,2 7 0,6 Tableau 17: Fréquence d'utilisation (%) des gîtes en fonction des saisons (N=462) 1 : paille 2: tas de bois 3: cavité au sol 4: foin 5: mur de pierres 6: plancher, toit 7: arbre * : gîtes humains. 83 4.4.8. Discussion Nos résultats montrent nettement le caractère anthropophile des fouines du Jura pour ce qui est du choix de leurs gîtes. Ceci est d'ailleurs confirmé par d'autres auteurs un peu partout en Europe occidentale. Ainsi, en 1970, Jensen et Jensen constatent que 2/3 des captures de fouines au Danemark se font à proximité des villages. En 1986, toujours au Danemark, Rasmussen et al., notent encore une augmentation des populations en zones habitées, avec 75% des individus capturés ou tués. Cette valeur s'élève à 80% dans l'ancienne Allemagne de l'Est (Stubbe 1989) et à 95% dans l'est de la France, en Alsace (Waechter 1975). Nous avons montré que globalement, la très grande majorité des refuges utilisés sont situés dans des constructions humaines et que le taux d'utilisation de ce type de gîtes augmente encore durant l'hiver, ce qui confirme les observations de Waechter (1975) selon lesquelles la fouine montre un déterminisme d'ordre thermique dans la sélection de ses gîtes. Nature des gîtes Selon la littérature, les endroits où les fouines se reposent peuvent être très divers. De nombreux individus utilisent volontiers les tas de paille ou les meules de foin dans les granges (Schmidt 1943, Waechter 1975, Herrman 1986, Skirnisson 1986), mais on peut en trouver également dans des endroits divers tels que baraques de jardins, clapiers, écluse en pierres (Schmidt 1943), isolation des toits (Föhrenbach 1987), écurie (Krott 1985). Pour notre part, les fouines liées à l'habitat humain se sont bornées pour l'essentiel à utiliser des granges, des remises et des hangars. Nous n'avons relevé que 2 cas d'utilisation d'autres structures de bâtiments 84 (plafond, toit). Cette constance dans le choix des gîtes peut s'expliquer de la manière suivante: dans une grange ou une remise, le nid se trouve le plus souvent dans un tas de paille, fréquemment à plusieurs mètres de profondeur, bien protégé, parfaitement au sec et à l'abri des variations de température. La fouine est ainsi préservée de tout dérangement. Les chats qui fréquentent les granges ne peuvent pas pénétrer dans ces labyrinthes trop étroits. Nous avons donc affaire à un environnement très constant. De plus, c'est sans doute l'endroit le plus calme de la ferme. Les tas de foin sont peu utilisés, probablement en raison de leur moins grande stabilité et de l'utilisation plus rapide qu'en fait le paysan. La grande variété de gîtes sauvages évoqués par d'autres auteurs: buissons, remblais, tuyaux de drainage, champs (colza, maïs, froment), bordures de route, falaises, carrières, terriers de lapins (Schmidt 1943, Waechter 1975, Labrid 1983, Skirnisson 1986, Föhrenbach 1987) ne se retrouve pas à La Chaux d'Abel. Sur notre terrain d'étude, il s'agit la plupart du temps de tas de branches, d'espaces sous de vieilles souches ou de cavités ménagées parmi de grosses pierres. Occupation des gîtes La fréquentation des gîtes ne suit pas un modèle précis. Suite à ses déplacements nocturnes une fouine peut passablement s'éloigner de son gîte de départ. Il lui arrive dès lors de ne pas dormir deux jours de suite à la même place. Pour des raisons probables d'économie d'énergie, elle évite de longs trajets de retour en dormant dans un gîte proche de l'endroit où sa chasse nocturne l'a menée. Ce phénomène a d'ailleurs aussi été vérifié pour la martre (Marchesi 1989). 85 Toutefois, le nombre de gîtes n'est pas sans cesse augmenté. Une fouine utilise les mêmes durant de longues périodes, passant de l'un à l'autre. Contrairement à d'autres auteurs (Labrid 1983, Skirnisson 1986), le taux de retour aux gîtes est très élevé sur l'ensemble de l'année, aussi bien pour les mâles que pour les femelles. Chez ces dernières, le taux hivernal (décembre à février) est très haut. Ceci peut être mis en relation avec la gestation de même qu'avec la météo (froid extrême, neige profonde). Nous n'avons malheureusement pas de données concernant le printemps mais le taux estival (période d'élevage des jeunes) est toujours élevé. On assiste par contre à un léger fléchissement en automne, période où les jeunes s'émancipent. Chez les mâles, le taux estival est le plus bas. C'est l'époque du rut et il est évident qu'ils parcourent plus de distance, à la recherche de femelles, d'où une plus grande dispersion des gîtes et un taux de retour inférieur. En hiver, le taux augmente également, probablement parce qu'à cette saison les fouines mâles ne sélectionnent plus que les gîtes thermique- ment intéressants. De même que chez les femelles, ce choix est certainement aussi influencé par des raisons météorologiques. Variations individuelles et sexuelles Les comportements varient beaucoup d'un individu à l'autre comme chez Skirnisson (1986). De réelles préférences individuelles pour tel ou tel type de gîte n'ont toutefois pas pu être mises en évidence, hormis dans le cas de cette femelle qui s'avéra beaucoup plus que les autres liée à la forêt, alors même qu'elle était en compagnie de jeunes. Il faut noter toutefois que cette fouine sembla montrer une tendance plus anthropophile à partir de la mi-septembre, avec l'arrivée de l'automne. Il aurait été intéressant 86 de la suivre encore durant la mauvaise saison mais son émetteur tomba en panne en octobre. Le nombre d'abris utilisés est très probablement lié à l'offre en gîtes, de même qu'à la grandeur du domaine vital. Les mâles qui se déplacent plus et sur de plus grandes surfaces ont logiquement un plus grand nombre moyen de gîtes et par conséquent un taux moyen d'utilisation pour chacun plus faible que les femelles. On trouve toutefois une certaine concordance dans le nombre de gîtes entre les individus exploitant plus ou moins la même zone, simultanément ou à des époques différentes. Les différences d'utilisation de chaque type de gîte en fonction du sexe sont difficiles à expliquer. En effet, les résultats sont exposés sans tenir compte des périodes d'utilisation ni des possibilités de gîtes offertes. Il est toutefois intéressant de noter que le foin n'a été utilisé que par des femelles, dont une qui y a élevé une portée. Une autre mit bas à trois reprises dans un tas de fagots. Les femelles semblent rechercher des gîtes utilisables à long terme, alors que les mâles qui changent plus souvent d'endroits se contentent de gîtes moins attractifs. Partage des gîtes Si nos résultats ne nous permettent pas de tirer de conclusions quant au partage des gîtes, d'autres auteurs ont établi que les fouines pouvaient partager leurs cachettes avec d'autres individus. Schmidt (1943) déclare que mâles et femelles partagent leurs abris pendant le rut. Skirnisson (1986) observe de telles cohabitations en mai-juin (au début du rut) et en janvier-février (au moment de l'implantation du blastocyste). Müskens et al. (1989) démontrent un strict antagonisme chez les femelles mais observent un mâle adulte et un subadulte qui cohabitent durant l'hiver et 87 Ie printemps. Plusieurs observations de gîtes occupés par une femelle avec ses jeunes et visités par un mâle furent également réalisées. Ce dernier fait ne correspond pas aux observations faites en captivité où la femelle défend l'approche de sa nichée au mâle (Kugelschafter, comm. pers.). Broekhuizen et Müskens (1991) indiquent que l'usage simultané de cachettes par les mâles et les femelles est courant. En dehors de la période de reproduction, il semblerait que cette cohabitation soit plus une question de hasard que de choix. Gîtes temporaires Durant la nuit, les périodes de repos dans des gîtes varient beaucoup d'une saison à l'autre. Lorsque les nuits sont courtes, les fouines chassent pratiquement sans arrêt et ne passent que peu de temps à l'abri. Les femelles retournent toutefois au gîte pour amener de la nourriture à leurs petits lorsque ceux-ci ne les accompagnent encore pas (les observations d'adultes en chasse avec des jeunes n'ont été faites qu'à partir du mois d'août). Plus les nuits s'allongent et plus les fouines passent de longues périodes au repos dans leurs gîtes. En hiver, lorsque la neige est profonde ou que la température descend très bas au-dessous de 00C, les fouines ne sortent que pour de brèves chasses, entrecoupées parfois de plusieurs heures de repos et ne s'éloignent que peu (voire pas du tout) de leur gîte (cf.4.6.4.). Elles économisent ainsi de l'énergie en restant dans un gîte protégé thermiquement et alors que le rendement énergétique de leur chasse serait certainement inférieur, les proies étant difficiles à trouver. 88 Variations saisonnières Les fouines montrent un comportement ayant une grande valeur adaptative, en choisissant leurs abris en fonction des saisons. C'est ainsi qu'en hiver, les gîtes "humains" sont encore plus nettement préférés, pour tous les avantages qu'ils peuvent apporter (température, étanchéité, facilité d'y trouver de la nourriture). Ceci ramène au déterminisme d'ordre thermique cité par Waechter (1975). A la belle saison on assiste à un accroissement du nombre de gîtes "sauvages", bien que les gîtes "humains" gardent globalement le 1er rang tout au long de l'année. De plus, les fouines utilisent un plus grand nombre de gîtes durant la belle saison. Alors, leurs déplacements et leurs temps de chasse s'accroissant, il leur est nécessaire de multiplier les possibilités de refuges. Ces résultats coïncident avec ceux de Skirnisson (1986), encore que, chez lui, ce phénomène est un peu avancé dans le temps. Cela est dû au climat de sa région d'étude, nettement plus tempéré et avec un printemps survenant bien plus tôt que dans le Jura suisse. 89 4.5. ACTIVITES Les suivis de 9 fouines par radiotélémétrie, de juillet 1988 à novembre 1991, ont permis 3231 pointages, pris à intervalles de 15 minutes. Ces relevés sont complétés par 518 pointages journaliers au gîte diurne, soit en tout 3749 localisations. Les données recueillies lors de ces pointages ont permis de distinguer différents types d'activité: - l'activité locomotrice (animal se déplaçant à l'extérieur) - l'activité stationnaire (animal bougeant mais ne se déplaçant pas ou peu, dans le gîte ou à l'extérieur) - Ie repos au gîte (gîte temporaire ou principal). Au départ, seule l'activité locomotrice devait être considérée comme activité proprement dite. Par la suite, il s'est avéré que l'activité station- naire (activité intermédiaire) faisait partie intégrante de l'activité et devait être associée à la locomotion pour une approche complète sur 24 heures. Le repos au gîte constituera la phase d'inactivité. Les relevés en activité locomotrice se montent à 37,4% des observations (N=3749). Associés aux relevés en activité stationnaire, ils représentent 52,2% de tous les pointages. 4.5.1. Rythme d'activité La fouine est un animal nocturne et crépusculaire, bien qu'il lui arrive dans certaines circonstances particulières d'être active également la journée. Plusieurs relevés faits durant le jour ont ainsi révélé une activité stationnaire dans le gîte. Toutefois, l'activité diurne au gîte n'a pas été 90 % Act. 22 24 2 Heures Figure 9: Activité circadienne de la fouine, exprimée en pourcentage d'activité par heure, pour l'ensemble des relevés (N=3749). Act.stat.: activité stationnaire Act.loc: activité locomotrice. 91 systématiquement étudiée. Il n'en est donc pas tenu compte dans l'exposé des résultats. A La Chaux d'Abel, les observations de fouines se sont toujours faites de nuit ou immédiatement avant le crépuscule et après l'aube (Fig.9). En comparant successivement les différents pourcentages horaires d'activité par le test de Fisher (tfd), au risque choisi de p < 0,01, on peut mettre en évidence plusieurs périodes: la première s'étend de 1Oh à 17h et correspond à une période d'inactivité ou d'activité très réduite. La seconde va de 18h à 21 h et correspond à une activité crépusculaire "moyenne". Puis vient la période d'activité proprement dite qui s'étale de 21 h à 6h du matin. Les pourcentages maximum d'activité se situent aux alentours de 22h, de minuit et de 4h du matin. L'activité nocturne est entrecoupée de phases de repos dont les plus importantes se situent vers 23h et vers 1h du matin. 4.5.2. Variations saisonnières Des variations saisonnières viennent compliquer ce schéma général (tfd, H-E, E-A: p < 0,01). Hiver (N=779): les fouines sont actives de 17h à 7h. Les relevés en activité se montent à 48,8% des observations. La durée moyenne d'activité est de 410 minutes, celle de repos de 435 minutes. Printemps (N=98): les données concernant le printemps ne sont que très partielles. Elles proviennent d'une fouine suivie seulement durant deux jours. L'activité n'a eu lieu que durant 2h, de 4 à 6h, ce qui représente 34,9% des observations. Ces données ne peuvent toutefois pas avoir de valeur statistique. 92 Eté (N=1618): les fouines ont été actives de 21h à 6h. Les observations en activité représentent le 56,9% des observations de l'été. La durée moyenne d'activité est de 310 minutes, celle de repos de 235 minutes. Automne (N=1254): les observations en activité se font de nuit, de 18h à 8h du matin. Elles représentent le 49,7% des observations de l'automne. La durée moyenne d'activité est de 415 minutes, celle de repos de 420 minutes. Le tableau 18 indique les variations saisonnières d'activité par sexe. Le nombre de données recueillies chaque mois variant considérablement, un traitement statistique de ces résultats n'est pas possible. N(F) % N(M) % N(tot.) % Hiver 192 55,3 188 40,3 380 48,8 Printemps -- -- 34 34,9 34 34,9 Eté 632 59,4 287 57,5 919 56,9 Automne 454 58,7 169 35,6 623 49,7 Tableau 18: Variations saisonnières de la quantité d'activité observée chez les femelles et chez les mâles. N(F): nombre de relevés pour les femelles N(M): nombre de relevés pour les mâles N(tot.): nombre de relevés totaux. 93 4.5.3. Influence de la météo Durant les suivis, l'état du ciel (couverture nuageuse), les éventuelles précipitations et les températures ont été relevés. On a distingué: a) beau temps / couvert / précipitations (pluie, neige) b) pas de précipitations / pluie / neige c) classes de température avec des intervalles de 10°C: T-3 (-30° à -21 °), T-2(-20°à-11°), T-1 (-10° à-1°), TO (0° à 9°), T1 (10° à 19°),T2(20°à 29°), T3 (30° à 39°). a) Couverture nuageuse (Fig. 10) L'activité est très nettement plus importante par beau temps. Elle diminue significativement par temps couvert ou lors d'intempéries (tfd, B-C, B-P: p < 0,001 ; C-P: p > 0,05). b) Précipitations (Fig.11) Seules les chutes de neige restreignent l'activité (tfd, N-Ne, P-Ne: p < 0,001). La comparaison entre précipitations nulles et pluie n'est pas significative. c) Température (Fig.12) La température influence très nettement l'activité (chi2, p < 0,001). Les comparaisons des différentes classes de température mettent en évidence des seuils critiques (tfd, T-1 et TO, T1 et T2: p < 0,001). Les températures inférieures à -200C ne sont pas plus déterminantes que celles des classes T-1 et T-2 (tfd, T-3 et T-2, T-3 et T-1 : p > 0,05). Les relevés d'activité par des températures supérieures à 300C correspondent à une activité stationnaire dans le gîte, la journée. 94 Couvert Précipitation 0% 20% 40% 60% 80% 100% Figure 10: Taux d'activité/repos nocturnes de la fouine en fonction de la couverture nuageuse. Nulle Pluie Neige H Activité |§ Repos 0% 20% 40% 60% 80% 100% Figure 11 : Taux d'activité/repos nocturnes de la fouine en fonction des précipitations. H Activité H Repos 0% 20% 40% 60% 80% 100% Figure 12: Taux d'activité/repos nocturnes de la fouine en fonction de la température. T-3: -30à-21°C/T-2: -20 à-11°C / T-1: -10 à -10C / TO: 0 à 9°C / T1 : 10 à 19°C / T2: 20 à 29°C / T3: > 300C. 95 L'étude de cette relation par une courbe de régression logistique linéaire comparant les P observés (où P = probabilité d'avoir une activité pour une température donnée) aux P prédits par le modèle illustre bien ce phénomène (Fig.13). Principe: on prédit le logit (P) par une régression linéaire de la forme logit (P) = A + B * température où logit (P) = log P /1 -P; A = hauteur à l'origine; B = pente de la droite. D'où: P prédit = exp (logit (P)) /1 + exp (logit(P)). oL .10 0 10 Température Figure 13: Influence de la température sur l'activité nocturne de la fouine. Régression logistique linéaire. 96 4.5.4. Repos au gîte La fouine reste dans son gîte durant les heures de jour. Aucune activité diurne à l'extérieur du gîte n'a été constatée hormis au crépuscule et à l'aube où il arrive que la fouine soit déjà (encore) en activité. Toutefois, elle ne reste pas pour autant endormie toute la journée. Des périodes de semi-activité (activité stationnaire), avec ou sans déplace- ment ont été relevées à l'intérieur des gîtes, aussi bien le matin que l'a- près-midi. Ces phases d'animation peuvent être le résultat d'un dérangement (travail inhabituel du paysan dans la grange, chaleur excessive, bruit extérieur à un gîte "sauvage") ou alors consister en petits mouvements de l'animal (changements de position, toilettage). Dans le cas de gîtes "humains" où les fouines sont en général très profondément cachées, il faut s'approcher tout près du nid ou faire beaucoup de dérangement pour que la fouine réagisse. Il n'y a pas de réactions aux activités des chats. Dans le cas d'un gîte "sauvage" par contre, il suffit de s'approcher pour que l'animal manifeste de l'attention (cf. FA26 et FA25 qui réagissaient au moindre bruit de feuilles mortes piétinées ou de branches casséeë). Il arrive qu'une fouine se déplace dans une grange en plein jour, pour aller par exemple se nourrir dans l'assiette des chats (cf. 4.8.3.). Le problème de la chasse à l'intérieur du gîte est évoqué dans la discussion du chapitre 4.2. Ces mouvements deviennent plus fréquents lorsque l'on s'approche de l'heure de la sortie. Environ 15-30 minutes avant celle-ci (selon les individus), la fouine s'active à l'intérieur et il n'est pas rare qu'elle aille et vienne dans le gîte durant de longues minutes avant de sortir. 97 4.5.5. Activité stationnaire L'activité stationnaire représente le 14,8% (N=3749) de l'ensemble des relevés. Si l'on excepte les relevés pris pendant la période de repos, l'activité stationnaire représente le 28.3% (N=1956) des relevés. Cela signifie que plus d'un quart du temps passé en activité consiste en des arrêts temporaires, des mouvements de faible amplitude, des phases d'observations. Les traces sur neige et les observations au phare fournissent des explications à ce type d'activité: - Ia fouine est curieuse. Elle passe beaucoup de temps à "fouiner", à examiner les environs, sa tête apparaissant et disparaissant derrière une cachette (tronc, pierre) et à s'orienter (d'où les appellations "curieux comme une fouine" et "fouineur"?) - elle inspecte systématiquement toute cachette potentielle pour une proie - il lui arrive de se nourrir sur place (fruits, oeufs trouvés à proximité d'un piège, micromammifère) - elle reste fréquemment de longs moments au même endroit, descendant et remontant par exemple sur un mur de pierres, allant et venant dans une haie sur quelques mètres seulement, avec de nombreux arrêts. L'observation de fouines et de martres en captivité à Giessen (D) montre que les premières sont plus méfiantes mais plus curieuses que les secondes. Elles explorent tout le matériel mis à leur disposition (cageots, cartons de bananes, ficelles, souliers) et essaient d'en tirer profit (obs. pers.). 98 4.5.6. Discussion Schéma d'activité La fouine est un animal nocturne. Elle est active hors de son gîte du crépuscule à l'aube, l'activité étant ou non entrecoupée de phases de repos. L'animation diurne se limite à des mouvements de faible amplitude à l'intérieur du gîte. Durant l'été, lorsque les nuits sont très courtes, il arrive parfois que la période d'activité déborde légèrement sur les heures de jour et commence un peu avant la tombée de la nuit pour s'achever après le lever du jour. Ce schéma général d'activité est confirmé par plusieurs auteurs (Waech- ter 1975, Kalpers 1984, Skirnisson 1986, Föhrenbach 1987, Herrmann 1987). Nos résultats indiquent bien une prédominance nocturne dans l'activité des fouines de La Chaux d'Abel. La première phase coïncide plus ou moins avec le crépuscule et consiste surtout en une animation à l'intérieur du gîte. Ce fait est également relevé par Föhrenbach (1987). L'animal bouge dans son nid puis va et vient dans le gîte et se rapproche de la sortie. La phase d'activité proprement dite, avec passage à l'extérieur et exploration du domaine vital s'étend ensuite sur toute la nuit. La fouine effectue des arrêts plus ou moins nombreux dans des gîtes temporaires, voire des retours au gîte de départ. La durée et le nombre de ces périodes de repos varient avec les saisons. Föhrenbach (1987) décrit une différence entre le schéma d'activité de fouines vivant en forêt et celui de fouines utilisant des gîtes "humains". Les premières montrent deux pics d'activité bien nets, au crépuscule et à l'aube ainsi qu'un troisième plus faible en milieu de nuit, entre deux phases de repos. Les fouines villageoises ne montrent pas de phases de 99 repos bien distinctes et leurs pics d'activité ne se détachent pas aussi nettement. Sur notre terrain, nous avons affaire à une situation un peu intermédiaire. De son côté, Skirnisson (1986) constate que les travaux de la ferme influence les périodes d'activité des fouines villageoises: l'activité débute plus tard et se finit plus tôt que celle des fouines vivant en pleine nature, ceci pour des raisons évidentes de discrétion. Nous retrouvons cette situation à La Chaux d'Abel, avec un début d'activité qui se prolonge à l'intérieur du gîte, loin des regards et une fin précédant généralement la levée du soleil. Les durées moyennes d'activité de nos fouines sont analogues à celles des fouines villageoises de Skirnisson. Dans une autre étude, également en Allemagne, Herrmann (1989) fait le même genre de constatations. Influence de la saison La durée de l'activité nocturne de nos fouines varie au cours de l'année. Elle est maximale en automne et en hiver et minimale de mars à août, ce qui correspond grosso modo aux variations annuelles de la durée de la nuit. Humbert-Droz (1980) et Skirnisson (1986) soulignent eux aussi le rôle important joué par l'intensité lumineuse tout au long de l'année en ce qui concerne l'activité nycthémérale de la fouine. Ceci correspond à la règle définie par Aschoff (1964) selon laquelle les durées des phases d'activité et de repos doivent se modifier au cours des mois, en relation avec des stimuli périodiques, ici les heures de coucher et de lever du soleil. En effet, la durée de la luminosité semble être le facteur essentiel déterminant le rythme circadien des mammifères. Lorsque les nuits sont courtes, nos fouines comme celles de Skirnisson se reposent peu ou pas 100 du tout. C'est ainsi que lors de certains suivis, elles ont été actives sans interruption de la tombée de la nuit au lever du jour. Avec l'allongement de la période nocturne, l'activité est caractérisée par plusieurs pics, séparés par des périodes de repos de durées variables. Skirnisson (1986) indique que parmi ses fouines, celles vivant en milieu anthropique ont une activité réduite d'environ un tiers, en automne et en hiver, par rapport à celles vivant en forêt. Leurs conditions de vie plus faciles leur évitent de passer autant de temps à la recherche de nourriture. D'autre part, des gîtes plus performants leur causent moins de pertes d'énergie, ce qui leur permet de rester plus longtemps tranquilles. Nous avons eu l'occasion de faire le même genre d'observation en hiver, certaines fouines se contentant de très petites excursions hors du gîte et passant la majeure partie de leur nuit au repos. De légères variations saisonnières de l'activité ont été mises en évidence selon les sexes. Nos femelles sont plus actives en été, au moment de l'élevage des jeunes. Le pourcentage maximum d'activité des mâles est également relevé en été, ce qui coïncide avec la période du rut. Influence de la météo La météo joue sans conteste un rôle dans l'activité de la fouine. Ainsi, si l'activité est plus importante par beau temps, en cas de mauvais temps, seules les chutes de neige retiennent significativement la fouine à l'intérieur. Ce sont certainement les difficultés de déplacement qui deviennent alors déterminantes. Les températures influencent plus particulièrement les allées et venues de la fouine. Skirnisson (1986) indique qu'entre 100C et -18°C, la durée de la période active diminue de plus de 6 minutes par degré en moins! 101 Les fouines anthropophiles réduisent plus leur activité que les individus forestiers (Herrmann 1989), pour les mêmes raisons que celles invoquées plus haut. A La Chaux d'Abel, nous avons mis en évidence un seuil critique, au-delà duquel l'activité est sensiblement diminuée. Lorsque les températures descendent au-dessous de 00C, les fouines ont tendance à retarder leur départ et à augmenter la durée des périodes de repos. Skirnisson (1986) signale que lorsqu'il gèle, la fouine ne quitte pas son gîte avant que la glace ne soit formée. Si la température descend au- dessous de 00C après le début de l'activité, l'animal rentre au gîte et attend que la glace prenne avant de continuer sa chasse. Il évite ainsi la formation de glace dans sa fourrure et sous ses pattes. Ceci renforce nos observations selon lesquelles une température extrême (inférieure à -200C) n'est pas plus dissuasive qu'une température à peine inférieure à O0C. 102 4.6. DEPLACEMENTS 4.6.1. Importance des déplacements Le calcul se fait par l'addition des déplacements mesurés à vol d'oiseau entre chaque localisation prise durant un suivi. Cette méthode ne peut pas tenir compte des zigzags ou des allées et venues effectués et sous- estime donc les valeurs. D'après les quelques suivis de traces que nous avons pu réaliser, il est évident que les parcours ne sont pour ainsi dire jamais rectilignes et que les valeurs devraient en tous cas être multipliées par 2. La longueur des déplacements varie entre 71 et 6440 m. Les déplace- ments des mâles sont plus importants que ceux des femelles, mais de manière non significative (test U de Mann-Whitney, p = 0,16) (Tab.19). Pour chaque fouine prise individuellement, les longueurs moyennes des déplacements varient de 1128 à 3380 m pour les femelles et de 1108 à 4420 m pour les mâles. Un déplacement nocturne moyen vaut environ 2,5 km (2,1 km pour les femelles, 3,2 km pour les mâles). Les déplacements moyens par nuit ne diffèrent pas significativement de la période estivale (mai-octobre) à la période hivernale (novembre-avril) pour l'ensemble des individus (Mann-Whitney, p = 0,06; 2858 m, N=66 et 1859 m, N=22) (Tab.20). Chez les femelles, ces résultats sont statistiquement différents (Mann- Whitney, p = 0,01 ; 2467 m, N=46 et 1128 m, N=11) alors que chez les mâles, ce n'est pas le cas (Mann-Whitney, p = 0,52; 3592 m, N=20 et 2737 m, N=11). 103 Sexe N(suivis) Distances Minimum Maximum F M F+M 57 31 88 2083,8 3262,8 2534,6 135 71 71 3630 6440 6440 Tableau 19: Distances moyennes parcourues par les fouines lors des suivis de telemetrie. F: femelles M: mâles. Saison N(suivis) Distance Sexe A B 46 11 2466,5 1127,5 F F A B 20 11 3591,6 2736,6 M M A B 66 22 2857,7 1858,9 F+M F+M Tableau 20: Variations saisonnières des distances moyennes parcourues. A: belle saison (mai - octobre) B: mauvaise saison (novembre - avril) F: femelles M: mâles. 104 Par temps de neige, lorsque la couche au sol est très importante et non gelée, la fouine quitte quand même son gîte mais uniquement pour de courtes excursions aux alentours. Des températures inférieures à 00C réduisent notablement les déplacements. Dans la nuit du 31 janvier au 1 er février 1991, par des températures inférieures à -23°C, le mâle FA21, suivi de 18h45 à 6h30, bien qu'actif durant de longues périodes, ne quitta jamais les abords immédiats de la ferme. 4.6.2. Distances entre les gîtes Les distances entre 2 gîtes occupés à un jour d'intervalle ont également été mesurées à vol d'oiseau. Elles correspondent aux parcours minimaux (>0) effectués par les fouines durant une nuit (Tab.21). Les retours au même gîte ne sont pas pris en considération. La distance moyenne entre 2 gîtes occupés consécutivement est de 718 m (N=180). Pour les femelles, ces déplacements valent en moyenne 562 m (N=86, min.: 35 m, max.: 1598 m) et pour les mâles 860 m (N=94, min.: 250 m, max.: 2130 m). Ces moyennes sont significativement diffé- rentes (Mann-Whitney, p < 0,001). Plus de 80% des distances minimales parcourues par les femelles et pas loin de 50% chez les mâles sont inférieures à 1 km. 4.6.3. Vitesse de déplacement Afin d'avoir une idée des vitesses moyennes de déplacement des fouines, le rapport de la somme des distances à vol d'oiseau entre chaque localisation sur le nombre d'heures de chaque suivi a été calculé. Les valeurs ainsi obtenues ne sont bien sûr qu'indicatives. En effet, elles ne tiennent compte ni des imprécisions de localisation ni des méandres du parcours, ni des éventuels arrêts. 105 Sexe N Distance Minimum Maximum F 86 562 35 1598 M 94 860 250 2130 F+M 180 718 35 2130 Tableau 21 : Distances moyennes entre deux gîtes consécutifs. N: nombre de déplacements observés F: femelles M: mâles. Sexe Vitesse N(suivis) Minimum Maximum F M F+M 335 494,6 398,9 54 30 84 102,4 129,7 102,4 840 713,9 840 Tableau 22: Vitesses moyennes de déplacement des fouines, en mètres / heure. F: femelles M: mâles. 106 La vitesse moyenne de déplacement est relativement basse: environ 0,4 km/h. Celle des mâles est significativement plus élevée que celle des femelles (Mann-Whitney, p = 0,02; 494,6 m/h, N=30; 335 m/h, N=54) (Tab.22). On peut toutefois avoir des chiffres fort différents de ces moyennes, dans le cas d'animaux se déplaçant d'un secteur à un autre de manière quasi rectiligne. Ainsi par exemple: - Ia femelle FA9 qui, le 7 septembre 1988, fit un aller-retour de son gîte à une tourbière en traversant une forêt, parcourut 2450 m en 2h55 (> 0,8 km/h), ce qui constitue la plus grande vitesse moyenne observée. Cette même femelle avait mis 10h pour effectuer 1545 m (< 0,2 km/h) dans le même genre de terrain quelques semaines auparavant - Ie mâle FA25 qui lors de la nuit du 15 juin 1991 parcourut 4125 m à une moyenne de 0,6 km/h avec une pointe de vitesse à 4,8 km/h entre deux pointages. Cet animal était d'ailleurs coutumier de ce genre de "sprints", disparaissant complètement de la zone de réception en l'espace de 15 minutes. C'est ainsi qu'il franchit 825 m en 5 minutes (9,9 km/h) le 9 juillet 1991, en zone de pâturage boisé. 4.6.4. Locomotion Les fouines se déplacent au sol. Elles utilisent deux allures: la marche et une succession de bonds. La marche implique toujours 3 appuis au sol. Elle n'est utilisée que pour des déplacements brefs et lents (exploration de petites surfaces). La fouine se met à bondir dès que ses mouvements s'accélèrent. Elle avance simultanément les pattes avant puis les pattes arrière. Lors d'une course rapide, elle lance ses pattes postérieures en avant des antérieures, comme le lièvre. Cette allure caractéristique est la signature des mustelines sur la neige. 107 La fouine est très à l'aise dans un environnement accidenté. Sa sou- plesse l'autorise à se faufiler partout et sa puissance lui permet des sauts importants. Son agileté est particulièrement spectaculaire lorsqu'elle gravit un mur ou une façade. Ses griffes font office de crampons et ses coussinets lui donnent une très bonne adhérence. Elle descend la tête la première. Malgré sa facilité à grimper aux arbres (pour se nourrir, pour se cacher), elle ne les utilise pas pour se déplacer. On retrouve ses traces sur les toits en hiver et dans les granges, il n'est pas rare de la voir se déplacer sur les poutres de la charpente. La fouine ne s'aventure que très rarement en surfaces ouvertes, même s'il lui arrive de traverser une portion de prairie ou de pâturage pour quitter ou regagner son gîte. Lorsqu'elle chasse, elle se déplace de préférence le long des murs de pierres, des haies, mais aussi le long de simples clôtures de fil barbelé ou électrifié qui n'offrent aucune protection réelle. Elle utilise volontiers les chemins et les sentiers en zones boisées. En hiver, des traces de fouines furent relevées à plusieurs reprises dans nos propres empreintes, sur le parcours de contrôle des pièges. Les fouines utilisaient ces passages pour accéder plus facilement aux pièges et y prélever les oeufs ou autres appâts, la plupart du temps sans grand risque, les pièges gelant chaque nuit! 108 4.6.5. Discussion Longueur et vitesse de déplacement Du fait de la méthode de calcul utilisée, les résultats de ce chapitre n'ont qu'une valeur indicative. La littérature fournit peu de points de comparaison en ce qui concerne les longueurs de déplacement de la fouine. Suite à son étude d'une fouine mâle, Kalpers (1984), en milieu semi-urbain, évalue la moyenne des distances parcourues par nuit à 1250 m ± 656. Skirnisson (1986) a mesuré des distances supérieures allant de 2,8 km à environ 10 km. Ces distances sont significativement différentes selon qu'il s'agit de fouines villageoises ou de fouines forestières, les premières effectuant des parcours nettement inférieurs, de l'ordre de 3 km. Nos données sont proches de celles concernant les fouines villageoises de Skirnisson. Les longueurs des déplacements des fouines du Jura ne diffèrent pas statistiquement au cours de l'année, même s'ils sont sensiblement plus courts en hiver. Pour sa part, Skirnisson (1986) constate des distances moindres lorsqu'il fait froid. Nous avons montré que si la température influençait l'activité des fouines (cf. 4.5.3.), les chutes de neige étaient déterminantes également. Elles le sont aussi pour les déplacements. Ainsi, FA21 dont la moyenne des distances vaut 2736 m, ne se déplaça que de 470 m durant une nuit de novembre 1991, alors qu'il neigeait et que la couche de neige fraîche dépassait les 30 cm. A cette occasion, la fouine disparaissait complète- ment dans la neige à chaque bond. Les vitesses moyennes de déplacement des fouines de La Chaux d'Abel sont inférieures à celles des fouines étudiées par Skirnisson (1986). 109 Lorsqu'elles se déplacent à découvert, les fouines progressent plus vite que lorsqu'elles sont en forêt, en zones de buissons ou de haies. Il est dès lors difficile de comparer des vitesses de déplacement alors qu'on a affaire à des terrains d'étude différents. Par contre, les pointes de vitesse maximales en activité sont analogues (8-9 km/h). Déplacements et techniques de chasse Contrairement aux martres de Marchesi (1989) sur le même terrain, nos fouines ont un taux de retour au gîte élevé. De plus, les distances entre leurs gîtes, de même que la longueur de leurs déplacements sont inférieures. Bien que le nombre de cachettes varie d'un individu à l'autre, on distingue des gîtes principaux à partir desquels la fouine exploite son domaine vital. Elle peut utiliser des abris temporaires comme relais entre les gîtes principaux, pour les phases de repos. La fouine ne pratique pas l'affût. Le suivi de nos animaux sur la neige indique qu'ils explorent systématiquement toutes les cachettes potentielles pour une proie (cavités, souches, espaces dans les murs de pierres sèches), contrairement à ce qu'indique Waechter (1975). Cette chasse exploratoire laissant une grande place au hasard est complétée par une chasse dirigée vers des sites privilégiés et connus, régulièrement visités: vergers, fumiers, jardins, buissons de fruits sauvages. L'intense prédation sur le campagnol terrestre peut paraître étonnante. Ce rongeur colonise surtout les milieux ouverts et nos résultats de telemetrie indiquent que la fouine les fréquente rarement. Toutefois, quelques observations suggèrent une chasse ciblée dans des zones où les taupinières sont très nombreu- ses. De plus, certains pâturages boisés peuvent aussi abriter une grande quantité de campagnols, de même que les abords de haies ou de murs. 110 L'importance dévolue à l'activité stationnaire lors des périodes de chasse pose la question non pas d'un affût mais tout au moins d'une grande utilisation des sens pour la localisation des proies, ce qui suppose des arrêts et des temps plus ou moins longs d'observation. Dans ses déplacements, la fouine utilise les éléments du paysage qui lui permettent de circuler en étant camouflée. Les voies tracées par l'homme lui facilitent l'accès aux différentes zones de son domaine vital. Quant aux structures telles que les clôtures électriques, on peut se demander si elles ne joueraient pas un rôle dans l'orientation de l'animal, le menant assez directement d'une ferme à l'autre sans pour autant être complètement à découvert. m 4.7. DOMAINES VITAUX 4.7.1. Surface des domaines vitaux (DV) Parmi les 11 fouines équipées pour la telemetrie (Tab.23), 8 ont permis le calcul de la surface des DV (Tab.24). Une fouine (FA22) n'a été pointée qu'à 4 reprises en activité à l'extérieur ce qui n'est pas suffisant pour déterminer un DV. Elle a donc été éliminée des résultats. Une autre (FA10) a disparu après son lâcher. Quant à FA7, son cas particulier est présenté à part. Les données prises pour le calcul des surfaces comprennent les localisations en activité (locomotion) ainsi qu'un pointage journalier au gîte diurne. Pour l'analyse des DV, la méthode du polygone convexe (PC) et celle du quadrat (cf. 3.3.1.) ont été utilisées. Les surfaces des DV, calculées par la méthode du PC, sont très variables d'un individu à l'autre. Elles valent en moyenne 0,72 km2. La plus petite surface est de 0,2 km2 et la plus vaste de 1,93 km2. Les DV des mâles atteignent en moyenne 1,11 km2(N=3, min.: 0,20; max.: 1,93). Chez les femelles, la surface moyenne est de 0,49 km2 (N=5, min.: 0,27; max.: 0,97). Les surfaces sont comparées statistiquement par le test U de Mann- Whitney: les DV des mâles ne sont pas significativement plus grands que ceux des femelles (p = 0,57). Même si l'on fait abstraction du DV de FA16 qui n'a été suivi que durant une semaine, les résultats ne varient pas dans leur signification (p = 0,09). 112 Remarques décédé, blessure au cou euthanasiée, grave infection de l'oreille disparu disparu, dispersion disparue, émetteur défectueux décédé, coupé en deux à la hache décédé, cause pathologique inconnue recapturée, relâchée sans collier recapturée sans collier recapturé, relâché sans collier disparue, émetteur défectueux H - - - CJ CVJ CO CO CO CO CO CO N(S) O CO O CJ - - - UO CO CO O Z 108 143 - r~ CJ CO S CO 100 CO CJ CO (D CD (D Périodes d'observation 08.12.86-25.03.87 09.07.88-28.11.88 20.06.88-21.06.88 22.08.89 - 28.08.89 20.11.89-09.02.90 22.11.90 -10.02.91 14.04.91 -16.04.91 11.06.91 -18.09.91 12.06.91 -04.07.91 13.06.91 -27.11.91 12.08.91 - 17.10.91 I - CO O O O - - CJ - - O 1 ère capture 12.11.86 07.04.87 17.06.88 11.08.89 17.11.89 21.11.90 13.04.91 11.06.91 12.06.91 13.06.91 12.08.91 Aqe tf> < < —> co C/5 < < < < < Fouine 2 < U- FA9 F FA10 M FA16 M FA17 F FA21 M FA22 M FA23 F FA24 F FA25 M FA26 F CL & n TD CO OJ ree lour SU T A22 Q) £ TD d'émette U- )mbre 1 D mbre A10e QS ZZZI- 113 Fouine Age N(localisations) PC Q FA9 F A 335 0,97 0,4 FA16 M J 26 0,2 0,14 FA17 F S 172 0,35 0,25 FA21 M S 266 1,93 0,83 FA23 F A 299 0,27 0,27 FA24 F A 74 0,31 0,19 FA25 M A 492 1,2 0,67 FA26 F A 281 0,57 0,31 Tableau 24: Surface des domaines vitaux (km2) des fouines suivies par telemetrie. J: juvénile S: subadulte A: adulte PC: polygone convexe Q: quadrat. La variabilité interindividuelle est de 59% pour les femelles et de 78% pour les mâles. Note: au début de ce travail, une fouine (FA7) équipée d'un collier émetteur a été pointée dans ses gîtes diurnes durant 3 mois et demi (décembre 1986-mars 1987). Ce jeune mâle a utilisé 12 gîtes différents, répartis sur l'ensemble du terrain d'étude! Le DV calculé à partir de ces pointages a une surface de 11,3km2! Les distances entre deux gîtes consécutifs représentaient régulièrement plusieurs kilomètres (maximum: 7 km). Le comportement erratique de cet individu et le type de pointages effectués l'ont fait écarter des résultats généraux. 114 4.7.2. Description des domaines vitaux et des aires d'activité Les limites des DV de chaque animal ainsi que l'utilisation réelle de ces surfaces sont représentées aux figures 14 à 21 par les méthodes du PC et du quadrat. Légende générale pour les cartes des figures 14 à 21: « * * * * .... 4 AA AA < :-yy.: : pâturages boisés AVAV forêts Va A A A ......: haies, murs ¦----------: routes ¦ : bâtiments A et A : gîtes (humains et sauvages) La femelle FA9 (Fig.14), suivie plus de 4 mois et demi en 1988 occupe un DV hétérogène de 97 ha, composé de prairies, de pâturages boisés, de forêts et d'une tourbière. Il s'agit du plus grand DV trouvé chez une femelle. Si la partie nord est largement utilisée, toute la partie sud (zones ouvertes) n'est que traversée, en longeant des murs pour se rendre d'un gîte à l'autre ou pour atteindre les pâturages boisés situés aux extrémités est et ouest. La route cantonale est une barrière qui n'a été franchie qu'à une reprise. Durant l'été, une portion de 29 ha, principalement dans la moitié ouest du DV, est exploitée. En automne, FA9 étend son aire d'activité (83 ha) vers la forêt et la tourbière situées au nord-est. Elle y trouve alors quantité de petits fruits. Les gîtes sont tous situés en deçà de la forêt de pente au nord. 115 • •-.à \\iï* .I*:-:*-- v.<> fi / tx x'i ''.-^; v..V £• •jm. A Y* ¦JM M A « O ^ O , , « 0 r r> 1 } Ç ' 6 IjY/ ,> û û Vf ' ¦ .- 0 « • — — _1 • • • • • • • • • • • • • • • • • • — • ? • • • • • • • !_•_ • • • • • • • • • • i 1 km i--------------------------------------1 Figure 14: Représentation du domaine vital de FA9 (?) par: 1.: Ia méthode du polygone convexe. 2.: Ia méthode du quadrat. Nombre de localisations par maille: -1à5 »6à10 • > 10 Détails donnés dans le texte. 116 Durant les dernières semaines (novembre), la fouine se cantonna autour du gîte n°lO, en raison de l'épaisse couche de neige mais encore plus probablement à cause d'une blessure au cou occasionnée par son collier. FA9 a été recapturée une année plus tard, toujours sur le même domaine. Le mâle FA16 n'a été suivi que durant 7 jours avant que son collier ne tombe en panne ou qu'il ne s'en aille hors de portée (il s'agissait d'un juvénile en pleine période de dispersion). De ce fait, l'étendue de son DV (20 ha) est probablement sous-estimée. Celui-ci se situe en grandes parties dans des prairies (Fig. 15), cloisonnées par des haies et des murs. On trouve du pâturage boisé et un peu de forêt dans les coins ouest et est. FA16 exploitait les haies situées autour du gîte n°1. La haie délimitant la forêt au sud du gîte n°3 constitue une frontière. La prairie située à l'est n'a jamais été visitée. La femelle FA17 a été suivie durant un peu moins de 3 mois, principale- ment en hiver. Son DV (Fig. 16) se situe dans la même région que celui de FA16 bien que décalé vers le nord-est et plus étendu (35 ha). Cette fouine exploite également les haies situées à l'ouest de son territoire mais dans une moindre mesure que FA16. Elle est plutôt liée au pâturage boisé et à la forêt. FA17 a étendu son aire d'activité avec l'hiver, passant de 11 ha à 33 ha. Elle explore alors davantage la partie nord-est de son domaine, délaissant les zones ouvertes au profit de la forêt et des pâturages boisés. Son gîte principal (n°1) est décentré par rapport à son DV. 117 — • --*- • • • • • • • • • — — i_ 1 km Figure 15: Représentation du domaine vital de FM 6 (10 Détails donnés dans le texte. 118 "ZZ=ZZZZZ • • • I -----------------------------------------------------------------1------------------I— • • • • • I j_. 1 km h ^ Figure 16: Représentation du domaine vital de FA17 (?) par: 1.: la méthode du polygone convexe. 2.: Ia méthode du quadrat. Nombre de localisations par maille: -1 à5 «6 à 10 •>10 Détails donnés dans le texte. 119 Le domaine vital du mâle FA21, le plus grand de tous les DV pris en considération avec ses 193 ha, se caractérise par 2 zones bien différen- tes (Fig.17): toute la moitié sud est constituée de pâturages boisés et de massifs forestiers alors que la partie nord recouvre plutôt des prairies et des pâturages, entrecoupés de murs et de barrières. Six des neuf gîtes sont situés en bordure immédiate du DV. Cette fouine a été suivie durant également un peu moins de 3 mois avant d'être retrouvée morte, coupée en deux à la hache et abandonnée dans la prairie située à l'extrême nord du DV. Elle exploitait surtout la partie boisée (moitié sud) avec toutefois régulièrement des incursions dans la partie médiane, le long des murs de pierres particulièrement (=couloirs de passage). Tout le secteur situé au nord de la route cantonale n'a jamais été visité. La route semble être à nouveau un obstacle quasi infranchissa- ble. En automne, la portion de DV exploitée vaut 35 ha, situés principalement dans la partie sud. Avec l'hiver, FA21 augmente son aire d'activité (126 ha) et fréquente beaucoup plus la partie médiane et les environs des fermes-gîtes. La femelle FA23 (Fig. 18) exploitait un petit domaine de 27 ha situé dans la même région que FA16 et FA17. La partie à l'ouest du chemin (zones de prairies et de haies) n'était que peu visitée, l'essentiel des activités se situant en pâturages boisés et en forêt. La fouine a été suivie cent jours, principalement en été. Elle a été recapturée en plein coeur de son DV. 120 .¦¦¦'•'•'/> » ':¦:¦ * ¦• e ¦V . ¦¦•¦WA ¦.;:<¦¦'• '¦:¦ :'t> i ù K iv^fcrrC -JL 1H ¦'::•> "\ :-:¦¦¦ <««** ¦ ./5" • / A- / '.^^ X Ca ¦ .-:-*.¾?/--"- u S^ o , ,««ti vÇ1' • ¦ -6 4.v>o-. A>^ ¦ ,-.T -,' . û e fi a • - - -•- ^ - ..... .._. i • • • — — .... _... ? • - • • • • .._. • • • - • • — — • • — • • — • • - • • • • • « • ! 1 km Figure 17: Représentation du domaine vital de FA21 (rf) par: 1.: la méthode du polygone convexe. 2.: Ia méthode du quadrat. Nombre de localisations par maille: -1 à5 «6 à 10 #>10 Mailles de 150 m x 150 m. Détails donnés dans le texte. 121 !« "*m, • • • • • • • • 1 km H Figure 18: Représentation du domaine vital de FA23 (?) par: 1.: la méthode du polygone convexe. 2.: Ia méthode du quadrat. Nombre de localisations par maille: -Ià5 *6à10 «>10 Détails donnés dans le texte. 122 La femelle FA24 (Fig. 19) a été suivie seulement durant 23 jours, après quoi elle doit avoir perdu son collier. Elle a en tous cas été recapturée 2 mois plus tard sans collier, toujours dans le même périmètre. L'usure des poils du cou tendrait à indiquer que le collier est resté en place plus longtemps, sans fonctionner, mais la situation n'est pas très claire. Le DV de cette fouine (31 ha) s'étend dans une zone de pâturages avec de nombreux murs de pierres. La densité en arbres est plus grande au nord et au sud du domaine où une petite forêt est régulièrement visitée. Les 3 gîtes sont situés en bordure du DV. Une route secondaire constitue la limite est. Les zones situées plus loin ne sont pas fréquentées. L'utilisation des murs comme cordons de passage est manifeste. Le mâle FA25 (Fig.20) a été suivi durant cinq mois et demi. Son DV de 120 ha, situé à cheval sur un anticlinal peut être divisé en trois zones: a) la zone déjà utilisée en partie par FA16, FA17 et FA23 (versant nord du DV) b) un plateau de pâturages boisés et de prairies c) un versant sud comprenant un massif forestier sis au milieu de prairies et de pâturages boisés. Chaque zone possède au moins un gîte principal, la zone sud comportant 3 gîtes également fréquentés, très proches les uns des autres. Lors de chaque suivi, la fouine se déplaçait énormément et visitait souvent les 3 zones de son DV. A une seule reprise, par très mauvais temps (pluie battante et vent violent), elle s'est contentée d'explorer la zone nord. L'aire du DV fréquentée par FA25 est plus grande en été (102 ha) qu'en automne (69 ha). Durant la belle saison, il visite pratiquement l'ensemble 123 2IZZZ-":::":" • • • • 1 km Figure 19: Représentation du domaine vital de FA24 (?) par: 1.: Ia méthode du polygone convexe. 2.: Ia méthode du quadrat. Nombre de localisations par maille: -1à5 «6àl0 ©> 10 Détails donnés dans le texte. 124 fcV ï»w^v> sj> 4 £ £ A M .-Ov f JT /" 4- 4.$/'. v..- o û ;^ - • - • • • • •• • • ^ • • • • - • - • * • • « ___________________________________•_ • - • _______________ * • • • 1 km h H Figure 20: Représentation du domaine vital de FA25 (tf) par: 1.: la méthode du polygone convexe. 2.: Ia méthode du quadrat. Nombre de localisations par maille: -1à5 «6 à 10 «>10 Détails donnés dans le texte. 125 de son domaine. En automne, la zone d'activité principale se limite plutôt au plateau et au versant nord. On constate cependant tout au long de l'étude une concentration de l'activité dans la zone forestière située autour du gîte "sauvage", bien que celui-ci n'ait été utilisé qu'à quatre reprises. La fouine a été recapturée dans la zone nord. Finalement, la femelle FA26 exploitait un DV de 57 ha, situé légèrement au nord de ceux de FA17 et FA23 (Fig.21). Sa superficie, au-dessus de la moyenne des DV de femelles et l'importance prise par la forêt le distingue des autres. De plus, sur les huit gîtes utilisés tout au long des deux mois de suivi, 5 se trouvent en nature et parmi eux, 4 en forêt/lisière. Toute l'activité de cette fouine se situe d'ailleurs en forêt ou en lisière, avec seulement quelques incursions en pâturages boisés. De ce fait, elle se concentre dans la partie ouest et médiane du DV. La zone de pâturages à l'est n'est jamais visitée, sauf pour se rendre aux gîtes. Cinq gîtes sur huit sont situés sur les limites du DV. 126 "•'"•¦•-' 4 a -WA; -Vx'' -•«: '* * ^ jA A A* - i A A / ^n? » «.- v n. O AA V. o «A /^o ,¾/,'--' 0>V A^ fA ^ooa.aY.V,' ¢. A V •m< i«.' ^ .0/ AV . .^.;.-.-.- #. I *. ¦ ¦'• ^'-------------.---------------------------------------- • • * • • - * • * • • • • • • • • • • • - • • • 1 km Figure 21: Représentation du domaine vital de FA26 (?) par: 1.: Ia méthode du polygone convexe. 2.: Ia méthode du quadrat. Nombre de localisations par maille: -1 à5 «6à10 «>10 Détails donnés dans le texte. 127 4.7.3. Organisation sociale Les données qui suivent, bien que fragmentaires, permettent malgré tout de tirer quelques enseignements et de faire des hypothèses (Tab.25 a et b). Fouine Localisation dans la zone Remarques FA7 M S 12.11.86-25.03.87 erratique, décédé le 25.03.87 FA8 M A 22.03.87 capturé près d'un gîte de FA7 (interaction?) FA21 M S 21.11.90-10.02.91 DV chevauche ceux de FA24 et FA26 FA24 F A 12.06.91 -29.08.91 pas de portée en 91 FA26 F A 12.08.91 -17.10.91 portée au printemps 91 FA27 F J 17.10.91 capturée sur DV de FA26 (fille?) FA28 F J 17.10.91 capturée sur DV de FA26 (fille?) FA30 F S 17.12.91 capturée sur DV de FA26 (fille?) Tableau 25a: Captures de fouines dans la zone de La Combe à la Biche. Relations interindividuelles et éventuelles filiations. M: mâle F: femelle J: juvénile S: subadulte A: adulte. Fouine Localisation dans la zone Remarques FA10 M A 17.06.88-13.11.90? disparu lors de son lâcher. Revu (?) Ie 13.11.90 FA11 M J 24.08.88 FA12 F J 24.08.88 FA13 F A 15.06.89 allaitante (mère de FA16 et FA17 ?) FA16 M J 11.08.89 - 28.08.89 aperçu avec un autre individu FA17 F S 17.11.89-9.02.90 aperçue avec un autre individu FA18 F A 16.05.90 allaitante (mère de FA19 et FA20?). Agée FA19 F J 30.08.90 FA20 M J 30.08.90 FA22 M A 13.04.91 -16.04.91 décédé le 16.04.91 FA23 F A 11.06.91 -03.04.92 allaitante (mère de FA29?) FA25 M A 13.06.91 -27.11.91 DV chevauche celui de FA23 (père de FA29?) FA29 M J 20.10.91 capturé sur DV de FA23 (fils?) Tableau 25b: Captures de fouines dans la zone de La Biche. Relations interindividuelles et éventuelles filiations. M: mâle F: femelle J: juvénile S: subadutte A: adulte. 128 1) Zone de la Combe à la Biche (Fig.22) Les DV des femelles FA24 et FA26 sont bien distincts. Ces fouines ont été suivies conjointement durant 17 jours en août 1991. Le DV du mâle FA21 recouvre en partie ces deux DV. Il est probable que cette situation existait déjà au début de l'année, lorsque FA21 était encore en vie. En effet, ces deux femelles étaient des adultes aux territoires bien établis. FA26 a eu une portée au printemps 1991. Trois jeunes femelles (FA27, FA28, FA30) ont été capturées durant l'année sur son DV. Il y a de fortes chances pour qu'elle en soit la mère. Par contre, FA21 ne saurait être le père. Lors de sa capture en novembre 1990, il était encore immature. Un autre mâle devait donc être présent dans la zone. Ce pourrait être FA22 dont les quelques pointages et l'endroit où il a été retrouvé mort indiquent que son aire d'activité devait se situer sur le versant sud de la Combe à la Biche. Autres fouines localisées dans le périmètre: - FA7 O)O)O)O)O)O) £gj! 3 ¥' Ill CO CO rsl O IB U- ch eusil, m > •« i (B n è (- r- O CO O O ¦E O co S 2 Sïïïlî11ïïïiI llllfffflssii ->-3<<<<<-^-5<-3-a-a-3-5<-^-a-i-3<<<<<<< 8 8 » .8 JZ 8 co (A Ul 8 U .a 8 5 CO eg- co CQ co 'co '5 CD in m à> o -g -5 a a (3(3OO J? JS O O E ea E CO- «o co- co' O CD* ¦co -co a C C co il JZ H £ 2 co JZ « e e .a J3 .« a .a .Ü £ .0 m U. U- m E oa OQ CO CQ E E CQ « « CO co O co (D to CO S O (S _j _i _l _i O _i _l _l _J O _l SrSU-u.U-U-2Su-u.rgi SS2U.U-U-U-U.S __ OT-CMC0TflOl0<0r^00Cft0>O-r-CMC0C0C0TfTfl0 U.U.U.U.U.U.U-U.U-U-U-U-U-U.U.U.U-U.ULU-U-U-U.U.U.U.U. I Ü »-{MO'fWtONfflO) O »- N O) ^ 'ï m co s Tt co io ^r cm r^ t- i>- r- t~- O O CM CM O O O S3 S3 Sl IO O O O IO 353 Cause O O O sa? O O O 28 8 Pds Ci Oi Oi a Oi Ot co T- CO O O O CM To K cm K Ko r^ CM T- T- T- CM T- « I co O 5 Lj S co co co" (B J= J= j= J= W M U a .U co CO CQ CQ UJ CQ J= U JS JS JS z JS roma "J ÏU.U.U.5U. U)(DN (O O)O U. U. U. U- U- Ii- O ^3} ma «cj sb ¦© *$ *qj V)V)V)V)V)V)V)V) (0(On)(Dn)(Dn)A) Q)(D(D9Q)0)(D(p *c co««»«»«)»!; R)(D(On)(D(Dn!R)n •is«j3^cocb§5 cocococd5c»oÌoto)otO>co UJ UJ ^^ ,-. zz £ £ ori «« GT ui —¦ QJ Z CC «B~s£ ^ü£~££ CO UJ > I ryj « z e < 92. oc i, a, -des-Roch Coudre (N ampagne ( i/aix (NE) !!ìli Borcarde Chaux d' nt-Soleil nnens(F Chaux-d Chaux -d III nan (B ScScSiS^ co « £ JS co (o _i _i 2 S _i _i co oc Q (O -e co Ö Jj O CO <<<-><<<<<<<<<<<<<<< 5 u. 2 U. U. i 2 2 5 5 5 Ot-CMOtJ-IO(Ot-T-O) T-CM«TtlO(Or~COO)T-T-T-T-T-T-T-<<< U-U.U.U-U-U-U.U-U-U.U-U.U.U.U.U-U.U.U. T-CMcoTj-io(or-coo>S^2iS2'*u, Annexe 2: Liste et fréquence des insectes COLEOPTERES (Carabidae) Carabus monilis (247) C. auronitens (26) C. violaceus (5) C. nemoralis (4) Larves de carabes (45) Abax ovalis (2) Pterostichus metallicus (3) Poecilus cupreus (1) AUTRES COLEOPTERES Geotrupes spp. (32) HYMENOPTERES Apis spp. (12) Vespula spp. (69) Bombus spp. (1) DIPTERES Eristalis tenax (40) INDETERMINES (57) Annexe 3: Liste et fréquence des oiseaux Passerif ormes (41) Turdinés ( 7) Sturninés (1) Galliformes (2) Gallus domesticus (30) Rapaces (3) Oeufs (25) Oeufs de poule (8) Indéterminés (31) Annexe 4: Liste des items "bizarres" trouvés dans les crottes Laine, cuir Brique Papier Papier d'aluminium Petites pierres Piquants de hérisson Caoutchouc Nid de guêpes Attaches métalliques de saucisses Petits morceaux de métal non identifiés Plastique, sachet en plastique (vitamine pour les vaches) Tomate Amandes Allumette