IMPRIMATUR POUR LA THÈSE Rhopalocères et structure du paysage : un exemple d'analyse écologique appliquée à la protection de la nature de M. Yves Gonseth UNIVERSITÉ DE NEUCHÂTEL FACULTÉ DES SCIENCES La Faculté des sciences de l'Université de Neuchâtel sur le rapport des membres du jury, Messieurs W. Matthey, W. Geiger, J.-M. Gobât, J. Lhonoré (Le Mans) et de Mme F. Burel (Rennes) autorise l'impression de la présente thèse. Neuchâtel, le 15 mars 1996 Le doyen: R. Dändliker RHOPALOCERES ET STRUCTURE DU PAYSAGE : Un exemple d'analyse écologique appliquée à la protection de la nature projet FNRS, 3.269-0.85 Contenu : 1991 La faune des Rhopalocères (Lepidoptera) du Jura neuchâtelois. Un reflet partiel de la faune lépidopterologlque jurassienne 199 2 La faune des lépidoptères diurnes (Rhopalocera) des talus routiers et ferroviaires du Jura neuchâtelois Relations observées entre Lépidoptères diurnes adultes (Lepidoptera, Rhopalocera) et plantes nectarifères dans le Jura occidental 1993 Les Lépidoptères diurnes (Rhopalocera) des milieux humides du canton de Neuchâtel I. Les Milieux à maculinae nausthous (Bergstr.), Lep. Lycaenidae La faune des lépidoptères diurnes (Rhopalocera) des lisières forestières du Jura neuchâtelois Les Lépidoptères diurnes (Lep., Rhopalocera) des clairières et des chemins forestiers du Jura neuchâtelois 199 4 La faune des Lépidoptères diurnes (Rhopalocera) des pâturages, des pelouses sèches et des prairies de fauche du Jura neuchâtelois La faune des Lépidoptères diurne (Rhopalocera) des milieux humides du canton de Neuchâtel II. Tourbières, prés à litières mégaphorbiées 1995 Système d'Information Géographique (SIG) et études faunistiques : une première approche basée su les Rhopalocères CENTRE SUISSE DE CARTOGRAPHIE DE LA FAUNE LA FAUNE DES RHOPALOCÈRES (LEPIDOPTERA) DU JURA NEUCHÂTELOIS, UN REFLET PARTIEL DE LA FAUNE LÉPIDOPTÉROLOGIQUE JURASSIENNE' par YVES GONSETH AVEC 1 TABLEAU INTRODUCTION Trois périodes distinctes ont jalonné 1'« histoire » de l'étude de la faune des Lépidoptères du Jura neuchâtelois et de ses régions limitrophes. La première (1830-1913), euphorique, a été marquée par une activité intense, par la parution d'ouvrages fondamentaux et par la publication de notes , intéressantes (CouLERU 1879, de RouGEMONT 1904, Favre 1911, 1912). \ La seconde, très longue (1913-1977), est caractérisée par un recul très net \ de l'activité entomologique et par une extrême rareté de publications ¦v traitant de la faune régionale. La troisième (1977-1989), a été marquée par une reprise spectaculaire de cette activité, par l'accumulation de nombreu- ses données nouvelles et par la parution de publications importantes (Geiger 1980, Bryner 1984 notamment). Une partie des données fauni- ques qui nous ont permis d'écrire cet article ont en outre enrichi 1'« Atlas de distribution des Papillons diurnes de Suisse» (Gonseth 1987). Le but principal de ce texte est de présenter une synthèse des connais- sances accumulées sur la faune des Lépidoptères diurnes du canton de Neuchâtel et de ses régions limitrophes (Jura bernois et canton du Jura) et d'esquisser une vue générale de la faune de l'Arc jurassien. Une liste systématique des articles parus sur ce sujet avant 1982 a déjà été publiée (Gonseth et Geiger 1984, 1985). origine des données Les données synthétiques présentées dans le tableau 1 sont le fruit de l'activité de nombreux entomologistes de la région. Pour le canton de Neuchâtel nous citerons, en plus de nos propres observations (11 882, rassemblées entre 1984 et 1989), celles de: J.-R. Berthod, R. Bryner, M. Burgat, C. Dufour, F. Gehringer, 1 Cet article fait partie de la thèse de l'auteur (FNRS N0 3.269-0.85). Extrait du Bulletin de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles, t. 114, 1991. — 32 — W. Geiger, G. Haldimann, M. Kreis, C. Lavorel, W. Matthey et A. Schertenleib (650 en tout). Pour le Jura bernois, nous citerons les données de R. Bryner (1339), celles de J.-Cl. Gerber (126) et les quelques données que nous avons récoltées dans la région de Chasserai (146). Pour le canton du Jura, nous citerons, en plus de nos propres observations (674), celles de J.-Cl. Gerber (630) et celles de M. Joss (316), ces dernières ayant fait l'objet d'une publication récente (Joss 1984). Les informations concernant la faune de l'Arc jurassien émanent des ouvrages de de Rougemont (1904), de la Lspn (1987) et de Gonseth (1987), des publica- tions d'AuBERT (1953), de Prost et Real (1987) et de Bryner (1984), ainsi que d'un catalogue de de Rougemont annoté par Paul Favre pour les années 1910-1912. COMPLÉMENT AU CATALOGUE DE DE ROUGEMONT Notre étude systématique du Jura neuchâtelois nous permet de fournir certaines informations précises sur quelques espèces qui n'avaient pas été signalées dans le canton ou dont la présence dans le Jura était contestée. Boloria aquilonaris : colonise les parties centrales des principales tour- bières du canton ; signalée de la région de Tramelan par DE ROUGEMONT (p. 29: A. pales var. arsilache Esper). Clossiana selene : colonise l'ensemble des zones tourbeuses du canton ; signalée uniquement de Tramelan par DE ROUGEMONT (p. 29) ; rare dans les tourbières du canton du Jura. Clossiana titanio: l'espèce n'a pas été retrouvée dans le canton; consi- dérée comme très rare par de Rougemont (p. 30: A. amathusia Esper); son absence des tourbières neuchâteloises est intéressante puisqu'elle contraste avec sa présence dans plusieurs tourbières du canton du Jura (voir espèce précédente). Lycaena helle: 5 stations découvertes (dont 2 avec des populations importantes); signalée uniquement de la région de Tramelan par de Rougemont (p. 19). Hipparchia alcyone: découverte d'une station importante (nombreux individus); considérée comme absente du canton par DE ROUGEMONT (pp. 33 et 322); une autre station est connue dans le Jura soleurois et plusieurs stations sont connues dans le Bassin genevois; Hipparchia fagi et H. alcyone coexistent donc dans le canton, mais colonisent des milieux différents. Lasiommata petropolitana : découverte d'une station importante (nom- breux individus) dans le canton; signalée dans le catalogue de DE Rougemont (la Heutte, gorge de la Suze à Sonceboz; p. 35: P. hiera Fabr.), mais la présence de populations stables dans le Jura était contestée malgré ces anciennes indications bibliographiques. Cas particuliers Pieris napi et Pieris bryoniae: ces deux taxons sont aujourd'hui consi- dérés comme deux espèces distinctes mais susceptibles de parfois s'hybri- der (voir LSPN 1987 notamment). Si leurs femelles jurassiennes se recon- naissent facilement sur le terrain, il n'en va pas de même pour les mâles, — 33 — les critères distinctifs donnés dans la littérature n'étant pas toujours suffisants pour trancher avec sûreté. Si nous ne considérons que les observations de femelles bryoniae typiques, le nombre de stations que nous avons découvertes dans le canton de Neuchâtel se monte à 4. Si nous considérons les observations de l'ensemble des individus que nous avons déterminés comme bryoniae (nous n'avons pas récoltés tous les individus rencontrés), le nombre de stations connues pour le canton de Neuchâtel se monte à 27. Nous retiendrons la première solution mentionnée pour traiter l'ensemble de nos observations de terrain. Une théorie intéressante, avancée par le Dr BERNARDI (ancien collabo- rateur du Museum de Paris, comm. pers.), concerne ce problème. D'après cet auteur, le maintien de nombreuses populations de bryoniae dans les massifs alpins s'explique par leur isolement dû à leur forte amplitude altitudinale : P. napi, à l'inverse de P. bryoniae, ne forme pas de popula- tions stables aux étages subalpin et alpin. Dans les massifs montagneux d'altitude moyenne plus faible, comme le Jura neuchâtelois par exemple, cet isolement n'existe pas par le fait que des populations de napi peuvent se développer pratiquement partout. Dans ces régions, les populations de napi domineraient donc nettement en altitude et le nombre de populations stables de bryoniae serait ainsi extrêmement faible (concurrence interspéci- fique et ou éventuelles hybridations). Une étude écologique systématique des relations existant entre les populations jurassiennes de ces deux taxons devrait être entreprise pour clarifier l'ensemble de ce problème. Arida agestis, Aricia artaxerxes allous : la position systématique de ces deux taxons n'est pas claire. Forment-ils deux espèces distinctes ou représentent-ils deux unités taxonomiques et infra-spécifiques? Comme plusieurs auteurs l'ont souligné (KUSDAS et R.EICHL, 1973, ZlEGLER 1987 et Gonseth, 1987, pp. 197-198) et comme cela a été récemment confirmé (BlSCHOF 1990), le meilleur critère de distinction généralement utilisé pour les diviser en deux espèces différentes (agestis bi-, à polyvoltin ; artaxerxes monovoltin) souffre de nombreuses exceptions. Dans le cadre de notre travail et sur la base des informations précitées, nous considérons que ces deux taxons appartiennent à une seule et même espèce. L'information concernant le var. allous (DE ROUGEMONT 1904, p. 21) et les informations émanant de Prost et Real (1987) peuvent donc à notre -sens être attribuées à agestis. ESPÈCES DONT LA PRÉSENCE DANS LA RÉGION EST À CONFIRMER La présence de populations stables de quelques espèces est à confirmer par de nouvelles observations : Pyrgus armoricanus Obth. : un individu en collection (J.-Cl. Gerber, Jura, région de Lucelle) ; pas signalé par DE Rougemont. Carcharodus lavatherae Esper: observation d'un individu au Val-de- Travers le 5 juillet 1984 (Gonseth, essai de capture infructueux); pas retrouvé depuis; d'après DE ROUGEMONT (p. 37) «trouvé quelques fois — 34 — dans notre domaine, sur les collines chaudes : Bienne, gorges de Reuche- nette, Neuchâtel...» Glaucopsyche atexis Poda: un seul individu observé le 3 juin 1985 dans la région de Buttes; (Gonseth, capturé, déterminé et relâché); pas retrouvé depuis ; pas rare d'après DE ROUGEMONT (p. 23 : L. cyllarus Rottb.). ESPÈCES DONT LA PRÉSENCE DANS LA RÉGION EST IMPROBABLE Vacciniina optitele Kn. : signalée de Chaumont dans le catalogue de DE ROUGEMONT ; cette espèce n'a jamais été retrouvée dans le Jura et aucun exemplaire témoin n'est présent dans sa collection. Cette information a déjà été mise en doute par AUBERT (1953). Euchloe ausonia Hb., Erebia epiphron Kn. : dans une communication faite à la Société neuchâteloise des sciences naturelles (1951, séance du 27 octobre 1950), M. J. Aubert a signalé la capture de ces deux espèces dans le Jura central. Malgré les nombreux travaux entrepris par la suite, elles n'ont jamais été retrouvées dans la région. Bien qu'il soit difficile d'attribuer les individus d'ausonia signalés par Aubert à l'un des trois taxons décrits pour le genre en Europe (simplonia Bsdv., crameri But., ausonia Hb.) nous soulignerons toutefois que Rehfous (1950) (information reprise par DE BROS 1986) signale la cap- ture des taxons simplonia Bsdv. (= ausonia Hb.) et crameri But. dans le Bassin genevois. La capture d'ausonia Hb. est très improbable en Suisse. Erebia epiphron est une espèce caractéristique de la plupart des massifs montagneux européens. Elle est notamment signalée, en plus de l'Arc alpin, du Massif central, du Mont-d'Or et des Vosges. Pas signalée par DE Rougemont, pas signalée par Prost et Real (1987). U est totalement injustifié de mettre en doute les observations des auteurs anciens sans preuve formelle. En effet, la découverte de popula- tions relictes ou d'individus isolés de nombreuses espèces dans des régions «anormales» par rapport aux connaissances zoogéographiques actuelles est toujours possible : la découverte d'une station importante de L. petro- politana dans le Jura neuchâtelois en est la preuve. Nous postulerons toutefois que, compte tenu de l'importance des travaux réalisés ces derniè- res années, la présence de populations stables de ces trois espèces dans la région est improbable. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA FÀUNE DE L'ARC JURASSIEN La faune de Lépidoptères diurnes de l'Arc jurassien, du Bassin gene- vois aux Randen schaffhousois, peut être estimée à 138 espèces dont la plupart ont une distribution géographique assez homogène. Pourtant, comme certaines espèces sont extrêmement localisées, quelques particula- rités fauniques régionales peuvent être mises en évidence. La faune jurassienne s'enrichit d'est en ouest en espèces dont le centre de gravité est essentiellement alpien : Pieris bryoniae, Eumedonia eumedon et Lasiommata petropolitana ont une aire de distribution dont la limite — 35 — orientale se situe dans les massifs montagneux des régions de Soleure et de Moutier. La station la plus à l'est df Erebia pronoe est située à la frontière occidentale du Jura neuchâtelois (l'espèce a été signalée au début du siècle dans la région de Fleurier, VORBRODT 1921). Erebia oeme est signalée dans le massif de la Dôle et Erebia manto a été observée, comme toutes les autres espèces citées jusqu'ici, dans la région du Crêt-de-la-Neige et du Reculet (Jura français, Prost et Real 1987). Les Randen schaffhousois abritent (ont abrité) deux espèces parti- culières: Coenonympha hero (unique région de Suisse où l'espèce a été observée à ce jour) et Parnassius mnemosyne (encore présent au versant nord des Alpes, ainsi que dans les Alpes centrales et méridionales). Le Bassin rhénan abritait (abrite encore?) Lycaeides argyrognomon, espèce extrêmement localisée en Suisse et signalée en outre du Bassin genevois et du Tessin méridional. L'Ajoie et la vallée du Doubs abritent Brenthis daphne et Pyronia tithonus, cette dernière étant devenue extrêmement rare ailleurs dans le Jura: Bassins genevois et rhénan notamment. Le Bassin genevois abrite (abritait?) un nombre important d'espèces absentes dans les autres régions «jurassiennes»: Pieris mannii, Everes alcetas, Cupido Osiris (signalée à une ou deux reprises ailleurs dans le Jura) et Syntarucus pirithous (espèce migratrice). Quelques espèces enfin n'ont été que très rarement signalées dans les régions les plus chaudes de l'Arc jurassien: Pyrgus onopordi, P. cirsii, Hipparchia statilinus, Hyponephele lycaon, Melitaea phoebe2. CONSIDÉRATIONS SUR LA FAUNE DU JURA NEUCHÂTELOIS ET DES RÉGIONS LIMITROPHES Le tableau 1 présente une récapitulation des espèces observées dans le canton de Neuchâtel, dans le Jura bernois et dans le canton du Jura depuis le début du siècle. Les chiffres apparaissant dans les colonnes NE, BE et JU du tableau se rapportent au nombre de carrés kilométriques dans lesquels les espèces ont été signalées depuis 1977 (ce mode de présentation des données a été adopté pour minimiser les différences de l'effort de prospection des différents entomologistes concernés). Ces chiffres peuvent être comparés aux informations d'abondance relative utilisées par DE Rougemont et Favre. Les espèces sont regroupées par «degré de menace» décroissant (voir liste rouge Gonseth 1987) et par position systématique. La classe 3 (ST = 3) est utilisée pour des espèces qui ne sont pas menacées à l'échelle nationale mais que nous considérons comme menacées dans le Jura. Les critères de liste rouge adoptés ici correspondent aux catégories proposées par P. Duelli (proposition d'unification des critères de liste rouge, à paraître). 2 Les individus jurassiens de la collection de M. Joss se sont révélés être des Meïiicta athcilia, après leur examen attentif. La présence effective de cette espèce dans le canton du Jura (Joss 1984) doit donc être confirmée par de nouvelles captures. — 36 — TABLEAU I (Les espèces sont classées par statut et par ordre systématique) ESPECE ST NE BE JU de R0UGEM0NT FAVRE Carcharodus alceae Esper 1780 - - + régions chaude 2 ind. Carcharodus lavatherae Esper 1783 Î - - régions chaudes - Thymeli eus acteon Rottemburg 1775 - - 4 Cornaux Auverni er Pyrgus cirsii Rambur 1840 - - - 4 ind. en coll. - Chazara bri sei s Linnaeus 1764 1 - 1 fluctuant 1 ind. Arethusana arethusa Denis & Schiff. 1775 - - 1 Moûtier - Eueres argiades Pallas 1771 - - - rare, littoral - Fixsenia pruni Linnaeus 1758 2 1 - pas rare - Satyrium acaciae Fabricius 1787 5 7 2 rare - Maculinea alcon Denis & Schiff. 1775 - - 1 cf.BRYNER 1984 - Carcharodus flocciferus Zell er 1847 - - - Tramelan 1 station Iphiclides podalirius Scopol* 1763 21 14 6 + commun Apatura ilia Denis & Schiff. 1775 - 2 6 + rare que iris - Limenitis populi Linnaeus 1758 2 2 - 3 rare 2 stations Limenitis reducta Staudinger 1901 2 - - 1 littoral commun Brenthis daphne Denis & Schiff. 1775 2 - 1 4 Moûtier - Boloria aquilonaris Stichel 1908 2 3 2 3 Gruhère - Cl ossi ana dia Linnaeus 1767 2 2 3 3 très commun commun Helitaea cinxia Rottemburg 1775 2 3 6 4 commun pas rare Melitaea phoebe Denis & Schiff. 1775 2 - - - Couleru - Mei li età parthenoides Keferstein 1851 2 22 8 4 rare, montagne - Mei li età aureiia Nickerl 1850 2 - 5 - - - Eurodryas aurini a Rottemburg 1775 2 2 1 6 + Colombier Hipparchia fagi Scopoli 1763 2 8 3 - assez rare commun Hipparchia aleyone Denis & Schiff. 1775 2 1 - 1 pas au Jura - Hipparchia semel e Linnaeus 1758 2 - - 3 + commun Hipparchia statilinus Hufnagel 1766 2 - - - Cornaux - Minois dryas Scopoli 1763 2 - - - littoral - Brintesia circe Fabricius 1775 2 36 4 5 assez commun pas rare Pyronia tithonus Linnaeus 1771 2 - - 12 littoral - Coenonympha tullia Mueller 0. F. 1764 2 - - 2 assez rare - Coenonympha glycerion Borkhausen 1788 2 37 12 8 assez commun qq.station Lopinga achine Scopoli 1763 2 2 1 4 rare - Satyrium spini Denis & Schiff. 1775 2 11 8 4 rare pas rare Satyrium ilicis Esper 1779 2 5 2 - pas rare 2 ind. Lycaena helle Denis S Schiff. 1775 2 5 2 6 Tramelan - Glaupsyche alexis Poda 1761 2 1 - - pas rare + Maculinea rebeli Hirschke 1904 2 6 7 5 assez rare - Maculinea nausithous Bergstraesser 1779 2 16 - - rare - Pyrgus malvae Linnaeus 1758 3 11 8 12 pas rare - Pyrgus alueus Huebner 1803 3 4 5 4 pas rare 1 station Pyrgus serratulae Rambur 1840 3 - - - rare - Pyrgus fritillarius Poda 1761 3 - - - Jura Bernois - Parnassius apollo Linnaeus 1793 3 26 7 1 + commun Colias palaeno Linnaeus 1761 3 11 2 4 Trame)an + Aporia crataegi Linnaeus 1758 3 9 7 13 commun commun Pi eri s bryoniae Huebner 1804 3 4 8 1 qq. stations 1 ind. Apatura iris Linnaeus 1758 3 10 4 14 pas rare qq. stations Nymphalis polychloros Linnaeus 1758 3 9 1 7 fluctuant pas rare Nymphalis antiopa Linnaeus 1758 3 10 2 6 jamais commun pas rare Fabriciana adippe Denis & Schiff. 1775 3 30 11 4 pas commun pas rare Fabriciana niobe Linnaeus 1758 3 6 10 2 commun montagne commun Brenthis ino Rottemburg 1775 3 89 12 11 rare 1 station Clossiana selene Denis & Schiff. 1775 3 16 4 4 rare - Clossiana titania Esper 1793 3 - 3 5 très rare - Melitaea didyma Esper [1779] 3 - 7 2 commun,littoral - Melitaea di amina Lang 1789 3 12 3 7 assez commun - Mei lieta athalia Rottemburg 1775 3 32 6 8 partout 2 stations Erebia aethiops Esper 1777 3 26 13 17 assez commun commun Lasìommata petropolitana Fabricius 1787 3 2 - - La Heutte - Hamearis lucina Linnaeus 1758 3 50 13 13 assez répandu commun Callophrys rubi Linnaeus 1758 3 44 12 8 commun commun Lycaena virgaureae Linnaeus 1758 3 11 17 3 assez commun commun Cupido minimus Fuessly 1775 3 55 19 9 commun commun Pseudophilotes baton Bergsträsser 1779 3 - - - rare, littoral - Maculinea arion Linnaeus 1758 3 7 5 5 assez rare - — 37 — ESPECE ST NE BE JU de R0UGEM0NT FAVRE Plebejus argus Linnaeus 1758 3 3 1 2 assez commun qq. stations Lycaeides idas Linnaeus 1761 3 - - - assez rare 1 station Aricia agestis Denis & Schiff. 1775 3 30 16 7 répandu qq. stations Eumedonia eumedon Esper 1780 3 2 - - rare - Agrodiaetus damon Denis & Schiff. 1775 3 1 - - fluctuant commun Plebicula dorylas Denis & Schiff. 1775 3 47 13 2 pas commun 4 ind. Cœnonympha arcania Linnaeus 1761 4b 25 10 13 + 2 stations Plebicula thersites Cantener 1834 4b 14 2 5 Cf. BRYNER 1984 - Carterocephalus palaemon Pallas 1771 5 28 7 13 + pas rare Thymelicus sylvestris Poda 1761 5 87 9 21 pas commun pas rare Thymelicus lineolus Ochsenheimer 1808 5 33 4 10 pas commun - Hesperia comma Linnaeus 1758 5 56 11 5 pas rare 2 stations Ochlodes venatus Bremer et Grey (1853) 5 156 12 30 pas,rare commun Erynnis tages Linnaeus 1758 5 43 13 12 commun 1 à 90; les classes intermédiaires étant les suivantes: 2: 76 à 90%; 3: 51 à 75%; 4: 26 à 50%; 5: 11 à 25%. Les relevés fauniques effectués dans chaque talus ont été ordonnés par l'inter- médiaire du programme TWINSPAN, Two way indicators species analysis (Hill, 1979). Ce tri a défini leur ordre d'apparition dans les tableaux 2 et 3. Ils ont subi ensuite une analyse canonique des correspondances, CANOCO (ter Braak, 1988) en tenant compte des variables environnementales suivantes: coordonnées (consi- dérées isolément afin de déceler une éventuelle structure spatiale des données), alti- tude, longueur, largeur, surface, longueur de lisière forestière adjacente, pourcen- tage de recouvrement des buissons et massifs boisés, indice floristique, type d'entre- tien (descripteurs considérés ensemble puis analysés par régression pas à pas mul- tivariable). RÉSULTATS Approche faunistique globale 59 espèces, soit 53% de la faune régionale (Gonseth, 1991), ont été réperto- riées au moins une fois dans les 43 talus étudiés. Parmi ces 59 espèces, 4 sont mena- cées à l'échelle nationale et 11 sont menacées à l'échelle jurassienne (tab. I, d'après 416 LEPIDOPTERES DIURNES DES TALUS Gonseth, sous presse). Nous préciserons toutefois que l'une d'entre elles, Iphiclides podalirius, a été observée le long d'un talus dont les caractéristiques ne correspon- dent pas à ses exigences écologiques, mais qui est situé non loin d'un milieu ou sa présence est confirmée. Cette observation est imputable aux déplacements impor- tants que l'espèce effectue en période de reproduction (Weidemann, 1982 notam- ment). Comme l'exemple sus-mentionné le souligne, il est peu probable que les 59 espèces observées forment des populations stables dans les talus étudiés: si certaines s'y reproduisent, d'autres ne font sans doute qu'y transiter. Un classe- ment des espèces par le biais d'un indice de mobilité (tab. I, VG), défini d'après Baker (1969) et Balletto & Kudrna (1985), permet d'isoler celles dont la pro- babilité de reproduction dans les sites où elles ont été observées est la plus forte et de définir ainsi leur peuplement minimal potentiel. Calculé pour chaque groupe écologique (tab. 2, MHAB) représenté par les 59 espèces recensées, le rapport entre le nombre d'espèces peu mobiles (VG 1-3) et le nombre total d'espèces présentes est le suivant: espèces forestières (2/2); espèces des lisières et des clai- rières (3/5); espèces des milieux ouverts extensifs et des lisières et clairières (8/8); espèces des milieux ouverts extensifs buissonneux (5/7); espèces des milieux ouverts extensifs (12/12); espèces des milieux ouverts rocailleux (5/5); espèces peu exigeantes des milieux ouverts (10/21). En définitive, il existe une forte pro- babilité que 44 des 59 espèces recensées soient résidantes dans les talus où elles ont été observées. Ces premières informations permettent de souligner les faits suivants: - compte tenu de la petite surface qu'ils représentent (11 ha), l'ensemble des 43 talus étudiés abritent de nombreuses espèces de papillons diurnes, dont plusieurs sont menacées en Suisse ou dans le Jura. Ce fait est une première justification de l'intérêt porté à ces milieux dans une optique de protection des espèces et des habi- tats. Cette affirmation doit toutefois être pondérée par le fait que 55 espèces ont été observées dans 7 talus (nb. moyen d'espèces = 26) et que seules 23 espèces ont été observées dans les 36 talus restants (nb. moyen d'espèces = 5.8) - la diversité biologique de la faune recensée, soulignée par la présence conjointe de plusieurs groupes écologiques différents, est un premier indice de l'hétérogénéité des talus étudiés Tri des relevés (TWINSPAN) Un fait marquant émane de la lecture du tab. 3: si 6 espèces, largement répan- dues dans les cultures ou dans les herbages amendés {Maiuola jurtina, Pieris rapae, P. napi, Polyommatus icarus) et dans les prairies semi-extensives à extensives {Aphantopus hyperanthus, Melanargia galathea), sont communes à de nombreux talus (fréquence > 55%), la majorité d'entre elles (58%) n'ont été observées que ponctuellement (fréquence < 15%). Il est donc difficile de définir une communauté lépidoptérologique minimale des talus routiers et ferroviaires du canton de Neu- châtel. Le tri des relevés fauniques établi grâce à TWINSPAN a été effectué en ne tenant compte que des espèces sédentaires ou peu mobiles (tab. I: VG 1-3). Les catégories d'abondance suivantes ont été retenues 1: 1-2 ind.; 2: 3-8 ind.; 3: 9-17 ind.; 4: 18-35 ind.; 5: >35 ind. La limite inférieure de séparation d'un groupe de relevés a été fixée à 5. La fig. I résume les résultats de cette ana- lyse. 417 Y.GONSETH Tab. 2: Caractéristiques des talus étudiés. Parc: numéro du talus; altit: altitude; surf: surface; long: d'espèces de papillons sédentaires ou peu mobiles observées; spi: nombre d'espèces menacées et (ou) totale du talus concerné); rbo: recouvrement des zones boisées; lis: longueur de lisière adjacente (m); nombre d'espèces de plantes des pelouses mésotrophes à eutrophes; Nf: note floristique globale (appré- abondantes); N2: indice de diversité de Hill (nb. espèces très abondantes) d'après Ludwig & Rey- parc commune altit expo surf long larg nsp sed spi rbu rbo 217 Chaux-du-Milieux 1080 E/NE 1176 235 5 0 0 0 0 0 178 Brot-Dessous 830 SE 969 255 4 2 1 0 0 0 348 Boudevilliers 685 E/SE 975 90 11 2 1 0 7 0 152 Thielle-Wavre 435 E 1943 270 7 5 2 0 5 0 153 Thielle-Wavre 450 E/SE 3000 107 28 7 2 0 2 0 385 Hauts-Geneveys 940 SE 649 84 8 10 7 1 0 0 347 Boudevilliers 685 SE 502 110 5 2 2 0 0 0 156 Cressier 435 E/SE 1860 220 8 7 3 0 8 34 169 Les Brenets 920 S/SE 920 140 7 9 4 0 0 0 154 Thielle-Wavre 450 SE 6112 180 34 11 5 0 12 51 329 Coffrane 785 NO 391 175 2 4 2 1 0 0 161 Vilars-Saules 765 N/NE 530 120 4 6 3 1 0 0 6 Valangin 700 N/NE 5495 320 33 14 10 3 10 0 392 Fontaines 1280 NO/O 16327 1186 14 21 15 5 8 9 171 Couvet 730 S 8671 681 13 24 17 5 12 24 277 St-Sulpice 910 S/SE 2855 410 7 28 24 7 21 0 403 Couvet 770 S 4231 557 8 33 26 5 7 0 64 Le Locle 990 SE 12525 497 25 33 23 11 2 13 181 Les Bayards 940 S 9942 720 14 24 19 10 4 0 183 Le Locle 960 SE 8305 520 16 22 15 7 0 0 8 Valangin 715 S 4840 220 22 17 11 3 0 0 170 Rochefort 840 S/SE 1843 670 3 12 4 0 0 0 383 Hauts-Geneveys 950 E 1222 130 9 10 8 2 35 33 157 Le Landeron 770 S/SE 937 283 3 9 5 0 0 0 186 Colombier 460 E/SE 1144 143 8 8 5 1 0 0 401 Neuchâtel 1100 S 667 112 6 8 6 0 6 0 159 Le Landeron 670 SE 314 150 2 6 5 0 0 0 382 Hauts-Geneveys 960 E 594 105 6 4 3 0 2 0 160 Le Landeron 670 SE 745 210 4 3 3 0 20 0 176 Noiraigue 760 S 3122 410 8 20 13 4 19 0 179 Les Verrières 940 S 1143 135 8 13 10 3 0, 0 400 Neuchâtel 1095 S/SE 1188 120 10 11 9 3 0 0 52 Engollon 695 SE 1210 190 6 10 6 2 0 0 162 Engollon 700 S/SE 2276 170 13 10 5 0 0 0 175 Travers 735 S/SE 2300 165 14 10 6 1 10 0 163 Fontainemelon 930 S 1867 335 6 8 6 1 0 0 164 Dombresson 735 S/SE 1010 176 6 8 4 0 4 0 167 Fenin 710 NO 272 80 3 5 3 0 0 0 173 Travers 735 E/SE 947 200 5 5 4 0 0 0 216 Fenin 710 S/SE 268 108 2 4 3 0 0 0 165 Dombresson 735 S/SE 890 220 4 2 0 0 0 0 359 Lignières 890 SE 1100 165 7 7 4 1 0 0 436 Travers 740 S/SO 942 160 6 5 3 0 0 0 Moy 790 2749 268 10 11 7 2 Ety 187 3523 222 8 8 7 3 418 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES TALUS longueur; larg: largeur; expo: exposition; nsp: nombre d'espèces de papillons observées; sed: nombre caractéristiques de milieux de qualité observées; rbu: recouvrement des buissons (en % de la surface nbfl: nombre d'espèces de plantes; fll2: nombre d'espèces de plantes des pelouses maigres; fl58: ciation qualitative); SH: indice de diversité de Shanon; Nl: indice de diversité de Hill (nb. espèces NOLDS, 1988; Moy: moyenne des valeurs de la colonne concernée; Ety: Ecart type. lis nbfl Nf fil 2 fl58 entretien type de talus SH Nl N2 O 35 6 16 4 fauchage ban rte secondaire - - - O 31 4 7 15 fauchage htl rte cantonale 0.69 - - O 15 I 1 13 sans btl rte principale 0.67 1.96 2.5 O 10 4 1 3 fauch, partiel htl autoroute 0.95 2.58 1.89 O 28 4 6 10 fauchage htl autoroute 1.37 3.93 3.04 O 25 6 12 4 fauchage htl CFF 2.24 9.44 26 O 26 4 7 8 fauchage htl rte principale 0.56 1.75 2 O 14 4 2 5 sans btl autoroute 1.68 5.38 5.08 O 36 4 9 11 fauchage htl rte principale 2.01 7.47 8.56 O 20 4 2 8 sans htl autoroute 1.8 6.06 4.34 O 16 3 3 9 sans htl cultures 1.03 2.81 2.61 O 10 5 4 2 fau. et pâture htl rte secondaire 0.95 2.58 1.82 40 56 5 17 16 sans htl chemin revêtu 1.81 6.09 4.34 1186 75 4 24 25 sans htl rte secondaire 2.64 14 12.1 300 58 5 23 12 sans htl rte cantonale 2.59 13.4 9.57 360 52 6 25 3 fauch, partiel htl CFF 2.86 17.5 13 557 71 6 38 8 fauch, partiel htl CFF 2.65 14.1 8.28 74 60 5 27 11 sans btl CFF / htl rte can 2.86 17.5 12.6 0 71 5 23 20 fauch, partiel btl CFF / htl rte can 2.76 15.8 13.6 0 30 4 3 12 fauch, partiel htl rte cantonale 2.78 16.1 15.1 0 58 4 17 20 fauch, partiel htl rte principale 2.02 7.57 5.53 670 36 5 13 5 fauchage htl rte principale 1.98 7.26 5.44 0 21 5 11 4 sans btl pâturage 1.75 5.75 4.44 0 32 6 17 4 fauchage htl rte secondaire 1.92 6.86 7.02 0 37 6 19 5 fauchage htl rte secondaire 1.88 6.6 7.06 80 33 5 14 7 sans btl cultures 1.59 4.88 3.57 0 29 5 10 4 fauchage htl rte principale 1.64 5.17 7.5 0 30 5 13 7 fauchage htl rte cantonale 1.27 3.58 5.25 0 37 5 16 6 sans btl rte principale 0.8 2.23 2.06 0 37 5 13 4 fauch, partiel htl rte cantonale 2.65 14.2 13.2 0 38 5 11 11 fauch, partiel btl CFF / htl rte pri 2.35 10.6 13.1 0 25 5 8 6 fauch, partiel htl cultures 1.86 6.43 4.97 0 27 5 13 4 fauch, partiel htl rte principale 1.46 4.3 3.3 0 12 4 1 5 sans htl rte principale 1.93 6.95 6.07 0 46 5 18 8 sans htl rte cantonale 1.86 6.45 4.96 0 26 4 5 8 fauch, partiel rte principale 1.85 6.37 6.44 0 23 5 10 5 sans htl rte principale 1.9 6.74 9.1 0 19 4 2 7 fauchage htl rte secondaire 1.29 3.65 3.43 200 38 6 20 4 fauchage htl rte principale 1.49 4.46 7 0 17 5 5 3 fauchage htl rte secondaire 1.35 3.86 7 0 18 5 6 4 fauchage htl rte principale 0.63 1.89 3 0 39 5 12 12 fauchage htl rte secondaire 1.85 6.33 11 0 38 5 14 10 fauch, partiel htl rte cantonale 1.38 4 4.67 34 17 12 8 8 5 419 Y. GONSETH faune banale peud' espèces faune intéressante Melanargia galathea Maculinea nausithous Aphantopus hyperanthus Faune moins riche Espèces forestières Faune très riche M.galathea peud' espèces A.hyperanthus 178 385 347 329 359 173 8 179 64 392 348 156 161 436 216 170 400 181 171 152 169 6 165 383 52 183 277 153 154 157 186 401 159 382 160 162 175 163 164 167 176 403 Fig. 1 : Tri des relevés (TWINSPAN). Pour chaque niveau de division, TWINSPAN indique à son uti- lisateur les espèces significativement correlées à l'une ou l'autre des branches de l'arbre dichotomique. Une comparaison des connaissances accumulées sur l'écologie de ces espèces permet de cerner les tendances exprimées par les groupes de relevés ainsi formés. Ces tendances, ainsi que certaines espèces très significatives sont indiquées sur chaque branche de l'arbre dichotomique représenté sur cette figure. Les faits suivants rassortent de cette première analyse: - le premier niveau de division des relevés isole les talus dont la faune lépi- doptérologique est la plus banale de ceux où la faune recèle une ou plusieurs espèces intéressantes. Il souligne aussi le rôle important que joue Melanargia galathea dans l'évaluation de la qualité biologique d'un milieu (espèce indicatrice): l'absence de cette espèce d'une prairie donnée est un indice de sa faible qualité biologique et la découverte d'autres espèces caractéristiques des pelouses sèches extensives est improbable (tab. 3, relevés 178 -161). La présence de quelques individus seulement de Melanargia galathea souligne souvent un problème d'exploitation ou d'entre- tien du milieu (début d'engraissement, fauchages trop fréquents ou trop précoces, charge trop forte en bétail); la présence de quelques autres espèces intéressantes est toutefois possible (tab. 3, relevés 170-165). La présence de nombreux individus de Melanargia galathea est un indice de la bonne qualité du milieu; dans ce cas, la présence d'autres espèces intéressantes est probable (tab. 3, relevés 171 -8); - les talus abritant Maculinea nausithous, espèce menacée à l'échelle natio- nale, sont associés, dans le cas présent, aux talus dont la faune est la plus banale. Ce fait est imputable à la biologie très particulière de l'espèce, qui, sous certaines 420 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES TALUS conditions (Gonseth, sous presse), peut résister à une exploitation relativement intensive des milieux qui l'abritent (talus 161) et se maintenir dans des milieux dégradés (talus 329) ou relativement atypiques (talus 6); - la présence de massifs forestiers aux abords immédiats de certains talus (392, 171,277,403) influence fortement leur faune lépidoptérologique. Toutefois, comme le montrent les relevés effectués dans les talus 170 et 173 (respectivement 12 et 5 espèces), d'autres conditions doivent aussi être remplies pour que cette influence apparaisse nettement (voir plus loin); - les talus 64,181 et 183 se distinguent par la bonne qualité de leur faune (avec respectivement 33, 24 et 22 espèces recensées dont 11, 10 et 7 très intéressantes). Ces 3 talus ont une surface et une largeur importantes et ne sont pas ou que par- tiellement entretenus; - cette analyse met enfin en évidence le rôle non négligeable qu'Aphantopus hyperanthus joue comme espèce indicatrice: elle permet en effet d'isoler respecti- vement 5 et 9 talus des deux branches principales de l'arbre dichotomique. Sur ces 14 talus, 5 ne subissent aucun entretien, 5 ne subissent qu'un fauchage partiel et les 4 restants ne sont fauchés qu'en fin de saison. Ces faits sont en accord avec les constatations faites dans d'autres milieux de la région: l'espèce est particulièrement abondante dans les pelouses graminéennes à végétation haute, souvent abandon- nées, et ceci indépendamment de la qualité de leur flore. Analyse canonique des correspondances (CANOCO) Pour effectuer les analyses décrites ci-dessous, les abondances des espèces telles qu'elles figurent dans le tab. 3 ont été pondérées en ln(nsp+l). En outre, ces analyses ont été réalisées deux fois, d'abord en ne retenant que les espèces peu mobiles, puis sur l'ensemble des espèces. Comme il s'est avéré que l'ajout des espèces très mobiles ne modifiait pas fondamentalement les résultats, c'est cette der- nière variante qui sera développée ici. Premier pas: analyse globale impliquant l'ensemble des espèces recensées, des talus étudiés et des variables environnementales retenues. L'inertie totale obte- nue (varition de la matrice) est de 2.838. Le pourcentage de variation expliquée par les variables environnementales retenues est 60%. Toutefois comme certaines variables sont corrélées entre elles (surface, longueur et largeur par ex.), cette der- nière valeur est à prendre avec précautions. Deuxième pas: analyse par régression pas à pas multivariable. Les variables sont entrées une à une par ordre décroissant de pourcentage de variation expliquée. A chaque pas, la fraction de variation supplémentaire est testée (par permutations) et l'adjonction de nouvelles variables s'arrête quand cette fraction n'est plus signi- ficative. Cette analyse a fait ressortir 4 variables explicatives: la surface, la longueur de lisière adjacente, l'altitude et la note floristique maximale (6). Ces 4 variables explique significativement 27% de la variation de la matrice espèce (p = 0.01). Ces 4 variables sont corrélées positivement avec l'axe 1 de l'analyse (fig. T) ce qui signi- fie que les espèces situées dans la zone positive de cet axe réagissent favorablement à une grande surface, à la présence d'une longue lisière et qu'elles se trouvent plu- tôt en altitude. L'axe 2 de l'analyse place du côté positif les espèces sensibles à l'indice floristique maximal et sépare les espèces sensibles à une longue lisière (côté positif) de celles qui sont sensibles à une grande surface (côté négatif). Troisième pas: analyse similaire effectuée avec les coordonnées topogra- phiques des talus étudiés afin de déceler une éventuelle structure spatiale des don- 421 Y. GONSETH Tab. 3: Peuplement lépidoptérologique de chaque talus. NP: nombre de talus où l'espèce a été obser- total de papillons adultes observés par espèce; TOT/PARC: nombre total de papillons adultes obser- ESPECE NP 178 348 152 153 385 347 156 169 154 329 161 6 392 171 277 403 64 181 183 P.napi 25 3 1 1 3 5 1 1 12 11 11 27 3 4 1 O.venatus 18 2 1 1 3 1 6 3 6 8 3 G.rhamni 8 1 5 13 4 1 1 E.ligea 6 4 12 1 1 A.cardamines 6 1 4 3 1 2 A.paphia 5 12 4 4 C.euphrosyne 5 113 2 Grubi 4 1 3 1 1 C.palaemon 3 1 2 1 L.sinapis 3 4 3 E.aethiops 3 24 15 61 C.argiolus 3 3 1 1 P.c-album 2 1 1 F.adippe 2 2 1 T.betulae 2 2 I.podalirius 1 A.crataegi 1 1 E.euryale 1 11 H.lucina 1 2 M.nausithous 3 9 28 31 M.galathea 27 7 18 18 53 16 10 A.hyperantus 25 1 3 5 4 32 5 10 5 1 2 10 4 6 E. medusa 11 1 9 2 17 13 9 L.hippothoe 10 1 5 1 1 1 4 S.sertorius 9 1 1 3 1 7 1 1 M.aglaja 7 1 1 1 34 5 1 L.bellargus 7 6 3 12 1 E.tages 6 I 2 2 3 B.ino 6 5 8 3 L.maera 6 1 3 18 2 2 T.lineolus 5 6 4 2 C.alfacariensis 5 10 8 8 1 L.coridon 5 32 21 4 C.glycerion 4 20 14 3 C.minimus 4 2 1 1 C.semiargus 4 4 1 P.apollo 3 6 1 4 L.megera 3 1 5 P.dorylas 3 1 1 H.comma 2 3 3 M.parthenoides 2 Il 3 E.meolans 2 2 ]¦ M.diamina 1 1 M.jurtina 35 12 11 1 113 8 1 73 7 10 14 6 9 2 P.icarus 24 2 14 2 1 10 5 2 10 C.pamphilus 15 3 2 111 5 1 T.sylvestris 9 2 38 12 2 L.tityrus 5 P.machaon 4 1 1 L.phlaeas 1 1 P.rapae 36 16 6 2 10 6 15 1 4 4 17 2 6 8 6 4 C.cardui 17 1 2 2 3 2 5 3 1 1 1 2 A.urticae 16 1 2 1 1 9 31 2 4 Chyale 10 1 1 P.brassicae 9 1 1 3 1 1 2 2 Lio 9 1 2 1 2 1 16 C.crocea 5 1 1 1 V.atalanta 3 1 1 I.lathonia 3 2 1 Tot/talus 2 5 22 26 13 4 26 22 76 16 38 185 69 93 162 214 285 106 73 422 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES TALUS vée; Numéro des colonnes: talus concernés (se réfère à la colonne PARC du tab. 2); TOT: nombre vés par talus. 8 170 383 157 186 401 159 382 160 176 179 400 52 162 175 163 164 167 173 216 165 3 5 7 2 1 1 42 1 17 60 12 31 1 12 I 1 1 3 3 6 1 1 1 5 6 3 9 8 3 13 3 116 11 1 3 1 20 3 2 1 14 7 2 5 2 I 1 1 1 3 1 1 1 2 4 1 16 6 14 1 1 1 1 1 10 1 17 30 9 6 7 1 1 10 11 12 3 1 1 2 1 2 2 2 2 2 1 1 193 30 48 30 26 25 10 7 15 56 24 45 64 39 34 32 14 11 423 y. GONSETH AXE 2 1.5 0.5 - LYTl PAMA ¦ '¦ OCVE CYCA pira :' M - EFITA LISIERE ERAE 1 VAAT .CAPA ¦ ARPA CLEU AXE1 POlC MEGA COHY APHY COCR TMSY ¦ -0.5 I LYMl ,¦ ¦ SPSE ERMD POAL/CARU -1.5 -- -2 -L Fig. 2: Résultats de l'analyse canonique. Les espèces de papillons sont abrégées par un code de 4 lettres (2 premières lettres du genre, 2 premières lettre de l'espèce). La disposition des différentes espèces dans cette figure est déterminée par leur sensibilité aux 4 variables suivantes: NF6: note flo- ristique maximale; LISIERE: longueur de lisière forestière adjacente; ALTITUDE: altitude des talus; SURFACE: surface des talus. nées. La somme des 2 valeurs propres canoniques, égale à 0.397 (14% de l'inertie totale), est significative (p = 0.01). Comme les deux variables spatiales (coordon- nées x et y) ont été entrées séparément, il est possible d'affirmer que les peuple- ments des talus étudiés varient significativement d'est en ouest et du sud au nord. Quatrième pas: afin de déterminer si la variation expliquée par les facteurs environnementaux et celle expliquée par les variables spatiales ne représentent pas la même chose, une analyse canonique partielle des correspondances (après avoir retiré l'effet des variables spatiales par régression multiple) est effectuée: la somme des valeurs propres canoniques, égale à 0.570 (20.1% de variation expliquée), est significative (p = 0.01). 424 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES TALUS Cinquième pas: analyse similaire effectuée sur les variables spatiales après avoir retiré l'effet des variables environnementales: la somme des valeurs propres canoniques égale à 0.199 (7% de variation expliquée) est significative (p = 0.01). En définitive, la variation de la matrice papillons/talus peut être divisée en 4 fractions. La première 20.1%, représente la variation due aux facteurs environne- mentaux uniquement; la seconde (6.9%) représente la variation due conjointement aux facteurs environnementaux et spatiaux; la troisième (7%) représente la varia- tion due aux facteurs spatiaux indépendants des facteurs environnementaux; et la quatrième (66%) représente la fraction de variation non expliquée. DISCUSSION Certaines précisions concernant les variables spatiales et altitudinales doivent être apportées: Variables spatiales Les 43 talus étudiés se répartissent en gros sur un transect traversant le can- ton de Neuchâtel dans la direction SE (littoral) - NO (montagne). La variation signi- ficative des peuplements de Lépidoptères diurnes sur cet axe peut s'expliquer, du moins partiellement, par une variation importante de la topographie des régions qu'il traverse (relief collinéen et doux au SE, plus tourmenté au NO), par la nature des milieux voisins des talus étudiés (cultures intensives ou zone fortement urbanisée au SE, pâture, forêts et zone peu urbanisée au NO) et par la structure même des talus retenus (homogène au SE, souvent hétérogène au NO), cette dernière variable étant corrélée à la nature du relief ambiant. Il est clair toutefois que les résultats obtenus sur cet échantillon ne suffisent pas pour affirmer que la «valeur biologique» des talus routiers ou ferroviaires du canton de Neuchâtel varie en fonction de leur loca- lisation géographique. Altitude Il existe un important gradient altitudinal entre les talus étudiés sur le littoral (435 m au minimum) et ceux étudiés en montagne (1280 m au maximum). Cette variable, mise en évidence par l'analyse impliquant la totalité des espèces recen- sées, ne ressort pas d'une analyse impliquant les seules espèces sédentaires ou peu mobiles, ce qui peut sembler paradoxal. Il est relativement aisé d'expliquer pourquoi cette variable ne ressort pas de la seconde analyse. La plupart des espèces peu mobiles les plus répandues et les plus abondantes dans les talus étudiés (Melanargia galathea, Maniola jurtina, Aphantopus hyperanthus, Polyommatus icarus, Ochlodes venatus notamment) sont des espèces à large amplitude altitudinale qui ne sont donc pas sensibles à cette variable (comme le prouve d'ailleurs la fig. 2). U est par contre plus compliqué d'expliquer pourquoi elle ressort de la première analyse. Deux hypothèses, qui ne s'excluent pas, peuvent toutefois être formulées: - la première est inhérente à l'échantillonnage: quelques espèces dont l'indice de mobilité est élevé sont particulièrement abondantes aux abords des forêts (Gonepteryx rhamni, Pieris napi par ex.). Or, dans l'échantillon de talus retenus, ceux qui sont bordés d'une longue lisière sont plutôt situés en altitude, à l'instar de la plupart de ceux qui abritent les espèces sédentaires les plus intéressantes. L'effet 425 Y. GONSETH cumulatif de la présence de ces espèces mobiles et sédentaires dans des talus de moyenne et haute altitude pourrait suffire pour expliquer la variation significative des peuplements de Lépidoptères décris en fonction de cette variable - la seconde est inhérente à l'éthologie des espèces mobiles: un certain nombre d'entre elles (Aglais urticae, Cynthia cardui, Inachis io, Vanessa atalanta par ex.) effectuent d'importants déplacements (plusieurs km) durant leur vie, même si cer- taines (Aglais urticae, Inachis io) présentent une phase de comportement territorial sur leur site d'émergence et de reproduction. Si des facteurs endogènes sont à l'ori- gine de ces comportement migratoires, l'influence de facteurs exogènes a aussi été proposée pour les expliquer: baisse de la qualité globale de l'habitat d'origine, aug- mentation de la concurrence intra-spécifique par exemple. Bien qu'une grande variabilité individuelle de direction migratoire existe généralement au sein d'une même espèce, certaines directions préférentielles (adoptées par la majorité des indi- vidus d'une population) ont été mises en évidence: schématiquement, direction S- N pour les générations printanières et estivales et direction N-S pour la (les) géné- ration^) plus tardives (Baker, 1984). Il n'est donc pas exclu que le comportement migratoire adopté par certaines espèces mobiles présentes dans nos relevés (Aglais urticae, Inachis io notamment) entraîne une concentration de leurs populations dans les montagnes neuchâteloises durant la saison. En effet, cette région abrite une den- sité de sites favorables de reproduction et de nutrition plus importante que la région littorale, qui est plus urbanisée, qui présente une plus forte densité de cultures inten- sives et dont les prairies (source potentielle de nectar) sont fauchées plus précoce- ment. Notons à ce propos que 75% du nombre total d'individus (¥ Aglais urticae et d'Inachis io ont été observés dans les 13 talus (30%) situés à plus de 900 m d'alti- tude. En outre, en considérant l'ensemble des observations faites pour ces 2 espèces dans le canton de Neuchâtel (respectivement 1917 et 813 individus observés), il existe une corrélation significative (R2 = 0.955, p < 0.01) entre le nombre total pon- déré d'individus observés (ln(ni+l)) et l'altitude (exprimée en classe de 150 m.) des milieux dans lesquels elles ont été observées (ni = somme des nombres moyens d'individus observés par station pour ces 2 espèces par classe d'altitude). Variables environnementales 66% de la variation de notre matrice de base ne sont pas expliqués par l'ana- lyse des variables retenues. Cette valeur élevée sous-entend que l'ensemble des variables explicatives ne sont pas incluses dans l'analyse effectuée et rend compte du caractère aléatoire de la dispersion de certaines espèces de papillons. En outre, l'interdépendance de certaines variables compliquent l'analyse des résultats : des talus de grande surface ne sont pratiquement jamais intégralement fauchés; ils pré- sentent ainsi des plages de végétation haute et généralement un recouvrement non négligeable de buissons; de par leur taille, ils subissent moins les nuisances des voies de communication qui les bordent et leur position géographique et topographique (région au relief tourmenté) assurent souvent la présence de milieux de bonne qua- lité dans leurs environs immédiats. Le rôle prépondérant de la surface et du degré d'isolement d'un biotope donné dans l'augmentation du nombre d'espèces présentes (Blondel, 1979, notamment) est aujourd'hui largement admis en écologie. Si l'influence de la superficie est mise en évidence par l'analyse des peuplements des talus étudiés, l'isolement spatial est un facteur qui ne ressort pas nettement de nos observations; mais, comme nous l'avons déjà souligné, la notion de talus ne recouvre pas une entité écologique cohérente. 426 LEPIDOPTERES DIURNES DES TALUS Quelle que soit l'influence de ces 2 facteurs, il est clair que d'autres variables entrent aussi en ligne de compte pour expliquer les différences des peuplements des talus étudiés. Si l'influence de l'un d'eux est nette, d'autres ont une influence plus diffuse qui ne ressort pas des analyses effectuées. Les faits suivants méritent d'être soulignés: Lisière: si la présence d'une longue lisière aux abords de certains talus a une influence très nette sur leur peuplement lépidoptérologique (apparition d'espèces spécialisées), elle ne suffit pas pour assurer la présence d'une faune riche et diver- sifiée, comme le montrent les observations faites dans le talus 170. Une comparai- son des caractéristiques des talus présentant une longue lisière et une faune inté- ressante (392, 171, 277, 403; 21 espèces sédentaires en moyenne) à celles du talus 170 (4 espèces sédentaires) met en évidence des différences importantes pour 4 fac- teurs principaux: surface, largeur, entretien et type de talus. Flore: seul l'indice floristique 6 ressort des analyses effectuées. Ce fait est imputable d'une part au fait que certaines espèces, et notamment certaines espèces forestières, n'ont été observées que dans des talus dont l'indice floristique était maximum, et d'autre part au fait qu'aucune autre corrélation n'existe entre la qua- lité du couvert végétal des talus étudiés et leurs peuplements lépidoptérologiques. En effet, si les deux talus dont l'indice floristique est faible (348, 329) ont une faune très banale, ceux dont les indices sont élevés (5, 6) présentent des peuplements lépi- doptérologiques soit très riches (64, 181), soit très pauvres (173, 359, 436) soit inexistant (217). Largeur: cette variable est évidemment corrélée à la surface des talus étudiés; toutefois, elle ne ressort pas en tant que tel des analyses effectuées. Ce fait est dû à son interdépendance avec d'autres facteurs: à l'entretien (un talus de faible largeur est souvent intégralement fauché à l'inverse de la plupart des talus de forte largeur) ou à la nature de la voie de communication adjacente (type de talus). Pour ce der- nier paramètre les faits suivants peuvent être soulignés: les haut-talus de faible lar- geur, situés aux abords d'une route très fréquentée, sont systématiquement balayés par les turbulences du trafic. Pour des insectes volants et délicats, ces turbulences représentent un piège mortel comme nous avons pu le constater sur le terrain: ils sont aspirés vers la route par les turbulences du premier véhicule qui passe; si un deuxième véhicule suit le premier, ils sont systématiquement tués. Pour des haut- talus de chemin de fer ce phénomène a des effets atténués puisque le trafic ferro- viaire est moins dense. Recouvrement par les buissons: cette variable n'a pas été mise en évidence par les analyses effectuées. Certaines constatations de terrain méritent toutefois d'être soulignées. La présence d'arbustes ou de buissons dans un talus peut être d'origine anthropique (stabilisation du sol, talus 171 et 154) ou naturelle (392, 277, 403 et 181 ). Dans le premier cas les essences utilisées ne sont souvent pas indigènes (Alnus incana pour le talus 171 et Robinia pseudoacacia pour le talus 154 par ex.); si la présence de ces arbustes ne peut concourir directement à enrichir la faune de Rhopalocères des talus où ils croissent (aucune espèce ne les exploite), elle peut toutefois avoir une influence sur leur faune lépidoptérologique: plantés sur la tota- lité de la surface du talus, leur croissance sera suivie de la raréfaction puis de la dis- parition pure et simple de toute espèce de papillon diurne; plantés sur toute la lar- geur d'un talus mais sur une partie seulement de sa longueur, leur croissance sera suivie par un morcellement de l'habitat susceptible d'empêcher les déplacements latéraux des espèces sédentaires (le talus 171 fournit un tel exemple: divisé en deux parties par plus de 40 x 10,5 m. d'un peuplement dense d'aulnes croissant de la 427 Y.GONSETH FLORE de qualité Surface importante médiocre Faible surface Surface importante fauchage fauchage partiel sans fauchage quelques itinérantes fauchage quelques itinérantes Faible surface fauchage sans fauchage sans fauchage trafic fort faune très diversifiée faune diversifiée fauchage sans fauchage quelques quelques itinérantes banalités trafic faible quelques itinérantes quelques sp. intéressantes trafic faible trafic fort quelques banalités Fig. 3: Influence des variables environnementales sur les peuplements de papillons.. Les variables environnementales primaires (applicables à l'ensemble des talus routiers ou ferroviaires), ainsi que leur influence cumulée sur les peuplements décrits, déterminent la forme de l'arbre dichotomique qui a été dressé. Les variables environnementales secondaires (impliquant un enrichissement ponctuel de la faune) sont présentées dans les encadrés situés au bas de Ia figure. route à la lisière forestière adjacente, ce talus voit sa faune s'appauvrir d'ouest en est: 17 espèces sédentaires dans sa partie occidentale, 4 espèces sédentaires dans sa partie orientale); plantés aux pieds d'un haut-talus de manière à ménager une sur- face libre au-dessus, leur présence a, si leur hauteur n'est pas trop importante, une influence favorable pour les peuplements de papillons en diminuant l'effet des tur- bulences du trafic (talus 171, partie occidentale). Dans le second cas, la présence 428 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES TALUS d'arbustes indigènes peut avoir un effet direct sur la faune des talus concernés en permettant l'établissement d'espèces qui leur sont liées (Prunus spinosa I Thecla betulae; talus 403) ou qui apprécient les milieux buissonneux (Callophrys rubi, Car- terocephalus palaemon, Hamaeris lucina, Thymelicus lineolus). Notons encore que la présence de buissons d'origine naturelle dans un talus est souvent l'indice d'un fauchage partiel voire inexistant. Entretien: cette variable ne ressort pas des analyses car, comme nous l'avons déjà souligné, elle est souvent dépendante d'autres facteurs (surface, largeur notam- ment). Nous soulignerons toutefois que la plupart des talus que nous avons étudiés font l'objet d'un fauchage régulier total (talus de faible largeur notamment) ou par- tiel (talus de forte largeur pour la plupart). De manière générale ces fauchages ont lieu entre les mois de mai et de juin selon l'altitude. Pour des talus fauchés inté- gralement, ce type d'entretien tend à appauvrir leur faune dans la mesure où la plu- part des espèces qui pourraient s'y réfugier n'ont pas le temps de boucler leur cycle de développement (la moyenne du nombre d'espèces observées dans les talus aban- donnés ou partiellement fauchés est de 14.6 et tombe à 5.2 dans les talus intégrale- ment fauchés). A l'inverse, l'abandon total d'un talus se traduira par une modifica- tion progressive de sa faune, les espèces caractéristiques des pelouses ouvertes dis- paraissant au profit des espèces qui apprécient une végétation luxuriante, et se pour- suivra à terme par une baisse du nombre d'espèces présentes due à la disparition de nombreuses plantes-hôtes des chenilles des papillons (la moyenne du nombre d'espèces observées dans des talus partiellement fauchés est de 16.3 et tombe à 10.4 dans les talus abandonnés). Le talus 64 illustre ce fait: divisé en 2 parties très dif- férentes, ce talus abritait 20 espèces dans sa partie à sol profond et à fort couvert graminéen (végétation haute, étouffante) et 29 espèces dans sa partie à sol squelet- tique et à végétation ouverte et basse (Mesobromion). Recouvrement de roche nue: cette variable n'a pas été introduite dans les ana- lyses. Certaines espèces de Lépidoptères diurnes n'apparaissent toutefois que dans des milieux présentant des surfaces de roches affleurantes pour peu que leurs plantes hôtes soient présentes. Ce facteur peut donc avoir une influence sur leur peuplement lépidoptérologique. La présence de Parnassius apollo dans les talus 392, 181 et 8 et celle d'Erebia meolans dans les talus 64 et 183 illustrent ce fait. La fig. 3 récapitule les résultats et constatations qui viennent d'être formulés. Elle met en évidence les relations qui unissent les variables environnementales rete- nues et souligne les effets qu'elles ont sur les peuplements de papillons diurnes. La flore, la surface, le mode d'entretien et le type de voie de communication adjacente sont, à notre sens, les principales variables environnementales qui influen- cent la qualité des peuplements de papillons diurnes des talus prospectés. La pré- sence d'une lisière, de roches affleurantes ou de buissons sont, quant à elles, des variables secondaires qui, si les conditions sont favorables, peuvent enrichir la faune en permettant l'apparition de certaines espèces spécialisées. CONCLUSIONS Nos résultats montrent que les talus routiers ou ferroviaires ne représentent pas forcément des habitats favorables aux papillons diurnes, et ceci même si la qua- lité de leur flore est excellente. Le profil idéal d'un «talus à papillons» peut se des- siner ainsi : Talus de surface (> 2500 m2) et de largeur (> 7 m) importantes, colonisé par une flore riche en espèces des pelouses sèches (Mesobromion) et subissant un fau- chage partiel (ménageant des surfaces de végétation haute) une fois durant l'année. 429 Y. GONSETH Ce fauchage doit être très tardif si le talus concerné abrite Maculinea nausithous. Si ces conditions sont remplies, sa diversité faunique augmentera encore s'il est par- semé de buissons indigènes (Prunus spinosa, Rhamnus cathartica, Sorbus sangui- nea, Ligustrum vulgare) et de roches affleurantes et s'il est bordé d'une longue lisière forestière. Pour un talus récemment aménagé, la nature des milieux qui le bordent peuvent influencer sa recolonisation: s'il est noyé dans les cultures inten- sives, les chances de voir se réinstaller une faune intéressante (par essence riche en espèces sédentaires) sont minimes. REMERCIEMENTS Je tiens à exprimer ma vive reconnaissance au Dr. Daniel Borcard qui a accepté d'investir du temps dans l'analyse canonique de mes données. Je remercie en outre Mme. Sylvie Barbalat qui a aima- blement mis à ma disposition les relevés floristiques qu'elle a effectués dans les talus que nous avons étudiés en commun. Je remercie enfin sincèrement le Dr. W. Matthey et le Dr. Willy Geiger qui ont relu avec attention mon manuscrit et qui m'ont toujours encouragé dans mon travail. RÉSUMÉ Cet article expose les résultats obtenus dans 43 talus routiers et ferroviaires du Jura neuchâtelois (Suisse). Il concerne 59 espèces de Lépidoptères diurnes (53% de la faune régionale), dont 4 sont menacées à l'échelle nationale et 11 sont menacées à l'échelle jurassienne. Les analyses statistiques effectuées soulignent que, parmi les variables environnementales étudiées, la surface, la proportion relative de lisière forestière, l'altitude et la composition floristique de ces talus ont une influence signi- ficative sur leur peuplement lépidoptérologique respectif. Les effets d'autres variables environne- mentales (présence de buissons et de roches affleurantes, type d'entretien et type de la voie de com- munication adjacente) sont aussi exposés. BIBLIOGRAPHIE Baker, R.R., 1969. The evolution of the migratory habit in butterflies. J. Anim. Ecol. 38: 703-746. Baker, R.R., 1984. The dilemna: When and How to Go or Stay. In: Vane-Wright & Ackery P.R. (eds) The Biology of butterflies pp. 279-296. Barbalat, S., 1990. Etude de la typologie et de la végétation de certains talus routiers du Canton de Neuchâtel. Travail de Licence, Université de Neuchâtel, 54 pp. Barbalat, S., 1991. Inventaire des Coléoptères Carabidés et des Hétéroptères de cinq talus du Val de Ruz (Canton de Neuchâtel, Suisse). Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 114: 1 - 17. Balletto, E. & Kudrna, 0., 1985. Some aspects of the conservation of butterflies in Italy, with recom- mandations for a future strategy. Boll. Soc. Entomol. Italiana 117: 39-59. Blondel, J., 1979. Biogéographie et Ecologie. Masson, Paris: 173 pp. Gonseth, Y., 1991. La faune des Rhopalocères (Lepidoptera) du Jura neuchâtelois, un reflet partiel de la faune lépidoptérologique jurassienne. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. Nat. 114: 31-41. Gonseth, Y. sous presse. Les Lépidoptères diurnes (Rhopalocera) des milieux humides du canton de Neuchâtel I. Les milieux à Maculinea nausithous (Bergstr.), Lep. Lycaenidae. Bull. Soc. neu- châtel. Sci. nat. Gonseth, Y. sous presse. Liste rouge des Lépidoptères diurnes de Suisse. In: Duelli, P. (ed.): Rote Liste der gefährdeten Tierarten der Schweiz. Hill, M.O., (1979). 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GONSETH CSCF, Terreaux 14, CH-2000 Neuchâtel, Suisse Résumé Cet article résume les relations observées de 1984 à 1990 dans le Jura neu- châtelois (Suisse) entre 81 espèces de Papillons diurnes (Lep. Rhopalocera) et 146 espèces de plantes nectarifères. Zusammenfassung Dieser Beitrag fasst die Beziehungen, die zwischen 81 Tagfalter-Arten (Lep. Rhopalocera) und 146 Nektar liefernden Pflanzen von 1984 bis 1990 im Neuen- burger Jura (Schweiz) beobachten wurden, zusammen. Summary The relationships between 81 species of butterfly (Lep. Rhopalocera) and 146 species of nectar producing plants, observed from 1984 to 1990 in the Neu- châtel Jura (Switzerland), are summarised. Introduction Cet article est basé sur une étude effectuée entre 1984 et 1990 dans le Canton de Neuchâtel (Jura suisse). Elle concerne 3391 individus appartenant à 81 espèces de Lépidoptères diurnes et 146 espèces de plantes. Les observations ont été rassemblées dans 273 stations diffé- rentes. La représentativité des résultats obtenus varie beaucoup d'une espèce de papillon à l'autre : ainsi, les observations faites pour des espè- ces rares ou d'effectif réduit ne reflètent sans doute que très partiellement les relations effectives qui les lient aux plantes nectarifères. (') Cet article fait partie de la thèse de l'auteur (projet FNRS, 3.269-0.85). 106 Des preuves de l'influence non négligeable de la nutrition des papillons adultes sur la fécondité réelle de certaines espèces ont été rapportées pour le genre Heliconius, Nymphalidae, Heliconiinae, (Gilbert, 1984 ; Chew & Robbins, 1984) et pour Euphydryas editha (Nymphalidae) notamment (Chew & Robbins, 1984). La présence et le maintien de ces espèces nectarivores obligatoires dans un milieu donné peuvent donc être influencés par la présence de plantes nectarifères. Par contre, des études effectuées sur certains papillons de la zone tempérée (Pararge aegeria Nymphalidae Satyrinae et Pieridae) ont prouvé que pour ces espèces du moins, il n'existait aucune corrélation entre leur statut nutri- tionnel et leur fécondité réelle, cette dernière dépendant plutôt du temps effectif que les femelles peuvent passer à voler et à pondre (Chew & Robbins, 1984 ; Courtney, 1986). La présence et le maintien de ces espèces nectarivores opportunistes dans un milieu donné ne sont donc pas tributaires de la présence de plantes nectarifères. La raison qui nous a poussé à relever les relations observées entre les Papillons diurnes et les plantes nectarifères du Jura neuchâtelois est simple : si la faune de la région étudiée (Gonseth, 1991) recèle effectivement certaines espèces nectarivores opportunistes, il est possible qu'elle recèle aussi certaines espèces nectarivores obligatoires. Dans une optique de protection des espèces et des biotopes, il était donc sensé d'étudier le spectre de plantes nectarifères des papillons observés et de parfaire ainsi nos connaissances sur un paramètre susceptible d'in- fluencer leur distribution régionale. Methode d'échantillonnage Une synthèse des informations fournies par plusieurs auteurs (Watt, et al., 1973 ; Pivnick & Mc Neil, 1985) permettent de résumer de la manière suivante la chaîne comportementale qui mène de la loca- lisation de la plante nectarifère à la nutrition sensu stricto : — locali- sation visuelle de la plante — approche et atterrissage — test des quali- tés du nectar par l'intermédiaire de la trompe — pompage du nectar. Comme sur le terrain il est très difficile de distinguer les deux dernières phases de cette chaîne comportementale, trois critères ont été retenus pour assimiler la relation observée à un réel comportement nutritionnel : mouvements de la trompe, temps passé sur la plante concernée (plus de 10 secondes) et répétition de la relation. La plupart de nos obser- vations ayant été réalisées entre 10 et 18 heures, il est possible d'affirmer que les comportements décrits ne correspondent pas, du moins pour la majorité d'entre eux, à une simple absorption d'eau (pompage de gouttes de rosée par ex.). 107 Afin d'avoir une idée de la répartition temporelle de nos observations, nous avons noté la date ainsi que les heures d'arrivée et de départ d'un milieu donné. Les 3195 contacts dont la période d'observation a été ainsi précisée ont été répartis par mois en 5 tranches de 2 heures chacunes (voir tableau 1). Tableau 1 Contacts par mois et par tranche horaire. MOIS/HEURE 09-11 11-13 13-15 15-17 17-19 TOTAL IND. ACTIFS Avril Mai Juin Juillet Août Septembre 0 7 66 292 151 0 1 22 1 561 469 30 0 23 73 532 272 63 0 19 53 375 85 43 0 7 6 38 6 0 1 78 199 1798 983 136 61 1304 7228 22092 10382 1360 TOTAL/HEURE 516 1084 963 575 57 3195 Comme cela était prévisible, il existe une corrélation significative (r2 = 0.937 p < 0.01) entre le nombre de contacts papillons / plantes nectari- fères observés et le nombre total de papillons inventoriés par mois. Note préliminaire Toutes les espèces de Lépidoptères diurnes ne sont pas tributaires de sources de nectar pour couvrir leurs besoins énergétiques et (ou) favo- riser leur reproduction. Les espèces observées dans la région considé- rée pour lesquelles aucune relation trophique avec une plante nectari- fère n'a été constatée peuvent être réparties en deux catégories : Espèces non nectarivores ou espèces à régime mixte : Ces espèces sont connues pour exploiter d'autres substances organiques tels le miellat des pucerons et les exsudations de plaies d'arbres (sève), de fruits pourris, de charognes ou d'excréments : Apatura iris : ßß excréments, charognes, urine ; ÇÇ miellat de puce- rons, sève et parfois Dipsacacées ou Composées (Weidemann 1982 ; 1988), isolément sur Achillea millefolium, Eupatorium cannabinum, Cirsium oleraceum (Ebert & Rennwald, 1991) ; Fixsenia pruni : miellat de pucerons, mais aussi sur Ligustrum vulgare (Thomas, 1974), Sambucus (Weidemann, 1988), Sedum album, Anthyïlis vulneraria, Heracleum sphondylium notamment (Ebert & Rennwald, 1991) ; Chazara briseis : isolément sur Cirsium acaule (ibid.) ; Hipparchiafagi : 108 isolément sur Daucus carota, Asperula cynanchica, Stachys officinalis, Centaurea jacea (ibid.) ; H. alcyone : ...visitent rarement les fleurs... (LSPN, 1987); Limenitis populi: miellat, sève, exsudations d'excré- ments (LSPN, 1987) ; Nymphalis antiopa : sève, isolément sur Salix caprea, Knautia arvensis (Ebert & Rennwald, 1991) ; TV. polychloros : fruits pourris, excréments ; fleurs de Salix caprea, Prunus spinosa, Knautia arvensis notamment (ibid.) ; Quercusia quer eus surtout miellat (LSPN, 1987), Frangula alnus (Ebert & Rennwald, 1991) ; Thecla betulae : miellat de pucerons, fruits pourris, parfois Umbelliferae (LSPN, 1987), isolément sur Sedum telephium, Angelica sylvestris, Cirsium arvense, Centaurea jacea notamment (Ebert & Rennwald, 1991). Espèces nectarivores : Agrodiaetus damon : sur Origanum vulgare, Carduus sp. (LSPN, 1987) ; Clossiana dia : Lotus corniculatus, Centaurea jacea notamment (Ebert & Renn Wald, 1991) ; Eumedonia eumedon : sur Ly thrum salicaria, Geranium sp. (LSPN 1987) ; Glaucopsyche alexis sur Onobrychis viciifolia, Trifolium pratense, Lotus corniculatus notamment (Ebert & Rennwald, 1991) ; Plebejus argus : Centaurea scabiosa, Lotus uliginosus, Vicia cracca notamment (ibid.) ; Militaea cinxia : isolément sur Thymus serpyllum, Knautia arvensis (ibid) ; Maculinea rebeli : Lotus corniculatus (ibid.) ; Lampides boeticus : légumineuses (Cano, 1984) ; Pyrgus malvae sur Coronilla varia (Kratochwil, 1983) Tara- xacum officinale, Lotus corniculatus (Ebert & Rennwald, 1991) ; Lopinga achine, sur ?. La plupart de ces espèces n'ont été que rarement observées dans la région considérée. Presentation et discussion des résultats Le tableau 2 présente nos résultats globaux par familles de plantes et par familles (sous-familles) de papillons. Il démontre que 4 familles de plantes (Compositae [= Asteraceae], Dipsacaceae, Labiatae (= La- miaceae) et Leguminosae [= Fabaceae]) sont intensément exploitées comme source de nectar (83% du total des observations). D'autres familles de plantes peuvent cependant avoir une importance non négli- geable pour certaines espèces de papillons. Nous citerons par exemple le cas de Pieris napi : en forêt, ce papillon qui se déplace volontiers le long des chemins ensoleillés, ne trouve en général qu'un faible nombre de plantes exploitables. Dans de telles conditions il butine souvent Geranium robertianum, Geraniaceae relativement commune dans ce type de milieu. 109 Tableau 2 Resultats globaux par familles de plantes et de papillons. Familles Hesper Papili PlERID Nympha Satyri Lycaen SNB NCTR Compositae 153 19 66 429 554 59 1280 F Dipsacaceae 55 9 36 295 293 28 716 R/F Labiatae 32 3 98 175 129 70 507 R Leguminosae 50 8 87 58 (18) 104 325 F R/F % nb. ind. 91 88 76 85 84 70 83 Rosaceae (4) (1) (7) 37 (12) 41 102 Valerianaceae (1) (2) (22) 44 (1) 70 F Crassulaceae (1) (23) (12) 31 67 F Umbelliferae (22) (14) 9 45 F Geraniaceae (4) 35 (1) (1) (3) 44 F Oleaceae (1) (4) (17) (17) 39 F Ranunculaceae (2) (2) (18) 17 39 P Caryophyllaceae 14 (1) (8) (1) (5) (1) 30 F Buddlejaceae (1) 2 (8) (10) (3) 24 F Cruciferae 10 (5) (2) 17 R Caprifoliaceae (10) (5) 0) 16 F Polygonaceae (4) (9) (1) 14 R/F Scrophulariaceae (1) (7) (4) 12 PRF Lythraceae (4) (1) (2) 7 P Campanulaceae (3) (1) (1) (1) 6 R Boraginaceae (3) (1) 4 R Liliaceae (3) (1) 4 F Globulariaceae (2) (1) 3 F Orchidaceae (2) (1) 3 P Asclepiadaceae (1) (1) 2 F Violaceae (1) (1) 2 F/P Cornaceae (1) 1 F Primulaceae (1) 1 F Onagraceae (1) 1 F Gentianaceae (1) 1 F/P Miellat (10) 10 TOTAL ind. 317 40 372 1112 1150 370 3391 NSP papillons 8 3 12 20 16 22 81 NSP fleurs 55 21 74 91 70 66 146 «ind. fam. sec. 5.0 9.1 11.9 10.5 11.5 4.8 SNB : nombre total de papillons adultes observés en train de se nourir par famille de plantes. % nb. ind. : proportion de papillons adultes observés sur les 4 premières familles de plantes. TOTAL ind. : nombre total par famille de papillons adultes observés en train de se nourir. NSP. papillons : nombre total d'espèces de papillons concernées. NSP. plantes : nombre total d'espèces de plantes exploitées par famille de papillons. % ind. fam. sec. : proportion de papillons adultes observés sur des familles de plantes dites secondaires. (x) : observations qualifiées d'anecdotiques (X < 3% de TOTAL ind.). NCTR : position des nectaires (voir texte) : P sur pièces du périanthe (pétales, parfois sépales) ; F pièces florales (base de l'ovaire, du style, des étamines) ; R réceptacle. 110 Le tableau 3 propose une liste (non-exhaustive) des plantes exploitées par les papillons diurnes dans le Jura neuchâtelois. Le nombre total de contacts observés pour chaque espèce de papillon est fourni dans la première colonne de ce tableau. Les plantes exploitées, accompagnées du nombre de contacts les ayant impliquées, sont réparties dans les 5 colonnes suivantes : les 4 premières renferment les espèces des 4 prin- cipales familles mises en évidence dans le tableau 1 et la dernière re- groupe les autres plantes régulièrement visitées par le papillon concer- né. Les plantes nectarifères rarement exploitées par les papillons pour lesquels beaucoup d'informations étaient disponibles n'ont pas été rete- nues. Par contre, la totalité des plantes visitées par des papillons pour lesquels seules quelques observations ont été réalisées sont mentionnées. Offre de nectar des plantes concernées La majorité des plantes à périanthe développé et à couleurs éclatantes sont pollinisées par les insectes et sont ainsi porteuses d'organes nectari- fères (la pollinisation par des insectes strictement pollinophage est rela- tivement rare et concerne des espèces dépourvues de tels organes : Clematis vitalba, Hypericum ssp., Helianthemum ssp. par ex.). Toutes les pièces florales peuvent porter des nectaires : étamines (Caryophyl- laceae, Geraniaceae), ovaires (Lilliaceae, Polygonaceae, Umbelliferae), pétales (Orchidaceae, Ranunculaceae, Violaceae) et surtout réceptacle (Cruciferae, Rosaceae) (Deysson, 1978 ; 1979 ; Fahn, 1974). L'acces- sibilité du nectar, sa composition, sa viscosité et ses modalités de sécré- tion sont autant de paramètres limitant le spectre des insectes (surtout Hyménoptères, Diptères, Lépidoptères et Coléoptères) susceptibles de l'exploiter (Deysson, 1978, Stebbins, 1974). D'autre part, les périodes minimale et maximale de sécrétion du nectar, qui varient selon les espèces, peuvent limiter le spectre potentiel de plantes nectarifères à leur disposition. En effet, certaines plantes ont une sécrétion maximale de nectar tôt le matin (Sedum acre), d'autres en fin de matinée (Origa- num vulgare), en début d'après-midi (Lythrum salicaria) en début de soirée ou dans la nuit (Tilia sp.) (Jaeger, 1976). Des plantes dont la période de sécrétion maximale de nectar coïncide avec la période d'activité effective des papillons diurnes (O. vulgare) seront donc régu- lièrement exploitées durant la journée alors que d'autres seront délais- sées dès que leur réserve de nectar sera épuisée (S. acre, Tilia sp.). Le spectre de plantes exploitées par une espèce de papillon peut donc varier en cours de journée. Pour aborder le problème de l'offre potentielle de nectar des plantes observées, nous avons déterminé d'abord si les familles auxquelles elles appartiennent possèdent des organes nectarifères. Comme le démontre 111 X fi I G 'B, CS Oh C O C tì O T3 S Xl O 3 a" '£ Qh O Autres espèces de plantes Geranium sylvaticum (Gerania.) 2 Phyteuma orbiculare (Campanula.) 2 Dianthus carthusianorum (Caryophy.) 6 Rubus sp. (Rosa.) 3 Gymnadenia conopsea (Orchida.) 2 Dianthus carthusianorum (Caryophy.) 2 Dianthus carthusianorum (Caryophy.) 5 Vincetoxicum hirundinaria (Ascle.) I Buddleja davidii (Buddleja.) 1 Silène dioica (Caryophy.) I Arabis glabra (Crucifer.) 1 Arabis hirsuta (Crucifer.) I Dentaria heptaphylla (Crucifer.) I Globularia punctata (Globularia.) I Geranium roberlianum (Gerania.) 1 Geranium sylvaticum (Gerania.) 1 Ranunculus bulbosus (Ranuncula.) 1 Leguminosae Onobrychis viciifoiia 3 Vicia sepium 3 Lotus corniculatus 4 Hippocrepis comosa 3 Anthyllis vulneraria 2 Vicia cracca 5 Medicago sativa 3 Trifolium pratense 2 Lotus corniculatus 1 Lotus corniculatus 6 Anthyllis vulneraria 2 Trifolium pratense 4 Lotus corniculatus 2 Medicago sativa 2 Trifolium pratense 8 Lathyrus vernus 1 Onobrychis viciifoiia I Vicia sepium 1 Trifolium pratense 1 Hippocrepis comosa 1 Lotus corniculatus ! Labiatae Origanum vulgare 4 Betonica officinalis 11 Salvia pratensis 4 Origanum vulgare 3 Thymus serpyllum 2 Salvia pratensis 1 Salvia pratensis 3 Ajuga reptans 1 Gal. I. angustifolius 2 Origanum vulgare 2 Acinos arvensis 1 Dipsacaceae Scabiosa columbaria 19 Knautia dipsacifolia 4 Knautia dipsacifolia 7 Scabiosa columbaria 4 Knautia arvensis 3 Scabiosa columbaria 4 Knautia arvensis 11 Scabiosa columbaria 5 Knautia arvensis 2 Knautia dipsacifolia 1 Compositae Cirsium acaule 41 Leontodon hispidus 13 Centaureajacea 4 Cirsium arvense 6 Leontodon hispidus 3 Cirsium arvense 22 Centaureajacea 12 Centaurea scabiosa 9 Leontodon hispidus 5 Senecio jacobaea 5 Cirsium olcraceum 3 Carduus defloratus 5 Centaurea scabiosa 5 Cirsium acaule 2 Centaureajacea 1 Cirsium acaule 1 Leontodon hispidus 1 Onopordum acanthium 1 Papillons C. palaemon 10 E. tages 9 H. comma 96 O. venatus 74 P. alveus 1 S. sertorius 10 T. lineolus 21 T. sylvestris 93 I. podalirius 3 P. apollo 25 P. machaon 17 A. cardamines 13 A. crataegi 2 C. alfacariensis 13 112 7$ ^ J" o 3 a o h —' 'I I.&5 I m m m i n» i in nel SS uò5àì o (N 00 iJ-i -3" Ë Ë î MM! 1« 3 -U ODO U Q, 2 o II 0^ K VI K « e C3 C > IU > ¦ B -£ « "S re S. io Û. S)B &=¦ E 2-3 : 3 «•: Med Trifo vX IS Ih HiS SfS m w-i ^j (N cm — — ^- vo -^- m vo (N Ib-s-J Clinopodium Origanum vul Galeopsis tetr Betonica offic Calamintha sy Acinos arvens Origanum vul Salvia pratens Calamintha sy (n fM m _ ^T (N bû-H m vul i offici ratens arven m vul sylvat 3 o D. ra 3 «¦ Ej-I rt-S S£ OÙ 0'> C DÖO SS Sb= vul flic !& O BOI IUTlU ss §1 sa e li .»s o£ OfS II § -a-a 1!SiIl5, "ÄÄ «**« JIl IJJJ ¦SI OMO (N (N (N E S bin l- «y C S Sjó C in U E g ra j- a, e ss O Ë 3 « « « 3 !irsi 'ren 'ieri D. 3 ;§ E E O 3 - 0\ OO VO (N filili! UD-O-UJ U j D-C J.IÌ.I 1 13 (N (N -- - - ^O « - ©r~so w-i Tf (O I ""T ^ inuncu a.) ~ ???£! anunculus repens (Ra igustrum vulgare (Ole 1 U d D. .S 2 1 i 1 I I • 4 I tljät m IH Ot! «J w?< CL > U sOrniN (N — (N m (N \o^r nse raria 1 K % ni c E SJ 1 I Î I m pr is vu acca ""I 1 8 e E a = S Ì U Ö ta 3 3 s >.° .« J= -J= o-n a I S % (N (N — À C 2 I (N I l OO t I se S ? ? g, Ê & s- S. 8 C E e I E 8 s «3 W) S g 5 3 C 1 I »I ta DU a .1 5 SP I <" ¦•lis \0 _ E E 3 r~> î .2 Sa '-J3 O S O 5 C 3 g c I S 5 I 3 I s et « I§s 8 § I -S U O 8 8 _4> I I § U U "O U >* « *" " !sS'S-iil 5 1 3 g e e 3 B I E O 3 3- 3 J E = ¾¾ 3 EEE O Ë cd 3 ca 3 P 3 CO 3 3 3 « ta 3 3 3 3 5 a cd s h m ent irsi arli S 1 C C I 'Ë O s 1 I O. C O C S Xl 1 Ils ï S C £ si siti OUU U UUUUUO UU UUuJUOUU< U UUUUUUU W û ÄUJUUJlIj £ r*! o m (N o\ «O i ^ S I= ardui ! I I ! (N .1 s 1 ! î 1 U U W) rt « C .s « U U U Ü HJ UU UU _-' _; J s S 114 (N Cj v£> (N (N Tf m vO vO vO vn (N — = — _: 0.2 « u tr à olygon s (Valerian. ? — ium (Umbe s (Valeriana s (ValerianE Ranuncula ; (Ranuncu a (Polygon ;us (Ranun (Caryoph> !„ rassul C itium latifoli na officinali: na officinali: cuius acris ( cuius repens num bistort cuius bulbos us sylvestris num bisto na officina trum vulgar s esp. (Ross album (C o Sedum Q.M « CCQcX Polyg Valeri Ligus Rubu Laser Valeri Valeri Ranu Ranu Polyg Ranu I Diant Ì Trifolium montanum 4 so (N ES (N fj(N - fi ¦* 22 Ov fN Tf Ov VO — Kt _, II Ig are are ialis are E 2 I §g are § S I I E'G = 00 OO oû.5 QO = =00 OO OO .00 = = OO 3 S Si vul vul ffici [RA rpy a SI vul vul vul. rpy rpy vul osa o lia di SË E num ica o E s se E E E " K pg 3 C § 3 s |g 3 C g 3 il 'S 3 11 (O (O C «3 E I. Il « re co EE « 1 .2P OCO .SP >. .2P .SP .5P >. >..« üS iSo Ô 53 O !5 fS ßö O Òo £ iSÖ r*l .2 vOCM (O ss (N — vulg idus inthi 1 fi la osa tus osa idus ariae tus idus ata mabi idus ariae nthemum odon hisp ense m arvense ordum ac£ IMI ense acea cabi flora acea icabi lus deflora urea jacea urea scabi odon hisp io fuchsü ^styles alli; lus deflora urea jacea odon hisp ms person m arvense ori urn can odon hisp ^styles alli; m arv m arv urea s io jac< lus de urea s m arv ureaj urea s lus de ureaj urea s 2 c .2 .E 5 ^B 3 22-g 3 -2 ¦o22 c g c ^2^.2 5 B S 3 O Cirs S£ G CC 'S CCC C C èoê^iëëzôëiz I XS ööMS3 U ÖÖÖ (N Ov Tf o Ov en OO VO O (N o o a os (N m a — r*i ¦3" = 2 * n pio antus C C E (O D. . diami .part he c-albui atalan hyper; circe arcani glycer pamp aethio euryal ligea med Ui meola I_ S a.' UJ < eri (J (J (J ui lu ui ui ui 115 Valeriana montana (Valeriana.) 1 Tilia platyphyllos (Miellat) IO Valeriana officinalis (Valeriana.) I Sedum album (Crassula.) I Lythrum salicaria (Lythra.) 2 Alliaria petiolata (Crucifer.) I Rubus esp. (Rosa.) 1 Geranium sanguineum (Gerania.) 1 Geranium pyrenaicum (Gerania.) 1 Ranunculus acris (Ranuncula.) 1 Ranunculus buibosus (Ranuncula.) I Anthriscus sylvestris (Umbellifer.) 1 Laserpitium siler (Umbellifer.) 1 Veronica spicata (Scrophularia.) 4 Globularia punctata (Globularia.) I Sedum album (Crassula.) 2 Ranunculus aconitifolius (Ranun.) 2 Polygonum bistorta (Polygona.) I Cardamine pratensis (Crucifer.) 1 Cerastium arvense (Caryophyla.) I Trifolium pratense 6 Lotus corniculatus 1 Coronilla varia I Melilotus alba 1 Vicia cracca 1 Anthyllis vulneraria 2 Hippocrepis comosa 1 Lotus corniculatus 1 Onobrychis viciifolia I Hippocrepis comosa 3 Anthyllis vulneraria I Lotus corniculatus 8 Lathyrus pratensis I Trifolium pratense 1 Trifolium repens I Vicia cracca I Hippocrepis comosa 1 Lotus corniculatus 1 Trifolium repens 1 Lotus corniculatus 8 Medicago sativa 2 Betonica officinalis 2 Origanum vulgare 2 Origanum vulgare 2 Origanum vulgare 25 Thymus serpyllum 2 Thymus serpyllum 1 Origanum vulgare 2 Thymus serpyllum I Origanum vulgare 7 Knautia arvensis 2 Scabiosa columbaria 2 Knautia dipsacifolia 2 Knautia arvensis 4 Scabiosa columbaria 3 Knautia dipsacifolia 2 Knautia arvensis 24 Scabiosa columbaria 6 Knautia arvensis 38 Knautia dipsacifolia 12 Scabiosa columbaria 12 Scabiosa columbaria 1 Succisa pratensis 1 Scabiosa columbaria 7 Carduus defloratus 6 Leontodon hispidus 2 Centaureajacea 3 Leontodon hispidus 2 Taraxacum officinale I Centaurea scabiosa 35 Cirsium arvense 30 Centaureajacea 22 Cirsium arvense 7! Centaurea scabiosa 30 Centaurea jacea 29 Cirsium arvense 1 Senecio jacobaea I Eupatorium cannabinum I Leucanthemum vulgare 3 Bellis perennis 1 Aster amellus 1 Inula conyza 1 Centaurea scabiosa 7 Leontodon hispidus 2 Aster amellus 2 L. maera 27 L. megera 18 L. petropolitana 2 M. galathea 148 M.jurtina 290 P. aegeria 2 A. agestis 3 C. argiolus 10 C. minimus 6 C. rubi 5 C. semiargus 13 H. Iucina 9 L. bellargus 13 L. coridon 46 L. helle 5 116 (N — __ i/ifirj (N OO r-i (N ^o (N — m O ,_, --> I? « « (Q « — fc Ì-* i ~1 I Ii II P II 2 £ S  S 5 oa! S 3 Je 3 = 3 3 g 3 a^ fei i g i i i i 'H "St lÎ Ë I Ë Ë Ë •if JJ 5 I 3 J3 S 5 s e& Jl Jl II •a I I E 3 T3 C-O ¦3 I J I I! S**1 m (N 2; «t (N — 3 3 3 I (S B s « S js M 3 3 a 3 a 3 3 2 > a. 3 «.y S .y .H S 3 y O C C c = 'E y i_ O CI O j= O « O M O O Où o OO O Ö ° S U U s £ «1 Vicia Lotu: I 3 O 1 1 II 3 O Ov (N —i - *nN m - ^ ONCI - ¦V - g E- I g la § I E 3 s I S = S) ¦2 % S) = Sc = W :rpy i ! 1 11 1 I & 1 C Ë I1 1 Ë--0 s Ë Ë a S Ë S Ë Ë I g 1 g «« g 1 3 C «i 1 g g E CS g fl — t: M f, E (S I (S M >> .a> >> .OpK S » >> .»F .SP .» |5 Sb É s ë ß (S <§ s ß Ö Ö "" - (N m - « (S 'S S2 JS JS lum ensi I 1 1 3 S s S O U D. ™ es £ rt es 8 O •a O * s ¦s 3 S X) u I I J m -- - COtM T - £ are g QO '•S 'E S 1 «g I .s € Is I 1 S S i 3 J3 " S X) U U H E II I 1 1 1 1 J= ¦A-r •2) ant •Il I •1 I I i 3 = s- H C '.S '-Ë Ë .3 X3Ü « < < a OO m _ OO _ Os O IN (N ITi <*¦> O u-i -s- ¦ 70%) : Origanum vulgare (39 espèces/252 contacts), Scabiosa columbaria (36/299), Cirsium arvense (33/308), Thymus groupe serpyllum (29/113), Centaurea jacea (27/142), Knautia dipsacii- folia (27/195), Centaurea scabiosa (27/206), Knautia arvensis (25/172), Carduus defloratus (23/138), Leontodon hispidus (22/72), Salvia pratensis (20/48), Sedum album (19/53), Trifolium pratense (19/62), Lotus corniculatus (18/67), Medicago sativa (16/92), Ono- pordum acanthium (16/30), Valeriana officinalis (15/58), Leucan- themum vulgare (14/34), Ligustrum vulgare (14/39), Senecio jaco- baea (14/41) 118 — la majorité des papillons diurnes adultes n'exploitent pas les plantes- hôtes de leurs chenilles. Cette constatation peut être corrélée au fait que ces plantes ne sont pas nectarifères (Graminées pour les Satyrinae et certains Hesperiidae ; Rumex sp. pour certains Ly- caenidae et Plantago sp. pour certains Nymphalinae par exemple) ou à un décalage phénologique entre leur période de floraison et la période d'apparition des papillons adultes (un exemple probant d'un tel décalage concerne Eurodryas aurinia dont les adultes apparaissent au début du mois de juin et dont la plante-hôte des chenilles, Succisa pratensis, fleurit au plus tôt à la mi-juillet). Ces deux paramètres ne suffisent toutefois pas pour expliquer le désin- térêt des adultes de certaines espèces de papillons pour les plantes- hôtes de leurs chenilles. En effet, si Satyrium spini, S. ilicis et Lycaena virgaurea, à l'instar de 16 autres espèces de papillons, ont été régulièrement observées sur Sedum album (ce qui prouve que l'Orpin blanc représente une source de nourriture potentielle non négligeable pour les papillons adultes), nous n'avons jamais constaté de relation trophique entre cette plante et les adultes de Parnassius apollo, dont elle est l'unique plante-hôte, et ceci indépendamment de tout problème phénologique. — à l'inverse, certains papillons exploitent régulièrement, voire même systématiquement, les plantes-hôtes de leurs chenilles comme source de nectar. L'exemple le plus probant est fourni, dans les conditions de notre étude, par M. nausithous : sur les 39 contacts constatés, 38 concernaient S. officinalis, l'unique plante-hôte de sa chenille. Ce fait est important, car il lui permet de trouver des ressources énergétiques dans des milieux très pauvres en plantes nectarifères comme nous l'avons constaté dans une quinzaine de stations du Jura neuchâtelois (rives de canaux de drainage en paysage agricole intensif, voir Gonseth, 1992) Les plantes nectarifères, un facteur limitant pour les papillons diurnes ? U est difficile de trouver des arguments appuyant une réponse positive à cette question pour les Lépidoptères diurnes en se fondant uniquement sur l'étude comparative de leur distribution régionale et de leur spectre de plantes nectarifères. En effet, les chenilles de nombreuses espèces se développent sur des plantes sensibles dont la disparition précède ou accompagne souvent celle des principales plantes nectarifères à leur disposition. En outre, de tels arguments ne peuvent être recherchés que pour des espèces de papillons sédentaires, les espèces vagiles étant susceptibles de trouver leur source de nourriture très loin de leur milieu d'origine. Certains éléments, concernant Brenthis ino, tendent toutefois à étayer cette hypothèse. 119 Les chenilles du «Nacré de la Sanguisorbe» (B. ino) exploitent régu- lièrement Filipendula ulmaria, plante relativement commune dans la région considérée (mégaphorbiées, prairies et pâturages humides, dé- pressions fermées, rives de ruisseaux, de canaux et de rivières). Les plantes nectarifères sur lesquelles le papillons a le plus souvent été observé sont Knautia dipsaciifolia et Scabiosa columbaria. Parmi les 35 stations découvertes où Brenthis ino et Filipendula ulmaria coexis- taient 29 (83%) présentaient des peuplements de K. dipsaciifolia ou de S. columbaria et 31 (89%) présentaient des peuplements d'une de ces 2 plantes associées à C. jacea. A l'inverse, sur 26 stations à F. ulmaria potentiellement favorables où B. ino n'a pas été observé, ces valeurs tombent respectivement à 6 (23%) et 8 stations (31%) ; en outre, 1 seul B. ino a été observé sur 21 km de rives de canaux densément pourvues en F. ulmaria mais pratiquement dépourvues de plantes necta- rifères (paysage agricole intensif). Conclusions Nous soulignerons ici certains points qui nous paraissent importants dans une optique générale de protection des espèces de papillons : — si le nombre important de papillons adultes que nous avons observés en train de se nourrir souligne que la recherche et la prise de nectar absorbent une part non négligeable de leur temps d'activité, il est impossible d'affirmer sur ces quelques résultats que le maintien des espèces jurassiennes dans leurs milieux d'origine est tributaire de la présence de plantes nectarifères. Pour B.ino, certains éléments soulignent toutefois que ce facteur pourrait revêtir une certaine importance. — il n'existe aucune corrélation marquée entre l'amplitude du spectre de plantes exploitées par les papillons diurnes et le statut jurassien de ces derniers. Certaines espèces banales exploitent, selon nos résul- tats, un nombre relativement limité de plantes nectarifères (Coeno- nympha pamphïlus par ex.) alors que certaines espèces rares ou menacées dans la région (Mellicta athalia, Boloria aquilonaris) sont au contraire relativement éclectiques — la plupart des plantes exploitées régulièrement par les papillons diurnes, bien qu'encore assez répandues dans la région (plantes de milieux maigres à mésotrophes), sont exclues, à de rares exception près (Medicago sauva, Trifolium pratense, Cirsium arvense par ex.), des milieux agricoles intensifs. En outre certaines de ces plantes sont activement éliminées (herbicides ou arrachage périodique) des pâturages ou prairies où elles végètent encore (Onopordum acan- thium, Cirsium sp.) 120 Remerciements Nous remercions sincèrement le professeur W. Matthey et le Dr. W. Geiger pour le soutien qu'ils nous ont apporté durant toute la durée de notre travail. Bibliographie Bonnier, G., 1914. Flore complète illustrée en couleur de France Suisse et Belgique. I-XII. Neuchâtel, Paris, Bruxelles. Cano, J.M., 1984. Biologia Comparada de Lampides boeticus (L.), Syntarucus pirithous (L.) y Polyommatus icarus (Rott.) (Lep. Lycaenidae). Graellsia 40 : 163-193. Chew, FS., & Robbins, R.K., 1984. Egg-Laying in Butterflies. In R.I. Vane- Wright & RR. Ackery (Eds) : The Biology of Butterflies, pp. 65-80. Courtney, S.P., 1986. The Ecology of Pierid Butterflies : Dynamics and Interactions. Advances in Ecological Research : 51-131. Deysson, G., 1978. Organisation et classification des plantes vasculaires. 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De telles prairies, généralement peu ou pas engraissées et extensivement exploitées, se sont fortement raréfiées en Europe avec l'intensification de l'agriculture, l'abandon progressif de l'exploitation des prés à litière et le drainage des zones humides. Ce papillon est ainsi menacé partout en Europe (Heath 1981), y compris en Suisse (Gonseth 1987) et figure parmi les espèces d'invertébrés incluses dans l'annexe II de la Convention de Berne (que la Suisse a ratifiée). La découverte de stations à Maculinea nausithous dans une région donnée est importante, car elle doit déboucher, ne serait-ce que par respect des engagements pris, sur la définition de mesures efficaces devant assurer le maintien de ses populations. Les résultats présentés sont le reflet partiel d'une étude effectuée dans plus de 700 stations du Jura suisse, canton de Neuchâtel, entre 1984 et 1990 (Gonseth 1991). esquisse biologique Concernant le papillon Maculinea nausithous est une des rares espèces de papillon de la faune suisse dont les chenilles ont un régime alimentaire xénophage (changement brusque de régime alimentaire au sein d'un même stade de développement). 1 Cet article fait partie de la thèse de l'auteur (projet FNRS, 3.269-0.85. Extrait du Bulletin de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles, t. 116, fase. 2, 1993 — 26 — Si, jusqu'à leur troisième mue larvaire, ses chenilles se nourrissent des boutons floraux de Sanguisorba officinalis (régime phyto-spermophage, monophagie stricte), elles terminent leur développement dans une fourmi- lière, aux dépens du couvain de leur hôte: Myrmica laevinodis Nylander ( = Myrmica rubra nomen nudum, voir Kutter 1977, p. 42). A l'inverse d'autres espèces du genre Maculinea, dont le régime alimentaire est iden- tique, plusieurs chenilles de ce papillon peuvent se développer simulta- nément dans la même fourmilière (Thomas 1984, LSPN 1987). Les imagos, sédentaires, forment de petites populations isolées confinées sur des surfaces parfois très réduites. Ils passent la totalité de leur vie aux abords immédiats de leur lieu d'émergence et/ou de ponte. Ils sont nectari- vores et monophages (Thomas 1984, LSPN 1987, Gonseth 1992) et se reposent systématiquement, par mauvais temps par exemple, sur la plante- hôte de leurs chenilles. Cette particularité comportementale facilite d'ailleurs l'étude de leur distribution dans une région donnée. Les adultes éclosent entre la fin du mois de juin et le début du mois d'août selon l'altitude, les mâles quelques jours avant les femelles. Ils peuvent vivre jusqu'à un mois. Leurs milieux de prédilection sont les prairies humides à végétation luxuriante abritant de nombreux nids de leur fourmi-hôte. En Suisse, l'espèce a surtout été signalée au versant nord des Alpes, sur le Plateau et dans le Jura entre 350 et 1000 m d'altitude (max. 1600 m). Malgré les recherches effectuées par de nombreux entomologistes jurassiens, les populations de M. nausithous que nous avons découvertes sont les seules qui ont été signalées dans le Jura central (canton du Jura, Jura bernois et Jura neuchâtelois). Les populations non neuchâteloises les plus proches sont situées sur la rive sud du lac de Neuchâtel (Mulhauser 1991). Concernant Ia fourmi Myrmica laevinodis est une espèce qui se développe essentiellement dans les milieux humides à sol lourd, peu perméable. Elle semble toutefois éviter les zones périodiquement inondées de ses milieux de prédilection (Thomas 1984). Sa fourmilière est souvent creusée dans le sol, de préférence sous une pierre, mais est parfois aménagée dans du bois en voie de décomposition. Ses colonies sont généralement riches en individus et nombreuses. Si elle supporte mal le fauchage régulier des milieux qui l'abritent, leur abandon total se traduit par une régression progressive du nombre de fourmilières (Thomas 1984). M. laevinodis est largement répandue en Suisse jusqu'aux altitudes les plus élevées (Kutter 1977). Concernant la plante-hôte Sanguisorba officinalis est généralement associée aux sols basiques (Hess & Landolt 1970). Bien qu'hygrophile (indicatrice de sols à humidité variable), elle peut toutefois coloniser des milieux à sol relativement sec et est ainsi parfois associée à certaines espèces mésophiles des pelouses maigres (Mesobromion). Elle colonise préférentiellement les prairies à litière (Molinion) et les bas-marais alcalins (Caricion davallianae), mais peut aussi — 27 — se retrouver en contact direct de Mégaphorbiées (Filipendulion) ou dans des pâturages humides légèrement engraissés. Elle ne supporte pas l'amen- dement et l'exploitation intensive des surfaces qui l'abritent (un fauchage régulier et pluriannuel se traduit par la diminution de la taille des plants présents, par une diminution progressive du nombre de pousses florifères, puis par la disparition totale de la plante; cf. THOMAS 1984 notamment). S. officinalis est largement distribuée en Suisse, surtout sur calcaire (Welten 1982) et est relativement fréquente de l'étage collinéen à subalpin (Hess & Landolt 1970). MÉTHODE Les nombres d'imagos indiqués dans le tableau 1 (colonne ind) sont basés sur des comptages directs effectués lors d'un seul passage. Dans les milieux de structure linéaire, ces comptages ont été faits par le biais d'un itinéraire rectiligne; dans les milieux recouvrant une certaine surface, ils ont été effectués par le biais d'un itinéraire en zigzag (10 m d'espacement entre chaque ligne parallèle du parcours). Les milieux inventoriés ayant généra- lement une taille réduite, le temps passé dans chacun d'eux a oscillé entre 15' et 60'. Si les chiffres obtenus par cette méthode d'échantillonnage ne permettent pas d'évaluer l'effectif réel des populations présentes (une méthode de capture/recapture devrait être adoptée pour le faire), ils permettent toutefois une comparaison des différentes stations étudiées. Les visites des milieux potentiels ont été réalisées aussi bien par temps couvert (imagos immobiles sur les inflorescences de la Sanguisorbe) que par beau temps. Le choix des stations a été effectué sur la base des indications fournies par les photos aériennes et par les cartes topographiques (1:25 000) du canton de Neuchâtel. La plupart des milieux cités ont été découverts en août 1988, lors d'une recherche spécifique de Maculinea nausithous. Le maintien des populations découvertes a été confirmé lors de relevés complé- mentaires effectués en 1989 et 1990. Les études autécologiques faites sur cette espèce soulignant son extrême sédentarité, nous avons assimilé à une station chaque milieu abritant 1 ou plusieurs papillons adultes et séparé de son plus proche voisin par une prairie de fauche, une prairie artificielle ou une culture intensive, par un obstacle important (forêt, agglomération), ou par une distance de plus de 100 m. Le nombre de pieds de Sanguisorba officinalis par station a été évalué par comptage de tous les plants fleuris. Les variables suivantes ont été retenues pour décrire les milieux: — localisation géographique, longueur, largeur, pente, altitude et expo- sition — type de végétation dominante — absence ou présence d'une zone tampon avec les milieux voisins — type d'entretien ou d'exploitation déterminé de visu — 28 — CD ro I 204 I 194 I 198 I 207 196 |208* co CO I 210 I202* 1193* I 200 903 | |203* 103 I 195* I 205 I 212 I 209 I 211 (O vi I 336 I 330 I 340 I 329 O) Il61* I parc sppa —»¦ vi —* -4, -* -* ro —* vi —* -* -*¦ —* -* -* —* OO OO -* 4* -* OO 4* co 4* OO O) ¦o __tt _i _1 Q. 350 ose 200 300 300 450 000 SSf ro O 500 400 003 0S3 SZS 325 450 vi Ol OSI Ol O CO O OSO 325 150 375 N) O 675 003 Vl T3 O vi O Ol ¦u CO Vj ro IO ro 4* Nl co IO O co Ol Nl co IO Ol co co CO N) N) ro OO ind co IO co CJl 240 140 vi Ol OZI 003 139 ose OO OO 670 284 1000 096 333 003 165 ro O Ingt s 123 1250 218 O) O) 476 667 639 620 1251 1456 713 2010 1022 2400 1344 598 900 2950 9300 5075 1375 1375 0075 2317 ose 2900 530 rftot SOL 093 280 150 OZL O O 500 O 440 384 1580 420 O O O Igztp _ _, _. Ing IO O Ol 4* Ol vi Ol O ro co co co co vi co O co O) OO OO vi O) N) Nl e» O) Ol ro O so sii co O 250 O) IO 4»- 114 vi Ol IO O Ol vi 417 vi Ol 198 319 307 224 254 300 100 407 724 394 375 009 3ZZ 720 138 333 530 OSS IO O) vi N) co co _4 O O O N) co 4> O) co Ol I/as 0 5.9 2 3.5 4 7.2 7 1.4 1 7.4 6 2.8 3 2.5 8 2.2 4 2.5 4 5.4 co * Nl 4* co ro Nl O) 5 4.5 OO co o i/hmC vi O co 4^ 00 O) CO O Nl Ol vi co O SOL 166 222 228 231 516 959 Ol 120 PSo S 0.57 0.01 2.2 0.6 0.8 0.4 0.6 0.2 1.4 0.8 0.7 0.7 N) 3.2 0.06 0.5 0.25 0.04 _^ 0.87 IO O O Ol _i O Ci 13 CO Vl co Ol Ol Ol O -* O O -L ro OO O O O _^ N) _l ztpd vi 00 Ol -*¦ O O O -* O co vi Ol co O _. CO CJl co vi Ol vi vi OO Ol O) N) IO ro A co O) g Irgd IO VI vi 4». ro co co O) N) 00 Ol N) -*¦ ¦&. talus phu canal m canal i canal s canal m IBUBO canal s canal m canal s canal s canal s canal s canal m canal s canal s phu phu ! pâthu pfhu pfhu pâthu pâthu talus talus talus Milieu f 9 cult. pâtp. cult. I pfau. cult. cana cult. pfau. cult. cult. phu. pfau. pâtp. fi pfau. I pâtp. cult. pfau. I pâtp. pâtp. route route < route cult. pare cult. cult. ! cult. O pâtp. cult. pfau. pâtp. cult. I pfau. cult. for. pfau. canal canal I canal I pâtp. cult. pâtp. pâtp. s ri O en O O O S O Ol O O IO CO O O Ol O co O £ Ol O CJl O 100 O O O O O vi IO OO vi Ol O CO O O NI O O O O O O O - O ro ro O Ol co O O CO cf O Ol O O g 100 00 co 100 00 co O co 00 O g co vi O C4% C5 O O O O O O O O O O O co O O £ O O O -2— O O) O O O N) Nl il O O g -29- TABLEAU 1 parc = numéro de la station; les stations avec astérisque sont considérées comme isolées sppap = nombre total d'espèces de papillons observées dans la station dmsp = distance (m) à la plus proche station principale ind = nombre de papillons observés lngt = longueur totale (m) du canal/talus srftot = surface totale de la station lgzp = longueur (m) de zone tampon (2 rives confondues) lngso = longueur (m) des tronçons à S. officinalis (2 rives confondues) srfsso = surface (m2) avec S. officinalis i/a = nombre de papillons par are avec S. officinalis i/hmC = par hectomètre de canal PSo = nombre de pieds de S. officinalis répertoriés So/m2 = par m2 ztpg = longueur (m) de la zone tampon, rive gauche ztpd = de la rive droite lrgg = largeur de la rive gauche lrgd = de la rive droite Milieu = pâthil = pâturage humide; pfhu = pré de fauche humide; phu = prairie humide; canal s = partie supérieure d'un canal; m = partie centrale d'un canal; i = partie inférieure d'un canal MV1/MV2 = Milieux voisins; chem = chemin; pâtp = pâturage permanent; pfau = prairie de fauche; cuit. = culture intensive; for = massif boisé C1-C5 = catégories de rive (voir fig. I) en % de la longueur des rives (= 2x lngt) X% = rive de nature différente à l'une ou l'autre des catégories définies. MILIEUX INVENTORIÉS ET DISTRIBUTION DE L'ESPÈCE Compte tenu des premières observations faites sur cette espèce (2 talus et un canal de drainage), 83 km de rives de cours d'eau et 74 milieux humides répartis entre 430 et 1100 m d'altitude sur l'ensemble du canton ont été inventoriés entre 1986 et 1990. Maculinea nausithous a été observé sur 5 km de rives (dont 1,7 km présentent des peuplements denses de S. officinalis) et dans 10 milieux humides. La totalité des 27 stations découvertes sont réparties dans une région géographiquement limitée. Elles sont confinées dans 18 carrés kilo- métriques (surface cantonale : 796 km2) et la moyenne de la distance entre les plus proches stations prises 2 à 2 est de 425 m (écart type: 486 m; cf. tableau 1). En outre, la distance séparant les 2 stations les plus éloignées est d'environ 8 km. Nous avons postulé que la découverte d'un seul papillon dans un milieu donné (station secondaire) était due à la présence fortuite d'un individu issu de populations voisines plus importantes (stations principales). Les distances moyenne, minimale et maximale séparant les stations secondaires et principales les plus proches étant respectivement de 325, 200 et 450 m, de rares adultes pourraient s'éloigner de plus de 400 m de leur lieu d'émer- gence. Ces observations peuvent être comparées avec celles de Thomas (1984), qui a constaté que des milieux potentiellement favorables situés à environ 350 m de milieux effectivement colonisés n'étaient pas exploités — 30 — par l'espèce. Si, sur la base de ces faits, une distance de 400 m peut être considérée comme critique dans les échanges entre populations de M. nausi- thous, 8 stations découvertes dans le canton de Neuchâtel abriteraient des populations isolées. Comparés aux seules informations disponibles concernant la distribution ancienne de cette espèce dans le Jura (de ROUGEMONT 1904), ces premiers résultats sont assez intéressants. Au début de ce siècle, M. nausithous était dite «...rare chez nous... Bienne (Robert), Yverdon, Dombresson (Rougemont) et même Chasserai (Couleru)...». A l'échelle cantonale, cette situation ne semble pas s'être beaucoup modifiée depuis lors. Cette consta- tation souligne l'extrême sédentarité et le faible pouvoir de dispersion du papillon. COMPARAISON DE LA DISTRIBUTION DU PAPILLON ET DE CELLE DE SA PLANTE-HÔTE Nous n'avons pas la prétention d'avoir découvert la totalité des stations neuchâteloises abritant S. officinalis lors de notre étude. Toutefois, une comparaison de la distribution géographique de la plante, telle que nous pouvons la déduire de nos observations de terrain, avec celle du papillon apporte les éléments suivants: — les 58 stations à S. officinalis qui ont été répertoriées sont disséminées sur la plus grande partie du territoire cantonal (littoral excepté) entre 615 et 1405 m d'altitude — les 2 stations les plus éloignées où la plante se développe sont distantes de 47 km — 20 km séparent en moyenne les 41 stations à 5. officinalis qui n'abritent pas M. nausithous du centre de la région où il a été découvert (écart type 7.8 km, min. 8 km) — la majorité des 41 stations à S. officinalis qui n'abritent pas M. nausi- thous sont séparées de la région abritant le papillon par des chaînes de montagne culminant à plus de 1300 m. Ces éléments permettent de souligner les faits suivants: — il n'y a aucune corrélation entre les distributions géographiques du papillon et de sa plante-hôte (malgré les rares informations en notre possession, il est possible de supposer, sur la base des connaissances générales rassemblées sur l'espèce, qu'il n'existe pas de corrélation non plus entre la distribution géographique du papillon et celle de sa fourmi-hôte) — compte tenu de l'éthologie du papillon, les populations neuchâteloises de M. nausithous, prises dans leur ensemble, peuvent être considérées comme isolées — compte tenu de la structure topographique de la région et de la distance séparant les stations qui abritent M. nausithous des autres biotopes potentiellement favorables du canton, les chances d'une augmentation de l'aire de distribution régionale de l'espèce sont extrêmement limitées. — 31 — TYPES DE MILIEUX COLONISÉS Le tableau 1 fournit des indications sur la nature et la structure des milieux qui abritent M. nausithous. Pour assurer la protection des popula- tions présentes (cette espèce est activement recherchée dans des buts commerciaux), ce tableau ne contient par contre aucune information géographique précise, les différentes stations étant identifiées par un simple numéro2. M. nausithous a été découvert dans 4 types de milieux différents : prairies humides (Molinion) peu ou pas exploitées (3 stations); pâturages et/ou prés à fauche à résurgences (6 stations); talus de route ou de limite de cultures (4 stations); rives de cours d'eau (14 stations). Prairies humides Parmi les 3 stations concernées, la station 212 est celle qui correspond le mieux au milieu originel de M. nausithous. Elle présente une végétation très diversifiée, où alternent des éléments caractéristiques du Molinion (Molinia coerulea, Sanguisorba officinalis), du Mesobromion (Onobrychis viciifolia, Ajuga genevensis, Plantago media, Centaurea scabiosa, Helianthemum nummularium, Ranunculus bulbosus) et des prairies fleuries extensives {Lotus corniculatus, Knautia arvensis, Thymus gr. serpyllum, Sanguisorba minor par ex.). Cette diversité floristique est due à la présence d'une résur- gence d'eau, assurant par endroits une forte humidité superficielle, à son exploitation très épisodique (fauchage) et à sa position topographique parti- culière (rupture de pente). Son peuplement lépidoptérologique est assez riche. Il comprend 18 espèces dont les plus intéressantes sont: Carteroce- phaluspalaemon, Erynnis tages, Callophrys rubi et Melanargia galathea [une vérification effectuée sur le terrain en 1990 nous a permis de constater que des essais de drainage avaient été faits dans cette station ! ]. Les stations 204 et 205, situées dans une réserve naturelle, ont une végétation beaucoup plus pauvre en espèces, dominée par Molinia coerulea et par des peuplements denses de Phragmites communis. Elles sont caractérisées par une densité extrêmement faible de S. officinalis et par la pauvreté de leur peuplement lépidoptérologique respectif (7 et 9 espèces). A côté de quelques individus de M. nausithous, nous soulignerons toutefois la présence de Brenthis ino dans les 2 stations. Prairies de fauches et pâturages humides Les 6 stations concernées sont exploitées assez intensivement (pâture ou 2 coupes annuelles). La station 197, la moins humide, est la seule qui n'est pas amendée. Les pieds de 5. officinalis y sont relativement nombreux, mais chétifs (fauchage régulier). Toutes les autres stations, très pentues, présentent localement des résurgences d'eau garantes d'une forte humidité 2 Les données précises sont toutefois à la disposition des instances publiques ou privées de protection de la nature et peuvent être obtenues à la demande auprès du CSCF. -32- Photo 1 : station 340. Pâturage à groupements hygrophiles. superficielle. Ces zones humides, recouvertes de groupements à Juncussp., Molinia coerulea, Filipendula ulmaria, S. officinalis et parfois Phalaris arun- dinacea, représentent les seules surfaces floristiquement intéressantes dans des stations où les plantes caractéristiques des pâturages et prés gras dominent. Si leurs peuplements lépidoptérologiques sont ainsi relativement pauvres (12 espèces en moyenne), deux d'entre elles (330, 340) abritent toutefois des populations stables et assez importantes de M. nausithous. Notons que les stations 209, 211, 330, 336 et 340 (photo 1) abritent avec les stations 212 et 329 un ensemble de populations de cette espèce dont l'éloi- gnement moyen (inf. à 400 m) n'exclut pas certains échanges d'individus adultes. Talus Les 4 stations regroupées sous cette dénomination sont toutes très diffé- rentes. La station 161 présente la flore la plus originale. En effet, ce talus routier très humide abrite notamment Molinia coerulea, Sanguisorba offici- nalis et Pinguicula vulgaris. Il subit un fauchage printanier et une pâture automnale au moins, ce qui explique l'absence de toute autre espèce de Rhopalocère que M. nausithous [une vérification effectuée sur le terrain en 1992 nous a permis de constater que ce milieu s'était fortement dégradé depuis 1989 sous l'effet d'un changement d'affectation des milieux voisins (prairie de fauche = => culture céréalière); M. nausithous est toutefois encore présente]. La station 6 est un talus de chemin, partiellement re- — 33 — modelé, et colonisé par une végétation où des espèces de pelouses humides ou d'ourlets mésophiles (S. officinalis, Valeriana officinalis, Trifolium medium, Heracleum sphondyllium) alternent avec des espèces caractéris- tiques de friches ou de pelouses sèches (Anthylis vulneraria, Hippocrepis comosa, Thymus gr. serpyllum, Scabiosa columbaria, Sanguisorba minor notamment). Fauché très épisodiquement, ce talus abrite un peuplement lépidoptérologique aussi diversifié que la station 212: 18 espèces dont Brin- tesia circe, Lycaena hippothoe, Erynnis tages, Spialia sertorius et Melanargia galathea. Le talus 329 sépare un pâturage permanent et une culture intensive de céréales. Sa végétation reflète sa situation, sa flore étant dominée par des espèces caractéristiques de milieux eutrophisés (Ranunculus acris, Fili- pendula ulmaria, Epilobium hirsutum, Galeopsis tetrahit, Polygonum bistorta notamment). De nombreux pieds de S. officinalis, très vigoureux, s'y développent toutefois. A notre connaissance, ce talus n'est qu'excep- tionnellement fauché. Le talus 192 est pris entre une route secondaire et une prairie artificielle et est bordé d'un fossé fortement colonisé par Filipendula ulmaria. Il est fauché au minimum 1 fois par année. Canaux de drainage La moitié (14/27) des stations à M. nausithous qui ont été découvertes sont des rives de canaux dont les caractéristiques principales sont rassem- blées dans le tableau 1. Nous nous bornerons ainsi à souligner ici leurs points communs et leurs différences principales (par catégorie). Points communs: — ces canaux rectilignes sont généralement bordés de cultures intensives (prairies artificielles, pâturages permanents ou prairies artificielles) — à l'exception de tronçons très limités, leurs rives et leur fonds ne sont ni empierrés, ni bétonnés — en été, la plupart de ces canaux sont à sec ou n'ont qu'un très faible écou- lement superficiel — leur largeur (d'une rive à l'autre) n'excède que rarement 3 m (fond: 0.6-1 m) — la pente des rives oscille entre 45° et 60° et leur largeur moyenne n'excède pas 2 m. Différences: Nous avons réparti les tronçons de rives de canaux inventoriés en 5 caté- gories (fig. I) sur la base de leur composition floristique. Les différences principales de l'ensemble des stations découvertes sont les suivantes: — longueur de chaque station (voir plus haut la définition donnée à ce terme) — proportion relative (en % de leur longueur totale) des 5 catégories de rives définies — présence ou absence de zones tampons entre les rives et les milieux agri- coles voisins — densité de pieds de S. officinalis — nature et type d'entretien des milieux voisins — 34 — FIGURE 1 : SCHEMAS DES STRUCTURES DE RIVES INVENTORIEES Rive à Molinie 1 9% de la longueur totale des rives à Maculinea nausithous 43% du nombre total de pieds de Sanguisorba officinalis inventoriés Rive à Filipendule et Molinie 25% de la longueur totale des rives à Maculinea nausithous 25% du nombre total de pieds de Sanguisorba officinalis inventoriés Rive à Filipendule, banquette à Molinie 8% de la longueur totale des rives à Maculinea nausithous 16% du nombre total de pieds de Sanguisorba officinalis inventoriés Rive à Filipendule et Ortie 45% de la longueur totale des rives à Maculinea nausithous 10% du nombre total de pieds de Sanguisorba officinalis inventoriés Rive à Graminées (et Molinie) 12% de la longueur totale des rives à Maculinea nausithous 5% du nombre de pieds de Sanguisorba officinalis inventoriés — 35 — Nous avons tenté de trouver une corrélation entre la présence du papillon et la plupart des variables susmentionnées. Parmi les variables testées, la présence de 5. officinalis est bien entendu le premier facteur limitant pour le papillon. En effet, sur les 83 km de rives inventoriées, nous n'avons jamais trouvé M. nausithous le long de tronçons où cette plante était absente. L'interprétation de nos résultats par le biais des autres variables retenues est plus difficile. Il n'existe en effet aucune corrélation significative entre le nombre de papillons inventoriés par stations et l'une ou l'autre de ces variables prises isolément: il n'existe pas de corrélation significative entre le nombre de papillons observés et la densité de pieds de S. officinalis (tab. I : PSO, SO/m2, Ind, I/hmC pour les stations 195 et 208) [ce qui confirme les résultats de Thomas (1984)], ou avec la seule présence de zone tampon (tab.l : Igzp pour les stations 193, 200, 203). Les 3 stations les plus longues, 201, 203 et 200 (longueur moyenne 876 m), présentent toutefois un nombre moyen d'individus (21) proche du double du nombre moyen d'individus (9) de l'ensemble des autres stations (longueur moyenne 221 m). En outre, pour ces mêmes stations, la longueur moyenne de tronçon de rive favorable (avec S. officinalis) est dans un rapport de 2 à 1 (246 et 102 m). Ces constatations impliquent que plusieurs variables agissent en synergie et/ou que d'autres variables entrent en ligne de compte. Le tableau 1 permet de mettre en évidence les faits suivants pour les 10 stations dites principales: — 3 stations sur 10 (195, 206, 193) présentent une proportion très impor- tante ( > 75 %) de structure de rive très favorable (catégories 1 et 2). Or la station 195 (photo 2) est bordée par un pâturage permanent sur sa rive droite, la station 206 est bordée d'une zone tampon sur environ 70% de sa longueur et la station 193 est uniquement bordée de prés à fauche — 2 stations (201, 200) sur les 7 restantes ont une proportion importante (40-50%) de rive favorable (catégories 2 et 3). Or elles sont toutes bor- dées d'une zone tampon sur plus de 40% de leur longueur FIGURE 1 j0g$z_ Molinia coerulea |||||[||[ autres Graminées Sanguisorba officinalis ^™^^- Eutrophisation Filipendula ulmaria — 36 — Photo 2: station 195. Canal dont la rive droite, bordée d'un pâturage permanent, est essentiel- lement colonisée par Molinia coerulea et S. officinalis (catégorie 1 de la fig. I). — 3 stations (203, 202, 208) sur les 5 restantes présentent une structure de rive moins favorable (catégorie 4), mais sont bordées d'une zone tampon sur plus de 50°/o de leur longueur — la station 210 présente une structure de rive identique aux 3 précédentes, mais est bordée par un pâturage permanent sur environ 50% de sa longueur — les 7 individus répertoriés dans la station 199 l'ont été dans le 5.50Io de rive de catégorie 1. Cette station est bordée de cultures intensives et ne présente aucune zone tampon. Il existe ainsi un lien entre la catégorie de rive rencontrée, la présence de zones tampon, la nature et le type d'exploitation des milieux voisins et la présence de S. officinalis. En effet, sur la base de l'ensemble des informa- tions obtenues, il est possible d'esquisser un schéma «évolutif» de la structure des rives en fonction des agressions qu'elles subissent (cette «évolution» se traduisant, sur la figure 1, par la diminution de la densité de pieds de la Grande Sanguisorbe par catégories de rives décrites): — la catégorie 1 représente la structure de rive idéale, épargnée, par la présence de zone tampon ou par l'exploitation particulière des milieux voisins (pâturage, pré de fauche), de l'arrivée massive d'engrais chi- miques ou de pesticides par épandage direct — la catégorie 2 représente le premier niveau de dégradation de la rive due à l'apport de fertilisants par les eaux de ruissellement. Cette eutrophi- sation de la partie inférieure de la rive est marquée par l'implantation de la Filipendule (voire dans les cas aigus par celle d' Urtica dioica). Cette — 37 — structure de rive ne peut se maintenir que si l'épandage direct de fertili- sants par voie terrestre est limitée (zone tampon, ou exploitation particu- lière des milieux voisins) — la catégorie 3 représente le second niveau de dégradation de la rive due à l'effet synergique de l'apport de fertilisants des eaux du canal et le pouvoir concurrentiel de la Filipendule. Les zones favorables à la Grande Sanguisorbe sont reléguées sur la banquette de la rive et ne peuvent se maintenir que si elles sont isolées (zone tampon, exploitation particulière des milieux voisins) de l'épandage direct d'engrais — la catégorie 4 représente le troisième niveau de dégradation de la rive, où les zones particulièrement favorables à la Grande Sanguisorbe ont disparu (action directe par voie terrestre et/ou aquatique), cette dernière se maintenant tant bien que mal entre les pieds de la Filipendule. Ce maintien est favorisé si l'épandage direct de fertilisants par voie terrestre est limité (zone tampon ou exploitation particulière des milieux voisins) — l'ultime niveau de dégradation de la rive (structure globale identique à la catégorie 4) est atteint à partir du moment où la Grande Sanguisorbe a disparu sous l'action croisée de l'apport direct de fertilisants et de la concurrence de la Filipendule et de l'Ortie. Cette structure de rive repré- sente l'écrasante majorité des 83 km de rives de canaux étudiés. La catégorie 5 de la figure 1 représente un cas particulier dû à la pâture ou au fauchage d'une rive déjà passablement eutrophisée. CONCLUSIONS Certains points développés dans les paragraphes précédents méritent d'être relevés pour déterminer le statut actuel et pour tenter d'assurer l'avenir des populations de M. nausithous dans notre région: — le canton de Neuchâtel abrite les seules stations à Maculinea nausithous actuellement connues dans le Jura central. Des mesures de protection devant assurer leur maintien doivent donc être impérativement prises — l'extrême sédentarité de l'espèce a deux implications directes. 1) une augmentation de son aire de distribution régionale est très hypothétique; 2) compte tenu de l'isolement presque total de plus de 25% des stations découvertes, toute nouvelle disparition de stations abritant l'espèce serait irrémédiable — le maintien de la plante-hôte (et probablement aussi de la fourmi-hôte) de l'espèce est favorisé par la présence d'une zone tampon de 2 à 3 m de large entre les rives de canaux proprement dites et les milieux exploités qui les bordent. Les zones tampons encore présentes aujourd'hui doivent donc être impérativement préservées. Une alternative à la création de zones tampons le long des canaux qui en sont dépourvus serait l'interdiction d'épandage d'engrais à moins de 5 m de leurs rives — l'aménagement des rives des canaux doit tenir compte des particularités comportementales de l'espèce. Comme le papillon hésite à franchir des obstacles importants, tout reboisement devrait être proscrit le long des canaux où ses populations sont les plus denses. En outre, pour ne pas — 38 — limiter les chances d'une éventuelle recolonisation de milieux favorables, le reboisement des canaux où il est absent ne devrait être effectué que sur une seule rive et sur des tronçons relativement courts — les pâturages, les prairies, les talus et les rives qui abritent encore l'espèce devraient faire l'objet d'un entretien qui tient compte de sa biologie particulière. Les périodes cruciales de la vie du papillon sont la période d'émergence des adultes, nectarivores, et la courte période de régime phyto-spermophage des chenilles. Le fauchage et dans une moindre mesure la pâture des milieux colonisés doivent donc être proscrits entre les mois de mai et d'août afin de laisser le temps à la Grande Sanguisorbe de pousser et de fleurir avant l'émergence des adultes, la ponte et la nutrition des premiers stades larvaires. Un fauchage printanier (mars/avril) ou automnal (à partir de septembre) des surfaces est donc possible. Il ne devrait toutefois pas être effectué plus d'une fois par année. Dans les pâturages, les surfaces colonisées ne seront pas drainées (!). En outre, les milieux qui actuellement déjà ne sont plus exploités devraient être mis sous réserve et être entretenus de manière à contre- carrer leur embuissonnement. — comme nous ne possédons aucune donnée sur la répartition et la densité des nids de Myrmica laevinodis dans les stations qui abritent Maculinea nausithous, il serait impératif d'étudier ce facteur afin d'optimiser les mesures de protection que nous venons de décrire. Remerciements Je tiens à remercier Monsieur le Professeur W. Matthey et le Dr W. Geiger pour leur aide dans la réalisation de ce travail et pour la lecture attentive de ce manuscrit. Je remercie en outre Christian Lavorel qui a effectué un second passage dans une partie des stations signalées dans cet article et qui m'a fourni ses propres résultats. Résumé L'auteur décrit les principaux types de milieux abritant Maculinea nausithous (Bergstr.) dans le Jura suisse (canton de Neuchâtel). Il souligne certains facteurs pouvant influencer sa distribution régionale et propose certaines mesures devant assurer la protection de cette espèce menacée. Summary The author describes the main biotopes of Maculinea nausithous (Bergstr.) in the Swiss Jura (canton of Neuchâtel). He outlines some factors which can influence its regional distribution and proposes some measures to protect this threatened species. — 39 — Zusammenfassung Der Autor beschreibt die hauptsächlichen Lebensräume von Maculinea nau- sithous (Bergstr.) des Schweizer Juras (Kanton Neuenburg). Er hebt einige Fak- toren, die seine regionale Verbreitung beeinflussen, hervor und schlägt einige Mass- nahmen vor, um diese gefährdete Art zu schützen. BIBLIOGRAPHIE GONSETH, Y. — (1987). Atlas de distribution des papillons diurnes de Suisse. Doc. faun. heìv. 5 (version française), 242 pp., et 6 (version allemande), 242 pp. GONSETH, Y. — (1991). La faune des Rhopalocères (Lepidoptera) du Jura neuchâ- telois, un reflet partiel de la faune lépidoptérologique jurassienne. Bull. Soc. neu- châtel. Sci. Nat. 114:31-41. GONSETH, Y. — (1992). Relations observées entre Lépidoptères diurnes (Lepi- doptera Rhopalocera) adultes et plantes nectarifères dans le Jura occidental. Nota Lepidopterologica 15: 106-122. 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The statistical analysis emphasized that among the environmental variables studied, floristical rich- ness, maximal and mean width of buffer zones that divide them from the adjacent agricultural fields, have a significant influence on the butterfly populations. On the other hand diversity and structure of their shrubby and arborescent layers only have a weak effect on the described communities. Keywords : Rhopalocera; forest skirts; Swiss Jura; species composition; environmental variables. INTRODUCTION Quelques 43 espèces de papillons diurnes, sur les 118 que compte la faune du Jura neuchâtelois (Gonseth, 1991), sont potentiellement liées aux milieux buisson- neux, aux lisières, aux clairières et aux forêts puisque leurs chenilles se nourrissent aux dépens d'arbres, d'arbustes ou de plantes herbacées qui y croissent (Quercusia quercus sur Quercus sp.; Iphiclides podalirius, Thecla betulae sur Prunus spinosa; Argynnis paphia, Fabriciana adippe sur Viola sp.; LSPN, 1987). Toutefois, comme le soulignent de nombreux travaux (Weidemann, 1986 par ex.), la présence des plantes-hôtes des chenilles de la plupart des espèces de Rhopalocères dans un milieu donné n'est qu'une condition parmi d'autres pour assurer leur développement et leur maintien. Leur distribution régionale ne recouvre ainsi que partiellement celle des plantes qu'ils exploitent. Le but de ce travail était de définir la structure et la composition floristique des lisières et des cordons boisés du Jura neuchâtelois compatibles avec la présence d'un maximum d'espèces de Rhopalocères et ceci indépendamment de la qualité de leurs milieux adjacents. Le choix des stations qui a été effectué est fortement influencé par le but recherché, puisque les lisières et les cordons boisés étudiés sont pratiquement tous bordés de cultures intensives, de pâturages ou de prairies grasses. MÉTHODES Les chiffres présentés dans le tab. I sont basés sur un comptage direct des papillons adultes observés le long des lisières ou des cordons boisés retenus. Quatre passages ont été réalisés dans chacun d'eux entre les mois d'avril et de septembre, et ceci toujours par beau temps. Ces milieux étant de structure linéaire les indivi- dus rencontrés ont été comptés en effectuant un itinéraire rectiligne. Le temps passé 1 Cet article fait partie de la thèse de l'auteur (FNRS No 3.269-0.85) 159 Y. GONSETH Tab. 1 : Nombre d'espèces par station (TWINSPAN, par catégorie d'abondance) Numéros des stations Espèces_____ 123311131123 2233333331223333333334 12233233312333 2243344234434444 486632433352944102227958900123344448998990095865968298821904651394434 167817073807579850363552347222813488018690971068151123911499520575634 P.aegeria Q.quercus E.ligea L.Camilla S .w-album G.rhamni P.c-album C.argiolus T.betulae P.napi O.venatus A.cardamines A.paphia L.sinapis C.palaemon C.rubi C.arcania B.circe C.euphrosyne M. jurtina P.rapae P.brassicae A.hyperantus P.icarus L.megera A.urticae I. io C.pamphilus T.sylvestris P .machaon L.tityrus L.maera C.hyale M.galathea S.sertorius M.aglaja L. hippothoe H.comma B. ino M.athalia E .medusa H.lucina C.semiargus L.coridon T.lineolus E.tages C.glycerion M.arion A.agestis V.atalanta C.cardui I.lathonia L.phlaeas C.crocea .......1.11. .1111111..1..112.111.11........1... 1.111................. ..........11.1.1111.2..1.1..1..1..2...11..11.1111.21121---1......... ............................................11.........2.221____1..2. ___11...11.212..........1.1..................1---1..11..........11. ........1111.121......1.1..........1.11___1.......1................. ............1121......1............1.. Ill..........11.1.............. ...1.........11..1.............................1..................... ..1..1.2..31.3231322212432122413212111.21..2311222321.13..11121112323 ..........1.211..1...111..11.1..1___1..11.21211..13................. ___11.1.1... 121. 111... 11..2..1.......11----1..1...1...2............. ..........221.1..1...1.1.....................1........12.1.1......... ...............1..........1..............1.........1................. .1___ .1..1. .1. ..........2.3333112222.2222213112..122222211.113133412231213. 1111.212122.2322.11.1.231..1.21.1.1212212..11..122221.11..... .........1222222.2111.1121.112.11___1..1......212221.12..... . . .1.........2.211..1.1..1. ..32.2.............31.323.......1. ..........1. .122..1.11..............1..11. ..1. .11122.12...... ..........22.222112221. .1.......................11.2.......1. ..........11112.....IX.........................1.11.1........ ........122.2221____1.1.1...........1. .1. .1............1.1.. . .............1.............1____1.......1........11------1..... ...............1...................11...1.....21.1211......1. ...............................1........ .........................111222......... ...13321 ..1..... .......1 ......2. 1...... .1.111. .....1...111..1. ____1... .1..211. . .1 .11 .121323111. .....1..... ...11. .1.11. ____1. ____1. ____2. .31 .1. .1. .2. .1. .1...1.....111. .1____1. .........1..23......... .1........2.1....... ____1.........1.1.1. .................1.. 160 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES LISIÈRES FORESTIÈRES dans chaque station à chaque passage a oscillé entre 15 et 45 minutes. Si les chiffres obtenus par cette méthode d'échantillonnage ne permettent pas d'évaluer l'effectif réel des populations présentes (une méthode de capture/recapture devrait être adop- tée pour le faire), ils permettent toutefois une comparaison des différents milieux inventoriés. Les variables suivantes ont été retenues pour décrire chaque lisière ou cordon boisé: - localisation géographique, position topographique, exposition; - longueur effective; - largeur des zones tampons les séparant des milieux adjacents évaluée par pointages effectués tous les 2 à 5 m; - composition floristique et "taux d'occupation" des strates arbustive et arbo- rescente évalués par pointages effectués tous les 2 à 5 m en tenant compte de la pré- sence de buissons, d'arbustes ou d'arbres appartenant aux classes de hauteur sui- vantes : 1 de 0 à Im; 2 de 1 à 2m; 3 de 2 à 4m; 4 de 4 à 8 m; 5 de 8 à 16 m; 6 de plus de 16 m. Les résultats obtenus permettent de déduire la structure générale de la lisière ainsi que la fréquence relative des essences observées (en % du nombre total de pointages effectués); - type de milieux voisins. Un inventaire qualitatif partiel (sans graminées ni cypéracées) des plantes her- bacées a en outre été dressé lors des 4 passages effectués au cours de la saison pour inventorier les papillons. Ces relevés permettent de définir la composition floris- tique des groupements herbacés au contact du manteau arbustif de chaque lisière ou cordon boisé retenu. Les relevés fauniques et floristiques effectués dans chaque milieu ont été ordonnés par l'intermédiaire du programme TWINSPAN, Two way indicators spe- cies analysis (Hill, 1979). Le tri effectué pour les Papillons a défini l'ordre d'appa- rition de chacun d'eux dans les tabi. 1 & 2. Pour compléter les résultats de cette première analyse, des calculs de corréla- tion ont en outre été réalisés entre la plupart des valeurs semi-quantitatives obte- nues sur le terrain (valeurs prises par les différentes variables environnementales retenues, nombre d'individus et d'espèces inventoriés par ex.). RÉSULTATS Approche faunique globale 54 espèces de Rhopalocères, soit 48% de la faune régionale, ont été observées au moins une fois le long des 69 lisières ou cordons boisés étudiés. Parmi ces 54 espèces, 3 sont menacées à l'échelle nationale (Coenonympha arcatila, C. glyce- rion, Brlntesla circe) et 7 sont menacées à l'échelle jurassienne (Callophrys rubi, Brenthis Ino, Melllcta athalia, Hamearls lucina, Lysandra corldon, Macullnea arion, Arida agestls) d'après la Liste rouge des Lépidoptères diurnes de Suisse (Gonseth, sous presse). Le pourcentage d'espèces de chaque groupe écologique représenté parmi les 54 espèces observées est le suivant: espèces forestières (9,2%); espèces des lisières, des clairières et des milieux buissonneux (24,1%); espèces des milieux ouverts extensifs (31,5%); espèces peu exigeantes des milieux ouverts (25,9%), espèces migratrices (9,3%). Comme le révèle le tab. I, la fréquence des différentes espèces de papillons recensées est très faible (14,4% en moyenne). Seules 3 espèces (Pieris napi, 161 Y. GONSETH Tab. 2: caractéristiques des milieux étudiés. NO: numéro de relevé; ALT: altitude; EXPO: exposition; site de Shanon (papillons); NlP: indice de diversité de Hill (papillons); SPB: nombre d'espèces de (buissons); SPF: nombre d'espèces de fleurs; LNG: longueur de la lisière; LRG: largeur et MAX: lar- degré d'occupation des strates basses (buissons de moins de 2m de haut) en % du nombre de poin- N° COMMUNE ALT EXPO Str. arborescente Strate arbustive Strate herbacée 141 Colombier 433 O Inexistante Hb. Berberidion relictuelle 286 Bevaix 530 SE Chênaie Manteau xerophile relictuelle 367 Lignières 830 SE Inexistante Cb. Noisetier prairie grasse 368 Lignières 825 SE Inexistante Cb. xerophile prairie grasse 131 Boudry 434 NO Frêne Manteau xerophile prairie grasse 127 Boudry 430 NO Frêne Manteau xerophile prairie 140 Colombier 434 O Forêt alluviale Lacunaire ourlet nitrophile 337 Boudevilliers 750 SE Frêne Cb. Noisetier ourlet nitrophile 133 Colombier 435 NO Inexistante Cb. xerophile prairie grasse 138 Colombier 431 S/E Erable Bourdaine relictuelle 250 Cornaux 510 SE Chênaie Manteau xerophile ourlet xerophile 327 Montmollin 810 SE Chênaie mixte Manteau xerophile prairie grasse 95 Vaumarcus 520 NO/SO Erable Cornouiller sanguin prairie 247 Landeron 490 SE/S Chênaie Manteau xerophile ourlet xerophile 249 Cressier 490 SE/S Chênaie Manteau xerophile ourlet xerophile 318 Montmollin 710 SE Chênaie mixte Manteau xerophile prairie 305 Landeron 760 E/S/O Chênaie Manteau xerophile prairie grasse 320 Montmollin 730 SE Chênaie Manteau xerophile ourlet xerophile 323 Montmollin 790 S Chênaie mixte Manteau xerophile prairie grasse 326 Montmollin 810 SE Hêtraie Inexistante prairie grasse 373 Lignières 800 SO Chênaie mixte Manteau xerophile prairie grasse 395 Vilars-Saules 1075 SO Hêtraie mixte Manteau xerophile prairie 155 Cressier 433 SO Pin, bouleau Cb. Noisetier, saule ourlet nitrophile 282 Bevaix 480 E Chênaie Noisetier prairie 293 Gorgier 480 O Hêtraie Inexistante prairie grasse 304 Landeron 785 E/N/O Chênaie Manteau xerophile prairie grasse 307 Cressier 740 SO/NO Chênaie mixte Manteau xerophile prairie grasse 312 Enges 770 SE Frêne, Chêne Noisetier ruderale 322 Montmollin 830 S Hêtraie mixte Lacunaire prairie grasse 332 Boudevilliers 780 SE/SO Frêne Manteau xerophile prairie grasse 338 Boudevilliers 760 O/SO Frêne, tremble Noisetier prairie grasse 341 Boudevilliers 723 SE Hêtraie dégradée Noisetier ourlet nitrophile 343 Boudevilliers 710 SO Chêne, érable Hm. Manteau xerophile prairie 344 Boudevilliers 720 SO Chênaie mixte Manteau xerophile 448 Gorgier 525 SE Chênaie Manteau xerophile relictuelle 88 Vaumarcus 480 NE Erables Inexistante ourlet nitrophile 90 Vaumarcus 500 NE Chênaie mixte Lacunaire prairie 91 Vaumarcus 510 SE Chênaie mixte Manteau xerophile prairie 188 Colombier 470 O/SO Chênaie Manteau xerophile ourlet xerophile 296 Gorgier 520 SO Chênaie mixte Cornouiller sanguin prairie grasse 299 Bevaix 545 S/SE Hêtraie Manteau xerophile prairie 300 Bevaix 540 S Chênaie Cornouiller sanguin 309 Enges 780 NE/SE Chênaie Manteau xerophile ourlet nitrophile 297 Bevaix 530 NO Hêtraie mixte Lacunaire prairie grasse 351 Dombresson 740 S Hêtraie Manteau xerophile prairie 380 Landeron 855 SE Pessière Manteau xerophile prairie 366 Lignières 840 SE Frêne Hm. Manteau xerophile prairie grasse 158 Landeron 775 SE Chênaie Manteau xerophile prairie 291 Gorgier 480 E Chênaie Manteau xerophile prairie 365 Lignières 830 SE Hêtraie Manteau xerophile pelouse maigre 381 Lignières 870 NO Tremble Noisetier prairie 321 Montmollin 770 S/SE Chênaie enrésinée Manteau xerophile pelouse maigre 92 Vaumarcus 560 NE Chênaie Noisetier prairie 283 Bevaix 500 SE Chênaie mixte Manteau xerophile prairie 289 Gorgier 505 E/SE Chênaie Manteau xerophile prairie maigre 421 Buttes 955 S/SO Hêtraie sapinière Noisetier, Viorne prairie 311 Enges 790 SE Chênaie mixte Noisetier Inexistante 394 Vilars-Saules 1090 NO/O Hêtraie sapinière Noisetier hêtraie 409 Chaumont 1145 SE Inexistante Hm. Noisetier, Viorne prairie grasse 449 Landeron 770 SE/SO Chênaie enrésinée Lacunaire prairie maigre 265 Marin 440 SO Forêt alluviale Bourdaine Phragmitaie 352 Dombresson 770 S Hêtraie Inexistante pâturage gras 410 Chaumont 1140 SO Inexistante Cb. Erable, Noisetier prairie grasse 435 Rochefort 1165 SE Hêtraie Noisetier prairie grasse 397 Vilars-Saules 1090 NO Inexistante Cb. Noisetier prairie grasse 445 Bayards 1025 O Inexistante Cb. Noisetier, Frêne prairie grasse 446 Bayards 1045 O Inexistante Cb. Noisetier, Frêne prairie 433 Rochefort 1170 SE Hêtraie Noisetier prairie maigre 444 Bayards 1010 S/E/O Inexistante Cb. Noisetier, Prunier prairie 162 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES LISIÈRES FORESTIÈRES MVl: milieu voisin; SP: nombre d'espèces de papillons; Nl: nombre d'imagos; SHP: indice de diver- buissons de la lisière; SHB: indice de diversité de Shanon (buissons); NlB: indice de diversité de Hill geur maximale de la zone tampon herbacée; NBL: nombre de pointages effectués par lisière; SLl 2: tages effectués; HB: Haie basse; CB: Cordon boisé MVl NI SP SHP NlP SPB SHB NlB SPF LNG LRG MAX NBL SL12 Chemin 1 1 0 9 1.8 6.1 0 220 0 0 22 50 Culture int. 2 2 0.7 12 2.1 8.1 6 170 0 0 18 53 Chemin 3 3 0.7 4 1.2 3.4 17 82 0 0 11 14 Prairie pât. 4 3 0.6 1.9 10 2 7.4 5 125 0 0 22 39 Culture int. 4 2 0 17 220 0.5 0.5 32 55 Prairie 11 5 0.9 2.6 21 2.8 16 44 180 0 0 32 61 Route 3 2 0.6 1.9 26 270 3 3 20 10 Pâturage 9 4 1.2 3.4 12 1.9 7 14 480 0 0 49 3.1 Culture int. 4 3 1 2.8 18 2.4 11 16 120 0.5 0.5 33 79 Gazon 16 8 1.8 6.1 9 2.1 7.8 4 100 0 0 20 0 Chemin 58 20 2.6 14 23 2.7 14 50 920 5 7 79 73 Route 17 8 1.9 6.6 23 2.7 15 15 300 0.5 0.5 27 69 Verger 37 10 2.1 7.9 20 2.6 13 44 192 1 1 49 54 Vignes 82 23 2.7 14 17 2.3 10 61 490 3 25 96 67 Vignes 87 22 2.8 16 18 2.4 10 68 790 4 10 129 56 Culture int. 49 17 2.4 11 17 2.6 13 40 210 0.5 7 30 33 Culture int. 7 6 1.8 5.7 17 2.5 13 25 320 0.5 0.5 33 56 Culture int. 29 14 2.1 8.4 23 2.8 16 45 245 0 3 49 42 Pâturage 24 9 1.9 7 18 2.6 14 19 230 0 0 24 52 Pâturage 15 6 1.6 5.2 6 1.4 4.1 12 110 0 0 12 0 Culture int. 27 10 2.1 8.1 21 2.7 15 36 260 3 3 27 63 Pâturage 11 7 1.9 6.3 13 2.4 11 25 167 0 0 18 50 Ruisseau 20 10 2.1 8.2 10 2.2 8.9 170 5 5 18 5.6 Talus CFF 45 8 1.5 4.5 18 2.4 11 36 290 3 6 30 38 Pâturage 24 8 1.6 5 11 2 7.7 18 230 0 0 24 17 Cultures int. 17 7 1.5 4.6 20 2.6 14 22 480 0.5 0.5 49 55 Prairie 15 6 1.4 4.1 17 2.5 12 12 300 0 0 31 52 Pâturage 25 10 2.1 7.8 8 1.8 6.2 13 110 0 0 12 0 Pâturage 12 4 1 2.7 16 2.4 11 6 320 0.5 1 33 27 Culture int. 61 7 1.5 4.4 22 2.8 17 19 210 0 0 32 36 Prairie 11 6 1.6 5.2 14 2.4 11 18 210 2 2 22 39 Fossé 19 5 1.3 3.5 13 2.2 9.4 13 230 4 5 24 13 Prairie 26 8 1.7 5.7 15 2.5 12 21 100 4 7 25 42 Culture int. 2 2 0.7 15 2.5 12 240 3 3 27 37 Culture int. 12 4 1.1 2.9 12 2.1 8.2 6 280 0 0 29 43 Vigne 11 7 1.9 6.3 12 2.1 8 60 100 0 1 35 17 Culture int. 11 6 1.4 4.1 14 2.4 11 45 450 0 6 35 33 Culture int. 15 6 1.5 4.7 12 2.3 9.5 30 118 2 8 33 41 Vignes 18 8 1.8 5.9 21 2.6 14 22 175 0 1 37 27 Prairie 13 8 2 7 9 1.8 6.3 7 180 0 0 19 29 Prairie pât. 18 9 2 7.1 16 2.5 12 25 210 0 1 22 75 Chemin 7 4 1.2 3.2 10 1.9 7 270 0 1 28 18 Chemin 4 3 1 2.8 16 2.5 12 15 170 0.5 0.5 18 36 Route 14 7 1.7 5.6 14 2.1 8.5 32 280 8 8 29 21 Culture int. 16 6 1.3 3.5 16 2.4 12 25 140 1 1 29 93 Route 11 6 1.5 4.7 18 2.5 12 44 760 0 1 77 50 Route 20 9 1.8 5.9 9 2 7.3 29 64 0 1 15 40 Friche 41 16 2.5 13 17 2.1 8 29 52 6 6 27 91 Vignes 20 9 1.9 6.8 11 2.1 7.8 25 180 1 2 19 63 Prairie 63 15 2.3 9.5 13 2.2 9.1 77 85 3 5 18 67 Friche 65 15 2.5 12 9 2 7.2 60 140 3 15 30 23 Prairie 97 23 2.7 14 17 2.6 13 63 100 5 7 21 69 Vignes 13 11 2.4 11 14 2.3 10 64 132 0 1 34 28 Friche 14 5 1.5 4.4 15 2.4 11 31 290 2 5 30 52 Prairie 19 12 2.4 11 10 2 7.6 17 190 0 0 20 65 Chemin 50 17 2.4 11 12 2 7.7 79 360 3 5 37 24 Prairie 1 1 0 17 2.7 15 4 220 0 0 23 37 Culture int. 11 4 1.1 3.1 17 2.4 1.3 19 240 0.5 0.5 25 48 Prairie 9 4 1.2 3.2 10 1.9 6.7 28 65 0 0 14 36 Prairie pât. 21 9 1.8 6.3 18 2.5 12 21 350 0 0 36 11 Phragmitaie 2 1 0 9 1.9 7 0 145 0 0 30 3.3 Pâturage 5 2 0.5 1.7 15 2.1 8.4 7 115 0 0 36 17 Prairie 3 2 0.6 1.9 5 19 110 0 0 9 0 Prairie 4 3 1 2.8 9 1.8 5.9 6 130 0 0 13 23 Pâturage 6 5 1.6 4.8 11 1.7 5.4 26 130 1 1 27 35 Prairie 23 4 1.1 3 16 2.4 11 28 190 0 0 39 14 Prairie 35 8 1.4 4.1 15 1.4 3.5 64 240 0 0 49 32 Prairie 56 17 2.5 12 7 1.6 4.9 65 240 3 7 25 36 Prairie 28 8 1.5 4.4 20 2.2 9.4 64 905 0 0 24 24 163 Y. GONSETH Maniola jurtina, Pieris rapae) ont une fréquence supérieure à 60% (vues dans plus de 40 stations sur 69) et seules 4 espèces (Pararge aegeria, Quercusia quercus, Ochlodes venatus, Pieris brassicae) ont une fréquence comprise entre 30 et 45%; par contre, 32 espèces ont une fréquence inférieure à 10%. Ces premières informations permettent de souligner les faits suivants: - compte tenu de la petite surface qu'ils représentent, les 69 lisières ou cor- dons boisés étudiés abritent un nombre relativement élevé d'espèces de papillons diurnes, dont certaines sont menacées en Suisse ou dans le Jura. Cette affirmation doit toutefois être pondérée par le fait que seuls 10 lisières ou cordons boisés abri- tent un nombre d'espèces égal ou supérieur à 15 (18,5 en moyenne) et que les 59 autres abritent, pour la plupart, un nombre d'espèces nettement inférieur à 10 (5,7 en moyenne); - seules 18 espèces, parmi les 43 susceptibles de coloniser les forêts, les clai- rières, les lisières et les milieux buissonneux, ont été trouvées le long des lisières et cordons boisés étudiés. Si l'absence de certaines d'entre elles peut s'expliquer par leur rareté régionale et/ou par leurs exigences écologiques très particulières (Lime- nitispopuli, Apatura ilia par ex., voir LSPN, 1987 ou Weidemann, 1988), cette faible proportion d'espèces caractéristiques de l'écotone lisière dans les stations étudiées souligne que la présence des plantes-hôtes de leurs chenilles, même en forte den- sité, ne suffit pas pour assurer la leur; - l'hétérogéniéité des relevés lépidoptérologiques établis, indice de la varia- bilité des conditions qui régnent le long des milieux étudiés, est révélée par les fré- quences extrêmement faibles de la majorité des espèces observées et par le carac- tère apparemment aléatoire de leur présence dans les divers peuplements décrits; - la majorité des espèces rencontrées, notamment dans les milieux les plus riches, sont des espèces de milieux ouverts, souvent compagnes des prairies grasses ou des cultures mais aussi parfois caractéristiques des friches et des prairies maigres de qualité. Ce dernier fait est intéressant car il souligne que les lisières ou les cor- dons boisés peuvent représenter des milieux refuges pour des espèces qui tendent à disparaître des surfaces agricoles les plus intensives. Tri des relevés lépidoptérologiques et floristiques (TWINSPAN) Le tri des relevés faunistiques établi grâce à TWINSPAN a été effectué en tenant compte de toutes les espèces de papillons rencontrées, migratrices exceptées (Collas crocea, Cynthia cardai, Issoria lathonia, Vanessa atalanta). Les catégories d'abondance suivantes ont été retenues 1: 1-2 ind.; 2: 3-8 ind.; 3: 9-17 ind.; 4: 18- 35 ind.; 5: >35 ind. La limite inférieure de séparation d'un groupe de relevés a été fixée à 5. La figure 1 résume les résultats de cette analyse. Les tendances suivantes se dessinent: - la plupart des relevés effectués à moins et à plus de 900 m. d'altitude se sépa- rent au premier niveau de division. Cette différence est exprimée par la présence soutenue de Quercusia quercus dans les stations de basse altitude, présence elle même corrélée à celle du chêne; soulignons que cette corrélation est forte dans le Jura neuchâtelois puisque Quercusia quercus, papillon pourtant discret, a été observé dans 68 des 96 stations visitées qui abritent cet arbre; - parmi les relevés à "tendance collinéenne", les plus pauvres, qui ne présen- tent que quelques espèces rudérales ou forestières banales, se séparent au second niveau de division de l'ensemble des autres relevés établis. Parmi ces derniers, ceux qui présentent une tendance forestière se divisent en deux groupes distincts: le pre- 164 LEPIDOPTERES DIURNES DES LISIERES FORESTIERES 69 objets Quercusia quercus tendance chênaie peu d'espèces (3.3 en moyenne) quelques rudérales Erebia ligea tendance montagnarde Quercusia quercus plus d'espèces tendance forestière qq.espèces forestières tendance forestière 16 espèces en moyenne prairiale 7 espèces en moyenne tendance prairiale tendance nitrophile tendance maigre 141 131 250 305 155 88 297 366 421 265 433 286 127 327 320 282 90 351 158 311 352 444 367 140 95 323 293 91 380 291 394 410 368 337 247 326 304 188 365 409 435 133 249 373 307 296 381 449 397 138 318 395 312 322 332 338 341 343 344 448 299 300 309 321 92 283 289 445 446 Fig. 1: tri des relevés lépidoptérologiques (TW1NSPAN) mier est relativement pauvre en espèces, toutes banales; le second nettement plus diversifié. Or celui-ci rassemble trois relevés effectués en bordure de vignes (247, 249, 250), le long de lisières bien structurées présentant de larges zones tampons (pelouses maigres, ourlet thermophile). Ce fait est intéressant car il souligne que les traitements des vignes peuvent être compatibles avec le maintien d'une faune lépi- doptérologique assez riche (22 espèces en moyenne) dans les milieux qui les bor- dent. Cette constatation doit toutefois être pondérée par le fait que la majorité des espèces observées le long de ces lisières sont relativement communes et que les quelques espèces intéressantes observées n'y sont représentées que par un très petit nombre d'individus; - parmi les relevés à tendance montagnarde, ceux présentant quelques espèces forestières se séparent au second niveau de division de ceux qui en sont dépourvus. La plupart des cordons boisés étudiés sont rassemblés dans ce second groupe de relevés ce qui exprime bien la seule influence qu'ils subissent, celle des milieux ouverts qui les bordent. Une analyse similaire a été effectuée pour les relevés floristiques établis. Pour les buissons, les arbustes et les arbres des strates arbustives et arborescentes les caté- gories de fréquence suivantes ont été retenues: 1:0 à 10%; 2: lia 25%; 3: 26 à 50%; 165 Y. GONSETH tendance sèche 66 objets tendance humide, forêt alluviale tendance collinéenne forêts mésophiles Fraxinus Ulmus tendance montagnarde Corylus avellana dominant Berberidion Prunus spinosa Cornus sanguinea Quercus sp. qq.espèces du Berberidion Quercus Crataegus Corylus Salix Populus tremula forte tendance montagnarde 96 282 91 92 299 337 322 367 138 127 283 158 188 305 338 332 394 155 141 286 247 297 307 365 341 395 265 88 291 250 304 323 381 344 397 90 300 368 3OS 327 352 409 296 448 311 351 449 421 312 318 32C 321 343 366 38C 373 444 445 446 410 433 435 326 Fig. 2: strates arbustives et arborescentes (TWINSPAN) tendance maigre 64 objets tendance nitrophile ourlet thermophile prairie maigre absence d'ourlet prairies et pâturages gras ou mésophiles cultures prairies grasses tendance montagnarde tendance collinéenne tendance forestière Hêtraie 188 391 421 91 92 88 133 293 247 395 433 351 95 140 138 304 249 397 444 366 320 250 311 326 289 409 445 90 323 131 312 338 291 410 446 158 343 322 367 305 435 299 368 448 309 321 373 286 318 365 297 332 327 380 307 381 — 449 127 283 296 341 337 352 282 Fig. 3: strate herbacée (TWINSPAN) 166 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES LISIÈRES FORESTIÈRES 4:51 à 75%; 5:76 à 100%. Pour les relevés qualitatifs de la strate herbacée, cette ana- lyse a été faite en ne tenant compte que de la présence/absence des espèces. Les figs 2 & 3 résument très schématiquement les tendances que ces analyses révèlent. La comparaison des résultats obtenus par ces 2 dernières analyses fait ressor- tir les points suivants: - il existe une forte inadéquation entre la qualité stucturale et floristique du manteau arbustif des lisières et cordons boisés étudiés et la nature de la strate her- bacée qui les borde. Sur 28 lisières ou cordons boisés riches en espèces caractéris- tiques du manteau xéro-thermophile (Berberidion) et dont la strate arbustive est bien structurée (taux d'occupation des buissons bas supérieur à 33%), seuls 4 d'entre eux présentent un ourlet de qualité (Geranion sanguinei). Sur les 24 restants, 11 pré- sentent un "ourlet" à tendance nitrophile et 13 ne présentent aucun ourlet; - les lisières ou cordons boisés qui présentent un manteau arbustif très lacu- naire (taux d'occupation des buissons bas compris entre 15 et 33%) ou quasi inexis- tant (taux d'occupation des buissons bas inférieur à 15%), sont bordés par une végé- tation dont la qualité est tributaire du type d'exploitation des milieux voisins et de l'altitude: flore ruderale et nitrophile aux abords des cultures intensives; flore des prairies grasses ou mésophiles collinéennes ou montagnardes aux abords des prai- ries de fauche ou des pâturages. Corrélations Afin de compléter les résultats obtenus par les analyses sus-mentionnées, cer- taines valeurs quantitatives du tab. 2 ont été comparées entre elles. Les résultats ainsi obtenus sont rassemblés dans le tab. 3. Si certaines corrélations sont évidentes (nombre de papillons adultes observés et nombre d'espèces de papillons recensées; longueur de lisière et nombre de poin- tages descriptifs effectués), certains faits intéressants ressortent de ce tableau: - les nombres d'imagos et d'espèces de papillons observés sont très signifi- cativement corrélés à la largeur maximale de la zone tampon herbacée qui sépare les lisières ou les cordons boisés étudiés des milieux agricoles qui les bordent; ces mêmes valeurs sont aussi corrélées à sa largeur moyenne, mais de manière moins significative; - les nombres d'imagos et d'espèces de papillons liés aux milieux de transi- tion (milieux buissonneux, lisières, clairières), considérés seuls, sont significative- ment corrélés à la largeur maximale de la zone tampon herbacée qui sépare les lisières ou les cordons boisés étudiés des milieux agricoles voisins; - les nombres d'imagos et d'espèces de papillons observés ne sont pas corré- lés à la structure (taux d'occupation des buissons des classes de hauteur retenues) ou à la diversité floristique de la strate arbustive (nombre d'essences recensées) des lisières ou des cordons boisés étudiés; - les nombres d'imagos et d'espèces de papillons observés sont très signifi- cativement corrélés au nombre d'espèces de plantes à fleurs recensées le long des lisières ou des cordons boisés; - le nombre d'espèces de plantes à fleurs recensées est significativement cor- rélé à la largeur maximale de la zone tampon qui sépare les lisières ou les cordons boisés étudiés des milieux agricoles voisins; - les nombres d'imagos et d'espèces de papillons, ainsi que les nombre d'espèces de plantes à fleurs observés ne sont pas corrélés à la longueur des lisières ou des cordons boisés étudiés; 167 Y. GONSETH Tab. 3: Corrélations. N: nombre d'échantillons (de pointages); R2: coefficient de corrélation; Nb.: nombre; spp.: espèces; ind.: papillons adultes; indices de diversité d'après Ludwig & Reynolds, 1988. Valeurs comparées N R2 % Résultat Nb. ssp. papillons / taux d'occupation buissons de 1 à 2m 69 0.059 >5% non significatif Nb. ssp. papillons / taux d'occupation buissons de O à 2m 69 0.106 >5% non significatif Nb. ssp. papillons / taux d'occupation buissons de O à Im 69 0.121 >5% non significatif Nb. ssp. papillons / nb. ssp. fleurs 66 0.508 <0.1 % significatif Nb. ssp. papillons / nb. ssp. buissons 67 0.058 >5% non significatif Nb. ssp. papillons / nb. ind. 69 0.808 <0.1 % significatif Nb. ssp. papillons / longueur 69 0.079 >5% non significatif Nb. ssp. papillons / largeur zone tampon 69 0.249 <5% significatif Nb. ssp. papillons / largeur maximale zone tampon 69 0.441 <0.1 % significatif Nb. ssp. papillons milieux de trans. / largeur max. zone tampon 69 0.263 <5% significatif Nb. ssp. fleurs / taux d'occupation buissons de O à 2m 66 0.04 >5% non significatif Nb. ssp. fleurs / longueur 66 0.112 >5% non significatif Nb. ssp. fleurs / largeur maximale zone tampon 66 0.281 <5% significatif Nb. ssp. buissons / taux d'occupation buissons de O à Im 67 0.268 <5 % significatif Nb. ssp. buissons / taux d'occupation buissons de O à 2m 67 0.267 <5% significatif Nb. ssp. buissons / longueur 67 0.203 >5% non significatif Nb. ssp. buissons / largeur maximale zone tampon 67 0.008 >5% non significatif Nb. ind. papillons / nb. ssp. fleurs 66 0.473 <0.1 % significatif Nb. ind. / longueur 69 0.072 >5% non significatif Nb. ind. / largeur zone tampon 69 0.249 <5% significatif Nb. ind. / largeur maximale zone tampon 69 0.455 <0.1 % significatif Nb. ind. milieux de transition / largeur maximale zone tampon 69 0.248 <5% significatif Longueur lisière / nb. pointages lisières 69 0.718 <0.1 % significatif Indice de Shanon papillons / largeur maximale zone tampon 69 0.271 <5% significatif Indice de diversité Nl papillons / largeur zone tampon 69 0.286 <5% significatif Indice de diversité Nl papillons / largeur maximale zone tampon 69 0.398 <0.1 % significatif - enfin, les nombres d'essences arbustives recensées le long des lisières et cor- dons boisés étudiés sont significativement corrélés au taux d'occupation des buis- sons bas. DISCUSSION D'après les résultats qui viennent d'être présentés, il est clair que la richesse de la faune de Rhopalocères et la richesse floristique des strates herbacées, arbus- tives et arborescentes des lisières et cordons boisés étudiés est indépendante de la longueur et donc, dans une certaine mesure, de notre effort de prospection. Ce fait est important car il permet d'éliminer d'emblée cette variable au profit des seules variables environnementales pour expliquer les différences existant entre les peu- plements décrits. La structure spatiale d'une lisière ou d'un cordon boisé (exprimée par les taux d'occupation des différentes classes de hauteurs des arbustes et des arbres présents) est un facteur régulièrement utilisé dans l'évaluation de leur "valeur biologique". Schématiquement, cette valeur serait proportionnelle à la densité et à la diversité de leur manteau arbustif. Nos résultats soulignent toutefois que, dans un paysage agri- 168 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES LISIÈRES FORESTIÈRES cole assez intensif, cette approche structurale n'est pas adaptée à l'évaluation de leur valeur biologique pour les Lépidoptères diurnes. La raison principale en est la suivante: de nombreuses espèces susceptibles de pondre sur des plantes ou des arbustes croissant régulièrement dans ce type de milieux, et ainsi susceptibles d'aug- menter la richesse de leurs peuplements lépidoptérologiques, ne peuvent en réalité se maintenir que dans des macrohabitats de qualité et de structure complexe (alter- nance de pelouses sèches ou mésophiles, de bosquets ou de haies pour des espèces comme Coenonympha arcania, Iphiclides podalirius, Satyrium spini, Satyrium aca- ciae par ex.), comme l'ont d'ailleurs souligné Riecken & Blab (1989). Il n'existe qu'un lien ténu entre la nature, la structure et la qualité respectives des strates herbacée, arbustive et arborescente des lisières étudiées (voir Tab. 2, sta- tions 22, 250, 300, 309, 321, 326, 373 par ex.). Floristiquement, ces trois strates peuvent donc être considérées comme des unités indépendantes dont la nature et l'évolution sont essentiellement tributaires des activités agricoles (strates herbacée et arbustive) ou sylvicoles (strates arborescente et arbustive) des milieux ouverts ou forestiers adjacents. Cette constatation s'applique aussi, ne serait-ce que partielle- ment, à la nature des peuplements lépidoptérologiques décrits: une lisière dont la strate arborescente présente des chênes dominants abritera systématiquement Quer- cusia quercus, et ceci indépendamment de la qualité de ses strates herbacée et arbus- tive (ce fait est lié à la biologie très particulière du papillon qui peut boucler son cycle vital aux abords immédiats de son lieu d'émergence, Weidemann, 1988); une lisière bordée par une zone tampon dont la végétation herbacée est de bonne qua- lité, abritera une faune lépidoptérologique diversifiée, mais atypique (les espèces des milieux ouverts étant dominantes), et ceci indépendamment de la nature et de la structure de ses strates arbustive et arborescente. Notons toutefois que la conjonc- tion strate arborescente, strate arbustive et strate herbacée de qualité se traduit par une bonne qualité des peuplements lépidoptérologiques décrits le long des lisières concernées (indices de diversités élevés et forte présence des espèces caractéris- tiques des milieux buissonneux). La corrélation - présence de zone tampon, qualité de la flore, diversité de peu- plement lépidoptérologique - est bien mise en évidence par les résultats obtenus. Toutefois, ces derniers tendent aussi à prouver que la structure de la zone tampon n'est pas indifférente puisque les corrélations établies sont meilleures avec la variable «largeur maximale» qu'avec la variable "largeur moyenne". Ainsi, une zone tampon régulière mais de faible largeur présente un moindre intérêt pour les Lépi- doptères diurnes (quelque soit le groupe écologique auxquels ils appartiennent) qu'une zone tampon irrégulière, voire même discontinue, mais présentant des tron- çons de largeur importante. Ce fait s'explique aisément: les zones tampons qui bor- dent les lisières sont assimilables à des pelouses relictuelles qui offrent d'autant plus de chances aux papillons et aux plantes caractéristiques des milieux de qualité de se maintenir que leur surface est grande et que l'influence de l'exploitation agricole des milieux voisins est faible. Les peuplements lépidoptérologiques décrits le long des cordons boisés et des haies étudiés ne sont pas corrélés à la qualité de leur structure et à la diversité des essences arbustives et arborescentes qui y croissent. Nous ne tirerons pourtant aucune conclusion définitive quant à la valeur de ces structures paysagères pour les Lépidoptères diurnes car notre échantillonnage n'est pas suffisant: 14 haies et cor- dons boisés situés pour la plupart à moyenne et haute altitude et dont la strate arbus- tive est dominée par Corylus avellana, essence non exploitée par les Lépidoptères diurnes. En outre, le fait d'avoir observé Thecla betulae le long d'une haie dense 169 Y. GONSETH de Prunus spinosa est un premier indice du rôle non négligeable qu'elles peuvent jouer comme milieu refuge pour certaines espèces. Les observations publiées par Lavorel (1988) appuient d'ailleurs cette hypothèse pour les Géomètres (Lep. Geo- metridae). Dans ce contexte, les constatations que nous avons faites sur le terrain sont affligeantes. Si, les haies et les cordons boisés se sont fortement raréfiés dans le canton de Neuchâtel dans le cours des années soixantes (la région des Bayards a perdu plus de 75% de son bocage entre 1958 et 1979), nous devons souligner que malgré les efforts entrepris, les quelques haies ou cordons boisés encore présents subissent régulièrement des attaques dont le but est bien entendu leur élimination. Les exemples suivants illustrent cette affirmation: - septembre 1989: dans un pâturage (!), constatation du passage d'une char- rue sur environ dix mètres de large, à moins de deux mètres de distance et sur toute la longueur d'un cordon boisé bien structuré; des racines de 10 à 15 cm de diamètre jonchent le sol sur toute sa longueur; le but de cette attaque est sans doute d'affai- blir les arbres présents afin de justifier ensuite leur abattage. - septembre 1989: constat du traitement par herbicide puis d'une attaque par le feu de deux haies parallèles et bien structurées de Prunus spinosa, le but de cette attaque est de diminuer leur largeur et d'éclaircir progressivement leur strate arbus- tive. - octobre 1989: constatation de la destruction pure et simple en moins de trois semaines de plus de 400 m de cordons boisés bien structurés (arbustes et arbres) dans un bocage d'altitude. CONCLUSIONS Les résultats que nous avons obtenus nous permettent d'esquisser la structure d'une lisière devant permettre le maintien d'une flore et d'une faune lépidoptéro- logique diversifiées en milieu agricole intensif. La lisière doit présenter des strates arborescentes et arbustives bien structurées (un manteau important est garant d'une forte diversité floristique) et abriter des essences indigènes. La lisière doit être bor- dée d'une strate herbacée de qualité (un ourlet xérothermophile est particulièrement favorable) et la largeur moyenne de la zone tampon qui la sépare des milieux agri- coles voisins doit être égale ou supérieure à 5 mètres. Si la largeur moyenne de la zone tampon est inférieure à cette valeur, des tronçons de largeur égale ou supé- rieure à 7 m sont indispensables. Dans tous les cas de figure, il est impératif que la végétation herbacée de ces zones tampons soit préservée de tout apport direct d'engrais naturels ou chimiques et qu'elle ne subisse en aucun cas plus d'un seul fauchage annuel. L'application systématique de ces recommandations n'assurerait toutefois pas la survie de l'ensemble de la faune lépidoptérologique caractéristique des milieux de transition et des milieux ouverts de qualité, leurs éléments les plus exigeants ne pouvant se maintenir que dans des macrohabitats de qualité, de structure complexe et de grande surface. Elle permettrait cependant la survie de nombreuses espèces qui, si elles sont encore relativement communes aujourd'hui, tendent à disparaître irrémédiablement du paysage agricole moderne. Les quelques recommandations que nous venons de formuler doivent être considérées dans l'esprit des modifications qui viennent d'être apportées à la loi fédérale sur l'agriculture (article 3 Ib, alinéa la) et dont les buts avoués sont le main- tien ou la restauration de la diversité naturelle des milieux agricoles. Très schéma- tiquement, toute mesure visant à restaurer ou à préserver cette diversité naturelle 170 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES LISIÈRES FORESTIÈRES sera soutenue financièrement par la Confédération. Dans ce contexte, l'aménage- ment de zones tampons entre les milieux exploités, les cordons boisés et les lisières forestières qui en sont dépourvus, le maintien et l'entretien adapté de celles qui exis- tent déjà, sont des mesures concrètes, qui d'après nos résultats, répondent parfaite- ment à ces objectifs. REMERCIEMENTS Je tiens à exprimer ma vive reconnaissance au Dr. W. Matthey, au Dr. Willy Geiger et à Jean-Paul Haenni qui ont relu avec attention mon manuscrit. RÉSUMÉ Cet article présente les résultats obtenus lors de l'étude de la faune de Lépidoptères diurnes (Lepidoptera Hesperioidea et Papilionoidea) de 55 lisières forestières et de 14 cordons boisés du Jura Neuchâtelois. Les analyses effectuées démontrent que les variables environnementales les plus impor- tantes qui influencent la richesse et la diversité des peuplements lépidoptérologiques de ces milieux sont la largeur maximale, la richesse floristique et la largeur moyenne des zones tampons qui les sépa- rent des milieux voisins. A l'inverse, la structure et la diversité de leurs strates arbustive et arbores- cente n'ont qu'une faible influence sur les peuplements de Rhopalocères décrits. BIBLIOGRAPHIE Gonseth, Y. 1991. La faune des Rhopalocères (Lepidoptera) du Jura neuchâtelois, un reflet partiel de la faune lépidoptérologique jurassienne. Bull. Soc. neuchât. Sci. Nat. 114: 31-41 Gonseth, Y. sous presse. Liste rouge des Lépidoptères diurnes de Suisse. In: P. Duelli ed.: Rote Liste der gefährdeten Tierarten der Schweiz. Hill, M.O. 1979. TWINSPAN - A Fortran programm for arranging multivariate data in an ordered two-way table by classification of individuals and attributes. Cornell University Ithaca, N.Y., 90 pp. Lavorel, C. 1988. Les Géométrides (Lépidoptères) des haies au Val-de-Travers. Bull. Soc. neuchât. Sci. Nat. Ill : 61-65 LSPN, 1987. Les Papillons de jour et leurs biotopes., Bâle, 512 pp. Ludwig, J.A. & Reynolds, J.F. 1988. Statistical Ecology. A primer on methods and computing. John Wiley and Sons, New York, 337 pp. Riecken, U. & Blab, J. 1989. Biotope der Tiere in Mitteleuropa. Naturschutz Aktuell 7. Kilda-Ver- lag, 123 pp. Weidemann, HJ. 1986. Tagfalter. Band 1. Naturführer, Neumahn-Neudamm, 288 pp. Weidemann, HJ. 1988. Tagfalter. Band 2. Naturführer, Neumann-Neudamm, 372 pp. (reçu le 20 mars 1993; accepté le 19 avril 1993) 171 BUCHBESPRECHUNG Bischof, A. 1991. Tagfalter des Schanfigg, Graubünden (Lepidoptera, Rhopalo- cera). Jahresbericht der Naturforschenden Gesellschaft Graubünden, Band 106, pp. 89-204. Der Autor gibt eine Zusammenfassung über die Ergebnisse seiner umfangreichen Unter- suchungen der Tagfalterfauna während der Jahre 1987 bis 1990 im vielgestaltigen Schanfigg. Erfasst werden das Haupttal der Plessur zwischen Chur und Arosa und die verschiedenen kleineren Seitentä- ler. Im Untersuchungsgebiet findet sich vorwiegend Bündnerschiefer, z.T. aber auch typisch ost- alpines Gesteinsmaterial als Grundlage. Glaziale Einwirkungen und Erosionserscheinungen haben eine vielgestaltige Topographie innerhalb eines verhältnismässig kleinen Raumes von Mittelbünden, zwischen Höhenstufen von 636 m bis 2980 m über Meer, geschaffen. Die Voraussetzungen für die Biotopgestaltung werden durch die sehr unterschiedlichen klimatischen Verhältnisse infolge Nord- bzw. Süd-Exposition der Hänge der Talschaft massgebend beeinflusst. Die Untersuchungen umfassten die Montanstufe, vor allem aber die subalpine und die alpine Höhenstufe. Die nivale Stufe ist hier faktisch nicht präsent. Es sind insgesamt 100 Arten nachgewie- sen worden (5 Papilionidae, 14 Pieridae, 31 Nymphalidae, 28 Satyridae, 22 Lycanidae). A. Bischof weist darauf hin, dass das Vorkommen weiterer 8 Arten, entsprechend Befunden in Nachbartälern, wahrscheinlich ist. Trotz des Mangels an Feuchtgebieten kann die nachgewiesene Tagfalterfauna als relativ reichhaltig bezeichnet werden. Für verschiedene Arten besteht jedoch als Folge menschlicher Einwir- kungen (Überdüngung, Übernutzung usw.) eine gewisse Gefährdung. Diese Arten sind in einer roten Liste zusammengefasst. Seine umfangreichen Untersuchungen wie auch seine graphische Begabung zur Darstellung der Ergebnisse ermöglichen es dem Autor, für viele Arten sehr schöne Übersichten über deren Ver- breitungjahreszeitliche Höhenverbreitung, Phänologie und Temperaturpräferenzen zu geben. Bei ein- zelnen Arten, die nur in geringer Anzahl gefunden werden konnten, beschränken sich die Darstellun- gen auf Fundorte und andere Daten mit nicht zu grossen Streubereichen. Diese Arbeit von A. Bischof gibt einen sehr schönen Überblick über die Tagfalterfauna des Schanfiggs, zusätzlich aber auch wertvolle Anregungen methodischer Art, wie ein umfangreiches Daten-Material übersichtlich und verständlich dargestellt werden kann. J. Florin 172 MITTEILUNGEN DER SCHWEIZERISCHEN ENTOMOLOGISCHEN GESELLSCHAFT BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ENTOMOLOGiQVE SUISSE 66,283-302,1993 Les Lépidoptères diurnes (Lep. Rhopalocera) des clairières et des chemins forestiers du Jura neuchâtelois1 Y. GONSETH CSCF, Terreaux 14, CH-2000 Neuchâtel The butterflies (Lepidoptera Rhopalocera) of forest clearings and paths in the Jura mountains of Neu- châtel. - In the Jura mountains of Neuchâtel (Switzerland) 22 clearings and 39 forest paths have been explored. The statistical analysis emphasized that among the environmental variables studied, floris- tica! richness and altitude have a significant influence on the butterfly populations of the clearings and that the degree of opening in the canopy and floristical richness of the herbaceous stratum have a signi- ficant influence on those of the forest paths. The results also underline that the opened forest habitats are of great importance for the protection of the regional butterfly fauna. Keywords: Rhopalocera, clearings, forest paths, Swiss Jura, species composition, environmental variables. INTRODUCTION En écologie le concept de forêt a une signification très précise. Il regroupe sous une même dénomination toutes les surfaces dont la strate dominante est la strate arborescente. En aménagement du territoire, ce même concept a une signification moins restrictive. Il regroupe en effet toutes les surfaces, ouvertes, semi-ouvertes ou fermées, attribuées au cadastre forestier. Dans la problématique particulière de la protection des espèces et des habitats des Lépidoptères diurnes, ces différences de conception ont une importance fondamentale. Seules 3 espèces, sur les 118 que compte la faune du Jura neuchâtelois (Gon- seth, 1991) sont strictement forestières (cycle vital complet pouvant être effectué en forêt): Limenitis Camilla, Lopinga achine, Pararge aegeria. En étendant la notion d'espèces forestières à des espèces passant l'intégralité de leur vie larvaire et une partie seulement de leur vie adulte en ou aux abords immédiats de la forêt (voir LSPN, 1987), ce nombre passe à 8 espèces, les taxons suivants étant aussi concer- nés: Argynnis paphia, Clossiana euphrosyne, Erebia ligea, E.aethiops (dont cer- taines populations sont toutefois strictement inféodées aux milieux ouverts), Gonep- teryx rhamni. Enfin, ce nombre passe à 17 si les espèces liées aux manteaux fores- tiers y sont adjointes. En définitive, une étude écofaunistique strictement dirigée sur les espèces forestières ne concernerait, au maximum, qu'une vingtaine de Lépido- ptères diurnes. Dans l'étude que nous avons entreprise, nous avons opté pour la définition la plus large possible de la notion de forêt (notion cadastrale) afin de tenter de déga- ger l'importance qu'elle revêt dans le contexte général de la protection des Lépi- doptères diurnes de la région. En d'autres termes, cette étude devait permettre de répondre aux questions suivantes: quelles sont les espèces de Rhopalocères sus- 1 Cet article fait partie de la thèse de l'auteur (projet FNSRS N0 3.269-0.85) 283 Y. GONSETH ceptibles de pénétrer assez profondément en forêt, un habitat qui leur est apparem- ment défavorable, pour coloniser l'ensemble des milieux ouverts, semi-ouverts ou fermés qui sont disponibles, et quelles sont les mesures envisageables pour en assu- rer la protection. LEPIDOPTERES DIURNES ET DOMAINE FORESTIER : DES RELATIONS COMPLEXES Les Lépidoptères diurnes sont incapables d'augmenter significativement leur température corporelle sans un apport externe de chaleur (voir Clench, 1966 notam- ment). Ce fait explique pourquoi leur activité n'est possible qu'après une exposi- tion prolongée aux rayons du soleil (basking) et est limitée, du moins par temps frais, aux journées bien ensoleillées. Cette héliophilie est en apparente contradiction avec la colonisation de milieux appartenant au domaine forestier, la forêt étant un habitat par essence ombragé et en moyenne plus frais que les milieux ouverts qui la bordent. Plusieurs «stratégies» permettent toutefois aux Lépidoptères diurnes de franchir l'obstacle qu'elle repré- sente et parfois même d'y boucler l'intégralité de leur cycle de développement. Les travaux de Davies (1978) et de Shreeve (1984), concernant Pararge aege- ria, permettent de définir la stratégie adoptée par des espèces qui passent la majeure partie de leur vie en forêt et qui exploitent des plantes du sous-bois. Les mâles, ou du moins une partie d'entre eux, sont territoriaux et luttent pour la possession de sites ensoleillés qui leur permettent de s'exposer au soleil et d'emmagasiner ainsi la chaleur indispensable à leur activité. Ces sites représentent en outre autant de lieux de parade nuptiale. Les femelles pondent sous le couvert des arbres sur plu- sieurs espèces de graminées. Quand la température de l'air est fraîche, les papillons (mâles et femelles) se massent en lisière ou en clairière pour prendre leurs bains de soleil; quand elle est plus élevée, ils pénètrent profondément en forêt et utilisent les plus petites trouées de la strate arborescente. Ils se réfugient dans la couronne des arbres pour passer la nuit ou pour surmonter des périodes climatiquement défavo- rables. La vie du papillon est donc axée sur la recherche et l'exploitation de sites forestiers ensoleillés, préalable indispensable à l'exploitation de sites plus ombra- gés (ponte). Les travaux de Vielmetter (1958), effectués sur Argynnis paphia, apportent des conclusions assez similaires pour une espèce qui, si elle passe une grande partie de sa vie imaginale en milieu semi-ouvert ou ouvert, passe l'intégra- lité de sa vie larvaire en forêt (ponte contre des troncs; chenilles se nourrissant sur des violettes du sous-bois). Certaines espèces (Quercusia querem, Satyrium w-album par exemple), qui exploitent des arbres situés en lisières ou en pleine forêt, peuvent couvrir la majo- rité de leurs besoins sans quitter la couronne de leur plante-hôte. Elles s'y nourris- sent (miellat de pucerons par ex.), s'y accouplent et y pondent. Le problème fon- damental auquel les espèces de la canopée sont confrontées n'est pas le manque de soleil, mais bien au contraire le fort ensoleillement potentiel de leur habitat. Ce fait a une influence marquée sur leur comportement (qui rappelle ainsi beaucoup plus celui des espèces des milieux prairiaux que celui des espèces strictement fores- tières): activité limitée à la canopée durant des périodes climatiquement sous-opti- males ou moyennes (le papillon étant alors relativement discret); activité décalée vers le début ou la fin de la journée en période chaude et sèche; repli marqué vers l'intérieur de la forêt en période de forte sécheresse (le papillon pouvant alors se rencontrer en sous-bois ou dans divers milieux semi-ouverts susceptibles de cou- vrir ses besoins en eau; durant de telles périodes le papillon peut donc s'observer 284 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES CLAIRIÈRES ET CHEMINS FORESTIERS beaucoup plus facilement)2. Dans tous les cas toutefois, ces espèces ne se rencon- trent qu'exceptionnellement en dehors du domaine forestier. Ce fait tend à prouver que la canopée représente leur axe de déplacement privilégié pour la (re)colonisa- tion potentielle d'habitats favorables (présentant leur arbre-hôte). Les autres espèces de Rhopalocères «forestiers» sont intimement liées à l'eco- tone lisière (ourlet ou manteau). Elles profitent donc conjointement des conditions très favorables offertes par les milieux prairiaux (bon ensoleillement, abondance de nourriture) et par la forêt (refuge potentiel, lieu de parade nuptiale) comme le révè- lent par exemple les travaux réalisés sur Apatura iris et Apatura ilia (Weidemann, 1986, Ebert & Rennwald, 1991 notamment). La structure et la nature des lisières et des forêts d'une région vont non seulement déterminer leur présence, mais encore canaliser leurs déplacements. Pour ces espèces aussi, forêts et lisières représentent des axes de déplacement privilégiés. Si la forêt ne représente pas un obstacle infranchissable pour les Lépidoptères diurnes (la présence de papillons prairiaux «sédentaires» dans des clairières perdues en pleine forêt en est la preuve), les observations que nous avons faites plaident tou- tefois pour une stratégie de déplacement commune à la plupart des espèces recen- sées dans le domaine forestier: déplacements horizontaux dans les zones ensoleillées (dans les forêts de feuillus de telles zones sont largement dominantes au printemps quand le feuillage est absent ou très jeune); évitement actif des zones les plus ombra- gées; arrivée et/ou départ des zones ensoleillées effectués par la canopée comme nous l'avons régulièrement constaté pour les espèces suivantes: Aglais urticae, Argynnis paphia, Apatura iris, Brintesia circe, Celastrina argiolus, Clossiana euphrosyne, Gonepteryx rhamni, Hipparchia fagi, Inachis io, Iphiclides podalirius, Pieris napi, P. brassicae, Polygonia c-album et Polyommatus icarus. Ces quelques remarques démontrent que l'héliophilie des Lépidoptères diurnes n'est pas incompatible avec la colonisation de milieux appartenant au domaine forestier. MÉTHODE Nous avons assimilé à la notion de «clairière» toutes les surfaces ouvertes ceinturées de forêt ne subissant aucune exploitation agricole. Les chiffres présentés dans le Tab. I sont basés sur un comptage direct des papillons adultes observés le long des chemins forestiers ou dans les clairières étu- diés. Quatre passages ont été réalisés dans chaque station entre les mois d'avril et de septembre, et ceci toujours par beau temps. Les individus rencontrés le long des chemins forestiers ont été comptés en effectuant un itinéraire rectiligne. Dans les clairières, ces comptages ont été effectués par un itinéraire en zig zag (10 m. d'espa- cement entre chaque ligne parallèle du parcours). Le temps passé dans chaque sta- tion à chaque passage a oscillé entre 30 et 90 minutes. Si les chiffres obtenus par cette méthode d'échantillonnage ne permettent pas d'évaluer l'effectif réel des populations présentes (une méthode de capture/recapture devrait être adoptée pour le faire), ils permettent toutefois une comparaison des différents milieux invento- riés. Les variables suivantes ont été retenues pour décrire l'ensemble des sta- tions étudiées: 2 Ces constatations sont le fruit d'une synthèse des informations livrées par divers auteurs (LSPN, 1987; Weidemann, 1986; Ebert & Rennwald, 1991) et de nos propres observations de terrain 285 Y. GONSETH Tab. 1. Espèces par milieu (TWINSPAN) Espèces 24 221134442233424 233 122333433234223224 3333323 141241 1575262277860233 674766045574088789089972794470823558899562633 663176450296821294994227665940579676186832281665370813 6138600 P. machaon P.bryoniae S.sertorius E.euryale C.pamphilus T.lineolus B. ino E.medusa L.hìppothoe A.crataegi C.selene M.parthenoides C.glycerion L.petropolitana M.rebeli M.arion A.agestis E.eumedon T.sylvestris C.semiargus P.dorylas P.malvae L.maera M.aglaja F.adippe icarus minimus apollo meolans megera palaemon H. comma M.galathea H.lucina C.alfacariensis L.coridon E.tages C.arcania B.circe M.athalia H.fagi L.bellargus S. spini I.podalirius L.tityrus P.thersites N.polychloros L.achine T.betulae L.virgaureae L. sinapis E.aeChiops O.venatus paphia rhamni cardamines hyperathus euphrosyne Camilla rubi quercus ligea c-album napi jurtina aegeria w-al bum argiolus iris rapae urticae A G A A C L C Q E P P M P S C A P A I. io V.atalanta C. cardui I.lathonia L.phlaeas P.brassicae A.levana 2--2- 4213- 22--- 5511- 23--- -42--- 32--- 1-2-1- -2 — 1 — 1-4- -22- --2-22-1- -1--1--- -12- 4-12-21---3- 133---21--2- -11-1-1---2- -2--21-1- -1-2- -2---2-22--- 3---2---2- --2-2-- -2---1- -2---2- ---2--- --4-21322-44-1-1--2-1-2- 1-2-1-22-12212-------1- 2---2212-1--I--------- 2---2233522------------ 1---221--------------- -----44312----2---11-- ---11221-----------11- 55312--------1--- 332----------1--- -22- -22-41- -211--- --21--- 222-2 -1 1--11 32-2- --2-2 2-- 11- 221--2--2--2-Il -432--3-22-1-1- 2232-3212-2222- 2322243-2123221 222-1121-----1 111-12122---2 -22223----2-- 2221-1--11--1- -12-1-----32- 22-2--I -222- 1-221222-21222-22111---I----------- 122-23--22232--22--11--I-----2212-- 111-121222212-223-------------2--1- 2--21-222---11---1---1-------22 -1332--1--1---11---1--22---------- 22- -1--- -1--- 243-1 ---1 -33-3 -2-21--I----------------------------2- 22-211-221 -1--1--1--2-2 -22223223223241 221223212---1- 1--21---2--312I -1- 2-232-43-422131--2----11---12-2-; 11-11-112-11 —11---111 —-2---11--2- 1212333225344143-4433333-3212233-22- 11312-21322--1-2-2112222I-------------22- 12--12-124-32--2-2223332211-2133-23; -------------11-1----------11-2----------------------- ---------------------------------------2----------------1- ------------------------------------------1---------------- 11----- 1------ 2111- 5215-3111-12- 2135-4------31- --------2------2 — -112----------32- -1-1- -2 — -1---1-21--11-22-- -1--21-41-2--2------ -----------11-1- —1-1- -------------!___ ---------1------------------ ------1--- -1-11-1- ---------1- -2--221- -2--12-12- -111- ..-1- 286 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES CLAIRIÈRES ET CHEMINS FORESTIERS - localisation géographique, position topographique; - inventaire qualitatif partiel (sans graminées ni cypéracées) des plantes her- bacées, dressé dans la majorité des stations lors des 4 passages effectués au cours de la saison pour inventorier les papillons; - type de la forêt adjacente. Pour les chemins forestiers les variables complémentaires suivantes ont été retenues: - longueur effective; - degré d'ouverture de la canopée de la strate arborescente adjacente évaluée tous les 10 mètres environ. 9 catégories ont été retenues pour exprimer son degré d'ouverture réel par rapport à un degré d'ouverture maximal potentiel de 100% (180°). La première catégorie (0/8) correspondant à une fermeture totale de la cano- pée et la cinquième (4/8) à un degré d'ouverture de 50% (90°) par exemple. - indice global de qualité du milieu (Tab. 3: IG) correspondant à la somme de 4 indices particuliers appliqués au chemin: degré d'ouverture (DO: oscille entre 1, très fermé, et 9 très ouvert) du boisement adjacent; degré d'artificialisa- tion (ART: oscille entre 1, très artificialisé, et 3 semi-naturel à naturel); degré d'homogénéité (HOM: oscille entre 1, très régulier, et 3 très irrégulier => joux- tant des surfaces ouvertes naturelles ou artificielles); degré d'isolement (ISO: varie entre 1, massif forestier isolé de petite surface et 3, massif forestier très impor- tant d'un seul tenant) Pour les clairières les variables complémentaires suivantes ont été retenues: - exposition; ensoleillement théorique; surface effective; - recouvrement effectif des buissons et de roche apparente - composition floristique et «taux d'occupation» des strates arbustive et arbo- rescente des lisières adjacentes évalués par pointages effectués tous les 2 à 5 m en tenant compte de la présence de buissons, d'arbustes ou d'arbres appartenant aux classes de hauteur suivantes: 1 de 0 à Im; 2 de 1 à 2m; 3 de 2 à 4m; 4 de 4 à 8 m; 5 de 8 à 16 m; 6 de plus de 16 m. Les résultats obtenus permettent de déduire la structure générale de la lisière ainsi que la fréquence relative des essences obser- vées (en % du nombre total de pointages effectués) ; Les relevés fauniques effectués dans chaque milieu ont été ordonnés par l'intermédiaire du programme TWINSPAN, Two way indicators species analysis (Hill, 1979). Le tri effectué pour les Papillons a défini l'ordre d'apparition de cha- cun d'eux dans le Tab. I. Pour compléter les résultats de cette première analyse, des calculs de corréla- tion ont été réalisés entre la plupart des valeurs semi-quantitatives obtenues sur le terrain (valeurs prises par les différentes variables environnementales retenues, nombre d'individus et d'espèces inventoriés). APPROCHE FAUNIQUE GLOBALE Pas moins de 78 espèces (66% de la faune régionale !) ont été recensées le long des chemins forestiers et dans les clairières étudiées. Parmi ces espèces, 8 sont menacées à l'échelle nationale (Lopinga achine, Brintesia circe, Hipparchia fagi, Iphiclides podalirius, Coenonympha glycerion, Mellicta parthenoides, Maculinea rebeli, Satyrium spini) et 22 sont menacées à l'échelle régionale d'après Gonseth (sous presse). Note : les résultats présentés se basent uniquement sur les observations faites grâce aux méthodes mentionnées au chapitre précédent. Les données complémen- 287 y. GONSETH taires dont nous disposons (émanant d'autres sources ou rassemblées dans des milieux similaires mais visités une ou deux fois seulement) soulignent que les chiffres qui viennent d'être donnés sont inférieurs à la réalité. D'autres espèces colo- nisent effectivement les milieux ouverts ou semi-ouverts de la forêt neuchâteloise, notamment Satyrium acaciae et Satyrium ilicis qui sont toutes deux menacées à l'échelle nationale. Sur la base des fréquences calculées pour chaque espèce, il est possible d'en isoler 13 qui forment ensemble le peuplement minimal des clairières et des chemins forestiers du Jura neuchâtelois : Pieris napi et Pararge aegeria, très fréquentes (FR > 60%), et leurs compagnes les plus régulières (FR > 30%), Maniola jurtina, Argyn- nis paphia, Ochlodes venatus, Erebia ligea, Gonepteryx rhamni, Anthocharis car- damines, Polygonia c-album, Pieris brassicae, Inachis io, Aglais urticae et Aphan- topus hyperanthus . Ces résultats d'ensemble cachent toutefois certaines différences entre les peu- plements des chemins forestiers d'une part et ceux des clairières d'autre part. Approche faunique globale des chemins forestiers 50 espèces ont été recensées le long des 39 chemins forestiers étudiés. Parmi ces espèces 4 sont menacées à l'échelle nationale et 11 sont menacées à l'échelle régionale. Sur la base des fréquences calculées pour chaque espèce, il est possible d'en isoler 8 qui forment ensemble leur peuplement minimal : Pieris napi et Pararge aegeria (FR > 60%) et leurs compagnes (FR > 30%), Argynnis paphia, Erebia ligea, Maniola jurtina, Ochlodes venatus, Gonepteryx rhamni et Polygonia c-album. Le nombre moyen d'espèces observées le long des chemins forestiers étudiés se monte à 7.7 (min. 1 espèce; max. 25 espèces). Approche faunique globale des clairières 75 espèces ont été recensées dans les 22 clairières étudiées. Parmi ces espèces 7 sont menacées à l'échelle nationale et 22 sont menacées à l'échelle régionale. Sur la base des fréquences calculées pour chaque espèce, il est possible d'en isoler 18 qui forment ensemble leur peuplement minimal: Anthocharis cardamines, Aphan- topus hyperanthus, Argynnis paphia, Gonepteryx rhamni, Maniola jurtina, Ocho- lodes venatus et Pieris napi (FR > 60%) et leurs compagnes (FR > 30%), Aglais urticae, Erebia ligea, Hamearis lucina, Inachis io, Melanargia galathea, Pieris rapae, Polygonia c-album, Clossiana euphrosyne, Lasiommata maera, Lysandra coridon, Pararge aegeria, Pieris brassicae. Le nombre moyen d'espèces observées dans les clairières étudiées se monte à 18 (min. 5 espèces; max 33 espèces). Ces quelques résultats sont un premier indice du rôle fondamental que jouent les clairières et les chemins forestiers pour les Lépidoptères diurnes du canton de Neuchâtel. Toutefois, comme le démontrent les différences parfois importantes qui existent entre les peuplements des stations étudiées, certaines conditions liées à la biologie des Lépidoptères diurnes, en particulier leur pouvoir de pénétration dans le domaine forestier doivent être remplies pour que ce rôle soit effectif. TRI DES RELEVES LEPIDOPTEROLOGIQUES (TWINSPAN) Le tri des relevés fauniques a été effectué en tenant compte de l'ensemble des stations inventoriées (chemins forestiers et clairières) et de toutes les espèces de 288 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES CLAIRIÈRES ET CHEMINS FORESTIERS Tab. 2. Caractéristiques des clairières PARC: numéro de clairière; ALT: altitude; EXPO: exposition; SURF: surface; RBU: recouvrement des buissons (%); RBO: recouvrement des boisés (%; RBT: recouvrement arbustif et arborescent tota; NSP: nombre espèces papillons; NSF: nombre espèces de fleurs; IND: nombre d'imagos observés; NSPV : nombre d'espèces très mobiles; INV: nombre d'imagos appartenant à des espèces très mobiles 289 Y. GONSETH papillons rencontrées exception faites des plus mobiles (Aglais urticae, Cynthia car- diti, Vanessa atalanta, Inachis io, Issoria lathonia, Lycaena phlaeas, Pieris brassi- cae, P.rapae). Les catégories d'abondance suivantes ont été retenues 1: 1-2 ind.; 2: 3-8 ind.; 3: 9-17 ind.; 4: 18-35 ind.; 5: >35 ind. La limite inférieure de séparation d'un groupe de relevés a été fixée à 5 à l'instar du nombre maximum de niveaux de division. LeTab. 1 présente le résultat de ce tri (classement vertical des relevés et horizontal des espèces selon leurs affinités respectives). Il a déterminé l'ordre d'apparition des stations dans les Tab. 2 et 3 qui résument leurs caractéristiques. Tab. 3. Caractéristiques des chemins forestiers PARC: numéro de chemin forestier; LOC: Commune concernée; ALT: altitude; DIR: axe du chemin; LNG: longueur (m); SPP: nb. espèces papillons; SPF: nb. espèces fleurs; IND: nb. imagos; O: degré d'ouverture de la canopée; 025: cumul degrés d'ouverture 2 à 5; IG: indice global de qualité du boi- sement adjacent (voir texte); (x %): pourcentage de conifères PARC LOC ALT DIR LNG SPP SPV SPF IND m OO 01 02 025 IG FORETS ADJACENTES 66 Noiraique 850 E-O 1075 25 4 38 95 32 3 16 45 81 18 Hêtraie, Seslerion (0%) 422 St-Sulpice 870 NE-SO 470 17 1 47 52 1 15 20 37 65 16 Hêtraie enrésinée (55%) 431 Brot-Dessous 940 E-O 970 5 0 20 8 0 60 32 7 8 8 Hêtraie (5%) 269 Landeron 730 NE-SO 1200 12 0 25 58 0 19 42 27 39 12 Chênaie/Hêtraie/Pessière 274 St-Blaise 685 NE-SO 910 11 2 27 8 27 34 17 39 11 Hêtraie enrésinée (35%) 349 Dombresson 830 E-O 850 15 3 51 59 3 16 33 29 51 13 Hêtraie enrésinée (60%) 379 Landeron 880 E-O 300 8 2 17 8 2 21 27 45 52 13 Hêtraie enrésinée (70%) 464 Landeron 610 NE-SO 250 12 0 14 o 31 35 19 34 11 Chênaie (28%) 1262 St. Blaise 510 NE-SO 600 10 0 22 0 58 32 8 10 9 Chênaie (5%) 375 Lignières 885 E-O 740 14 3 37 36 4 53 28 16 19 9 Hêtraie enrésinée (50%) 280 Couvet 860 E-O 1190 16 3 45 124 3 27 26 35 47 12 Hêtraie sapinière (75%) 285 Bevaix 540 N-S 270 6 4 15 48 9 64 25 7 11 8 Hêtraie à chênes 377 Liqnières 918 NE-SO 2200 13 3 29 80 9 27 30 24 43 12 Hêtraie enrésinée (50%) 389 Hauts-Geneveys 1216 NE-SO 1410 9 1 36 37 1 18 36 35 46 11 Hêtraie sapinière 396 Vïlars-Saules 1050 NE-SO 310 7 1 35 17 1 16 12 3 72 15 Hêtraie enrésinée (60%) 407 Buttes 870 NE-SO 900 7 2 33 38 2 20 47 28 33 12 Erablaie (60%) 298 Bevaix 555 NE-SO 1030 6 2 11 28 2 54 39 6 7 8 Chênaie à hêtres (30%) 428 Fretereules 895 NE-SO 1260 8 0 35 27 0 48 38 12 14 9 Hêtraie (3%) 273 Enqes 710 NE-SO 950 7 0 16 27 0 51 26 16 23 10 Chênaie à hêtres (40%) 292 Gorqier 480 N-S 400 6 1 5 31 1 59 25 14 16 8 Hêtraie 342 Boudevilliers 723 E-O 290 5 1 15 22 1 33 16 27 51 9 Hêtraie enrésinée (85%) 248 Landeron 505 E-O 200 13 2 25 28 3 36 23 23 41 13 Chênaie 271 Landeron 545 NO-SE 600 4 0 11 0 57 15 13 28 8 Hêtraie 406 Buttes 840 NE-SO 450 5 0 26 15 0 28 43 15 29 9 Hêtraie sapinière (70%) 86 Chaux-de-Fonds 941 E-O 750 6 2 12 13 2 19 60 20 21 10 Hêtraie, Erablaie (40%) 325 Montmollin 840 NE-SO 470 1 0 5 1 0 75 23 2 2 5 Hêtraie enrésinée (55%) 333 Boudevilliers 780 E-O 170 3 1 9 6 1 41 30 24 29 6 Hêtraie enrésinée (95%) 357 Dombresson 790 N-S 425 2 0 4 0 41 41 18 18 8 Hêtraie enrésinée 350 Dombresson 770 E-O 750 5 0 29 o 42 34 22 24 9 Hêtraie enrésinée 388 Hauts-Geneveys 1150 NE-SO 1310 8 2 30 33 2 18 39 37 43 12 Hêtraie sapinière 281 Bevaix 500 NO-SE 330 1 0 1 0 85 12 3 3 7 Hêtraie 393 Vilars-Saules 1060 NE-SO 580 7 1 18 16 1 46 23 20 31 11 Hêtraie enrésinée (50%) 96 Vaumarcus 460 E-O 220 9 2 5 33 2 48 38 14 14 8 Erablaie humide (5%) 151 Chaux-de-Fonds 1020 N-S 700 3 0 7 0 7 Hêtraie sapinière 463 Landeron 660 N-S 330 5 0 8 0 70 24 6 6 8 Hêtraie enrésinée (55%) 128 Colombier 434 N-S 630 2 0 9 2 0 63 25 8 12 7 Forêt riveraine 266 Marin 440 NE-SO 650 2 0 1 2 0 65 23 7 12 7 Forêt riveraine 430 Brot-Dessous 950 NE-SO 290 1 0 1 1 0 97 3 0 0 7 Hêtraie (3%) 130 Colombier 434 E-O 550 1 1 9 1 _L 50 34 9 16 7 Forêt riveraine 290 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES CLAIRIÈRES ET CHEMINS FORESTIERS La fig. 1 présente les principales tendances qui ressortent de cette analyse. 21 clairières (sur 22) et 16 chemins forestiers (sur 39) apparaissent dans la partie gauche de l'arbre dichotomique. Ces stations sont caractérisées par un peu- plement lépidoptérologique diversifié (15 espèces en moyenne) où les espèces des milieux ouverts et des milieux de transition (lisières) sont bien représentées. A l'inverse, 23 chemins forestiers et une clairière (376) sont associés à la partie droite de l'arbre dichotomique. Ces stations sont caractérisées par un peuplement lépido- ptérologique plus pauvre (5 espèces en moyenne) où les espèces forestières typiques dominent comme le souligne la présence soutenue de Pararge aegeria. 61 STATIONS diversifiées tendance écotonale et prairiale quelques espèces strictement montagnardes plus pauvres tendance forestière quelques espèces strictement collinéennes et ou absence des espèces srictement montagnardes semi- ouvert très ouvert chaud/sec garide pelouse maigre plus fermé et ou mésophile à humide mésophile plus fermée garide voisine hètraie ou chênaie thermophile H.lucina voisine hêtraie sapinière assez ouvert moyenne Lcamilla altitude plus fermé ou altitude élevée fermé quelques sèche espèces plus forestières ouverte typiques O.venatus P.c-album 16 427 66 166 269 402 49 56 24 308 274 47 104 73 25 422 349 256 280 251 270 431 379 356 285 272 432 464 375 377 189 1262 389 396 407 386 391 A.paphia très pauvre très fermé A.cardamine: M.jurtina 298 273 248 406 350 96 128 376 292 271 86 388 151 266 428 342 325 281 463 430 333 393 130 357 Fig. 1. Tri des relevés (TWINSPAN) 291 Y. GONSETH Partie gauche de l'arbre dichotomique Quatre clairières se séparent rapidement des autres stations étudiées. Elles sont caractérisées par la présence régulière ou plus ponctuelle d'espèces strictement montagnardes (Erebia euryale, Pieris bryoniae, Lasiommata petropolitana, Eume- donia eumedon) et d'espèces caractéristiques des milieux ouverts de qualité à plus large amplitude attitudinale. En ce qui concerne ces dernières, les différences entre les relevés établis sont assez fortes et reflètent, du moins partiellement, des diffé- rences évidentes de structure d'habitat: l'observation d'espèces comme Parnassius apollo, Maculinea rebeli ou Erebia meolans est l'indice de la présence d'éboulis ou de vires rocheuses et celle de Brenthis ino, Erebia medusa, Lycaena hippothoe, Coe- nonympha glycerion ou Fabriciana adippe est l'indice d'un couvert végétal continu et plus homogène. La seconde tendance qui émane clairement de l'analyse est l'individualisation des relevés effectués dans les milieux typiques de la garide jurassienne. Ces milieux (427, 66, 24, 25, 270, 272, 189) sont caractérisés par la présence d'espèces des milieux ouverts buissonneux et rocailleux de basse ou de moyenne altitude (Brin- tesia circe, Coenonympha arcania, Hipparchia fagi, Iphiclides podalirius) et par celle d'espèces typiques des pelouses maigres de qualité (Cupido minimus, Lysan- dra coridon, Mellicta athalia notamment). A l'instar des constations faites au para- graphe précédent, les principales différences entre les relevés concernés sont l'indice de différences de structure d'habitat: la parcelle 427 présente par exemple une strate herbacée homogène et haute alors que la strate herbacée de l'ensemble des autres parcelles est plus hétérogène et parsemée d'affleurements rocheux. L'ensemble des parcelles restantes (16 chemins forestiers, 9 clairières, 2 trouées forestières) se divisent en deux groupes principaux. Le premier rassemble un ensemble de relevés caractérisés par la présence régulière d'espèces des forêts claires de feuillus (Chênaies ou Hêtraies) et par l'absence presque complète d'espèces caractéristiques des milieux ouverts; ces relevés ont été effectués à basse ou moyenne altitude et, dans la plupart des cas, sur des versants bien exposés. Le second groupe de relevés est caractérisé par la présence, en plus d'espèces fores- tières typiques, d'espèces caractéristiques des milieux ouverts mésophiles à large amplitude altitudinale (Cyaniris semiargus, Mesoacidalia aglaja, Lasiommata maera [présence de roches affleurantes], Thymelicus sylvestris); ces relevés ont été effectués soit dans des milieux ouverts ou semiouverts de haute altitude, soit dans des milieux d'altitude plus basse assez ombragés (47, 280, 285) et/ou d'exposition relativement défavorable (parc 104, 256, 356). Les différences d'altitude, d'expo- sition et d'ouverture des milieux concernés expliquent les différences fauniques par- fois importantes entre les peuplements décrits Lycaena virgaureae et Plebicula dorylas sont des espèces dont l'amplitude altitudinale est théoriquement grande, mais qui, dans le Jura neuchâtelois, sont aujourd'hui confinées à des milieux de moyenne et de haute altitude par exemple. Partie droite de l'arbre dichotomique De manière générale les différences existant entre les groupes de relevés ras- semblés dans cette partie de l'arbre dichotomique sont plus diffuses que celles qui viennent d'être soulignées. Ce fait est sans doute imputable au comportement par- ticulier que les Lépidoptères diurnes adoptent pour exploiter les parties les plus denses du domaine forestier (exploitation des zones semi-ouvertes quand elles sont ensoleillées; déplacement vers d'autres zones quand leur ensoleillement diminue), 292 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES CLAIRIÈRES ET CHEMINS FORESTIERS comportement qui augmente le caractère aléatoire des observations de certaines espèces. Sept chemins forestiers et une clairière se séparent toutefois de l'ensemble des autres chemins forestiers; leurs peuplements lépidoptérologiques se caractérisent par la présence, en plus d'espèces forestières typiques, de quelques espèces des milieux ouverts et des milieux de transition; ils sont ainsi encore relativement riches (7 espèces en moyenne). Les quinze chemins forestiers restants se divisent en deux groupes. Le pre- mier renferme trois relevés effectués en forêts riveraine (128, 266 et 434) et un relevé effectué en hêtraie pure très dense (430); leurs peuplements lépidoptérolo- giques sont particulièrement pauvres. Le second renferme onze relevés, pour la plu- part effectués en hêtraie, dont les peuplements lépidoptérologiques sont caractéri- sés, à deux exceptions près (325, 333), par la présence, en plus de Pararge aege- ria, d'une ou deux espèces forestières complémentaires (Érebia ligea, Argynnis paphia ou Clossiana euphrosyné) parfois associées (96, 151, 464) à une ou deux espèces des milieux de transition {Gonepteryx rhamni, Polygonia c-album ou Antho- charis cardamines). CORRELATIONS Pour compléter cette première analyse, nous avons effectué certains calculs de corrélation entre les variables environnementales retenues et les nombres d'espèces et d'individus répertoriés. Ces calculs ont été effectués en tenant compte de la totalité des espèces et des individus observés. Le tab. 4 résume les résultats obtenus. Chemins forestiers Les chemins forestiers parcourus étaient de longueur variable. Il n'existe tou- tefois aucune corrélation entre cette variable, le nombre d'espèces recensées et le nombre pondéré de papillons inventoriés. La longueur de chemin parcourue pou- vant être assimilée à un effort de prospection, cette absence de corrélation souligne que les différences de peuplements entre les stations sont essentiellement tributaires de différences de structure ou de nature d'habitat. Une corrélation très significative (pente négative de la droite de régression) existe entre le nombre d'espèces de fleurs recensées et les degrés 0 à 1 (cumulés) d'ouverture de la canopée. En d'autres termes, la richesse floristique des chemins forestiers diminue proportionnellement à la diminution de l'éclairement de la strate herbacée. A l'inverse, la richesse floristique augmente très significativement avec l'augmentation de l'éclairement de la strate herbacée à partir du degré 1.5 et avec le cumul des degrés d'ouverture (très significatif à partir du cumul des degrés 1.5 à 3.5). Les constatations concernant les nombres d'espèces de papillons recensées et les nombres pondérés d'individus observés sont assez similaires. Ces valeurs dimi- nuent avec la diminution de l'éclairement de la strate herbacée (degrés d'ouverture 0 à 1) et augmentent significativement ou très significativement à partir du degré 2 (respectivement du degré 1.5) d'ouverture de la canopée. Il existe une corrélation hautement significative entre la richesse faunistique et la richesse floristique des chemins forestiers étudiés et une corrélation très signi- ficative entre cette dernière variable et le nombre pondéré de papillons adultes obser- vés. 293 Y. GONSETH Tab. 4 : Corrélations entre les diverses variables retenues VARIABLES COMPAREES N R2 % RESULTATS Chemins forestiers nombre espèces papillons / nombre d'individus 38 0.682 <0.1 hautement significatif nombre espèces papillon / longueur 38 0.143 >5 non significatif ln(nombre individus +1) / longueur 38 0.277 >5 non significatif nombre espèces papillon / degré ouverture 0+0.5 canopée 38 0.541 <0.1 hautement significatif (-) nombre espèces papillon / degré ouverture 0 à 1 canopée 38 0.489 <1 très significatif (-) nombre espèces papillon / degré ouverture 1 canopée 38 0.037 >5 non significatif nombre espèces papillon / degré ouverture 1.5 à 2 canopée 38 0.432 <1 très significatif nombre espèces papillon / degré ouverture 2 canopée 38 0.479 <1 très significatif nombre espèces papillon / degré ouverture 1.5 à 3 canopée 38 0.491 <1 très significatif nombre espèces papillon / indice de qualité (not) 39 0.685 <0.1 hautement significatif ln(nombre individus +1) / degré ouverture O + 0.5 canopée 38 0.475 <1 très significatif (-) ln{nombre individus +1) / degré ouverture 0 à 1 canopée 38 0.379 <5 significatif (-) ln(nombre individus +1) / degré ouverture 1 canopée 37 0.071 >5 non significatif ln(nombre individus +1) / degré ouverture 1.5 canopée 33 0.361 <5 significatif ln(nombre individus +1) / degré ouverture 1.5 à 2.5 canopée 38 0.423 <1 très significatif ln(nombre individus +1) / indice de qualité (not) 39 0.449 <1 très significatif nombre espèces fleur / degré ouverture 0 + 0.5 canopée 30 0.488 <1 très significatif (-) nombre espèces fleur / degré ouverture 0 à 1 canopée 30 0.488 <1 très significatif (-) nombre espèces fleur / degré ouverture 1 canopée 30 0.006 >5 non significatif nombre espèces fleur / degré ouverture 1.5 canopée 30 0.424 <5 significatif nombre espèces fleur / degré ouverture 1.5 à 3.5 canopée 30 0.476 <1 très significatif ln(nombre individus +1) / nombre espèces fleur 30 0.535 <1 très significatif nombre espèces papillon / nombre espèces fleur 30 0.588 <0.1 hautemenr significatif Clairières nombre espèces papillons / ensoleillement théorique 22 0.019 >5 non significatif nombre espèces papillon / surface 22 0.071 >5 non significatif nombre espèces papillon sédentaire / nombre espèces fleur 22 0.447 <5 significatif nombre espèces papillon / nombre espèces fleur 22 0.550 <1 très significatif nombre espèces fleurs / surface 22 0.090 >5 non significatif ln(nombre individus +1) / surface 22 0.094 >5 non significatif ln(nombre individus +1) sédentaires / nombre espèces fleurs 22 0.545 <1 très significatif ln(nombre indivicus +1) / nombre espèces fleurs 22 0.550 <1 très significatif Enfin, il existe une corrélation hautement significative, respectivement très significative, entre les nombres d'espèces et d'individus observés et l'indice global de qualité du milieu. Clairières Il n'existe aucune corrélation entre l'ensoleillement théorique ou entre la sur- face des clairières étudiées et les nombres d'espèces de fleurs, d'espèces de papillons ou d'individus observés Il existe par contre une corrélation très significative entre le nombre d'espèces de fleurs et le nombre d'espèces de papillons ou entre le nombre pondéré d'indivi- dus observés. Les indices de corrélations augmentent si les espèces mobiles sont associées aux espèces sédentaires. DISCUSSION Les indices de corrélations calculés indiquent que, quel que soit le type de milieu considéré, l'effort d'échantillonnage ne prend pas une place importante dans 294 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES CLAIRIÈRES ET CHEMINS FORESTIERS l'explication des différences, parfois très fortes, existant entre les peuplements des stations étudiées. Toutefois, nos campagnes de terrain ayant généralement débuté à la fin du mois d'avril pour les stations de basse altitude et fin mai début juin pour les stations de haute altitude, il est probable que certaines espèces, exclusivement printanières (Anthocharis cardamines) ou plus facilement observables au printemps que plus tard dans la saison (Iphiclides podalirius, Nymphalis antiopa, N.polychlo- ros), ont été quelque peu sous-échantillonnées. D'un point de vue qualitatif, nos résultats montrent que les milieux semi- ouverts ou ouverts appartenant au domaine forestier ont une réelle importance pour la faune lépidoptérologique de la région. Les espèces suivantes n'ont été rencon- trées que dans ce type de milieux: Lopinga achine (deux stations connues dans le canton de Neuchâtel; en bordure de plantations d'épicéas), Hipparchia fagi (3 sta- tions connues dans le canton de Neuchâtel; exclusivement en clairière naturelle de chênaie), Hipparchia alcyone (2 stations connues sur tout l'Arc jurassien dont une dans le canton de Neuchâtel: éboulis ceinturé de forêt; pas retenu dans nos analyses) et Satyrium ilicis (6 stations connues dans le canton de Neuchâtel, toutes en chê- naie). En outre, les espèces suivantes, menacées dans la région, ont été principale- ment observées dans ce type de milieux: Apatura iris, Iphiclides podalirius, Lasiom- mata petropolitana, Lycaena virgaureae, Nymphalis poly Moros et Satyrium spini. Enfin, de nombreuses espèces, primitivement liées aux prairies extensives colli- néennes et montagnardes, trouvent refuge dans les milieux les plus ouverts du domaine forestier (clairières naturelles). Face à l'intensification généralisée des pra- tiques agricoles, ces refuges ont aujourd'hui une signification extrêmement impor- tante pour la pérennité de certaines d'entre elles dans la région et pourraient repré- senter à terme autant de centres de recolonisation. L'ouverture de la canopée de la strate arborescente qui borde les chemins est une variable environnementale importante pour les Lépidoptères diurnes qui exploitent le domaine forestier. Son action est double: elle favorise la présence de certaines espèces en leur procurant des sites favorables de bain de soleil et de parade nuptiale et elle aug- mente sensiblement l'offre de plantes à fleurs, source potentielle de nourriture pour les chenilles ou pour les adultes. Le fait que le degré 0 et que le cumul des degrés 0 à 1 d'ouverture de la canopée sont significativement ou très significativement, mais négativement, corrélés à la diversité faunique des peuplements décrits, sous entend que des tronçons de chemins forestiers très ombragés ne sont que peu exploités par les Lépidoptères diurnes et qu'ils représentent des barrières à leurs déplacements hori- zontaux. Si, à l'inverse, l'accroissement du degré d'ouverture de la canopée est signi- ficativement corrélé à la diversité faunistique des peuplements décrits (les indices de corrélation augmentent avec le cumul des degrés d'ouverture), une inversion signifi- cative de tendance (changement de la pente de la droite de régression) intervient au degré 1.5 (angle de 33.5°). Sur la base de ces indications et de l'application de fonc- tions trigonométriques simples, il est ainsi possible d'évaluer la distance minimale théorique devant séparer la couronne des arbres situés de part et d'autre d'un chemin forestier pour qu'il soit exploité par les Lépidoptères diurnes (voir fig. 2): cette dis- tance oscille grossièrement entre 60 et 65% de leur hauteur à maturité ( 12 à 14 m. pour des arbres de 20 m. de haut; 24 à 26 m pour des arbres de 40 m. de haut). Si, dans la réalité, de telles conditions ne sont remplies que sur de courts tronçons de chemin forestier (les tronçons intéressants sont souvent bordés de boisement d'âges et donc de hauteurs très différents), certains faits plaident toutefois pour la cohérence des résultats obtenus par ce mode de calcul. Ils émanent des observations faites dans les trouées forestières étudiées (parc 189, 356, 386), dont la structure rappelle celle des 295 Y. GONSETH distance minimale = (tg 33.7 * h) d1 d2 distance minimale : d1 + d2 où d1 et d2 = tg 16.85 * h En appliquant cette dernière formule aux valeurs évaluées pour la parcelle 386 (d1 + d2 = 11.7 m.; min. 8 m.; max. 25 m.) Ia hauteur des arbres adjacents peut être estimée à 19 m. (min. 13 m.; max. 41 m.), ce qui correspond aux conditions globales du milieu (28 % d'arbres entre 8 et 16 m.; 42% plus hauts que 16 m.) Fig. 2. Structure théorique d'un chemin forestier, degré d'ouverture de 1.5 296 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES CLAIRIÈRES ET CHEMINS FORESTIERS chemins forestiers, et plus particulièrement des observations réalisées dans la parcelle 386. Cette dernière abrite en effet 26 espèces de papillons (!) confinées sur une bande de terrain de 11.7 mètres de largeur moyenne (écart type de 0.7 m, min. 8 m., max. 25 m.) et bordée de part et d'autre d'une strate arborescente où les catégories de hauteur 5 (8 - 16 m.; 28%) et 6 (> 16 m.; 42%) dominent nettement. Or en admettant que le degré d'ouverture de cette parcelle est proche de 1.5, la hauteur moyenne des arbres qui la bordent serait égale à 19 m. (min. 13 m.; max. 41 m.), ce qui correspond assez bien aux conditions réelles du milieu. Si le degré d'ouverture de la canopée est une variable fondamentale pour expli- quer les différences existant entre les peuplements décrits, nos résultats semblent souligner que les autres facteurs retenus dans le calcul de l'indice de qualité global du milieu (degrés d'artificialisation, d'homogénéité et d'isolement du massif fores- tier adjacent) tendent à amplifier son effet (les coefficients de corrélation existant entre la richesse faunistique ou le nombre d'individus observés et l'indice global de qualité du milieu sont supérieurs à ceux existants entre ces mêmes variables et le seul degré d'ouverture de la canopée). Très schématiquement, ce fait sous-entend qu'un chemin forestier situé dans un massif forestier de petite surface, isolé, forte- ment artificialisé et très homogène (parc 325, 333) a de fortes chances d'avoir une richesse faunistique nettement plus faible qu'un chemin forestier situé dans un mas- sif forestier de grande surface, naturel et de structure très irrégulière (parc 422, 66). La raison de la corrélation très significative existant entre richesse faunistique et floristique des parcelles étudiées paraît évidente: un milieu riche en plantes permet à un nombre important d'espèces de s'y développer. Cette évidence cache toutefois, à notre sens, un phénomène complémentaire d'agrégation. Ce postulat est basé sur la présence régulière, dans les clairières et le long des chemins forestiers les plus ouverts, d'espèces mobiles ou très mobiles, essentiellement nectarivores (Gonseth, 1992), qui sont, pour la plupart, issues de milieux où l'offre en nectar est très faible (forêts pour Argynnis paphia, Clossiana euphrosynè) ou très fluctuante (cultures intensives, our- lets nitrophiles, végétation ruderale pour Aglais urticae, Cynthia cardui, Inachis io, Issoria lathonia, Pieris rapae, P.brassicae, Vanessa atalanta par exemple). La pré- sence d'une abondante source de nourriture serait donc à l'origine, à certaines périodes de l'année du moins, d'une concentration d'espèces et d'individus dans les milieux ouverts et semi-ouverts du domaine forestier. Le fait que les indices de cor- rélation entre richesse floristique et faunistique des milieux étudiés augmentent avec la prise en compte de ces espèces très mobiles étaye cette hypothèse. Les remarques émises aux paragraphes précédents soulèvent quelques ques- tions importantes: compte tenu de la mobilité de nombreuses espèces et du carac- tère parfois fluctuant des conditions écologiques qui régnent dans les milieux semi- ouverts du domaine forestier, quels sont les habitats qui méritent une réelle atten- tion et quelles sont les mesures qu'il faudrait envisager pour en assurer la péren- nité? Pour répondre à ces questions il est important de classifier les milieux étudiés en fonction de leur nature et de leur évolution potentielle (Tab. 5). Les informations fournies dans le tableau 5 appellent certains commentaires. Clairières naturelles sur sol superficiel Ces clairières sont très riches en espèces, notamment en espèces menacées et sédentaires, ce qui est un indice certain d'ancienneté. Les conditions écologiques extrêmes qui y régnent (sol superficiel, roches affleurantes) contrecarrent leur reco- lonisation naturelle par la forêt et dissuadent toute exploitation forestière (rende- 297 Y. GONSETH Tab. 5 : Classification sommaire des milieux SP: nombre moyen d'espèces; LR: espèces menacées (en %); FOR: espèces forestières (en %); MOB: espèces mobiles (en %); N: nombre de milieux concernés; IG: indice global de qualité Type de milieu SP LR FOR MOB N Evolution Clairière naturelle sur sol superficiel 23 32 26 15 6 très lente Clairière naturelle sur sol profond 19 20 24 27 7 lente Trouées forestières (ligne él. téléski) 26 16.7 31 27 3 contrôlée Coupes rases replantées 8 2.5 42 35 5 assez rapide Stade préforestier naturel 13 15 23 54 1 lente Chemins forestiers 8 9 54 20 39 variable Chemins forestiers IG > 8 10 10 54 14 23 variable Chemins forestiers IG < 8 4 1 58 0.7 16 stable ment trop faible). Leur pérennité à long terme est donc théoriquement assurée. Une question reste toutefois en suspend: l'isolement actuel de ces clairières est-il le reflet exact de la situation passée ou est-il au contraire le fruit du morcellement progres- sif, par l'avance de la forêt dans des zones à sol relativement profond, d'un milieu ouvert autrefois beaucoup plus vaste? En d'autres termes, les populations actuelles des différentes espèces sédentaires qui colonisent ces clairières sont-elles le fruit d'une colonisation progressive de tous les milieux ouverts disponibles d'un vaste domaine forestier ou ne représentent-elles plus que des populations relictuelles de populations ancestrales beaucoup plus importantes ? Si certains faits plaident pour cette seconde hypothèse — la parcelle 166, aujourd'hui noyée dans une hêtraie dense parsemée de pins noirs, appartenait au XIXe siècle (Osterwald, 1845) à un vaste système prairial qui, compte tenu des multiples affleurements rocheux de la région, devait être particulièrement xérique3; de nombreux sites de la garide neu- châteloise sont aujourd'hui en phase avancée de recolonisation forestière — aucune information ne nous permet toutefois d'affirmer qu'elle est généralisable à toutes les parcelles étudiées (les parcelles 24, 25 et 270 par exemple ont de tous temps appartenu au domaine forestier). Sur la base de ces constatations, il est possible d'affirmer qu'aucune intervention importante ne doit être envisagée dans les clai- rières à sol superficiel pour qu'elles gardent leurs potentialités pour les Lépido- ptères. Il serait toutefois judicieux de contrôler sporadiquement l'avance des jeunes buissons dans les parties de pelouse à sol profond qui les jalonnent pour empêcher qu'elles ne se referment trop. En outre, la réouverture de certaines clairières forte- ment embuissonnées permettraient d'augmenter sensiblement les surfaces dispo- nibles pour ces insectes héliophiles. Clairières naturelles sur sol profond Ces clairières présentent une faune riche en espèces, dont certaines sont mena- cées. Par rapport aux clairières traitées au paragraphe précédent, leurs peuplements lépidoptérologiques sont toutefois plus riches en espèces mobiles. Leur évolution est lente mais se caractérise par une densification progressive de la strate herbacée qui tend à diminuer leur diversité floristique, puis par l'avance des buissons. A terme elles risquent donc de totalement disparaître au profit de la forêt. Le fauchage parcellaire 3 Ce fait explique sans doute pourquoi la faune lépidoptérologique de la région de Dombresson était si riche à la fin du siècle dernier (voir de Rougemont, 1904) 298 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES CLAIRIÈRES ET CHEMINS FORESTIERS périodique (par rotation tous les 5 ans par ex.) des clairières les plus intéressantes doit être envisagé pour assurer le maintien de leurs caractéristiques actuelles. Trouées forestières Ces milieux rectilignes (le long de lignes électriques ou de téléskis) présen- tent un haut intérêt pour les Lépidoptères diurnes. Leurs peuplements se caractéri- sent par une forte proportion d'espèces mobiles et/ou forestières (près de 60%) et ressemblent ainsi beaucoup à ceux des chemins forestiers les plus ouverts. La pré- sence d'espèces prairiales sédentaires est toutefois la preuve que la recolonisation progressive de milieux relativement jeunes est possible. Les jeunes arbres et les buissons qui croissent dans ces milieux sont périodiquement coupés. Ce type d'entretien est fréquent le long des téléskis (la strate herbacée est ainsi dominante), plus sporadique le long des lignes électriques (une strate arbustive relativement importante ayant le temps de s'y développer avant toute nouvelle intervention). Compte tenu de la richesse de ces milieux, il est possible d'affirmer que leur mode d'entretien actuel est favorable aux Lépidoptères diurnes. Coupes rases replantées Ces milieux sont caractérisés par une faune lépidoptérologique relativement pauvre essentiellement dominée par les espèces forestières et/ou mobiles (près de 80%). Leur évolution étant relativement rapide, ils ne remplissent qu'une fonction de refuge transitoire. En outre, comme les espèces qui les colonisent sont pour la plupart peu exigeantes, leur disparition avec la croissance des arbres plantés (épi- céas le plus souvent) peut être compensée par la réalisation de nouvelles coupes (exploitation forestière). La seule exception à cette «règle» concerne les coupes rases colonisées par Lopinga achine, espèce très rare dans le Jura et menacée à l'échelle nationale. Les deux seules stations abritant cette espèce que nous avons découvertes dans la région neuchâteloise correspondaient à de tels milieux : un che- min forestier longeant une plantation d'épicéa (269) et une coupe rase replantée d'épicéas (Jura vaudois). Sur la base des informations autécologiques disponibles pour cette espèce, il est impossible d'affirmer que l'assombrissement progressif des milieux qu'elle colonise puisse être compensé par l'aménagement de nouvelles coupes dans les régions qui l'abritent. Son statut helvétique serait plutôt un indice du contraire. Nous soulignerons que notre expérience de terrain (Jura français, Val- lée de la Loue) souligne que les coupes rases ne représentent que des habitats secon- daires pour cette espèce: les clairières naturelles de forêts de feuillus et les prairies sylvatiques, riches en graminées (notamment en Molinie), lui étant visiblement beaucoup plus favorables (voir aussi Jutzeler, 1990). Puisque les milieux hLopinga achine de la région neuchâteloise paraissent nettement sous-optimaux, il est très dif- ficile de proposer des mesures ciblées visant à les maintenir. En effet, seul un chan- gement drastique des pratiques sylvicoles (abandon de l'enrésinement systématique des clairières et des prairies sylvatiques, préférence donnée aux forêts claires de feuillus, maintien des lisières riches en Molinie) pourrait redonner une chance à cette espèce. Stade préforestier naturel Le seul milieu attribué à cette catégorie est une crête rocheuse anciennement boisée, mais dont les arbres ont été arrachés par une tempête. Son peuplement lépi- 299 Y. GONSETH doptérologique, particulièrement riche en espèces mobiles (54%) est caractéristique d'un milieu perturbé en pleine évolution. Un tel milieu ne demande évidemment aucune intervention particulière. Chemins forestiers Il est extrêmement difficile de classifier les différents chemins forestiers étu- diés, leur structure et leur nature étant extrêmement variable au sein d'un même type de forêt. Certaines tendances peuvent toutefois être soulignées: Les chemins forestiers dont l'indice global de qualité (pour les Lépidoptères diurnes) est le plus faible traversent soit de hautes futaies très denses et très sombres (forêts riveraines4 , hêtraies pures âgées), soit des forêts aux caractéristiques iden- tiques mais fortement artificialisées. Ce sont des milieux stables (sauf exploitation forestière importante), dont les peuplement lépidoptérologique sont très pauvres: quelques espèces forestières peu exigeantes associées à quelques espèces très mobiles dans le meilleur des cas. Les chemins forestiers dont l'indice de qualité est élevé traversent soit des forêts naturellement claires et aérées (chênaies pubescentes; milieux stables), soit des forêts de versants escarpés présentant des vires rocheuses non boisées (milieux stables), soit des forêts mixtes exploitées dont l'ouverture de la canopée est ainsi relativement importante (milieux en pleine évolution). Leurs peuplements lépido- ptérologiques sont en moyenne plus riches que ceux traités au paragraphe précédent et peuvent même receler (milieux stables) quelques espèces très intéressantes. Une mesure simple qu'il est possible de proposer pour préserver la fonction des chemins forestiers semi-ouverts pour les Lépidoptères diurnes est de renoncer au fauchage systématique de leurs bordures entre avril et septembre. En effet, si leur fauchage périodique est favorable puisqu'il empêche leur recolonisation complète par les buissons, il ne doit pas être effectué durant la période d'activité des papillons sous peine de faire disparaître les plantes qu'ils exploitent (plantes nectarifères notamment). Sur la base de nos résultats il est possible de dégager une autre variable qui semble avoir une influence non négligeable sur la diversité faunistique des forêts neuchâteloises. Limenitis Camilla est une espèce dont la chenille exploite plusieurs espèces de chèvrefeuille (dont Lonicera xylosteum), plantes normalement assez répandues dans le sous-bois ou en lisière de nombreux types de forêts de feuillus. Si ce papillon a toujours été rare en altitude, il était toutefois abondant dans les forêts du littoral neuchâtelois au siècle passé (de Rougemont, 1904). Aujourd'hui il est encore relativement commun dans la chênaie pubescente, mais il s'est beaucoup raréfié dans les autres types de forêts (hêtraies notamment). Le fait que la chênaie pubescente soit actuellement le type de forêt dont le sous-bois arbustif est le plus dense et le plus diversifié (exploitation extensive ou nulle des surfaces compte tenu du faible rendement sylvicole) est à notre sens la raison fondamentale de cette situa- tion. La préservation d'un sous-bois et d'un manteau forestiers riches et diversifiés dans l'ensemble des forêts de la région serait donc un préalable indispensable à leur recolonisation par de nombreuses espèces très intéressantes. Les essences suivantes revêtent un importance fondamentale: Salix capreae, pour Nymphalis polychloros, N.antiopa, A.iris; Populus tremula pour Limenitis populi ctApatura ilia; Lonicera 4 Les études qui; nous avons effectuées sur la rive sud du lac de Neuchâtel prouvent toutefois que les forêts riveraines de grande surface peuvent représenter des habitats très importants pour de nombreuses espèces menacées (Apatura iris, A. ilia, Nymphalis polychloros par exemple) (voir Mulhauser, 1991) 300 LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES CLAIRIÈRES ET CHEMINS FORESTIERS spp. pour Limenitis Camilla et Limenitis reducta (qui a probablement disparu de la région). CONCLUSIONS Le domaine forestier de la région neuchâteloise est un milieu refuge impor- tant pour de nombreuses espèces de Lépidoptères diurnes, qu'elles soient forestières ou prairiales. Si une partie des milieux les plus riches sont naturels, anciens et rela- tivement stables (clairières sur sol superficiel, chemins forestiers semi-ouverts de versants escarpés), d'autres (trouées forestières entretenues, clairières sur sol pro- fond, abords de coupes rases, chemins forestiers semi-ouverts) sont indéniablement le fruit d'activités humaines. De prime abord, l'exploitation des forêts est donc favo- rable aux Lépidoptères diurnes, l'ouverture de la canopée qu'elle génère impliquant une augmentation de la diversité floristique, préalable indispensable à l'augmenta- tion de sa diversité faunistique. Toutefois cette situation favorable peut n'être que très transitoire, si cette exploitation se traduit par une forte artifïcialisation des boi- sements concernés (plantation dense de conifères, destruction du sous-bois et du manteau arbustif par exemple). Elle se traduira en effet à moyen terme non seule- ment par la disparition des espèces qu'elle avait d'abord favorisées (espèces mobiles, espèces prairiales peu exigeantes), mais aussi par celle des espèces fores- tières ou écotonales les plus intéressantes (Apatura spp., Erebia ligea, Limenitis spp., Lopinga achine, Nymphalis spp., Quercusia quercus, Satyrium ilicis). RÉSUMÉ Cet article présente les résultats obtenus lors de l'étude de la faune des Lépidoptères diurnes (Lepi- doptera Hesperioidea et Papilionoidea) de 22 clairières et 39 chemin forestiers du Jura neuchâtelois. Les analyses effectuées démontrent que les variables environnementales les plus importantes qui influencent la richesse, la diversité et la nature des peuplements lépidoptérologiques des clairières sont leur richesse floristique et leur altitude. Les variables environnementales qui déterminent la richesse et la diversité des peuplements lépidoptérologiques des chemins forestiers sont l'ouverture de la cano- pée de la strate arborescente qui les bordent et la richesse floristique de la strate herbacée qui en résulte. En outre, ces résultats soulignent que les milieux semi-ouverts et ouverts appartenant au domaine forestier ont une importance capitale pour la protection des espèces de la région étudiée. BIBLIOGRAPHIE Clench, H.K. 1966. Behavioral thermoregulation in butterflies. Ecology 47: 1021-1034. Davies, N.B. 1978. Territorial defence in the Speckled Wood Butterfly (Pararge aegeria): the resi- dent always wins. Anim. Behav. 26: 138-147. Ebert, G. & Rennwald, E. 1991. Die Schmetterlinge Baden-Württembergs. Bd 1., Tagfalter I. Stutt- gart, 552 pp. Gonseth, Y. 1991. La faune des Rhopalocères (Lepidoptera) du Jura neuchâtelois, un reflet partiel de la faune lépidoptérologique jurassienne. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. 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Naturführer, Neumann-Neudamm, 288 pp. (reçu le 20 mars 1993; accepté le 19 avril 1993) 302 MITTEILUNGEN DER SCHWEIZERISCHEN ENTOMOLOGISCHEN GESELLSCHAFT BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ ENTOMOLOGIQUE SUISSE 67, 17-36, 1994 La faune des Lépidoptères diurnes (Rhopalocera) des pâturages, des pelouses sèches et des prairies de fauche du Jura neuchâtelois ] Yves Gonseth CSCF, Terreaux 14, CH-2000 Neuchâtel The diurnal butterflies (Lepidoptera Hesperioidea and Papilionoidea) of pastures, dry grasslands and meadows in the Jura mountains of Neuchâtel. - Results of the study of diurnal Lepidoptera (Lepi- doptera Hesperioidea and Papilionoidea) of 68 pastures and 72 dry grasslands or meadows in the Jura mountains of Neuchâtel are presented. Analysis shows that the most important environmental variables that influence the compostion, the richness and diversity of the butterfy fauna in the studied areas are: rich and diversified flora, altitude, structural diversity and farm management. Keywords : Rhopalocera, Swiss Jura, pastures, meadows, dry grasslands, species composition INTRODUCTION Les Lépidoptères diurnes sont des insectes essentiellement héliophiles sus- ceptibles de coloniser la plupart des milieux ouverts ou semi-ouverts. Primitivement confinés dans les forêts claires, dans les clairières naturelles et dans les pelouses impropres à la croissance des arbres (sol très superficiel ou très humide, altitude éle- vée), ils ont largement profité du déboisement progressif des forêts européennes, occasionné par les diverses activités humaines (agriculture, chauffage, construc- tion), pour accroître leur aire de distribution et/ou augmenter le nombre et l'impor- tance de leurs populations. Cette tendance a perduré jusqu'à l'aube du XXème siècle en tout cas puisque, comme le démontrent la plupart des «inventaires» régionaux établis en Suisse à la fin du siècle dernier (Favre, 1899; de Rougemont, 1904 notam- ment), les Lépidoptères diurnes constituaient à cette époque un élément faunique très représentatif de nos campagnes. Cette situation favorable s'est toutefois forte- ment dégradée au cours du XXème siècle avec les modifications drastiques des moyens de production agricole (mécanisation, apparition des engrais chimiques, des pesticides et des herbicides), l'abandon progressif des pratiques traditionnelles (prés à litière, communaux par exemple) et l'adoption durant la seconde guerre mondiale d'un plan de production agricole de crise (plan Wahlen), qui s'est notamment tra- duit par la mise en culture ouverte d'une surface très importante de prairies natu- relles. Le Jura neuchâtelois, qui n'a pas échappé à ces profondes mutations des pra- tiques culturales, est caractérisé par une grande diversité topographique et mésocli- matique. Le type d'exploitation agricole du sol varie donc fortement d'une région à l'autre: le littoral, le fond du Val de Ruz et le fond du Val de Travers sont carac- térisés par la prédominance de cultures ouvertes (fourragères, céréalières ou même viticoles), alors que les régions sises au-dessus de 800 m. sont caractérisées par la prédominance des pâturages permanents, des prairies de fauches montagnardes 1 Cet article fait partie de la thèse de l'auteur (FNRS No 3.269-0.85) 17 YVES GONSETH (Polygono-Trisetion) et des estivages (les champs d'orge, très répandus durant la seconde gueire mondiale, y ont pratiquement disparu). Si les cultures ouvertes repré- sentent par essence des milieux hostiles aux Lépidoptères diurnes, le problème est plus complexe pour les herbages, leur intérêt potentiel étant tributaire de nombreux facteurs: type et quantité d'engrais épandus, charge en bétail (pour les pâturages et les estivages), nombre et période des fauches annuelles (pour les prairies). Les buts poursuivis dans ce travail étaient les suivants: détermination de la faune potentielle des herbages de la région; découverte et cartographie des sites de haute valeur lépi- doptérologique (réservoirs de faune); mise en évidence des principales variables environnementales et anthropogènes influençant la distribution régionale des espèces et évaluation de leurs effets. Pour ce faire plus de 140 prairies, pâturages et estivages ont été étudiés. Cet article résume les principaux résultats obtenus et pré- sente les mesures qui doivent être envisagées pour assurer la survie de la faune lépi- doptérologique de la région. METHODES Les chiffres présentés dans le tab. 2 sont basés sur un comptage direct des individus observés dans les herbages retenus. Quatre passages ont été réalisés dans chacun d'eux entre les mois de mai et de septembre et ceci toujours par beau temps. Les individus rencontrés ont été comptés par le biais d'un itinéraire en zig zag (10 -15 m d'espacement entre chaque ligne parallèle du parcours). Le temps passé dans chaque herbage à chaque passage a oscillé entre 40 et 180 minutes. Si les chiffres obtenus par cette méthode d'échantillonnage ne permettent pas d'évaluer l'effectif réel des populations présentes (une méthode de capture/recapture devrait être adop- tée pour le faire), ils permettent toutefois une comparaison des différents milieux inventoriés. Les variables environnementales suivantes ont été prises en compte : - type de milieu: pâturage, estivage, prairie de fauche, pelouse sèche, prairie ou pâturage abandonné; - localisation géographique, position topographique, exposition, pente moyenne, minimale et maximale (cette variable peut avoir une incidence non négli- geable sur le type d'exploitation d'une surface, les machines agricoles classiques ne pouvant être utilisées dans des pentes excédant 18% sans risque de retournement; ce danger important limite l'utilisation d'épandeur d'engrais tractés sur des surfaces très pentues), surface étudiée et surface totale de la parcelle exploitée; - surface effective de buissons isolés et de massifs boisés. Un indice expri- mant la complexité de la structure spatiale de chaque milieu a été calculé en tenant compte des surfaces boisées, de la surface couverte par les roches apparentes et de la pente; - en fin de saison, évaluation sur la base d'échantillons d'1 m2 (en nombre variant en fonction de la surface inventoriée) du recouvrement et de la stratification de la végétation, de la proportion de roche apparente et, pour les pâturages ou les estivages, de la proportion de végétation résiduelle (végétation non consommée par le bétail); les catégories suivantes ont été retenues pour évaluer ces variables: recou- vrement de la végétation, proportion de roches apparentes et proportion de végéta- tion résiduelle : 0%, 1 - 10%,11 - 25%, 26 - 50%, 51 - 75%, 76 - 90%,> 90%; pour la stratification de la végétation :1-10 cm, 10 - 25 cm, 26 - 50 cm, 50 cm - 1 m, > 1 m; sur la base des résultats obtenus, un indice de complexité structurale de la végétation résiduelle a été calculé pour les pâturages et les estivages; 18 LES LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES PÂTURAGES, PELOUSES ET PRAIRIES - type d'entretien ou d'exploitation; pour les pâturages et les estivages : charge en bétail, types et quantité d'engrais épandus. Ces renseignements ont été recueillis, dans la mesure du possible, auprès de l'exploitant de la surface étudiée. En cas de non réponse ils ont été rassemblés dans les comptes rendus des enquêtes effectuées entre 1979 et 1984 dans le canton par l'Office fédéral de l'agriculture (Cadastre alpestre suisse, 1988). En ce qui concerne la charge en bétail 2 , ces renseignements sont suffisamment fiables pour 31 pâturages ou estivages sur 68; en ce qui concerne le type et la quantité d'engrais épandus (fumier, lisier ou engrais chimiques), ces renseignements ne sont pas assez précis pour permettre une analyse comparative de nos résultats en fonction de cette variable. En fonction de la surface inventoriée, un nombre variable de relevés phyto- sociologiques partiels (sans graminées ni cypéracées) de Im2, choisis au hasard, ont été effectués dans chaque milieux à chaque passage. Sur la base de ces relevés, un indice floristique, oscillant entre 1 et 6, a été déterminé pour chacun d'eux. Un indice de 6 signifie que le pourcentage de plantes caractéristiques de milieux amendés ou eutrophes est < 10; un indice de 1 signifie que ce pourcentage est > à 90; les classes intermédiaires étant les suivantes: 5: 76 à 90%; 4: 51 à 75%; 3: 26 à 50%; 2: 11 à 25%. Les relevés fauniques effectués dans les pelouses, dans les prairies, dans les pâturages et dans les estivages ont été ordonnés par l'intermédiaire du programme TWINSPAN, Two way indicators species analysis (Hill, 1979). Les résultats de ces analyses sont présentés à la fig. I. APPROCHE FAUNIQUE GLOBALE 87 espèces, 78% de la faune régionale (Gonseth, 1991), ont été répertoriées au moins une fois dans les 140 milieux retenus. Parmi ces 87 espèces, 15 sont mena- cées à l'échelle nationale et 25 sont menacées à l'échelle régionale (Gonseth, sous presse). Si les chiffres présentés sont uniquement fondés sur les observations faites grâce aux méthodes décrites au chapitre précédent, le nombre de sites prospectés est suffisant pour pouvoir affirmer que les résultats obtenus reflètent bien la faune potentielle actuelle des herbages de la région. Sur la base des fréquences calculées pour chaque espèce, il est possible d'en isoler 22 qui forment ensemble le peuplement minimal3 des herbages du Jura neu- châtelois (par ordre de fréquence décroissant): Maniolajurtina, Coenonympha pam- philus, Pieris rapae, Pieris napi etPolyommatus icarus, les plus fréquentes (FR> 60%) et leurs compagnes les plus régulières (FR > 30%), Aglais urticae, Melanar- gia galathea, Aphantopus hyperanthus, Ochlodes venatus, Anthocharis cardamines, Spialia sertorius, Inachis io, Thymelicus sylvestris, Gonepteryx rhamni, Mesoaci- dalia aglaja, Cyanids semiargus, Pieris brassicae, Lysandra coridon, Erebia medusa, Colias hyale, Lycaena hippothoe et Cynthia carditi. Ces résultats d'ensemble cachent certaines différences entre les types de milieux considérés. Une première distinction peut être faite entre milieux pâturés et milieux non pâturés (fauchés ou abandonnés). 2 La charge en bétail est exprimée en UGBN, nombre d'UGB pour 100 jours de pâture; elle est éva- luée à partir des équivalences suivantes : jument suitée : 2 UGB; vache : 1 UGB; génisse > 2 ans : 4/5 UGB; génisse de 1 à 2 ans : 3/5 UGB; veau ; 1/3 UGB (voir Cadastre alpestre suisse 1988) 3 Cette notion est bien entendu théorique. Elle permet toutefois d'estimer si un herbage donné pré- sente une faune nettement sous optimale (pauvreté plus grande) ou relativement diversifiée (plus grande richesse) 19 YVES GONSETH ©ocs-^oo^coo i co 8 'S. z < CL Ul Z i- 60 S nu O T3 ¦s *j Ö ¦a > ? =e G: nu a ¦a M "g 1" !! fil as U co i S S ,¾ S S a, « s -* là S^ Ib vu _. ¦a a I. O o en ^J —< vJ«!n* - 2 m d _ n o -h o o t- ¦* "* ¦* S m d ¦ « o . ui —" M O O O O O o en (S O O CS B S=O - S_i S g a 2 ¦¦ B "H,-a y x -~ U -- •• \£ T3 U D. u •c g !ili mi N ^ O en —< o O Ul -H « Ul O omo o — es o es en o ui o o es o o es o t- e'- en t- 00 ui o; r- es <* d CS i— en CS —< i;- Ui |2 o m es 2 es "3 es es -i ^ m 1 OS ^° • V^V CS Ul — -, ui s ¦* s S Eri »î " es "* SjJ Ov en £; d Sa " en a» es 2; ^- ~i m <-: r* 3 m ' i—i •"-" -^ — ov U1 CS CS VO VO a, ' en i— ¦* ui en. en ^- en odSîR' l«Dn22 O W) J 252 < — ui ; s « 2 OO CS ** tri o •t - sa§assaS3s O CS O Is^Uss^S O CS CS 5S2S§c|S§35 5 — ?5v- a « u Su" SU.. U=O s; S 3 3 n u ° "P C .S c «> 'Säg CX 5 « xî "S JD r3 c« ¦¦ = S = = -C= 5 (U tu .. 'S O oo (U ^1 'C 1^ ItIiII 8-111 «,IS 20 LES LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES PÂTURAGES, PELOUSES ET PRAIRIES Pâturages et estivages Sur la base des fréquences calculées des 83 espèces observées dans les pâtu- rages ou dans les estivages, il est possible d'en isoler 29 qui forment ensemble leur peuplement minimal: aux 22 espèces susmentionnées s'ajoutent quelques com- pagnes régulières (FR > 30%), Erebia ligea, Cupido minimus, Hesperia comma, Lasiommata maera, Erebia euryale et Colias alfacariensis. Les espèces suivantes ont été essentiellement observées dans ce type de milieu (FR > 70% du nombre total d'herbages où l'espèce était présente; espèces très rares non comprises): Hesperia comma, Plebicula dorylas, Lasiommata maera, Erebia euryale, Colias alfacariensis, Clossiana euphrosyne, Mellicta parthenoides, Thy- melicus lineolus et Arida agestis. Prairies de fauche et pelouses abandonnées Sur la base des fréquences calculées des 78 espèces observées dans les prai- ries de fauche ou dans les pelouses abandonnées, il est possible d'en isoler 18 qui forment ensemble leur peuplement minimal: Maniola jurtina, Coenonympha pam- philus, Pieris rapae, Polyommatus icarus, les plus fréquentes (FR > 60%) et leurs compagnes les plus régulières (FR > 30%) Aglais urticae, Melanargia galathea, Aphantopus hyperanthus, Ochlodes venatus, Anthocharis cardamines, Inachis io, Thymelicus sylvestris, Gonepteryx rhamni, Pieris brassicae, Lysandra coridon, Colias hyale et Lycaena tityrus. Les espèces suivantes ont été essentiellement observées dans ce type de milieu (FR > 70% du nombre total de prairies où l'espèce était présente; espèces très rares non comprises): Leptidea sinapis, Brintesia circe, Coenonympha arcania, Plebicula thersites et Erebia aethiops. Le tab. I apporte quelques renseignements complémentaires pour une classi- fication un peu plus fine des différents milieux étudiés. Les chiffres proposés dans ce tableau ne représentent, compte tenu des méthodes d'échantillonnage qui ont été retenues, que des estimations semi-quantitatives comparatives qui ne sont pas assi- milables à des évaluations réelles des effectifs des populations présentes. Leur Tab. I : Moyennes de quelques variables par type d'exploitation. NFL : indice floristique ALT : altitude NSP : nombre d'espèces de papillons NSF : nombre d'es- pèces de plantes %GR: pourcentage d'espèces exploitant des graminées %LEG: exploitant des légumineuses N : nombre de sites IN/HA : nombre d'individus par hectare INS/HA : idem pour les espèces peu mobiles Type d'exploitation NFL ALT NSP NSF IN/HA INS/HA %GR %LEG N Pâturages et estivages 5-6 4 1 -3 1027 1022 926 24 17 14 52 48 27 83 74 35 74 64 27 38 45 47 30 23 22 15 43 6 Prairies de fauche 5-6 4 1 -3 735 663 910 18 12 4 42 32 16 147 118 16 135 97 12 43 45 62 27 26 21 8 12 15 Prairies et pelouses partiellement fauchées 5-6 4 762 914 21 16 47 43 224 43 194 23 42 52 27 25 8 4 Pelouses abandonnées 5-6 4 870 889 24 17 47 52 207 129 181 98 39 48 36 32 19 8 21 YVES GONSETH unique intérêt est l'isolement de certaines tendances générales. Ces premiers résul- tats appellent quelques commentaires. A qualité floristique égale, la richesse faunique des différents milieux étudiés (exprimée en nombre d'espèces) est sensiblement la même pour les pâturages ou les estivages, les prairies partiellement fauchées et les pelouses abandonnées. Le cas des prairies de fauche est légèrement différent: leur peuplement moyen est non seu- lement régulièrement plus pauvre, mais la diminution du nombre d'espèces pré- sentes, parallèle à l'appauvrissement de la flore, est plus forte. Ce fait est essen- tiellement imputable au type d'exploitation normal des prairies de fauche de la région: souvent amendées pour en améliorer le rendement, elles voient leur végé- tation croître rapidement ce qui permet un premier fauchage très précoce (mai en plaine, juin en montagne) et la réalisation d'une à deux coupes supplémentaires durant la saison selon l'altitude et les conditions climatiques (en montagne les prai- ries de fauche permettent rarement plus de deux coupes annuelles suivies d'une pâture de la repousse en automne). Ce type d'exploitation a deux incidences: bana- lisation de la flore (et ainsi disparition de nombreuses plantes-hôtes des chenilles) et impossibilité pour la plupart des espèces de papillons qui pourraient encore y vivre de boucler leur cycle complet entre deux fauches. Il est intéressant de consta- ter à cet égard que les espèces monovoltines sont systématiquement absentes des prairies les plus banales (qui sont les plus fréquentes) et que, dans la majorité des cas, seules quelques espèces plurivoltines à cycle très court (3 à 4 générations annuelles) et quelques espèces extrêmement mobiles y ont été observées. A qualité floristique égale, le nombre moyen d'individus observés par hectare est beaucoup plus faible dans les milieux pâturés que dans l'ensemble des autres types de milieu. L'apparente contradiction entre cette constatation et celle émise au paragraphe précédent s'explique toutefois aisément. La pâture, qui débute généra- lement en même temps voire même avant la première coupe des prairies, agit comme un «fauchage progressif». Son effet, s'il est insuffisant pour faire disparaître en une fois l'ensemble des pieds des différentes plantes présentes (ce qui peut permettre à certaines espèces de papillons à cycle «long» de se maintenir), est par contre suffi- sant pour en diminuer rapidement le nombre (ce qui entraîne une limitation du nombre d'individus pouvant parvenir à maturité). A ce premier effet se greffe bien entendu le piétinement du bétail susceptible de détruire de nombreuses chenilles et chrysalides puisque le développement larvaire et la nymphose de la plupart des espèces de papillons des milieux ouverts se passent au sein de la strate herbacée. La baisse de la qualité floristique de chaque type de milieu est liée non seu- lement à une baisse de leur richesse faunique, mais aussi à une modification de la composition même de leurs peuplements, traduite par une augmentation de la pro- portion d'espèces qui exploitent des graminées (» 40% du nombre d'espèces sédentaires ou peu mobiles) et par une baisse de la proportion de celles qui exploi- tent des légumineuses (« 30% du nombre d'espèces sédentaires ou peu mobiles). Cette constatation reflète bien les effets de l'intensification des pratiques agricoles, et notamment de l'apport d'engrais, dans les herbages de la région - explosion des graminées, raréfaction de la plupart des autres espèces de plantes - effets d'autant plus marqué que cet apport est important. TRI DES RELEVES (TWINSPAN) Nous avons renoncé à énumérer les 140 sites étudiés dans la fig. I présentant les résultats de ces analyses. Cette enumeration a été remplacée par les valeurs 22 LES LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES PÂTURAGES, PELOUSES ET PRAIRIES Tab. 2: caractéristiques des sites étudiés. PARC : numéro de parcelle ; LOC : nom du site ; ALT : altitude ; EXPO : exposition ; SRFET : surface étudiée ; SRFTOT : surface totale ; PEN : pente moyenne ; PMX : pente maximale ; RBU : recouvrement des buissons ; RBO : recouvrement des massifs boisés ; UGBN : charge en bétail; UTIL: type d'exploitation; FAUC: fauche; PATU : pâture ; FAPA : fauche partielle ; FPAT : fauche et pâture ; PPAR : pâture partielle ; nsp : nombre d'espèces de papillons ; sed : nb. d'espèces sédentaires ; NCO : nb. d'espèces de plantes à fleurs ; NF : note floristique ; adt : nb. d'individus (toutes les espèces de papillons) ; ads : nombre d'individus (espèces sédentaires). PARC LOC ALT EXPO SRFET SRFTOT PEN PMX — ¦5BÖ UGBN UTIL nsp adt sed ads NCO "NF 17 Côte-aux-Fées 1000 SO/O 34470 175000 28 37 4.2 1.9 PATU 36 300 33 282 76 4 117 Lode 1225 SE 24500 175000 12 15 0 6.6 39.4 PATU 10 30 5 17 46 4 15 Côte-aux-Fées 1000 SE 17000 17000 85 120 4 10 SANS 33 227 27 207 42 5 226 Cernier 1300 S 20300 20300 55 85 5 29 FPAR 19 114 10 26 73 253 Chasserai 1405 SE 40000 620000 38 64 94.8 PATU 20 104 13 47 70 254 Chasserai 1425 NE 58750 620000 58 0.5 0 94.8 PATU 14 109 9 71 67 2 Tête de Ran 1370 SE 21275 685000 26 5.7 0 89.3 PATU 15 123 13 110 63 3 Tête de Ran 1380 E/SE 83050 685000 48 75 11 89.3 PATU 33 713 24 620 79 224 Fontaines 1360 S 33700 293000 44 47 1.1 2 40.1 PATU 17 115 12 58 60 252 Chasserai 1470 SE 1E+05 230625 45 50 0 9.3 15.5 PATU 28 333 19 225 72 1 Tête de Ran 1370 SE 15375 15375 44 47 6.2 32 SANS 26 330 23 298 70 62 Brévine 1085 SE 59875 143000 15 32 8.1 PATU 34 396 24 266 72 63 Brévine 1085 SE 75850 166000 32 3.1 14 PATU 37 365 28 265 65 225 Fontaines 1335 S 20000 65000 38 43 0 10.1 PATU 16 95 12 37 54 416 Enqes 1230 S 8850 10000 14 17 16 0 PATU 18 44 14 28 54 58 Bayards 1040 s 57050 210600 13 19 2.2 1.5 PATU 25 171 20 162 56 59 Bavards 1055 s 31600 31600 13 15 7.2 2.3 5.9 PATU 29 219 24 206 58 60 Bavards 1060 s 1E+05 108600 12 25 0.6 PATU 24 227 20 213 47 61 Bavards 1055 s 41775 205825 8 25 1.5 4.6 PATU 14 82 10 73 49 447 Bayards 1025 SE-SO 11425 18 28 3.4 PATU 22 72 17 65 46 219 Montalchez 1405 S/SE 47614 525000 26 35 1.7 4.6 80 PATU 25 182 17 122 74 220 Montalchez 1360 S/SO 20125 23000 19 21 H o 4.2 PATU 19 96 15 43 57 218 Montalchez 1375 SE 14850 14850 15 23 27 0 SANS 33 225 25 139 78 221 Montalchez 1345 S/SO 13675 6500 25 13 0 0.7 PPAR 26 184 21 86 80 222 Montalchez 1340 SE 3800 3800 20 35 0 SANS 19 142 15 77 62 35 Cachot 1055 SE 17175 100000 37 45 2.5 PATU 30 192 23 178 57 4 55 Boveresse 1140 PLAT 41575 205000 0 0 31 SANS 28 502 24 491 71 5 57 Boveresse 1130 31875 156000 9.8 20.6 SANS 23 218 18 210 68 4 27 Couvet 1125 S/SE 27400 90800 41 52 7.7 13 8.7 PATU 40 1583 32 1532 69 4 28 Couvet 1115 SE 13175 154000 42 46 5.6 19 27.2 PATU 33 308 28 287 56 4 30 Couvet 1140 S/SE 23400 90800 40 53 1.5 0 8.7 PATU 30 1081 23 1063 46 420 Côte-aux-Fées 965 NINO 18450 217000 24 39 0.2 0 35.8 PATU 25 113 19 97 54 4 11 Côte-aux-Fées 1010 SE 17275 94000 35 47 0 0 18 PATU 13 79 10 71 47 4 144 Côte-aux-Fées 1030 SE 16125 157000 37 37 3.9 0 22.9 PATU 22 78 19 75 23 3 13 Côte-aux-Fées 1005 NESO 8825 323000 5 29 0 ° 48.7 PATU 18 82 14 76 46 4 14 Côte-aux-Fées 1060 SE/NO 9650 15000 44 44 3.7 0 2.4 PATU 26 251 23 238 52 4 10 Côte-aux-Fées 1010 S/SE 6500 6500 47 47 0 0 FPAR 24 304 20 298 40 5 229 Brévine 1150 N/NO 28000 28000 14 18 0.4 2 PATU 11 30 5 14 42 4 408 Chaumont 1145 PLAT 12709 0 0 3.7 19 PATU 15 29 12 19 69 4 412 Chaumont 1130 SE 3016 13 0 0 PATU 9 10 8 9 22 4 442 Bavards 945 N 11300 41 52 5.8 PATU 13 33 10 28 51 4 230 Brévine 1130 N/NO 15250 4 8 2.3 20 PATU 15 60 8 46 48 4 227 Fontaines 1300 SE 3100 3100 32 40 9.4 o SANS 18 90 11 40 65 4 245 Cernier 1155 N/NO 28000 294000 27 12 59.3 PATU 6 11 2 5 41 4 33 Cachot 1050 PLAT 13200 0 0 0 FAUC 5 21 3 18 6 244 Montalchez 1340 PLAT 4600 0 0 0 FAUC 7 19 3 11 20 3 434 Rochefort 1165 PLAT 6500 0 0 0 FAUC 2 28 2 28 13 119 Lode 1240 SE 22125 161000 17 20 0 25 29.5 PATU 5 11 3 5 28 4 121 Lode 1260 PLAT 31375 31375 0 0 0 0 FAUC 4 7 2 3 23 3 123 Chaux-de-Fonds 1250 PLAT 30150 0 0 o o FAUC 2 5 1 4 11 1 211 Coffrane 770 N 5100 7950 44 48 3.8 0 PATU 14 33 7 21 29 3 339 Valanqin 735 N 4800 29 29 0 0 PATU 9 55 6 46 34 4 335 Boudevilliers 800 PLAT 4300 13200 0 0 0 ° FAUC 4 45 3 44 9 2 465 Boudevilliers 785 PLAT 500 500 0 0 0 o FAUC 4 137 3 134 370 Liqnières 820 SE/E 1425 1425 20 20 14 o SANS 10 57 6 49 47 4 7 Valanqin 685 E/NE 18257 32 55 0 0 PATU 12 172 10 168 43 4 53 Enqollon 695 S/SE 3425 60000 29 38 0.2 0 18.1 PATU 10 57 7 52 26 98 Vaumarcus 590 O/SO 15000 15000 55 60 0 0 PATU 11 54 4 36 35 4 99 Vaumarcus 580 S/SE 4000 20000 33 47 3 1.7 PATU 14 72 9 64 48 4 310 Enqes 790 SO 2275 25 27 0 0 PATU 7 20 5 18 20 3 313 Enqes 790 SE 2400 2400 27 33 0 0 PATU 9 51 8 50 12 5 336 Boudevilliers 750 E/SE 20150 17 35 o ° FPAT 18 129 12 103 60 4 23 YVES GONSETH 439 Travers 810 S/SE 9375 23 30 PATU 13 100 8 91 24 4 451 Travers 740 S/SE 7025 26 37 0 13.4 PATU 12 46 10 38 33 4 94 Vaumarcus 550 SSE 1950 27 35 0 FAUC 10 73 7 63 26 3 97 Vaumarcus 520 SO 2100 2100 26 26 0 FAUC 16 54 7 33 32 102 Vaumarcus 560 S/SO 3125 3125 41 45 0 FAUC 12 68 5 55 25 4 290 Gorqier 510 O/SO 4360 4360 32 41 0 FAUC 9 28 4 18 31 314 Enqes 790 SE 1000 19 27 0 FPAR 13 83 11 81 20 319 Montmollin 715 S/SE 2823 2823 45 48 2.8 FAUC 19 121 12 110 34 384 Hauts-Genevevs 945 PLAT 1690 0 0 0 FAUC 17 37 12 28 26 4 295 Gorqier 500 E/NE 2439 2439 36 90 0 FPAR 10 31 9 28 33 5 429 Brot Dessous 920 S 330 330 30 65 31 SANS 18 41 13 31 24 5 437 Travers 760 S/SE 900 900 39 45 0 SANS 16 65 10 46 30 4 440 Travers 795 S 520 520 28 28 0 0 SANS 10 23 7 15 40 5 51 Enqollon 710 O 9950 60000 15 15 0 o 18.1 PATU 10 22 7 16 12 3 85 Chaux-de-Fonds 1014 PLAT 15650 47000 3 7 2.8 9.3 PATU 16 43 9 27 44 3 255 Brenets 760 S/SO 3485 3485 55 75 1 o 1 PATU 15 34 10 21 38 324 Montmollin 840 PLAT 1590 1590 0 0 0 0 FAUC S 15 5 11 24 316 Enqes 805 SE 218 218 23 4.2 0 SANS 14 44 12 42 16 317 Montmollin 720 S 960 960 30 30 0.7 0 SANS 17 73 12 67 31 328 Montmollin 815 S/SE 420 2000 46 46 0 3 FPAR 8 34 6 30 13 174 Travers 730 SE 2400 25 35 8.2 0 SANS 22 91 13 63 77 184 Lode 970 S/SE 4600 60 80 17 0 SANS 22 115 15 82 43 5 182 Buttes 830 E 12000 36000 53 55 0.3 o 5.6 PATU 24 156 19 140 51 5 279 Couvet 830 SE 10250 52000 46 54 0 o 9.6 PATU 23 193 19 181 54 4 418 Côte-aux-Fées 980 S/SE 9125 331000 41 50 2.4 0 60 PATU 22 107 14 91 54 4 419 Côte-aux-Fées 970 S/SE 2600 331000 58 58 1.5 o 60 PATU 18 67 14 60 33 4 426 St-Sulpice 800 N 19100 19100 55 76 1.7 2 PATU 12 75 10 73 39 4 5 Valanqin 675 E 2700 40 0 o FAUC 12 253 11 252 34 4 Valanqin 675 E 4190 4190 37 53 14 0 SANS 21 232 17 223 53 65 Noiraique 800 S/SE 5500 5500 30 35 3.4 0 FAUC 25 226 18 212 57 68 Brot Dessous 825 S/SO 7050 7050 45 50 0 5.7 SANS 29 188 24 169 47 69 Brot Dessous 790 S/SE 10925 10925 44 45 0 0 FPAR 37 270 29 249 53 172 Couvet 755 S/SE 3925 3925 37 40 3.7 0 FAUC 26 141 20 120 53 82 Chaux-de-Fonds 1015 S/SE 21000 105000 19 19 6.4 3.8 PATU 22 120 15 58 65 4 120 Lode 1240 SE/NO 15325 171000 17 20 3.9 0 30.4 PATU 12 21 7 8 32 3 246 Chézard 1125 N/NO 9175 102000 45 50 0 0 21.1 PATU 11 23 6 16 37 4 424 St-Sulpice 795 NE 1925 3100 43 21 PATU 10 32 9 31 38 4 78 Buttes 790 PLAT 7700 7700 0 0 0 0 FAUC 22 106 19 96 44 4 404 Chaumont 1110 S/SE 6280 6280 20 22 0 0 FPAR 18 61 12 53 41 4 75 Buttes 790 PLAT 17000 17000 5 85 3.3 0 SANS 28 144 19 96 67 4 423 St-Sulpice 810 N/NO 4575 4575 32 50 2.8 o FPAR 18 56 15 45 33 4 425 St-Sulpice 800 N 2150 2150 52 4.9 0 SANS 8 25 6 23 18 4 74 St-Sulpice 865 N/NE 25000 66 45 1.4 17 PATU 19 106 14 97 43 4 415 Enqes 1245 S/O/E 10950 28325 8 21 2 16 PATU 16 23 12 17 40 4 23 Landeron 600 SE 3950 3950 17 17 0 0 0.1 FAUC 15 39 12 35 23 4 302 Landeron 770 SE 30000 46250 20 32 0 0 2.1 FPAT 22 127 15 115 52 5 315 Enqes 805 SE 883 883 50 12 0 SANS 14 124 11 117 37 5 18 Landeron 505 O/S 27475 54500 33 52 3.7 0 PATU 38 434 26 397 49 5 19 Landeron 665 SE 47500 47500 25 32 2.7 9.5 PATU 35 676 25 654 48 5 20 Landeron 605 S 26200 26200 25 10 PATU 26 274 21 246 74 187 Colombier 480 PLAT 15778 0 55 0 0 SANS 20 284 13 257 40 1014 St-Blaise 560 SE 3500 7500 25 0 0 FAUC 21 108 16 102 59 21 Landeron 610 S/SE 8175 8175 20 28 9.8 0 SANS 35 150 26 136 60 22 Landeron 610 SE 12000 12000 26 30 3.6 0 FPAR 40 229 32 216 78 146 Landeron 590 SE 2800 2800 20 SANS 26 77 20 65 40 67 Noiraique 815 S/SO 6350 6350 43 45 0.7 0 SANS 31 164 25 153 47 355 Dombresson 785 S 555 555 42 42 18 4.3 SANS 13 33 10 21 47 1005 Cornaux 500 SE 3800 3800 46 7 7 FAUC 18 69 13 63 1008 St-Blaise 440 SE 7100 45 21 0 SANS 27 171 19 154 37 1057 Fretereules 855 SE 12900 12900 20 15 15 SANS 29 116 23 107 287 Gorqier 525 SE 1020 1020 10 12 0 0 FAUC 8 20 4 10 39 306 Cressier 745 SE 8820 10000 12 0 0 FAUC 5 21 4 20 24 4 411 Chaumont 1125 SE/E 5875 13 0 PATU 4 8 4 6 19 4 54 Enqollon 690 PLAT 10800 10800 0 0 0 o FAUC 7 15 4 6 14 : 125 Colombier 435 PLAT 34000 52250 0 0 0 o FPAR 8 22 3 10 26 288 Gorqier 525 NO 1779 1779 45 45 0 o FPAR 8 30 5 22 29 353 Dombresson 760 S 14000 14000 16 16 0 o FAUC 9 22 5 16 19 360 Enqes 900 PLAT 1040 1040 5 11 0 o FAUC 5 12 2 5 33 26 Landeron 650 SE 10500 15000 23 0 o FAUC 8 47 6 41 36 5 340 Valanqin 735 N 6950 32 32 0 o PATU 9 84 6 77 26 t 50 Enqollon 695 PLAT 14250 14250 0 0 0 o FAUC 5 14 2 5 15 2 413 Chaumont 1140 SE 6486 14 22 0 PATU 4 4 1 1 22 84 Chaux-de-Fonds 1020 PLAT 12425 105000 3 6 0 0 8.6 FAPA 3 4 2 3 25 3 126 Boudry 434 PLAT 10000 0 0 0 o FAUC 3 28 0 0 15 354 Dombresson 745 S 19095 19095 16 27 0 o FAUC 3 8 1 3 13 414 Chaumont 1150 PLAT 3780 3780 3 7 0 o FAUC 2 2 1 1 9 143 Boudry 435 PLAT 1600 1600 0 0 0 o FAUC 2 9 0 0 17 48 Enqollon 740 PLAT 2275 2275 0 0 0 o FAUC 2 4 0 0 14 24 LES LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES PÂTURAGES, PELOUSES ET PRAIRIES moyennes de certaines variables susceptibles d'expliquer les regroupements réali- sés, soit, par ordre d'apparition : nombre de sites (par catégorie), altitude, nombres totaux d'espèces et d'individus recensés, nombres d'espèces et d'individus recen- sés (espèces peu mobiles), nombre de plantes à fleurs observées, indice floristique moyen et indice de complexité de la structure spatiale du milieu. Cette analyse a été effectuée deux fois: en tenant compte de toutes les espèces (non figurée) puis en éliminant les espèces les plus mobiles (Aglais urticae, Cynthia cardai, Pieris bras- sicae, Pieris napi, Pieris rapae, Vanessa atalanta; fig. I). La variable environnementale qui ressort le plus nettement de ces analyses est l'altitude: pour les pâturages ou les estivages comme pour les prairies fauchées ou abandonnées, la plupart des milieux situés à plus de 1000 m. d'altitude se différen- cient nettement de ceux situés à une altitude inférieure. Si la présence, le long de l'Arc jurassien, d'espèces strictement ou essentiellement collinéennes (Coenonym- pha arcania, Fixsenia pruni, Hipparchia fagi, Iphiclides podalirius, Quercusia quercus, Satyrium acaciae...) à côté d'espèces strictement montagnardes {Erebia euryale, Erebia meolans, Lasiommatapetropolitana, Pieris bryoniae...) est une évi- dence, il est toutefois intéressant de constater que, dans le Jura neuchâtelois, le sta- tut de certaines espèces, connues pour leur large amplitude altitudinale, semble s'être modifié depuis le début du siècle. En effet, des espèces comme Hesperia comma, Lycaena virgaureae, Plebicula dorylas ou Pyrgus alveus, signalées aussi bien en plaine qu'en montagne par de Rougemont (1904), sont aujourd'hui essen- tiellement confinées à des milieux ouverts de moyenne et haute altitude. Leur pré- sence dans un relevé donné accuse donc son caractère «montagnard». Cette ten- dance, nette pour les cas qui viennent d'être mentionnés, est aussi sensible pour d'autres espèces: Mellicta athalia, qui se rencontre aussi bien en plaine qu'en mon- tagne (mais extrêmement rarement dans des milieux identiques à ceux de M.par- thenoides; elles s'excluent d'après LSPN, 1987), est, selon nos observations, la seule espèce du genre sur le littoral neuchâtelois; Limenitis camilla s'observe aujourd'hui le plus souvent dans ou aux abords immédiats de la chênaie pubescente (Gonseth, 1993); Aglais urticae, Cynthia cardui, Inachis io et Vanessa atalanta, espèces très mobiles susceptibles de se reproduire à peu près partout, sont particulièrement abon- dantes à moyenne et haute altitude, à certaines périodes de l'année du moins, comme nous l'avons déjà souligné (Gonseth, 1992a). L'étude de l'arbre dichotomique de la fig. I permet de tirer certains ensei- gnements complémentaire. De manière générale, la complexité de cet arbre, indice de différences fines entre les peuplements des milieux étudiés, est imputable aux observations irrégu- lières ou même très ponctuelles de nombreuses espèces qui sont ainsi devenues autant d'espèces différentielles. Si une telle constatation peut être le fruit d'un pro- blème d'échantillonnage (il est certain que 4 passages annuels ne permettent pas d'affirmer que les relevés effectués dans chaque milieu sont exhaustifs), l'ampleur du phénomène est telle, qu'elle traduit, à notre sens, le morcellement important de leur aire de distribution régionale et le caractère aléatoire de la répartition de leurs populations. Si pour des espèces très rares et/ou dont les exigences écologiques sont très particulières {Lasiommata petropolitana, Maculinea nausithous, M. rebeli par exemple), ce fait peut être considéré comme normal, il n'en va pas de même pour des espèces plus «plastiques», telles Ancia agestis, Brenthis ino (présente aussi bien dans les Mégaphorbiées que dans certaines pelouses sèches dans le Jura), Coeno- nympha glycerion, Eurodryas aurinia, Lysandra coridon, Maculinea arion, MeIi- taea diamina, Mellicta parthenoides ou M. athalia, Plebicula dorylas, Satyrium 25 YVES GONSETH spini... qui, comme nous l'avons personnellement constaté dans le Jura français (Vallée de la Loue; région de Rémoray), peuvent être observées dans les mêmes milieux ou dans des milieux adjacents. Deux causes complémentaires sont vrai- semblablement à l'origine de cette distribution particulière des espèces: les milieux encore favorables aux papillons diurnes, même les plus riches, sont trop petits ou/et subissent une trop forte pression pour permettre le maintien de l'ensemble des espèces qui pourraient théoriquement y vivre; ces mêmes milieux sont trop isolés (éclatement généralisé des macrostructures paysagères favorables aux papillons diurnes en petits éléments dispersés) pour permettre l'échange régulier d'espèces entre leurs peuplements respectifs. A qualité égale, il n'existe pas, d'après cette seule analyse, de différences très nettes entre les peuplements des différents types de milieux retenus; en d'autres termes, certains pâturages gras peuvent présenter des peuplements assez similaires à ceux de certaines prairies de fauche intensives; certains pâturages maigres exten- sifs peuvent présenter des peuplements assez similaires à ceux de certaines prairies sèches. Soulignons toutefois que 84% des prairies de fauches étudiées (31 sur 37), qu'elles soient collinéennes ou montagnardes, présentent des peuplements lépido- ptérologiques nettement sous optimaux (nombre moyen d'espèces sédentaires < 10) et qu'à l'inverse, 77% des herbages abandonnés (28 sur 35), présentent des peu- plements lépidoptérologiques plus diversifiés (nombre moyen d'espèces sédentaires » 10). Quel qui; soit l'étage altitudinal considéré, les herbages profondément dégra- dés se dissocient rapidement de l'ensemble des autres milieux; les prairies artifi- cielles, les prairies grasses et les pâturages gras collinéens et de moyenne montagne sont généralement caractérisés par l'absence de toute diversité structurale (pente faible, absence de buissons, de massifs boisés, de roches affleurantes) et par une flore très pauvre en espèces; leurs peuplements lépidoptérologiques ne recèlent au mieux que quelques espèces sédentaires dont les exigences écologiques sont très faibles. L'ensemble des herbages dégradés à tendance montagnarde sont rassem- blés dans un groupe de relevés dont les composantes indiquent un profond désé- quilibre des peuplements: forte dominance d'espèces exploitant des graminées, rareté extrême ou absence totale d'espèces exploitant des légumineuses ou d'autres familles de plantes. Quel que soit l'étage altitudinal considéré, la complexité de la structure spa- tiale des milieux étudiés joue un rôle non négligeable dans la composition de leurs peuplements lépidoptérologiques, certaines espèces étant visiblement liées, dans le Jura neuchâtelois du moins, à certains éléments structuraux: Erebia meolans, forte pente et roche affleurante; Parnassius apollo, roche affleurante; Erebia ligea, E. euryale, massifs boisés; Iphiclidespodalirius, Satyrium spini, buissons par exemple. Soulignons toutefois que composition et richesse d'un peuplement ne sont pas syno- nymes, des milieux homogènes de qualité pouvant abriter un grand nombre d'espèces. CORRELATIONS Afin de compléter les résultats obtenus par ces premières analyses, nous avons effectué, pour les pâturages et les estivages d'une part et pour les prairies et les pelouses sèches d'autre part, certains calculs de corrélation entre diverses variables environnementales et les nombres d'espèces et d'individus observés (tab. 3). 26 LES LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES PÂTURAGES, PELOUSES ET PRAIRIES Tab. 3 : correlations entre variables environnementales et nombre d'espèces et d'individus observés. N : nombre d'échantillons ; R2 : coefficient de corrélation. VARIABLES COMPAREES N R2 % RESULTAT Pâturages et estivages nb. espèces papillons / nb. espèces plantes 65 0.476 <0.1 hautement significatif nb. espèces papillons (peu mobiles) / nb. espèces plantes 65 0.427 <0.1 hautement significatif ln(nb. individus) / nb. espèces plantes 65 0.435 <0.1 hautement significatif ln(nb.. individus, sp. peu mobiles) / nb. espèces plantes 65 0.335 <1 très significatif nb. espèces de plantes / surface étudiée 65 0.319 <5 significatif nb. espèces papillons / surface étudiée 65 0.247 <5 significatif nb. espèces papillons peu mobiles / surface étudiée 65 0.190 >5 non significatif ln(nb. individus) / surface étudiée 65 0.258 <5 significatif ln(nb.. individus, sp. peu mobiles) / surface étudiée 65 0.195 >5 non significatif nb. espèces papillons / diversité végétation résiduelle 64 0.331 < 1 très significatif ln(nb. individus) / diversité végétation résiduelle 64 0.336 < 1 très significatif (nb.. individus, sp. peu mobiles) / diversité vég. résiduelle 64 0.282 <5 significatif charge par hectare / surface étudiée 31 0.216 >5 non significatif charge par hectare / surface totale 31 0.159 >5 non significatif charge par hectare / nb. espèces papillons 31 0.413 <5 significatif charge par hectare / ln(nb. individus) 31 0.542 < 1 très significatif charge par hectare / ln(nb. individus, sp. peu mobiles) 31 0.475 <1 très significatif Prairies de fauche, abandonnées et pelouses sèches nb. espèces papillons / nb. espèces plantes 72 0.616 <0.1 hautement significatif nb. espèces papillons peu mobiles / nb. espèces plantes 72 0.559 <0.1 hautement significatif ln(nb. individus) / nb. espèces de plantes 72 0.539 <0.1 hautement significatif ln(nb. individus, espèces peu mobiles) / nb. sp. plantes 72 0.424 <0.1 hautement significatif nb. espèces papillons / surface étudiée 72 0.022 >5 non significatif ln(nb. individus) / surface étudiée 72 0.008 >5 non significatif Pour les prairies de fauche, les prairies abandonnées et les pelouses sèches, le lien entre la qualité et la richesse de la flore et la diversité des peuplements lépido- ptérologique est évident. Les prairies grasses et artificielles, dont la flore est très pauvre quelque soit l'altitude considérée, n'abritent qu'un très faible nombre d'espèces de papillons: à basse altitude, Colias hyale, Pieris rapae et Polyommatus icarus parfois associées à quelques itinérantes telles Aglais urticae, Issoria latho- nia, Lycaena phlaeas, Pieris brassicae, P. napi qui exploitent, avant la fauche, les rares plantes nectarifères qui s'y trouvent (Gonseth, 1992b); en montagne, Erebia medusa et Polyommatus icarus associées à ces mêmes itinérantes (Issoria lathonia et Lycaena phlaeas y sont toutefois plus rares). Les prairies de VArrhenaterion, subissant 2 coupes annuelles au maximum, qui présentent une flore un peu plus diversifiée, peuvent abriter, en plaine comme en montagne, certaines espèces com- plémentaires: Cyaniris semiargus, Lycaena tityrus, Maniola jurtina, Coenonympha pamphilus associées, dans le meilleur des cas (pelouses tendant vers le Mesobro- miori) à Melanargia galathea et Lycaena hippothoe. Dans tous ces types de prai- ries, il suffit d'un fauchage retardé (août) pour assister à l'explosion des popula- tions de deux espèces dont les chenilles se nourrissent de graminées: Aphantopus hyperanthus et Maniola jurtina (cf. tab.2, parcelle 465); ces deux espèces sont donc aussi très abondantes dans les prairies abandonnées depuis plusieurs années quelque 27 YVES GONSETH soit la qualité de leur flore. La majorité des espèces de papillons sont évidemment confinées dans; les lambeaux de pelouses sèches, abandonnées ou fauchées, qui sub- sistent encore dans la région. Toutefois, un fauchage de prairies maigres ou méso- trophes effectué précocement (mai, juin), peut avoir des conséquences dramatiques sur leurs peuplements lépidoptérologiques: la plupart des espèces qui pourraient théoriquement y vivre sont en effet éliminées ou ne peuvent subsister qu'en popu- lation dont les effectifs sont très faibles (parcelles 288, 290, 319 par exemple; voir aussi Gonseth, 1992a). Pour les pâturages et les estivages le lien existant entre la qualité et la richesse de la flore (exprimée en nombre d'espèces) et la diversité des peuplements lépido- ptérologiques est aussi nette que pour les prairies et les pelouses. Un fait pondère toutefois cette constatation puisque ces mêmes variables sont aussi corrélées à la surface étudiée. Richesse floristique, diversité faunique et surface ne sont donc pas, du moins apparemment, des variables indépendantes. Si la relation existant entre diversité spécifique et surface est une notion bien connue en écologie (voir Blon- del, 1979 notamment), il ne faut pas en tirer ici de conclusions trop hâtives. En effet, cette relation n'est valable que si les milieux comparés sont identiques (à qualité égale un milieu de grande surface est plus riche en espèce qu'un milieu de surface plus petite). Or, dans ce cas précis, l'identité entre les pâturages et les estivages étu- diés n'est que conceptuelle (liée à leur mode d'exploitation) et ne recouvre en fait aucune réalité biologique: certains présentent une grande diversité structurale, d'autres sont très homogènes; certains sont exploités très intensivement, d'autres extensivement; certains sont amendés sur toute leur surface, d'autres partiellement ou pas du tout... La raison de cette relation doit donc être trouvée ailleurs. Elle est, à notre sens, liée à notre méthode d'échantillonnage: les pâturages permanents de moyenne altitude ne présentent pratiquement aucune diversité structurale (pas de haie, ni de massifs boisés ou de roche affleurante, pente faible à moyenne) et sont généralement: très intensivement exploités. Comme les résultats fauniques obtenus dans ce type de milieu plafonnent rapidement, il n'est pas indispensable d'en étu- dier une très grande surface pour obtenir une idée objective de la composition de leurs peuplements lépidoptérologiques. Dans notre échantillonnage les surfaces de pâturages permanents retenues sont ainsi systématiquement faibles. A l'inverse, les estivages montagnards présentent généralement une forte diversité structurale (pré- sence de massifs boisés, de buissons, de roche affleurante, alternance de zones de forte et de faible pente). Il est ainsi indispensable d'en étudier une grande surface pour obtenir une vision objective de leurs peuplements lépidoptérologiques. Dans notre échantillonnage les surfaces d'estivages retenues sont ainsi systématiquement grandes. Toutefois, la microdistribution des espèces dans de tels milieux n'étant pas homogènes (les zones de pentes faibles, engraissées naturellement ou chimiquement et fortement broutées n'abritent souvent pas plus d'espèces que les pâturages per- manents), la surface réellement colonisée par les papillons est donc plus faible que celle qui a été étudiée et retenue dans ces calculs. En conclusion, la relation sur- face/diversité faunique et floristique qui émanent du traitement de nos résultats est sans doute surestimée, ce qui ne nous permet pas de retenir la surface comme variable explicative importante des différences existant entre les peuplements des milieux étudiés. Pour les pâturages et les estivages, il existe une corrélation très significative entre l'indice de complexité de leur végétation résiduelle (diversité cumulée du recouvrement et de la stratification de la végétation restant sur pied en fin de sai- son après le passage du bétail) et la diversité de leurs peuplements lépidoptérolo- 28 LES LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES PÂTURAGES, PELOUSES ET PRAIRIES giques. Cette variable est intéressante car elle exprime la pression réelle du bétail sur la surface étudiée. Toutefois, un indice élevé de cette variable peut exprimer deux choses très différentes: la pression du bétail est faible, l'exploitation du milieu est donc extensive (ce qui est favorable aux papillons diurnes en général); la nature du fourrage est telle (très forte proportion de dactyle par exemple), que le bétail refuse de le brouter (ce qui n'est favorable qu'à quelques espèces seulement, telles Aphantopus hyperanthus ou Maniola jurtina par exemple). En outre, comme nous avons pu le constater dans la parcelle 447, une forte charge en bétail (exprimée par un très faible indice de végétation résiduelle) peut être compatible avec le maintien d'un peuplement lépidoptérologique très intéressant si certaines conditions sont remplies: premier passage du bétail assez tardif (début juillet) et pas d'engraisse- ment chimique. La charge en bétail a, d'après nos résultats, une influence significative sur la richesse (exprimée en nombre d'espèces) des peuplements des milieux étudiés et une influence très significative sur le nombre d'individus présents. Le fait qu'aucune corrélation n'existe entre cette variable et les surfaces étudiée et totale des pâturages et estivages retenus exprime parfaitement la forte variabilité d'exploitation des her- bages de la région et le manque de «règles» ou de «coutumes» en la matière. Sou- lignons que la charge en bétail, telle que nous l'avons estimée, exprime une valeur moyenne relative à la surface totale du milieu. Elle occulte donc complètement les variations ponctuelles de la pression du bétail en fonction des irrégularités du ter- rain par exemple (pression plus forte dans les zones de faible pente que dans les zones de forte pente), variations qui influencent beaucoup, comme nous l'avons déjà souligné, la micro distribution des papillons dans les milieux étudiés. La charge de 1.0 à 1.5 UGBN/ha qui, d'après nos calcul, est encore compatible avec une bonne diversité faunique des peuplements lépidoptérologiques des estivages et pâturages de la région (voir figs 2 et 3) ne correspond donc pas exactement à la charge effec- tive des surfaces qui abritent réellement les papillons; en effet sur de telles surfaces la charge réelle doit être encore plus faible. RECAPITULATION ET DISCUSSION Un certains nombre de variables environnementales ou anthropogènes influen- cent, d'après nos résultats, la composition ou la diversité des peuplements lépido- ptérologiques des herbages du Jura neuchâtelois. La hiérarchisation suivante de ces variables peut être faite. Altitude: cette variable n'influence en rien la «valeur» ou la diversité des peu- plements décrits; elle joue par contre un rôle important dans leur composition fau- nique respective. Type d'exploitation: quelque soit le type de milieu concerné, les herbages abandonnés de basse ou moyenne qualité floristique abritent une faune lépidopté- rologique plus diversifiée que ceux qui sont encore exploités; l'abandon soudain d'une surface se traduit rapidement par l'explosion des populations de certaines espèces. Fauchage: la multiplication des fauchages ou un fauchage très précoce des herbages, quelque soit la qualité de leur flore, se traduisent par une baisse sensible de leur richesse et de leur diversité fauniques. A qualité égale, les milieux partiel- lement fauchés sont plus riches que les milieux intégralement fauchés. Pâture: la pâture d'un herbage influence fortement le nombre d'individus pré- sents; sous certaines conditions, cette variable ne se traduit toutefois pas par une 29 YVES GONSETH y= -0.041 x + 2.634 £ = 0.413 Nombre d'espèces de papillons Fig. 2 : Relation charge en bétail / richesse des peuplements lépidoptériques des pâturages étudiés. y= -0.334X + 3.361 £ = 0.542 ln(nombre d'individus observés) Fig. 3 : Relation charge en bétail / nombre pondéré de papillons observés dans les pâturages étudiés. 30 LES LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES PÂTURAGES, PELOUSES ET PRAIRIES baisse sensible du nombre d'espèces recensées; la charge en bétail a par contre une influence et sur la richesse faunique d'un herbage et sur le nombre d'individus qu'il abrite; la charge en bétail est une variable liée à la diversité structurale du milieu et l'indice de diversité de la végétation résiduelle exprime la variation ponctuelle de cette charge moyenne en fonction, par exemple, des irrégularités du terrain; un pâtu- rage à faible indice de diversité de végétation résiduelle peut toutefois, s'il est pâturé tardivement et non engraissé, abriter une faune lépidoptérologique très intéressante. Qualité de la flore: la qualité de la flore est généralement liée à la qualité glo- bale des peuplements lépidoptérologiques des herbages de la région; toutefois, si un herbage de basse qualité floristique n'a aucune chance d'abriter une faune lépido- ptérologique intéressante, un herbage de haute qualité floristique n'abrite pas for- cément un peuplement lépidoptérologique diversifié, la présence de ce dernier dépendant de son mode d'exploitation. Complexité de la structure spatiale du milieu: à qualité égale un milieu à haute complexité structurale est plus riche en espèces et en individus qu'un milieu homo- gène; un milieu homogène peut toutefois, sous certaines conditions, abriter un peu- plement lépidoptérologique extrêmement intéressant. Variable géographique: la question qui se pose est de savoir si l'existence d'une «variable géographique», exprimant un problème d'échantillonnage, n'influence pas nos observations de façon prépondérante. S'il est vrai que, pour des raisons pratiques évidentes, des milieux géographiquement proches ont été étudiés simultanément, les arguments suivants nous permettent d'affirmer que cette variable, si elle existe bel et bien, ne remet pas en causes nos principales conclu- sions: - l'ensemble des calculs de corrélations qui ont été effectués ne s'attachent pas à la composition spécifique des peuplements (qui varie en effet spatialement), mais à des valeurs semi-quantitatives plus neutres (nombres d'espèces et d'individus, charge moyenne, complexité du milieu...) - les parcelles 58, 59 et 447 appartiennent bien à la même unité géographique, mais les observations y ont été faites à deux ans d'intervalle et à des périodes de l'année sensiblement différentes. Leurs affinités fauniques n'expriment donc pas un travers d'échantillonage mais une affinité objective imputable à d'autres variables (voir plus bas); - l'ensemble des parcelles sises à plus de 1000 m. d'altitude dans la région de Chaumont sont rassemblées avec celles étudiées sur le littoral neuchâtelois. Ce regroupement n'est cependant pas imputable à un problème d'échantillonnage, mais plutôt à leur proximité et à leurs contacts étroits (par le biais de trouées forestières par exemple; voir Gonseth, 1993) avec les milieux les plus intéressants de la garide jurassienne (étage collinéen). Leurs peuplements lépidoptérologiques présentent ainsi certaines caractéristiques qui ne se retrouvent généralement pas dans ceux des herbages d'altitude similaire mais situés ailleurs dans le canton; - enfin, si les règles générales d'exploitation de l'ensemble des herbages de la région sont assez homogènes, leur application peut varier localement et ceci sans doute autant pour des raisons pratiques (climatiques par exemple), qu'humaines (conformité sociale, coutumes ou expériences locales). La date et la durée de la pre- mière période de fauche des prairies varient fortement d'une région à l'autre en fonc- tion des conditions climatiques: le cas le plus extrême que nous ayons constaté concerne l'ensemble des prairies de la vallée de la Brévine, dont le fauchage quasi simultané bouleverse fondamentalement, en quelques jours seulement, les conditions de vie des papillons de l'ensemble de la région. Une proportion importante des pâtu- 31 YVES GONSETH rages des Bayards appartenait, il y a quelques années encore, à une seule et même entité: le «communal des Bayards»; cette situation, assez rare dans le canton, était d'autant plus favorable aux Lépidoptères diurnes (les relevés faits dans les parcelles 58,59, 60 et 447 l'attestent encore) que les surfaces concernées n'étaient pas amen- dées, ne subissaient qu' un entretien minimal (forte densité de buissons) et étaient par- courues en un seul bloc par le bétail; elle s'est toutefois radicalement modifiée peu avant la réalisation de nos observations avec le partage du communal en unités plus petites, chacune louée à un exploitant différent; l'amendement systématique de cer- taines surfaces (engrais chimiques; canon à lisier) et l'arrachage massif des buissons ont alors débuté (parcelles 58,60,61) et des différences entre la faune lépidoptérolo- gique de ces parcelles sont déjà sensibles (appauvrissement très net de la parcelle 61 par exemple); il est ainsi à craindre que, si rien n'est entrepris rapidement, le carac- tère particulier des peuplements lépidoptérologiques de cette commune, primitive- ment dû à une pratique locale originale, ne disparaisse totalement. Une variable assurément importante n'a pas pu être traitée de manière satis- faisante dans ce travail: la nature et/ou la quantité moyenne des engrais chimiques ou naturels épandus compatibles avec la survie de nombreux papillons diurnes (l'influence grossière de cette variable est toutefois exprimée par la qualité de la flore présente). Les remarques suivantes peuvent cependant être faites. Tous les pâturages et les estivages dans lesquels nous sommes sûrs que des engrais azotés ont été épandus se sont révélés très pauvres en espèces et en indivi- dus, du moins dans les parties qui avaient été visiblement traitées; les engrais azo- tés doivent donc être absolument proscrits de milieux dans lesquels il est prévu de maintenir une faune lépidoptérologique même minimale. Les pâturages et les estivages qui recèlent des surfaces non engraissées abri- tent, pour la plupart, une faune riche et diversifiée. Notons à ce sujet que les recom- mandations de l'Office fédéral de l'agriculture concernant l'épandage d'engrais sont claires: proscription de tout engraissement des herbages sur sol superficiel et aride ou très humide. Certaines constatations faites sur le terrain, confirmées et complétées par les dis- cussions que: nous avons eues avec certains exploitants intéressés par nos travaux, méritent d'être soulignées. Le but initial de l'épandage d'engrais sur un pâturage est d'en augmenter la qualité fourragère en favorisant les légumineuses (dont certaines sont exploitées par les lépidoptères diurnes) et les graminées «tendres». Si l'épandage d'engrais chimiques se traduit bien, dans une première phase, par l'augmentation sen- sible de la proportion relative de ces plantes, il se traduit à terme (épandages répétés dans le temps et/ou excessifs), par une baisse de la proportion des légumineuses et par une augmentation très nette de la densité de graminées «dures» tel que le dactyle (Dac- tylus glomerata). Or cette plante, en conditions normales, est dédaignée par le bétail quand elle est mûre en raison de l'épaisseur et de la rigidité de sa tige (le dactyle est souvent la plante dominante des touffes de végétation résiduelle (refus) des pâtu- rages engraissés). Ce fait a une incidence très néfaste sur le devenir de l'herbage concerné: en effet, dans la plupart des cas, plutôt que de sursoir à tout nouvel épan- dage d'engrais 4 , l'exploitant tend à parcelliser son pâturage (barrières électriques mobiles) pour obliger le bétail à consommer ce fourrage de basse qualité. La spirale ainsi engagée, en augmentant encore la pression sur le milieu, est bien entendu extrê- mement défavorable aux Lépidoptères diurnes. 4 II n'est d'ailleurs pas sûr qu'à ce niveau de dégradation, l'abandon de l'épandage d'engrais se tra- duise rapidement par une amélioration sensible de sa flore. 32 LES LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES PÂTURAGES, PELOUSES ET PRAIRIES CONCLUSIONS Les milieux ouverts exploités extensivement représentent assurément les milieux de prédilection de la majorité des espèces «pr'airiales» de Lépidoptères diurnes. Si l'intensification généralisée des pratiques agricoles ont touché de plein fouet ce groupe d'insectes, leurs effets sur les différentes espèces sont loin d'être homogènes. Les observations que nous avons faites dans la région (observations générales basées sur 10 ans de terrain, dont 6 très intensives), nous permettent de tirer les conclusions suivantes. Un certain nombre d'espèces ne semblent pas avoir souffert fortement de cette évolution; il s'agit d'espèces plurivoltines, susceptibles de coloniser l'ensemble des herbages de la région, qu'ils soient artificiels (prairies à Trifolium et Lolium) ou plus naturels (prairies grasses, pâturages gras), et/ou les cultures ouvertes; 6 espèces sont concernées: Colias hyale, Papilio machaon, Pieris brassicae, Pieris napi, Pieris rapae, Polyommatus icarus. Quelques espèces sont, dans la plupart des cas, exclues des prairies artificielles et des cultures, mais peuvent être observées dans la majorité des herbages naturels pâturés et/ou fauchés; de manière générale toutefois le nombre d'individus de leurs populations respectives diminue avec l'augmentation de la pression sur le milieu; les espèces concernées peuvent être bivoltines ou monovoltines et les plantes-hôtes de leurs chenilles sont des graminées; 8 espèces sont concernées: Aphantopus hyper- anthus, Coenonympha pamphilus, Erebia medusa (plutôt en altitude, rare dans les pâturages), Lasiommata maera (la présence de roche apparente, un mur de pierre suffit, est toutefois indispensable), Lasiommata megera (colonise volontiers les terrains vagues, les friches), Maniola jurtina, Ochlodes venatus, Thymelicus syl- vestris. Ces deux groupes d'espèces ne sont pas menacés dans le canton. Quelques espèces, fréquentes dans les pelouses maigres, peuvent encore être observées dans des prairies fleuries subissant un léger engraissement et au maxi- mum 2 coupes annuelles {Arrhenaterion; prairies à marguerites et rhinanthes); de manière générale, ces espèces supportent assez mal la pâture et ne s'observent ainsi en nombre que dans les pâturages extensifs; 7 espèces sont concernées: Cyaniris semiargus, Erynnis tages, Lycaena tityrus, Lycaena hippothoe, Lysandra bellargus, Melanargia galathea, Mesoacidalia aglaja. Encore relativement communes dans la région, ces espèces sont toutefois «sur la corde raide»: une légère intensification des pratiques agricoles dans les herbages qu'elles colonisent se traduirait par une forte diminution du nombre de leurs populations. La majorité des autres espèces prairiales observées dans le canton ont forte- ment souffert de l'intensification des pratiques culturales et doivent ainsi être consi- dérées comme menacées. Ces espèces, qui ne colonisent que des herbages exten- sifs, peuvent être réparties en deux catégories: - certaines d'entre elles ont des exigences écologiques compatibles avec la colonisation de milieux extrêmes (sol très superficiel, falaises rocheuses, éboulis) et/ou indépendants du domaine agricole (clairières naturelles par exemple); compte tenu de la grande diversité topographique du canton, ces espèces pourraient sans doute se maintenir en quelques populations isolées si les herbages extensivement exploités qui les abritent encore devaient encore se raréfier; une trentaine d'espèces sont concernées tels Brintesia circe, Callophrys rubi, Erebia meolans, Hipparchia fagi, Hipparchia alcyone, Iphiclides podalirius, Lasiommata petropolitana, Lysan- dra coridon, Maculinea arion, Parnassius apollo. 33 YVES GONSETH - les espèces dont les exigences écologiques ne sont compatibles qu'avec les conditions régnant dans les pelouses maigres mésophiles à sol profond sont sans nul doute les plus fortement menacées. Sans considérer celles que nous n'avons pas retrouvées dans le canton (voir Gonseth, 1991), c'est parmi ces espèces que se trou- vent celles qui ont subi le plus net recul dans la région; 14 espèces sont particuliè- rement concernées: Agrodiaetus damon, Clossiana dia, Fabriciana niobe, Glauco- psyche alexis, Melitaea cinxia, Plebejus argus, Pyrgus alveus, toutes au bord de l'extinction, Arida agestis, Coenonympha glycerion, Lycaena virgaureae, Melitaea diamina (colonise aussi certaines prairies humides), Mellicta parthenoides, Plebi- cula thersites et Pyrgus malvae. Face à un tel constat, il est intéressant de comparer certaines recommanda- tions faites aux agriculteurs (Cadastre de la production agricole) à leurs effets sur les peuplement de Lépidoptères diurnes. Apports réguliers d'engrais sur les surfaces qui s'y prêtent Cette règle, dans son application actuelle, a des effets extrêmement destructeurs : banalisation de la flore; augmentation de la fréquence des fauchages Proscription de l'amendement des surfaces très arides et très humides Cette recommandation, si elle était rigoureusement appliquée, serait très bénéfique pour la faune (et la flore) Parcellisation des surfaces pâturées pour obliger le bétail à consommer le fourrage de basse qualité Cette recommandation, qui est de plus en plus appliquée, est très néfaste pour la faune puisqu'elle augmente significativement la pression sur le milieu concerné Arrachage systématique des buissons Cette recommandation, appliquée à la lettre, diminue la diversité structurale du milieu et entraîne un appauvrissement de la faune; des excès peuvent en outre être constatés chaque année avec l'arrachage de surface importantes de haies et de grands bosquets et la déstructuration de nombreuses lisières forestières Elimination systématique des «mauvaises plantes» (Cirsium, Carduus, Gentiana lutea..) Cette recommandation, si elle n'a pas à elle seule d'effets importants sur les peuplements de papillons diurnes, diminue toutefois l'offre en plantes nectarifères du milieu; elle implique en outre l'emploi croissant d'herbicides dont les effets à long terme sont mal connus Abandon des surfaces les moins productives Ponctuellement et à court terme cette pratique a des effets bénéfiques sur la faune; elle a toutefois un effet pervers immédiat (augmentation de la pression sur les autres surfaces) et un effet négatif à long terme (avance de la forêt et diminution implicite de la surface prairiale utile aux papillons diurnes) 34 LES LÉPIDOPTÈRES DIURNES DES PÂTURAGES, PELOUSES ET PRAIRIES Notre propos n'est bien évidemment pas de condamner en bloc l'ensemble des pratiques agricoles actuelles. Nous sommes en effet conscients que la production de nourriture répondant aux besoins croissants de la population n'est pas envisa- geable sans impact sur les milieux naturels. Nous tenons toutefois à souligner que si la richesse globale de la faune lépidoptérologique du canton ne s'est pas beau- coup modifiée depuis le début du siècle, le nombre total des populations des espèces qu'il abrite encore s'est quant à lui fortement amoindri. Si rien n'est entrepris rapi- dement pour enrayer ce phénomène, ce ne sont pas moins des deux tiers de la faune de la région qui risquent de disparaître. Les solutions suivantes devraient être adop- tées pour diminuer ce risque. Mise sous protection ou négociation de contrats d'exploitation précis des der- nières pelouses maigres mésophiles de la région. Ces pelouses ne doivent faire l'objet d'aucun amendement, qu'il soit naturel ou chimique, ne doivent subir qu'un fauchage annuel tardif, au plus tôt à la mi-juillet, et, si leur surface est suffisante, effectué par parcelles en rotation triénalle. Mise sous protection ou négociation de contrats d'exploitation précis des der- nières pelouses sèches de la région (garide). Ces pelouses ne doivent faire l'objet d'aucun amendement; leur fauchage annuel n'est pas nécessaire (un fauchage tous les trois a cinq ans est sans doute suffisant); s'il est effectué, il doit répondre aux mêmes exigences que celui des pelouses mésophiles. Les buissons, qui représentent les éléments structuraux caractéristiques de ces milieux, ne doivent pas être abat- tus; un contrôle de leur avance dans les pelouses doit toutefois être effectué: arra- chage d'une partie seulement des jeunes pousses. Si ces pelouses sont pâturées, une charge maximale d'1 UGB par hectare pour 100 jours de pâture ne doit pas être dépassée; plus le début de la pâture sera retardé, meilleur sera le résultat. Pour les pâturages et les estivages l'accent des mesures prises doit être mis sur les surfaces peu productives (sol aride et superficiel ou très humide), ou/et de forte pente (> 50%) ou/et qui présentent encore aujourd'hui une faune exception- nelle. Ces surfaces ne doivent ni être totalement abandonnées, ni être trop chargées (une charge de 1 à 1,5 UGB par hectare pour 100 jours de pâture serait idéale, mais une charge plus forte est envisageable si la pâture débute au mois de juillet); elles ne devraient subir aucun amendement et leur couvert arbustif ne devrait pas subir d'attaque massive; un contrôle de l'avance des buissons peut toutefois être recom- mandé; enfin, l'arrachage ou l'élimination chimique des cirses, des chardons et autres gentianes jaunes doit être proscrit. L'application rigoureuse de ses mesures pourrait déboucher sur un redécoupage des actuelles parcelles d'exploitation, tenant compte de la nature du sol et de la topographie, afin de préserver au mieux celles qui sont le plus intéressantes pour la faune mais qui sont aussi celles dont le ren- dement agricole est par nature le plus faible. Les boisements compensatoires ont entraîné la disparition de nombreuses pelouses maigres mésophiles ou de pelouses sèches de la région; il est impératif de renoncer aujourd'hui à de telles pratiques dans celles qui existent encore; compte tenu de la surface actuellement couverte par la forêt dans le canton, une solution simple pourrait être trouvée si de telles surfaces compensatoires étaient réellement attribuées au cadastre forestier, sans toutefois être systématiquement reboisées; leur entretien adéquat, ménageant la restructuration des lisières et assurant une zone tam- pon avec les cultures adjacentes favoriserait la faune prairiale au même titre que la faune forestière (source de nourriture, refuge potentiel, lieu de parade ...). L'ensemble de ces propositions doit être considéré dans le contexte de l'article 31 b (compensations écologiques) de la nouvelle ordonnance fédérale sur P agri - 35 YVES GONSETH culture, dont les buts avoués sont le maintien ou la restauration de la diversité natu- relle des milieux agricoles. En résumé, tout agriculteur qui appliquerait avec suc- cès les recommandations qui viennent d'être développées pourrait bénéficier d'un soutien financier de la Confédération. Or, de tels subsides compenseraient assuré- ment la «perte de rendement» des surfaces concernées puisque, si l'on se tient au choix que nous proposons, la plupart d'entre elles sont par essence assez peu pro- ductives. Nous ajouterons pour terminer, et cela n'est pas le moindre des paradoxes, qu'une première étape vers une protection efficace de la faune lépidoptérologique de la région serait franchie, si de telles recommandations étaient dès aujourd'hui rigoureusement appliquées dans l'ensemble des réserves naturelles et des biotopes protégés de la région. REMERCIEMENTS Je tiens à remercier le Prof. W. Matthey, le Dr. W. Geiger et J.-P. Haenni qui ont relu et proposé cer- taines corrections judicieuses à ce manuscrit. RÉSUMÉ Cet article présente les résultats obtenus lors de l'étude de la faune de Lépidoptères diurnes (Lepi- doptera Hesperioidea et Papilionoidea) de 68 pâturages ou estivages et 72 pelouses sèches ou prairies de fauche du Jura neuchâtelois. Les analyses effectuées démontrent que les variables environnemen- tales les plus importantes qui influencent la composition, la richesse et la diversité des peuplements lépidoptérologiques des milieux étudiés sont leur richesse floristique, leur altitude, leur diversité struc- turale et leur type d'exploitation. BIBLIOGRAPHIE Blondel, J., 1979. Biogéographie et Ecologie. Masson, Paris, 173 pp. Favre, E. 1899. Macrolépidoptères du Valais et des régions limitrophes. Schaffhouse, 318 pp. Gonseth, Y., 1991. La faune des Rhopalocères (Lepidoptera) du Jura neuchâtelois, un reflet partiel de la faune lépidoptérologique jurassienne. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. Nat. 114: 31-41. Gonseth, Y., 1992 a. La faune des Lépidoptères diurnes (Rhopalocera) des talus routiers et ferroviaires du Jura neuchâtelois. Bull. Soc. Ent. Suisse 65 : 413-430. Gonseth, Y., 1992 b. Relations observées entre Lépidoptères diurnes adultes (Lepidoptera Rhopalo- cera) et plantes nectarifères dans le Jura occidental. Nota Lepid. 15 : 106-122. Gonseth, Y., 1993. Les Lépidoptères diurnes (Lep. Rhopalocera) des clairières et des chemins fores- tiers du Jura neuchâtelois. Bull. Soc. Ent. Suisse 66: 283-302. Gonseth, Y. sous presse. Liste rouge des Lépidoptères diurnes de Suisse. In: P. Duelli (ed.): Rote Liste der gefährdeten Tierarten der Schweiz. Hill, M.O., (1979). TWINSPAN - A Fortran programm for arranging multivariate data in an orde- red two-way table by classification of individuals and attributes. Cornell University Ithaca, N.Y.,90 pp. LSPN, 1987. Les Papillons de jour et leurs biotopes. Bâle, 512 pp. Rougemont, F. de, 1904. Catalogue des Lépidoptères du Jura neuchâtelois. Neuchâtel, 366 pp. (reçu le 29 septembre 1993; accepté le 2 novembre 1993) 36 CENTRE SUISSE DE CARTOGRAPHIE DE LA FAUNE, NEUCHATEL LA FAUNE DES LÉPIDOPTÈRES DIURNES (RHOPALOCERA) DES MILIEUX HUMIDES DU CANTON DE NEUCHÂTEL II TOURBIÈRES, PRÉS À LITIÈRE, MÉGAPHORBIÉES! par Y. GONSETH AVEC 4 FIGURES ET 3 TABLEAUX INTRODUCTION Les milieux humides naturels ou semi-naturels, quelque soit leur type, se sont très fortement raréfiés dans le canton de Neuchâtel depuis la fin du siècle passé. Cette régression est essentiellement imputable au drainage des terres inondées (gain de surfaces agricoles) et à l'exploitation systématique des tourbières (primitivement utilisée comme combustible, la tourbe est aujourd'hui exploitée à des fins horticoles). Les faits suivants, issus du «Cadastre alpestre suisse» (1988) et de Grünig et al. (1986), sont révéla- teurs : 1884 octroi, par les pouvoirs publics, des premières subventions à l'amé- lioration du sol; 1889 drainage de 135 ha de marais sur la commune de Cressier; 1893 drainage de 126 ha de zones humides sur la commune de Cernier; 1939 plus de 4000 ha de zones humides ont déjà été drainés dans le canton; 1958 adoption de la première loi cantonale sur les améliorations fon- cières; 1940-70 drainage de 1481 ha de zones humides (chiffre partiel pour 14 com- munes); 1971-86 drainage de 591 ha de zones humides (chiffre global pour l'en- semble du canton)2; 1900-84 réduction de plus de 90 0Io de la superficie des tourbières de la Vallée de la Sagne et des Ponts (1500 ha environ en 1900; 130 ha résiduels en 1984 dont 12 seulement de tourbière primaire). Cette régression catastrophique des milieux humides a-t-elle eu des effets importants sur la faune lépidoptérologique de la région? Quels sont la distri- 1 Cet article fait partie de la thèse de l'auteur O7NRS N° 3.269-0.85). 2Si une partie des drainages effectués dans le canton depuis 1940 ont indéniablement touché des milieux jusque là préservés, il serait toutefois faux d'additionner les surfaces drainées depuis 1940 aux 4000 ha drainés entre 1890 et 1939. En effet, une partie des travaux effectués depuis la guerre ont été réalisés pour améliorer l'efficacité de systèmes de drainage déjà en place. Extrait du Bulletin de la Société neuchâteloise des Sciences naturelles, t. 117, 1994 — 34 — bution et le statut actuels des espèces hygrophiles dans le canton? Les milieux humides relictuels remplissent-ils une fonction particulière pour d'autres espèces de la faune jurassienne? C'est à ces différentes questions que les1, travaux que nous avons entrepris entre 1986 et 1990 dans plusieurs grands types de milieux humides du canton de Neuchâtel (tourbières, mi- lieux riverains, prairies ou pâturages inondés, dolines) devaient permettre de répondre. MÉTHODES Les classes d'abondance du tableau 3 sont basées sur un comptage direct des individus observés dans les milieux étudiés. Quatre passages ont été réalisés dans chacun d'eux entre les mois de mai et de septembre et ceci toujours par beau temps. Dans les milieux de structure linéaire les individus rencontrés ont été comptés en effectuant un itinéraire rectiligne. Dans les milieux recouvrant une certaine surface, ils ont été comptés par le biais d'un itinéraire en zig zag (10 m d'espacement entre chaque ligne parallèle du parcours). Le temps passé dans chaque milieu à chaque passage a oscillé entre 20 et 60 minutes. Si les chiffres obtenus par cette méthode d'échantil- lonnage ne permettent pas d'évaluer l'effectif réel des populations présentes (une méthode de capture/recapture devrait être adoptée pour le faire), ils permettent toutefois une comparaison des différents milieux inventoriés. Les variables environnementales suivantes ont été prises en compte (voir tableau 2) : — type de milieu: pré à litière, mégaphorbiée, lande de dégradation...; — localisation géographique, position topographique, exposition, pente moyenne, minimale et maximale, surface et/ou longueur des sites pros- pectés; — surface effective de buissons isolés et de massifs boisés; — en fin de saison, évaluation sur la base d'échantillons d'un m2 (en nom- bre variant en fonction de la surface inventoriée) du recouvrement et de la stratification de la végétation; les catégories suivantes ont été retenues pour évaluer ces variables: recouvrement, 1-10%, 11-25%, 26-50%, 51-75%, 76-90%, >90%; stratification, 1-10 cm, 10-25 cm, 26-50 cm, 50 cm-1 m, >1 m; — type d'entretien ou d'exploitation. En fonction de la surface inventoriée, un nombre variable de relevés phytosociologiques partiels (sans graminées ni cypéracées) de 1 m2, choisis au hasard, ont été effectués à chaque passage dans la plupart des milieux. Sur la base de ces relevés, un indice floristique, oscillant entre 1 et 6, a été déterminé pour chacun d'eux. Un indice de 6 signifie que le pourcentage de plantes caractéristiques de milieux amendés ou eutrophes est < 10; un indice de 1 signifie que ce pourcentage est > à 90; les classes intermédiaires étant les suivantes: 5: 76 à 90%; 4: 51 à 75%; 3: 26 à 50%; 2: 11 à 25%. Pour les milieux de structure linéaire et pour quelques prairies humides (tourbière des Verrières par exemple), seules des listes floristiques qualitatives partielles ont été dressées. Les relevés fauniques effectués ont été ordonnés par l'intermédiaire du — 35 — Figure 1: Tri des relevés (TWINSPAN) 61 objets colline ou moyenne montagne et/ou tendance forestière milieux montagnards prairiaux ou tourbeux tendance forestière haute altitude tendance prairiate tendance prairiale basse ait. Motinion à M.nausithous Absence de M.nausithous dolines mégaph. assez riche pauvre sp. mobiles tourbière dégra. Molinion interface cultures interne haut-marais lande 149 76 212 9 112 80 148 230 237 115 35 36 31 32 4 106 77 334 228 113 81 241 239 1213 37 34 39 110 105 340 417 116 261 232 1214 38 42 111 276 345 108 109 79 358 118 236 107 268 233 235 242 243 33 72 29 40 41 43 45 | B.aquilonaris | I I C.palaeno | C.selene j programme TWINSPAN, Two way indicators species analysis (Hill 1979). Les résultats de ces analyses sont présentés dans la figure 1. L'étude de la faune des tourbières a été principalement réalisée dans ou en bordure des différents massifs de la «Tourbière du Cachot»; deux tour- bières dégradées (Couvet, Les Verrières) ont été considérées à titre compa- ratif. L'étude de la faune lépidoptérologique des dolines a été exclusivement réalisée dans la vallée de la Brévine, cette région étant particulièrement riche en dolines de grande taille. Les milieux riverains ont été étudiés le long de quatre cours d'eau principaux (Areuse et Seyon, gorges non comprises; Doubs; Buttes). FAUNE LÉPIDOPTÉROLOGIQUE CARACTERISTIQUE DES MILIEUX HUMIDES COMPARAISON DES DONNÉES ANCIENNES ET ACTUELLES La faune lépidoptérologique du Jura neuchâtelois (DE Rougemont 1904, Gonseth, 1991) est dominée par des espèces mésophiles ou xero- philes essentiellement liées aux milieux ouverts ou semi-ouverts (voir Gon- seth 1992a, 1993a, 1993b, 1994). Elle recèle (recelait) toutefois aussi certains éléments hygrophiles dont les habitats préférentiels sont généra- lement très spécifiques (voir LSPN 1987 notamment). Le tableau 1 présente quelques informations générales sur ces espèces: la colonne 1900 donne l'indice d'abondance relative cité par de Rougemont et la colonne 1990 donne le pourcentage de carrés kilométriques (N total = 292) où l'espèce a été trouvée entre 1984 et 1990 dans le canton de Neuchâtel. — 36 — Les informations relatives aux statuts passé et actuel des espèces mentionnées dans ce tableau sont contradictoires: si certaines semblent avoir disparu (Coenonympha tullia, Clossiana titanio, Minois dryas) ou s'être raréfiées dans la région {Coenonympha glycerion, Melitaea diamina), d'autres au contraire paraissent s'être maintenues {Eurodryas aurinia, Clos- siana selene, Maculinea nausithous) ou avoir progressé {Boloria aquilonaris, Brenthis ino, Coliaspalaeno, Lycaena helle, Lycaena hippothoe). En fait, ces informations sont trompeuses. Nous pouvons en effet affirmer que de Rou- gemont n'a jamais étudié la faune des Lépidoptères diurnes des milieux humides des montagnes neuchâteloises3. Cette affirmation s'appuie sur les constatations suivantes : — de Rougemont écrit dans l'introduction de son catalogue (pp. 5-6): «...Notre première pensée était d'établir la faune de Dombresson, puis- que c'est la seule que nous connaissions personnellement d'une manière un peu approfondie. (...) D'ailleurs nos principaux collaborateurs (...) habitent le Jura bernois, Tramelan, Moutier et Bienne; tout naturel- lement notre attention s'est donc portée vers le nord-est...»; — les distributions actuelles de Colias palaeno, Boloria aquilonaris et Lycaena helle sont telles, qu'il est impossible de supposer qu'elles étaient absentes du canton à la fin du siècle dernier. Or, de Rougemont ne cite aucune provenance neuchâteloise pour ces espèces dans son catalogue; — les seules espèces du tableau 1 qualifiées de communes par de Rougemont sont lies espèces qui, si elles colonisent bien certains milieux humides, se rencontrent aussi dans des prairies maigres plus mésophiles, assurément abondantes à la fin du XIXe siècle dans la région de Dombresson. Tableau 1: informations générales sur quelques papillons de milieux humides ESPÈCE 1900 1990 Plantes-hôtes (Jura, Plateau) Boloria aquilonaris Gruère 1.0% Vaccinium oxyccocus Brenthis ino rare 30.5% Filipendula ulmaria,Sanguisorba minor Coenonympha glycerion commun 13.0% Briza media, Brachypodium sp. par ex. Coenonympha tullia assez rare 0 Eriophorum sp.. Festuca sp. par ex. Clossiana selene rare 5.5% Vaccinium sp.. Viola palustris par ex. Clossiana titania très rare 0 Polygonum bistorta Colias palaeno Tramelan 3.8% Vaccinium uliginosum Eurodryas aurinia présent 0.7% Succisa pratensis, Scabiosa columbaria Lycaena helle Tramelan 1.7% Polygonum bistorta Lycaena hippothoe assez rare 30.1% Rumex sp. Maculinea alcon (confondu) 0 Gentiana pneumonanthe Maculinea nausithous rare 5.5% Sanguisorba officinalis Maculinea teleius Bienne 0 Sanguisorba officinalis Melitaea diamina commun 4.1 % Valeriana officinalis, P.bistorta par ex. Minois dryas littoral 0 Molinia coerulea, Bromus erectus 3 Le but de de Rougemont n'était pas d'étudier la distribution régionale des Lépidoptères ni de se prononcer sur leur statut, mais d'établir une liste aussi exhaustive que possible des espèces présentes. Les remarques que nous formulons n'enlèvent donc rien à la valeur de son travail. — 37 — La validité des indices d'abondance relative donnés par de Rougemont dans son catalogue varie donc beaucoup selon les types de milieux colonisés par les espèces mentionnées. Bien documentés pour les espèces des milieux secs ou mésophiles, ils nous permettent d'évaluer grossièrement l'évolution de leurs populations depuis la fin du siècle passé. Peu documentés pour les espèces des milieux humides, ils nous permettent au mieux de confirmer la présence de certaines d'entre elles dans la région à cette époque. Une évalua- tion de l'évolution de leurs populations ne peut être réalisée qu'en tenant compte de leur distribution actuelle et de la nature des habitats qu'elles colo- nisent aujourd'hui dans la région: Boloria aquilonare: plusieurs petites populations dans les vallées des Ponts et de la Brévine; reproduction au centre des hauts-marais; nutrition des imagos dans les prairies humides avoisinantes (voir GONSETH 1992b notamment); Coenonympha tullia: signalée par Gelger (1980) à la tourbière du Cachot; pas retrouvée depuis; dans le Jura français, cette espèce colonise notam- ment les parvocariçaies acidophiles à Linaigrette en bordure de tourbière (observations personnelles); Clossiana selene: dans le canton de Neuchâtel, cette espèce a presque exclusi- vement été observée dans les landes de dégradation et dans les prairies humides qui bordent les tourbières (28 sites sur 31 d'après nos propres observations) ; Clossiana titanio: 1 individu découvert au Chasserai (Bryner, 1984); plu- sieurs populations signalées dans des tourbières jurassiennes (Joss 1984 notamment); découverte d'une population importante sur la commune de Sonvilier (Jura bernois), en bordure de tourbière, dans une prairie à Polygonum bistorta peu parcourue par le bétail (observations person- nelles); Colias palaeno: découvert dans la plupart des lambeaux de tourbière du canton de Neuchâtel (observations personnelles) ; reproduction dans les landes à éricacées; les adultes se déplacent beaucoup (RUETSCHi 1985) et peuvent se rencontrer loin de leur milieu d'origine: le 23.8.1984, nous avons capturé (et relâché) un mâle à plus de 8 kilomètres du premier massif tourbeux où sa reproduction est possible (étayée par la découverte d'un couple) et à plus de 11 kilomètres de la première tourbière où sa reproduction est certaine; Eurodryas aurinia: nous n'avons découvert qu'une seule population de cette espèce; elle se situe dans un Molinion non exploité de très petite surface; quelques individus isolés ont en outre été recensés ailleurs : en bordure de tourbière (Vallée des Ponts, observations personnelles) et dans un pâturage sec de la région du Locle (Haldimann, com. pers.); Lycaena helle: si cette espèce peut être liée aux prairies humides qui bordent les tourbières (Jura français par exemple, observations personnelles), nous ne l'avons jamais observée aux abords des tourbières neuchâteloi- ses; les 3 sites principaux que nous avons découverts sont des prairies humides à Polygonum bistorta peu ou pas exploitées, dont deux sont situées en bordure de cours d'eau et une au fond d'une dépression fermée ; Maculinea nausithous: trouvée dans 27 sites et 4 grands types de milieux: prairies de fauches et pâturages humides (6) ; talus herbacés (4) ; rives de — 38 — canaux de drainage (14); prés à litière non exploités (3) (GONSETH 1993a); Maculinea teleius: signalée par Dubey (com. pers.) dans un bas-marais à Sanguisorba officinalis à quelques kilomètres de la frontière neuchâte- loise; Minois dryas: quelques populations découvertes récemment dans des MoIi- nion de la rive sud du lac de Neuchâtel (Mulhauser 1991); cette espèce est connue pour présenter un «écotype» de milieu sec dans certaines régions, notamment au sud des Alpes; Maculinea alcon alcon: aucune découverte récente (et ancienne dans la région); de Rougemont l'a très certainement assimilée à M.rebeli*; Coenonympha glycerion, Melitaea diamina, Lycaena hippothoe: ces espèces sont associées aux «prairies humides» dans la plupart des ouvrages de terrain consacrés aux Lépidoptères diurnes. Leur valence écologique est toutefois plus large puisqu'elles se retrouvent aussi dans les prairies maigres mésophiles et dans certains pâturages maigres extensifs. Les conclusions suivantes peuvent être tirées de l'ensemble de ces rensei- gnements : — Boloria aquilonaris, Clossiana selene et Coliaspalaeno devaient être large- ment répandus dans les tourbières neuchâteloises au début du siècle; leur recul, lié à la destruction des hauts-marais, est certain; — Clossiana titanio et Coenonympha tullia étaient sans doute présents dans les marais de transition bordant les tourbières; ils ont probablement disparu aujourd'hui; — Coenonympha glycerion, Eurodryas aurinia, Lycaena helle et Melitaea diamina se sont fortement raréfiés dans le canton; — Maculinea teleius et Minois dryas étaient peut-être présents sur le littoral neuchâtelois au début du siècle; si cette hypothèse est valable, ils ont disparu aujourd'hui; — Brenthis ino et Lycaena hippothoe sont les espèces qui ont le mieux résisté au drainage systématique des milieux humides du canton de Neuchâtel; certains indices plaident toutefois pour une raréfaction de leurs popula- tions ; — l'appartenance de M.alcon alcon à la faune cantonale n'est étayée par aucune preuve tangible (voir aussi Bryner 1984). A]3PROCHE FAUNIQUE GLOBALE DES MILIEUX HUMIDES ÉTUDIÉS 66 espèces, 59% de la faune régionale (GONSETH 1991), ont été réperto- riées au moins une fois entre 1986 et 1990 dans les 61 milieux retenus. Parmi ces 66 espèces, 7 sont menacées à l'échelle nationale et 16 sont menacées à l'échelle régionale (d'après Gonseth, 1994). Soulignons d'emblée que la 4 Rappelons que la scission du groupe alcon en deux taxons différents (M.alcon milieux humides sur G.pneumonanthe, M.rebeli milieux secs sur G.cruciata) ne date que de 1904 et qu'elle n'a été adoptée que bien plus tard par la majorité des Lépidoptérologues. Le statut taxi- nomique de ces 2 entités pratiquement indiscernables morphologiquement reste d'ailleurs controversé, certains les considérant comme de simples écotypes, d'autres comme de véritables espèces. — 39 — liste faunique présentée dans le tableau 3 n'est pas exhaustive puisque nous avons personnellement observé avant 1986 ou après 1990 quelques espèces supplémentaires dans ou aux abords immédiats des milieux retenus. Les plus intéressantes sont Eurodryas aurinia (menacée à l'échelle nationale) et Nymphalis antiopa (menacée à l'échelle régionale). Sur la base des fréquences calculées pour chaque espèce, il est possible d'en isoler 12 qui forment ensemble le peuplement standard des milieux étudiés (par ordre de fréquence décroissant) : Aglais urticae et Pieris rapae, les plus fréquentes (FR >60%) et leurs compagnes les plus régulières (FR >30%), Inachis io, Brenthis ino, Coenonympha pamphilus, Maniola jurtina, Aphantopus hyperanthus, Erebia medusa, Pieris napi, Ochlodes venatus, Mesoacidalia aglaja, Lycaena hippothoe. Les espèces susmentionnées, Brenthis ino exceptée, ne sont pas caractéris- tiques des milieux humides. Leur présence régulière, dans ceux qui ont été étudiés, est révélatrice de certains traits qu'ils ont en commun: — ils sont bordés de cultures ou d'herbages intensifs (Pieris rapae); — leur végétation est caractérisée par une forte proportion de Graminées (Satyrinae et Ochlodes venatus), est généralement luxuriante (Aphan- topus hyperanthus) et présente souvent de gros massifs de filipendule (Brenthis ino) ; — ils ne sont pas dénués de plantes nectarifères puisque quelques espèces nectarivores très mobiles y sont fortement représentées (Aglais urticae, Inachis io, Pieris rapae) et que la présence de Brenthis ino y est régulière (voir Gonseth 1992b). TRI DES RELEVÉS (TWINSPAN) La figure 1 présente le résultat de cette analyse. Les principales informa- tions qui en ressortent sont les suivantes : — l'ensemble des peuplements des sites étudiés dans ou aux abords des tour- bières (dégradées ou «intactes»), dans les dolines et dans les prés à litière d'altitude (milieux montagnards) s'opposent au premier niveau de divi- sion à la plupart des milieux riverains (bordures de cours d'eaux), des mégaphorbiées ou des prés à litière d'altitude plus basse (colline ou moyenne montagne) qui présentent en outre une tendance forestière plus ou moins marquée. Partie droite de l'arbre dichotomique: — au second niveau de division les peuplements des différents milieux étudiés dans les massifs de la tourbière du Cachot (quelque soit leur type) s'opposent à l'ensemble des autres milieux d'altitude, tourbières dégra- dées comprises ; — les différents sites de la tourbière du Cachot se répartissent au troisième niveau de division en fonction de leur position relative par rapport au haut-marais proprement dit : les milieux en contact direct avec ce dernier (internes) s'opposent aux milieux qui en sont séparés (externes) et/ou qui sont en rapport direct avec les milieux agricoles intensifs qui entourent la tourbière; — les peuplements des autres milieux humides d'altitude se séparent au troi- sième niveau de division en deux groupes distincts: l'un rassemblant les — 40 — prés à litières et les tourbières dégradées (peuplements assez diversifiés et riches en espèces sédentaires), l'autre les dolines, les mégaphorbiées et les prairies humides les moins diversifiées (peuplements où les espèces très mobiles dominent, du moins pour la majorité d'entre eux). Partie gauche de l'arbre dichotomique: — les sites dont les peuplements présentent une forte tendance forestière (milieux riverains essentiellement) s'opposent au second niveau de divi- sion à ceux présentant des peuplements à nette tendance prairiale; — ces derniers se scindent en trois groupes distincts sur la base des diffé- rences suivantes: présence ou absence de Maculinea nausithous; peuple- ments assez diversifiés riches en espèces sédentaires ou peuplements pauvres où les espèces mobiles dominent nettement. De manière générale l'arbre dichotomique établi, assez complexe, est caractérisé par l'apparition de plusieurs petits groupes de sites et par celle de plusieurs sites isolés. Cette constatation souligne non seulement l'hétérogé- néité des milieux inventoriés mais aussi, et c'est important, le fort morcel- lement de l'aire de distribution régionale des différentes espèces caractéris- tiques des milieux humides. Une approche plus détaillée des différents milieux étudiés offre une image plus précise de leur importance respective pour la faune lépidoptérologique régionale. Tourbières 45 espèces ont été observées dans les différents massifs de la tourbière du Cachot, en bordure de celle de Rond-Buisson et dans les «tourbières» dégra- dées des Verrières et de Couvet. Ce nombre élevé d'espèces et la composition même des peuplements découverts traduisent, paradoxalement, un profond bouleversement de leurs qualités originelles : — les conditions écologiques extrêmes qui régnent au centre d'une tourbière intacte sont impropres à la croissance de la plupart des plantes-hôtes ou des plantes nectarifères exploitées par les Lépidoptères diurnes. Seules Boloria aquilonaris et Colias palaeno, et dans une moindre mesure Celas- trina argiolus et Clossiana selene, peuvent y trouver les ressources indis- pensables à leur survie. Le peuplement de Lépidoptères diurnes d'un haut-marais est donc, en conditions normales, très peu diversifié. Si l'on excepte l'extraction industrielle de la tourbe, dont l'effet est particuliè- rement dévastateur, toute exploitation «artisanale» d'une tourbière entraîne des modifications des conditions générales du milieu favorables à la pénétration d'espèces nouvelles qui, si elles en augmentent la diversité floristique et faunistique, dénaturent les qualités premières de son peuplement. Suite à son assèchement et à l'extraction progressive de la tourbe, les surfaces de sphaignes vives s'amenuisent au profit de la pinède, de landes de dégradation à éricacées, de lambeaux de forêt secon- daires de bouleaux (Betula pendula), de magnocariçaies inondées, de parvocariçaies secondaires à Linaigrette (Eriophorum sp.) et, dans les cas extrêmes, de zones de friches, de prairies mésophiles (remblais, talus d'exploitation) ou de mégaphorbiées riches en plantes nectarifères (Dipsacacées, Composées...) ou en plantes-hôtes de nombreuses espèces — 41 — 'ssssssssss, UJ O) er G. D S O O Ee LL (D Q. C O := W 2-2 £ E nympha meduse a jurtina •apae u rage oi ìrie de fs E-So0, •nj 2 CL Q. S 2 co a> ; Ü LU S b- ' 1 Lt ¦D — 42 — de papillons (Légumineuses, Graminées diverses...)- A l'intérieur même des différents massifs tourbeux du Cachot cette situation se concrétise par la présence, à quelques mètres de distance, d'espèces aux exigences écologiques aussi diverses que B.aquilonaris (petite population), C.palaeno (probablement favorisée par les grandes surfaces de lande), C.selene, Gonepteryx rhamni, Coenonympha glycerion, Lycaena hippo- thoe, Brenthis ino ou Cyaniris semiargus aux côtés de nombreuses espèces très mobiles telles Aglais urticae, Cynthia cardili, Inachis io, Pieris rapae, P.napi (fig. 2.2). Ces observations complètent les résultats de Geiger (1981) qui avait déjà relevé la répartition en mosaïque des Macrolépidop- tères de la tourbière du Cachot. Dans les tourbières fortement dégradées (Verrières, Couvet), si les surfaces résiduelles de sphaignes vives ou de vacciniaie ne permettent plus à B.aquilonaris ou à C.palaeno de se main- tenir, leur caractère originel est encore marqué par la présence de C.selene; — en bordure d'une tourbière intacte, l'interface haut-marais humide acide/milieux prairiaux secs et alcalins est marquée par la présence de groupements végétaux de transition dont la composition floristique varie en fonction d'un gradient d'humidité et de pH et d'une variation des conditions édaphiques (GOBAT 1984 notamment). Certains de ces grou- pements sont favorables à des espèces de Lépidoptères diurnes particuliè- rement intéressantes: Coenonympha tullia (parvocariçaie à Linaigrette, Jura français), Eurodryas aurinia (Molinion, Jura français), Lycaena helle et Clossiana titanio (prairies humides à Polygonum bistorta, respecti- vement Jura français et Jura bernois) (voir fig. 2.1). Or, malgré la forte diversité faunique des milieux tourbeux, aucune population stable de l'une ou l'autre de ces espèces n'y a été observée. Ces constatations soulignent le niveau très avancé de dégradation des tourbières du canton de Neuchâtel : absence de milieux primaires de tran- sition (les petites surfaces de groupements végétaux de transition présentes sont secondaires; voir Matthey 1971 notamment); dénaturation partielle du cœur même des hauts-marais résiduels. Elles soulignent aussi l'inversion de tendance de la dynamique de colonisation ou d'exploitation des milieux par les Lépidoptères diurnes: centrifuge à l'origine, elle est aujourd'hui essentiellement centripète (voir fig. 2.1, 2.2). Cette inversion est non seule- ment dues aux modifications drastiques des conditions régnant dans les tourbières proprement dites, mais aussi à celles qui ont touché les milieux prairiaux adjacents: les différents massifs tourbeux étudiés sont principa- lement bordés de prairies grasses (Polygono-Trisetion) dont le type d'exploi- tation (1 à 2 coupes annuelles, pâture de la végétation résiduelle en fin de saison) est défavorable à la plupart des papillons diurnes. Soulignons que les parcelles 36 et 41 sont caractéristiques de la nature actuelle de la transition tourbière/milieux agricoles voisins. Il s'agit de bandes de végétation méso- phile (ourlet forestier notamment) dont la largeur moyenne ne dépasse pas 4 mètres. Si ces milieux ne sont sans doute pas des sites de reproduction pour l'ensemble des espèces qui y ont été recensées, ils jouent toutefois un rôle important de site nutritionnel de remplacement pour de nombreuses espèces de la région (voir ci-dessous). Pas moins de 18 espèces y ont en effet été observées, parfois en grand nombre d'individus (Coliaspalaeno, Clossiana — 43 — Coenonympha pamphilus Erebia medusa Maniola jurtina I C agestis ^*—' prairie mésophile (compagnes régulières) Carlina acaulis Trifolium medium Thymus serpyllum Knautia dispsaciifolia Galium pumilum Aricia Cyaniris semiargus Lycaena hippothoe ^, Mellicta parthenoides?- autres plantes dominant« bouchon imperméable (humidité) mégaphorbiée Filipendula ulmaria Myosotis scorpioides Geum rivale Heracleum sphondylium Sanguisorba officinalis Polygonum bistorta Valeriana officinalis Pamassia palustris prairie grasse Ranunculus acris v\lj/ Trifolium pratense %A Geranium sylvaticum prairie mésophile (plantes dominantes) Scabiosa columbaria Potentina erecta Leucanthemum vulgare Lotus corniculatus Lathyrus pratensis Euphrasia rostkoviana s Vicia cracca Leontodon hispidus Achillea millefolium Galium verum FIGURE 3 : Faune et fiore des dolines selene par exemple). Par analogie avec les résultats que nous avons obtenus le long d'autres lisières forestières (Gonseth 1992c), il est possible de supposer que de telles zones de transition, si elles avaient une largeur moyenne supérieure (env. 7 mètres) assureraient à de nombreuses espèces la possibilité d'y boucler l'intégralité de leur cycle de développement. Dolines 18 espèces ont été recensées dans les 10 dolines ou dépressions fermées étudiées. Les peuplements observés sont assez pauvres (moyenne 6.4 espè- ces) et caractérisés par la présence d'espèces banales très mobiles (Aglais urticae, Cynthia cardui, Inachis iot Pieris rapae, Pieris napî) et/ou peu exigeantes (Aphantopus hyperanthus, Coenonympha pamphilus, Erebia medusa, Maniola jurtina) et par celle, plus intéressante, de Brenthis ino (7 sur 10). Quelques dolines abritent en outre certaines espèces sédentaires aujourd'hui exclues de la plupart des prairies ou pâturages de la région: Arixia agestis (1), Cyaniris semiargus (1), Lycaena hippothoe (2) et Mellicta parthenoides (2). Malgré une richesse floristique assez similaire (moyenne 45, min. 30, max. 58 espèces), leur «richesse» faunique est très variable (min. 1, max. 12 espèces). Ce fait est moins imputable à la nature de la végé- tation qui les colonise (dont les composantes sont assez similaires, voir fig. 3) qu'aux différences de leur type d'exploitation respectif: les unes sont entièrement fauchées, les autres ne le sont que partiellement ou sont même inexploitées. — 44 — Il est important de rappeler ici les caractéristiques générales de la produc- tion agricole de la vallée de la Brévine. Les conditions climatiques qui y régnent étant assez rudes, l'agriculture est essentiellement axée sur la pro- duction laitière ou l'élevage et la totalité de la surface agricole utile est ainsi vouée à la production de fourrage: le fond de la vallée, qui abrite les dolines, est intégralement couvert de prairies alors que ses flancs sont couverts de pâturages permanents ou d'estivages. L'utilisation d'engrais naturels et chimiques étant généralisée, la végétation de l'ensemble des prairies de la région croît de manière régulière et atteint un stade de maturité favorable à une première coupe quasi simultanément (début à mi-juin). Dès qu'une période de beau temps apparaît, la totalité des prairies de la vallée est trans- formée en gazon ras en quelques jours seulement. Pour les Lépidoptères diurnes ces pratiques ont un double effet: 1) modification de la flore prai- riale traduite par la disparition de la plupart des plantes-hôtes des chenilles et des plantes nectarifères des imagos; 2) disparition rapide de toute ressource alimentaire en pleine période de vol de la plupart des espèces. Dans un tel contexte, les dolines (et les massifs tourbeux) qui jalonnent encore cette vallée représentent aujourd'hui des refuges, permanents ou transitoires, pour de nombreuses espèces de papillons. Rives de cours d'eau 34 espèces ont été observées dans les milieux riverains étudiés. La richesse et la composition des peuplements lépidoptérologiques de chacun d'eux varie non seulement en fonction de la structure même de la rive mais aussi en fonction de la nature des milieux qui la bordent (fig. 4). Les rives du Seyon et de l'Areuse sont principalement bordées de cultures intensives5, alors que celles du Buttes et du Doubs sont bordées de hêtraies mixtes ou d'érablaies de pente dont le manteau arbustif (Salix sp., Populus tremula, Frangala alnus notamment), s'il est discontinu, est souvent bien structuré. Ces différences ont une incidence importante sur leurs peuplements lépidop- térologiques respectifs. Seyon et Areuse: Une grande partie du cours du Seyon est bordé de rives dont la structure rappelle celle de la figure 4.1 : talus riverain colonisé par un Filipendulion très eutrophe (présence soutenue à'Urtica dioica) parsemé de buissons de saules et entouré de prairies grasses ou de prairies artificielles. Son peuple- ment lépidoptérologique, très pauvre (8 espèces), est dominé par la présence d'espèces très mobiles qui s'y reproduisent (Aglais urticae, Cynthia carduî) ou ne font qu'y transiter (Colias hyale, Pieris rapaè). Les autres espèces observées, peu exigeantes, sont caractéristiques des prairies grasses natu- 5 Les gorges du Seyon et de l'Areuse n'ont pas été étudiées dans le cadre de ce travail. En effet, le long de ces deux rivières, notre unique but était l'évaluation des potentialités de rives «naturelles» noyées dans un contexte agricole intensif. Ces gorges ont toutefois un grand intérêt pour la faune de la région: Apatura iris a été observé à l'entrée des gorges du Seyon (Lavorel com. pers.) et cette espèce est notamment associée à Brenthis ino, Fabriciana adippe, Nymphalis polychloros, Nymphalis antiopa et Satyrium w-album dans les gorges de l'Areuse (observations personnelles). — 45 — Pieris rapae Colias hyale i Coenonympha pamphilus Aphantopus hyperanthus C Cultures intensives Prairies grasses Transition graminéenne FIGURE 4.1 Cultures intensives Prairies grasses FIGURE 4.2 Aglais urticae Cynthia cardui | | I. Ij^ Gonepteryx rhamni Anthocharis cardamines lnachis io Pararge aegerla Polygonia c-album Satyrium w-album C SEYON pare 268 Hètraiè mixte FIGURE 4.3 Culture intensive Filipendulion ^KTETW ourlet nitrophile ' "'** ' Transition graminéenne Apatura iris Satyrium w-album BUTTE, pare 76, 77 DOUBS, pare 106, 107, 108.. Hêtraie mixte ou Erablaie Polygonia c-album Nymphalis polychloros Limenitis Camilla Argynnis paphia Aphantopus hyperanthus Erebia ligea Maniola jurtina Thymelicas sylvestris Brenthis ino DOUBS parc 105, 111 Erebia aethiops Manteau et ourlet Prairie mésophile Filipendulion mésophiles FIGURE 4.4 FIGURE 4 : types de rives de cours d'eau \ /^g^g?«ïTO&aya%s^g-gi Eboulis grossier X — 46 — relies (Coenonympha pamphilus, Maniola jurtind) ou d'une végétation graminéenne luxuriante (Aphantopus hyperanthus). Avant le village de Valangin, les talus riverains du Seyon s'élargissent et sont colonisés par un cordon boisé dont la densité et l'étendue augmentent vers l'aval (fig. 4.2). Les espèces des milieux ouverts sont ainsi progressi- vement remplacées par des espèces largement répandues dans les massifs boisés, le long des lisières ou au bord des chemins forestiers de la région. La faune de ce cordon «alluvial» (11 espèces) est toutefois marquée par l'absence des espèces forestières les plus intéressantes, sa surface et sa diversité structurale étant probablement trop faibles (voir Gonseth, 1993). Le peuplement lépidoptérologique des rives du cours naturel de PAreuse (fig. 4.3) est plus riche que celui du Seyon (17 espèces en moyenne). Deux raisons principales expliquent ce fait: 1) l'Areuse longe la lisière d'une hêtraie mixte sur une partie de son cours (parc 79); 2) en maints endroits son talus riverain est assez large pour ménager une bande de prairie mésophile entre le Filipendulion et les prairies grasses avoisinantes (parc. 80). Aux différentes espèces observées le long du Seyon, qu'elles soient prairiales ou forestières, s'ajoutent ainsi quelques espèces caractéristiques des massifs forestiers de grande surface et de bonne diversité structurale (Limenitis Camilla, Erebia ligea par exemple) ou des prairies extensives (Melanargia galathed). Brenthis ino est absente des rives du Seyon et extrêmement rare le long de celles de l'Areuse (1 individu observé) bien que Filipendula ulmaria, plante- hôte de ses chenilles, y soit particulièrement abondante. Comme nous l'avons déjà souligné (GONSETH 1992a), ce fait est sans doute imputable à leur pauvreté en plantes nectarifères. D'autre part, le manteau arbustif des massifs boisés qui colonisent ou bordent les talus riverains du Seyon et de l'Areuse est trop lacunaire pour abriter les espèces les plus intéressantes des lisières forestières mésophiles. Buttes et Doubs: Le Doubs et le Buttes sont bordés, du moins sur une partie de leur cours, de rives dont la structure rappelle celle de la figure 4.4. Le talus riverain, rocheux, est colonisé par une flore clairsemée et par quelques buissons ; une zone de mégaphorbiées (Doubs: Filipendulion; Buttes: Petasition) de largeur variable, parfois pourvues de lambeaux de prairies mésophiles riches en plantes nectarifères (buttes, remblais), sépare la rivière et la forêt dont le manteau arbustif est assez bien structuré et assez riche (présence de Salix capreae, Populus tremula par ex.) pour que les espèces de papillons caracté- ristiques des lisières mésophiles apparaissent (Apatura iris ou Nymphalis polychloros notamment). Au bord du Doubs, quelques surfaces d'éboulis calcaires grossiers à végétation clairsemée diversifient encore la structure générale de la rive. Le peuplement lépidoptérologique de ces éboulis est essentiellement caractérisé par la présence de fortes populations dì Erebia aethiops, espèce qui se retrouve aussi dans certaines pelouses sèches de la région. D'après nos résultats, le Doubs et le Buttes sont donc bordés de rives dont la nature et la diversité sont très favorables à la faune lépidoptérologique de la région. Soulignons qu'en ce qui concerne le Doubs en tout cas, les obser- — 47 — vations rassemblées dans le tableau 3 ne sont qu'un pâle reflet de la réalité, car : — seule la rive neuchâteloise a été retenue dans cette étude; or cette rive est moins favorable aux lépidoptères diurnes que la rive française qui lui fait face compte tenu notamment de son plus faible ensoleillement (pied de versant N). Fait aggravant, une grande partie des surfaces de mégaphor- biées étudiées sur la rive neuchâteloise ont été plantées de peupliers (plan- tations régulières assez denses) ce qui diminue encore leur ensoleillement; — certains types de milieux qui bordent les rives françaises du Doubs sont absents de la rive neuchâteloise: prairies naturelles à Polygonum bistorta, restes de vieux vergers et vires rocheuses notamment. En fait ce ne sont pas moins de 45 espèces (!), dont Apatura ilia, Coeno- nympha arcania et Lopinga achine (Haldimann com. pers), Apatura iris, Araschnia levano, Carterocephalus palaemon, Hamearis lucina, Lycaena helle et Nymphalis antiopa (observations personnelles), qui ont été recensées depuis 1980 sur l'ensemble des rives neuchâteloises et françaises du Doubs entre «les Graviers» et Biaufond. Ainsi, fait remarquable, toutes les espèces caractéristiques des milieux de transition méso-hygrophiles de Ia région y sont présentes, y compris les plus menacées (Limenitis populi a été observé dans une clairière forestière dominant le Doubs! voir Gonseth 1993b). Prairies humides A l'inverse des rives du Doubs et du Buttes qui forment chacune une macrostructure paysagère diversifiée très favorable aux papillons diurnes, les 17 prairies humides restantes ne représentent, pour la plupart, que des éléments structuraux isolés au sein du paysage agricole intensif. Toutefois, malgré leur faible surface (moy. 0.7 ha, min. 0.2, max. 1.5) et ce contexte défavorable, elles abritent ensemble pas moins de 47 espèces de papillons dont 14 sont menacées aux échelles nationale ou régionale. Les remarques suivantes peuvent être faites concernant leur peuplement lépidoptérolo- gique global: — présence soutenue (15 espèces sur 47, 32%) et fréquence assez élevée (moy. 34%, min. 6%, max. 76%) d'espèces dont les chenilles exploitent des graminées; les milieux considérés leur sont donc particulièrement favorables6; — présence à une fréquence assez élevée (moy. 42%, min. 17%, max. 76%) des espèces nectarivores très mobiles (Aglais urticae, Inachis io, Vanessa atalanta, Cynthia cardui, Pieris rapae, P.napi, P.brassicae, C.hyalé); la plupart des milieux concernés sont donc attractifs et jouent le rôle, important dans un contexte agricole intensif, de «sites nutritionnels» de remplacement pour de nombreuses espèces de la région. Ces constatations générales mises à part, force est de constater que les peuplements lépidoptérologiques de ces 17 prairies humides varient forte- ment: de nombreuses espèces ne sont présentes que très ponctuellement et leur distribution paraît, au premier abord du moins, assez aléatoire. En ce 6 Les papillons dont les chenilles exploitent des graminées ne représentent que le 22% de la faune globale du canton de Neuchâtel. — 48 — qui concerne les espèces caractéristiques des milieux humides une certaine logique semble toutefois se dégager: Les sites abritant Lycaena helle (parc. 9, 417) abritent aussi Melitaea diamina, Lycaena hippothoe et Brenthis ino et ceux abritant Melitaea dia- mina (parc 9, 417, 118, 115) abritent aussi Lycaena hippothoe et Brenthis ino; à l'inverse, les sites abritant Brenthis ino et Lycaena hippothoe comme ceux abritant Melitaea diamina et Coenonympha glycerion ne se recoupent que partiellement et les sites abritant l'ensemble de ces espèces ne recoupent pratiquement pas ceux qui abritent Maculinea nausithous. En outre, toutes ces espèces, M.nausithous exceptée, colonisent des milieux non ou extensi- vement exploités. Ces constatations, émanant des résultats obtenus dans les 17 sites concernés, sont confirmées par la prise en compte de l'ensemble des données neuchâteloises à notre disposition. Sur la base des relevés phytosociologiques effectués dans chaque milieu, il a été possible, par le biais des indices écologiques de Landolt (1977), de comparer la teneur en substances nutritives et l'humidité moyenne de ces sites. Ils se répartissent selon un gradient allant de 2.5 (parc. 212, Molinion) à 3.6 (pseudoroselières et mégaphorbiées) pour l'humidité et de 2.5 (parc 228, Molinion) à 4.0 (parc 276, pseudoroselière) pour la teneur en subs- tances nutritives. Les constatations suivantes émanent de la répartition des espèces susmentionnées dans les sites concernés : — Coenonympha glycerion et Maculinea nausithous colonisent des sites d'humidité variable mais pauvres en substances nutritives; — Lycaena helle colonise des sites humides riches en substances nutritives ; — Melitaea diamina colonise des sites humides dont la teneur en substances nutritives est très variable; — Lycaena hippothoe et Brenthis ino colonisent des sites dont l'humidité et la teneur en substances nutritives sont très variables. Bien que ces constatations soient basées sur les résultats obtenus dans un petit nombre de stations, nous soulignerons qu'elles sont en accord avec l'écologie générale de leurs plantes-hôtes respectives (voir tab. I). Les peuplements de ces 17 prairies humides se différencient aussi par l'apparition d'autres espèces, parfois très intéressantes: — les prairies humides bordées de forêts voient leur peuplement s'enrichir en espèces telles qa'Erebia ligea, E.euryale ou Argynnis paphia par exemple. A ce titre la parcelle 228 est la plus particulière: Molinion très pur, ce site est entouré de forêts dont le manteau arbustif est bien struc- turé ; malgré la nature de sa végétation herbacée, son peuplement lépidop- térologique n'est pas caractérisé par la présence d'espèces de milieux humides (seule Brenthis ino y a été observée), mais par celle d'une riche faune de lisière et de clairière forestière dont les plus intéressantes sont Limenitis populi et Aporia crataegi; — les Molinion les plus secs sont caractérisés par la présence d'espèces géné- ralement associées aux pelouses mésophiles voire xerophiles (Melanargia galathea, Erynnis tages, Cyaniris semiargus par exemple). L'apparition très ponctuelle des plus xerophiles d'entre elles ne répond à aucune logi- que apparente: Lysandra coridon a été observé dans la parcelle 358 alors que Callophrys rubi et Spialia sertorius l'ont été dans la parcelle 212. Enfin, Hamearis lucina qui, ailleurs dans le canton, a essentiellement été — 49 — observée dans des pelouses abandonnées relativement sèches, est présente dans deux Mégaphorbiées très humides (parcelles 9 et 417). L'ensemble de ces résultats souligne que le groupe de 17 sites traités dans ce chapitre est extrêmement hétérogène. Les différences fauniques et floris- tiques mises en évidence, sans transition nette, sont assurément le fruit d'un gradient de variables endogènes (humidité) et/ou exogènes (eutrophisation) associées à l'action de diverses variables purement stationnelles (types de milieux voisins, types d'exploitation passée ou présente). Ces interactions extrêmement complexes font que, dans le Jura neuchâtelois du moins, il est pratiquement impossible de trouver deux milieux humides dont les caracté- ristiques sont identiques et ceci même si leur physionomie générale est comparable. Les résultats fauniques et floristiques obtenus dans les divers Molinion étudiés en sont la preuve tangible. Compte tenu de la rareté et de l'isolement actuels des milieux humides de la région, cette constatation est préoccupante car elle suppose que les diverses espèces hydrophiles encore présentes n'ont que très peu de chances de trouver de nouveaux sites répon- dant à leurs exigences et que, sans mesure draconienne de protection des milieux humides relictuels, la plupart de ces espèces sont ainsi vouées à une disparition rapide. Eurodryas aurinia, Lycaena helle et Melitaea diamina sont sans doute les plus menacées. RÉCAPITULATION ET PROPOSITIONS CONCRÈTES Nous n'avons pas la prétention d'avoir étudié la totalité des milieux humides du Jura neuchâtelois. Toutefois, compte tenu de la méthode adop- tée (étude préalable de toutes les photos aériennes disponibles), il est certain que les principaux d'entre eux ont été visités au moins une fois. Sur cette base il est possible d'affirmer que les espèces de papillons diurnes caractéris- tiques des milieux humides font partie des espèces les plus menacées de la région. L'importance des milieux humides pour la faune lépidoptérologique neu- châteloise dépasse fortement la préservation des seules espèces sténoèces. Il ressort en effet de nos résultats que la plupart d'entre eux représentent des refuges secondaires, transitoires ou permanents, pour une faune qui, si elle est parfois banale, est généralement bannie du paysage agricole intensif. Les plus petits d'entre eux (dolines par exemple) ont donc un intérêt certain. Le problème de la préservation de la faune lépidoptérologique des milieux humides doit être abordé à plusieurs niveaux: — les vallées du Doubs et du Buttes, auxquelles peuvent être associées au moins les gorges de l'Areuse, sont extrêmement importantes pour une large partie de la faune régionale. Leur diversité faunique actuelle est non seulement due à la présence ponctuelle de milieux de qualité favorables à certaines espèces sténoèces, mais aussi à la macrostructure paysagère (écocomplexe, voir Blandin & Lamotte 1988) que leur juxtaposition représente. Apatura iris, A.ilia, Nymphalis polychloros, N.antiopa et Limenitispoluli par exemple ne sont pas tributaires de la seule présence de leurs plantes-hôtes, mais aussi de la diversité structurale globale des milieux où elles croissent. D'un point de vue strictement pratique, la — 50 — préservation de la qualité de ces.macrostructures n'est pas très contrai- gnante: maintien des caractéristiques actuelles des éléments qui les forment (l'éclaircissement des milieux riverains replantés serait toutefois très favorable) et, en cas d'exploitation des forêts avoisinantes, préser- vation du manteau arbustif caducifolié (et notamment des essences les plus favorables : Salix capreae, Populus tremula) qui borde les prairies humides existantes; — la préservation des derniers massifs tourbeux de la région est indispen- sable. Bien que concernant une surface plus limitée que celle des milieux riverains susmentionnés, elle relève de la même logique mais pose des problèmes fondamentaux plus complexes. Dans leur état actuel, l'intérêt lépidoptérologique des tourbières neuchâteloises repose notamment sur la juxtaposition de nombreux éléments structuraux différents, primaires, secondaires voire même totalement étrangers au haut-marais originel, mais qui sont tous devenus extrêmement rares dans la région. D'un strict point de vue théorique, une politique de préservation des tourbières devrait privilégier un retour vers leur état initial, soit vers la restauration d'un haut-marais à sphaignes bordé de forêts «primaires» de pins de montagne. En admettant qu'une telle évolution soit possible, elle entraî- nerait une baisse de la diversité faunique du milieu au profit d'une plus grande «naturalité». D'un strict point de vue pratique, une telle politique devrait plutôt tendre vers une amélioration de la situation actuelle privilé- giant la maintenance de nombreux milieux différents eux-mêmes garants de la préservation d'un grand nombre d'espèces menacées de la région. Le risque fondamental d'une telle politique serait toutefois la perte éven- tuelle des espèces tyrphophiles strictes (Boloria aquilonaris, Colias palaeno) au profit d'une faune méso-hygrophile moins caractéristique. Le seul moyen de trancher objectivement serait d'obtenir, par le biais de méthodes ciblées (monitoring), des données précises sur l'état actuel et l'évolution des populations de ces espèces tyrphophiles; si une nette tendance de déclin devait se dégager, des mesures drastiques de régéné- ration du haut-marais devraient être prises; si une certaine stabilité se dégageait une politique globale visant au maintien de la diversité struc- turale actuelle devrait être adoptée. Dans tous les cas de figure, l'aména- gement de zones tampons entre tourbière et milieux agricoles voisins s'impose. Pour les lépidoptères diurnes, comme nous l'avons déjà sou- ligné, une largeur moyenne d'environ 7 mètres serait sans doute suffi- sante. Cette zone tampon ne devrait recevoir aucun engrais et être fauchée une fois par an au maximum ; — la plupart des autres milieux humides étudiés représentent des éléments structuraux isolés. La préservation de leurs qualités actuelles doit donc être envisagée par la prise de mesures ponctuelles adaptées aux caractéris- tiques de chacun d'eux. Les faits suivants peuvent être soulignés: — les tourbières dégradées des Verrières et de Couvet représentent des sites extrêmement intéressants pour la faune lépidoptérologique régionale (fortes populations deMelitaea diamina par exemple); aujourd'hui inex- ploitées elles ne sont donc pas directement menacées ; la négociation d'un statut particulier pour ces surfaces serait toutefois la meilleure garantie de leur préservation à long terme; un tel statut ne serait pas très contraignant — 51 — puisque aucune intervention régulière ne s'impose pour y parvenir, du moins pour les Lépidoptères diurnes ; — les pseudoroselières (comme les roselières proprement dites) sont, par essence, peu favorables aux Lépidoptères diurnes. Aucune mesure ne doit donc être envisagée pour tenter de modifier cet état de fait; — dans leur état actuel, le seul intérêt des rives non arborées du Seyon est leur qualité de site de reproduction pour quelques espèces ubiquistes ou banales. Leur structure permettrait toutefois une amélioration sensible de leur qualité globale pour les Lépidoptères diurnes. Sur une grande partie de leur cours, elles sont en effet séparées de la route cantonale par une bande herbeuse abandonnée par l'agriculture dont la largeur peut excéder 15 mètres. Aujourd'hui cette bande herbeuse est fauchée précocement et de manière répétitive et est ainsi colonisée par une prairie graminéenne eutrophe particulièrement pauvre. Un entretien plus adéquat de cette surface (1 seul fauchage annuel effectué en août, proscription de tout amendement) pourrait se traduire à terme par son enrichissement floris- tique (une prairie maigre méso-hygrophile serait l'état idéal) et par là- même par un enrichissement progressif de sa faune lépidoptérologique; — la seule amélioration envisageable des qualités actuelles des rives arbo- rées du Seyon serait la modification progressive de leurs strates arbus- tives et arborescentes par le remplacement des trop nombreux résineux présents par des feuillus: Ulmus sp., Salix capreae, Populus tremula notamment; — les rives naturelles de l'Areuse sont colonisées par une faune assez diver- sifiée. Toutefois, la plupart des espèces observées sont représentées par un très petit nombre d'individus. Si l'aménagement d'une zone tampon continue et inexploitée entre la rivière et les cultures avoisinantes ne s'im- pose pas (le talus riverain est souvent assez large), le renoncement à tout épandage d'engrais aux abords du haut de ce talus serait extrêmement favorable puisqu'il éviterait l'eutrophisation progressive directe de sa végétation ; — les dernières prairies à Polygonum bistorta qui abritent Lycaena helle doivent être impérativement préservées. L'une d'entre elles est inex- ploitée, l'autre est régulièrement parcourue par du bétail (reposoir). Si Lycaena helle, avec toutes les espèces qui l'accompagnent, a résisté jus- qu'à aujourd'hui à ce type d'exploitation, cela est exclusivement dû au faible impact global que le bétail a sur cette surface. Mais toute modifi- cation de son type d'exploitation (par un changement de propriétaire par exemple) risque de se traduire par une dénaturation profonde de ses qualités actuelles. La négociation d'un plan précis d'exploitation de ce site est le seul moyen envisageable pour en assurer le maintien à long terme si sa mise sous protection intégrale n'est pas envisagée; — les dolines de la vallée de la Brévine n'abritent pas une faune très diver- sifiée; elles ne sont toutefois pas dénuées d'intérêt puisqu'elles assurent le maintien de sites de reproduction stables pour Brenthis ino; la seule menace qui plane sur celles qui sont inexploitées est leur remblaiement progressif par des matériaux divers ; si une telle pratique est abandonnée aucune intervention particulière ne doit être envisagée, du moins à moyen terme, pour en garantir les qualités actuelles; celles qui sont — 52 — exploitées sont encore caractérisées par une flore riche et diversifiée ce qui sous-entend qu'aucun épandage d'engrais n'y est réalisé; par contre, leur fauchage est effectué en même temps que celui des prairies grasses qui les entourent ce qui est très défavorable à la faune lépidoptérolo- gique; un fauchage retardé (fin juillet, début août) serait une mesure envisageable pour tenter d'améliorer la qualité de leurs peuplements; — les Molinion étudiés abritent dans l'ensemble une faune riche et diver- sifiée dont plusieurs éléments sont menacés (Maculinea nausithous, MeIi- taea diamina, Coenonympha glycerion, Lycaena hippothoe); leur protec- tion doit donc être envisagée. Si leurs peuplements respectifs varient beaucoup en fonction de variables stationnelles, leur maintien à long terme ne peut être assuré que si certaines précautions générales sont prises: renoncement à tout drainage; fauchage périodique tardif des prairies (pas plus d'un par an; un fauchage bi à triennal est suffisant); proscription de tout apport d'engrais; renoncement à toute exploitation par du bétail ou, du moins, gestion particulière de la surface parcourue afin d'éviter tout stationnement et tout pacage réguliers et de longue durée (risques de piétinement excessif, engraissement naturel). CONCLUSIONS Mis à part quelques sites particulièrement préservés, la plupart des milieux humides du Jura neuchâtelois sont très hétérogènes et fortement isolés. Considérés dans leur ensemble, ils peuvent être assimilés aux éléments éparpillés d'une macrostructure paysagère éclatée. Ce morcel- lement, associé à la disparition de quelques éléments primaires importants, a déjà entraîné la disparition ou l'extrême raréfaction de plusieurs espèces de papillons diurnes : Clossiana titanio, Coenonympha tullia, Minois dryas, Maculinea teleins et Eurodryas aurinia. Toutefois, nous pensons avoir démontré que, dans leur état actuel, ils revêtent encore un intérêt majeur pour la. faune lépidoptérologique régionale que cela soit comme milieux relictuels de nombreuses espèces sténoèces fortement menacées ou comme refuges pour une faune plus banale mais fortement agressée par les pratiques agricoles actuelles. Dans ce contexte, la prise de mesures rapides devant assurer leur protection doit être considérée comme une priorité. Légendes du tableau 2 : PARC: numéro de la station ALT: altitude SRF: surface étudiée LNG: longueur du transect effectué (milieux riverains} RBUI: recouvrement effectif des buissons RBTOT: recouvrement total des éléments boisés {buissons et massifs boisés) UTIL: type d'utilisation/d'entretien de la surface considérée NSP: nombre d'espèces de papillons SED: nombre d'espèces sédentaires/peu mobiles ADT: nombre d'adultes (toutes les espèces) ADS: nombre d'adultes (espèces sédentaires) SPF: nombre de plantes à fleurs observées NFL: note floristique globale (voir texte) — 53 — Tableau 2: Caractéristiques des milieux étudiés PARC LOC ALT SRF LNG RBUI BTOT MILIEU UTIL NSP ADT SED ADS SPF NFL 122 Chaux-de-Fonds 1260 4325 3.3 24.7 Pâturage humide SANS 6 32 3 11 33 4 106 Doubs 620 1600 Mégaph./Prairie mes. SANS 10 28 5 17 30 4 110 Doubs 617 2350 0.0 80.0 Mégaphorbiée SANS 11 24 9 19 21 1 111 Doubs 616 1250 0.0 60.0 Ebouli humide SANS 8 30 6 17 149 Engollon 690 2375 0.0 0.0 Roselière SANS 3 12 2 6 7 2 276 St-Sulpice 745 3750 12.0 Mégaph./Friche SANS 12 48 6 19 17 2 345 Seyon 670 1460 90.0 Cordon boisé alluvial SANS 11 89 6 27 26 2 76 Buttes 780 8 500 3.4 Mégaph./Prairie mes. SANS 17 37 12 27 21 2 77 Buttes 790 11625 700 0.0 Prairie mésotrophe SANS 18 53 13 42 35 3 79 Areuse 725 7437 1050 17.4 Mégaphorbiée SANS 18 75 10 41 27 2 105 Doubs 625 1960 280 0.0 30.0 Prairie mes. ouverte SANS 13 21 9 14 35 5 108 Doubs 614 3975 0.0 0.0 Mégaphorbiée SANS 12 24 8 20 11 1 109 Doubs 618 4150 0.0 80.0 Mégaphorbiée SANS 13 34 8 18 15 1 212 Coffrane 765 2160 0.0 8.3 Molinion FPAR 18 126 13 119 49 5 334 Boudevilliers 800 4400 0.0 0.0 Molinion FAUC 7 116 5 112 17 2 340 Valangin 735 6950 0.0 0.0 Pâturage humide PATU 9 84 6 77 26 3 358 Lignières 900 12875 1.5 1.5 Molinion SANS 24 226 18 194 53 5 9 Côte-aux-Fées 1025 14.500 2.5 2.5 Mégaph. /Marais trans. PPAR 22 234 18 225 29 3 228 Bravine 1165 13580 11.0 13.0 Molinion SANS 18 145 11 125 38 5 417 Buttes 945 4000 0.0 0.0 Mégaph./Prairie mes. SANS 19 90 14 65 38 2 107 Doubs 615 6650 0.0 0.0 Mégaph. /Prairie mes. SANS 14 90 9 82 23 3 112 Lode 1215 4900 0.0 0.0 Pâturage hu. mes. PATU 10 18 8 15 12 3 113 Lode 1220 2050 10.0 10.0 Molinion SANS 7 16 5 14 23 4 116 Lode 1225 4850 0.0 0.0 Molinion PPAR 17 37 13 32 25 4 118 Lode 1235 9000 4.9 4.9 Molinion/Prairie mes. PPAR 15 44 12 31 29 5 236 Brévine 1030 1500 0.0 0.0 Doline FPAR 9 18 6 9 51 4 80 Areuse 726 8300 1162 30.0 Mégaphorbiée SANS 11 29 5 9 28 2 81 Areuse 727 4190 1.6 Prairie grasse hu. FPAR 4 6 1 1 46 3 261 Brenets 750 5325 0.0 0.0 Roselière SANS 7 13 1 5 13 3 268 Seyon 715 8020 1485 Mégaphorbiée FAUC 8 34 2 4 18 1 240 Cachot 1060 1480 0.0 0.0 Doline SANS 6 11 1 1 51 4 148 Cachot 1050 800 Friche DISP 4 4 2 2 56 4 230 Brévine 1130 15250 2.3 22.1 Magnocar./Mégaph. PPAR 15 60 8 46 48 4 241 Cachot 1060 1210 0.0 0.0 Doline FPAT 1 1 1 1 49 4 232 Brévine 1030 1235 0.0 0.0 Doline PPAR 5 9 2 2 35 5 233 Brévine 1040 2986 0.0 0.0 Doline FPPR 7 36 3 26 30 4 235 Brévine 1040 400 0.0 0.0 Doline FPPR 2 2 0 0 33 4 237 Brévine 1030 1330 0.0 0.0 Doline SANS 9 13 5 7 47 4 239 Brévine 1035 1960 0.5 0.5 Doline FPAR 12 25 8 15 47 4 242 Cerneux-Péquignot 1054 1236 0.0 0.0 Doline FPPR 7 10 3 3 49 4 243 Cerneux-Péquignot 1054 1792 0.0 0.0 Doline FPPR 6 10 2 2 58 4 115 Lode 1230 6775 1.1 1.1 Molinion PPAR 11 26 9 23 1213 Brévine 1040 Lande SANS 13 33 7 25 1214 Brévine 1040 Mégaph./Prairie hu. FPAR 9 33 7 31 29 Couvet 1097 15675 0.6 0.6 Tourbière dégr. SANS 23 274 19 233 53 3 33 Cachot 1050 13200 0.0 0.0 Prairie grasse FAUC 5 21 3 18 6 1 72 Verrières 920 13000 Tourbière dégr. SANS 18 142 12 129 38 4 35 Cachot 1055 17175 2.5 2.5 Pâturage PATU 30 192 23 178 57 5 36 Cachot 1050 2375 950 Bordure tourb. SANS 14 104 11 91 51 3 37 Cachot 1050 700 Talus d'exploi. SANS 19 66 13 53 46 4 38 Cachot 1050 2150 2.6 2.6 Caricale, Mégaph. SANS 13 74 13 74 21 4 40 Cachot 1050 7000 0.0 0.0 Caricale, Lande SANS 12 98 10 96 24 4 41 Cachot 1050 3130 310 0.0 0.0 Bordure tourb. SANS 12 93 8 82 36 3 31 Cachot 1050 6325 2.0 3.3 Lande SANS 14 93 9 73 36 4 34 Cachot 1050 1991 530 0.0 0.0 Talus d'exploi. FPAR 18 183 14 146 47 4 32 Cachot 1050 5450 4.3 4.3 Caricale SANS 6 30 6 30 15 4 39 Cachot 1050 800 0.0 0.0 Prairie/friche FPAR 11 24 9 15 34 4 42 Cachot 1050 40000 10.0 35.0 Haut-Marais SANS 6 42 4 40 0 43 Cachot 1050 12975 10.0 35.0 Haut-Marais SANS 4 21 2 18 0 45 Cachot 1050 3100 0.2 0.2 Friche SANS 14 51 11 47 15 4 44 Cachot 1050 22000 10.0 35.0 Haut-Marais SANS 4 27 4 27 0 — 54 — VV S|BJB^J-jnBH SV aqouj T- EV SIBJBW-jnBH ZV S|Bjei/\|-inBH T- 68 aqoui/aujBJcj ,_ 38 aisbueo VE '!0[dx9,p sn|BX CN IS ¦Bjßgp ap 9puB~] CN «- IV ¦qjnoi gjnpjog T-T-T- OV epuB-] '9IBÒUB3 88 ¦qdeSaw '9JBÒUB3 LE *!0|dx9p sn|Bi T- T- 98 ¦qjnoi gjnpjog T- SS gßejniBfj CM T- T- 63 *|dxa gjgjqjnox T-CN CN T-CN ZL ¦jßgp gjgjqjnox SS assBjS aujBJcj T- VIZI ¦nq 9uiBJd/'qdBB9|/\| 8131 ¦ejfjgp ap gpuen T- T- SU UOIUI|0[/\| CN EÏ3 9U||0a 3t>Z 9Uj|0a S83 9U||0Q 8E3 auj|OQ 3S3 auj|OQ 683 aui|orj £83 auijoa T- Lt>3 9ui|oa 0S3 'qdBßai/v/'jBooufiBt/M T- T- T-T- 8*1 aqojjj - 0*3 9U||oa T- 893 99|qJoqdBB9|/\| CN 193 9J9{|9S0y T- 18 9pjLUnq 9U[BJ(J T- 08 aaiqjoqdBße^i T-T- - T- £01 ¦saw aujBJcj/'qdBßai/M <- CN t- t- CN 983 auj|OQ *- SU -saiu 8!J!Bj(j/uo{U||0|^j CN T- 9LL UOjUHOL^I T- CN T- T- T- 8Ll UOIUI|OLM CN T- 3LL ¦sgw 'nq aßßjru&d T- £lt- ¦sgw aujBJcj/'qdBßai/M «- T- CN T* t- CN CN 833 uo;u|;o|/\| T— T— CN T- CN 6 -SUBJi sjBJBiAj/'qdBrjaiAj T- LO CN CN CO CO 8SE uoiu;|0|/m T- T- T- CN T- T- T* CO T- OtE apjiunq afiajniBj in T- CN T- VEE uo;u;|0|/m CN 3L3 uo{u;|0|/\j in evi T- CN CN T- CN T-CN 6£ aajqjoqdBßai/M T- T- CO CO t- CN CN 6OL a8jqjoqdB6a|/\| CN T-CN CN CO t- CN CN 801 aJiqjoqdeß^iAi T- T-CN t- CN t- T- SOL 9JJ9AnO 9A|y CN CN T- T- CN CN t- CN T- Lt. g|;qdosauj gjJiBjj ,_ CN T- T- T- CO T- T- T- CN 9£ •sgw eujBJd/'qdBßaLAj T- T- CN T-T- CN t- CN i- T- sw: |BIAn||B 9S|0q UOpJOQ CN CN t* T- If) t- CN CM 9£3 gqDjjj/ÉqdB6g|/\| *- CN ^J- CN CN LLI. gpjwnq unoqg t~ CN CN CN CO CM OLI 9?!qjoqdeß9|/\| T-T-CN CO CN CN CN 901 -S9LU sujBJcj/'qdBßgi/^ CN T-T- CO CN t- T- 6M ajejiasou T- CM 331 apiwnq gßBjnigd CO t- LU OT CL) OT OT ESPÈC .nausithou tityrus megera .rubi coridon C O £ (D (O (O a tages .lucina .euphrosyn helle populi . athalia c-album w-album .paphia Camilla aegeria aethiops sinapis .iris .polychloro ligea napi .rhamni .cardamine brassicae bryoniae .galathea lineolus S _j _i O _J (J UJ XU _i _j S al co < _J a! 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Sites avec 16 -30 sp. ffl Sites avec plus de 30 sp. 4 SAISONS 1984 A 1990 Sites avec moins de 16 sp. Sites avec 15 -30 sp. 5 Sites avec plus de 30 sp. 446 SYSTÈME D'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET ÉTUDES FAUNIST1QUES nique (nombre d'espèces > 30). Rappelons que cette méthode nous a permis de découvrir en un temps record (2 saisons de terrain pour 1 seule personne) plus de 95% des espèces observées dans le canton depuis lors, espèces très rares comprises. Une telle approche est donc particulièrement efficace pour obtenir rapidement la liste des espèces présentes dans une région de surface respectable (en 1'occurence 800 km2). Or, l'établissement d'une telle liste représente l'indispensable première étape de toute stratégie efficace de protection des espèces et de leur(s) habitat(s). 1986-1990 (travail de thèse) Approche ciblée de la faune lépidoptérique de structures paysagères particu- lières (prairies et pâturages secs [Gonseth, 1994b] ou humides [Gonseth, 1993a, 1994 a], lisières [Gonseth, 1993b], clairières et chemins forestiers [Gonseth, 1993c], talus ferroviaires ou routiers [Gonseth, 1992b], bords de cours d'eau) répar- ties sur l'ensemble du canton. Une récapitulation des résultats obtenus (et déjà dis- cutée [Gonseth, 199Ia]) est fournie par les cartes 4 à 6. La carte 4 souligne une augmentation sensible du réseau de sites visités et du nombre de sites intéressants découverts durant cette période. La proportion de chaque type de sites (sites pauvres à sites riches en espèces) ne s'est toutefois pas fondamentalement modifiée malgré un effort d'échantillonnage plus constant (4 passages par site entre 1986 et 1990). La carte 5, qui ressemble assez à la carte 4, fournit toutefois une information différente: la somme totale d'espèces observées, soit la richesse faunique cumulée, dans un km2; elle intègre donc la notion de «Macrostructure paysagère» favorable aux Lépidoptères diurnes. La carte 6 rassemble les carrés kilométriques dans lesquels une ou plusieurs espèces de Rhopalocères menacées à l'échelle nationale ont été observées; selon l'ordonnance fédérale pour la protection de la nature de 1991, de telles espèces devraient être utilisées par les autorités compétentes pour choisir des milieux dignes de protection légale. La carte 7 présente la distribution régionale et la surface réelle de tous les sites inventoriés entre 1986 et 1990 (structures linéaires non comprises), qu'ils soient inté- ressants ou non. Elle a été introduite à ce niveau de notre réflexion pour souligner l'importance fondamentale que revêt le type de représentation cartographique adopté pour illustrer les résultats obtenus. En effet, les cartes 2 à 4 laissent supposer, du moins au premier abord, qu'une part importante de la surface cantonale abrite une faune lépi- doptérique riche et diversifiée. Or il est clair, à la lecture de cette dernière carte, qu'il n'en est rien et que les enjeux «réels» de la protection des Lépidoptères diurnes de la région ne touchent qu'une part extrêmement faible de la surface cantonale ' . Cette seconde étape a donc notamment permis : - d'enregistrer l'ensemble des informations rassemblées dans une BdD interac- vive (elles sont donc disponibles) et sur la base de leur traitement; - de définir l'intérêt lépidoptérique respectif des divers types de milieux (pri- maires ou secondaires) présents dans le canton; - de souligner, pour chacun d'eux, certaines variables influençant la nature et la structure de leurs peuplements lépidoptériques; - de localiser plusieurs sites et «macrostructures paysagères» (accumulation de sites intéressants sur une petite surface) de haute richesse faunique; Notons à ce sujet que cette dernière carte relativise aussi notre propre travail 447 YVES GONSETH 5 NOMBRE TOTAL D'ESPECES PAR KM2 S Sites avec moins de 16 sp. Sites avec 16 - 30 sp. Sites avec plus de 30 sp. 6 KM2 AVEC ESPECES MENACEES (LR 1 et 2) 0 Sites avec 1 SP. Sites avec 2 -4 sp. SI Sites avec plas de 4 sp. 448 SYSTÈME D-INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET ÉTUDES FAUNISTIQUES 7 SURFACES ETUDIEES (1986-1990) 8 CHENES ET THECLA DU CHENE KJ Sites avec Quercus sp. Sites avec Quercus et Quercusia quercus 449 YVES GONSETH - d'isoler les sites dans lesquels des mesures ciblées sur la protection d'espèces particulièrement menacées devraient être prises. APPORTS POSSIBLES D'UN SIG À LA MÉTHODE ENVISAGÉE, QUELQUES EXEMPLES Si la méthode d'échantillonnage choisie pour la réalisation de ce travail est adaptée à l'observation de la plupart des espèces de Lépidoptères diurnes, certaines ont une autécologie si particulière qu'elles peuvent toutefois y échapper. C'est le cas par exemple pour Quercusia quercus et Maculinea nausithous. La monophagie de leurs chenilles (se nourissant respectivement sur Quercus sp. et sur Sanguisorba officinalis) représente leur seul trait commun, la première, non nectarivore ([GoN- SETH, 1992a), étant liée à la canopée des massifs forestiers, la seconde, nectarivore, étant liée à la strate herbacée des milieux humides méso- à oligotrophes. Ces deux espèces ont ainsi fait l'objet d'un recensement spécifique (recherche systématique des sites qu'elles colonisent). Les informations rassemblées par ce biais, auxquelles ont été adjointes celles concernant Parnassius apollo, sont illustrées par les cartes 8 à 10. Elles ont été intro- duites à ce niveau de notre réflexion car elles ont un lien avec l'utilisation d'un SIG comme outil supplémentaire d'approche de la réalité biologique d'une région. La carte 8 présente les résultats obtenus pour Quercusia quercus. Les points noirs expriment la découverte du papillon et de sa plante-hôte dans les sites visités alors que les demi-lunes noires expriment la seule découverte du chêne. En sachant que le papillon peut facilement échapper à l'observateur (nous avons parfois attendu plus de 45 minutes au pied d'un chêne avant de le voir voler), cette carte exprime très bien la bonne corrélation existant entre sa présence et celle de sa plante-hôte dans le canton de Neuchâtel (présence prouvée du papillon dans plus de 70% des 96 sites visités abritant du chêne). Ainsi, il y a de fortes chances que sa distribution régionale corresponde à celle des formations forestières qui abritent du chêne. Si un document tel que l'inventaire des forêts neuchateloises a été numérisé, la recherche par ordinateur de la localisation de ces formations pourrait représenter un moyen plus rapide de définir la distribution régionale de l'espèce que la recherche systé- matique du papillon. Une telle méthode d'investigation (déduction par ordinateur de la distribution d'une espèce par le biais de celle de sa plante-hôte) est-elle generali sable? La carte 9 illustre les informations recueillies pour Maculinea nausithous et Sanguisorba officinalis. Si la méthode appliquée est la même, les résultats obtenus sont diamétralement opposés: il n'existe pas de corrélation évidente entre la distri- bution régionale du papillon et celle de sa plante-hôte (présence du papillon dans moins de 30% des 58 sites où S.officinalis a été découverte). Cette constatation est d'ailleurs valable pour la majorité des espèces observées dans le canton. Le recours à d'autres plans thématiques préalablement numérisés peut-il faci- liter la détermination de la distribution régionale d'une espèce ? Une autre possibilité est offerte par la recherche d'une éventuelle relation entre la présence d'une espèce et celle de structures paysagères identifiables sur les docu- ments disponibles et préalablement numérisées. En ce qui concerne l'apollon, espèce caractéristique des milieux pionnniers, il était donc intéressant de tester si sa distri- bution dans le canton correspondait à celle des falaises rocheuses et des éboulis de grande surface exposés au sud (il ne colonise jamais de tels milieux exposés au nord). La carte 10 illustre les résultats obtenus. Les points noirs expriment la décou- verte du papillon dans des falaises ou éboulis identifiables sur cartes topographiques 450 SYSTÈME D'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET ÉTUDES FAUNISTIQUES 9 M.NAUSITHOUS ET S.OFFICINALIS IS Sites avec Sanguisorba officinalis IS Sites avec Sofficinalis et Maculinea nausithous 10 DISTRIBUTION DE PARNASSIUS APOLLO M Falaises potentiellement favorables M Falaises sans P.apollo ffl Falaises avec P.apollo SU Autres sites avec P.apollo -o< 451 YVES GONSETH 1:25'000; la demi-lune noire localise Tunique site identifiable visité où l'apollon était absent; les points blancs localisent les falaises rocheuses exposées au sud qui n'ont pas été visitées; les points blancs barrés localisent les sites à apollon décou- verts dans le canton qui n'étaient pas identifiables dans les documents sus-men- tionnés. Ainsi, si la distribution régionale de cette espèce peut être déduite de celle de structures paysagères identifiables sur des documents cartographiques relative- ment grossiers (présence de l'espèce dans 14 des 15 falaises rocheuses visitées), l'image obtenue grâce au plan thématique «falaises rocheuses exposées au sud» n'est qu'un reflet partiel de sa distribution «réelle». Elle exprime en fait la distri- bution minimale que l'espèce pourrait avoir dans la région si l'ensemble des sites moins extrêmes qui l'abritent encore devaient être irrémédiablement dégradés. En définitive, si le recours à des plans thématiques simples pour évaluer la dis- tribution d'une espèce dans une région donnée est possible dans certains cas, ce qui précède démontre que seule leur multiplication (la présence d'une espèce dans un site n'est généralement pas tributaire d'une seule variable, mais d'un faisceau de variables) est susceptible d'apporter un résultat probant pour l'ensemble des espèces qu'elle abrite. En d'autres termes, si le développement d'un système d'évaluation automa- tique de la distribution des espèces d'une région donnée est une voie de recherche envisageable, elle ne peut à notre sens que compléter un sérieux inventaire de terrain. Or, c'est notamment dans le choix même des sites à visiter dans le cadre d'un tel inventaire que le recours à un SIG peut être extrêmement efficace. La carte 11 est la représentation cartographique de l'analyse de deux plans thématiques parti- culiers («modèle de terrain» et «cadastre alpestre» du canton de Neuchâtel), elle- même basée sur les faits suivants: 452 SYSTÈME D'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET ÉTUDES FAUNISTIQUES - les pâturages et estivages dont la charge en bétail dépassent 1.5 UGBN/ha n'ont que peu de chances d'être favorables aux Lépidoptères diurnes; - les machines agricoles classiques (et notamment les épandeuses d'engrais) ne peuvent pas être utilisées dans des herbages dont la pente dépasse 18% sans risque sérieux d'accident. L'épandage d'engrais dans de tels herbages étant plus compliqué (il doit être effectué à la main ou par le biais de véhicules 4 x 4 adaptés), de nombreux exploitants sont susceptibles d'y renoncer. Dans un tel cas, ces surfaces ont de fortes chances d'être plus intéressantes pour les Lépidoptères diurnes. Les surfaces sombres présentes sur cette carte correspondent à des pâturages ou à des estivages (respectivement, à des parties de) dont la charge en bétail est infé- rieure à 1.6 UGBN/ha ou dont la pente est supérieure à 20%. Au moment où j'ai effectué le choix de mes sites d'échantillonnage, le recours aux résultats d'une telle analyse aurait été fort utile! CONCLUSION L'utilisation d'un SIG, associé à un logiciel de gestion de banque de données, en permettant l'analyse croisée d'informations spatiales et tabulaires, représentent un outil très efficace d'approche d'un territoire donné dans une optique de protec- tion des espèces et des habitats. Ils permettent par exemple: - d'isoler rapidement des surfaces répondant à des critères précis et susceptibles de faire l'objet d'études faunistiques et/ou floristiques approfondies. Les résultats offerts par de telles analyses seront d'autant plus fins (et le calibrage de l'échantillonage d'autant plus précis), que la qualité des informations à disposition sera élevée; - de représenter cartographiquement non seulement les informations floristiques ou faunistiques glanées lors d'inventaires de terrain mais aussi tous les résul- tats issus d'analyses faites sur ces informations; - d'analyser et/ou de représenter la distribution d'espèces (respectivement de groupes d'espèces) en fonction d'une (1 plan thématique) ou de plusieurs variables (cumul de plusieurs plans thématiques) différentes et d'obtenir ainsi certaines informations auto- ou synécologiques originales. Dans ce contexte, les informations fournies dans cet article ne doivent pas être considérées comme l'aboutissement, mais au contraire comme l'ébauche d'une réflexion et d'un travail qui méritent d'être et seront approfondis. PERSPECTIVES Si la réalisation de l'ensemble de notre travail nous a permis de cerner les limites d'une approche solitaire de la réalité biologique d'une région dans un but de protec- tion des espèces et des habitats, elle nous a aussi permis d'entrevoir une stratégie sus- ceptible de l'optimiser. La fig. I présente le schéma général d'une telle stratégie. Le contexte de départ envisagé est celui dans lequel nous nous trouvions en 1984 (soit devant une «terra incognita») à la nuance près qu'il intègre l'utilisation d'un SIG pour optimiser le travail de terrain à réaliser. Un telle approche n'est bien évidemment plus envisageable par un individu isolé. Elle implique un travail d'équipe. Dans son principe, elle peut toutefois s'appliquer à des échelles de travail très différentes (réserves naturelles de moyenne à grande surface, commune, district, canton, pays entier) à Ia nuance près que plus 453 YVES GONSETH Accumulation du maximum de documentation possible sur la région concernée Accumulation du maximum de documentation sur le taxon à inventorier Réalisation de plans thématiques SIG Choix de nouveaux taxons Choix de variables écologiques pertinantes Mf Choix des (nouveaux) sites d'échantillonnage Inventaire ^ Peuplements des sites inventoriés Catalogue des espèces présentes ^ ^ W * 1 ? Espèces menacées ^, Définition des priorités de protection ^ Sites riches en espèces W ^ y r Définition des mesures d'entretien ou d'exploitation Ajus tement ? Evaluation de leurs effets SUIVI Fig. I. Approche proposée de la réalité biologique d'une région dans une optique de protection des espèves et des habitats 454 SYSTÈME D'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET ÉTUDES FAUNISTIQUES le territoire concerné est grand et varié, plus le travail préparatoire est important. Elle comporte trois étapes principales impliquant toutes un traitement et une analyse des informations qu'elles ont permis de rassembler: préparation du travail de terrain, réalisation du travail de terrain, mise en place d'une stratégie de protec- tion des espèces et des habitats. Préparation du travail de terrain Le but de cette première phase est d'obtenir un échantillon aussi fin que pos- sible de sites à visiter durant l'inventaire planifié. Plus le nombre de plans théma- tiques à disposition sera élevé et/ou de qualité plus le travail d'inventaire sera effi- cace. L'échelle adoptée pour les plans thématiques retenus dépendra bien entendu de la surface à inventorier et de la finesse des résultats escomptés. Les plans thé- matiques suivants peuvent être conseillés: - limites effectives de la région considérée qu'elles soient politiques ou phy- siques; - modèle numérique de terrain. Un tel modèle permet par exemple de tenir compte, dans une analyse, de la pente et de l'exposition des polygones des autres plans thématiques; - réseau hydrographique; - voies de communication et surfaces urbanisées; - plans d'eau (lacs, mares, étangs...); - types de sols; - types d'utilisation du sol (cultures ouvertes, vignes, pâturages, estivages...); - tout inventaire préalablement réalisé dans la région (pelouses sèches, bas- et haut-marais, objets naturels, types de milieux, réserves naturelles, forêts...). Les variables choisies pour l'analyse croisée de ces différents plans devront être adaptées à l'écologie générale du taxon retenu. Pour les lépidoptères diurnes, d'après nos propres résultats, les variables suivantes sont intéressantes: pente, expo- sition, types d'utilisation du sol, types de milieux. Réalisation de l'inventaire : De nombreuses méthodes d'inventaire ont été proposées pour les différents taxons susceptibles d'être étudiés. Pour les Lépidoptères diurnes la méthode du tran- sect, telle que nous l'avons utilisée, peut être recommandée; nous préconisons toute- fois une légère augmentation du nombre de passages annuels par site (5 au lieu de 4). Mise en place d'une stratégie de protection des espèces et des habitats Les résultats fondamentaux d'un inventaire sont une liste d'espèces présentes dans la région considérée et une liste de sites colonisés par le(s) taxon(s) traité(s). Sur cette base, une définition pragmatique de priorités de protection peut être réa- lisée en tenant compte de deux variables: les espèces menacées observées et les sites riches en espèces et/ou très représentatifs (haute «naturalité») pour le(s) taxon(s) considéré(s)2. 2 L'échelle de travail implicitement retenue ici est l'échelle Stationelle (quelques dizaines de m2 à quelques hectares). Les taxons traités en parallèle doivent donc avoir des exigences spatiales simi- laires, ce qui n'est pas le cas pour la plupart des Lépidoptères diurnes (traceurs stationnels) et de nom- breux oiseaux (traceurs paysagers) par exemple. 455 YVES GONSETH Le choix des priorités de protection ayant été réalisé, il est indispensable de définir, si besoin est, les mesures d'entretien et/ou d'exploitation des sites retenus qui assurent le maintien de leur intérêt initial et de mettre sur pied un système de contrôle à long terme des effets de ces mesures (pour une approche synthétique des nombreux problèmes qu'un tel choix suppose voir Dierssen, 1994). C'est à ce niveau que le concept de «suivi» prend toute sa valeur. En effet, la mise en place d'un «suivi», permettant d'estimer l'évolution des populations des espèces présentes dans les sites étudiés, est le seul moyen envisageable pour contrecarrer à temps les causes de dégradation du milieu (mesures d'entretien inadaptées par ex.) que leur raréfaction ou que leur expansion indiquent. Il implique toutefois: - l'obtention de données (semi)quantitatives; - un nombre élevé de passages annuels par site retenu (1 relevé tous les 15 jours au minimum pour les Lépidoptères diurnes) afin d'assurer une bonne évalua- tion de l'évolution annuelle des populations de chaque espèce suivie; - une durée assez longue permettant de séparer les fluctuations naturelles des fluctuations anthropogènes des populations des espèces considérées. Comme des fluctuations naturelles de population de 5 à 10 ans ne sont pas rares chez les Invertébrés, les résultats d'un suivi ne sont utilisables qu'après plusieurs années (cf. Pollard, 1978); ou - un choix judicieux d'espèces cibles (traceurs biologiques) dont les fluctua- tions naturelles des populations ont une courte périodicité par exemple (pour une approche synthétique des difficultés qu'un tel choix engendre voir Reich, 1994). Le fort investissement en temps et en moyens financiers que de tels suivis imposent excluent leur généralisation à l'ensemble d'un territoire donné ou leur application dans des sites choisis au hasard. C'est pourquoi nous proposons de ne les réaliser que dans des sites «prioritaires». En ce qui concerne le canton de Neuchâtel, nous sommes persuadé que l'appli- cation rapide de ces mesures permettraient d'assurer le maintien d'une partie impor- tante des populations de Lépidoptères diurnes que nous avons observées. RÉSUMÉ La définition d'une politique efficace de protection des espèces et des habitats est un problème cru- cial auquel est confronté toute institution publique ou privée intéressée à la conservation de la nature. Sur la base d'exemples concrets tirés de l'étude de la faune lépidoptérique du Jura neuchâtelois (Suisse), cet article propose, après un résumé de quelques notions fondamentales, une stratégie prag- matique d'approche de ce problème qui allie l'utilisation d'un SIG à un sérieux inventaire de terrain. BIBLIOGRAPHIE Burrough, P. A., 1986. Principles of geographical information systems for land resource assessment. Monographs on Soil and Resources Survey 12, Oxford, 193 pp. Dierssen, K., 1994. Was ist Erfolg im Naturschutz? In: Efftzienkontrollen im Naturschutz- Bonn-Bad Godesberg, p. 9-23. Gonseth, Y., 1991. La faune des Rhopalocères (Lepidoptera) du Jura neuchâtelois, un reflet partiel de la faune lépidoptérologique jurassienne. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. Nat. 114: 31-41. Gonseth, Y., 1992a. Relations observées entre Lépidoptères diurnes (Lepidoptera Rhopalocera) adultes et plantes nectarifères dans le Jura occidental. Nota Lepidopterologica 15: 10-122. Gonseth, Y., 1992b. 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