Université de NeuchAtel Faculté de droit et des sciences économiques Politique environnementale et efficacité économique : Pour l'introduction de certificats négociables en Suisse Thèse présentée a la faculté de droit et des sciences économiques POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR ES SCIENCES ÉCONOMIQUES PAR Marc-Alain Stritt Imprimerie de l'Evole SA NeuchAtel 1997 Monsieur Marc-Alain STRITT est autorisé à imprimer sa thèse de doctorat es sciences économiques intitulée : "Politique environnementale et efficacité économique : Pour l'introduction de certificats négociables en Suisse". Il assume seul la responsabilité des opinions énoncées. Neuchâtel, le 14 novembre 1996 Le Doyen de la Faculté de droit et des sciences économiques Pierre-Henri Bolle POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE Table des matières Pages Table des matières î Abréviations îx Citation xiii 1. Introduction 1 PREMIÈRE PARTIE : THÉORIE DES MARCHÉS DE CERTIFICATS 2. Présentation de l'instrument "certificats" 9 2.1. Notions et principe de fonctionnement 9 2.2. Typologie 15 2.3. Définitions 19 2.4. Propriétés d'efficacité 20 2.4.1. Objectif atteint au moindre coût 20 2.4.2. Incitation à poursuivre la réduction des émissions 23 2.4.3. Stimulation du progrès technique 24 2.4.4. Simplicité de mise en oeuvre et de compréhension 25 2.4.5. Flexibilité et liberté de choix 26 2.4.6. Contrôle de la charge totale de pollution 26 2.5. Certificats vs taxes d'incitation 27 Table des matières 3. Eléments caractéristiques des marchés 31 3.1. Taille 31 3.2. Participants 31 3.2.1. Catégories et nombre de participants 31 3.2.2. Taille des participants 32 3.2.3. Types d'échanges de permis 33 3.3. Distribution initiale 35 3.3.1. Remarques introductives 35 3.3.2. Procédures possibles 36 3.4. Mise en contact des agents 42 3.5. Autorité de contrôle 43 3.6. Approbation préalable des échanges 44 3.7. Ratio d'échange 44 3.8. Conservation des certificats 46 4. Conditions de mise en oeuvre d'un système de certificats 49 4.1. Remarque liminaire 49 4.2. Conditions préalables favorables 49 4.3. Difficultés particulières 52 4.4. Acceptabilité 61 4.5. Grille d'analyse 64 5. Mesure de l'efficacité économique 67 5.1. Remarque liminaire 67 5.2. Types de coûts de dépollution 70 5.3. Méthodes d'évaluation 74 5.3.1. Leasf cost 74 5.3.2. Détermination des fonctions d'offre et de demande 79 de certificats 5.3.3. Modèles d'équilibre général 82 5.3.4. Limites des méthodes d'évaluation de l'efficacité 84 économique Politique environnementale et efficacité économique DEUXIEME PARTIE : ANALYSE DES POSSIBILITÉS DE MISE EN OEUVRE DE CERTIFICATS ÉCHANGEABLES DANS LA POLITIQUE DE PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT EN SUISSE 6. Aperçu de la politique environnementale suisse 89 6.1. Quelques caractéristiques 89 6.2. Domaines couverts 91 7. Politique environnementale 93 7.1. Protection de l'air 93 7.1.1. Dioxyde de soufre 93 7.1.2. Oxydes d'azote 94 7.1.3. Composés organiques volatils 96 7.1.4. Dioxyde de carbone 98 7.1.5. CFC 100 7.1.6. Poussières 102 7.1.7. Métaux lourds 103 7.2. Protection des eaux 104 7.2.1. Considérations générales 104 7.2.2. Phosphore total 107 7.2.3. Paramètres de l'azote 109 7.2.4. Métaux lourds 111 7.2.5. Chlorures 111 7.2.6. Pollution thermique 113 7.3. Gestion des déchets 113 7.3.1. Considérations générales et délimitations 113 7.3.2. Production des déchets 114 7.3.3. Valorisation des déchets 118 7.3.4. Elimination des déchets 120 7.4. Lutte contre le bruit 121 Table des matières 7.5. Protection des sols 123 7.6. Protection de la faune, de la flore et de la biodiversité 126 7.7. Protection contre les accidents majeurs 127 8. Autres politiques affectant l'environnement 129 8.1. Aménagement du territoire 129 8.1.1. Considérations générales 129 8.1.2. Protection des forêts 129 8.1.3. Protection des sites marécageux et zones alluviales 131 8.1.4. Utilisation de terrains à des fins particulières 132 8.2. Agriculture 133 8.2.1. Considérations générales 133 8.2.2. Utilisation des engrais 134 8.2.3. Affectation des parcelles 138 8.3. Transports 139 8.3.1. Transport routier 139 8.3.2. Transport aérien 149 8.4. Chasse 152 9. Vue d'ensemble 155 IV Politique environnementale et efficacité économique TROISIEME PARTIE : UN MARCHÉ DE CERTIFICATS APPLIQUÉ AUX ÉMISSIONS INDUSTRIELLES D'OXYDES D'AZOTE DANS LE CHABLAIS 10. Présentation de l'étude de cas 161 11. Pollution de l'air par les oxydes d'azote 163 11.1. Provenance 163 11.1.1. Modes de formation 163 11.1.2. Sources 164 11.2. Les NOx comme précurseurs de l'ozone 166 11.3. Effets 167 11.3.1. Santé humaine 167 11.3.2. Végétation et matériaux 169 11.4. Réglementation actuelle 170 12. Technologies de réduction des émissions d'oxydes d'azote 173 12.1. Consideration^ générales 173 12.2. Possibilités d'intervention 173 12.2.1. Actions sur les combustibles 173 12.2.2. Actions sur les procédés de combustion 174 12.2.3. Actions sur les émanations 175 12.3. Coût des technologies de réduction des émissions 178 13. Région d'application : le Chablais 179 13.1. Critères de sélection et choix de la région d'étude 179 13.2. Emissions et immissions d'oxydes d'azote dans le Chablais 184 13.2.1. Situation actuelle 184 13.2.2. Prévisions pour l'an 2000 189 v Table des matières 14. Organisation et règles de fonctionnement du marché 191 14.1. Participants 191 14.1.1. Sélection des participants 191 14.1.2. Localisations, activités et émissions 193 14.2. Autorité de contrôle 197 14.3. Distribution initiale 197 14.4. Règles de fonctionnement du marché 199 14.4.1. Mise en contact des offreurs et des demandeurs 199 14.4.2. Réglementation des échanges 200 14.4.3. Conservation et durée de validité des certificats 202 14.4.4. Vue d'ensemble des caractéristiques du marché 203 15. Evaluation de l'efficacité économique 205 15.1. Méthode 205 15.2. Coûts de dépollution 206 15.2.1. Manière de saisir les coûts 206 15.2.2. Montants consacrés à la réduction des émissions 208 15.3. Fonction de demande de permis 210 15.4. Estimation de l'efficacité-coût 211 15.4.1. Rappel 211 15.4.2. Estimation du coût administratif 212 15.4.3. Estimation de l'efficacité-coût entre 1986 et 1995 213 15.4.4. Estimation de l'efficacité-coût des réductions futures 217 (1996-2000) 16. Problèmes pratiques de mise en oeuvre et acceptabilité 221 16.1. Remarque liminaire 221 16.2. Considérations juridiques 221 16.3. Mesure en continu des émissions 224 16.4. Acceptabilité 224 Vl Politique environnementale et efficacité économique 17. Conclusion 229 Annexe 1 Enquête auprès des services cantonaux de protection de A-2 l'environnement Annexe 2 Questionnaire sur les réductions des émissions d'oxydes d'azote A-6 dans le Chablais Annexe 3 Introduction d'une norme minimale : réduction du gain potentiel A-23 Annexe 4 Vue d'ensemble des domaines considérés pour l'introduction A-25 de certificats (Grilles d'analyse) Références R-1 vu Politique environnementale et efficacité économique Abréviations AQCR Air quality control region ASCA Association suisse pour l'encouragement du conseil d'exploitation en agriculture ASL Association pour la sauvegarde du Léman AUE Arrêté sur l'utilisation de l'énergie BAT Best available technology Btu British thermal unit CAA Clean air act CAAA Clean air act amendment CAC Command and control CAFE Corporate average fuel economy CE Communauté européenne CEMS Continuous emission monitoring system CFC Chloroflu orocarbones Chi Chiffre CNA Caisse nationale d'assurance COV Composés organiques volatils DBO Demande biochimique en oxygène DCO Demande chimique en oxygène DFI Département fédéral de l'intérieur DOC Dissolved organic carbon EOS Energie Ouest-Suisse (Société anonyme) EPA Environmental protection agency (US) ERC Emissions reduction credit HEL Huile extra-légère LAgr Loi fédérale sur l'agriculture LAT Loi fédérale sur l'aménagement du territoire LChP Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages IX LEaux LFo LHABB LPE LPN mbar mg MPG NABEL NABO NAPAP Nma NOx NSPS OACI OAT OCE OChP ODS OEV OFAC OFEFP OFEN OFS OFSP OGPE OIFP OMS Loi fédérale sur la protection des eaux Loi fédérale sur la conservation des forêts et la protection contre les catastrophes naturelles Lufthygieneamt beider Basel Loi fédérale sur la protection de l'environnement Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage Millibar Milligramme Microgramme Mlles per gallon Nationales Beobachtungsnetz für Luftfremd stoffe Nationales Bodenbeobachtungsnetz National acid precipitation assessment program Mètre-cube en conditions normales (O0C, 1013 mbar, 3% O2) Oxydes et dioxydes d'azote New sources performance standards Organisation de l'aviation civile internationale Ordonnance sur l'aménagement du territoire Ordonnance sur la conservation des espèces Ordonnance sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages Ordonnance sur les mouvements de déchets spéciaux Ordonnance sur les émissions de gaz d'échappement des véhicules Office fédéral de l'aviation civile Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage Office fédéral de l'énergie Office fédéral de la statistique Office fédéral de la santé publique Ordonnance générale sur la protection des eaux Ordonnance concernant l'inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels Organisation mondiale de la santé x Politique environnementale et efficacité économique OPair Ordonnance sur la protection de l'air OPAM Ordonnance sur la protection contre les accidents majeurs OPB Ordonnance sur la protection contre le bruit OPEL Ordonnance sur la protection des eaux contre les liquides pouvant les altérer OPN Ordonnance d'exécution de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage ORCA Ordonnance sur la réduction de la consommation spécifique de carburant des automobiles Osol Ordonnance sur les polluants du sol Osubst Ordonnance sur les substances dangereuses pour l'environnement OTD Ordonnance sur le traitement des déchets PAC Politique agricole commune PCB Biphenyles polychlorés PET Polyethylene tetrachlorique PIB Produit intérieur brut PNR Programme national de recherche ppb Part per billion ppm Part per million RECLAIM Regional clean air incentives market ROG Reactive organic gases SCAQMD South coast air quality management district SO2 Anhydride sulfureux, ou dioxyde de soufre STEP Stations d'épuration des eaux usées TOC Total organic carbon UGBF Unité de gros bétail - fumure UIOM Usine d'incinération des ordures ménagères ULEV Ultra-low emission vehicle VLI Valeur limite d'immìssion WWF World wide fund for nature ZEV Zero emission vehicle Xl If from any revolution tn nature, the atmosphere became too scanty for the consumption, (...) air might acquire a very high marketable value John Stuart Mill Principles of Political Economy Lambe Publishing Londres, 1862 XlIl Politique environnementale et efficacité économique Avant-propos La rédaction d'une thèse n'est jamais un travail véritablement individuel. Au contraire, sans l'appui de nombreuses personnes, je n'aurais pas été à même de mener à bien l'ouvrage que vous tenez entre les mains. En tout premier lieu, je tiens à remercier les Professeurs Claude Jeanrenaud, directeur de thèse, et François Hainard, co-rapporteur, qui ont guidé mes recherches avec la grande compétence qui les caractérise. Cet ouvrage a aussi été pour moi l'occasion de rencontrer bon nombre de personnes en dehors de l'Université; ces apports extérieurs m'ont été très précieux. Il ne m'est pas possible de citer ici toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont prêté leur concours à ce travail (leurs noms apparaissent toutefois au terme des références, à la fin d'ouvrage). Parmi elles, il me faut cependant mentionner M. Jean-Michel Liechti, chef du Service cantonal neuchâtelois de protection de l'environnement, dont l'intérêt et la disponibilité ont été particulièrement appréciés. Mes remerciements les plus vifs vont aussi aux Professeurs John Spengler (Harvard School of Public Health) et Robert Stavins (Kennedy School of Government) qui m'ont accueilli et conseillé durant mon stage à l'Université de Harvard, Massachusetts, entre septembre 1995 et octobre 1996. Malgré tous les conseils et les aides dont j'ai pu bénéficier, je reste bien entendu le seul responsable des erreurs qui pourraient subsister. Enfin, ces remerciements seraient incomplets si je n'évoquais mon épouse Anne-Lise qui, par sa gentillesse, ses encouragements et ses remarques pleines de bon sens, a été un soutien constant. Cet ouvrage lui est dédié. Marc-Alain Stritt POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE 1. Introduction La protection de l'environnement est aujourd'hui une des tâches importantes confiées à l'Etat. Avec la croissance économique, la lutte contre la pollution a pris une ampleur de plus en plus grande et le coût de la politique environnementale s'est régulièrement accru. L'OCDE estime qu'il représente actuellement entre 1% et 2% du PIB des pays développés. Pour sa part, la Suisse est certainement proche de la limite supérieure : l'ensemble des mesures prises en 1988 en vue de gérer et de protéger l'environnement aurait occasionné une dépense supérieure à neuf milliards de francs (Walther 1990, p. 164). Par ailleurs, il est vraisemblable que les montants consacrés à cette fin continueront de croître dans les années à venir. A l'heure de la récession et des difficultés budgétaires, il apparaît donc de plus en plus nécessaire de rechercher et de promouvoir les mesures de protection de l'environnement bénéficiant du meilleur rapport coût/efficacité. Or, dans la plupart des pays - et en Suisse en particulier - la politique environnementale repose essentiellement sur une approche réglementaire. La législation mise en place jusqu'à présent a recours, comme moyens d'action principaux, à des réglementations de type administratif, telles que normes techniques, prescriptions, autorisations, interdictions, contrôles, etc. Ces réglementations s'appliquent généralement de façon uniforme à tous les agents qui y sont soumis : les comportements sont imposés et les possibilités de choix limitées, même si des exceptions sont parfois prévues. On entend ainsi modifier directement la manière d'agir des individus et des entreprises, les processus de fabrication, la composition des produits, etc. On parle donc, à ce propos, de "réglementation directe" et la littérature anglo-saxonne désigne cette approche par l'expression command-and-œntrol (CAC). Ainsi, dans le cas de la protection de l'air en Suisse, des valeurs limites d'émissions ont été fixées pour plus de 200 substances, et les Services cantonaux compétents recensent et inspectent systématiquement les sources de rejet. Lorsqu'ils constatent que la norme en vigueur n'est pas respectée, ils donnent un ordre d'assainissement et un délai de réalisation au responsable concerné. Cette manière de faire impose des contraintes qui sont souvent perçues de manière négative, mais les résultats obtenus sont appréciables. La qualité dé l'air et celle des eaux sé sont ainsi sensiblement améliorées, et cela malgré l'augmentation du nombre de sources de pollution due à la croissance économique. Toutefois, on sait qu'une réglementation uniforme n'est pas efficace sur le plan des coûts, si ce n'est par coïncidence. En effet, les sources de pollution ont 1 1. IhJTRODUCTION souvent des caractéristiques propres, qu'il s'agisse des volumes émis, de la technologie de production utilisée, de l'état d'entretien des machines, etc. Leur appliquer une norme identique aboutit obligatoirement à une dispersion des coûts de mise en conformité : si certaines sources peuvent être contrôlées à faible coût, d'autres nécessitent des dépenses importantes. En conséquence, la réglementation directe conduit presque toujours à payer un prix trop élevé pour atteindre l'objectif fixé. Si l'on entend réduire le coût de la protection de l'environnement, il s'agit donc de renoncer à l'uniformité et de diriger les investissements de dépollution là où ils sont les plus efficaces. Tel est précisément le but des instruments économiques. Cette appellation désigne les moyens d'action qui visent à réduire les atteintes à l'environnement par des incitations financières plutôt que par des prescriptions ou des interdictions. La dégradation de l'environnement résulte essentiellement de l'absence de droits de propriété. Or, en établissant de tels droits et en donnant un prix aux ressources naturelles, on amène les pollueurs à considérer leur utilisation comme celle de n'importe quel autre input. En d'autres termes, ce qui était jusqu'alors un bien public est rendu rare et doit désormais être pris en compte en tant que bien privé. Les mécanismes d'incitation contenus dans les instruments économiques poussent alors les agents concernés à choisir la manière la moins coûteuse pour atteindre les objectifs environnementaux fixés par l'autorité politique. Plusieurs outils présentent cette propriété : taxes d'incitation, certificats négociables, fiscalité écologique, subventions à des fins de protection de l'environnement, consignes sur les produits néfastes pour l'environnement, etc. Il existe plusieurs classifications de ces instruments, en particulier en fonction de leurs modes de fonctionnement; L'une des caractéristiques des instruments économiques est qu'ils offrent, justement, la possibilité de différencier les efforts de dépollution en fonction des coûts rencontrés. La pratique d'une activité polluante correspond en fait à "consommer" une quantité donnés d'une ou de plusieurs ressources naturelles, par exemple l'air pur ou l'eau propre. Or le droit d'utiliser ces ressources entraîne désormais un coût, que ce soit le paiement d'une taxe ou l'achat de certificats. Il est dès lors dans l'intérêt de tous les pollueurs de réduire autant que possible les atteintes qu'ils causent au milieu naturel, car il y a un avantage économique à le faire. En effet, toute réduction des rejets de polluants entraîne une diminution du montant de la taxe ou du nombre de certificats à détenir. Mais la liberté de choix reste acquise : lorsque le coût de dépollution est particulièrement élevé, les pollueurs peuvent éviter de prendre des mesures onéreuses. Ils s'acquittent alors d'un paiement (taxe ou achat de certificats) pour la part des nuisances qu'ils renoncent à réduire. De ce fait, les actions de protection de l'environnement sont systématiquement réalisées là où elles sont les moins coûteuses. 2 Politique environnementale et efficacité économique Remarquons que les instruments économiques n'agissent pas tous directement sur les prix. Les taxes augmentent artificiellement le prix des ressources environnementales ou celui des produits ayant des effets nuisibles sur l'environnement, si bien que les agents tendent à en diminuer la consommation. Inversement, les subventions allouées à certains pollueurs leur permettent de réduire le coût des programmes d'assainissement, de sorte qu'ils en effectuent plus qu'ils ne le feraient sans cela. La fiscalité écologique ou les systèmes de consigne interviennent aussi directement sur les prix. Cependant, les certificats - à l'instar des normes - agissent sur les quantités (ressources naturelles consommées, polluants rejetés, etc.). Ce qui distingue ces deux instruments est le fait que la restriction quantitative soit échangeable dans le cas des certificats : les agents concernés ont la possibilité de négocier entre eux leurs limites individuelles, en fonction de leurs coûts de dépollution respectifs. Les prix et les quantités sont toutefois deux grandeurs étroitement liées : agir sur une variable modifie l'autre ipso facto. La spécificité des instruments économiques n'est donc pas leur action directe sur les prix, mais bien leur effet incitatif. L'intérêt porté actuellement aux instruments économiques s'explique donc, tout d'abord, par le souci d'atteindre les objectifs de la politique environnementale au coût le plus faible. Mais les instruments économiques présentent encore quelques autres avantages par rapport à la réglementation directe. Par exemple, comme les pollueurs sont incités en permanence à rechercher les moyens les plus efficaces de limiter les dommages causés à l'environnement, le recours aux instruments de marché devrait avoir un effet d'accélération sur le progrès technique. Les taxes et les permis accordent aussi une plus grande liberté de choix aux pollueurs, qui ne sont plus tenus d'adopter un comportement ou une technologie déterminés. Au contraire, ils sont libres de définir eux-mêmes l'importance des mesures à prendre et la manière de les réaliser, en fonction du coût de dépollution et du prix à payer pour les atteintes résiduelles qu'ils causent. Cette souplesse permet notamment une meilleure intégration des actions de protection de l'environnement dans le plan d'investissement des entreprises. Enfin, pour l'Etat, la mise en oeuvre d'instruments économiques présente l'avantage de nécessiter moins d'informations préalables. L'élaboration de la réglementation présuppose en effet que l'autorité dispose des renseignements nécessaires sur les mesures techniquement réalisables. Avec les instruments incitatifs, cette recherche est laissée à ceux qui sont les plus aptes à l'effectuer : les pollueurs eux-mêmes. Il importe encore de souligner que l'introduction d'instruments économiques ne remet pas en cause les buts de la politique environnementale. En recourant à un outil plus efficace, on cherche simplement à atteindre les objectifs fixés de manière moins coûteuse et plus souple. Il n'est pas question non plus de remplacer la réglementation actuelle par des instruments économiques chaque fois que possible. L'introduction de ceux-ci ne peut être considérée que dans les domaines où la réglementation directe manque d'efficacité. 3 1. Introduction Les instruments économiques ne sont toutefois pas exempts de problèmes d'application. Le fait qu'ils soient relativement peu utilisés pourrait d'ailleurs indiquer la présence de quelques difficultés pratiques. On note tout d'abord une certaine résistance à l'égard des propositions faites par les économistes dans le domaine de l'environnement. Sous prétexte de réduire les coûts, ces derniers ne cherchent-ils pas en réalité à remettre en question l'importance que l'on attache aux questions environnementales? Ensuite, dans ce domaine, se fier au marché paraît hasardeux, plus hasardeux en tout cas que d'imposer des règlements et de contrôler leur bonne application. Enfin, l'idée que les biens naturels font partie d'un patrimoine commun et qu'on ne saurait les considérer comme des biens marchands et encore moins en faire commerce est relativement répandue. Dès lors, certains estiment inapproprié de recourir à des instruments qui "autorisent" la pollution en échange d'un paiement. Notons que cet argument n'est pas fondé, dans la mesure où instruments économiques et outils réglementaires ne sont que des moyens d'action différents devant permettre d'atteindre un même objectif. Cependant, pour beaucoup, protéger l'environnement est perçu comme un devoir civique et son accomplissement ne peut passer que par des contraintes identiques pour tous, sans possibilité de délégation. Le présent ouvrage traite des problèmes évoqués plus haut en trois parties. Tout d'abord, on analyse les propriétés théoriques d'un des instruments économiques : les certificats négociables. Sont étudiés, en particulier, le mode de fonctionnement de cet instrument, les conditions de mise en oeuvre et les mécanismes par lesquels il permet d'obtenir une réduction du coût en ressources nécessaire pour atteindre un objectif donné (voir chapitres 2 à 5). Dans la deuxième partie, on cherche à identifier, en Suisse, les domaines de la protection de l'environnement où l'introduction d'un marché de permis pourrait compléter, voire remplacer, la législation actuelle. Plusieurs expériences ont été tentées à l'étranger - mais aussi dans le canton de Bâle - en ce qui concerne la protection de l'air, qui est probablement le cas où l'économie potentiellement réalisable est la plus importante. Toutefois, nous avons imaginé des possibilités d'application dans d'autres domaines, tel que la protection des eaux ou des sols, la gestion des déchets ou la lutte contre le bruit, et aussi dans des activités qui ont un impact sur l'environnement, comme les transports, l'agriculture ou l'aménagement du territoire. Dans chaque cas, l'intérêt de créer un marché de certificats est examiné sur la base d'une grille d'analyse développée spécifiquement à cette fin (voir chapitres 6 à 9). Finalement, la troisième partie du travail s'attache à concevoir un marché de certificats et à mesurer l'importance du gain d'efficacité réalisable dans un cas précis : la réduction des émissions industrielles d'oxydes d'azote dans la région du Chablais. Les caractéristiques du système proposé et les conditions de son introduction sont étudiées en détail. Puis le coût du marché des certificats est comparé à celui de la réglementation actuelle. L'analyse montre 4 Politique environnementale et efficacité économique qu'entre 1986 et 1995, on aurait pu atteindre le résultat auquel est parvenu l'Ordonnance fédérale sur la protection de l'air, en terme de tonnes réduites, à un coût total sensiblement inférieur. L'examen des données relatives aux assainissements actuellement à l'étude - et qui seront probablement réalisés dans les années à venir - montre que le potentiel d'économies futures est encore plus important. L'intérêt d'introduire aujourd'hui un système de certificats reste donc intact (voir chapitres 10 à 16). 5 Première partie : Théorie des marchés de certificats Politique environnementale et efficacité économique 2. Présentation de l'instrument "certificats" 2.1. Notions et principe de fonctionnement Notons tout d'abord que la littérature recourt à une assez vaste terminologie pour désigner les certificats. Outre ce terme, on trouve aussi les appellations : permis échangeables ou négociables, crédits d'émission ou crédits de pollution, droits d'émettre ou droits de polluer, bons d'émission, etc. Ces diverses expressions sont en principe synonymes et désignent un seul et même instrument, ou parfois les variantes de celui-ci. Les certificats reposent en fait sur un principe de base extrêmement simple. Si l'on entend améliorer la qualité de l'environnement, il est généralement nécessaire de réduire les rejets de substances polluantes. La méthode classique pour cela est de fixer une norme que chaque source 1 d'émissions est tenue de respecter. Une telle norme représente en fait le droit de polluer jusqu'à une limite donnée, et cette limite est en principe fixe et identique pour toutes les sources. Or, avec les certificats, on renonce à cette uniformité et l'on rend les quantités émises échangeables entre les divers pollueurs. La mise en oeuvre de cet instrument consiste donc : - à remplacer une norme environnementale s'appliquant de manière uniforme à chaque source de pollution par un objectif global à satisfaire par un ensemble de pollueurs, - et à donner à ceux-ci la possibilité de déterminer eux-mêmes la façon la plus rationnelle d'atteindre cet objectif, en décidant en particulier de l'importance des mesures à prendre sur chaque source de rejet. En d'autres termes, plutôt que d'imposer à tous le respect d'une norme identique, on admet des comportements différenciés pour autant que l'on parvienne au même résultat global, c'est-à-dire que l'objectif fixé pour l'ensemble des agents concernés soit atteint. Cet objectif correspond au maximum de pollution que l'on peut accepter dans une région donnée, et il est représenté par le nombre total de certificats introduits sur le marché. La limite que doit respecter chaque pollueur est déterminée par la quantité de certificats qu'il détient. Or, ceux-ci sont librement échangeables, ce qui signifie que (es limites individuelles peuvent être modifiées par entente particulière entre les Par "source" (de pollution, d'émission, de nuisances, d'atteintes), on entend l'installation qui cause le dommage environnemental considéré. Il peut s'agir par exemple d'une cheminée, d'une canalisation, etc. Le terme "pollueur désigne pour sa part la personne, physique ou morale, responsable des dommages environnementaux (à partir d'une ou plusieurs sources). En ce qui concerne l'industrie, on limite le terme "pollueur" a un centre de production (unité de compte). Une entreprise disposant de plusieurs usines géographiquement dispersées compte ainsi plusieurs pollueurs. 9 2. PRÉSENTATION DE L'INSTRUMENT "CERTIFICATS" pollueurs. Ceux-ci ont dès lors plusieurs options à choix : lorsque les émissions sont supérieures à la limite représentée par le nombre de certificats détenus, ils peuvent entreprendre les mesures de réductions nécessaires, mais ils peuvent aussi acquérir des certificats supplémentaires. D'autre part, même lorsqu'ils possèdent suffisamment de permis pour leurs émissions, les pollueurs sont toujours incités à prendre des mesures de dépollution supplémentaires : cela leur permet en effet de vendre les certificats ainsi rendus disponibles. Le critère de décision est le coûf marginal d'épuration. On entend par là le coût de réduction d'une unité supplémentaire de pollution, 2 On sait que ce coût peut varier grandement d'une source à l'autre, en fonction de l'activité considérée, de la technologie mise en oeuvre, etc. Ne pas tenir compte de ce fait conduit à un gaspillage de ressources : les sommes investies sur les sources les plus onéreuses permettraient des réductions plus importantes si elles étaient affectées aux sources connaissant les coûts d'épuration les plus faibles. En effet, si la réduction d'une unité de pollution coûte 1'00O francs dans un cas et 20'000 francs dans un autre, on s'aperçoit immédiatement du gain d'efficacité réalisable si l'on déplace tout ou partie de l'effort de dépollution de la seconde source vers la première. En donnant à un groupe de pollueurs la possibilité de s'entendre entre eux et de décider de l'importance des mesures à prendre sur chaque source d'émission, on parvient à minimiser te coût total des réductions à effectuer. Le coût total minimum est atteint lorsque le coût de réduction de la dernière unité de pollution est le même pour toutes les sources. En effet, tant qu'il subsiste des différences dans les coûts marginaux, le coût total peut être réduit en concentrant les mesures de dépollution sur les sources les moins onéreuses à contrôler. Or, le recours aux instruments économiques amène précisément les agents concernés à entreprendre les réductions d'émissions dans l'ordre croissant des coûts marginaux, jusqu'à ce que ceux-ci s'égalisent entre les diverses sources, ce qui représente précisément la condition de l'efficacité économique. Cette valeur commune correspond alors au prix de marché des certificats. Soulignons toutefois que ce principe d'échange ne peut être appliqué que lorsque les moindres mesures prises sur certaines sources ne causent pas d'effets particuliers à l'environnement ou à une partie de la population. 3 En d'autres termes, les effets des mesures limitées ou de l'absence de mesures prises sur certaines sources doivent être compensés par les actions renforcées prises sur d'autres. L'OCDE (1992a, p.24) dit à ce propos que les atteintes à l'environnement sont réduites ou contrôlées "en terme de valeur 2 Pour la façon de calculer ce coût dans le cas de la pollution de Tair, voir pt. 5.2. 3 A ce propos, voir pt. 4.2 lettre c). 10 Politique environnementale et efficacité économique moyenne". 4 Remarquons aussi que le mécanisme présenté ci-dessus peut être mis en oeuvre ou observé dans de nombreuses activités autres que la protection de l'environnement. Les comportements de ce genre ne sont d'ailleurs pas rares en réalité : ils ont même tendance à se développer spontanément dans des situations où la nourriture ou d'autres biens (cigarettes, essence ...) sont rationnés. Les échanges sont alors fonctions de l'utilité marginale des divers agents concernés. L'efficacité de tels marchés dépend surtout de l'attitude des autorités face aux pratiques en question, selon qu'elles les interdisent, les tolèrent ou les encouragent (Markandya 1995, p.13). Pour mieux illustrer le mécanisme de fonctionnement d'un système de certificats, examinons l'exemple simple d'une pollution atmosphérique causée par deux sources, les cheminées des usines A et B. Ces entreprises n'exercent pas forcément les mêmes activités, mais elles émettent, par hypothèse, des quantités identiques d'un même polluant. Admettons que l'objectif à atteindre soit une réduction de moitié des quantités émises. Supposons aussi que les coûts marginaux d'épuration varient d'une usine à l'autre : B pourrait réduire ses rejets à bon compte (faible coût marginal) alors que A ne pourrait le faire qu'au prix d'un investissement important (coût marginal élevé). Ne pas tenir compte de cette différence de coûts et exiger, comme le fait la réglementation directe, une réduction uniforme des émissions des deux entreprises (-50% chacune) revient certainement à payer un prix trop élevé pour atteindre l'objectif fixé. Si l'on entend abaisser ce prix, il suffit de concentrer les mesures à prendre sur la source la moins onéreuse (B). On considère alors les deux sources simultanément et on laisse les responsables libres de définir eux-mêmes la manière la plus judicieuse de parvenir à la réduction totale souhaitée. Compte tenu de la différence dans les coûts marginaux, A aurait ainsi la possibilité de ne procéder qu'à une réduction limitée de ses émissions (par exemple -25% au lieu de -50%), pour autant qu'une compensation monétaire soit fournie à B afin qu'il accepte de faire un effort supplémentaire (-75%), jusqu'à ce que la réduction totale voulue soit atteinte- En d'autres termes, A paie B pour que celui-ci effectue à sa place un travail qu'il n'est pas en mesure de faire efficacement. L'optimum est déterminé par l'égalisation des coûts marginaux des deux sources (Figure 2.1). 5 4 La notion de moyenne, si elle aide à comprendre l'idée sous-jacente aux permis, n'est cependant pas particulièrement appropriée puisqu'elle donne à penser qu'une norme applicable à chaque source est maintenue, alors qu'elle disparaît complètement au profit d'un objectif unique fixé pour l'ensemble des sources. 5 On peut démontrer mathématiquement que l'égalisation des coûts marginaux est une condition nécessaire pour parvenir au coût total minimum. Les coûts de réduction des émissions supportés par un groupe de n pollueurs sont fonctions des quantités réduites (C, = f(xj). On cherche alors à minimiser la somme des coûts de dépollution (min ZC,) sous contrainte que l'ensemble des réductions effectuées soit égal à un volume déterminé au préalable (Ix1= v). L'équation de Lagrange s'écrit alors Min C = C, + C3 + ... + Cn - >.(x, «¦ x2 + ... + Xn - v ). Comme la pente de la 11 2. Présentation de l'instrument "certificats" Dans le cas simple évoqué ci-contre, il n'est pas nécessaire de recourir effectivement à. des certificats : le transfert financier de A vers B peut être négocié entre les deux entreprises. La réalité est bien entendu plus complexe, car le nombre de sources à contrôler est généralement important : la création d'un marché où s'échangeront les certificats remplace alors la négociation. Dans le domaine de la protection de l'air (là où les cas d'application ont été les plus nombreux), le fonctionnement d'un tel marché peut être décrit de la manière suivante : 1) Dans un premier temps, l'autorité compétente délimite précisément l'endroit (lieu, région, pays, groupe de pays) où le système des permis sera mis en oeuvre et elle désigne le polluant qu'elle entend contrôler de la sorte. 2) Elle détermine ensuite, en fonction de la qualité de l'air que l'on souhaite atteindre, le volume maximal des émissions admissibles dans la région considérée durant une période donnée (en général une année). Remarquons qu'il est nécessaire d'exprimer l'objectif en quantités totales émises, par exemple en tonnes par année, plutôt qu'en concentrations à l'émission (mg/m3). 6 3) L'autorité désigne ensuite les "participants au marché". Il s'agit de tout ou partie des émetteurs du polluant considéré dans la région de mise en oeuvre des certificats. Les émissions de ces agents ne seront plus soumises à la réglementation directe, mais seront désormais contrôlées via le système des permis.7 4) L'autorité fixe alors un plafond au total des émissions provenant des participants au marché. Cette limite est "matérialisée" par un certain nombre de certificats; chacun de ceux-ci correspond à l'autorisation d'émettre une tonne du polluant considéré. Par exemple, le marché comptera VOOO certificats si le total des émissions des participants ne doit pas dépasser VOOO tonnes par année. tangente est nulle au point minimum, les dérivées premières de cette équation sont égales à zéro. On a alors 8C| / 5x, - X = 0. Or, la dérivée du coût total représente précisément le coût marginal. En conséquence, au point minimum, la valeur de tous les coûts marginaux est obligatoirement égale à X (lagrangien). 0 Le fait de légiférer en quantités totales plutôt qu'en concentrations et de fixer un plafond {emissions cap) aux quantités émises par un groupe de sources est considéré aux Etats-Unis comme l'innovation la plus marquante du Clean Air Act Amendment de 1990 (Van Dyke 1991, p.2711). 7 Remarquons que les agents désignés comme participants au marché ne sont pas tenus d'acheter ou de vendre effectivement des certificats. Toutefois, ils devraient rapidement se rendre compte qu'au point de vue des coûts, ce système leur est plus favorable que la réglementation directe. A ce sujet, voir pt. 14.1.1, lettre a). 12 Politique environnementale et efficacité économique Figure 2.1. Principe de base d'un système de certificats Objectif : réduction des émissions de moitié ¦—francs certificats Source : adapté de Frey et al. 1991, p,109. 13 2. Présentation de l'instrument "certificats" 5) L'autorité attribue alors les certificats aux participants. Cette "distribution initiale" peut être assurée soit par une vente aux enchères, soit de manière gratuite sur la base d'une clé à définir {par exemple le volume des émissions passées). e 6) Désormais, toute tonne émise doit être "couverte" par la possession d'un permis. 7) Les participants émettant plus qu' "autorisé" par leur dotation en permis ont l'obligation soit (i) de réduire leurs émissions (assainisse- ment), soit (ii) d'acquérir le nombre nécessaire de permis supplémentaires, soit (ni) de combiner ces deux actions dans une proportion à déterminer. Les décisions se basent sur la comparaison des coûts des opérations de réduction d'émissions et d'achat de permis. 8) Inversement, les agents émettant moins que ce qu'autorise le nombre de permis qu'ils détiennent disposent de certificats "excédentaires" qu'ils sont autorisés à vendre.9 9) Les différences constatées entre les émissions effectives, en tonnes, et le nombre de certificats détenus déterminent les offres et les demandes individuelles de permis. Celles-ci ne dépendent donc, dans un premier temps, que de la distribution initiale. En effet, avant qu'un nombre suffisant d'échanges aient eu lieu, les participants manquent d'informations sur le prix de marché des certificats, ce qui empêche la comparaison avec leurs coûts marginaux de dépollution et rend donc difficile la prise de décision quant à l'assainissement ou à l'achat de permis (Coggins et Swinton 1996, p.59). Ce phénomène pourrait retarder le démarrage du marché.10 10) Une fois les premières transactions réalisées, de nouvelles possibilités d'échanges apparaissent chaque fois qu'une réduction d'émissions est effectivement réalisée, permettant ainsi aux participants concernés de disposer de permis excédentaires. Tout nouvel assainissement aboutit à la "libération" d'un ou plusieurs certificats. 11) Sur le marché, la demande de permis est représentée par la courbe du coût marginal de réduction des émissions et l'offre est donnée par le nombre total de certificats (offre parfaitement inélastique). L'intersection des deux courbes détermine le prix des permis. Plus celui-ci est élevé, c'est à dire plus les permis sont rares sur le marché, 5 Distribution initiale, voir pt, 3.3. 9 On parle dans ce cas de "surmaîtrise" des émissions {OCDE 1992a, p.269). La littérature anglo- saxonne utilise le terme "overcompliance" (Joskow et Schmalensee 1996, p.11). 10 Comme le note Van Dyke (1991, p.2723) : "potential market users must perform a cost-benefit analysis to determine the economic benefit of trading. Unless the polluters can forecast, at least approximately, the costs of requisite allowances, they will not know whether to use the market". 14 Politique environnementale et efficacité économique plus l'incitation à réduire les émissions polluantes est importante. Par hypothèse, tous les pollueurs sont rationnels et cherchent à réduire leurs coûts de production autant que possible. Il s'agit donc pour eux de minimiser la somme (0 des investissements destinés à protéger l'environnement et (ìì) du coût d'une éventuelle acquisition de permis. Si le système fonctionne correctement, les coûts marginaux de dépollution de tous les agents convergent vers.Ie prix de marché des permis. Ils tendent donc à s'égaliser automatiquement, ce qui représente précisément la condition de l'efficacité économique (Crandall 1984, p.27, Baumol et Oates 1988, p.177. Freeman 1990, p.153). Remarquons que l'on retrouve dans le mécanisme décrit ci-dessus certains aspects de la théorie de la production ou de celle du commerce international (avantages comparatifs). En effet, avec un système de permis, la réduction des émissions est systématiquement effectuée par ceux qui sont en mesure de la réaliser au coût le plus faible. Soulignons aussi qu'en créant un marché pour les mesures de dêpollution, l'instrument "certificats" modifie ipso facto la manière dont celles-ci sont perçues. Si, pour les entreprises, les réductions d'émissions correspondaient jusqu'à présent à des contraintes et à des charges financières imposées de l'extérieur, elles représentent désormais des actifs (asseto). Chaque tonne volontairement non émise peut en effet déboucher sur une entrée monétaire supérieure à la dépense nécessaire pour l'obtenir. Ainsi, "accountants would be called upon to treat these [permits] in much the same way as any other form of stored-up capital" (Washington Post, 11 avril 1990, p. 11, présentation de l'amendement du Clean Air Act instituant le marché national de permis destiné au contrôle des émissions de SO2 dans le cadre du projet NAPAP de lutte contre les pluies acides). 2.2. Typologie Le mécanisme général présenté plus haut doit être adapté en fonction des domaines concernés (air, eau, sols, déchets,...) et, à l'intérieur de ceux-ci, des polluants à contrôler. La mise en oeuvre de permis peut donc prendre plusieurs formes distinctes. En fait, la définition même du certificat et les caractéristiques des marchés varient de cas en cas, et les options possibles sont nombreuses. Comme le note Peeters (1991, p.155): "because of the many different environmental problems a recommendation for the best form of a permit market for all pollution problems cannot be given". Selon les cas, on peut concevoir les distinctions suivantes : 15 2. Présentation de l'instrument "certificats" a) Certificats incorporant un droit ou une obligation Les certificats peuvent être fondés non pas sur le droit de faire quelque chose (par exemple émettre une quantité donnée d'un certain polluant), mais sur une obligation de procéder à une action de prévention ou de réparation des atteintes causées à l'environnement. Il peut s'agir, par exemple, de l'obligation de récupérer et de recycler une quantité donnée d'un matériau quelconque ou de celle de mettre sur le marché une certaine quantité de produits respectueux de l'environnement (papier recyclé, verre recyclé, zero emission vehicles, etc.). « Dans ce cas, les certificats ne sont pas attribués à tous les participants au marché, mais uniquement à ceux qui parviennent à aller au-delà de leur obligation initiale; ils peuvent ensuite être vendus aux agents qui ne parviennent pas à respecter leur quota. Plusieurs applications de ce type peuvent être envisagées dans le domaine de la gestion des déchets ou dans celui des transports. « b) Certificats fondés sur les émissions ou sur les produits Les certificats peuvent être fondés soit directement sur les émissions elles-mêmes, soit sur les caractéristiques des produits dont la fabrication, l'utilisation ou l'élimination sont causes de dommages environnementaux (par exemple teneur en soufre des combustibles, consommation des véhicules à moteurs,...). Dans le premier cas, seuls les émetteurs de la région considérée sont englobés dans le marché, alors que dans le second, les producteurs nationaux, mais aussi les importateurs et éventuellement les utilisateurs peuvent être concernés. c) Certificats fondés sur les émissions ou sur la qualité de l'environnement Le contrôle qu'exerce l'autorité sur les pollueurs peut s'effectuer par rapport aux volumes émis ou par rapport aux effets de ces émissions. Sur cette base, deux types de marchés peuvent être distingués, à savoir les emission permit markets ou les ambient air quality permit markets (Tietenberg 1980, Atkinson et Tietenberg 1982, Baumol et Oates 1988). Dans le premier cas, l'autorité impose à un ensemble de pollueurs un volume limité d'émissions autorisées dans une région donnée. Ce plafond est généralement calculé en faisant l'hypothèse d'une relation linéaire entre le volume des émissions et la qualité de l'air que l'on souhaite 11 Rappel de terminologie : les appellations "certificats" et "permis" sont utilisées indistinctement dans le cadre de cet ouvrage, bien qu'elles ne soient pas parfaitement synonymes. Le terme "certificat" est en effet plus général, dans la mesure où II fait référence au double aspect droit et obligation exposé ci-dessus. Pour sa part. Ie terme "permis" désigne exclusivement un certificat incorporant un droit (par exemple le droit d'émettre une quantité donnée d'un certain polluant). 12 Voir pts. 7.3 et 6.3. 16 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE atteindre. " Dans le second cas (ambient), on entend contrôler directement la qualité de l'air en un certain nombre d'endroits de référence (Montgomery 1972). Il est alors nécessaire de recourir à un modèle élaboré de dispersion des polluants émis, afin de déterminer l'impact de chaque source sur les immissions mesurées en tout point de la région étudiée. u Un système de certificats fondé directement sur les émissions est en principe nettement plus simple - et donc moins onéreux- à mettre en oeuvre. Inversement, "the ambient permit system form of the permit market is not without serious [practical] problems" (Baumöl et Oates 1988, p.184). En particulier, les entreprises devraient acquérir des permis distincts pour chaque endroit de référence (Tietenberg 1995, p.98). Remarquons que le système proposé initialement par Montgomery était de type "ambient", mais les difficultés administratives liées à la mise en oeuvre ont fait que l'on s'est dirigé vers les permis d'émission (ibid.). d) Certificats multi-polluants Jusqu'à présent, le système des certificats n'a été envisagé que pour réduire les émissions d'un seul et même polluant. « Lorsque l'on entend réduire en même temps les émissions de deux polluants distincts à l'aide de certificats, ceux-ci sont traités sur des marchés parallèles, sans possibilité d'échanges ou d'interactions entre les deux.16 On pourrait toutefois imaginer qu'un seul et même marché serve au contrôle simultané de plusieurs polluants. Quelques travaux théoriques ont exploré cette possibilité (voir notamment Mendelsohn 1986, Lence 1991, Schaltegger et Thomas 1993 et 1994, Grafton et Devlin 1994). Cette extension du principe des certificats nécessite de pouvoir exprimer les effets des divers polluants à l'aide d'une unité de mesure commune. La création d'un "indice synthétique de l'environnement" est étudiée depuis longtemps (voir à ce propos OCDE 1991c et Grosclaude 1995). Certains auteurs ont proposé de fonder les échanges inter-polluants sur les coûts 13 Notons que l'hypothèse de Ia relation linéaire entre émissions et Immission n'est pas toujours vérifiée. Dans certains cas, non seulement cette relation n'est pas linéaire, mais elle peut même ne pas être monotone (Hahn et Noli 1982. p. 144). Par exemple, une réduction des émissions de NO, peut avoir pour conséquence une diminution ou une augmentation de la teneur d'ozone dans l'air, en fonction de la concentration ambiante de COV (a ce propos, voir pt. 11.2). 14 Pour la manière de déterminer la concentration ambiante à l'aide d'un logiciel de dispersion, voir pt. 5,3.1. 15 Remarquons cependant que, lorsque les certificats sont fondés sur les caractéristiques des produits (par exemple véhicules automobiles). Il se peut que l'on contrôle simultanément plusieurs polluants. Toutefois, il n'y a pas expressément d'échange d'un polluant contre un autre. 1G C'est le.cas, par exemple, des programmes mis en place â Los Angeles (RECLAIM) et à Bale pour les contrôle des NO, et des COV. A propos des marchés parallèles, Grafton et Devlin (1994, p.172) ont mis en évidence le risque de voir les entreprises adapter leurs procédés de production de manière a réduire les émissions des polluants pour lesquels il existe un marché de permis en augmentant celles pour lesquelles un tel marché n'existe pas. 17 2. Présentation oe l'instrument "certificats" d'assainissement rencontrés pour les divers polluants (Lence 1991) ou sur les standards de l'EPA (Schaltegger et Thomas 1994). Ces solutions sont cependant toutes relativement compliquées. Par ailleurs, même si le problème de l'unité de mesure commune pouvait être résolu, rien ne dit que l'instrument bénéficierait d'une acceptabilité suffisante pour être mis en oeuvre. Que faut-il penser, en effet, de l'échange d'émissions de NOx contre des émissions de SO2, ce qui revient, en simplifiant, à échanger du smog estival contre des pluies acides ? 17 Et comment parviendrait-on à déterminer l'objectif environnemental unique à atteindre ? Par ailleurs, on pourrait imaginer aussi un système dans lequel des échanges auraient lieu entre différents domaines (air, eau,...) et non pas seulement entre différents polluants à l'intérieur d'un même domaine. Dans une région donnée, une amélioration de la qualité des eaux compenserait-elle une dégradation moins importante de la qualité de l'air ? Une entreprise pourrait-elle renoncer à un programme de réduction de la quantité de ses déchets en échange d'un effort accru dans sa lutte contre le bruit ? Ce genre de questions peut parfois se poser dans le domaine industriel. Certaines entreprises ont en effet le choix entre des procédés de fabrication polluant plutôt l'eau que l'air, ou inversement, consommant plus ou moins d'énergie et/ou produisant plus ou moins de déchets. Le système des nouveaux éco-bilans proposé par l'OFEFP (1990b, p.36) préconise justement d'opter pour la solution minimisant la somme des atteintes. Ce faisant, on accepte implicitement de compenser les dommages causés dans un domaine par une réduction des atteintes causées dans un autre domaine. Toutefois, personne n'a encore proposé effectivement la mise en oeuvre d'un marché de certificats multi- domaines. Ainsi, compte tenu du polluant à contrôler et des diverses formes que peut prendre un système de certificats, tout marché mis en pratique aura ses caractéristiques propres. Or, la détermination du design du marché ne peut pas toujours être effectuée sur la base de critères techniques ou scientifiques (Noli 1983, p.214). En effet, les choix sont toujours conditionnels, car le système à mettre en oeuvre s'inscrit obligatoirement dans un cadre préexistant. Il est ainsi nécessaire de tenir compte des bases légales en vigueur, de la politique environnementale mise en oeuvre jusqu'à présent et de l'effort de dépoilution déjà réalisé, de l'état de l'environnement, de la sensibilité Remarquons cependant qu'un véritable échange inter-polluants a eu lieu aux Etats-Unis en novembre 1994, lorsque les entreprises Arizona Public Service et Niagara Mohawk Power ont négocié entre elles des allowances pour le SO2 (attribuées dans le cadre du programme NAPAP) et des droits d'émission de CO2 lors d'une transaction d'un montant de 3 millions de dollars (Business Week. 28 novembre 1994, p.59). Ce premier échange inter-polluants est cependant resté sans suite. 18 Politique environnementale et efficacité économique écologique des autorités et de la population, de considérations politiques, de la structure du tissu industriel, de l'acceptabilité w supposée de la proposition, etc. Ces conditions préexistantes font que, dans certains cas de mise en oeuvre, l'économie de coûts par rapport à la réglementation directe pourrait n'être que partiellement réalisée. 2.3. DÉFINITIONS Soulignons pour commencer que la littérature traitant des certificats est aujourd'hui abondante. Citons en particulier les contributions de Tietenberg, de Hahn et de Stavins, pour ne mentionner que les auteurs les plus connus; l'OCDE a également publié diverses études à ce propos. D'autre part, en plus des travaux théoriques, plusieurs expériences pratiques ont été réalisées ou sont en cours, principalement aux Etats-Unis, et de nombreuses évaluations sont désormais disponibles (voir notamment EPA et SCAQMD). On trouve ainsi dans la littérature plusieurs définitions différentes de ce qu'il faut entendre par "certificats" ou "permis". Il s'agit tout d'abord de faire la distinction entre l'instrument en tant que tel et les permis qui sont le moyen physique nécessaire à sa mise en oeuvre. L'OCDE (1994a, p.315) fournit une description globale de l'instrument qui est défini comme un "système de quotas d'émissions ou d'utilisation des ressources dans lequel le total des quotas individuels constitue l'équivalent d'une norme d'environnement et dans lequel les quotas sont échangeables". En ce qui concerne les permis eux-mêmes, il est difficile de présenter une définition générale englobant les diverses modalités d'application que connaît l'instrument. Dans le cas le plus courant, celui de la protection de l'air, les permis peuvent être définis comme des papiers-valeur négociables donnant à leurs détenteurs le droit d'émettre une quantité donnée d'un polluant précisément défini (définition adaptée de Frey et al. 1991, p.105). Il convient toutefois de compléter cette définition pour tenir compte du double aspect "autorisation-obligation". Les certificats sont alors des papiers-valeur donnant à leurs détenteurs le droit d'émettre une certaine quantité d'une substance polluante donnée ou l'obligation de procédera une action de prévention ou de correction des atteintes causées à l'environnement. Enfin, on peut aussi vouloir mettre l'accent sur le fait que la pollution de l'environnement est un problème classique d'extemalité découlant de l'absence de droits de propriété clairement définis (Common 1989, p.1297). Avec des certificats, l'utilisation de ressources environnementales a désormais un coût qui doit être pris en compte comme celui de n'importe quel autre input Par "acceptabilité", on entend le degré avec lequel la mise en oeuvre d'une mesure de politique publique est souhaitée et soutenue par les divers agents ou groupes d'agents concernés (voir pt. 4.4). 19 2. PRÉSENTATION DE L'INSTRUMENT "CERTIFICATS" de production (Hahn et Noli 1983, p.66). Dans cette optique (procédure d'internaIisation), les certificats peuvent être vus comme des droits de propriété {property rights) et d'utilisation d'une ressource environnementale. 2.4. Propriétés d'efficacité 2.4.1. Objectif atteint au moindre coût Le principal avantage que présente un système de permis par rapport à la réglementation directe est le fait qu'il permet d'atteindre l'objectif fixé à un coût inférieur. ™ C'est d'ailleurs à cet effet que l'instrument a été élaboré. Il est facile de comprendre d'où provient l'économie : du déplacement de l'effort de dépollution des sources dont l'assainissement est coûteux vers les sources les moins onéreuses à contrôler. En fait, l'instrument permet d'exploiter la différence dans les coûts marginaux de réduction des émissions. L'existence d'une économie de coûts possible peut être démontrée de manière graphique (Figure 2.2). Soit A et B deux agents économiques rejetant le même polluant, bien qu'ils n'exercent pas forcément des activités identiques. Les courbes Cm(A) et Cm(B) représentent les coûts marginaux de dépollution respectifs. Ceux-ci croissent de manière exponentielle, comme cela est généralement admis (Hines 1988, p.89). N* représente la norme à satisfaire; dans le cas de la réglementation directe, elle est identique pour tous. CA représente le coût marginal de l'agent A pour le niveau de dépollution correspondant à la norme à atteindre, CB celui de l'agent B. Le coût des mesures à prendre pour respecter la norme légale (mise en conformité) est représenté par la surface sous la courbe du coût marginal, jusqu'à la norme (Field 1994, p.55; Goodstein 1995, p.52). Les coûts supportés par les agents A et B correspondent donc, respectivement, aux surfaces OYN* et OZN*. Avec un système de permis négociables, on différencie les efforts de dépollution à réaliser par chaque agent en fonction de leurs coûts. La réduction des émissions est effectuée principalement par B, puisque celui-ci connaît un coût marginal inférieur. L'importance des réductions à effectuer par chacun des deux agents est déterminée par l'égalisation de leurs coûts marginaux (CA' = CB'), sous la contrainte que ce qui n'est pas dépollué par A le soit par B. 20 L'agent A réduira donc ses rejets jusqu'en A' seulement, l'agent B abaissant les siennes au-delà de la norme N*. jusqu'en B', avec A'N* = NTB'. Précisons qu'on ne se prononce pas sur l'objectif lui-même ou sur la manière dont il a été déterminé; le but à atteindre est considéré comme une donnée exogène, préexistante, et on admet qu'il a été fixé de manière efficiente. La somme des réductions d'émissions effectuées par A (x,0 et B (X8) doit correspondre à un volume fixé au préalable ( V ). L'équation xA + xB = V représente ta contrainte sous laquelle s'effectue la minimisation de Lagrange présentée en note au pt. 2.1. 20 POUTlQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE Les coûts de réduction des émissions sont désormais OXA' et OUB' respectivement. Par rapport à la réglementation directe, l'agent A réalise une économie a égale à la surface hachurée A'XYN*. mais l'agent B subit un surcoût b = N*ZUB'. La réduction des émissions est la même dans les deux cas (réglementation et permis), puisque OA'+ OB'= 2 ON*. Cependant, renoncer à l'uniformité et différencier les efforts permet d'atteindre cet objectif à un coût total inférieur, puisque l'économie a l'emporte sur le surcoût b (a - b> O). En admettant que les coûts de transaction soient nuls, la différence entre a et b représente le gain que permet le recours aux permis négociables. Toutefois, pour que l'agent B accepte l'effort supplémentaire de réduire ses rejets jusqu'en B', il faut que le produit qu'il retire de la vente de ses permis couvre au moins entièrement le surcoût occasionné (b). Sur un marché ne comptant que deux agents (comme ici A et B), le prix des permis est déterminé par négociation. Si le produit de la vente ne couvre que le surcoût b supporté par B, l'économie profite entièrement à A. Mais s'il est égal à a, le gain est entièrement réalisé par B. Pour que l'économie soit répartie entre les deux agents, et donc qu'ils trouvent chacun un intérêt à la mise en oeuvre du système, il faut que le prix des permis soit tel que le produit de la vente soit compris dans l'intervalle ]atb[. On se trouve alors dans une situation de type "win-win" (New York Times 1.1.1995, p.22) où tous les participants sont gagnants (amélioration au sens de Pareto). Sur un marché compétitif (nombreux participants), le prix des permis est déterminé par la rencontre de l'offre et de la demande et les coûts marginaux de tous les agents convergent vers cette valeur. 21 2. Présentation de l'instrument "certificats" Figure 2.2. Réglementation directe et système de permis négociables : Comparaison des coûts____________________________ ! Y Cm(A) Cm(B) X / U y Z s '' ~y y/ ^^^ a b.; --------------------------fc. A' N * B' Réduction des émissions Source : adapté de Raufer et Feldman 1937. p.90, CuINs et Jones 1992, p.50. Field 1994, p.215 et Opschoor et Turner 1994, p.15. Note : des démonstrations graphiques quelque peu différentes peuvent être trouvées chez Barde 1992, pp.299-304, Tietenberg 1992a, p.375, NERA 1994, pp.2-1 à 2-7 ou Turner, Pearce et Bateman 1994, p.1B3. Cependant, si la théorie montre clairement qu'il est plus efficace d'atteindre un objectif environnemental donné à l'aide de certificats plutôt que par la réglementation, elle ne dit rien sur l'importance du gain réalisable (Tietenberg 1990a, p.23). Celui-ci dépend des caractéristiques du marché considéré. Plusieurs études ont été menées sur les économies de coûts réalisables; celles-ci sont déterminées par la différence entre le coût de mise en oeuvre de la réglementation et celui d'un marché de permis, en admettant que celui-ci atteigne l'objectif au coût le moindre (least cost). Tietenberg (ibid., p.24) a publié un tableau désormais fameux présentant une vue d'ensemble de ces études; il apparaît que le rapport des coûts entre la réglementation (CAC) et un 22 Politique environnementale et efficacité économique système de permis pourrait atteindre 14 ou même 22 en faveur du dernier cité dans le cas de la protection de l'air aux Etats-Unis. "The excess costs are typically very large. This is an important finding because it provides the motivation for introducing a reform programme; the potential social gains (in terms of reduced control cost) from breaking away from the status quo are sufficient to justify the trouble." (ibid., p.23). L'importance du gain dépend des caractéristiques du marché considéré. Rappelons qu'une économie de coûts est réalisable même avec un petit nombre de participants. Par exemple, Maloney et Yandle (1979 et 1984) ont montré que la politique de la bulle appliquée sur une seule installation aurait permis à l'entreprise DuPont de réaliser une économie de 35% par rapport au cas où une limite d'émission est fixée pour chaque source. Une autre étude (ICF 1989, citée par Tietenberg 1991, p.12) a montré que l'économie pourrait même atteindre 60% dans certains cas. Si la zone d'échange est agrandie et que les transactions peuvent avoir lieu entre les diverses entreprises d'un même Etat, une réduction supplérr.antaire de 20% des coûts de dépollution est possible. Enfin, si les échanges inter-Etats sont autorisés, une nouvelle réduction de 15% peut être obtenue. Soulignons encore que le gain d'efficacité ne se réalise pas au détriment d'un agent ou d'un groupe d'agents. 21 Au contraire, l'économie est répartie entre tous les agents (comme montré à la figure 2.2), ce qui est une condition nécessaire à l'adhésion du plus grand nombre. Un système de certificats est donc bien un jeu à somme non nulle (win-win). Pour terminer, remarquons que l'introduction d'un système de permis permet aussi de réduire les coûts que supporte l'Etat lui-même. Ce dernier n'est plus tenu de dire aux émetteurs ce qu'ils peuvent ou ne peuvent pas faire, comme lorsqu'il fixe " l'état de la technique", par exemple. Cette recherche d'informations par l'Etat, opération coûteuse et peu efficace, est désormais prise en charge par ceux qui sont le mieux à même de le faire : les entreprises privées" {Hansmeyer 1988, p.239). Par ailleurs, avec la flexibilité offerte par un système de permis, l'Etat réalise aussi un second gain : l'objectif environnemental est atteint sans que certains agents déjà en difficulté ne soient, en principe, poussés dans des situations préjudiciables (compétitivité restreinte, survie économique menacée,...) synonymes de licenciements possibles. 2.4.2. Incitation à poursuivre la réduction des émissions En matière de protection de l'environnement, la réglementation directe ne comporte aucune incitation à faire mieux ou plus que ce qui est exigé. Il s'agit là probablement du reproche le plus important que l'on peut adresser à la 21 Le gain d'efficacité ne se réalise pas non plus aux détriments de l'environnement, puisque la réduction totale des émissions est identique dans le cas des permis et de la réglementation. 23 2. Présentation de l'instrument "certificats" manière actuelle de concevoir la politique environnementale. Les agents qui satisfont aux normes en vigueur ne prendront, en principe, aucune mesure supplémentaire, même s'ils pouvaient le faire à des coûts limités, car cela représenterait une dépense non nécessaire et vraisemblablement un handicap concurrentiel (hausse des coûts de production, perte de parts de marché ou réduction de la marge bénéficiaire). Barde (1992, p.260) parle à ce propos d'un "effet de blocage" de la législation. Dwyer (1993, p. 113) note même que "the conventional regulatory system is unlikely to produce additional improvements in air quality, absent some extraordinary technological breakthrough". Inversement, avec un système de permis, toute nouvelle réduction des émissions est récompensée. Remarquons que les taxes créent elles aussi des incitations financières, mais les réductions d'émissions effectuées ne permettent que d'éviter des dépenses, alors que dans un système de permis, cela peut déboucher sur des entrées monétaires (vente des certificats). 2.4.3. Stimulation du progrès technique La question de l'impact d'une politique publique sur le développement technologique a fait l'objet de nombreuses recherches. En ce qui concerne la politique environnementale, citons entre autres les travaux de Milliman et Prince 1989, Horowitz 1993, Duchin et Lange 1994, Ecchia et Marietti 1994, Jung et al. 1996 et surtout Downing et White 1986 ainsi que Jaffe et Stavins 1991 et 1995. Pratiquement tous les auteurs sont d'avis que la réglementation directe n'a aucun effet d'accélération sur le processus d'innovation dans les technologies de dépollution. Au contraire, l'apparition d'une nouvelle technique d'épuration risque surtout de pousser l'autorité de contrôle à établir de nouvelles normes, impliquant des coûts supplémentaires pour les émetteurs (Tietenberg 1990a, p.28, Dwyer 1993, p.109). L'incitation à l'innovation est donc réduite. Dans certains cas, la réglementation a même un effet pervers : les émetteurs sont plutôt incités à cacher tout développement technique afin de ne pas donner à l'autorité politique un argument en faveur du renforcement des normes (ibid.). Avec un système de permis au contraire, la mise en oeuvre d'un nouveau procédé technique permettant d'abaisser encore les émissions se traduit, pour l'entreprise concernée, par la "libération" de certificats qu'elle pourra placer sur le marché. Cet avantage peut même être double : à la vente des permis peut succéder la commercialisation de la nouvelle technologie d'épuration. L'incitation devrait donc être forte d'améliorer sans cesse les moyens de mieux protéger l'environnement. Cet argument théorique, bien qu'assez couramment admis, doit toutefois être discuté. En pratique, les entreprises choisiront en effet de réduire leurs émissions là où les coûts sont les moindres. Or le coût de dépollution dépend principalement de la technologie à mettre en oeuvre. La source la plus coûteuse à réduire l'est probablement parce qu'elle nécessite la mise en 24 Politique environnementale et efficacité économique oeuvre de la meilleure technologie disponible (BAT). Inversement, la source la moins onéreuse à contrôler ne requiert probablement pas les derniers développements techniques. La flexibilité offerte par les permis permet donc d'éviter de recourir aux technologies les plus récentes ou les plus coûteuses. Tietenberg (1990a, p.28) reconnaît que les progrès techniques réellement induits par le système des permis aux Etats-Unis sont plutôt limités : le seul exemple patent est la substitution de COV par des agents aqueux dans les peintures, les laques et les goudrons. De même, les expériences réalisées en Californie montrent que l'incitation au progrès technique est plutôt faible. D'une part, la majorité des permis disponibles provenaient de fermetures d'entreprises, et non pas de la mise en oeuvre de nouveaux procédés de dépollution (Dwyer 1992, p.54). D'autre part, il paraît douteux que le prix des permis soit suffisamment élevé pour compenser, même de manière très partielle, les coûts de R&D associés à toute innovation technologique {ibid., p.50). L'argument de l'incitation au progrès technique doit donc être considéré avec prudence. La question de savoir si une firme engagée dans un marché de permis a intérêt à commercialiser une découverte technologique plutôt qu'en garder l'usage pour elle n'a, pour l'heure, qu'une réponse "ambiguë" (Horowitz 1993, p.1). A terme, les nouvelles technologies de dépollution poussent le prix des certificats à la baisse, car la quantité de permis offerts sur le marché augmente (Heister et al. 1990b, p.21, Dembinski et Schönenberger 1991, p.175). Dans certains cas, cette évolution pourrait être contraire aux intérêts de l'entreprise ayant découvert la nouvelle technologie. Dans ce cas, "there may be a substantial disadvantage to licensing for the innovative firm" (Horowitz 1993, p.1>- 2.4.4. Simplicité de mise en oeuvre et de compréhension Pour l'autorité de contrôle, un système de permis est relativement simple à mettre en oeuvre, et son fonctionnement est facile à comprendre pour tous les agents concernés. En comparaison, la réglementation devient toujours plus complexe 22 et les entrepreneurs doivent désormais faire face à un nombre croissant de dispositions pour lesquelles des connaissances techniques et des notions de physique et/ou de chimie de plus en plus étendues sont nécessaires. A ce propos, M. Flavio Cotti, alors chef du Département fédéral de l'Intérieur, déclarait : "le Conseil fédéral se demande si une certaine révision de ces dispositions, dans le sens d'une simplification, ne serait pas une exigence de l'heure" (AGEF11992). 22 Voir à ce propos pt. 11.4. Le tableau 11.2. montre qu'en ce qui concerne les émissions de NO1 en Suisse. Ia réglementation actuelle {OPair 92) prévoit une nonne générale survie de 24 exceptions. 25 2. Présentation de l'instrument "certificats" 2.4.5. Flexibilité et liberté de choix Par rapport à la réglementation, les certificats présentent une plus grande souplesse de mise en oeuvre, aussi bien pour les participants au marché que pour l'autorité de contrôle elle-même. Dans le cadre de la réglementation, les entreprises n'ont guère de choix : soit elles mettent leurs sources d'émission en conformité avec ce qui est exigé, soit elles cessent de produire. Avec les permis, les actions à entreprendre sur chaque source sont laissées à la libre appréciation des agents concernés, avec pour seule contrainte de parvenir à Ea réduction totale fixée par l'autorité. En particulier, on laisse aux pollueurs la liberté de choisir les moyens techniques qu'ils entendent mettre en oeuvre. Les entreprises sont en effet "mieux à même que l'autorité de contrôle de choisir les moyens efficaces en vue d'atteindre les objectifs qui leur sont fixés" (Jeanrenaud 1994, p.12). Avec la réglementation directe, non seulement la norme est identique pour tous, mais, en principe, le délai pour y satisfaire l'est aussi. Or les procédés de fabrication et/ou les installations de dépollution des entreprises ne se trouvent pas tous dans une phase identique de leur cycle de vie ou de leur plan d'amortissement. La fixation de délais est bien entendu nécessaire, sans quoi on encourage la temporisation et le laisser-aller, mais la fixation d'un délai unique appliqué uniformément à toutes les sources n'est certainement pas une solution efficace (Tietenberg 1989, p.28). Avec un système de permis, les assainissements, s'ils restent nécessaires, peuvent être retardés pour mieux s'intégrer dans le plan d'investissement (achat de certificats). Ce gain de flexibilité ne profite pas qu'aux seules entreprises : l'autorité de contrôle dispose elle aussi d'une plus grande marge de manoeuvre. Si nécessaire, elle peut agir directement sur les quantités émises, par exemple suite à de nouvelles connaissances scientifiques sur le comportement ou les effets des polluants. Les options sont même relativement nombreuses : l'autorité de contrôle peut racheter le nombre voulu de certificats (sorte d'open market policy sur le marché des permis), modifier le ratio d'échange, voire dévaluer les permis. 2.4.6. Contrôle de la charge totale de pollution La fixation des valeurs limites d'émissions en terme de concentration ou de taux porte en elle-même les germes de son inefficacité. En effet, elle ne fixe pas le volume maximum des émissions. Si de nouvelles sources viennent s'ajouter aux installations existantes, comme cela se produit dans une économie en croissance, les quantités totales rejetées dans l'atmosphère augmentent, et cela même si toutes les nouvelles sources respectent les 26 Politique environnementale et efficacité économique normes. 23 II est alors nécessaire de revoir les normes périodiquement, avec tous les problèmes que cela suppose (procédure de consultation, etc.). Un système de permis négociables ne connaît pas ce problème : la charge maximale de pollution reste constante dans le temps, indépendamment de la situation économique (nombre de certificats mis en circulation). Ainsi, un marché de permis n'est pas souhaitable uniquement au point de vue économique : il peut également comporter des avantages pour l'environnement lui-même (Barde 1992, p.315). 2.5. Certificats vs taxes d'incitation La littérature économique présente traditionnellement les taxes d'incitation et les permis négociables comme les deux instruments incitatifs susceptibles de compléter la politique environnementale. Leurs modes de fonctionnement sont relativement proches et un marché de certificats pourrait être comparé à un système de taxes (achat de permis) et de subventions (vente de permis) (voir à ce propos Stritt 1992, p.308 ainsi que Stavins et Hahn 1993, p.31). Toutefois, la logique sur laquelle se basent les deux instruments est inverse. Avec les taxes, l'autorité fixe le prix de l'utilisation d'une substance polluante ou d'une ressource rare, et le marché en détermine les quantités consommées (rationnement par les prix). Dans le cas des permis, on fixe la quantité maximale admissible pour les émissions ou les atteintes à l'environnement dans une région précisément délimitée, et le marché en détermine le prix (rationnement par les quantités). Cette distinction entre price instruments et quantity instruments remonte à Weitzman en 1974 (Figure 2.3). Oates note à ce propos qu' "un système de permis négociables garantit une réduction quantitative de la pollution, mais à un coût incertain, alors qu'un mécanisme axé sur les prix, telle qu'une taxe environnementale, exerce un impact incertain sur le volume des émissions, mais en revanche fixe le coût marginal pour les pollueurs" (cité par l'OCDE 1993e, p.29). 23 Pour illustrer ce propos, Knoepfel (1992, p.7) cite le cas des catalyseurs pour automobiles. Leur introduction a certes permis de réduire les émissions individuelles de NOx de manière appréciable, mais, "de par l'augmentation du nombre de véhicules sur les routes à grand trafic, les mesures d'immissions effectuées à plusieurs reprises et en différents endroits attestent une très faible amélioration". 27 2. Présentation de l'instrument "certificats" Figure 2.3. Instruments de la politique environnementale, action sur les prix ou sur les quantités Action sur : les prix augmentation réduction taxes subventions les quantités I I i échanges possibles pas d'échanges certificats normes - d'incitation (montants redistribués) l— da financement Source : adapté de Weitzman 1974 et Hahn 1993b. En principe, l'efficacité économique des certificats et des taxes d'incitation est équivalente lorsque les marchés sont en concurrence parfaite et l'information totale et instantanée {Blinder 1987, p.140. Commissariat général du plan 1993, p.70). Toutefois, si les deux instruments parviennent à des résultats identiques en théorie, il n'en va pas de même dans le cadre réel, marqué par l'imperfection et l'asymétrie de l'information et l'existence de coûts de transaction et de comportements stratégiques. Dans ce contexte, comme le note Blinder {1987, p.156) : "political and administrative considerations make a strong case that marketable permits are a better idea than effluent taxes". 24 Les éléments à considérer sont les suivants : a) Efficacité écologique Avec un système de certificats, la probabilité d'atteindre l'objectif environnemental est grande, puisque "le nombre de permis mis sur le marché équivaut exactement à la quantité globale visée" (OCDE 1993d, 24 Cet avis est partagé par plusieurs auteurs. Voir en particulier Siebert 1987, p.130 et Zimmermann 1994, p.36. 28 Politique environnementale et efficacité économique p.15). Avec la taxe, l'objectif n'est atteint que si le taux est fixé de manière appropriée. Dans tout autre cas, l'impact sur l'environnement ne sera pas celui qu'on attendait. La mise en oeuvre de taxes "revient à adopter des règles du jeu communes sans connaître à l'avance le résultat final pour l'environnement" (ibid.). La procédure itérative nécessaire pour atteindre l'objectif entraîne des coûts d'ajustement élevés pour les entreprises et une situation embarrassante pour l'autorité chargée de la mise en oeuvre (Baumol et Oates 1988, p. 178). Par ailleurs, avec un système de permis, la charge maximale de pollution reste constante dans le temps (nombre de certificats mis en circulation) et elle n'est pas influencée par la situation économique. Au contraire, les taxes sont sensibles aux variations de l'économie. En particulier, en cas d'inflation, il importe que l'autorité réadapte le taux de la taxe (Baumol et Oates 1979, p.251). b) Possibilité de modifier l'objectif à atteindre Avec un système de permis, l'autorité est mieux à même de modifier l'objectif fixé si cela devait s'avérer nécessaire (Bünder 1987, p.157). Cette décision pourrait être motivée par l'apparition de nouvelles sources d'émission ou par de nouvelles connaissances scientifiques sur l'effet des polluants. Dans ce cas, l'autorité de contrôle a techniquement le choix entre plusieurs options : dévaluer les certificats 25, modifier le ratio d'échange ou racheter une partie des permis (ce qui revient à pratiquer une sorte d'open market policy sur le marché des certificats). Avec la taxe d'incitation, la seule manière de modifier le but à atteindre est d'imposer un nouveau taux, avec toute l'incertitude déjà évoquée quant au résultat. c) Besoin en informations Pour l'autorité de contrôle, la mise en oeuvre d'un système de permis ne requiert qu'un nombre restreint d'informations préalables (Baumol et Oates 1988, p183). En particulier, il n'est pas nécessaire de connaître les coûts marginaux de dépollution de chaque agent, ni même d'une partie d'entre eux : le marché fournira cette information de lui-même. Par contre, la fixation du taux de la taxe en fonction de l'objectif à atteindre est une opération délicate puisqu'il faut être en mesure de prévoir la réaction des agents concernés (élasticité-prix). Common (1989, p. 1298) note à ce propos qu'en raison de l'importance des informations à obtenir 25 Dwyer (1993, p.110) note que la réduction de la valeur des certificats par rautorité de contrôle est l'option la plus dangereuse, car elle fait naître une certaine insécurité parmi les participants. "Regulators are under continuous political and legal pressure to reduce emissions further. (...) In June 1990, the SCAQMD discounted most banked credits by eighty percents, thereby confirming industry's fear about regulators' confiscatory tendencies". Or, pour que le marché se développe, il est impératif que les participants aient confiance dans le système qui leur est proposé (ibid.). 29 2. Présentation de l'instrument "certificats" avant son introduction, un système de taxes où le taux est basé sur le dommage marginal est tout simplement impossible à mettre en oeuvre. Par ailleurs, la recherche de cette information est une opération onéreuse. Si l'Etat ne dispose d'aucune information, d'informations erronées ou incomplètes quant aux coûts de dépollution, le résultat sera de toute façon différent de ce qui a été anticipé. Avec la taxe, l'objectif environnemental ne sera pas atteint; avec les permis il le sera, mais à un coût ne correspondant pas à ce que l'on attendait (Markandya 1991a, p.55). d) Neutralité fiscale Un système de taxes doit s'intégrer dans un cadre fiscal préexistant, et cela sans créer de distorsions. S'il s'agit de pures taxes d'incitation (sans objectif de financement), il est nécessaire de trouver un moyen de redistribuer les montants encaissés. Si la distribution initiale n'est pas le résultat d'une vente aux enchères, les certificats ne génèrent pas de nouveaux revenus pour l'Etat. On peut donc facilement rendre l'instrument neutre au point de vue fiscal (Zimmermann 1994, pp.35-36). Les avantages comparés des taxes et des certificats ont donné lieu à plusieurs travaux (citons en particulier Böhm et Russell 1985, Baumol et Oates 1988, pp.177 et ss. ainsi que Howe 1994). En Suisse, pour les raisons évoquées plus haut, le VORORT accorde sa préférence aux certificats en précisant que, dans le contexte économique suisse actuel, ils "doivent être systématiquement préférés aux taxes d'incitation" {1993, p.57). 30 POLfTIOUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE 3. Eléments caractéristiques des marchés 3.1. Taille La première caractéristique d'un système de permis négociables est sa limite géographique (KuIa 1994, p.194). Délimiter l'aire du marché est en fait une opération difficile ("a critical decision", Crandall 1983, p.90). Remarquons que la littérature ne fournit pas de règle précise sur la manière de déterminer la taille optimale d'un marché. On tient compte pour cela de critères tels le nombre de participants potentiels ou les compétences politico-administratives. Toutefois, l'aspect déterminant est celui des effets de la pollution considérée. Selon les cas, les certificats peuvent être appliqués à l'échelle d'une région, d'un pays ou d'un ensemble de pays. Plus les polluants ont des effets locaux, plus la taille du marché doit être réduite. Lorsque l'on peut craindre des conséquences aux alentours immédiats des lieux d'émission (produits toxiques ou cancérigènes, substances dangereuses, métaux lourds,...), l'idée même de certificats doit être abandonnée. Dans de tels cas, seule la réglementation directe est applicable (Stavins 1990a, p.11). Inversement, les polluants ayant des effets à l'échelle de la planète (CFC, CO2, ...) pourraient donner lieu à des applications internationales. Des polluants tels les NOx ou le SO2 représentent un cas intermédiaire où la taille du marché peut aller d'une région à un pays. 3.2. Participants 3.2.1. Catégories et nombre de participants La littérature répartît traditionnellement les sources polluantes en trois catégories : les ménages, l'industrie et les transports. Le système des permis a été conçu en priorité pour le contrôle des rejets industriels, mais on peut imaginer des cas où les ménages et/ou le secteur des transports feraient partie intégrante du marché. Par ailleurs, selon les cas, l'accès aux permis peut être ouvert à d'autres agents : l'Etat lui-même, les organisations écologistes, etc. Pour qu'un système de certificats débouche sur la création d'un véritable marché et qu'une certaine liquidité soit assurée, il est nécessaire de compter un nombre suffisant de participants. En fait, plus ce nombre est important et plus la chance d'avoir de grandes différences dans les coûts marginaux de dépollution est élevée. Les possibilités d'échanges croissent donc avec le nombre de participants, tout comme l'économie potentiellement réalisable par rapport à la réglementation directe. Toutefois, le coût de gestion du système 31 3. Eléments caractéristiques des marchés croît lui aussi, et son augmentation pourrait même être telle qu'à partir d'un certain point, elle entraîne une réduction du gain total attendu. Ainsi, lorsque le nombre de participants est trop important, il est plus approprié de recourir à une taxe d'incitation (Zimmermann 1994, p.32). Un marché de certificats est donc plus efficace dans le cas intermédiaire où le nombre d'agents à contrôler n'est ni trop élevé, ni trop restreint (Bureau 1994, p.20). L'OCDE (1991a, p.22) note toutefois qu'un système de permis négociables peut se justifier aussi avec un petit nombre de grandes transactions. Il existe également des cas où une économie substantielle pourrait être réalisée lorsque les certificats sont mis en oeuvre au sein d'un petit groupe d'émetteurs (Tietenberg 1991, p.12), voire même un seul émetteur comptant plusieurs sources. Les expériences passées ont montré que "even allowing a plant to trade among discharge points within that plant could save from 30 to 60 per cents of the costs (...) compared to a situation where no trading whatsoever was permitted" (Tietenberg 1990a, p.26). Un système de permis avec un seul pollueur est bien entendu plus simple à mettre en oeuvre et à contrôler. Le coût administratif est alors faible, d'autant plus qu'il n'y a pas de coût de transaction pour l'entreprise concernée (pas de recherche de partenaires avec qui négocier les certificats). Remarquons pour terminer que le nombre de participants autonomes (c'est-à-dire reliés à des centres de décision indépendants) détermine le type d'échange de permis (voir plus bas titre 3.2.3). 3.2.2. Taille des participants Il est souhaitable qu'il règne sur le marché des permis des conditions aussi proches que possible de celles de la concurrence parfaite. En particulier, il importe qu'aucun des participants ne soit en mesure d'influencer à lui seul le prix des permis. En d'autres termes, acheteurs et vendeurs doivent être price takers plutôt que price makers. Lorsque les participants sont de tailles trop disparates, le fonctionnement du marché peut être compromis. En particulier, l'apparition de comportements stratégiques est à craindre (Hahn et Noli 1982, P-121; voir aussi plus loin, pt. 4.3. lettre h) ). Sur le marché des permis, la taille d'un participant est déterminée par le nombre de certificats qu'il détient, un peu comme la taille d'un actionnaire dépend du nombre de ses actions. L'influence d'un participant sur le marché est donc fonction du volume de ses émissions. Si la structure de l'ensemble des émissions n'est pas très homogène, par exemple si une source est nettement plus importante que les autres, ou s'il y a plusieurs sources très petites, certaines frictions risquent également d'apparaître. Certains auteurs (notamment Dwyer 1993, p.114) ont proposé de ne considérer que les entreprises dont le volume des émissions annuelles est supérieur à un certain seuil, par exemple 5 ou 10 tonnes. Notons que si cette limite est fixée trop haut, le nombre de participants potentiels risque d'être 32 Politique environnementale et efficacité économique faible, ce qui réduit la liquidité du marché et, partant, les chances de succès de l'expérience. Inversement, si la limite est fixée trop bas, ou s'il n'y a pas de seuil à l'entrée, on augmente les coûts de gestion et on risque de se heurter au manque d'informations relatives aux petites sources. Il s'agit donc de comparer l'avantage retiré de la participation d'un grand nombre d'entreprises (liquidité du marché) et le désavantage causé par l'augmentation des coûts de gestion. Les données chiffrées manquent toutefois pour effectuer ce calcul. Par ailleurs, et surtout, il n'existe apparemment pas de relation entre les quantités de polluants émises et les coûts marginaux de réduction des émissions. En effet, ces derniers dépendent principalement de l'effort de dépollution déjà réalisé (Krupnick et Portney 1993, p.429), de l'activité considérée (Mayeres et al. 1993, p. 124) ainsi que du degré d'obsolescence des installations (Noli 1983, p. 194). Il découle de cette constatation que tous les agents, quelle que soit leur taille, devraient pouvoir accéder au marché des permis. 3.2.3. Types d'échanges de permis Sur un marché donné, la nature des échanges de permis n'est déterminée que par une seule variable : le nombre de participants. Plus précisément, il s'agit de considérer le nombre de participants autonomes, c'est-à-dire ne dépendant pas d'un même centre de décision. Trois cas de figure sont dès lors à envisager pour les échanges de permis; un quatrième cas, où aucun échange n'est possible, doit aussi être considéré (Figure 3.1) : - Le système englobe plusieurs pollueurs appartenant à des centres de décisions distincts. C'est le cas idéal où un véritable marché peut se développer, avec négociation entre plusieurs agents indépendants cherchant tous à minimiser leurs coûts de production. On dit alors des échanges de permis qu'ils sont explicites. La littérature anglo-saxonne désigne les situations de ce type par le terme "trading" ou "external trading". - Le système englobe plusieurs pollueurs appartenant à un même centre décisionnel. Dans ce cas, il n'y a pas de véritable marché où des agents s'affrontent, mais le centre de décision organise les échanges de permis entre les divers agents, de manière à maximiser l'utilité de l'ensemble. On dit des échanges de permis qu'ils sont implicites entre les pollueurs et on parle d'internai trading. - Le système n'englobe qu'un seul pollueur. Si celui-ci est responsable de plusieurs sources d'émissions, il est libre de déterminer l'importance des mesures qu'il entend prendre sur chacune d'elles, dans les limites autorisées par le nombre de permis qu'il détient. On considère alors que l'échange est implicite entre les sources. Comme le suggérait l'OCDE, ces dernières sont alors contrôlées "en terme de valeur 33 3. Eléments caractéristiques des marchés moyenne" (voir pt. 2.1); la littérature anglo-saxonne désigne précisé- ment ce cas par le terme a" "averaging'. - La situation où les dommages environnementaux que l'on entend réduire sont causés par un seul pollueur ne comptant qu'une seule source ne se prête pas au contrôle à l'aide d'un système de certificats. En effet, aucun échange n'est possible dans ce cas, et le contrôle de la source unique ne peut se faire que par la réglementation directe. Rappelons que le gain d'efficacité potentiellement réalisable est proportionnel au nombre de participants. Si celui-ci est élevé, la probabilité d'une importante dispersion des coûts marginaux de réduction des émissions l'est également. Avec un seul pollueur, la réduction des émissions ne se fait pas forcément là où les coûts sont les moindres : les différences entre les coûts marginaux de dépollution ne peuvent pas être pleinement exploitées. Par contre, avec un seul pollueur, le système est beaucoup plus simple à mettre en oeuvre et à contrôler. En particulier, pour l'entreprise considérée, il n'est pas nécessaire de rechercher des partenaires avec qui négocier les permis. La bulle sur un seul pollueur comptant plusieurs sources est probablement la forme de marché de certificats présentant la meilleure acceptabilité politique, et donc les meilleures chances de mise en pratique. Figure 3.1. Types d'échanges de permis en fonction du nombre de participants__________ ___________I Plusieurs Centres décisionnels distincts Creation d'un véritable marché Echanges expH cites des permis {external trading) Nombre de participants pollueurs Centre décisionnel unique Plusieurs sources d'émissions Pas Oe véritable marché Echanges Implicites entre les po lueurs (Internai trading) Echanges Implicites entre les sources (averaging) Une seule source d'émissions Réglementation directe 34 Politique environnementale et efficacité économique 3.3. Distribution initiale 3.3.1. Remarques introductives Rappelons tout d'abord que la distribution initiale des certificats doit obligatoirement être précédée par la fixation de l'objectif environnemental à atteindre (par exemple la qualité de l'air dans la région où le système des permis est â mettre en oeuvre). A partir de là, le volume maximum des émissions autorisées annuellement peut être déterminé, en tonnes par année.1 Cette limite est matérialisée par le nombre de certificats que l'autorité de contrôle introduira sur le marché. Deux cas sont alors possibles : soit le nombre de certificats représente l'objectif à atteindre, soit il lui est supérieur, mais la valeur des permis est alors réduite au cours du temps (OCDE 1994a, p.383). La distribution initiale consiste â répartir le quota de permis entre les entreprises participant au marché. Au terme de cette opération, chacune d'elles disposera d'un nombre donné de certificats, en fonction de la procédure retenue. Il importe de distinguer les concepts de "distribution" et de "répartition". Ce second terme concerne la façon dont les permis sont répartis à la suite des échanges survenus entre les agents, après un certain temps de fonctionnement du marché. Le terme "répartition optimale" désigne le cas où les permis ont été échangés de manière telle que le coût total des réductions d'émissions à effectuer est minimisé pour l'ensemble des agents. Si les conditions de fonctionnement du marché restent les mêmes (pas de nouveau participant, pas de modification des émissions, etc.), aucun échange supplémentaire de permis n'aura lieu. Remarquons encore que si la distribution initiale est très proche de la répartition optimale, les incitations à l'échange sont minimes et le système risque de se figer dès le départ. Si le marché fonctionne bien, la manière dont les permis sont initialement distribués aux entreprises n'a pas d'influence sur l'économie de coûts réalisable par rapport à la réglementation directe (Gruenspecht et Lave 1989, p.1521). Il s'agit là d'un corollaire du théorème de Coase. ? Tietenberg (1991, p.9) note que, quel que soit le mode de distribution retenu, "[it] will ultimately result in a cost-effective allocation of the control responsibility among the various polluters as long as they are all price-takers, transaction costs are low, and the permits are freely transferable". Cela reste vrai même si la distribution initiale a lieu de façon aléatoire (ibid.). Dans ces conditions, l'autorité de contrôle pourrait donc, durant la distribution initiale, poursuivre des buts ' Cette opération nécessite en principe Ie recours à un modèle de dispersion des polluants atmosphériques dans la région considérée. En l'absence d'un tel modèle, on admet une relation linéaire entre les quantités émises et la concentration ambiante qui en résultera. 2 Voir à ce propos Goodstein 1995, pp.52-54 et p.275. 35 3. Elémei^ts caractéristiques des marchés distributifs sans que cela réduise l'efficacité du système (ibid.). Sartzetakis (1994, p.146) souligne que cela n'est vrai que si le marché des permis est "en situation de concurrence parfaite", ce qui n'est que rarement le cas. Les conséquences distributives de la distribution initiale n'ont toutefois guère été explorées empiriquement, simplement parce que le nombre d'applications pratiques est encore trop réduit (Joskow et Schmalensee 1996, p.3). Si le mode de distribution initiale n'influe en rien sur le gain réalisable, il conditionne bien entendu la façon dont ce dernier se répartit entre les participants au marché. La manière d'allouer les permis est donc particulièrement importante en ce qui concerne \'acceptabilité du système par les entreprises. La répartition optimale des permis, et donc la minimisation des coûts de dépollution, ne peuvent être réalisées que si les entreprises acceptent le système proposé, y compris le montant de permis qu'elles touchent initialement, et qu'elles entrent effectivement sur le marché, Il importe donc que le mode de distribution retenu soit simple, transparent et équitable. Il s'agit par ailleurs de ne léser aucune entreprise individuellement, ni aucun groupe d'entreprises (les petites par rapport aux grandes, les capital intensive par rapport aux labor intensive,3 celles qui ont déjà procédé à des assainissements dans le cadre de la réglementation directe par rapport à celles qui ne l'ont pas fait, etc.). Notons pour terminer qu'il existe de nombreuses manières d'allouer les certificats aux divers participants. Comme le souligne l'OCDE (1993d, p.34), "aucun consensus ne se dégage pour l'instant sur la formule d'allocation la plus acceptable. (...) La théorie économique ne peut fournir aucune solution clef en main". La littérature présente traditionnellement deux types de distribution initiale : la vente aux enchères {auction) et la distribution gratuite basée sur une clé de répartition quelconque. 3.3.2. Procédures possibles a) Vente aux enchères Tous les participants au marché sont appelés à acquérir les permis dont ils ont besoin lors d'une vente aux enchères. Cette manière de faire compte plusieurs adeptes, notamment Noll ("the most attractive method for the initial allocation is an auction mechanism", 1983, p.215) et Heister, Michaelis et Mohr qui présentent un tableau de ses avantages par rapport à la distribution gratuite (Heister et al. 1992, p.36). L'EPA trouve également quelque intérêt à cette méthode et, dans le cadre du marché national mis en place pour lutter contre les pluies acides (NAPAP), elle organise chaque année depuis 1993 une vente aux enchères des droits d'émission de SO2 (Joskow et Schmalensee 1996, p.12). Le principal intérêt de la vente aux enchères est probablement le fait 3 Voir à ce propos Liroff 1980, p.30. 36 Politique environnementale et efficacité économique qu'elle permet de connaître le prix des permis beaucoup plus rapidement qu'en recourant à une distribution gratuite. Dans ce cas, il faut en effet attendre qu'un certain nombre d'échanges aient eu lieu avant qu'une estimation du prix de marché des permis ne soit possible (Heister et al. 1992, p.36). La vente aux enchères présente toutefois un certain nombre de difficultés. Premièrement, participer à la procédure d'enchères est une opération complexe pour les entreprises. Elles doivent en effet disposer d'informations précises sur leurs volumes d'émissions, leurs coûts de dépollution et l'évolution de ceux-ci pour tous les niveaux de réduction envisagés. Tout au long de l'enchère, chaque agent doit donc confronter son coût marginal au prix des permis, qui évolue aussi en permanence sous les demandes cumulées des autres agents. Le coût administratif de cette opération est probablement élevé : "the financial outlays associated with acquiring emissions reduction credits in an auction market (...) would be sufficiently large that sources would typically have lower financial burdens with the traditional command-and-control approach" (Tietenberg 1990a, p.23). Deuxièmement, la vente aux enchères pourrait favoriser les comportements stratégiques. Cason (1995, p.905) démontre que la procédure mise en place par l'EPA pour les droits de SO2 est peu efficace et surtout qu'elle encourage les agents à cacher leurs véritables coûts de dépollution. Cette méthode risque aussi "d'entraîner des résultats sous-optimaux si les capacités de financement des parties prenantes à l'enchère sont très inégales" (OCDE 1993d, p.16). A ce propos, Holcombe et Meiners (1980, p.345) notent que les participants "have an incentive to purchase large amounts of pollution rights in order to gain some degree of monopoly power over the market". Dans tous les cas, les petites et moyennes entreprises pourraient craindre une position de force des grandes entreprises lors de l'enchère, et donc s'opposer à ce mode de distribution. D'autre part, avec la vente aux enchères, les entreprises devraient acheter tous les certificats dont elles ont besoin, alors que si la distribution est gratuite, elles n'ont à acquérir que les permis qui leur manquent au terme de la procédure. Les entreprises seraient certainement réticentes à acheter ce qu'elles pourraient recevoir gratuitement, si bien que, pour elles, l'acceptabilité de ce mode de distribution est probablement assez faible. La quatrième difficulté rencontrée avec la vente aux enchères est celle de l'affectation des sommes collectées. C'est un problème similaire à celui posé par les recettes des taxes d'incitations. Si l'on veut que la distribution initiale des permis ne crée pas de nouvelles ressources pour l'Etat, il convient de redistribuer les sommes encaissées. Se pose alors la question de la clé à utiliser. Pour certains, le zero-revenue auction serait toutefois le mode de distribution le plus efficace et le plus équitable (voir en particulier Van Dyke 1991,p.2709). 37 3. Eléments caractéristiques des marchés Enfin, et il s'agit là peut-être du reproche le plus important, la vente aux enchères réduit les chances de développement du marché. En effet, plus le nombre d'entreprises qui peuvent acquérir dès le départ la quantité de permis qu'elles souhaitent est élevé, plus l'incitation à l'échange est réduite. "Yet if we are to encourage market activity, we cannot initially allocate all rights to those who most desire them, for if we do, no transaction will occur" (Roberts 1982, p.103). Ces nombreux problèmes font de la vente aux enchères une procédure qui ne peut que difficilement être retenue comme mode de distribution des permis : "a pure auction of all rights seems politically infeasible" {ibid.). 4 b) Distribution gratuite Distribution basée sur les émissions passées (grandfathering) s La distribution gratuite des permis nécessite la définition d'une clé de répartition. Une solution fréquemment présentée dans la littérature est de recourir aux émissions passées. Le problème consiste alors à déterminer la période de référence à utiliser. Une possibilité est de considérer les émissions de l'année précédant la mise en oeuvre du marché. Toutefois, cette façon de procéder pénalise les entreprises qui ont entrepris des programmes d'assainissement et avantage celles qui n'ont procédé à aucune réduction de leurs émissions dans le cadre de la réglementation directe. On pourrait dès lors considérer les émissions d'une année précédente quelconque. Toutefois, on ne résout que partiellement le problème cité précédemment, et il faut trouver une autre solution pour les nouvelles sources.6 II serait aussi possible de considérer les émissions moyennes des trois, cinq ou dix dernières années. Cela permettrait notamment de prendre en compte les variations annuelles du niveau des émissions, qui peuvent être importantes selon les entreprises considérées. Cette manière de faire ne résout cependant ni le problème des assainissements déjà réalisés, ni celui des nouveaux entrants. Dans tous les cas, la méthode grandfathering pourrait constituer une importante barrière à l'entrée pour les nouvelles entreprises, puisque ces dernières devraient acheter tous les permis dont elles auraient besoin, alors que les entreprises existantes les auraient reçus gratuitement. Tietenberg (1990a, p.25) note qu'il s'agit là d'un effet pervers de ce mode de distribution : "this new source bias could retard the introduction of new facilities and 4 Dans les expériences réalisées aux Etats-Unis, la vente aux enchères n"a d'ailleurs jamais été utilisée comme mode principal de distribution, mais uniquement pour compléter une autre méthode (voir plus bas "combinaison de méthodes"). 5 La distribution gratuite basée sur les émissions passées est appelée "grandfathering" car elle favorise les entreprises existantes par rapport aux nouveaux entrants (Tietenberg 1991, p.10). e Le grandfathering accorde en fait une rente aux entreprises existantes. Pour que l'autorité de contrôle puisse accaparer cette rente et corriger ainsi la situation en faveur des nouveaux entrants, Grafton et Devlin (1995) proposent l'introduction de taxes sur le profit, l'output ou l'input des entreprises, ou sur la valeur des permis échangés, selon les cas. 38 Politique environnementale et efficacité économique new technologies by reducing the cost advantage of building new facilities which embody the latest innovations". Distribution basée sur les normes en vigueur Avec ce mode de distribution, on attribue aux entreprises un montant de permis correspondant aux volumes qu'elles émettraient si elles respectaient les normes d'émissions. Prenons l'exemple d'une entreprise A; supposons que la réglementation autorise une concentration à l'émission de 250 mg/m3 au maximum. Admettons aussi que le processus de fabrication de cette entreprise implique le rejet horaire de 12'500 m3 d'air vicié, par une ou plusieurs cheminées, que l'entreprise fonctionne 8 heures par jour et 320 jours par an. Dans ce cas, l'entreprise A se verrait attribuer huit certificats, autorisant chacun l'émission annuelle d'une tonne (250 mg/m3 * 12'500m3/h * 8h/j * 320j/an). Rappelons que la mise en oeuvre d'un système de permis implique la suppression des normes exprimées en concentrations. Avec le mode de distribution exposé ci-dessus, ces normes ne disparaissent toutefois pas complètement puisqu'elles servent à l'allocation initiale des permis. Les normes étant généralement acceptées (en Suisse, elles ont passé au travers de la procédure de consultation), on peut penser que leur utilisation comme clé pour une distribution initiale gratuite présente une bonne acceptabilité. Par ailleurs, les entreprises qui, au terme de cette opération, disposent de plus de permis qu'elles n'en ont l'usage sont celles qui, aujourd'hui déjà, sont en conformité avec la législation environnementale. 7 Ce type de distribution présente donc l'avantage de "récompenser" les entreprises qui ont entrepris des programmes d'assainissement dans le cadre de la réglementation. Pour terminer, baser la distribution sur les normes évite toute discrimination à l'égard des nouveaux entrants : au moment de la mise en route de leurs installations, ceux-ci obtiendraient des permis de la même manière et aux mêmes conditions que les entreprises existantes. Cette manière d'attribuer les permis n'est toutefois pas exempte de difficultés elle non plus. Tout d'abord, elle repose sur l'hypothèse que les normes ont été fixées de manière efficiente, ce qui n'est pas démontré. Ensuite, elle accorde une sorte de "droit de remplissage" qui n'est pas conforme à l'esprit du législateur. De ce fait, un système de permis dont la distribution initiale est basée sur les normes en vigueur implique un volume d'émissions supérieur à celui de la réglementation (Figure 3.2). Tietenberg (1995, p.102) parle à ce propos de la disparition de la marge de sécurité (margin of safety) contenue dans la réglementation. Ce problème peut toutefois être résolu facilement : il suffit de réduire le 7 Cette remarque n'est toutefois vérifiée que lorsque les flux sont constants. 39 3. Eléments caractéristiques des marchés nombre total de permis que l'autorité de contrôle met sur le marché (ibid.). Dans ce cas; le volume total des réductions d'émissions à effectuer est toutefois plus important que ce qu'exige la réglementation (voir Markandya 1995, p. 17 et Tietenberg 1995, pp.98-103). Pour terminer, relevons que baser la distribution initiale sur les normes d'émissions n'est correct que dans la mesure où les flux sont constants8 et ce n'est possible que si l'on dispose de relevés des débits horaires (m3/h). Autres possibilités En dehors des trois possibilités présentées plus haut, on peut imaginer de nombreux autres modes d'allocation des certificats, en particulier d'autres clés pour la distribution gratuite. L'OCDE (1993d, p.19) propose ainsi que le niveau d'émissions passé soit "réajusté de manière à récompenser les efforts accomplis pour réduire la pollution avant la mise en place du marché", par exemple en attribuant les droits de manière inversement proportionnelle aux émissions historiques. Ainsi, ceux "qui, dans le passé, ont le plus contribué à la pollution seraient tenus de supporter l'essentiel de l'effort de diminution des émissions et se verraient donc allouer le moins de permis" (ibid., p.33). D'autres proposent une distribution égalitaire, où chaque agent recevrait un nombre identique de permis, ou une distribution en fonction du nombre de personnes employées par les entreprises concernées, voire en fonction de leur chiffre d'affaires. Certains ont pensé à calculer une émission "moyenne" ou "normale" pour une activité donnée. D'autres encore proposent une distribution basée sur la capacité financière des agents, comme dans le cas des impôts ("ability to pay", voir Pasek et Beckerman 1994, p.32). Certains ont pensé aussi à attribuer les permis par rapport à la meilleure technologie disponible (BAT). Dans ce cas, on donnerait aux entreprises le nombre de certificats correspondant à ce qu'elles émettraient si elles avaient recours à la meilleure technologie d'épuration des effluents (Hahn et Hester 1989b, p.391). Cette solution n'est toutefois pas praticable: comment les entreprises pourraient-elles disposer de permis excédentaires à offrir sur le marché puisque cela supposerait qu'elles réduisent leurs émissions en dessous de ce que permet la BAT? Enfin, certains ont proposé de laisser aux participants eux-mêmes le soin de déterminer de quelle manière ils souhaitaient voir répartis les permis (David et al. 1980, p.264). En général, les marchés de certificats ont pour objet de réduire les émissions provenant des procédés de production, si bien que les variations saisonnières dues aux chauffages n'invalident pas ce mode de distribution. 40 Politique environnementale et efficacité économique Figure 3.2. Effet de "remplissage" dû à une distribution initiale basée sur les normes "remplissage" Aß B Entr. Soit deux entreprises A et B, et EA et EB les volumes de leurs émissions annuelles, en tonnes. Soit NA et NB les niveaux d'émissions maximums autorisés (droits initiaux), en tonnes par année, calculés par multiplication des m3 émis et des concentrations prescrites par la réglementation en vigueur. L'entreprise B émet àB de plus qu'autorisé, l'entreprise A ûA de moins. Dans le cas de la réglementation directe, l'entreprise B devra réduire ses émissions de ^(assainissement), alors que l'entreprise A, conforme aux normes, ne prend aucune mesure particulière. Avec un système de certificats, l'entreprise A dispose de permis excédentaires pour la valeur de aA. Elle peut les vendre à B, ce qui permet a cette dernière de ne réduire ses émissions que de manière limitée {aB - aA). Une partie de la réduction exigée dans le cas de la réglementation a ainsi été achetée à l'entreprise A. Cet effet de "remplissage" a pour conséquence un volume d'émissions supérieur par rapport à la réglementation directe. L'autorité de contrôle peut corriger ce phénomène en adaptant le nombre total de permis qu'elle introduit sur le marché. 41 3. Eléments caractéristiques des marchés Combinaison de méthodes Comme aucun des modes de distribution évoqués ci-dessus n'est exempt de difficultés, certains ont proposé de trouver une combinaison qui réunirait les avantages des diverses méthodes. Ainsi par exemple, pour le marché national de permis visant à réduire les émissions de SO2, l'EPA a distribué gratuitement la majorité des "allowances"9 selon une procédure de grandfathering (moyenne des émissions des années 1985 à 1987). Simultanément, une petite partie des permis (2,8% du total) a été vendue aux enchères (revenue-neutraf) pour répondre aux craintes des petites entreprises qui redoutaient que les grandes ne thésaurisent leurs permis et cherchent à assécher le marché. Enfin, l'EPA a créé, en plus, une réserve de 50'000 permis destinés aux nouvelles sources. Ces permis peuvent être acquis actuellement pour un prix de V500$ l'unité 10, mais ils ne pourront servir qu'à partir de l'an 2000 {Van Dyke 1991, p.2714; Joskow et Schmalensee 1996, p.12). Il existe encore d'autres réserves (bonus reserves) destinées à encourager la mise en oeuvre de technologies particulières sur certaines sources (Van Dyke 1991, p.2713). Ces réserves auraient aussi pour objet d'accroître l'acceptabilité du système ("to secure necessary political support", ibid.). ZA. Mise en contact des agents Pour que le marché fonctionne bien, les offreurs et les demandeurs de permis doivent pouvoir entrer rapidement en contact les uns avec les autres, notamment afin de réduire les coûts de la recherche d'un partenaire avec qui négocier. A cet effet, plusieurs options sont possibles; les contacts peuvent être établis : - dans le cadre d'une bourse existante, - par la création d'un fichier, électronique ou non, centralisant les offres et les demandes de permis exprimées par les participants, - par le recours à des courtiers (brokers) jouant les intermédiaires entre les participants, - par les recherches et les démarches des participants eux-mêmes, sans intermédiaire. 9 Le terme "allowances" a été introduit dans ramendement du CAA de 1990 afin d'éviter toute confusion avec le mot "permits" qui a, dans la législation environnementale américaine, une signification particulière (Joskow et Schmalensee 1996, p.1). Les operating permits sont des autorisations que l'EPA attribue aux nouvelles installations si celles-ci remplissent les conditions NSPS(EPA 1991b, pp.3B-41), i0 Le prix est exprimé en dollars de 1992; pour les années suivantes, il est adapté à l'inflation. Les premiers échanges s'étant réalisés a une valeur de 150$ par permis, aucun achat n'a encore été fait dans la réserve (Joskow et Schmalensee. p.12). 42 Politique environnemeotale et efficacre économique La solution la plus avantageuse, au point de vue des coûts, dépend du nombre d'agents prenant part au marché ainsi que des structures existantes (importance du service de protection de l'environnement, développement du secteur boursier, etc.). 3.5. Autorité de contrôle L'autorité de contrôle est l'agent responsable de la mise en oeuvre et du fonctionnement du marché. Il peut s'agir d'une administration existante ou d'un organisme créé spécialement à cet effet. Dans la littérature, l'autorité de contrôle se voit traditionnellement attribuer tout ou partie des tâches suivantes (adapté de Hahn et Noli 1982, p. 120) : a) traduire l'objectif environnemental fixé par l'autorité politique en volume maximal d'émissions autorisées dans la région considérée; b) décider du nombre de certificats à introduire sur le marché; 11 c) procéder à la distribution initiale des certificats; d) définir les règles de fonctionnement du marché et les conditions d'échange; e) mettre en contact les vendeurs et les acheteurs potentiels de certificats; f) étudier les propositions d'échanges soumises par les participants et autoriser ou interdire les transactions (procédure dite de I' "approbation préalable"); g) effectuer les contrôles nécessaires, notamment pour s'assurer que les entreprises prenant part au marché n'émettent pas plus que ce qui leur est autorisé par le nombre de permis qu'elles détiennent; h) repérer les fraudeurs et, le cas échéant, appliquer les sanctions prévues;12 j) assurer une information continue des participants, de l'autorité politique et de la population. Remarquons que la fixation du but à atteindre, des limites géographiques du marché et des sanctions pour les fraudeurs ne sont pas du ressort de l'autorité de contrôle, mais de l'autorité politique. Les règles de fonctionnement du marché (conditions d'échange, etc.) sont, bien entendu, soumises à l'approbation de l'autorité politique. 11 Le nombre de certificats introduits initialement sur le marché dépend aussi de la politique retenue quant à leur durée de validité. Deux options sont possibles : soit on introduit un nombre de certificats correspondant a l'objectif environnemental â atteindre, en tonnes par année, soit le nombre de certificats est supérieur à cet objectif. Dans ce dernier cas, la valeur des certificats est réduite périodiquement d'un certain pourcentage, jusqu'à ce que l'objectif soit atteint (voir à ce propos pt. 3.8). ,2 Au sujet des sanctions, voir Keeler 1991. 43 3. Eléments caractéristiques des marchés L'une ou l'autre des tâches mentionnées ci-dessus peut être déléguée (par exemple la mise en contact des participants, voir pt. 3.4), d'autres peuvent être supprimées (par exemple l'approbation préalable, voir pt. 3.6). L'importance des missions confiées à l'autorité de contrôle détermine ses besoins en personnel et en matériel, et donc une partie du coût administratif du marché envisagé. 3.6. Approbation préalable des échanges Il s'agit là d'un problème relativement complexe. En théorie, toute entrave au libre-échange des permis réduit le gain total que l'on peut attendre du système. Toutefois, d'un point de vue écologique, toutes les réductions d'émissions n'ont pas la même valeur. L'impact d'une émission - et donc les conséquences de sa réduction - dépend en particulier de la hauteur de la cheminée, de la vitesse d'émission, de la température des effluents, de la température de l'air ambiant, du degré d'humidité, de la direction et de la force des vents, ainsi que de leur stabilité, de la période durant laquelle a lieu l'émission (jour - nuit, été - hiver, temps ensoleillé ou non), de la topographie aux alentours de la source d'émission, etc. (voir Hanna et al. 1982). En conséquence, l'autorité peut vouloir garder un certain contrôle sur les réductions d'émissions, et donc sur les échanges de permis. Heister et al. (1990b, pp.7-8) jugent cette précaution indispensable. La décision quant à l'approbation préalable est en fait un arbitrage {trade-off) entre l'efficacité écologique et l'efficacité économique de l'instrument. L'approbation préalable permet en effet d'éviter l'apparition de hot sporse puisque l'autorité peut limiter, voire interdire, l'achat de certificats par un participant localisé en un endroit où la qualité de l'air n'est pas satisfaisante (l'immission mesurée excède la VLI). '-* Par hypothèse, ce contrôle accroît l'efficacité écologique et donc, probablement, l'acceptabilité. Par contre, il limite les possibilités d'échange et surtout augmente les coûts administratifs (Stavins 1995, p.19). Ce qui fait dire à Nichols (1995) que : "Prior approval is a killer". 3.7. Ratio d'échange Le terme "ratio d'échange" désigne le rapport entre la quantité de permis échangés et le volume des émissions que cette opération rend légitimes pour l'acquéreur des permis. Ce rapport peut être de 1 : 1 si chaque permis acquis On désigne par "hot spar un endroit où la concentration en un ou plusieurs polluants de l'air est sensiblement et durablement supérieure â ce qu'autorise la réglementation en vigueur. Pour assouplir cette regte, Heister (1990b, p.18) propose le prélèvement d'une taxe sur la transaction lorsque l'acheteur se trouve dans une zone où la qualité de fair ne satisfait pas â la VLI. Notons qu'il s'agit là d'une combinaison d'instruments qui n'est pas forcément judicieuse, d'autant plus que le système des permis contient en lui-même un mécanisme permettant de résoudre le problème posé par les hot spofs : la modification du ratio d'échange (voir pi. 3.7). 44 politique environnementale et efficacité économique donne droit à l'émission d'une tonne, Mais si l'autorité de contrôle entend renforcer l'efficacité écologique du marché des permis, elle peut réduire le rapport dans une proportion à déterminer, pour toutes les transactions ou pour certaines d'entre elles seulement. Dans ce cas, les permis mis en vente correspondent chacun à une réduction des émissions d'une tonne, mais ils n'autorisent, pour l'acheteur, que l'émission additionnelle d'une fraction de tonne. Modifier le rapport d'échange permet de mieux tenir compte des différences de qualité de l'air si celle-ci n'est pas homogène dans la région considérée. Cela peut arriver même avec des uniformly mixed pollutants, 1$ par exemple s'il y a une concentration de sources d'émission, ou si le régime des vents est tel qu'il aboutit à l'apparition de hot spots (voir pt. 4.2. lettre c) et pt. 4.3. lettre d) ). La réduction du ratio d'échange peut être réalisée de diverses manières. Une première distinction concerne le type de marché considéré, selon que les certificats sont fondés sur les émissions ou sur la qualité de l'environnement. Dans ce deuxième cas (ambient air quality permit market), Ia valeur des permis peut être modifiée en fonction de l'emplacement des sources qui les détiennent. La détermination de cette valeur peut être effectuée sur la base d'estimations des dommages environnementaux causés par les émissions de chaque source (Noli 1983, p.211). Baumol et Oates (1988, pp.182-183) notent que, pour ce type de marché, le ratio d'échange n'est généralement pas de 1:1. Il diffère même d'un cas à l'autre puisqu'il dépend de la qualité de l'environnement aux alentours de l'acheteur ou en un certain nombre d'emplacements de référence répartis dans l'ensemble de la région. Cette dernière solution est d'ailleurs celle proposée initialement par Montgomery (1972) qui, pour chaque échange envisagé, suggérait de déterminer le ratio à partir de l'emplacement des deux sources et d'un vecteur Q* dont les m composantes représentent les concentrations ambiantes du polluant considéré mesurées en m endroits de la région.Tfi Si les certificats sont fondés sur les émissions (emissions permit market), Ie ratio d'échange peut être identique pour toutes les transactions. Il est généralement de 1 : 1, ce qui rend le système nettement plus simple à mettre en oeuvre (Baurnol et Oates 1988, pp.182-183). Toutefois, le ratio peut aussi être réduit: par exemple 1 :0,8 pour tous les échanges (cas du marché bâlois). Mais il peut aussi dépendre des caractéristiques propres de la transaction, en particulier de la distance séparant l'acheteur du vendeur. Cette solution a été proposée par le SCAQMD de Los Angeles qui a établi une formule pour déterminer un ratio particulier lorsque les échanges impliquent 15 L'expression "uniformly mixed pollutants" désigne les substances polluantes qui, une fois émises, se répartissent de manière homogène dans le milieu récepteur, de telle sorte que la localisation de l'émission ne joue pratiquement aucun rûle. Le CO2 est probablement le meilleur exemple d'un tel polluant. Les NO, et le SO2 sont considérés uniformly mixed au niveau d'une région {Stavins et Hahn 1993, p. 15). 16 Vecteur des concentrations ambiantes, voirpt 5.3.1. 45 3. Eléments caractéristiques des marchés des entreprises distantes de plus de huit kilomètres (voir Crandall 1983, p.93). Enfin, même dans un marché où les permis sont basés sur les émissions, le ratio d'échange peut être modifié en fonction de l'immission mesurée à proximité de l'acheteur. Soulignons qu'en légitimant chaque émission par une réduction plus importante, la modification du ratio d'échange rétablit la marge de sécurité que la distribution basée sur les normes avait fait disparaître (voir figure 3.2). Un marché de permis avec un ratio d'échange réduit présente ainsi plus de garanties écologiques et, à ce titre, il devrait bénéficier d'une meilleure acceptabilité auprès des associations de protection de l'environnement. Par contre, l'avantage économique que l'on peut tirer de l'instrument est plus limité. Plusieurs auteurs ont d'ailleurs émis des réserves quant à l'intérêt d'une réduction du rapport d'échange. Ainsi Dwyer (1992, p.21) note-t-il que "the rule effectively creates numerous small markets, rather than a single district-wide market"; Hahn (1993b, p. 119) estime que "such rules are likely to put a damper on trading (...). While such approaches have been used in the past, it is generally more desirable to develop a system that does not discriminate against parties that wish to trade". Enfin, Roberts (1983, p.1032) souligne que "to set an exchange rate adequate to prevent hot spots, a complicated model of prevailing winds and topography would be necessary. (...) the cost of administering such a market would be high." Par ailleurs, l'intérêt que représente le marché pour les participants individuels est également moindre si chaque tonne réduite ne donne droit qu'à une fraction de permis. Remarquons pour terminer que le choix du ratio d'échange consiste en un trade-off entre l'efficacité économique et l'efficacité écologique du système de permis. A ce titre, il s'agit d'un choix politique, et non pas économique. 3.8. Conservation des certificats a) Durée de validité Il existe plusieurs options en ce qui concerne la durée de vie des permis. Celle-ci peut être limitée (par exemple une année, au terme de laquelle aurait lieu une nouvelle distribution initiale) ou au contraire illimitée dans le temps ("perpetual", Noll 1982, p.121). La durée de vie peut aussi ne pas être précisée : "emission permits could be valid until a formal regulatory procedure declared them invalid or changed the amount of emissions allowed by a single permit" (ibid.). Ou, comme le suggérait Dales (1968), on peut imaginer un système plus complexe comportant des permis de courte et de longue durées. Une courte période de validité a pour effet d'accroître la liquidité du marché, car cela réduit l'intérêt de la thésaurisation et pousse les agents à mettre leurs permis sur le marché. Par contre, cela rend le système plus compliqué et les coûts administratifs plus élevés. 46 Politique environnementale et efficacité économique b) Maintient de la valeur Au moment de la distribution initiale, chaque certificat correspond au droit d'émettre une tonne du polluant considéré. Cette valeur peut être maintenue dans le temps, mais elle peut aussi être réduite. Deux cas sont alors possibles: - dévaluation unique : si, après un certain temps de fonctionnement du marché, la qualité de l'air reste insuffisante, l'autorité de contrôle peut réduire la valeur des certificats pour obliger les participants à de nouvelles réductions de leurs émissions. Par exemple, un certificat n'équivaudrait plus qu'au droit d'émettre 750 kilos du polluant concerné. Cette pratique correspond à celle de la dévaluation de la monnaie. 17 - réduction progressive de la valeur des permis : cette pratique est utilisée lorsque le nombre de permis introduits sur le marché au moment de la distribution initiale autorise un volume d'émissions supérieur à l'objectif à atteindre, en tonnes par année. Dans ce cas, on retranche chaque année un certain pourcentage de la valeur des permis, en fonction de la date future à laquelle l'objectif doit être atteint. Ce procédé accroît lui aussi la liquidité du marché, mais il entraîne également une augmentation du coût administratif et de la complexité du système proposé. c) Conservation des permis Par "conservation des permis" ou banking, on entend le fait de mettre des permis en réserve pour un usage ultérieur (Hahn et Hester 1989a, p.372). Autoriser cette pratique a probablement pour effet de réduire la liquidité du marché, puisque les agents peuvent être tentés de thésauriser leurs permis plutôt que de chercher à les vendre. Toutefois, le banking peut être une condition nécessaire dans un marché où le nombre de participants est restreint. Dans ce cas là, il est en effet possible qu'il n'existe pas d'opportunités d'échanges à un moment donné. Il importe alors que les agents puissent conserver leurs permis sans que ceux-ci ne perdent de leur valeur. Les permis seraient alors "zeitlich unbegrenzt" (Heister et al. 1990b, p.8), tout comme la monnaie (voir note 17 ci-dessous). Cette solution présente par ailleurs l'avantage de réduire le coût administratif par rapport au cas où de nouveaux permis doivent être attribués chaque année. La décision quant à la possible capitalisation des certificats dépend du polluant ou de l'atteinte à réduire ainsi que du nombre d'agents en présence. Au moment de la mise en place du marché, il importe que l'autorité de contrôle expose clairement les règles régissant la durée de validité des permis, les conditions de conservation et les événements qui pourraient mener à une réduction de leur valeur. Si cette information venait à manquer, l'incertitude liée Notons que certains autejrs comparent précisément les permis â la monnaie (voir notamment Pasek et Beckerman 1994, p,30). 47 3. Eléments caractéristiques des marchés au fonctionnement du marché ralentirait ou réduirait probablement son développement 48 Politique environnementale et efficacité économique 4. Conditions de mise en oeuvre d'un système de certificats 4.1. Remarque liminaire En principe, un système de permis négociables peut être mis en oeuvre dans tous les cas où il est possible d'exprimer une atteinte environnementale en termes de quantité, de fixer une limite à cette quantité et de répartir ce quota parmi un ensemble d'agents. Cependant, il existe des situations préalables plus ou moins favorables à l'introduction de certificats. En vue d'identifier les domaines de protection de l'environnement où la mise en oeuvre d'un tel système est possible, il s'agit tout d'abord de recenser les critères de sélection possibles. De nombreux auteurs ont donné une liste des éléments à prendre en considération (Baumöl et Oates 1979, p.232, Liroff 1980, p.26, Siebert 1987, p.121, Tripp et Dudek 1989, p.374, Stavins 1990a, p.5, Hahn et Noli 1990, p.353, OCDE 1991a, p.121, Heister et al. 1992, Godard 1992, p.105, Barde 1992, p.314 et 1994, p.217, Stavins et Hahn 1993, p.3, Turner, Pearce et Bateman 1994, p.159). A ce propos, Dwyer (1992, p.41) note que "ce sont les problèmes de mise en oeuvre et d'application, et non ceux relevant de la théorie économique, qui constituent les obstacles les plus sérieux". Avant de définir les caractéristiques que pourrait prendre un marché de permis, il importe donc de considérer attentivement les conditions préexistantes (éléments propices et problèmes possibles) dans le domaine d'application considéré. 4.2. Conditions préalables favorables a) Pollueurs aisément identifiables Il importe tout d'abord que l'autorité de contrôle soit en mesure d'identifier de manière fiable, précise et individuelle tous les agents responsables de la pollution que l'on entend contrôler. Il s'agit également de pouvoir mesurer ou calculer la contribution de chaque agent au total de la pollution émise ou des dommages causés. Si cela n'est pas possible, l'attribution de droits de propriété sur une ressource environnementale perd de son sens (impossibilité de procéder à la distribution initiale) et l'idée même de mettre en oeuvre un marché de permis doit être abandonnée (Blinder 1987, p.159). 49 4. Conditions de mise en Oeuvre b) Pollution quantifiable La pollution à contrôler et/ou les effets de cette pollution doivent pouvoir être mesurés, et cela "à l'aide d'une unité clairement définie" (OCDE 1993d, p.25). Il est nécessaire aussi que le but à atteindre puisse être exprimé de manière précise et quantitative et qu'il puisse être mesuré et contrôlé (Stavins 1996). Si ce n'est pas le cas, l'autorité de contrôle ne sera pas en mesure de déterminer le nombre de permis à introduire sur le marché : il est alors impossible de mettre en oeuvre le système proposé. c) Compensation des effets de la pollution considérée Il convient de s'assurer que l'efficacité écologique d'un système de certificats est au moins égale à celle de l'instrument qu'il remplace, de sorte que l'objectif environnemental fixé puisse être atteint au même degré. Il s'agit donc de vérifier que les mesures accrues prises par un agent compensent effectivement l'effort moindre fourni par un autre. Dans certains cas, il importe également de tenir compte du temps nécessaire pour que la compensation des atteintes soit pleinement réalisée. Il s'agit aussi d'évaluer le risque de causer des atteintes locales (hot spots) ou d'infliger des dommages supplémentaires à certaines catégories de la population. Plus les effets des polluants à contrôler sont quantitatifs ou globaux ("uniformly mixed pollutants", Tietenberg 1990a, p.20), plus la compensation des atteintes causées est bonne. "Pollution activities which do not have location-specific effects but effects on the overall environmental quality are especially appropriate for regulation by a permit market" (Peeters 1991, p.163). Dans ce cas, en effet, le marché peut recouvrir une vaste aire géographique. Inversement, plus les effets sont locaux et qualitatifs, moins la compensation est bonne, et plus la taille du marché doit être réduite. Dans certains cas, le caractère très local des atteintes exclut la compensation et l'idée même de mettre en oeuvre un système de permis. 1 Certaines formes de pollution, telles celles causées par les métaux lourds, tes poisons, les substances cancérigènes, etc., ne se prêtent donc pas au contrôle par un système de permis. Dans de tels cas, seule la réglementation directe entre en ligne de compte (Stavins 1990a, p.11). En d'autres termes, on peut dire que les permis s'appliquent mieux dans les cas où l'impact environnemental ne dépend pas de la localisation des sources d'émissions (OCDE 1991a, p.121). L'efficacité écologique dépend de la manière dont la compensation des effets peut se réaliser. d) Nombre de participants potentiels Le nombre d'agents susceptibles de prendre part au marché doit être considéré attentivement (voir pt. 3.2). Si le nombre de participants est trop La vitesse des véhicules sur les routes est une illustration simple d'un cas où il n'y a pas de compensation des atteintes : dans une localité, celui qui roule à 20 km/h ne compense pas le risque représenté par celui qui roule à 80 km/h. 50 POLTTiQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITE ÉCONOMIQUE faible, les échanges de permis seront le résultat de négociations, sans qu'un véritable marché ne s'instaure. Inversement, si les participants sont trop nombreux et/ou de faible taille, le coût de gestion du marché risque de réduire sensiblement le bénéfice attendu, et donc la première raison d'être du système. La situation la plus favorable à l'introduction de certificats est donc le cas intermédiaire où le nombre de sources à contrôler n'est ni trop important ni trop faible (Bureau 1994, p.20). Le recours aux permis peut également être envisagé lorsqu'on souhaite contrôler les différentes sources d'un seul pollueur, mais il s'agit alors d'un cas particulier dont l'intérêt est plus limité (échange implicite de certificats). La taille des participants potentiels doit également être prise en considération. La situation est d'autant plus favorable que les tailles des participants ne diffèrent pas trop les unes des autres. En particulier, il est souhaitable qu'aucun agent ne soit en mesure d'exercer à lui seul une influence considérable sur le fonctionnement du marché ou le prix des permis. La situation la plus favorable est donc celle où les agents sont suffisamment nombreux pour qu'un véritable marché puisse se développer, sans qu'aucun d'eux ne soit en mesure, de par sa taille, de l'influencer d'une manière ou d'une autre (atomicité des acteurs). e) Dispersion des coûts marginaux Si l'on impose une réglementation uniforme, les coûts marginaux des mesures de protection de l'environnement peuvent varier fortement selon les agents considérés. Plus la différence entre ces coûts est importante, plus le gain potentiellement réalisable est élevé, et donc plus l'incitation à l'échange et à la création d'un marché actif est forte (Barde 1992, p.314). Inversement, si les coûts marginaux des divers agents sont proches, l'intérêt d'introduire un système de certificats est limité. Il suffit pour s'en convaincre de reconsidérer la figure 3.1 en imaginant les courbes Cm(A) et Cm(B) très proches l'une de l'autre. f) Degré de réalisation de l'objectif environnemental Le gain réalisable avec les certificats dépend aussi de l'ampleur des mesures de protection ou de prévention qui doivent encore être prises. Plus les réductions qu'il reste à effectuer sont importantes, plus l'économie de coûts réalisable grâce aux permis est substantielle, en particulier si les réductions peuvent être obtenues à l'aide de plusieurs technologies différentes (Barde 1992, p.314). Inversement, si l'objectif environnemental fixé est atteint ou en passe de l'être, l'effort qu'il reste à faire est limité, et l'intérêt d'introduire des certificats est alors moins évident. Notons cependant que, même si toutes les sources respectent les normes qui leur sont imposées, il se peut que l'état de l'environnement se détériore de nouveau du simple fait de la croissance économique. Ainsi, lorsque l'on s'attend à l'apparition de nombreuses 51 4. Conditions de mise en oeuvre nouvelles sources d'émissions, maintenir stable dans le temps un état donné de l'environnement peut être réalisé plus facilement avec des permis que par la réglementation. 2 4.3. Difficultés particulières a) Remarque liminaire Bien que les avantages procurés par un marché de permis soient connus depuis longtemps, la mise en oeuvre d'un tel système se heurte à des problèmes pratiques ignorés ou sous-estimés par la théorie. Peu de marchés de permis sont actuellement en fonction, ce qui semble confirmer la présence de quelques problèmes de réalisation. Dwyer (1992, p.2) note à ce propos que : "policy makers must evaluate proposed regulatory schemes under real- world conditions of scientific uncertainty, large information costs, limited administrative resources, and non-economic behavior". En d'autres termes, les conditions rencontrées en réalité peuvent différer sensiblement des hypothèses admises dans les modèles théoriques. En conséquence, avant d'introduire des certificats, il est nécessaire d'analyser attentivement les problèmes évoqués ci-dessous et de déterminer dans quelle mesure ils pourraient entraver le développement du marché. b) Coût administratif Le coût administratif représente la somme du coût de gestion du système, supporté par l'autorité de contrôle, et des coûts de transaction, supportés par les acheteurs et les vendeurs de permis (Stavins 1995a, p.10). Le coût administratif réduit le gain potentiellement réalisable et doit donc rester aussi faible que possible. 3 Son ampleur est fonction, entre autres, du nombre de participants au marché (voir pt. 4.2. lettre d) ). De par l'importance du coût de gestion, un système de certificats n'est guère adapté lorsque la pollution considérée est causée par un nombre très élevé d'agents de faible importance (par exemple les propriétaires de voitures privées 4 ). A ce propos, voir aussi pt. 2.4.6. Les expériences pratiques tentées aux Etats-Unis dans le domaine de fair ont montré que les coûts de recherche et de négociation avec un partenaire et ceux nécessaires à l'approbation de la transaction par l'autorité pouvaient représenter jusqu'à 30% du prix d'achat des permis (Dwyer 1992, p.49). Par ailleurs. Baumol et Oates (1988, p.179) citent le cas d'un système de permis étudié pour réduire les émissions de certains halocarbones. Si le marché permet effectivement de diminuer de moitié le coût des réductions d'émissions, il implique un coût administratif tel que sa mise en oeuvre serait, en définitive, près de six fois plus coûteuse que la réglementation directe. Dans ce cas, il vaut mieux agir sur les constructeurs de véhicules. Voir à ce propos pt. 8.3.1. 52 Politique environnementale et efficacité économique c) Distribution initiale Définir la clé de distribution initiale des permis peut être une opération compliquée. Il existe plusieurs procédures possibles, mais aucune n'est exempte d'inconvénients (voir pt. 3.3). Plus la façon de procéder à la distribution initiale est simple, transparente et scientifiquement fondée, plus elle est acceptable pour les agents concernés et plus la situation est favorable pour l'introduction de permis. d) Pollution locale Un système de certificats a pour conséquence de déplacer les réductions d'émissions -c'est-à-dire les émissions elles-mêmes- dans l'espace et/ou dans le temps. Ce faisant, on court le risque de voir apparaître des pollutions locales (hot spots) que la réglementation aurait peut-être permis d'éviter. Ce problème peut arriver lorsque les entreprises qui achètent les permis sont géographiquement proches les unes des autres. 5 II est évident qu'il faut renoncer à mettre en oeuvre un marché de permis si le risque de créer un hot spot est trop élevé et/ou s'il est à craindre que les moyens d'y remédier ne seraient pas efficaces. Il existe en fait plusieurs solutions au problème des hot spots; Ia plupart consistent à imposer des limites au libre-échange des permis. De ce fait, le problème régional ne peut être résolu qu'au prix de la perte d'une partie du gain généré par le système des permis. Remarquons que les solutions présentées ci-dessous peuvent être appliquées indistinctement aux marchés de permis basés sur les émissions ou sur la qualité de l'environnement (emission permit market et ambient permit market, voir pt. 2.2). Modification du ratio d'échange Rappelons que le terme "ratio d'échange" désigne le rapport entre la quantité de permis échangés et le volume des émissions que cette opération rend légitimes pour l'acquéreur des permis (voir pt. 3.7). Si la qualité de l'environnement n'est pas satisfaisante aux alentours de l'acheteur des permis et si l'autorité de contrôle est en mesure d'évaluer l'impact causé individuellement par chaque source de pollution, elle peut imposer un ratio inférieur à 1 :1. Cela signifie que l'acheteur ne pourra émettre qu'une partie de la réduction qui est à la base des permis disponibles pour la transaction. Le ratio d'échange peut être fixe (par exemple 1 : 0,8 dans tous les cas, comme à Bàie), mais il peut aussi dépendre de la distance séparant l'acheteur du vendeur ou de la qualité de l'air aux alentours immédiats de l'acheteur (Liroff 1980, p.33). Cette solution consiste en fait à établir ou maintenir une norme de qualité de l'air (VLI) pour le polluant considéré. On se trouverait alors dans un cas 5 Remarquons que le problème se pose de la même manière avec les taxes d'incitation. 53 4. Conditions de mise en oeuvre hybride combinant incitations économiques et réglementation directe. Par ailleurs, l'autorité de contrôle devrait disposer d'un logiciel fiable de dispersion des polluants afin de prédire les conséquences d'un échange de permis sur la qualité de l'air aux alentours de l'acheteur. Soulignons que plus la manière d'établir le ratio d'échange est compliquée, plus le coût administratif est important (Roberts 1983, p. 1032). Interdiction d'échange Si la modification du ratio d'échange ne suffit pas à prévenir l'apparition d'un hot spot, l'autorité de contrôle peut simplement interdire la transaction envisagée (Roberts 1983, p.1031). Cela n'est toutefois possible que dans les marchés imposant une approbation préalable des échanges (voir pt. 3.6). Réduction de la taille géographique du marché Une autre possibilité d'empêcher l'apparition de hot spot est de réduire la taille géographique du marché (Atkinson et Tietenberg 1982, p. 104). Lorsque la zone dans laquelle s'effectuent les échanges de permis est petite, on peut considérer que la localisation des sources d'émissions ne joue pas de rôle (hypothèse de l'homogénéité de la qualité de l'air). La manière la moins contestable d'introduire des permis est de placer une bulle sur une entreprise possédant plusieurs sources et d'autoriser \*averaging de celles-ci (Markandya 1995, p. 17). Dans ce cas, par définition, il ne peut pas se produire de hot spot, mais le gain que permet de réaliser le système de permis est également réduit. Maintien d'une limite d'émission à respecter par toutes les sources Un autre moyen d'éviter le problème des hot spots est d'introduire une contrainte supplémentaire dans le système des permis : une valeur limite d'émission relativement basse que devraient respecter toutes les sources, Cette norme serait moins contraignante qu'une norme d'émission traditionnelle : en fixant un minimum d'épuration à effectuer sur chaque source, elle a pour seul but de réduire l'ampleur entre les rejets contrôlés et les rejets non contrôlés. Ce faisant, on restreint en fait le "Spielraum" dans lequel les échanges de permis sont possibles. Cela a pour conséquence de diminuer le bénéfice potentiel d'un marché de permis 6 : il s'agit là du prix à payer pour éviter l'apparition d'une pollution locale. Il s'agit également d'un cas hybride de combinaison entre réglementation et instrument économique.7 Pour une démonstration graphique de la manière dont l'introduction d'une norme minimale réduit le gain potentiel, voir annexe 3. Certe situation est précisément celle rencontrée à Bâle, où le marché des permis fonctionne entre la norme cantonale bâloise et la norme fédérale de l'OPair, qui doit être respectée dans tous les cas. Les résultats' décevants obtenus jusqu'à présent pourraient indiquer que l'introduction d'une norme minimale n'est pas la manière la plus appropriée de lutter contre les hot spots. 54 politique environnementale et efficacité économique Mesures techniques Dans les zones susceptibles de connaître des pollutions locales, des mesures techniques simples suffisent parfois à réduire ce risque. Dans le cas de la pollution de l'air par exemple, l'augmentation de la hauteur des cheminées permet d'assurer une meilleure dispersion des polluants, et donc une moindre concentration ambiante {Noll 1983, p.219). 8 e) Problèmes juridiques Les arguments économiques ne suffisent pas à rendre la mise en oeuvre d'un marché de permis légitime : encore faut-il que le système proposé dispose de la base légale nécessaire. Il s'agit donc de déterminer dans quelle mesure l'introduction de permis est compatible avec l'ordre juridique eri place. Selon les cas, un système de permis peut être introduit sans devoir remanier profondément les textes juridiques en vigueur; dans d'autres, des révisions importantes seraient nécessaires. Peeters {1991, p.156) note que le principal problème qui se pose au législateur est de trouver un équilibre entre, d'un côté, la protection de l'environnement et des droits des citoyens et, de l'autre, la nécessaire liberté à accorder aux participants au marché. Plusieurs questions doivent être réglées avant que le marché ne puisse être mis en oeuvre. Par exemple, il est nécessaire de définir le droit des tiers, c'est-à-dire des agents ne prenant pas part au marché (sources d'émissions non englobées dans le système, groupes écologistes, particuliers, Etat,...). Qu'en est-il du droit à l'information ? Les transactions doivent-elles être soumises à l'enquête publique ? Comment sont définis le droit d'opposition et le droit de recours ? La question de la responsabilité civile doit également être réglée (qui est responsable en cas d'apparition de hot spots ?). Finalement, les modalités d'application et d'exécution ainsi que les dispositions applicables en cas de fraude doivent être précisées. Ces divers problèmes juridiques peuvent retarder, voire empêcher, la mise sur pied du marché. Peeters (ibid., p.163) note à ce propos que "the question arises as to whether it is possible to design a permit market that pleases both economists and lawyers. For the moment, this question is left unanswered". 0 Conformité avec les accords internationaux Au niveau international, il existe actuellement plus de 150 textes et conventions dans le domaine de l'environnement (Barde 1994, p.226). Par ailleurs, les pays sont aussi liés par des accords économiques, en particulier le GATT/OMC. Il importe dès lors de s'assurer qu'il n'y a pas incompatibilité entre l'un ou l'autre de ces textes et la mise en oeuvre d'un système de permis. Les conventions environnementales concernent surtout les buts à atteindre, sans En ce qui concerne la réglementation suisse, la hauteur minimale des cheminées est précisée dans l'OPair, annexe 6. 55 A. Conditions de mise en oeuvre stipuler les instruments à mettre en oeuvre ni en bannir aucun. Par contre, les règles régissant les échanges internationaux doivent être analysées de manière plus approfondie. En principe, "les règles du GATT ne restreignent en rien le droit d'un pays de protéger son environnement contre toute atteinte attribuable à la production ou à la consommation nationale de produits fabriqués dans le pays ou importés." (GATT 1992, p.25). Par exemple, les règles du GATT "do not prevent governments from banning the domestic sales of a product and enforcing the ban at their borders, as long as the ban does not discriminate on grounds of origin" (The Economist 1992a). L'article XX de l'Accord général autorise les mesures "se rapportant à la conservation des ressources naturelles épuisables", pour autant qu'elles ne soient pas appliquées "de façon à constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiée" et qu'elles soient mises en place "conjointement avec des restrictions à la production ou à la consommation nationales". D'autre part, "les produits du territoire de toute partie contractante importés sur le territoire de toute autre partie contractante ne seront pas soumis à un traitement moins favorable que le traitement accordé aux produits similaires d'origine nationale en ce qui concerne toutes lois, tous règlements ou toutes prescriptions affectant la vente, la mise en vente, l'achat, le transport, la distribution et l'utilisation de ces produits sur le marché intérieur" (article III.4). Les règles du GATT ne s'opposent donc pas à l'introduction d'un système de certificats, mais il convient de prendre certaines précautions lorsque le marché envisagé regroupe des producteurs nationaux et des importateurs. Il s'agit notamment de vérifier que le système des certificats ne procure pas d'avantages aux producteurs nationaux et de s'assurer de la comparabilité des produits. Notons que la division des affaires juridiques du GATT n'a jamais été saisie d'un différent relatif à l'usage de certificats, de sorte qu'il n'existe pas actuellement de jurisprudence à ce propos (Rössler 1993). g) Distorsion des conditions de concurrence Toutes les mesures de protection de l'environnement sont susceptibles de provoquer des distorsions de concurrence entre les producteurs nationaux et étrangers. En définissant les caractéristiques d'un marché de permis, il importe donc de veiller à ce que les effets sur la capacité concurrentielle des entreprises nationales soient aussi faibles que possibles (acceptabilité). Toutefois, puisqu'un système de permis permet de réduire le coût de la politique environnementale, les conditions de concurrence sont moins affectées qu'avec la réglementation directe. Il importe également d'évaluer les conséquences sur la concurrence à l'intérieur du pays. En effet, la mise en oeuvre de certificats pourrait favoriser les ententes cartellaires, réduisant ainsi le degré de concurrence des marchés concernés. Ce risque est plus élevé lorsque les certificats sont fondés sur les produits et/ou lorsque le nombre de participants est faible. Il s'agit alors de 56 POLITKÏUE ENVIRONNEMEOTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE prévoir des mesures particulières permettant d'éviter ce genre d'effets secondaires. D'autre part, selon la manière dont le marché est défini, il existe un certain risque de modifier les positions relatives des entreprises. Les effets possibles peuvent être verticaux, c'est-à-dire que les conditions de concurrence des grandes et des petites entreprises sont affectées différemment. En particulier, l'accès aux permis pourrait être plus difficile pour les petits émetteurs. Mais les distorsions concurrentielles peuvent aussi être horizontales, donc toucher des entreprises de même taille (voir à ce propos Heister et al. 1990b, p.18 et p.20). Cela pourrait résulter, notamment, de la suppression des allégements et des délais souvent octroyés par la réglementation. h) Comportements stratégiques On ne peut pas exclure que certains agents adoptent des comportements non souhaités - stratégiques ou spéculatifs - sur le marché des permis négociables (Dembinski et Schönenberger 1991, p.178). Holcombes et Meiners ont été les premiers à identifier cette possibilité en 1980 : "the control of pollution rights could constitute a major barrier to entry" (cité par Oates 1981, p.471). Depuis lors, le problème des comportements stratégiques a fait l'objet d'une littérature abondante (citons en particulier les contributions de Uroff 1980, Ryan 1981, Oates 1981, Salop et Scheffamn 1983 et 1987, Tietenberg 1985, Krattenmaker et Salop 1987, Misiolek et Elder 1989, Morch von der Fehr 1993 et Sartzetakis 1994). Les comportements stratégiques conduisent à un assèchement du marché, c'est-à-dire à une situation sous-optimale où le nombre de permis disponibles pour les transactions est insuffisant. Ce risque est d'autant plus grand que le nombre de participants au marché est faible (Crandall 1983, p.94). Ces perturbations du marché peuvent être induites par la poursuite de l'un ou l'autre des buts suivants : Renforcer l'objectif environnemental fixé par l'autorité Le nombre de permis présents sur le marché représente l'objectif environnemental fixé par l'autorité. On peut imaginer qu'une organisation écologiste souhaite renforcer encore la protection de l'environnement, en limitant davantage les émissions autorisées. Elle pourrait dès lors acquérir des permis dans le seul but de les retirer du marché, c'est-à-dire de les rendre indisponibles à tout acquéreur éventuel. Nuire à un concurrent Le refus de vendre des permis à une autre entreprise pourrait permettre d'empêcher l'extension de ses activités ou son implantation dans une région donnée (barrière à l'entrée), voire d'éliminer un concurrent : "firms could conceivably use permit markets to drive competitors out of business" (Tietenberg 1990a, p.26). Bien que cela n'ait pas pu être clairement établi, il semble que de tels comportements soient apparus sur 57 4. Conditions de mise en oeuvre le marché néo-zélandais des permis pour la pêche (Markandya 1995, p.16). Des concurrents étrangers pourraient aussi chercher à acquérir des permis dans l'intention de provoquer une augmentation des coûts de production de l'industrie nationale (Dembinski et Schönenberger 1991, p.178). Tietenberg (ibid.) note que toutes ces situations devraient être relativement rares, et, si elles devaient se produire, elles pourraient être traitées au cas par cas par l'autorité de contrôle. Favoriser un partenaire Il s'agit du cas inverse de celui décrit précédemment. Deux participants au marché ayant des intérêts communs (par exemple des entreprises liées par des contrats de sous-traitance) pourraient procéder à des transactions "privilégiées", c'est-à-dire des échanges conclus en dessous du prix de marché des permis. En conséquence, les autres agents risqueraient de se trouver en face d'un marché asséché, où le nombre de permis disponibles serait insuffisant. De telles pratiques ne sont pas répréhensibles, car le prix de vente ne saurait être imposé. Toutefois, elles mèneraient à une répartition sous-optimale de l'effort de dépollution, puisque la répartition des permis ne serait plus basée sur les coûts marginaux de réduction des émissions. Spéculer sur le prix des permis et/ou accaparer le marché On peut craindre aussi l'action de spéculateurs qui se serviraient du marché des permis pour tenter de réaliser des profits. Cela pourrait être le fait de particuliers, mais aussi d'entreprises qui considéreraient les certificats comme des actifs financiers dont il importerait de maximiser la valeur (Boni et Burtraw 1992, p.131). Dans ce contexte, I" "accaparement du marché" (cornering the market) est l'obtention par un agent d'un pouvoir de monopole temporaire sur un marché donné, avec pour conséquence la réalisation de bénéfices spéculatifs élevés. L' "accapareur" (corner) assèche le marché en acquérant une part importante des certificats, indépendamment de ses émissions ou des nuisances environnementales qu'il cause. Cette action a pour effet de restreindre l'offre et de pousser les prix à la hausse. L'accapareur se libère alors des certificats dont il n'a pas usage à un prix notoirement plus élevé que le prix d'achat (voir à ce propos Newman et al. 1992, pp.461- 462). Il est difficile de prévoir a priori tous les comportements stratégiques possibles. Pour éviter qu'ils ne nuisent au développement du marché, l'approbation préalable des échanges par l'autorité de contrôle pourrait être une condition nécessaire. Comme Tietenberg (1985), Markandya (1995, p.16) est d'avis que ce type de problème peut être réglé au cas par cas ("may be addressed on a case by case basis"). Remarquons aussi que certains auteurs (en particulier Oates 1981, p.475) estiment que ce problème ne doit pas être exagéré et qu'il 58 Politique environnementale et efficacité économique n'y a pas de raison de croire que les certificats sont plus susceptibles de manipulations que les autres inputs. Dans tous les cas, les possibilités que certains agents adoptent des comportements non souhaités doivent être considérées attentivement lors de la conception du marché. i) Thésaurisation des permis On parle de "thésaurisation des permis" lorsqu'un participant aurait avantage à vendre un permis, mais qu'il préfère le conserver pour des motifs d'assurance. Comme le note Van Dyke (1991, p.2716) : "Hoarding will occur if participants fear the market will fail to provide them with allowances in the future". Le risque de thésaurisation n'est pas négligeable, car : "les crédits d'émission constituent (...) des actifs essentiels pour l'expansion de l'entreprise. (...) une entreprise ne vendrait pas plus ses crédits d'émission que ses terrains" (Dwyer 1992, p.50). Si la pratique de la thésaurisation venaient à se généraliser, le développement du marche serait compromis. Il importe donc de convaincre les participants qu'un nombre suffisant de permis sera toujours disponible. j) Contrôles à effectuer Certains auteurs estiment qu'un marché de permis ne présente toutes les garanties de sécurité que si des contrôles rigoureux sont effectués régulièrement. Dans le cas contraire, le système serait plutôt une incitation à la fraude (Nichols et Soto 1992). En réalité, le seul problème consiste à vérifier que l'entreprise qui entend vendre un permis a effectivement le droit de le faire. Il s'agit d'éviter ce que Liroff (1980, p.28) appelle des paper-offsets, c'est- à-dire, par exemple, des certificats correspondant à des réductions d'émissions qui n'existent pas, ou qui n'existent que sur le papier. Le problème des contrôles à effectuer se pose en termes différents selon la manière dont sont définis les certificats. Lorsque ceux-ci portent sur les produits, il s'agit de contrôler les caractéristiques desdits produits. Il s'agit aussi de s'assurer que celles-ci restent stables dans le temps et qu'il n'y ait pas de différences majeures entre les caractéristiques des produits à la sortie d'usine et lors de l'utilisation (ce qui pourrait être le cas, par exemple, pour les véhicules à moteur). Plusieurs auteurs estiment que, lorsque les permis sont basés sur les émissions, il est nécessaire de pouvoir mesurer celles-ci en continu (Common 1989, p. 1304, Van lerland 1993, p.78). Le Titre IV du Clean Air Act Amendment de 1990 en a même fait une obligation. L'EPA subventionne d'ailleurs les entreprises pour qu'elles utilisent les appareils de mesure les plus fiables (Joskow et Schmalensee 1996, p.12). Notons toutefois que cette contrainte implique des coûts susceptibles de réduire le gain attendu de la mise en oeuvre des permis. A propos des contrôles informatiques mis en place 59 4. Conditions de mise en oeuvre dans le cadre de RECLAIM 9, Nichols et Soto (1992) notent que : "this space- age technology does not come cheap. (...) RECLAIM may be even more costly than the system now in use". Les avis divergent sur l'importance du coût de la mesure en continu des émissions. Heister note qu'actuellement, les appareils nécessaires sont encore relativement chers, ce qui rend problématique leur utilisation ailleurs que sur les gros émetteurs. Dans certains cas, il n'existerait même pas de technologie de mesure pour les petites sources (Heister et al. 199Ob1 p.12). Cet état de fait pourrait retarder la mise en oeuvre d'un système de permis : "hieraus folgt, dass das Zertifikatsystem erst dann implimentiert werden kann, wenn eine Technologie zur Verfügung steht, die es ermöglicht, die Emissionen bei allen in das System einbezogenen Quellen zu vertretbaren Kosten kontinuierlich zu messen" (ibid.). D'autres auteurs estiment au contraire que la technologie de mesure des émissions est disponible à faible prix, et que la mesure en continu n'accroîtrait que faiblement le coût des contrôles que l'autorité doit de toute manière effectuer dans le cadre de la réglementation directe (Seskin et al. 1983, pp.122-123). La nécessité de la mesure en continu reste une question ouverte. En ce qui concerne d'autres contrôles possibles, la plupart des auteurs estiment que leur importance doit être aussi réduite que possible. Rappelons que le but d'un marché de certificats est d'introduire "plus de marché" dans les politiques environnementales: on irait à !'encontre de ce principe si l'on renforçait trop les contrôles. Staehelin-Witt et Spillmann (1992, p.55) estiment que vouloir donner plus de flexibilité aux entreprises et simultanément chercher à contrôler les transactions qu'elles opèrent est une contradiction en soi, qui risque de mener le marché à l'échec. "Es liegt in der Eigenschaft marktwirtschaftlicher Umweltschutzmassnahmen, dass diese, wie der Name schon sagt, über den Markt wirken und so der direkten Kontrolle durch die Behörde entzogen werden müssen" (ibid., p.56). Lors de la conception du marché, il importe dans tous les cas de comparer soigneusement les coûts et les avantages procurés par chaque procédure de contrôle. k) Existence d'un instrument mieux adapté au cas considéré Il serait souhaitable de renoncer à la mise en oeuvre d'un système de certificats s'il appert que, pour le polluant ou le domaine considéré, il existe un autre instrument (économique ou non) permettant d'atteindre l'objectif fixé à meilleur compte. Remarquons toutefois qu'il peut être difficile de comparer les mérites relatifs des divers instruments. Le critère des coûts n'est pas le seul à prendre en compte : il faut considérer aussi l'acceptabilité, les aspects juridiques, les conséquences régionales possibles, etc. Par ailleurs, on ne Voir à ce sujet SCAOMD 1992a, p.5-1 et ss. Les procédures de contrôle mises en place portent aussi bien sur les émissions (mesure en continu des émissions de NOx) que sur les caractéristiques des produits (marquage par un système de codes-barres indiquant la teneur en ROG). 60 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE dispose pas actuellement d'études comparatives sur l'efficacité d'un système de taxes et d'un marché de certificats appliqués dans les mêmes conditions dans un domaine commun. 4.4. Acceptabilité Un marché de permis négociables, aussi séduisant soit-il sur le papier et même si toutes les conditions techniques sont remplies, ne pourra être mis en oeuvre avec succès que s'il est accepté politiquement, juridiquement et socialement. Par "acceptabilité" d'un instrument de politique publique, on entend le degré avec lequel sa mise en oeuvre est souhaitée et soutenue par les divers agents ou groupes d'agents concernés. Dans le cas de la politique environnementale, ceux-ci peuvent être regroupés en cinq catégories : (i) la classe politique, (ii) l'administration, (iii) les entreprises, (w) les organisations écologistes et (v) la population dans son ensemble. L'acceptabilité dépend de l'importance des conditions favorables à la mise en oeuvre et de l'ampleur des problèmes possibles, tout comme des caractéristiques du marché proposé, notamment en ce qui concerne : - Ia simplicité, devant permettre une bonne compréhension du fonctionnement du système par chacun; - Ia stabilité, afin de permettre aux entreprises une planification à longue échéance de leur politique environnementale; - Ia transparence, afin de réduire l'incertitude et les craintes que pourraient nourrir les participants au marché; - l'équité et l'égalité de traitement, cette dernière étant d'ailleurs une obligation constitutionnelle dans de nombreux pays; - Ia faible importance des coûts administratifs, afin de maintenir le gain potentiel et donc l'attrait du système. L'un des principaux motifs de rejet des certificats est constitué par des considérations d'ordre éthique. Tout d'abord, les ressources environnementales faisant partie d'un patrimoine commun, on ne saurait les considérer comme des biens marchands, de sorte qu'aucun droit d'utilisation ne peut être accordé, encore moins vendu (Barde 1994, p.225). Par ailleurs, certaines personnes peuvent trouver immoral un système qui "permet" de polluer pour autant que l'on paie (OCDE 1994a, p.386). Le Sénateur Muskie, dont l'influence a été prépondérante dans l'adoption du Clean Air Act et du Clean Water Act, répétait d'ailleurs que "we cannot give anyone the option of polluting for a fée" (cité par Blinder 1987, p. 136). Il est toutefois évident qu'il n'y a à ce propos aucune différence entre les certificats, les taxes et les normes 61 4. CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE d'émissions de ta réglementation directe.10 Enfin, l'idée qu'un pollueur puisse en indemniser un autre en vue de se soustraire à une obligation légale peut également être perçue comme moralement choquante. L'accomplissement d'un devoir civique ne saurait être délégué et ne peut passer que par des contraintes identiques pour tous. Les personnes défendant l'une ou l'autre de ces thèses soutiennent alors la politique traditionnelle (CAC) et s'opposent à l'introduction d'instruments économiques. En plus de ces considérations, l'acceptabilité peut être influencée par des motifs particuliers et propres à chaque groupe d'agents. a) Autorités politiques Le législateur doit être convaincu que l'économie de coûts ne se réalise ni au détriment de l'environnement, ni à celui d'une partie de la population ou de certains acteurs économiques. Dans les expériences réalisées aux Etats-Unis, on a même veillé à l'appellation utilisée : "for political reasons these rights are being called emission reduction credits (ERCs), emphasizing the positive (emission reduction) rather than the negative (pollution rights)" (Crandall 1983, p.87). L'amendement du Clean Air Act de 1990 a par ailleurs introduit le terme "allowances" pour remplacer celui de "permits" ou de "rights". Juridiquement, les certificats ne représentent d'ailleurs pas un droit de propriété légal (Joskow et Schmalensee 1996 p.4). Il importe aussi de démontrer préalablement que le risque d'effets pervers est limité au maximum. Comme le note David : "schemes which are elegant in an economic, engineering or administrative sense but politically unacceptable cap not be seriously considered" (David et al. 1980, p.267). b) Administration L'administration n'a pas à prendre position sur une décision politique. Toutefois, il est évident que le système proposé fonctionnera mieux s'il est réellement soutenu par l'administration chargée de le mettre en oeuvre. Or, Dwyer (1992, p.52) souligne le fait que, dans les expériences menées jusqu'à présent en Californie, l'administration s'est montrée plutôt réticente â la mise en oeuvre des permis, d'une part parce que cela impose un changement de ses pratiques, mais aussi et surtout parce que cela réduit son rôle et son pouvoir. c) Entreprises Dans un système de certificats fonctionnant correctement, toutes les entreprises se trouvent dans une situation plus favorable au point de vue des coûts qu'elles supportent pour la protection de l'environnement. En conséquence, si l'on admet l'hypothèse que les entreprises cherchent en Dans le cas de la réglementation directe, la réalisation d'un assainissement peut être vue comme rachat d'un droit d'émettre. 62 Politique environnementale et efficacité économique permanence à minimiser leurs coûts, on doit admettre qu'elles sont favorables à l'introduction d'un instrument économique. L'acceptabilité par les entreprises d'un système de certificats dépend en particulier de son degré d'incertitude. Comme le souligne l'OCDE (1994a, p.386), "l'expérience américaine suggère qu'une grande valeur est attachée à la prévisibilité des systèmes de réglementation". Les expériences menées dans ce pays ont montré que le succès ou l'échec d'un marché dépend de la confiance manifestée par les entreprises. Si elles craignent une soudaine modification des règles de fonctionnement du marché, elles pourraient préférer le maintien de la réglementation actuelle (Dwyer 1992, p.18). L'option chère mais sûre pourrait ainsi être préférée à une solution moins onéreuse, mais risquée. Par ailleurs, l'importance des coûts de dépollution et des coûts administratifs joue un rôle dans la manière dont les entreprises perçoivent le marché de permis. "If pollution control costs are low relative to total costs for a firm, then if transaction costs are greater than zero, busy managers may choose not to get involved in permit trading" (Hanley 1992, p. 19). Une autre source possible de rejet provient de la facilité avec laquelle certaines entreprises peuvent aujourd'hui obtenir un allégement ou un délai si elles parviennent à montrer que la réglementation environnementale leur impose des coûts exagérés.11 Pour les entrepreneurs, un marché de permis laisserait moins de place à la négociation que la réglementation directe (Barde 1994, p.218). Le maintien de l'emploi dans une région est un argument fréquemment avancé pour tenter d'éviter de prendre des mesures onéreuses. On parle alors de "marché politique". Les agents pour lesquels cette option est possible sont plutôt réticents à la mise en oeuvre de permis. Dwyer (1993, p.112) estime dès lors que la mise hors-circuit complète de tous les régimes d'exception est une condition sine qua non au bon fonctionnement d'un marché de certificats. L'acceptabilité du système par les entreprises peut aussi être réduite par la crainte qu'un concurrent n'acquière une position de force sur le marché et s'en serve au détriment des autres (Misiolek et Elder 1989, p. 156). Staehelin-Witt et Spillmann (1992, p.73) estiment de leur côté que certaines entreprises pourraient s'opposer à l'introduction de certificats pour des raisons d'image. Acheter un permis signifierait prendre le risque de se voir conférer une réputation de pollueur, qui achète le droit d'émettre et ne fait rien pour l'environnement. Ce reproche est non fondé, puisque l'acquisition de permis représente en fait le financement d'assainissements réalisés ailleurs dans la région, mais il pourrait ne pas Dans le cas de la pollution de l'air en Suisse, un allégement peut être accordé au détenteur d'une installation polluante si celui-ci parvient à démontrer que le coût de l'assainissement qu'il est sensé réaliser est disproportionné ou s'il n'est pas supportable économiquement (OPair 92, art.11). 63 4. Conditions de mise en oeuvre être sans conséquence sur le volume des ventes. Ce risque serait encore accru si des organisations de consommateurs se chargeaient d'informer systématiquement le public sur les pratiques de dépollution ou d'achat de permis des différentes entreprises. d) Organisations écologistes Aux Etats-Unis, les écologistes ont craint que le gain économique procuré par un système de permis ne puisse être obtenu qu'aux dépens de l'environnement. Le fait que ce soit des économistes qui aient inventé et qui prônent ce système a encore renforcé cette idée (Dorfman 1996). Les expériences réalisées jusque-là dans ce pays ont toutefois montré que cet argument n'était pas fondé (OCDE 1994a, p.386). Rappelons que l'objectif environnemental est fixé a priori par l'autorité politique et qu'il est le même pour les certificats et pour la réglementation directe. Il est dès lors significatif que "de nombreuses organisations de protection de l'environnement accueillent à présent favorablement les permis négociables aux Etats-Unis" {ibid.). e) Population S'assurer de l'acceptabilité de l'instrument par la population en général est également important, si l'on entend éviter que le marché ne soit paralysé par des oppositions ou des recours. Ces démarches pourraient être le fait des riverains des entreprises qui achètent des permis en lieu et place de réduire leurs émissions. La mise en oeuvre d'un marché de permis pourrait être perçue comme l'instauration d'une inégalité de traitement entre les citoyens, selon qu'ils sont les riverains d'installations qui acquièrent des permis ou qui en vendent. Les personnes habitant aux alentours des entreprises acheteuses de certificats pourraient argumenter que leur santé est mise en danger ou que leurs biens fonciers risquent de perdre de leur valeur. Pour l'instant, on ne dispose que de peu d'indications sur la manière dont la population considère les certificats par rapport à la réglementation directe. 4.5. Grille d'analyse L'instrument "certificats" a été imaginé dans le contexte de la protection des eaux (voir Dales 1968). Jusqu'à présent, c'est toutefois dans le domaine de l'air qu'ont eu lieu la plupart des applications pratiques, et cela presque exclusivement pour la réduction de l'un ou l'autre des trois polluants suivants ; dioxyde de soufre (SO2), oxydes d'azote (NOx) ou composés organiques volatils (COV). Nous avons fait l'hypothèse que l'instrument peut être appliqué au contrôle d'autres polluants ou d'autres domaines (lutte contre le bruit, gestion des déchets, ...). Pour identifier les cas où l'introduction de certificats serait avantageuse au plan des coûts et la mise en oeuvre d'un marché aurait 64 Politique environnementale et efficacité économique les meilleures chances de succès, une grille d'analyse a été élaborée sur la base des conditions favorables et les problèmes possibles discutés plus haut (Tableau 4.1). Rappelons que plusieurs auteurs ont dressé la liste des éléments à prendre en compte pour comparer entre eux les instruments de la politique environnementale ou pour évaluer l'intérêt de recourir à un instrument particulier (voir pt. 4.1). C'est sur la base de cette littérature que la grille d'analyse ci-après a été établie. Afin de systématiser l'évaluation, on a associé trois ou quatre réponses-types à chacun des éléments considérés. La situation la plus favorable est représentée par la première possibilité (italique). Soulignons que les critères ne sont pas présentés par ordre d'importance; un tel classement serait d'ailleurs difficile à établir. Pour chaque polluant étudié, l'intérêt que présente l'introduction d'un système de certificats est simplement proportionnel au nombre de critères favorables qu'on peut dénombrer dans la grille. La dernière ligne (appréciation finale) résume l'ensemble des considérations. 65 4. Conditions de mise en oeuvre Tableau 4.1. Grille d'analyse des conditions préalables à la mise en oeuvre d'un système de certificats Critères Réponses-types a Possibilité d'identifier individuellement les pollueurs Q Pollueurs identifiables individuellement Q Pollueurs difficilement identifiables individuellement b Possibilité de mesurer les émissions ou les atteintes a l'environnement Q Emissions ou atteintes aisément mesurables Q Emissions ou atteintes difficilement mesurables C Objectif à atteindre fixé de manière quantitative ? Oui ? Non ? Pas d'objectif défini actuellement d Degré de réalisation de l'objectif environnemental Q Objectif éloigné Q Objectif atteint ou en passe d'être atteint Q Pas d'objectif défini actuellement e Compensation des effets {efficacité écologique) Q Sonne compensation des effets Q Compensation limitée, problèmes possibles Q Mauvaise compensation des effets Q Connaissances actuellement insuffisantes f Dispersion des coûts marginaux des mesures à prendre Q Dispersion importante Q Dispersion peu importante Q Connaissances actuellement insuffisantes g Importance des coûts administratifs Q Coûts administratifs peu importants Q Coûts administratifs Importants Q Connaissances actuellement insuffisantes h Nombre de participants potentiels Q Nombre satisfaisant de participants potentiels O Nombre insuffisant de participants potentiels Q Nombre trop élevé de participants potentiels i Problèmes liés à la distribution initiale Q Distribution initiale présentant peu de difficultés Q Distribution initiale présentant quelques difficultés D Distribution initiale présentant d'importantes difficultés i Risque de distorsions des conditions de concurrence Q Risque peu important Q Risque important Q Connaissances actuellement insuffisantes k Risque de comportements stratégiques ? Risque peu important Q Risque important Q Connaissances actuellement insuffisantes l Conformité avec le droit suisse Q Pas ou peu de problèmes juridiques ? Importants problèmes juridiques Q Question non débattue ou controversée m Conformité avec les accords internationaux ? Conformité avec les accords internationaux ? Non-conformité avec au moins un accord international Q Question non débattue ou controversée n Existence d'un autre instrument potentiellement plus efficace Q Won ou probablement non Q Oui ou probablement oui Q Connaissances actuellement insuffisantes O Appréciation finale (dans l'optique d'introduire un système de certificats en Suisse) Q Bonnes conditions d'application de l'instrument Q Instrument applicable avec quelques/plusieurs difficultés Q Mauvaises conditions d'application de l'instrument 66 Politique environnementale et efficacité économique 5. Mesure de l'efficacité économique 5.1. Remarque liminaire Il a été dit dans les chapitres précédents qu'une politique de dépollution appliquée de manière uniforme à tous les émetteurs n'est pas efficace sur le plan des coûts. En d'autres termes, le prix payé pour les réductions d'émissions obtenues dans le cadre de la réglementation directe est souvent inutilement élevé. Toutefois, si la théorie indique clairement qu'il y a un surcoût, elle ne dit rien de son importance (Tietenberg 1990a, p.23). L'économie potentiellement réalisable avec des certificats doit donc être mesurée dans chaque cas particulier. Le gain d'efficacité dépend du but environnemental à atteindre, de l'aire géographique couverte et des caractéristiques du marché, telles que nombre de participants, réglementation des échanges, etc. (Shortle et Wille« 1987, p.263). La mesure du gain est en fait une comparaison de coûts. On confronte le coût de mise en oeuvre d'un marché de permis avec celui de la réglementation directe (ou d'une autre politique alternative), lorsque les deux instruments doivent permettre d'atteindre un objectif environnemental identique (par exemple un niveau donné de qualité de l'air). Par "coût de mise en oeuvre", on entend, en ce qui concerne la réglementation, la somme : - du coût des contrôles effectués par le service compétent (mesures des émissions ou vérification de la technologie utilisée), et - du coût des réductions d'émissions, ces derniers englobant l'investissement initial et les frais de fonctionnement et d'entretien des installations. 1 Dans le cas des permis, à ces mêmes éléments s'ajoutent le coût de gestion du marché, supporté par l'autorité de contrôle, et le coût de transaction, supporté par les acheteurs et les vendeurs de permis (Tableau 5.1). Tietenberg (1990a, p.24) a présenté, dans un tableau devenu célèbre, une vue d'ensemble d'une dizaine d'évaluations empiriques du gain d'efficacité réalisable avec un système de certificats. Il est à relever que, dans la plupart de ces études, l'économie est entièrement déterminée par la seule différence entre les coûts de réduction des émissions. Cette simplification repose sur les deux hypothèses suivantes : Voir à ce propos Luken 1990, p.98. 67 5. Mesure de l'efficacité économique - tout d'abord, on admet que le coût des contrôles à effectuer est identique dans les deux cas, réglementation et permis; - ensuite, le marché des permis est supposé en concurrence pure et parfaite, si bien que l'information est totale et instantanée : les contacts entre les agents se font sans frais, et le coût de transaction est ainsi nul. Tableau 5.1. Eléments de coûts de la réglementation et d'un système de permis Coût de mise en oeuvre Coût de mise en oeuvre de la réglementation directe d'un marché de permis Coût des réductions d'émissions Coût des réductions d'émissions Coût des contrôles Coût des contrôles Coût de gestion du marché Coût de transaction Si le marché des permis fonctionne depuis un certain temps déjà, l'évaluation de l'efficaci té-coût peut se faire en tenant compte du prix des certificats, du nombre de transactions ayant eu lieu, etc. On parle alors d'une évaluation a posteriori.2 Par contre, lorsque le marché n'existe pas en réalité, le gain d'efficacité ne peut être évalué qu'a priori, c'est-à-dire sur la base d'une simulation des échanges futurs. Cette démarche repose sur l'hypothèse que tous les échanges possibles auraient effectivement lieu (le marché ne connaît pas de frictions, telles que thésaurisation des permis, comportements stratégiques, etc.) et que les réductions d'émissions seraient réalisées dans l'ordre croissant des coûts marginaux. Pour une évaluation a posteriori de l'efficacité-coût de quelques-uns des marchés mis en oeuvre aux Etats-Unis, voir en particulier Dudek et Palmisano 1988, Hahn et Hester 1989a et b, Dwyer 1992, Howe 1993 et Klaassen 1994. 68 Politique environnementale et efficacité économique La littérature propose trois méthodes pour estimer a priori le gain d'efficacité : (i) la définition du plus faible coût possible (least cost) pour atteindre un objectif donné, puis la comparaison avec le coût actuel, (îî) la détermination des courbes d'offre et de demande de certificats et (m) le recours à un modèle d'équilibre général. La première méthode est utilisée lorsque l'objectif à atteindre est fixé en terme de qualité de l'environnement, par exemple [a concentration ambiante d'un polluant donné. On recherche alors la manière la moins onéreuse (least cost, voir Krupnick 1986, p. 191) permettant d'atteindre cet objectif en tout point de la région où les permis sont mis en oeuvre. On considère alors un marché de type ambient air quality permit market et on compare son coût total avec celui de la réglementation directe. La deuxième méthode consiste à déterminer les courbes d'offre et de demande de permis. Elle est utilisée lorsque l'objectif à atteindre est déterminé en terme d'émission maximale autorisée dans la région considérée. Comme, en principe, on ne considère pas la qualité de l'air, il est possible que celle-ci varie quelque peu d'un endroit à l'autre de la région. A partir de l'intersection des courbes d'offre et de demande de certificats, on peut calculer le coût des mesures de dépollution réalisées dans le cadre du marché des permis (de type emission permit market), et comparer cette valeur avec le coût des assainissements à effectuer dans le cadre de la réglementation. La dernière méthode, enfin, recourt à un modèle d'équilibre général représentant l'économie de la région ou du pays où sont introduits les certificats. Dans de tels modèles, les agents agissent rationnellement, leurs préférences sont connues et les technologies -de production et de dépollution - sont données. Le gain d'efficacité est évalué par rapport au PNB ou au taux de croissance, parfois aussi par rapport au prix de l'énergie ou en termes d'accroissement du bien-être, c'est-à-dire en variations du surplus du consommateur ou du producteur (Tudini et Haites 1994, p. 18). Remarquons que les deux premières méthodes (least cost et détermination des courbes d'offre et de demande) sont de type Bottom-Up (Montgomery 1994, p.4). Avec cette démarche, on considère les différentes technologies de dépollution et l'on recherche le coût additionnel qu'implique leur mise en oeuvre, ainsi que les réductions d'émissions qu'elles permettent d'obtenir (Tudini et Haites 1994, p.18). Cette approche est celle de l'ingénieur; elle permet d'identifier des cas où les réductions d'émissions peuvent être obtenues à un coût nul ou négatif, ce qui signifie que l'investissement environnemental a pour conséquence d'augmenter la productivité de l'entreprise, par exemple en raison d'économies d'énergie (Cline 1992, p.197). Inversement, les modèles d'équilibre général reposent sur la logique top- Down : on évalue le coût macro-économique de divers scénarios de réduction des émissions à partir d'un modèle explicatif de l'ensemble de l'économie d'une région ou d'un pays (Tudini et Haites 1994, p.18). Remarquons qu'avec cette démarche, toute réduction d'émissions implique obligatoirement un coût 69 5. Mesure de l'efficacité économique positif (Cline 1992, p. 197). Mais avant d'évaluer le gain possible, il s'agit de préciser quels sont les coûts qui doivent être comptabilisés. 5.2. Types de coûts de dépollution Rappelons tout d'abord que le coût de dépollution dépend de l'activité et des installations considérées, ainsi que de l'importance des assainissements déjà réalisés (voir pt. 3.2.2). Le coût marginal de réduction des émissions est défini comme le coût de la prochaine tonne à réduire. Or, pour des raisons techniques, les réductions d'émissions sont réalisées par paliers généralement supérieurs à une tonne (par exemple : réduction de 25 tonnes par an). Dans ces conditions, on définit le coût marginal comme "the incremental cost of the next tighter control divided by the incremental reduction in emissions from that control" (NERA 1992c, p.8). On parle alors de coût annuel total par tonne réduite. C'est cet élément que l'on recherche et que l'on compare au prix de marché des permis. Le coût annuel total est la somme de l'investissement total en capital et du coût annuel de fonctionnement des installations de dépollution, montant auquel on soustrait la valeur d'éventuelles économies (économie d'énergie, de matières premières, etc.). a) Investissement total en capital Pour une installation de dépollution, l'investissement total en capital est la somme des éléments suivants : 3 - coûts d'achat de l'équipement : équipement principal, équipement de contrôle, équipement auxiliaire, transport; - coûts directs d'installation : nouvelles constructions 4, aménagements, fondations, supports, installations électriques, canalisations, isolation, peinture, etc.; - coûts indirects d'installation : étude, ingénierie, travail, taxes, mise en route, procédure de tests et imprévus. b) Coût annuel de fonctionnement Il s'agit de la somme des coûts directs et indirects de fonctionnement, comptabilisés sur une année. Lorsque l'on remplace une installation de 3 Cf. NERA 1992a, p.2-5 et ss. NERA considère encore d'autres catégories de coûts, tels par exemple les coûts tiors-site". mais il s'agit de particularités américaines qui ne s'appliquent guère au cas général. 4 NERA (1992a. p.2-7) indique que le coût des constructions destinées à abriter l'équipement de dépollution n'est généralement pas comptabilisé comme coût direct d'installation, mais fait l'objet d'un compte séparé. Pour simplifier, nous avons inclus cette rubrique dans "coûts directs d'installation", par analogie avec canalisations, isolation, etc. Remarquons toutefois que seules les actions portant sur les émanations pourraient nécessiter une construction supplémentaire. La substitution du combustible et la modification ou le remplacement des brûleurs ne demandent généralement pas d'espace supplémentaire par rapport aux installations existantes. 70 Politique environnementale et efficacité économique dépollution par une autre, plus moderne, il peut arriver que Ie coût annuel de fonctionnement de la nouvelle installation soit plus faible (meilleur rendement). Selon le procédé utilisé, il est parfois possible de récupérer et de recycler certains matériaux, si bien que l'investissement environnemental permet à l'entreprise de réaliser des économies. Les coûts directs de fonctionnement peuvent être variables ou semi-variables. Les coûts variables sont proportionnels à l'utilisation de l'équipement de dépollution; ils englobent les matières premières, l'électricité, le combustible, la vapeur, l'eau, l'air comprimé, les solutions de lavage, etc. Les coûts semi- variables ne dépendent que partiellement de l'utilisation de l'équipement de dépollution. Ils incluent tous les types de travaux (nettoyage, entretien,...), Ie matériel nécessaire à ces travaux et les pièces de rechange. Les coûts indirects de fonctionnement sont totalement indépendants de l'utilisation de l'équipement de dépollution. Il s'agit principalement des frais généraux, des charges administratives, des assurances, etc. Il s'agit de considérer aussi les montants économisés. On entend par là le gain découlant d'éventuelles économies d'énergie et de la récupération et du recyclage possibles de matériaux pouvant être revendus ou réutilisés. c) Coût annuel total Le coût annuel total d'une installation de dépollution est la somme (i> de l'amortissement de l'investissement total en capital et (B) des frais annuels de fonctionnement. L'amortissement se fait généralement sur la durée de vie de l'installation. Lorsqu'elle est indéterminée, on fait l'hypothèse qu'elle est de 10 ans (NERA 1992c, p.S-6}.5 II s'agit ensuite de préciser te mode d'amortissement; il est généralement linéaire, mais il peut aussi être dégressif. L'option la plus simple est de diviser l'investissement total en capital par le nombre d'années de vie prévues pour l'équipement. On a ainsi : CAT = — + CAF n où CAT : coût annuel total; ITC : investissement total en capital; n : durée de vie de l'équipement de dépollution; CAF : coût annuel de fonctionnement; Lorsque la durée de vie de l'équipement de dépollution ne peut pas être déterminée, l'EPA utilise généralement un taux d'amortissement linéaire de 7% par an. ce qui correspond â une durée de vie moyenne d'un peu plus de 14 ans (EPA 1992, p.1-3). 71 5. MESURE DE L'EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE d) Coût annuel total par tonne réduite Le coût annuel total par tonne réduite est la valeur recherchée, c'est-à-dire celle que les participants vont comparer au prix de marché des permis. Cette valeur est obtenue en divisant le coût annuel total par la réduction d'émissions, en tonnes par année, que permet d'obtenir l'équipement considéré. ^+CAF CAT/1 =-----Q------------- ____tonnes réduites où CAT/t : coût annuel total par tonne réduite; ITC : investissement total en capital; n : durée de vie de l'équipement de dépollution; CAF : coût annuel de fonctionnement; tonnes réduites : réduction des émissions, en tonnes par année, que l'investissement considéré permet de réaliser. La figure 5.1 montre les différents éléments constituant le CAT/t. 72 liHïîu m sill. I Üii, *ï: SlJ HHHi -Sn. 1 filli) * I1 .! !Ii CM [IN Q. co" (M OT OT i LlI S. MESURE DE L'EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE 5.3. MÉTHODES D'ÉVALUATION 5.3.1. Least Cost a) Généralité La politique du least cost est celle qui permet d'atteindre la qualité voulue de l'environnement au coût le plus faible ("minimization of total abatement cost", voir Krupnick et al. 1983, p.9) et ceci en tout point de la région considérée. Dans le cas de la protection de l'air, on recourt à cet effet à un marché de type ambient air quality permit market, par opposition au cas où les certificats sont fondés directement sur les émissions {emission permit market). Il est alors nécessaire de déterminer de manière précise l'effet de chaque source d'émissions sur la qualité de l'environnement en un certain nombre d'endroits de référence dans la région.6 On recourt à cet effet à des modèles informatiques de dispersion des polluants atmosphériques, tel par exemple AtRMOD mis au point par l'EPA (voir à ce sujet Krupnick 1986, p.190). Les réductions d'émissions s'effectuent alors sous une double contrainte : d'une part en tenant compte de la contribution de chaque source à la dégradation de la qualité de l'air auprès de chaque "récepteur" et d'autre part en respectant l'ordre croissant des coûts marginaux. Il s'agit en fait d'une procédure de minimisation sous contraintes (Krupnick et al. 1983, p.9; McGartland et Oates 1985, pp.222-227 et Baumöl et Oates 1988, p181 et ss.). L'optimum est atteint lorsque les concentrations sont partout juste égales à la valeur à ne pas dépasser (VLI). Remarquons toutefois que la qualité de l'environnement n'est nulle part meilleure que la valeur limite fixée. b) Désignation des sources à réduire Une fois émis, les polluants atmosphériques se dispersent dans le sens du vent : leur concentration décroît, tant dans le plan horizontal que vertical, en suivant une loi normale (voir Martin et Tikvart 1968, Hanna et al. 1982 et figure 5.2 ci-contre)! Avec un logiciel de dispersion, il est possible de "suivre" une émission dans toute une région et de voir quelle aire est couverte par le panache. On peut ainsi déterminer la contribution spécifique de chaque source d'émission à la dégradation de la qualité de l'air mesurée en un certain nombre d'endroits dans la région (récepteurs). Ecoscan (1992) désigne ces endroits de référence par le terme de "récepteurs"- Il s'agit d'une traduction littérale du mot receptor, utilisé à ce propos dans la littérature anglo-saxonne. Par commodité, nous utiliserons également le terme "récepteur" pour la suite de ce travail. 74 politique environnementale et efficacité économique Figure 5.2. Dispersion normale des polluants atmosphériques X : axe de direction du panache (direction du vent) Y : axe de dispersion horizontale Z : axe de dispersion verticale h : hauteur de la cheminée émettrice Ah : hauteur de stabilisation du panache H : hauteur du centre de l'ellipse de section du panache Source : Ecoscan 1992, p.A31. 75 5. Mesure de l'efficacité économique Le mécanisme permettant d'atteindre l'objectif fixé au coût le moindre peut être exposé comme-suit (voir Baumöl et Oates 1988, p.181 et ss.). Supposons que, dans ta région considérée, la pollution que l'on entend contrôler est le fait de m sources d'émissions industrielles. Supposons également que l'on a défini dans cette région n endroits de référence où il est possible de mesurer la qualité de l'air (récepteurs). 7 Supposons enfin que l'on dispose des informations suivantes : - localisation des m émetteurs {coordonnées topographiques); - localisation des n récepteurs (coordonnées topographiques); - quantités émises par les m émetteurs, en kilogrammes/jour ou en tonnes/année; - données météorologiques, en particulier régime des vents. Il est ainsi possible de déterminer la relation existant entre le volume des émissions de chaque source et la mesure de la qualité de l'air en chaque endroit de référence. Le calcul se fait de la manière suivante : Soit Em , ! = (e-t, e2, ... em) le vecteur des émissions des m sources considérées, exprimées par exemple en kilogrammes par jour. Soit Qn ,! = Jq1, q2, ... qn) le vecteur des concentrations ambiantes du polluant considéré, mesurées auprès des n récepteurs, en Lag/m3. m, n une matrice où chaque élément d,j (coefficient de transfert de la Soit D...... source au récepteur) représente la contribution de la source / à la concentration ambiante mesurée auprès du récepteur;. D '11 Jm1 Hn Par définition, la multiplication du vecteur des émissions Em , 1 par la matrice des coefficients de transfert Dm, n aboutit au vecteur des concentrations ambiantes Qn»i : Em.1 ¦ Dmin - Qn, ! Les valeurs contenues dans le vecteur des émissions (Emi1) et dans celui des concentrations ambiantes (Qn , t) sont connues (mesurées). Déterminer la 7 Atkinson et Tïetenberg (1982, p. 109) ont proposé de tenir compte d'une constante représentant la pollution de fond due aux sources mobiles et aux ménages. Toutefois, par souci de simplification, la plupart des auteurs admettent une pollution de fond égale â zéro (ibid., p. 113). 76 Politique environnementale et efficacité économique contribution spécifique de chaque source d'émissions à la dégradation de la qualité de l'air enregistrée auprès de chaque récepteur correspond en fait à écrire la matrice Dm,n. Pour cela, il suffit de diviser le vecteur des concentrations ambiantes par celui des émissions : Qn„l Dm.n = ---------- Emx1 Les coefficients de transfert dy, exprimés par exemple en ug/m3/kg/jour (Atkinson et Tietenberg 1982, p.109), indiquent quelle part de l'immission provient de chaque source d'émissions. Par exemple, si l'on enregistre une immission de 150 Lig/m3 de SO2 auprès du récepteur Z (qz = 150), on peut affirmer que 75 Lig/m3 proviennent de la source A localisée en X, 40 ng/m3 de la source B localisée en Y, etc. Il est également possible de déterminer l'impact qu'aurait la réduction (ou l'augmentation) de l'émission d'une source quelconque sur la qualité de l'air aux alentours de chacun des récepteurs. Remarquons que la manière d'établir la matrice des coefficients de transfert Dm,n repose sur quelques hypothèses peu plausibles. Premièrement, on admet un état stationnaire de la météorologie : aucune variation du vent (direction et intensité) n'est supposée se produire durant le transport du polluant de la source aux récepteurs. Deuxièmement, on ne tient pas compte de la distance séparant la source d'émission du récepteur. La dispersion des polluants n'est en effet considérée que dans les axes y et z (voir figure 5.2), la dispersion sur x étant jugée négligeable puisqu'il s'agit d'un flux continu (Ecoscan 1992, p.A32). Troisièmement, on admet l'absence d'interactions ou de synergie entre les émissions des diverses sources, et surtout entre les différents polluants (COV et NOx notamment). Par ailleurs, on sait que certains polluants, dont les oxydes d'azote, peuvent être véhiculés par les vents sur de longues distances (plusieurs centaines de kilomètres). Les émissions ont ainsi des conséquences plus importantes que leur seule contribution â la pollution locale, qui est l'unique effet enregistré par la matrice Dm,n (Atkinson et Tietenberg 1982, p. 116). Du fait de ces diverses limites, il faut s'attendre à une erreur possible de l'ordre de ±40% pour l'estimation de l'immission à un moment précis et à un récepteur déterminé (Ecoscan 1992, p.A32). Malgré ces réserves, l'établissement de la matrice des coefficients de transfert permet d'évaluer les conséquences locales des diverses politiques de réduction d'émissions que l'on entend comparer. 8 8 Rappelons que, si les volumes des reductions d'émissions sont identiques, la répartition géographique de ces réductions -et donc des émissions restantes- varie selon la politique adoptée. En conséquence, la qualité de l'environnement peut présenter des différences locales dont il faut tenir compte. 77 5. MESURE DE L'EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE c) Evaluation du gain d'efficacité Le modèle de dispersion a permis d'identifier les sources dont les émissions affectent la qualité de l'air autour de chaque récepteur. Il permet également de déterminer les réductions d'émissions à effectuer pour que la qualité de l'air soit satisfaisante aux alentours d'un récepteur particulier. Par exemple, pour que l'objectif soit atteint auprès du récepteur Z, il est nécessaire que les émissions cumulées des entreprises A, B et C soient réduites de x tonnes (voir Field 1994, p.255). Les assainissements sont alors réalisés dans l'ordre croissant des coûts marginaux de dépollution des trois sources, jusqu'à ce que la réduction des émissions atteigne le volume souhaité (x). Lorsque l'on considère l'ensemble des m sources, il s'agit de minimiser la somme de tous les coûts des réductions d'émissions à réaliser pour que la concentration ambiante enregistrée auprès des n récepteurs ne soit jamais supérieure à la valeur autorisée (VLI). Formellement, le système à résoudre peut s'écrire {voir Baumol et Oates 1988, p.182) : m m Min Z Q sous contrainte que I djj ^ q pour; = 1,..., n / = 1 ,=' où est le coût de la réduction d'émissions réalisée par la source /; C/ djj est le coefficient de transfert des émissions de la source / vers le récepteur;; il indique la contribution des émissions de la source /à la concentration enregistrée aux alentours du récepteur); m est le nombre de sources (entreprises émettant le polluant considéré); n est le nombre de récepteurs (ou endroits de référence pour la qualité de l'air); q est le standard de qualité de l'air (en u.g/m3) devant être respecté auprès de tous les récepteurs. Les montants Cj consacrés à la réduction des émissions par les diverses entreprises sont estimés à partir de fonctions de coûts élaborées séparément, sur la base d'interviews ou de la littérature technique, notamment celle de l'EPA. Certaines de ces fonctions de coûts sont très simples, d'autres relativement compliquées. Par exemple, Luken (1990, pp.131-134) a proposé un calcul du coût de dépollution C en fonction de la valeur de l'output de l'entreprise considérée : C=a-Xb où X représente la valeur annuelle de la production, en milliers $; a est un facteur linéaire positif, en général supérieur à un; 78 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITE ÉCONOMIQUE b est un facteur permettant de prendre en compte les économies d'échelle possibles selon les technologies de dépollution considérées; b est positif, en général compris entre 0,5 et 1. les coefficients a et b ont été calculés pour plusieurs technologies d'épuration appliquées dans diverses industries. A l'opposé, Welsch (1990, p.91 et ss.) a proposé plusieurs fonctions complexes pour le contrôle du SO2, Atkinson (1983, p.719) l'a fait aussi pour les usines électriques. Dans ce cas, le coût annuel total (total annual cost, TAC) est déterminé à partir de la teneur en soufre du combustible, la puissance de l'usine et l'efficacité de la technologie de dépollution mise en oeuvre : TAC = a +ß,-S01+ßm-MW+ßr-PR + ß„SO^+ß_'MW2+ß^PR2 + ß,„'SO1-MW + ß,,,-SO3-PR+ ßpn,-PR-MW + e où TAC est le coût annuel total de dépollution; SO2 représente la teneur en soufre du combustible; MW représente la puissance de l'usine en mégawatts; PR est le taux de réduction des émissions de SO2, en %; a, ß et e sont des facteurs correcteurs. Rappelons que le gain d'efficacité est donné par la différence entre le coût des réductions effectuées selon le concept least cost et le coût des assainissements imposés par la réglementation. Celui-ci est estimé en recourant aux mêmes fonctions de coûts. Signalons aussi que plusieurs des études mentionnées par Tietenberg dans son survey (1990a, p.24) présentent une évaluation du gain réalisée avec la méthode décrite ci-dessus {voir Roach et al. 1981, Seskin et al. 1983, McGartland et Oates 1985, Krupnick 1986). Si !es réductions d'émissions peuvent effectivement être obtenues au coût le plus faible, le recours à un marché de permis serait entre quatre et quatorze fois moins onéreux que la réglementation. 5.3.2. Détermination des fonctions d'offre et de demande de certificats La seconde méthode d'évaluation de l'économie de coûts réalisable consiste à établir les fonctions d'offre et de demande de permis. A partir de l'intersection des deux courbes, on détermine le coût des réductions d'émissions à réaliser et on le compare avec celui des assainissements effectués dans le cadre de la réglementation directe. Cette méthode n'implique pas le recours â un modèle de dispersion des polluants : si le polluant considéré se répartit de manière 79 5. MESURE OE L'EFFICACrTÉ ÉCONOMIQUE homogène dans l'atmosphère {uniformly mixed pollutant), on peut établir une relation simple,- généralement linéaire, entre les quantités émises et la qualité de l'air. Comme, par hypothèse, la localisation des sources ne joue aucun rôle, l'objectif peut être fixé en terme d'émissions et les certificats sont fondés directement sur les quantités émises. La fonction d'offre de permis est alors relativement simple à établir. L'autorité de contrôle fixe le volume annuel des émissions admissibles dans la région, en fonction de la qualité de l'air que l'on souhaite obtenir. Ce "plafond" d'émissions détermine le nombre de permis à introduire sur le marché. L'offre est ainsi parfaitement inélastique; graphiquement, elle est représentée par une droite verticale (Hahn et Noli 1982, p. 128; NERA 1992c, p.66; KuIa 1994, p.195). Déterminer la fonction de demande de permis est plus compliqué. La demande provient des agents connaissant des coûts marginaux de dépollution supérieurs au prix de marché des permis. Pour tracer la courbe, il est donc nécessaire de connaître les coûts de réduction des émissions de chaque source. Ces informations peuvent être obtenues par interviews et/ou en recourant à la littérature. Par hypothèse, le prix d'un permis est égal au prix d'une tonne non émise, c'est-à-dire au coût nécessaire pour réduire les émissions d'une tonne (Bergman 1991, p.54). De petites réductions d'émissions impliquent un faible prix des permis, d'une part parce qu'elles peuvent être obtenues à un coût relativement bas et, d'autre part, parce que le nombre de permis introduits sur le marché est élevé, le volume des émissions autorisées étant important. Inversement, de fortes réductions d'émissions ne peuvent être obtenues qu'à un coût élevé. Le prix des certificats sera donc également élevé, ce qui s'explique aussi par le fait que le nombre de permis sur le marché est restreint (le nombre de permis représentant les émissions autorisées). Graphiquement, les émissions, en tonnes par année, sont représentées sur l'abscisse (émissions nulles à l'origine). Puis, à partir du volume actuel des émissions (x tonnes/an), on trace la courbe des coûts marginaux d'épuration. Celle-ci s'inscrit de droite à gauche (chaque réduction entraînant un volume d'émissions restantes inférieur) et, en principe, elle est exponentielle. Cette courbe représente la fonction de demande de permis (Hahn et Noli 1982, p.127); son allure est classique : plus leur nombre est faible, plus leur prix est élevé. Inversement, plus le nombre de permis est grand, moins leur prix est important. A cause des limites de capacités des technologies de dépollution, la courbe de demande prend la forme d'un escalier {ibid.). Chaque segment horizontal représente le nombre de tonnes que la technologie considérée permet d'obtenir. La valeur correspondante sur l'ordonnée représente le coût marginal de l'opération. L'intersection entre l'offre (droite verticale) et la courbe de demande permet de déterminer le prix de marché des permis (Figure 5.3). Cela permet également 80 Politique environnementale et efficacité économique d'identifier les entreprises demandeuses et offreuses de permis, selon leurs coûts marginaux. Sur le graphique, les sources situées à droite de l'offre sont celles où les réductions d'émissions doivent être opérées, car le coût de dépollution est inférieur au prix de vente des certificats. Inversement, les sources situées à gauche de l'offre connaissent des coûts marginaux supérieurs au prix des certificats et ne devraient donc pas être réduites. Le coût des réductions d'émissions à effectuer dans le cadre d'un marché des permis correspond ainsi à la surface délimitée par la courbe de demande, la courbe d'offre et l'axe des x. On ajoute à ce montant une estimation du coût administratif et on compare le résultat à la somme des coûts des assainissements imposés par la réglementation directe. La différence détermine le gain d'efficacité. 81 5. MESURE DE L"EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE Figure 5.3. Exemple de courbes d'offre et de demande pour les permis Possible ceilings on total emission Source : Hahn et Noli 1983, p.73; polluant considéré : SO, Note: Hahn et Noll {1982 et 1983) ont utilisé la méthode décrite plus haut pour évaluer l'intérêt de recourir à un marché de permis pour contrôler les émissions de SO, dans le bassin de Los Angeles. Le gain réalisable dans ce cas précis est toutefois très faible. Ce coût des réductions d'émissions avec un système de permis est estimé à 123 millions de $ annuellement alors qu'il ne s'élève qu'à 132 millions dans le cas de la réglementation. Le rapport "coût de la réglementation / coût avec les permis" ne se monte ainsi qu'à 1,07 {valeur mentionnée par Tietenberg dans son survey, 1990a, p.24). Et encore n'a-t-on pas tenu compte du coût administratif. Cela s'explique par le fait que l'autorité de contrôle (South Coast Air Quality Management District) a été particulièrement attentive a !"efficacité-coût des normes qu'elle imposait pour les SO1 (Hahn et Noli 1982, p.131). Remarquons aussi que le gain est réalisé sur les différences de coûts existant entre les categories d'émetteurs, et non pas entre les émetteurs individuels. Or, il existe également des différences de coûts considérables au sein d'une même catégorie, mais elles n'ont pas été évaluées dans le cadre de cette étude. De toutes les estimations citées par Tietenberg, c'est celle-ci qui présente le gain le plus faible. 5.3.3. Modèles d'équilibre général Un modèle d'équilibre général permet d'estimer a priori l'impact d'une mesure de politique publique sur l'économie générale d'un pays ou d'une région. Les conséquences de la mesure envisagée sont généralement exprimées par 82 Politique environnementale et efficacité économique rapport au PNB, au taux de croissance ou au niveau général des prix. Dans le domaine de l'environnement, de tels modèles ont commencé à être utilisés dans les années 70, à la suite du choc pétrolier, pour évaluer les conséquences d'une modification des prix de l'énergie. Les principaux modèles mis au point à cet effet sont DRI, Edmonds-Reilly Model et Global 2100 (Montgomery 1994, p.4). Quelques travaux ont porté sur les conséquences des mesures de protection de l'eau (voir en particulier Shortle et Willett 1986 et Stephan 1989). Plus tard, c'est surtout les impacts des divers programmes de lutte contre le réchauffement qui ont été étudiés. De nouveaux modèles ont été développés, en particulier GREEN et DGEM (Montgomery 1994, p.4). La plupart des recherches ont porté sur les effets d'une taxe sur le CO2 ou sur l'énergie (voir Whalley et Wigle 1991, Manne et Richels 1991, Bergman 1991, Conrad et Schröder 1994). Les études basées sur un modèle d'équilibre général mentionnées plus haut ont toutes montré que le recours aux instruments économiques était plus efficace que l'approche réglementaire traditionnelle (Conrad et Schröder 1994, p.141). Comme tout modèle, ceux utilisés pour évaluer l'efficacité d'une politique environnementale simplifient la réalité et se basent sur une série d'hypothèses dont les plus fréquentes sont : 1. Les divers marchés sont en situation de concurrence pure et parfaite. En particulier, les adaptations aux variations des prix sont immédiates. 2. Les agents ont des comportements rationnels; ils cherchent tous à maximiser leur profit. 3. Les entreprises produisent leur output à partir de quatre inputs : énergie, inputs non énergétiques, capital et travail. 4. Les coûts de dépollution croissent de manière exponentielle. 5. Le niveau des émissions d'une entreprise est fonction de ses inputs et de la technologie de production utilisée. Dans la plupart des modèles, les / entreprises considérées sont représentées par une matrice input-output M1- contenant les valeurs de chaque input et de l'output, le volume des émissions et un indicateur de la technologie de dépollution utilisée {Conrad et Schröder 1994, p. 133). Dans le cas de la réglementation, toutes les entreprises doivent réduire leurs émissions d'un coefficient identique â. Elles procèdent pour cela â un investissement (non productif) qui augmente la valeur de leur input "capital". Cette opération réduit non seulement les émissions, mais aussi le niveau de l'output, puisque les sommes consacrées à la réduction des émissions ne sont pas disponibles pour l'acquisition d'inputs. Avec un système de permis, les entreprises peuvent définir elles-mêmes le coefficient a de réduction des émissions. L'achat de certificats augmente la valeur de l'input, et, de la même manière que précédemment, réduit celle de 83 5. Mesure de l'efficacité économique l'output. Toutefois, l'acquisition de permis implique une dépense inférieure à ce qu'aurait coûté.Ia réduction des émissions. En conséquence, l'effet sur la production est moindre que dans le cas de la réglementation. Le gain réalisable grâce au marché des permis est donc mesuré par rapport à la différence entre les valeurs de production totale (somme des outputs de toutes les entreprises). Conrad et Schröder (1994) ont utilisé un tel modèle pour évaluer les avantages de l'introduction d'un ensemble de taxes d'incitation pour contrôler les émissions de SO2, de NOx, de CO2 et de particules en Allemagne. En principe, le résultat est identique si l'on considère des certificats plutôt que des taxes (Commissariat général du plan 1993, p.70). Selon les scénarios retenus, le recours à la taxe entraînerait, pour l'année 1996, un accroissement du PNB compris entre 0,2 et 1,3% (ibid., p.141), tout en permettant d'obtenir les réductions d'émissions prescrites par la réglementation (TA Luft 86). 5.3.4. Limites des méthodes d'évaluation de l'efficacité économique La plupart des auteurs admettent que les méthodes d'évaluation exposées ci- dessus présentent plusieurs limites. 'The models used to calculate the potential cost savings were not (and are not) completely adequate guides to reality" (Tietenberg 1991, p. 15). En particulier, les modèles utilisés seraient trop simples pour refléter correctement la réalité : "the estimated cost savings are unrealistic because they are naive" (Tietenberg 1985, pp.51-52). Atkinson et Tietenberg (1982, p.103) notent par ailleurs qu'aucune des méthodes d'évaluation ne peut être jugée préférable ou supérieure dans tous les cas. Par rapport au gain d'efficacité qu'on obtiendrait avec un marché de permis réellement mis en oeuvre, les valeurs estimées sont systématiquement surestimées, et cela en raison des cinq biais exposés ci-après. a) Situations initiales irréalistes Pratiquement tous les modèles ont pour situation initiale un état où aucune réduction d'émissions n'a encore été effectuée (Tietenberg 1985, p.48). Or, en réalité, les permis ne peuvent que compléter ou remplacer une réglementation préexistante. Dans ce contexte, il est probable que la majorité des sources d'émissions aient déjà procédé à certains assainissements, plus ou moins importants. Comparer les permis et la réglementation sur la base de cette prémisse ne serait correct que s'il était possible de retourner à une situation de no control à un coût nul, ce qui n'est pas le cas. Plus les réductions déjà effectuées dans le cadre de la réglementation sont importantes, plus le champ d'action des certificats est réduit, et donc plus le gain potentiel est surestimé (ibid.). 84 POUTlQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE b) Hypothèses de base trop optimistes Les modèles d'évaluation admettent que les marchés sont tous en situation de concurrence pure et parfaite. Ainsi, sur le marché des permis, les échanges seraient nombreux, multilatéraux et simultanés. Tietenberg (1985, pp.51-52) note qu'il serait naïf de croire qu'une telle situation pourrait se produire en réalité : les transactions seraient bilatérales et négociées de cas en cas. En ce qui concerne les entreprises, on admet qu'elles produisent de manière efficace, c'est-à-dire sur leurs frontières d'efficacité (Montgomery 1994, p.7). Or, en réalité, il existe plusieurs distorsions et frictions qui font que cette hypothèse ne se vérifie pas. c) Fonctions de coûts peu réalistes Les fonctions de coûts utilisées sont invariablement ex-ante et basées sur le long terme. L'hypothèse sous-jacente est que les pollueurs ont toujours la possibilité de mettre en oeuvre la meilleure technologie disponible pour la réduction des émissions. Or cela se vérifie rarement en réalité : les options de dépollution sont beaucoup plus limitées que ce qu'admettent les modèles, et les coûts véritablement supportés lors de la mise en oeuvre (ex-posf) peuvent différer de manière assez importante par rapport aux valeurs prises en compte dans les modèles (Tietenberg 1991, p. 14). D'autre part, le recours à une fonction de coût unique pour une catégorie d'émetteurs (par exemple usines électriques, raffineries, cimenteries, etc.) va à !'encontre de l'hypothèse de base, par ailleurs vérifiée, qui stipule précisément que les coûts de dépollution varient grandement d'une source à l'autre. Cette manière de faire néglige les différences, parfois considérables, qui peuvent exister entre les émetteurs d'une même catégorie. La solution la plus fiable serait l'estimation d'une fonction de coût spécifique pour chaque pollueur, ce qui n'est possible que si leur nombre n'est pas trop élevé. d) Coûts administratifs sous-estimés La plupart des modèles négligent les coûts administratifs, ce qui mène, bien entendu, à une surestimation du gain d'efficacité. On admet souvent que le coût d'une politique est simplement la somme des investissements qu'elle impose aux pollueurs en vue de réduire leurs émissions. Les coûts de transaction - supportés par les acheteurs et les vendeurs de permis - sont supposés nuls : le marché des permis étant en concurrence pure et parfaite par hypothèse, l'information est totale et instantanée, si bien que les agents entrent en contact entre eux sans frais. En réalité, on peut admettre que les mesures d'émissions réalisées par l'autorité de contrôle ont un coût identique, qu'elles soient effectuées dans le cadre d'un marché de permis ou dans celui de la réglementation directe. Par contre, le coût de gestion du système (supporté par l'autorité de contrôle) et le coût de transaction (supporté par les participants au marché) ne peut pas être considéré comme nul, et il doit être 85 5. MESURE DE L'EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE soustrait de l'estimation du gain potentiel. Selon son ampleur, le coût administratif pourrait même annuler le gain d'efficacité9, voire Ie rendre négatif. Dans ce cas, la réglementation directe serait préférable à l'instrument économique. e) Niveaux de réduction des émissions différents Le gain d'efficacité traditionnellement attribué à un marché de permis pourrait s'expliquer en partie par le fait qu'il implique un volume de réductions d'émissions inférieure celui imposé par la réglementation directe (Oates et al. 1989, p.1234 et 1240). Cela s'explique par la disparition de la marge de sécurité implicitement contenue dans la réglementation ou par l'effet de "remplissage" qu'impliquent les permis (voir figure 3.2). Dans ce cas, comme le souligne Markandya (1995, p.17), "it may be necessary to make a larger reduction in emissions than would be required under a well planned CAC system. Thus the benefits of tradeable permits are ambiguous and have to be looked at on a case by case basis". Dans rétude de Hahn et Noll (1982 et 1983) mentionnée au pt. 5.3.2, le rapport "coût de la réglementation / coût du système de permis" ne se monte qu'à 1,07 sans tenir compte du coût administratif. Si ce dernier était comptabilisé, on serait peut-être en présence d'un cas où l'efficacitè-caût des certificats est inférieure à celle de la réglementation directe. Les auteurs n'ont pas soulevé ce point. 86 Deuxième partie : Analyse des possibilités de mise en oeuvre de certificats échangeables dans la politique de protection de l'environnement en suisse L'imagination est plus importante que le savoir (Albert Einstein) Politique environnementale et efficace économique 6. Aperçu de la politique environnementale suisse 6.1. Quelques caractéristiques La base juridique sur laquelle se fonde la politique de protection de l'environnement en Suisse compte trois niveaux : Constitution fédérale, lois et ordonnances. L'article 24 septies de la Constitution confie à la Confédération la compétence de légiférer en matière de protection de l'environnement. ' La compétence d'application est normalement laissée aux cantons, ce qui pourrait éventuellement poser problème si ceux-ci n'agissent pas tous de la même manière et/ou dans les mêmes délais. Plusieurs lois précisent les principes d'action de la politique environnementale ainsi que les buts généraux. Le texte central est la Loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE}, dont la version révisée a été adoptée par le Parlement en décembre 1995. Elle a pour objet de "protéger les hommes, les animaux et les plantes, leurs biocénoses et leurs biotopes des atteintes nuisibles ou incommodantes, et de conserver la fertilité des sols" (art.1). Le principe de base est celui de la causalité : "celui qui est à l'origine d'une mesure prescrite par la présente loi en supporte les frais" (art.2). La LPE fonctionne sur une logique en deux temps (voir article 11). Tout d'abord, elle prévoit une limitation préventive des atteintes à l'environnement, pour autant que cela soit techniquement possible et économiquement supportable (principe de prévention à la source). 2 Ensuite, si les atteintes sont encore nuisibles ou incommodantes ou s'il y a lieu de craindre qu'elles le (re)deviennent, une réduction plus sévère des émissions s'impose, et cela quel que soit le coût des mesures à prendre (concept de la charge polluante critique). D'autres lois complètent la LPE dans certains domaines particuliers; citons notamment la Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN), la Loi fédérale sur la protection des eaux (LEaux) et la Loi fédérale sur la conservation des forêts et la protection contre les catastrophes naturelles L'article 24 septies a été accepté en vocation populaire le 6 juin 1971 ; sa teneur est la suivante: 1. La Confédération légifère sur la protection de l'homme et de son milieu naturel contre les atteintes nuisibles ou incommodantes qui leur sont portées. En particulier, elle combat la pollution de l'air et le bruit.. 2. L'exécution des prescriptions fédérales incombe aux cantons, â moins que la loi ne la réserve â la Confédération. La Loi ne précise pas ce qu'il faut entendre par "économiquement supportable". La définition de ce concept doit être recherchée â l'article 4, alinéa 3 de l'OPair : "Pour évaluer si la limitation des émissions est économiquement supportable, on se fondera sur une entreprise moyenne, économiquement saine de la branche concernée. Lorsqu'il y a dans une branche donnée des catégories très différentes d'entreprises, l'évaluation se fera à partir d'une entreprise moyenne de la catégorie correspondante". Remarquons que la notion d'entreprise "moyenne" n'est pas définie. 89 6. Aperçu de la politique environnementale suisse (LFo). Enfin, des lois régissant principalement d'autres domaines contiennent aussi des dispositions visant à protéger l'environnement : c'est le cas de la Loi fédérale sur l'agriculture (LAgr), de la Loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) ou encore de la Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (LChP). Enfin, il y a un grand nombre d'ordonnances d'exécution contenant des précisions techniques (par exemple manières d'effectuer les mesures et les contrôles) et les diverses valeurs limites à respecter. 3 Dans le cas de l'air, une première version de l'Ordonnance fédérale sur la protection de l'air (OPair) a été introduite en 1986. Une deuxième version (OPair 92), nettement plus sévère4, l'a remplacée très rapidement. L'OPair92 recense plus de 200 substances principales (sans compter les composés) pour lesquelles elle établit des concentrations maximales autorisées à l'émission, en mg/m3. Des valeurs limites d'immission (VLI, concentrations maximales dans l'air ambiant, en u.g/m3) sont établies pour cinq polluants (SO2, NO2, CO, O3 et poussières, voir OPair, annexe 7). L'ensemble de ces textes a été pensé et conçu en termes juridiques et techniques plutôt qu'économiques. Par exemple, la détermination des objectifs généraux, des normes d'émissions ou des valeurs d'immission ne repose pas sur une analyse coûts-bénéfices, mais principalement sur des études épidémiologiques (effets sur la santé ou l'état de l'environnement, particulièrement de la forêt, etc.). On a donc privilégié le critère de la sécurité (safety standard) par rapport à celui de l'efficacité (efficiency standard). Remarquons que cette approche est basée sur une hypothèse implicite : la santé humaine et les biens naturels ont une valeur infinie. En conséquence, toute réduction des atteintes représente un bénéfice, quel que soit le coût des mesures à prendre (Jeanrenaud 1994, pp.6-7). En d'autres termes, il n'existe pas de niveau de pollution "optimal" : il s'agit de faire le maximum pour supprimer toute pollution. 5 Cette manière de penser a conduit à la mise en oeuvre de réglementations dont l'efficacité économique s'avère faible dans certains cas. 6 Pour atteindre les objectifs fixés, on a en effet recouru essentiellement à des instruments de type administratif et réglementaire: normes techniques, autorisations, 3 Ces ordonnances sont présentées rapidement pour les divers polluants ou atteintes analysés aux chapitres 7 et B, sous la rubrique b) "Réglementation actuelle-. 4 En particulier, les valeurs d'émissions ont été grandement réduites. Dans le cas des NO1 par exemple. Ia concentration maximale admise â l'émission a été divisée par deux, passant de 500 mg/m* à 250 mg/m3 (valeur générale, voir tableau 11.2 au chapitre 11 ). 5 Le niveau de pollution optimal est déterminé par régalisation du bénéfice marginal et du coût marginal de dépollution. Voir à ce propos Tietenberg 1994, pp.213-216. 6 Pour illustrer ce propos, Jeanrenaud (1994. p.7) cite Texemple des mesures de lutte contre le bruit â réaliser dans le cadre de l'Ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB). Il souligne en particulier que le montant des assainissements imposés aux CFF pourrait atteindre 3 milliards de francs, alors que le coût du bruit qu'ils occasionnent serait de l'ordre de 100 millions de francs par année. 90 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE interdictions, prescriptions, contrôles, etc. Frey et al. (1991, p. 109) parlent à ce propos de "polizeilicher Umweltschutz". Or, la réglementation directe (command-and-control ) s'applique généralement de manière uniforme à tous les agents qui y sont soumis. Oe ce fait, elle n'est pas économiquement efficace {non cost-effective), car elle ne conduit pas à l'égalisation des coûts marginaux de dépollution. Malgré cela, la politique environnementale menée en Suisse depuis plus de 20 ans peut se targuer de plusieurs succès. Par exemple, la concentration ambiante de la plupart des polluants atmosphériques baisse régulièrement depuis quelques années (OFEFP 1994b), et cela malgré la croissance économique. Dans le cas du SO2, l'objectif fixé est pratiquement atteint. Remarquons toutefois que cela ne signifie pas que la politique mise en oeuvre soit efficace au point de vue économique : rien ne dit que l'objectif ait été atteint au coût le plus faible. Par ailleurs, si la situation est bonne pour le SO2, il n'en va pas de même pour d'autres polluants, tels les NOx et l'ozone. La Suisse a récemment fait un pa& important vers l'introduction d'instruments de marché dans sa politique environnementale. L'OFEFP reconnaît d'ailleurs à présent que leur utilisation doit être envisagée si l'on entend atteindre les objectifs à long terme. Si la loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE) ignorait jusqu'à présent le principe même des incitations économiques, la modification adoptée en décembre 1995 prévoit leur usage à titre de compléments des mesures réglementaires actuellement en vigueur (voir DFI 1990a et b). Ainsi, la Confédération souhaite se donner la possibilité de prélever des taxes d'incitation sur les COV et les HEL. L'intérêt pour les certificats semble toutefois plus limité (voir Mohr 1995 et Albrecht 1995). Par exemple, les autorités fédérales n'ont guère soutenu l'expérience innovatrice lancée en 1992 par le Lufthygieneamt beider Basel. Au contraire, en interprétant de manière restrictive les réglementations en vigueur, elles se refusent à créer les conditions nécessaires au bon fonctionnement d'un système de permis. G.2. Domaines couverts La politique suisse de protection de l'environnement s'applique aux domaines suivants : - protection de l'air, - protection de l'eau, - protection des sols, - protection de la faune et de la flore, - protection de la biodiversité, - protection contre les accidents majeurs, 91 6. APERÇU DE LA POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE SUISSE - gestion des déchets, - lutte contre le bruit. Par ailleurs, certaines activités sont également réglementées de manière à réduire les nuisances environnementales qu'elles pourraient causer; citons en particulier : - aménagement du territoire, - agriculture, - transports, - chasse. La deuxième partie du présent travail a pour objet d'identifier, parmi les domaines évoqués ci-dessus, ceux dans lesquels la mise en oeuvre d'un système de certificats négociables pourrait compléter, voire remplacer la réglementation actuelle. Les conclusions de l'analyse ne valent que pour la Suisse, étant donné que l'état de l'environnement ou la politique mise en oeuvre varient d'un pays à l'autre. Par ailleurs, seule la protection de l'environnement est étudiée, mais on peut facilement imaginer l'application de certificats dans d'autres politiques. 7 L'évaluation se base sur les critères contenus dans la grille présentée au chapitre 4 (Tableau 4.1). Au terme de l'analyse, il appert que l'instrument "certificats", dont la mise en oeuvre réelle s'est pratiquement limitée à la protection de l'air8, pourrait en fait être utilisé dans plusieurs autres domaines : une vingtaine de cas d'application possibles ont été identifiés. Par exemple, Boulding (1984) a proposé le recours â cet instrument pour le contrôle de la natalité au niveau mondial. La grande majorité des expériences pratiques ont eu lieu dans le cas de l'air, mais quelques unes ont été tentées pour la protection de l'eau. Des applications particulières ont également eu lieu pour la teneur en plomb de l'essence, la conservation de la forêt et la gestion de la pèche. 92 Politique environnementale et efficacité économique 7. Politique environnementale 7.1. Protection de l'air 7.1.1. Dioxyde de soufre a) Description Le dioxyde de soufre (appelé aussi anhydride sulfureux) est le polluant atmosphérique considéré comme le principal responsable du phénomène connu sous le nom de "pluies acides". La diminution du pH des eaux de pluie peut avoir des conséquences néfastes sur les rendements agricoles et sur la conservation des bâtiments. Ces effets peuvent se faire sentir très loin du lieu d'émission (pollution transfrontière). Les principales sources d'émission sont les chauffages des bâtiments (industries, commerces et habitations) et les fours industriels. L'OFEFP (1987a, p.43) relève qu'en 1990, la plus grande part des émissions provenait des industries (70%), les ménages étant responsables de 23% des émissions, et les transports de 7%. Des cadastres détaillés sont actuellement en cours de réalisation par les cantons. Remarquons que depuis 1965, les émissions ne cessent de diminuer, même si ce n'est pas de manière régulière. Ce résultat est dû principalement à la réduction de la teneur en soufre des huiles de chauffage, et au remplacement de certaines huiles par du gaz naturel (ibid., p.42). En ce qui concerne les immîssions, il est à noter que dans toutes les stations de mesure du réseau NABEL, les concentrations enregistrées ont diminué de près de moitié depuis le début des années 80 (OFEFP 1991a, p.41). Le respect de la VLI de 30 u.g/m3 en moyenne annuelle ne pose pratiquement plus aucun problème nulle part (y compris à Lugano, où les concentrations ont toujours été particulièrement élevées). En ce sens, on peut affirmer que le SO2 ne représente plus un réel problème de pollution de l'air en Suisse. b) Réglementation actuelle L'OPair 92 fixe les concentrations maximales admises à l'émission et les VLI. Dans le premier cas, pour un débit massique égal ou supérieur à 2500 g/h, la concentration maximale admise est de 250 mg/m3 (chi 61-62). Des exceptions sont prévues, notamment pour les fours des cimenteries et des verreries (500 mg/m3, chi 113 et 135). L'objectif final (retrouver le niveau des émissions de 1950, soit 54'400 tonnes par an) devrait être atteint, comme prévu, vers 1995. Par ailleurs, la révision en cours de la LPE prévoit l'introduction d'une taxe d'incitation sur les huiles de chauffage extra-légères (HEL) dont la teneur en 93 7. Politique environnementale soufre est supérieure à 0,1% en masse. Avec un taux de 20 francs par tonne, on s'attend à une réduction des émissions de SO2 de l'ordre de 6'000 tonnes par année (Message du Conseil fédéral 1993, p.84). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Les conditions générales d'application d'un système de certificats sont réunies dans le cas du SO2. Un tel marché fonctionne actuellement aux Etats-Unis dans le cadre du National Acid Precipitation Assessment Program {The Economist 1993c, Rico 1995, Ellerman et Monterò 1996, Joskow et Schmalensee 1996), et le marché pourrait même être étendu au Canada (voir Menz 1992). En Suisse, l'absence de cadastre au niveau fédéral fait que l'on ignore s'il existe un nombre suffisant de gros émetteurs, mais cela devrait toutefois être le cas. Par ailleurs, étant donné que la VLI est respectée pratiquement partout, que l'objectif en ce qui concerne les émissions est en passe d'être atteint et qu'une taxe d'incitation sur les HEL pourrait être introduite prochainement, la mise en oeuvre d'un système de certificats pour le contrôle du SO2 perd passablement de son intérêt (voir annexe 4, "Vue d'ensemble des domaines considérés pour l'introduction de certificats, présentation des grilles d'analyse", tableau A-1). 7.1.2. Oxydes d'azote ' a) Description Les oxydes d'azote (NOx) sont, avec les composés organiques volatils, les principaux précurseurs du phénomène connu sous le nom de "smog d'été" (immisstons excessives d'ozone), et ils participent également à l'acidification des eaux de pluie ("pluies acides"). Le premier phénomène a des conséquences néfastes sur les rendements agricoles, la végétation et la santé humaine; le second influe négativement sur la qualité des cours d'eau et des lacs, la végétation et la conservation des bâtiments. Les effets sont donc globaux et ils peuvent se faire sentir très loin des lieux d'émission (pollution transfrontière). Les NOx sont émis principalement par le trafic routier (68%); la part des ménages (chauffages) est minime (5%) et celle de l'industrie et de l'artisanat se monte à 27%, ce qui représentait 49*900 tonnes en 1990 (OFEFP 1987a, p,45). Les principaux émetteurs industriels sont les cimenteries, les entreprises chimiques, les fabriques de briques et de tuiles, l'industrie des matières plastiques et du caoutchouc, la métallurgie (aciéries, fonderies, etc.), les ateliers mécaniques et l'industrie du verre. Les usines d'incinération (UIOM) sont également de (très) gros émetteurs. La structure des émissions est La troisième partie du présent travail est consacrée à la mise en oeuvre d'un système de permis pour le contrôle des NO1. Les chapitres 11 et 12 exposent en détails la provenance de ce polluant, ses modes de formation, ses effets sur l'environnement, les technologies permettant d'en réduire les émissions et les normes d'émission et d'immission fixées par TOFEFP. 94 Politique environnementale et efficacité économique encore relativement peu connue, car les cadastres d'émission sont actuellement en cours de réalisation. 2 On sait cependant que la grande majorité des sources industrielles émettent moins de 20 tonnes de NOx par année, et il n'y aurait, pour toute la Suisse, qu'une quarantaine de sources émettant plus de 100 tonnes/an (voir troisième partie, chapitre 11, tableau 11.1). b) Réglementation actuelle Les VLI et les concentrations maximales pour les émissions des différentes sources sont fixées par l'OPair. Lors de l'adaptation de cette ordonnance en 1992, les limites d'émissions ont été fortement abaissées {pratiquement réduites de moitié). La norme de base se situe actuellement, pour un débit massique égal ou supérieur à 2500 g/h, à 250 mg/m3 au maximum, mais de nombreuses exceptions sont accordées, notamment pour les raffineries et les fours des cimenteries (voir chapitre 11, tableau 11.2). L'objectif fixé par le Conseil fédéral -volume des émissions en 1995 égal à celui de 1960, soit 67'200 tonnes - ne sera vraisemblablement pas atteint. Les prévisions montrent qu'en 2'010, on émettra encore plus de 123'000 tonnes de NOx (OFEFP 1987a, p.45). Par ailleurs, la Suisse s'est engagée, dans le cadre d'une série d'accords internationaux, à poursuivre sa politique de réduction systématique des émissions de NOx (voir OFEFP 1994b, pp.76-77). En ce qui concerne les immissions, les moyennes annuelles se situent autour des 40-50 jig/m3 dans les villes et les agglomérations, si bien que la VLI (30 u.g/m3) est nettement dépassée. "La pollution par les NOx reste donc un problème grave qui touche une grande partie de notre pays" (OFEFP 1991a, pp.45-46). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Les conditions générales d'application d'un système de certificats sont réunies dans le cas des NOx. Stritt et Jeanrenaud (1992) ont montré qu'une importante condition de réalisation est remplie en Suisse : les coûts marginaux de dépollution connaissent une forte dispersion, les premier et troisième quartiles des coûts par tonne de NOx réduite variant dans un rapport de 1 à 24. Par ailleurs, l'objectif en ce qui concerne les émissions est encore loin d'être atteint. La part provenant de l'industrie est toutefois relativement faible (27%) mais, malgré cela, on peut conclure que les NOx se prêtent bien au contrôle par un système de certificats (Tableau A-2, annexe 4). Les expériences réalisées aux Etats-Unis ont d'ailleurs souvent porté sur les NOx. C'est le cas Près de la moitié d'entre eux seulement sont actuellement disponibles (Baumann 1993). Par ailleurs, certains cantons {notamment Vaud et Neuchatel) ont opté non pas pour un relevé exact de chaque source, mais pour une estimation des émissions de NO, a l'hectare ou par carré de 500 mètres de côté, et cela seulement dans les villes pour l'instant (Hadorn 1993). 95 7. Politique environnementale notamment de RECLAIM, marché de permis qui fonctionne actuellement en Californie.3 7.1.3. Composés organiques volatils a} Description Par le terme générique de "composés organiques volatils" (COV), on désigne "un composé dont les vapeurs réagissent avec l'oxygène et des polluants, en présence de lumière, pour former de l'ozone dans l'atmosphère. En Suisse, le terme est utilisé plus largement pour désigner n'importe quel composé organique qui s'évapore facilement." (OFEFP 1990c, p.D-1). Les COV causent deux types d'effets environnementaux : - Effets directs : ce sont les effets découlant de la présence de COV dans l'atmosphère. Les COV chlorés participent au processus de destruction de la couche d'ozone stratosphérique. Si les effets sur les végétaux ont été clairement mis en évidence (malformations, croissance ralentie,...), on ne connaît pas encore toutes les conséquences sur la santé humaine. On sait cependant que l'inhalation de COV est toxique et même cancérigène dans certains cas. A l'air libre, les concentrations rencontrées sont probablement trop faibles pour causer un effet quelconque, mais le problème se pose lorsque l'on considère la pollution intérieure ("indoor pollution") : la teneur de l'air en COV peut être particulièrement élevée dans certains bâtiments (usage de peintures, colles, solvants, etc.). Le formaldehyde est d'ailleurs le principal polluant intérieur (Lazzari 1993, pp.22-23). - Effets indirects : les COV sont les responsables (notamment avec les NOx)de la formation de l'ozone de la basse altitude (photo-oxydation). Ce polluant est dit "secondaire", car il n'est pas émis directement mais dépend de la combinaison des précurseurs. L'ozone peut avoir des effets importants sur la croissance des végétaux et la santé humaine, même à de faibles concentrations. Les émissions annuelles de COV ont quadruplé entre 1950 et 1984, passant de 83'000 à 339'3OO tonnes. Bien que les ménages et les transports jouent un rôle non négligeable, les principales sources d'émissions sont d'origine industrielle : industries chimique, électrique, électronique, mécanique, du textile, du papier, des meubles, arts graphiques, etc. En 1990, elles étaient responsables de 63% des émissions (OFEFP 1987a, p.46). Les hôpitaux sont également des sources importantes : à Genève, l'Hôpital cantonal représente même probablement le premier émetteur du canton (Centre d'écotoxicologie 3 Remarquons aussi qu'une taxe sur les émissions de NO1 est à l'étude en Suède. Fondamentalement, les conditions d'application sont les mêmes pour les permis et pour les taxes d'incitation (Barde 1992, p.281). 96 Politique environnementale et efficacité économique 1992). Par ailleurs, on s'est aperçu que les émissions d'origine naturelle sont plus importantes qu'on ne l'avait cru, et qu'elles ont probablement été sous- estimées jusqu'à présent (Chameides et al. 1988). En Suisse, on estime à 10% du total la part naturelle des émissions de COV4 (OFEFP 1987c, p.4). Comme pour les NOx, on ne connaît actuellement pas bien la structure des émissions : les cadastres sont en cours d'élaboration. Les relevés sont d'ailleurs plus complexes en ce qui concerne les COV, puisque les émissions proviennent de sources diffuses (evaporation) et non pas de sources-points (cheminées). b) Réglementation actuelle L'OPair fixe les concentrations maximales admises à l'émission. Elles se montent à 20, 100 et 150 mg/m3 selon les classes des substances considérées (chi 71-72). Des exceptions sont accordées, notamment pour les peintures à l'éthanol (chi 613). L'objectif est de ramener l'ensemble des émissions de COV au niveau de 1960, ce qui représente une réduction d'environ 50% par rapport à la situation de 1990. Les prévisions montrent que l'on sera encore très éloigné de l'objectif en 1995 (OFEFP 1987a, p.47). Pour inciter les utilisateurs à rechercher des produits de substitution, la révision actuellement en cours de la LPE prévoit l'introduction d'une taxe d'incitation. Pour laisser à l'économie le temps de s'adapter, elle serait introduite en deux étapes : un franc par kilo dans un premier temps, deux francs par kilo deux ans plus tard. Si nécessaire, une troisième étape (cinq francs par kilo) sera introduite. La réduction escomptée est de quelque 75'000 tonnes par année (Message du Conseil fédéral 1993, p.78). Remarquons encore qu'il n'y a pas de VLI définies pour les COV. c) Possibilités d'application d'un système de certificats Les conditions générales d'introduction d'un système de certificats sont réunies dans le cas des COV : la part des émissions industrielles est importante (63%), le nombre de participants potentiels est élevé et la situation actuelle est éloignée de l'objectif fixé. D'autre part, les coûts marginaux de dépollution connaissent une forte dispersion : le premier et le troisième quartiles des coûts par tonne réduite s'inscrivent dans un rapport de 1 à 15 (Stritt et Jeanrenaud 1992). Par ailleurs, aux Etats-Unis, les COV ont été ou sont encore réglementés par des certificats (voir notamment RECLAIM en Californie). Cependant, l'introduction d'un tel système en Suisse perd quelque peu de son actualité, dans la mesure où une taxe d'incitation est envisagée (Tableau A-3). Néanmoins, dans une perspective de plus long terme, il pourrait être 4 Les COV d'origine naturelle sont presque exclusivement des isoprènes et des terpènes, les autres COV étant d'origine anthropogène. La part des émissions naturelles pourrait'atteindre 50 à 60% du total dans les pays du sud de l'Europe ou en Californie. Cela est dû aux différences de température et aux types de végétation (les feuillus dégagent plus de COV que les conifères). 97 7. Politique environnementale intéressant d'étudier l'introduction de permis, car il n'est pas certain que la taxe soit l'instrument le mieux adapté. En effet, le smog estivai est un phénomène régional et un système de certificats se prête mieux qu'une taxe à la différenciation de l'effort de réduction selon les régions (discount des permis, modification du ratio d'échange, rachat de permis par l'autorité de contrôle, etc.). 7.1.4. Dioxyde de carbone a) Description Le dioxyde de carbone (ou gaz carbonique, CO2) est un gaz résultant de la combustion des carburants (véhicules et chauffages) ainsi que de certains processus industriels, principalement la production de ciment. En Suisse, quelque 94% des émissions de CO2 sont liées à l'énergie (OFEFP 1994c, p.13). Les quantités émises annuellement ont atteint leur maximum vers 1970, avec plus de 770'000 tonnes de CO. 5 Depuis cette date, elles diminuent constamment, et les émissions de l'an 2000 ne représenteront probablement plus que le 60% du niveau de 1950 (OFEFP 1987a, p.40). En 1990, les émissions suisses de CO2 atteignaient encore 45 millions de tonnes (DFI 1996, p.13), ce qui ne représente que quelque 0,2% du total mondial (Porchet 1993, p.3). Le CO2 est à présent reconnu comme étant le premier responsable du phénomène dit de l'effet de serre. Il se pourrait que la concentration croissante de ce gaz dans l'atmosphère ait pour conséquence une augmentation de la température moyenne du globe. Par ailleurs, si jusqu'à certaines concentrations le CO2 n'a pas d'effets directs sur la santé, le CO, pour sa part, se substitue â l'oxygène dans l'hémoglobine : des nausées, des maux de tête et des vertiges peuvent apparaître à partir de 10-30% de carboxyhémoglobine déjà. Les effets cessent dès que les concentrations retombent (SPE 1993a, p.73). b) Réglementation actuelle Actuellement, les émissions de CO2 ne sont pas réglementées directement en Suisse : l'OPair ne définit pas de valeurs d'émission (ni d'immission) pour ce polluant. Toutefois, en ratifiant la Convention des Nations Unies du 9 mai 1992 sur les changements climatiques, la Suisse s'est engagée à prendre un certain nombre de mesures en vue de réduire ses émissions de gaz à effet de serre, en particulier de CO2. La politique suisse en matière de lutte conte le réchauffement repose principalement sur l'Arrêté sur l'utilisation de l'énergie (AUE) et sur le programme "Energie 2000". Par ailleurs, une nouvelle loi sur l'énergie est actuellement en préparation. De nombreuses dispositions ont déjà été introduites; d'autres sont à l'étude, non seulement dans la politique Les émissions se font principalement sous forme de CO qui se répand rapidement dans Tatmosphère et se combine avec l'oxygène (O2) pour former du COj. 98 Politique environnementale et efficacité économique environnementale, mais aussi dans les politiques énergétique, agricole, forestière et des transports (voir OFEFP 1994c, pp. 18-20). En particulier, !'OFEN préconise toute une série de mesures d'économie d'énergie et d'isolation des bâtiments. Une taxe d'incitation, dite taxe CO2, est à l'étude depuis longtemps; un premier projet de loi a été repoussé sine die et une deuxième version est actuellement en cours de consultation. Enfin, il existe bien une VLI pour le CO (8 mg/m3), mais les concentrations ambiantes enregistrées ces dix dernières années sont largement inférieures (OFEFP 1991a, p.12). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Même si la mise en oeuvre d'une taxe incitative pourrait être plus simple à gérer (Freeman 1990, p.161), un système de permis s'appliquerait bien au contrôle des émissions de CO2. Ce sujet a fait et fait toujours l'objet de nombreuses études (voir en particulier le projet Carbon Dioxide Offset Policy Efficiency Act (COPE), in OCDE 1992a, p.295, ainsi que Whalley et Wigle 1991, CCE 1992, Mohr 1992, Grubb et Hope 1992, Heister et al. 1992, Montgomery 1994, Nentjes 1994, Böhm et Larsen 1994, Pasek et Beckerman 1994, OCDE 1995). En pratique, un premier échange a même été réalisé aux Etats-Unis en novembre 1994; le montant de la transaction s'est élevé à 3 millions de dollars (Business Week 1994). Pour le CO2, il existe en fait deux conditions préalables très favorables : tout d'abord, ce polluant a des effets globaux, mais pas de conséquences locales; ensuite il n'y a pas actuellement de réglementations préexistantes dans lesquelles un système de permis devrait s'intégrer. Quelques obstacles méritent cependant d'être signalés. D'abord, les émissions proviennent d'un nombre très important de sources, dont certaines peuvent être très petites (automobiles, chauffages ménagers, cuisinières à gaz, etc.), ce qui est de nature à accroître les coûts de mise en oeuvre et de gestion du marché. Ensuite, comme le changement climatique constitue un phénomène mondial, toute mesure qui se limiterait à un seul pays, qu'il s'agisse d'une taxe ou d'un système de certificats, ne pourrait être qu'inefficace. "If you don't deal with global warming internationally, you don't address the problems" (Business Week 1993). Les différences entre les coûts marginaux de dépollution sont déjà significatives entre pays industrialisés (OCDE 1992b), mais elles deviennent encore beaucoup plus importantes lorsqu'on considère les pays en voie de développement (PVD). Ainsi, le coût de réduction d'une tonne de CO2 serait de quelque 8 $ aux Etats-Unis, mais de 1 $ au plus en Malaisie (Business Week 1993). Certains auteurs soulignent toutefois que les actions entreprises pour réduire les émissions de CO2 ont des effets bénéfiques en ce qui concerne d'autres polluants, tels le SO2, les NOx ou les particules (réductions conjointes considérables). En déplaçant une partie des assainissements du Nord vers le Sud, les pays industrialisés risquent de perdre ce "second gain" (Conrad et Schröder 1994, p.143). Par ailleurs, la 99 7. Politique environnementale distribution initiale des certificats, notamment entre les pays industrialisés et les PVD, pourrait donner lieu à quelques problèmes d'acceptabilité (voir à ce propos Simonis 1992). En tenant compte de ces divers aspects, mettre en oeuvre des certificats pour réduire les émissions de CO2 en Suisse ne paraît pas être une mesure appropriée, même si elle est techniquement réalisable (Tableau A-4) Signalons aussi que certaines entreprises ont pris de leur propre gré la décision de compenser une partie de leurs émissions de CO2 en plantant des arbres (The Economist 1992b). On pourrait ainsi imaginer un système où les émissions additionnelles de CO2 ne seraient autorisées qu'en contrepartie de la détention de certificats attestant de la plantation d'une certaine surface d'arbres. Remarquons toutefois que le coût marginal de la séquestration d'une tonne de carbone par ce procédé est probablement plus élevé qu'on ne l'a cru jusqu'à présent, et des mesures de conservation de l'énergie ou d'amélioration des rendements pourraient avoir une efficacité-coût supérieure (Stavins 1995b). 7.1.5. CFC a) Description Les CFC sont des substances organiques hydrocarbonées dans lesquelles tous les atomes d'hydrogène sont remplacés par des atomes de chlore ou de fluor (OFEFP 1990c, p. D-1). Bien qu'il s'agisse de COV, on les considère séparément, eu égard à leurs effets particuliers. Le chlore produit par la décomposition des CFC capte un atome d'oxygène de la molécule d'ozone en haute atmosphère, et l'on craint que ce phénomène ne conduise à la dégradation de la couche d'ozone. La principale conséquence serait un filtrage moins efficace du rayonnement UVB et un risque accru de cancers de la peau. Les CFC sont utilisés notamment par les branches liées à l'électronique, à la réfrigération, aux plastiques injectés et aux nettoyages de pièces. Le volume des émissions en Suisse est inférieur à 2'000 tonnes par année (OFEFP 1990c, p.l-3). Toutefois, quelque 300'000 armoires frigorifiques de tout genre sont mises hors d'usage chaque année en Suisse (SCPEN 1992). b) Réglementation actuelle La législation relative aux CFC n'est pas contenue dans l'OPair, mais dans l'Ordonnance sur les substances dangereuses (Osubst). L'annexe 3.4 précise que la fabrication de CFC et de halons est interdite et que les importations doivent être annoncées. Celles-ci ne sont pas limitées, mais elles ne peuvent provenir que d'un pays signataire du Protocole de Montréal de 1987. « La Suisse a ratifié cet accord, et au printemps 1989, M. Flavio Cotti annonçait que Les substances réglementées parce Protocole sont les CFC-11. -12, -113, -114 et-115. ainsi que les halons -1211. -1301 et -2401. Les émissions de ces substances doivent être réduites de 50% par rapport à leur niveau de 19BB jusqu'au 1.1.1995, et de 80% jusqu'au 1.1.1997. 100 Politique environnementale et efficacité économique notre pays aurait pratiquement abandonné l'utilisation des CFC et des halons d'ici 1995 (OFEFP 1990c, p.l-2). Des produits de substitution existent déjà sur le marché, mais leur coût est encore de 3 à 5 fois plus élevé (ibid., p.ll-2). Seuls quelques cantons disposent d'informations chiffrées concernant les émissions de CFC sur leur territoire. La plupart d'entre eux se sont pour l'instant bornés à diffuser des bulletins d'information pour inciter les entreprises à rechercher des solutions de substitution (Liechti 1993). En ce qui concerne les réfrigérateurs, depuis le 1.1.1992, une taxe d'élimination de 67 francs 7 est prélevée auprès des consommateurs pour financer le recyclage des CFC. Les appareils hors-service ne sont repris par les vendeurs que s'ils sont dotés d'une vignette particulière. Ils sont ensuite acheminés vers un des centres de retraitement de I1IGL a où les CFC sont récupérés et peuvent être réutilisés (OFEFP 1992c, p.39). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Dès 1989, l'US EPA a mis en oeuvre un système de permis négociables en vue de réduire la production de CFC de 50% en 10 ans (Klaassen 1994, pp.7- 9, Markandya 1995, p.14). Les permis sont attribués gratuitement aux fabricants de ces substances en fonction de leur niveau de production de l'année 1986. Chaque permis donne droit à la fabrication d'une tonne de CFC; les échanges sont totalement libres (pas d'accord préalable) mais doivent être annoncés à l'EPA (Tripp et Dudek 1989, pp.382-384). Jusqu'à présent, ce système n'a pas donné satisfaction. Tout d'abord, le nombre de participants est très réduit, puisqu'il n'y a que cinq producteurs de CFC aux Etats-Unis (ibid., p.384). Les échanges de permis ne découlent donc pas de la confrontation de l'offre et de la demande sur un véritable marché, mais de négociations menées de cas en cas. Ensuite, les quantités de CFC actuellement disponibles sur le marché couvrent largement les besoins, car, depuis peu, ces substances sont récupérées et recyclées. En conséquence, la production de nouveaux CFC a diminué dans des proportions inattendues, de sorte que tous les producteurs disposent actuellement de plus de permis qu'ils n'en ont besoin (Spengler 1996). En Suisse, deux approches peuvent être envisagées pour contrôler les CFC par un système de certificats : celle fondée sur les émissions et celle fondée sur les produits. - Certificats fondés sur les émissions Dans ce premier cas, l'autorité compétente déterminerait la quantité maximale d'émissions de CFC durant une période donnée. Ce plafond Le travail à fournir ne dépendant pas de la dimension des réfrigérateurs, le montant de la taxe est unique (IGL 1991). L'IGL (Interessengemeinschaft Logistik) est un cartel regroupant les huit centres de retraitement de CFC du pays. 101 7. Politique environnementale serait transcrit en certificats d'émissions qui seraient distribués aux entreprises concernées. On ne dispose cependant pas de suffisamment d'informations sur les émetteurs (producteurs de mousse, activités impliquant le nettoyage de pièces,...) pour savoir si un tel système peut être mis en oeuvre en Suisse. Remarquons aussi que l'efficacité d'un marché de certificats serait accrue en cas de collaboration internationale. L'OCDE (1991a, p.107) note à ce propos que "des clauses du Protocole de Montréal autorisent (implicitement) l'échange limité de certificats de production et de consommation de substances réglementées. (...} Un pays peut produire un peu au-delà de son quota de substances réglementées, à condition qu'un autre pays accepte de produire un peu moins, et que la production cumulée des deux parties respecte les restrictions de production". On pourrait donc envisager de mettre en place un système de certificats en vue de satisfaire les engagements pris dans le cadre du Protocole de Montréal. - Certificats fondés sur les produits On peut aussi imaginer un marché de certificats sur les produits auquel participeraient les producteurs et les importateurs d'appareils contenant des CFC (réfrigérateurs, congélateurs, installations de climatisation,...). Les certificats seraient alors définis négativement et représenteraient une obligation : récupérer et recycler tout ou partie des CFC contenus dans les appareils mis en vente. L'obligation serait négociable. Rappelons qu'il existe actuellement une entente cartellaire entre les huit centres de l'association IGL1 ce qui ne favorise pas la concurrence. Dans cette perspective, il est possible qu'un système de certificats permette d'améliorer l'efficacité-coût du recyclage des CFC en Suisse. Notons aussi que l'on peut envisager la combinaison des deux systèmes décrits ci-dessus : certificats sur les émissions et sur les produits (Tableau A-5). 7.1.6. Poussières a) Description Par "poussières", on entend "aussi bien les fines particules de poussières en suspension que les particules de plus grande taille de poussière sedimentale" (OFEFP 1987a, p.7). Elles proviennent des foyers industriels et domestiques, des transports et de certaines activités industrielles (chantiers,...). Le niveau maximal des émissions a été atteint vers 1960, avec plus de 62'000 tonnes par année. Depuis, les émissions n'ont cessé de diminuer pour s'élever à 20'500 tonnes en 1990, ce qui est inférieur de moitié à la situation prévalant en 1950 {ibid., p.51). La part de l'industrie se monte actuellement (1990) à 73%, celle des ménages à 21% et celle des transports à 6%. Les poussières en suspension peuvent représenter un risque important pour la santé humaine 102 POLIT[QUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE (Halletal. 1992). Les poussières sedimenta ires (précipitations) salissent les bâtiments, polluent le sol et intoxiquent la végétation, ce qui, par le biais de la chaîne alimentaire, n'est pas sans conséquence pour l'homme {ibid., p.7). Par ailleurs, la présence de poussières affecte certaines activités nécessitant une atmosphère aussi pure que possible (hôpitaux, laboratoires de photos, blanchisseries,...). Ces effets sont de nature locale. b) Réglementation actuelle L'OPair prescrit les valeurs maximales tolérées à l'émission (50 mg/m3 pour un débit massique égal ou supérieur à 0,5 kg/h) et la VLI qui s'applique aux poussières en suspension (70 u.g/m3). La pollution par les poussières ne représente pas une nuisance particulière en Suisse : toutes les stations du réseau NABEL indiquent des immissions inférieures à la VLI (OFEFP 1991a, p.22). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Le contrôle des émissions de poussières par un système de certificats n'a fait l'objet d'aucune expérience pratique à ce jour. Deux conditions essentielles ne sont en effet pas remplies. D'une part, les effets ne sont pas globaux, mais au contraire locaux. De ce fait, l'aire géographique d'un éventuel marché serait très limitée, de la taille, peut-être, d'une zone industrielle. D'autre part, la compensation des effets n'est pas très bonne : une production n'émettant aucune poussière ne compense pas réellement les effets d'un important dégagement de poussières. Un système de certificats fondés sur les émissions ne paraît pas bien adapté pour les poussières d'origine industrielle (Tableau A- 6). En revanche, les perspectives sont meilleures si l'on envisage un système de certificats fondés sur les produits. Par exemple, la réduction des émissions de poussières (particules) par les véhicules dotés de moteurs diesel pourrait être une application intéressante (voir point 8.3 "Transports"). 7.1.7. Métaux lourds a) Description Sous le terme générique de "métaux lourds", on considère principalement le plomb (Pb), le zinc (Zn), le cadmium (Cd) et le mercure (Hg). Ces substances peuvent agir comme polluants atmosphériques (poussières ou vapeurs) ou comme polluants de l'eau ou des sols (ces aspects étant traités respectivement aux chapitres 9 et 13). La densité de ces métaux fait qu'ils se déposent dans un rayon relativement limité autour de la source d'émission. Les principaux émetteurs sont les UIOM et l'industrie (fonte de ferrailles,...), sauf dans le cas du plomb où les transports sont encore la principale source 103 7. Politique environnementale (65% en 1990).9 Selon les concentrations rencontrées, les métaux lourds peuvent affecter différents organes de l'être humain (sang, foie, reins,...), intoxiquer les plantes, réduire la fertilité des sols et porter atteinte à la qualité des eaux (OFEFP 1987a, p.8). b) Réglementation actuelle L'OPair réglemente les émissions atmosphériques de métaux lourds. Les concentrations maximales admises varient entre 0,2 et 5 mg/m3 selon les débits massiques et les substances considérées. Remarquons qu'il n'existe pas de VLI pour les métaux lourds. c) Possibilités d'application d'un système de certificats La nature particulière des polluants considérés, le caractère local de leurs effets et le nombre relativement limité des sources d'émissions (sauf dans le cas du plomb) font que les certificats ne représentent pas un instrument adapté au contrôle des émissions de métaux lourds (Tableau A-7). Une application particulière pourrait toutefois être envisagée en ce qui concerne la récupération et le traitement des piles usagées, dont l'incinération émet des métaux lourds (voir pt. 7.3. "Gestion des déchets"). 7.2. Protection des eaux 7.2.1. Considérations générales La protection des eaux fait depuis peu l'objet d'une nouvelle loi fédérale (LEaux, entrée en vigueur le 1.11.1992) qui a pour but de "protéger les eaux contre toutes atteintes nuisibles" (art.1). Bien que le terme "atteintes nuisibles" n'ait pas été défini, l'objectif est de : - préserver la santé des êtres humains, des animaux et des plantes; - garantir l'approvisionnement en eau potable et en eau d'usage industriel (...); - sauvegarder les biotopes naturels abritant la faune et la flore indigènes; - sauvegarder les eaux piscicoles; - sauvegarder les eaux en tant qu'élément du paysage; - assurer l'irrigation des terres agricoles; - permettre l'utilisation des eaux pour les loisirs; - assurer le fonctionnement naturel du régime hydrologique. Avec la généralisation des catalyseurs et de l'essence sans plomb, la part des transports devrait tombera 12% en l'an 2000 (OFEFP 1987a, p.59). 104 Politique environnementale et efficacité économique La LEaux touche ainsi de nombreux domaines d'activités, répondant au grand nombre de causes d'atteintes à la qualité des eaux (Figure 7.1). Figure 7.1. Sources de pollution des eaux Eaux usées - ménages - petit artisanat - industrie/artisanat - décharges______ Eaux parasites Agriculture - engrais de ferme - engrais du commerce j - pesticides Atteintes physiques - constructions - sport et loisirs - modifications du sol - interventions dans le régime hydraulique (centrales hydrauliques)_______ Accidents - transport - dépôt - processus de production Source : OFEFP 1993a, p. 10. La loi est complétée par plusieurs ordonnances (actuellement en cours de modifications) et directives. Les plus importantes sont l'Ordonnance générale sur la protection des eaux, l'Ordonnance sur le déversement des eaux usées et l'Ordonnance sur la protection des eaux contre les liquides pouvant les altérer (OPEL). L'Ordonnance sur le déversement précise notamment les objectifs en matière de qualité des eaux, en tenant compte de 52 paramètres distincts. Elle prescrit également les conditions pour les déversements dans le milieu naturel (STEP) et dans les canalisations (industries), ainsi que les valeurs à respecter en ce qui concerné le carbone organique dissous (DOC), le carbone organique total (TOC) et les demandes chimique et biochimique en oxygène (DCO et DBO). Les cantons disposent par ailleurs de compétences assez importantes pour établir des normes plus sévères s'ils le jugent nécessaire. 105 7. POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE Les principaux polluants des eaux sont les matières oxydables (MO), les matières solides en suspension, les substances nutritives (P, N), les composés organiques chlorés, les sels (Cl,...), les métaux lourds (Cd, Hg, Pb, As,...) et les substances toxiques, carbones et hydrocarbones halogènes (OCDE 1991a, p.33). L'industrie est la source principale de la pollution chimique des eaux. Les effluents de l'électrochimte et de l'électrométallurgie, par exemple, contiennent des métaux lourds, du chlore et des chlorures, des acides et des cyanures. Ceux des tanneries, des usines de pâte à papier et des industries de ta cellulose sont chargés de chrome, de mercure, d'encres diverses ou de substances qui ne se dégradent pas facilement, comme la lignine (SPE 1993b, p. 101). La fabrication de certains produits chimiques implique parfois des rejets de substances toxiques (arsenic, ...)¦ Dans de nombreux cas, les eaux usées doivent être soumises à un prétraitement, directement sur le site industriel, avant de partir en canalisations et d'être épurées de nouveau dans les STEP. Par ailleurs, les eaux sont acidifiées par le SO2 et les NOx contenus dans les pluies; les décharges et dépôts non étanches de déchets peuvent aussi être la cause d'une pollution de nature chimique.10 Les eaux de ruissellement des zones bâties représentent un cas particulier de pollution chimique.11 Elles sont chargées de nombreuses poussières contenant des particules de caoutchouc (usure des pneumatiques) ou de métal (usure des freins), certains métaux lourds provenant des gaz d'échappement (plomb,...) ou des cheminées et les restes des produits à dégeler répandus sur les routes en hiver (sels 12). Lors de pluies, toutes ces substances sont emportées par le réseau d'égouts, ce qui a pour conséquence de surcharger les STEP et de réduire leur rendement. Signalons pour terminer que les plus graves pollutions de l'eau sont souvent causées par des accidents (ruptures de conduites, débordements de cuves, etc.).13 De petits écoulements involontaires mais répétés entraînent également des pollutions importantes, d'autant plus qu'ils sont souvent difficiles à détecter et à localiser (fuites de conduites par exemple). De très petites quantités peuvent suffire à provoquer des effets décelables au goût : "un seul litre d'essence altère de 1 à 5 millions de litres d'eau, (...) vingt litres d'essence peuvent ainsi polluer la consommation quotidienne d'une ville de 200'000 habitants." (SPE 1993b, p.116). Il y a relativement peu de possibilités 10 Le problême des pluies acides relève de la protection de l'air (pt. 7.1) et celui des déchets est aborde au plus bas (pt. 7.3). 11 Voir â ce propos Dorioz 1993. 12 II est approprié de parler de sels au pluriel plutôt qu'au singulier. En effet, les produits utilises peuvent contenir plusieurs types de sels. L'annexe 4.6 de l'Osubst précise dans quelles conditions ils peuvent être épandus. Outre leur effet dans l'eau, les sels réduisent la durée de vie des véhicules et du revêtement, ce qui implique un taux de renouvellement supérieur et donc une consommation accrue de ressources. 13 L'aspect particulier des catastrophes écologiques est traité au point 7.7. "Protection contre les accidents majeurs".- 106 Politique environnementale et efficacité économique d'action contre ce type de pollutions, si ce n'est la prise de mesures de sécurité adéquates et la réalisation de contrôles. Notre examen se limite aux activités qui, par leur déroulement normal, portent atteinte à la qualité des eaux. Comme dans le cas de l'air, un marché de permis porterait sur un polluant unique. u Seuls les principaux polluants de l'eau sont analysés ci-après, à savoir le phosphore, les paramètres de l'azote et les métaux lourds, ainsi que les problèmes posés par les chlorures, la pollution thermique et la consommation d'eau des ménages. On a par contre renoncé à étudier plus à fond l'utilisation de certificats pour contrôler des substances telles les sulfates (SO42'), les fluorures (F') et les cyanures (CN") car, sauf cas particulier et local, elles ne représentent pas un problème important pour les eaux en Suisse (Rosselet 1993). Soulignons enfin que les expériences pratiques de mise en oeuvre de permis sont bien moins nombreuses dans le cas de l'eau que dans celui de l'air. Cela pourrait s'expliquer par le fait que !es entreprises polluant l'eau ont longtemps pu accéder au réseau d'égouts gratuitement ou en ne payant qu'une taxe ne couvrant pas le coût réel d'épuration. En d'autres termes, le traitement des eaux usées industrielles a longtemps été subventionné (Yandle 1989, pp. 100- 102). De ce fait, les entreprises n'ont jamais été incitées à rechercher les moyens les moins coûteux de traiter leurs rejets. Quelques applications de permis ont toutefois été réalisées aux Etats-Unis, pour le contrôle des rejets de phosphore dans les Lacs Dillon (dans le Colorado) et Michigan (voir en particulier David et al. 1980 et Tietenberg 1991, pp.5-6) et le long de la Fox River, dans le Wisconsin (voir O'Neil et al. 1983, Hahn 1989b, Gastaldo 1992). De manière générale, le recours aux certificats pour le contrôle de la qualité des eaux n'a pas abouti au succès escompté (voir à ce propos Tripp et Dudek 1989, pp.386-388, Gastaldo 1992, p.38 ou Markandya 1995, p.14). Plusieurs autres études ont confirmé que l'eau n'est pas un domaine se prêtant bien à l'introduction d'un système de permis (voir en particulier Hanley 1992, p.26 et Turner, Pearce et Bateman 1994, p. 163). 7.2.2. Phosphore total a) Description Le phosphore est un élément nutritif dont l'introduction dans l'eau a pour conséquence "la prolifération des algues, dont la décomposition nécessite une forte consommation d'oxygène; dans un cours d'eau eutrophe, donc moins 14 La DBO peut parfois servir à exprimer les atteintes causées par des substances différentes sur une échelle commune. Lorsque cela est possible, un système permettant des échanges inter-polluants pourrait être envisagé. Voir â ce propos Eheart (1980) pour un système de permis intégrant plusieurs polluants selon leur contribution è la consommation d'oxygène dissous et Opaluch et Kashmanian (1985) pour un système d'échange considérant huit polluants de Peau, avec une table d'équivalence dressée â partir des standards légaux de l'EPA. 107 7. Politique environnementale oxygéné, le peuplement piscicole change complètement, les cyprinidés remplaçant les salmonidés." (SPE 1993b, p.98). Des effets importants peuvent être induits par de petites quantités : "un kilo de phosphore permet à 114 kilos d'algues de se développer, dont la décomposition consommera l'oxygène dissous de 14 millions de litres d'eau" (ibid., p.99). Les principales sources de rejet de phosphore sont les ménages (déjections humaines, restes de repas, produits de lavage et de nettoyage), les industries (principalement agro- alimentaires) et l'agriculture (engrais de ferme). b) Réglementation actuelle Il n'existe pas de norme précise en ce qui concerne la teneur admissible de phosphore dans les eaux. La législation stipule toutefois qu' "il doit y avoir une production mésotrophe de planctons", ce qui correspond à des concentrations de l'ordre de 20 à 30 u.g/1 (Houriet 1993). La concentration des rejets des STEP ne doit pas être supérieure à 0,8 mg/l. La situation s'est grandement améliorée depuis l'interdiction des phosphates dans les lessives, mais elle varie encore passablement d'un lac à l'autre. Elle est bonne pour les lacs de Neuchâtel, des Quatre-cantons, de Thoune et de Brienz ainsi que pour le lac Majeur (< 30 ng/l). Elle est par contre moyenne dans les lacs Léman et de Constance (< 50 ug/1) et très mauvaise dans le lac de Zoug (> 120 Lig/I) (Liechti et Jakob 1992). Remarquons aussi que la Confédération étudie actuellement la possibilité de prélever une redevance sur les émissions de phosphore des STEP et des entreprises émettant directement dans le milieu naturel (OFEFP 1993a). A cet effet, on a défini une "région phosphore" qui englobe toute la partie "en amont des lacs", puisqu'il s'agit d'éviter leur eutrophisation.,5 La taxe, dont le montant s'élèverait à quelque 45 francs par kilo de phosphore rejeté, serait prélevée "auprès de ceux qui déversent des eaux usées directement dans les eaux" (ibid., p.R-10), soit, en pratique, les STEP et certaines entreprises. Une telle redevance poursuit deux objectifs : le financement et l'incitation. Dans le premier cas, il s'agit de financer les activités de dépollution de l'eau non plus par l'impôt (comme aujourd'hui) mats par le biais d'un fonds d'épuration alimenté par la redevance. D'autre part, il s'agit de créer les conditions économiques encourageant la réduction des émissions (ibid., p.R-6). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Sur le bassin versant d'un lac particulièrement eutrophe, on pourrait attribuer aux principaux émetteurs des certificats négociables autorisant le rejet d'une quantité donnée de phosphore. L'introduction d'un tel système a été tentée aux Etats-Unis (lacs Dillon et Michigan, Fox River, voir plus haut), mais les situations américaine et suisse ne sont pas comparables, si bien que les La "région phosphore" comprend grosso modo la Suisse romande, la Suisse centrale et les Grisons; voir OFEFP 1993a. carte p.104. 108 Politique environnementale et efficacité économique conclusions tirées de ces essais ne s'appliquent guère dans notre pays. Par ailleurs, les bassins versants des lacs les plus eutrophes (Zoug, Sempach, Hallwil) sont de petite taille, sans comparaison possible avec celui du Lac Michigan, ce qui limite le nombre de participants, et donc l'ampleur et la liquidité du marché. Selon l'OFEFP (1993a, p.A-13), il pourrait exister de ce fait un certain risque de distorsions concurrentielles et/ou d'ententes particulières entre les participants. Enfin, la déphosphatation de l'eau, réalisée dans toutes les STEP, est un procédé simple (adjonction de chlorure ferrique) et surtout peu onéreux. On ne rencontre donc pas dans notre pays les conditions favorables à l'introduction d'un système de certificats pour contrôler les rejets de phosphore (Tableau A-8). Remarquons que l'usage éventuel de certificats a été analysé succinctement dans le cadre des réflexions concernant la taxe sur les eaux usées (OFEFP 1993a, p.A-13), Les difficultés de mise en oeuvre ont toutefois été jugées trop importantes pour que l'on puisse songer à introduire cet instrument dans la politique de protection des eaux en Suisse, sans toutefois que ne soit donnée une argumentation détaillée pour appuyer cette thèse. 7.2.3. Paramètres de l'azote a) Description On regroupe sous le terme générique de "paramètres de l'azote" les nitrates (NO3"), les nitrites (NO2"), l'ammoniaque (NH3+) et l'ammonium (NH4+). Ce sont également des éléments nutritifs participant à l'eutrophisation des eaux. Par ailleurs, la présence de nitrates pose un problème particulier lorsque l'eau est destinée à l'alimentation. La principale source d'émissions de ces substances est l'agriculture (engrais azotés); il s'agit donc de sources non-points. La dénitrification étant une opération compliquée et onéreuse, il est nécessaire d'agir préventivement. Notons aussi que les nitrates contenus dans les engrais mettent entre 15 et 30 ans pour atteindre les eaux souterraines, si bien que "même l'arrêt brutal des pratiques agricoles incriminées ne résoudrait rien avant une demi-génération humaine." (SPE 1993b, p.117). b) Réglementation actuelle L'ordonnance sur le déversement précise que la concentration des déversements de nitrates doit être "aussi réduite que possible", et que la teneur dans les eaux ne doit pas dépasser 25 mg/l. La pollution par les nitrates est problématique lorsque l'eau est destinée à être consommée. Près de 12% de la population suisse serait alimentée par des eaux contenant plus de 25 mg/l NO3, et la teneur serait même supérieure à 40 mg/l pour 1% des habitants. Dans certains cas, les services de distribution doivent effectuer des dilutions avec des eaux pauvres en nitrates (OFEFP 199Od, p,25). En ce qui concerne les nitrites, il n'y a pas de norme relative aux teneurs des eaux. En revanche, les concentrations ne doivent pas dépasser 1 et 10 mg/l pour le 109 7. Politique environnementale déversement, respectivement, dans les eaux et dans les canalisations publiques. Dans le cadre de leur programme d'assainissement, certaines STEP sont actuellement équipées de procédés de dénitrification. Par ailleurs, la Confédération étudie également la possibilité d'introduire une taxe sur les déversements d'azote (OFEFP 1993a). On a défini à cet effet une "région azote" qui comprend tout le bassin versant du Rhin en aval des lacs. Le montant de la redevance pourrait atteindre 6 francs par kilo d'azote déversé. Comme dans le cas du phosphore, la taxe serait prélevée "auprès de ceux qui déversent des eaux usées directement dans les eaux" et elle poursuivrait le double objectif de financement et d'incitation. Par ailleurs, lors de la troisième conférence internationale sur la protection de la Mer du Nord (La Haye, mars 1990), la Suisse s'est engagée à réduire ses apports en azote dans le Rhin, afin de contribuer à la conservation de la qualité des eaux de cette mer (OFEFP 1991b, p. 123). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Comme pour le phosphore précédemment, il n'existe pratiquement pas d'endroits en Suisse où les conditions préalables soient vraiment favorables pour la mise en oeuvre d'un système de permis destiné au contrôle des rejets d'azote. On trouve bien une certaine concentration d'entreprises textiles sur la Glatt, dans les cantons de St-GaII et d'Appenzell Rhodes Extérieures, mais leur nombre reste trop réduit pour qu'un véritable marché puisse se développer. L'usage de certificats pour contrôler les émissions d'azote a d'ailleurs été considéré dans le cadre des réflexions sur le financement de l'épuration des eaux usées (OFEFP 1993a). L'OFEFP est toutefois arrivé à ta conclusion que la mise en oeuvre de l'instrument "certificats" serait plus compliquée que celle d'une redevance. Il estime par ailleurs que l'usage de certificats ne s'inscrit pas bien dans le contexte international, car aucun des pays qui nous entourent n'y a recours, alors que certains mettent en oeuvre des redevances (Carrard 1993). On observera toutefois que les certificats se prêteraient mieux que la taxe à une différenciation régionale des émissions. Cependant, la principale source d'émission de nitrates et de composés d'azote est l'agriculture : sur quelque 80'000 tonnes quittant annuellement la Suisse par le Rhin en direction de la Mer du Nord, 62'0OO tonnes proviennent de l'agriculture (ibid.). Comme il s'agit là d'une source diffuse, et non ponctuelle, il n'est pas possible de collecter les eaux polluées et de les traiter. Les certificats devraient donc porter directement sur les quantités d'engrais répandues (certificats fondés sur les produits). Ce problème particulier est traité au point 8.2 "Agriculture". L'usage de certificats fondés sur les émissions de nitrates et des autres paramètres de l'azote n'est donc guère opportun (Tableau A-9). 110 Politique environnementale et efficacité économique 7.2.4. Métaux lourds a) Description Sous le terme générique de "métaux lourds", on considère principalement le plomb (Pb), le cadmium (Cd), le chrome (Cr), le nickel (Ni), le mercure (Hg) et le zinc (Zn). Il s'agit de substances xénobiotiques, c'est-à-dire qu'elles ne se dégradent pratiquement pas dans le milieu naturel. Selon les concentrations rencontrées, les métaux lourds peuvent rendre l'eau impropre à la consommation, intoxiquer les plantes et réduire la fertilité des sols (OFEFP 1987a, p.8). Dans les cours d'eau, les métaux, en règle générale, se déposent rapidement dans les sédiments, à proximité du lieu d'émission. Sous leur forme ionique, ils peuvent toutefois être emportés sur de longues distances, notamment le nickel. Cependant, la pollution des eaux par les métaux lourds ne représente pas actuellement un problème important en Suisse, sauf éventuelles exceptions locales (Rosselet 1993). b) Réglementation actuelle Pour les eaux usées rejetées en canalisations, l'ordonnance sur le déversement prescrit les concentrations maximales tolérées pour une douzaine de métaux. Il s'agit dans la plupart des cas de très faibles quantités, exprimées en dixièmes ou centièmes de mg/l. c) Possibilités d'application d'un système de certificats Les effets des métaux lourds étant principalement locaux, la première démarche consiste à identifier un bassin versant ou un tronçon de rivière comprenant une certaine concentration de sources d'émission. La partie bâloise du Rhin, où se trouve regroupée une bonne part de l'industrie chimique suisse, pourrait a priori représenter un cas d'étude intéressant. Le "Plan d'action Rhin" souhaite précisément parvenir à une réduction de 50% de tous les apports en polluants dans ce fleuve (Houriet 1993). Des échanges de certificats pourraient prendre place dans ce cadre. Toutefois, d'importantes mesures de protection ont encore été prises depuis l'accident de Schweizerhalle. En particulier, les usines importantes disposent d'installations de prétraitement de leurs eaux usées, ce qui diminue passablement l'intérêt d'un système de certificats. Par ailleurs, ces eaux sont aussi traitées en STEP. Ainsi, les certificats ne représentent certainement pas l'instrument le mieux adapté au contrôle des émissions de métaux lourds dans l'eau (Tableau A-10). 7.2.5. Chlorures a) Description Le terme "chlorures" est le nom générique regroupant l'ensemble des sels résultant de la combinaison de l'acide chlorhydrique (MCI) avec une base (par 111 7. Politique environnementale exemple hydroxydes de sodium, de calcium, de magnésium, ,..). A partir d'une certaine concentration, la présence de sels peut perturber le développement des plantes aquatiques et éventuellement celui des peuplements de poissons. Les apports de sels dans les eaux sont dus à deux sources principales : d'une part l'industrie (chimie, électrochimie, électrométallurgie et, de manière générale, tous les procédés d'électrolyse) et d'autre part l'épandage de produits à dégeler sur les routes en hiver. Remarquons que la plupart des STEP ne sont pas en mesure de traiter les sels dissous et que, par leur action de déphosphatation (adjonction de chlorure ferrique), elles contribuent à la pollution des eaux par les sels. b) Réglementation actuelle Les apports en provenance de l'industrie sont réglementés par l'Ordonnance sur le déversement des eaux usées, qui précise que la charge en chlorures doit être "aussi limitée que possible". Les conditions d'usage des produits à dégeler sont définies quant à elles dans l'annexe 4.6 de l'Osubst. La concentration à ne pas dépasser dans les rivières et les lacs est de 100 mg/l. Bien qu'on assiste à une lente augmentation de la salinité et de la conductivité des eaux, les concentrations actuelles en chlorures sont, sauf rares exceptions locales, assez nettement inférieures à l'objectif fixé (Carrard 1993, Houriet 1993). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Comme les autres polluants de l'eau, les chlorures d'origine industrielle se prêtent mal au contrôle par un système de certificats. Par contre, une application pourrait être envisagée en ce qui concerne les produits à dégeler répandus sur les routes en hiver. Par exemple, un quota de sels pourrait être attribué à chaque commune, en fonction de la longueur du réseau routier à entretenir, de la charge en véhicules et d'un indicateur à définir (enneigement, altitude, température, etc.). Les certificats représenteraient l'autorisation d'épandre une quantité donnée de sels sur le territoire communal. Ils seraient négociables et non capitalisables. Un tel système est mis en oeuvre par trois Etats du bassin de Murray-Darling, en Australie (crédits de réduction des rejets de sels, voir OCDE 1994c, p.96). Toutefois, peu d'échanges ont eu lieu jusqu'à présent, car les Etats préfèrent conserver les permis pour les années suivantes (ibid.). D'autres problèmes pratiques pourraient encore apparaître. On admet par hypothèse qu'un salage réduit signifie des risques accrus d'accidents, ce qui n'est pas souhaitable. D'autre part, le coût des produits utilisés constitue déjà une incitation à l'économie. Par ailleurs, l'intérêt des certificats n'est pas déterminé par la différence entre les coûts marginaux, mais par l'utilité que le salage représente pour les communes. Ainsi, bien que techniquement possible, le contrôle des sels par un système de certificats ne représente qu'un faible intérêt économique (Tableau A-11 ). 112 Politique environnementale et efficacité économique 7.2.6. Pollution thermique a) Description On entend par pollution thermique la modification de la température des rivières lorsqu'elles recueillent des eaux utilisées à des fins de refroidissement (production nucléaire d'électricité, certains procédés industriels, ...)¦ Cette forme particulière de pollution peut perturber la biologie des milieux aquatiques : certains micro-organismes disparaissent, entraînant la mort ou la migration d'une partie de la faune piscicole; les effets peuvent se faire sentir sur plusieurs centaines de mètres en aval du lieu de déversement. b) Réglementation actuelle La température maximale des déversements est limitée â 300C dans les cours d'eau, et les déversements ne doivent en aucun cas provoquer un réchauffement supérieur à + 30C. Le respect des normes ne paraît pas entraîner de difficultés particulières pour les entreprises suisses. Ceci est vrai aussi pour la Centrale nucléaire de Mühleberg, entièrement refroidie à l'eau (Houriet1993). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Un système de certificats n'est pas approprié pour contrôler cette forme particulière de pollution de l'eau, principalement parce que les effets sont localisés et que la compensation n'est guère possible. Un rejet froid ne saurait atténuer les atteintes dues à un rejet chaud ; au contraire, les deux déversements sont causes de dommages. Par ailleurs, le respect des normes actuelles est assuré sans entraîner de coûts importants (Tableau A-12). 7.3. Gestion des déchets 7.3.1. Considérations générales et délimitations Depuis quelques années, la gestion des déchets est devenue une question préoccupante, qui pose "de plus en plus un problème de santé publique, en raison des volumes qu'atteignent les flux de déchets et des substances toxiques ainsi véhiculées" (OCDE 1991a, p.43). En Suisse, les dispositions juridiques afférentes sont contenues dans la Loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE), dans l'Ordonnance sur le traitement des déchets (OTD) et l'Ordonnance sur les mouvements de déchets spéciaux (ODS). Remarquons qu'aucun de ces textes ne définit ce qu'il faut entendre par déchets. L'OTD classe toutefois ceux-ci en deux catégories : les déchets urbains et les déchets spéciaux (art.3). La première catégorie englobe "les déchets produits par les ménages, ainsi que les autres déchets de composition analogue", et la seconde regroupe les déchets appartenant à la liste dressée 113 7. Politique environnementale par l'ODS en son annexe 3.16 Les déchets spéciaux sont traités de manière particulière en raison de leur toxicité : certains contiennent de l'arsenic, du cyanure, du mercure, du Chromate, des PCB, etc. Dans la littérature, on traite parfois de déchets industriels et ménagers. Il s'agit d'une distinction portant sur la provenance des déchets, dont la nature est soit urbaine, soit spéciale. Remarquons que les ménages produisent aussi des déchets spéciaux (colles, huiles, médicaments, peintures, piles, solvants, sprays, thermomètres,...), mais en quantités très faibles par rapport à l'industrie. La réduction du volume des déchets peut être obtenue par des mesures prises successivement lors de trois étapes de la "vie" des déchets : phase de production, phase de récupération-valorisation et phase d'élimination (adapté de Gandy 1994, p.20). Premièrement, il est nécessaire de diminuer autant que possible la production des déchets, en favorisant les fabrications et les consommations générant peu de déchets. Deuxièmement, une fois ceux-ci produits, il importe d'encourager systématiquement leur tri, leur récupération et leur recyclage afin de permettre leur valorisation, c'est-à-dire la transformation et la réutilisation de ce qui peut l'être. Troisièmement, pour la partie des déchets qui ne peut être valorisée, l'élimination et le stockage doivent être rendus aussi peu nocifs que possible (meilleure épuration des fumées des usines d'incinération, plus grande étanchéité des décharges, etc.). La possibilité de mettre en oeuvre un système de certificats pour la gestion des déchets est appréciée selon ces trois modalités d'action. 7.3.2. Production des déchets a) Description En Suisse, le volume des déchets a triplé au cours des 35 dernières années (OFEFP 1991b, p.135), ce qui cause des problèmes de capacités de collecte et de traitement entraînant une forte augmentation des coûts. En 1990, le volume total des déchets produits en Suisse dépassait les 6 millions de tonnes. La part provenant des ménages représentait environ 43% du poids total (2'900'000 tonnes), celle de l'industrie 45% (3'000'000 tonnes) et il était Il s'agit des déchets inorganiques avec métaux dissous, des déchets contenant des solvants, des déchets liquides huileux, des déchets de peinture, vernis, colle, mastique et déchets d'imprimerie, des déchets et boues de fabrication, de préparation et du traitement des matériaux (métaux, verre, etc.), des déchets inorganiques solides d'usinage ou de traitements mécaniques ou thermiques, des résidus de cuisson, fusion, incinération, des déchets de synthèse et autres procédés de la chimie organique, des déchets inorganiques de traitements chimiques, liquides ou boueux, des déchets inorganiques solides de traitements chimiques, des déchets de l'épuration des eaux usées et du traitement de l'eau, des matériaux et appareils souillés, des refus de fabrication et déchets ainsi qu'objets, appareils et substances usés, et des déchets de l'entretien des voies publiques. Remarquons que les déchets nucléaires ne sont pas compris dans cette liste. Leur traitement est soumis à l'Ordonnance concernant la protection contre les radiations et à celle concernant le ramassage et l'expédition des déchets radioactifs. Ce problème relève par ailleurs de ta compétence de 1"OFSP, et non pas de rOFEFP. 114 Politique environnementale et efficaché économique produit quelque 800'000 tonnes de déchets spéciaux, représentant 12% du poids total (OFEFP 1992a, Annexes, Tableau 1). En 1991, près d'un quart des déchets spéciaux produits en Suisse a été exporté vers l'étranger (OFEFP 1992c, p.46). b) Réglementation actuelle Les prescriptions légales relatives au traitement des déchets sont contenues dans POTD et l'ODS. Cette dernière ordonnance se donne notamment pour but de "protéger les hommes, les animaux, les plantes et leurs biocénoses ainsi que les eaux, le sol et l'air contre les atteintes nuisibles ou incommodantes dues aux déchets, et limiter préventivement la pollution de l'environnement par les déchets" (art.1). Il n'existe toutefois aucune norme visant à limiter préventivement le volume des déchets. A cet effet, certaines communes ont mis en oeuvre un système de taxes sur les sacs-poubelles. La révision de la LPE prévoit l'introduction d'une taxe sur les solvants (déchet spécial), et l'élimination de certains Jéchets particuliers (carcasses de voitures) est déjà partiellement financée par le prélèvement d'une taxe. L'ODS contient quant à elle les prescriptions s'appliquant aux mouvements des déchets spéciaux, notamment les conditions de transport, d'exportation et d'importation. c) Possibilités d'application d'un système de certificats La production de déchets pourrait être limitée en imposant des quotas négociables aux émetteurs. Il importe alors, pour des raisons de sécurité et de commodité de transaction, de faire une distinction selon la nature et l'origine des déchets (déchets spéciaux ou urbains, d'origine ménagère 1? ou industrielle). - Déchets urbains d'origine ménagère Les quotas seraient calculés en fonction de la taille des ménages et éventuellement de leur composition, et ils seraient matérialisés par des vignettes autocollantes officielles. Les sacs dotés de vignettes seraient les seuls récoltés par la voirie, comme c'est déjà le cas actuellement avec la taxe prélevée à travers la vente de sacs ou de vignettes ("taxe- poubelles"). Le nombre élevé de participants n'est pas gênant dans ce cas, car le seul contrôle à effectuer est de vérifier que les sacs soient bien dotés de vignettes, ce qui n'implique pas un coût administratif très élevé. Les ménages qui produisent peu de déchets (achats Les ménages ne sont généralement pas considérés comme des participants potentiels â un marché de permis car il s'agit de sources de pollution souvent trop petites et trop nombreuses (voir pt. 3.2). Toutefois, dans le cas des déchets, il est intéressant de prendre en compte les ménages, étant donné l'existence - et. par place, la mise en oeuvre - d'un autre instrument économique : la taxe d'incitation. 115 7. POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE différenciés ,s, tri à la source, récupération, recyclage, compostage, etc.) auraient la possibilité de revendre les vignettes inemployées à l'organe de contrôle (par exemple la commune), à un prix qui dépendrait des conditions de l'offre et de la demande. Inversement, les ménages produisant plus de déchets que ne le permet leur capacité initiale en vignettes devraient acquérir des vignettes supplémentaires. En faisant l'hypothèse que l'efficacité d'un système de certificats est égale à celle enregistrée jusqu'à présent avec la taxe-poubeltes, on peut s'attendre à une réduction du volume des déchets ménagers comprise entre 15 et 30% (OFEFP 1992a, p.37). Différentes études relatives à la composition des poubelles ont d'ailleurs montré que le potentiel de réduction (tri) est important (OFEFP 1991b, p.137). Le système exposé ci-dessus n'est toutefois pas exempt d'inconvénients. Par exemple, la procédure de distribution initiale pourrait générer un coût plus important que prévu. D'autre part, on peut craindre le développement de comportements allant à !'encontre du but visé (tourisme des poubelles, dépôts sauvages dans la nature, élimination des déchets par les toilettes ou par des feux de jardin, etc.). Remarquons que ce dernier phénomène apparaît aussi avec la taxe-poubelles, et il se pourrait qu'il soit surestimé (Pokorni 1993). On estime par exemple que, suite à l'introduction d'une taxe-poubelles, "les moyens détournés devraient représenter 1 à 2% de la quantité totale de déchets produits" (OFEFP 1992a, p.25). Ce chiffre aurait même tendance à diminuer, les ménages se lassant rapidement de ce genre d'exercice (Pokorni 1993). En conséquence, pour autant que des installations de tri (dèchetteries) soient mises à disposition de la population, les déchets urbains provenant des ménages pourraient se prêter au contrôle par un système de certificats (Tableau A-13). Remarquons qu'une variante du système proposé ci-dessus peut être envisagée avec les communes plutôt que les ménages (voir pt. 7.3.4). Déchets urbains produits par les entreprises Le marché proposé ci-dessus pour les ménages pourrait être adapté pour les entreprises. La mise en oeuvre de certificats pour réduire le volume des déchets urbains (non spéciaux) produits par les entreprises est toutefois limitée par plusieurs particularités. D'une part leur nature est moins homogène que celle des déchets provenant des ménages; d'autre part les volumes produits peuvent connaître des variations saisonnières importantes (commandes particulières, chantiers,...). Ces aspects compliquent la définition des certificats et leur distribution initiale. A ce propos, comme on ne dispose pas de relevés des volumes de déchets 18 On entend par là le fait d'acheter de préférence des produits pas ou peu emballés ou des produits générant peu de déchets à l'usage ou à l'élimination. 116 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE produits, il faudrait trouver une clé de distribution acceptable par tous les participants potentiels. Ni le chiffre d'affaires, ni le nombre de personnes employées ne semblent convenir. En fait, il serait probablement nécessaire de faire une distinction par genres de déchets (cartons, mousses, plastiques, métaux, etc.) ou par types d'entreprises (construction, agro-alimentaire, industrie du bois, etc.). Cela aurait pour effet de réduire l'ampleur des marchés. Par ailleurs, les possibilités de réduction des déchets varient de manière importante selon le type d'entreprises considéré. Elles sont souvent plus faibles que dans le cas des ménages, ce d'autant plus que ce qui peut être réutilisé ou recyclé l'est déjà pour de simples raisons économiques. Enfin, on ne saurait exclure des distorsions de concurrence entre les producteurs nationaux (soumis au système des certificats) et les producteurs étrangers (non soumis). Pour ces diverses raisons, les déchets urbains des entreprises ne se prêtent pas vraiment bien au contrôle par un système de certificats (Tableau A-14). - Déchets spéciaux Etant donné la nature très hétérogène des déchets spéciaux (voir annexes de l'ODS), il serait nécessaire d'introduire une distinction par type de déchet spécial, ce qui réduirait la taille possible des marchés. D'autre part, le potentiel de réduction des volumes produits est, en règle générale, plutôt faible (Gauderau 1993, Fahrni1993). Le fait que la Suisse ne dispose pas d'industries lourdes produisant de très grandes séries accentue encore ce phénomène {ibid.). 19 Pour les déchets spéciaux autres que les solvants, une réelle réduction des volumes produits ne peut être obtenue qu'en modifiant le procédé de fabrication de manière assez importante (Gauderau 1993). Ceci est vrai principalement pour l'industrie chimique et l'industrie des machines (Fahrni 1993). Par ailleurs, la nature des déchets spéciaux fait qu'en cas de mauvais traitement, de graves pollutions locales sont à craindre. On risque également la modification des conditions de concurrence entre les producteurs nationaux (soumis aux certificats) et les producteurs étrangers (non soumis). Enfin, un système de taxes destiné à financer l'élimination des déchets spéciaux a été proposé (voir notamment Schleiniger 1992, p.116 et ss.), mais son introduction n'a pas été retenue dans les propositions de modifications de la LPE, ce qui semble indiquer que, dans ce domaine, la mise en oeuvre d'un instrument économique pourrait être problématique. Pour ces différentes raisons, un marché de certificats n'est pas adapté au contrôle des déchets spéciaux (Tableau A- 15). 19 Les solvants constituent une exception notable, car il existe des produits de substitution et des possibilités de recyclage. Toutefois, la révision en cours de la LPE prévoit précisément l'introduction d'une taxe d'incitation sur les COV. 117 7. POLITIQUE EWIRONNEMEMTALE 7.3.3. Valorisation des déchets a) Description Par valorisation des déchets, on entend la récupération et la réutilisation de ce qui peut l'être, après un tri systématique et éventuellement divers procédés de transformation. On récupère/réutilise notamment les matériaux dont l'élimination est particulièrement polluante et/ou ceux pour lesquels le coût de production à partir de matières premières neuves est élevé. Par exemple, la production de papier à partir de matière récupérée permet de réduire la consommation d'eau de 5 à 10 fois et d'économiser quelque 50% d'énergie par rapport à la production à neuf (SCPEN 1992). Remarquons toutefois que les quantités récupérées sont parfois supérieures aux possibilités de traitement par l'industrie nationale. En Suisse, c'est le cas notamment du verre, pour lequel les prix moyens ont fortement diminué : si la tonne de verre récupéré était payée 49 francs en 1989, elle ne valait plus que 15 francs dès 1991 (ATS 1993). En Allemagne, on a introduit un système de consigne obligeant les entreprises produisant et utilisant des emballages à les récupérer puis à les recycler, mais cet essai se heurte à une capacité de recyclage actuellement insuffisante (The Economist 1993a et 1993b). b) Réglementation actuelle Concernant la valorisation, l'OTD (art. 12 et ss.) stipule que "l'autorité peut demander au détenteur d'une entreprise industrielle, artisanale ou de prestation de services de déterminer si des possibilités de valorisation existent ou pourraient être créées pour ses déchets, et de l'informer du résultat de ses recherches." Pour le reste, on précise dans quelles conditions certains déchets particuliers (mâchefers,...) peuvent être valorisés. Dans certains cas, une taxe d'élimination est prélevée à l'achat (piles, réfrigérateurs,...). Remarquons aussi que rOsubst réglemente la manière de traiter certains déchets qui pourraient être valorisés. Dans le cas des piles (Osubst, annexe 4.10, art.31-32), on précise que tes consommateurs ont l'obligation de déposer les piles usagées contenant du mercure ou du cadmium dans les lieux de collecte, et que les fabricants et les commerçants ont l'obligation de les reprendre gratuitement. En ce qui concerne les matières plastiques, l'Osubst précise sous quelles conditions l'indication "Elimination sans danger pour l'environnement" peut être apposée {annexe 4.11 ). c) Possibilités d'application d'un système de certificats - Piles usagées On peut imaginer demander aux producteurs nationaux et aux importateurs, éventuellement aux négociants, de récupérer une certaine part des piles mises en vente sur le marché suisse (pas nécessairement celles qu'ils ont eux-mêmes vendues). Il s'agirait d'une obligation 118 Politique environnementale et efficacité économique négociable entre les agents concernés. La distribution initiale pourrait se faire facilement, en fonction des ventes des années précédentes. Bien que techniquement séduisante, cette application souffre de deux limites. Tout d'abord, les piles vendues actuellement, et cela dans une proportion croissante, ne contiennent plus ou presque plus de métaux lourds, ce qui rend possible leur élimination par incinération. 20 D'autre part, il existe un instrument plus simple à mettre en oeuvre : le prélèvement d'une consigne lors de la vente, à l'instar de ce qui se fait avec les bouteilles. En conséquence, les certificats ne représentent peut-être pas l'instrument le mieux adapté au contrôle des piles usagées (Tableau A-16). - Réfrigérateurs, congélateurs et systèmes de climatisation La récupération des CFC contenus dans les appareils frigorifiques est un cas d'application possible d'un système d'obligations négociables (voir plus haut pt. 7.1.5). - Autres matériaux recyclables On peut imaginer l'introduction d'obligations négociables afin d'encourager la récupération et le recyclage de divers autres matériaux : vieux papiers, verre, PET, aluminium, métaux, pneus, tubes fluorescents (néons), huiles, ordinateurs, composants de véhicules, etc. Aux Etats- Unis, plusieurs études ont été menées à ce propos (voir Stavins 1991, p.55 et ss, ainsi que le projet de Recycling Credit System proposé par Dinan 1991 et 1992}. Dans ces propositions, les entreprises se verraient imposer l'utilisation d'une certaine quantité de matériaux recyclés. Par exemple, les producteurs de verre seraient tenus d'inclure une certaine proportion de verre usagé dans leur input. Les entreprises qui utiliseraient plus de verre usagé que ce qui leur est demandé recevraient des permis qu'elles pourraient vendre à celles qui recourent peu ou pas au verre recyclé. L'EPA travaille sur un tel projet pour le papier de journal (Opschoor et Turner 1994, p.267). Toutefois, un certain nombre de problèmes pratiques pourraient se poser. Tout d'abord, il existe des risques importants pour le fonctionnement des marchés des produits considérés si la Suisse était le seul pays à introduire un tel système. Ce procédé risquerait en effet d'isoler le marché national et de constituer une entrave à la concurrence entre producteurs nationaux et étrangers. Le système envisagé ne devrait pas présenter d'avantages pour les entreprises nationales, afin de ne pas aller à !'encontre des règles GATT/OMC, et notamment de l'article XX. Il ne devrait pas présenter de Sont considérées comme non polluantes les piles dont Ea teneur en cadmium et en mercure ne dépasse pas 250 mg au total par kg de piles (ODS annexe 4.10}. Elles ne sont plus dotées du pictogramme indiquant qu'elles ne doivent pas être jetées à la poubelle (ODS annexe 1 chi 22). Remarquons toutefois que seules les piles au lithium ne contiennent véritablement aucun métal lourd. Les autres piles non polluantes contiennent soit du cadmium en faible quantité, soit du charbon et du zinc, un autre métal lourd (Fahrni 1993). 119 7. Politique environnementale désavantages non plus, afin de ne pas réduire la capacité concurrentielle des entreprises suisses. Enfin, la plupart des matières recyclables étant produites aussi bien par les ménages que par les entreprises, il faudrait distinguer les deux marchés et éviter les interférences. Pour ces diverses raisons, la mise en oeuvre de certificats (obligations) pour encourager le recyclage pourrait être problématique. Par ailleurs, il n'est pas certain qu'il s'agirait là d'une solution plus efficace que le prélèvement d'une consigne (Tableau A-17). 7.3.4. Elimination des déchets a) Description La part non valorisable des déchets doit être éliminée. Deux options sont possibles : l'incinération et la mise en décharge. Ces procédés sont tous deux causes d'atteintes à l'environnement : le premier par l'émission conséquente de polluants atmosphériques, le second par la pollution possible des eaux et des sols, ainsi que par les atteintes au paysage. b) Réglementation actuelle Les prescriptions relatives aux conditions de mise en décharge sont contenues dans les articles 21 à 37 de I1OTD1 celles concernant l'incinération dans les articles 38 à 42 de l'OTD et dans l'OPair. Les communes couvrent les frais d'incinération de leurs déchets en s'acquittant d'une facture généralement proportionnelle aux quantités qu'elles livrent aux UIOM. Remarquons aussi que l'OFEFP étudie le prélèvement d'une taxe sur la mise en décharge. Le but serait d'inciter au recyclage et aussi d'économiser les capacités de stockage (Fahrni 1993). c) Possibilités d'application d'un système de certificats - Incinération des déchets On peut imaginer un système où l'on regrouperait dans un marché l'ensemble des communes livrant des déchets à une UIOM donnée. On attribuerait à chacune un quota de déchets qu'elles seraient autorisées à livrer à l'usine en question, par exemple en fonction de leurs populations. Les communes prenant des mesures particulières afin de réduire leur volume de déchets (sensibilisation de la population, déchetteries, etc.) pourraient vendre leurs certificats excédentaires à celles dont le volume de déchets est particulièrement élevé. Un tel système présuppose que l'on enregistre précisément les apports de chaque commune. 21 Le Ceci se pratique déjà aujourd'hui pour les grandes communes. Toutefois, certaines petites communes se regroupent pour acheminer leurs déchets vers une UlOM, puis elles répartissent les frais en fonction du nombre d'habitants (Lecoultre 1993). 120 Politique environnementale et efficacité économique nombre de participants n'étant pas trop élevé (ce qui était le cas pour les ménages, voir pt. 7.3.2), le coût administratif ne poserait pas de problème particulier. En fait, l'incinération des déchets urbains des communes se prêterait bien au contrôle par un système de certificats (Tableau A-18). - Mise en décharge Les déchets qui ne sont ni incinérés ni exportés ainsi que les résidus des déchets incinérés doivent être déposés dans des sites de stockage définitifs. L'usage de certificats peut être imaginé à ce propos. La Confédération pourrait imposer à chaque canton un certain volume de déchets à stocker sur son territoire, par exemple par rapport à la population résidente. Les cantons pourraient faire de même pour leurs communes. Il s'agirait alors d'une obligation que les collectivités publiques (cantons ou communes) pourraient négocier entre elles. Celles disposant d'une capacité de stockage supérieure à ce qui est demandé se verraient attribuer des certificats pour la différence (tonnes). Elles seraient autorisées à les vendre aux collectivités stockant peu de déchets. On inciterait ainsi les gouvernements à collaborer à la recherche de sites de stockage, ce qui est souhaitable en vue d'atteindre l'objectif fixé de traiter entièrement en Suisse les déchets produits dans notre pays. Remarquons toutefois que la situation financière des cantons ou des communes pourrait influencer le choix des sites de traitement et de stockage. On risque alors de voir se développer le sentiment que les cantons ou les communes les plus pauvres servent de poubelles aux autres. Par ailleurs, il n'est probablement pas souhaitable de multiplier les petits sites de stockages. Il faut aussi compter avec de possibles oppositions de groupes de citoyens ou d'organisations écologiques. La mise en oeuvre d'un système de certificats pourrait donc se heurter à certains problèmes pratiques. Les subventions actuelles ou la fixation d'un prix par les cantons ou les communes acceptant des déchets (négociation ou marché) représentent vraisemblablement une solution plus facile à mettre en oeuvre (Tableau A-19). 7.4. Lutte contre le bruit a) Description Dans les grandes villes, entre 35 et 55% des habitants s'estiment gênés par le bruit, qu'il soit causé par la présence d'autres personnes, d'installations diverses (usines, chantiers,...) ou de trafic (OFS 1991a, p.289). En ce qui concerne la circulation routière, on estime que près de 30% de la population est soumise à des niveaux sonores supérieurs à la VLI de 60 dB (ibid., p.74). Les principales sources de bruit sont "les routes, les installations ferroviaires, 121 7. Politique environnementale les aérodromes, les installations de l'industrie, des arts et métiers et de l'agriculture, les installations de tir et les places d'exercices militaires" (OPB1 art.2). Les sources d'émission sont donc très nombreuses et de nature diverse. Notons aussi que le bruit cause une nuisance instantanée, qui se résorbe immédiatement après l'émission (pour autant qu'il n'y ait pas de lésion physique). La réduction des émissions ou des immissions sonores peut se faire à deux niveaux : lors de l'utilisation des appareils bruyants (appareils, engins, machines, véhicules, etc.) et lors de leur production. Dans le premier cas, on cherche à créer une barrière entre l'appareil bruyant et l'homme (espaces de confinement, murs et vitrages anti-bruit, etc.). Dans le second cas, on recherche, lors de la conception des appareils, des solutions techniques permettant une utilisation aussi peu bruyante que possible. b) Réglementation actuelle L'OPB est l'ordonnance actuellement en vigueur en ce qui concerne la lutte contre le bruit. Elle définit les limites d'émissions de bruit extérieur des installations fixes, des véhicules, des outils et des machines. L'OPB contient également des dispositions sur l'octroi des autorisations de construire des bâtiments d'habitation ou commerciaux dans les secteurs exposés au bruit. c) Possibilités d'application d'un système de certificats Deux possibilités d'application peuvent être envisagées, selon que l'on fonde les certificats sur les émissions ou sur les produits. - Certificats fondés sur les émissions Les émissions de bruit sont comparables à celles d'un polluant atmosphérique et on peut donc imaginer un système de certificats d'émissions sonores (exprimés en dB(A)). Cette idée se heurte toutefois à deux problèmes pratiques. Premièrement, la compensation des effets ne se fait pas bien. L'utilisation d'un appareil particulièrement bruyant ne saurait être compensée par celle, en un autre endroit ou en un autre moment, d'un appareil moins incommodant. Avec un système de permis pour les émissions sonores, on court donc le risque de faire subir des gênes importantes à certains groupes de population (hot spofó). Deuxièmement, les atteintes sont de nature locale : le bruit n'est incommodant qu'à proximité de la source. Les effets ne sont donc pas globaux, si bien que la taille possible des marchés serait plutôt limitée. Ces deux obstacles font que les certificats, lorsqu'ils sont fondés sur les émissions, ne représentent généralement pas un instrument adapté pour la lutte contre le bruit. Cette constatation n'exclut toutefois pas que des applications particulières puissent être trouvées pour certaines sources spécifiques, notamment dans le cas du transport aérien (voir pt. 8.3.2). 122 Politique environnementale et efficacité économique - Certificats fondés sur les produits L'OCDE (1991a, p.49) a proposé très succinctement une application de certificats fondés sur les caractéristiques sonores de certains produits, comme les voitures ou les machines. On pourrait en effet imaginer que les fabricants et les importateurs soient tenus de mettre en vente une certaine proportion (quota) d'appareils peu bruyants (insonorisés). Les certificats représenteraient alors une obligation que les producteurs et les importateurs d'appareils bruyants pourraient négocier entre eux. Remarquons que si les appareils peu bruyants étaient plus onéreux, cette mesure reviendrait à introduire une subvention croisée entre les appareils bruyants et ceux qui seraient insonorisés. D'autres problèmes pratiques pourraient aussi se poser. Par exemple, il existe certains risques pour le fonctionnement des marchés des produits considérés si la Suisse était le seul pays à introduire un système de certificats. Ce procédé donnerait en effet plus de moyens aux producteurs d'obtenir une rente aux détriments des consommateurs. D'autre part, il importerait de s'assurer que les conditions de concurrence ne soient pas modifiées. Le système envisagé ne devrait pas présenter d'avantages pour les entreprises nationales, afin de ne pas aller à !'encontre des règles du GATT/OMC, et notamment de l'article XX. Il ne devrait pas présenter de désavantages non plus, afin de ne pas réduire la capacité concurrentielle des entreprises suisses, et de compromettre ainsi l'acceptabilité. Enfin, comme dans le cas des certificats fondés sur les émissions, les effets ne se compensent pas bien : l'utilisation d'un appareil insonorisé ne réduit pas l'atteinte causée par celle d'un appareil bruyant. Pour ces diverses raisons, les certificats fondés sur les produits ne représentent pas non plus un instrument bien adapté au contrôle du bruit. Ainsi, qu'ils soient fondés sur les émissions ou sur les caractéristiques sonores des produits, les certificats ne représentent pas une solution opportune pour réduire les nuisances dues au bruit (Tableau A-20). Seules des études ont été réalisées à ce propos, mais aucune expérience pratique n'a été tentée (Hahn 1989c, p. 136, Stavins 1995d). L'introduction de permis pour le bruit est généralement considérée comme présentant peu d'intérêt (Turner, Pearce et Bateman 1994, p.163), et les certificats ne comptent pas parmi les instruments économiques que prône l'OCDE pour lutter contre le bruit (i.e. redevances sur les sources de bruit, aides financières et surtaxes sur les produits, voir OCDE 1991e, p.37). Le cas du bruit provoqué par les avions peut toutefois être considéré comme une exception (voir pt. 8.3.2). 7.5. Protection des sols Les sols sont exposés à des atteintes touchant aussi bien leur superficie que leur qualité. L'analyse ci-après ne s'applique qu'à la sauvegarde de la qualité 123 7. Politique environnementale des sols. Les problèmes relatifs à l'utilisation mesurée et conforme aux aptitudes du sol ,sont traités au point 8.1. "Aménagement du territoire". a) Description L'Ordonnance sur les polluants du sol (Osol) ne précise pas ce qu'il faut entendre par sol. Dans le cadre du PNR 22 "Utilisation du sol en Suisse", on l'a défini comme "un écosystème et une partie de la biosphère, partie vivante extrême de la lithosphère dont le développement et l'existence dépendent, à la différence de l'hydrosphère et de l'atmosphère, de la transformation de la biomasse de nombre d'organismes" (Meyer 1991, p.2). Plus simplement, I1OFEFP (1987b, p.9) désigne par le terme sols "les couches supérieures où la végétation peut prendre racines". Notons qu'en raison de leur diversité, il est approprié de parler "des sols" plutôt que "du sol". Leur pollution est causée par l'accumulation de substances non dégradables pas ou peu présentes à l'état naturel. On distingue en particulier : - Les polluants dont la présence dans les sols est à elle seule une menace pour la fertilité. C'est notamment le cas de la dioxine, du benzène, du nonylphénol, des PCB et des furanes. - Les polluants dont la présence dans les sols est préjudiciable à partir d'une certaine teneur. Il s'agit principalement du plomb (Pb), du cadmium (Cd), du chrome (Cr), du cobalt (Co), du cuivre (Cu), du fluor (F), du molybdène (Mo), du nickel (Ni), du mercure (Hg), du thallium (Tl) et du zinc (Zn). On ne connaît encore que peu de choses sur l'action de ces substances dans les sols. On sait toutefois qu'ils n'en disparaissent pas et il est à craindre qu'ils agissent en synergie (OFEFP 1987b, p.17). - Les polluants qui ne s'accumulent pas dans la terre, appelés aussi substances mobiles. Il s'agit essentiellement des chlorures, des sulfates et des nitrates. Les dommages que l'on redoute sont la mise en danger de la santé des consommateurs de produits du sol, la diminution des rendements agricoles, la perturbation des cycles écologiques, l'affaiblissement ou la mort des organismes du sol et la modification de la structure des sols (OFEFP 1987b, p.12). b) Réglementation actuelle La réglementation actuellement en vigueur pour assurer la protection des sols est l'Osol. Son but est de "garantir à long terme la fertilité du sol" (art.1 ). L'Osol repose sur le principe de prévention, car les pollutions du sol sont en règle générale irréversibles (OFEFP 1987b, p.16). Pour les polluants dont les effets ne se font sentir qu'à partir d'une certaine teneur, l'ordonnance prescrit des 124 Politique environnementale et efficacité économique valeurs indicatives (en grammes par tonne de terre minérale séchée à l'air). 2^ Elles ont été fixées à un niveau bas, en se fondant sur des sols peu robustes et sur les cultures et les plantations les plus délicates (ibid., p.13). A l'inverse des valeurs limites, les valeurs indicatives ne constituent pas une norme absolue à respecter dans tous les cas. Toutefois, on admet que si elles sont dépassées, la fertilité des sols est menacée à long terme, et une intervention du pouvoir public s'impose. 23 Par définition, il n'existe pas de valeurs indicatives en ce qui concerne les polluants dont la seule présence dans les sols est une nuisance. Il importe donc de tout mettre en oeuvre pour éviter leur apparition. Il n'y a pas de valeurs indicatives non plus pour les substances mobiles. Remarquons encore qu'en vertu du principe de prévention, la plupart des polluants des sols sont aussi soumis aux prescriptions en vigueur pour la protection de l'air (OPair, OEV) ou de l'eau (Ordonnance sur le déversement des eaux usées, OGPE, OPEL), la gestion des déchets (ODS, OTD) ou des substances dangereuses pour l'environnement (Osubst). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Un système de certificats ne paraît pas adapté au contrôle de la pollution des sols. On est ici en présence d'une pollution secondaire, dans le sens où les polluants ne sont pas émis directement dans les sols. 24 Plus généralement, ils transitent par l'air ou par l'eau, ou ils sont la conséquence de mauvaises conditions de stockage de substances nocives ou de déchets. De ce fait, si un système de certificats devait être introduit en vue de protéger les sols, il devrait l'être en amont. Deuxièmement, les effets sont, en règle générale, très localisés et la compensation n'est pratiquement pas possible. L'usage de certificats reviendrait donc à accepter que certaines zones soient davantage polluées. Par ailleurs, il n'est pas toujours simple de mesurer la quantité de polluants présents dans un sol, ni leurs effets à long terme. Enfin, les dommages sont parfois irréversibles. Il existe de nouvelles technologies de dépollution (bactéries,...), mais elles sont actuellement au stade expérimental, si bien qu'il est aujourd'hui difficilement possible d'assainir un sol contaminé. Dans les cas graves, il est même nécessaire de recueillir Ia terre et de l'incinérer. Pour ces diverses raisons, les mesures réglementaires conviennent mieux que les permis à la protection des sols (Tableau A-21). Pour les détails techniques, voir les annexes de l'Osol. Lors de la procédure de consultation, plusieurs cantons ont insisté sur l'importance de fixer des valeurs indicatives pour le phosphore. L'OFEFP y a cependant renoncé car, bien qu'à l'origine de l'eutrophisation des lacs, cette substance apparaît naturellement dans les sols. Même en grande quantité, elle ne porte pas atteinte à leur fertilité (OFEFP 1987b, p.13). En outre, le phosphore est réglementé par la législation sur la protection des eaux et par l'Osubst (annexe 4.5). L'article 6 de l'Osol précise les modalités d'intervention des cantons. L'utilisation d'engrais fait exception à cette règle. Ce problème particulier est abordé au point 8.2 "Agriculture". 125 7. POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE 7.6. Protection de la faune, de la flore et de la biodiversité a) Description La protection de la faune et de la flore est en Suisse un sujet de préoccupation. A la fin des années 80, 46% des espèces connues de mammifères, 50% des oiseaux, 80% des reptiles et 79% des amphibiens auraient été en voie de disparition dans notre pays (OCDE 1991b, p.41). Les modifications ou les destructions de l'habitat des espèces sauvages, ainsi que le morcellement et/ou la pollution de leurs domaines en sont les causes principales. La situation n'est guère meilleure en ce qui concerne la flore, puisque plus du quart des espèces de plantes seraient menacées de disparition (ibid.). b) Réglementation actuelle La LPN, les ordonnances sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (OChP) et sur la conservation des espèces (OCE) recensent les cas les plus exposés et prescrivent les mesures de conservation appropriées. c) Possibilités d'application d'un système de certificats Récemment, quelques auteurs ont proposé une analyse économique de la conservation de la biodiversité (voir en particulier Angel et al. 1992 et Pearce et Moran 1994). La mise en oeuvre d'un système de certificats a été suggérée dans le but de protéger les habitats des espèces les plus menacées (Panayotou 1994). Dans ce cas, la conservation de la biodiversité est traitée comme un problème d'utilisation du sol dans les pays en voie de développement : les pays industrialisés achèteraient la préservation de vastes espaces naturels dans l'hémisphère Sud (ibid.). En Suisse, les causes d'atteintes à la faune, la flore ou la biodiversité sont nombreuses, et il n'est pratiquement pas possible d'identifier individuellement chaque agent responsable. L'estimation des dommages est difficile elle aussi : par exemple, comment évaluer précisément les conséquences pour la faune du morcellement de l'espace découlant de la construction d'une nouvelle route ? Enfin, la définition quantitative d'un objectif n'est guère possible : comment estimer le nombre de mantes religieuses à préserver alors même que l'on ne dispose d'aucun recensement ? Le recours aux certificats et, de manière plus générale, aux instruments de marché, ne permet pas d'assurer la protection des espèces animales et végétales menacées. Dans ce domaine, il importe d'agir en amont, c'est-à-dire sur les pollutions ou les actions qui causent la disparition des espèces. Permettre des échanges de mesures de protection irait certainement à !'encontre du but recherché : on ne saurait accepter que l'on sacrifie certaines espèces pour assurer une protection plus efficace à 126 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE d'autres. En conséquence, la réglementation directe reste probablement l'instrument qui convient le mieux {Tableau A-22). 7.7. Protection contre les accidents majeurs a) Description Est réputé accident majeur "tout événement extraordinaire qui survient dans une entreprise ou sur une voie de communication et qui a des conséquences graves hors de l'aire de l'entreprise et sur la voie de communication elle-même ou en dehors de celle-ci" (OPAM, art.2). En d'autres termes, il s'agit de la survenance d'un événement soudain et malheureux, habituellement fortuit et d'origine technologique, dont les conséquences sont telles qu'une réparation en est impossible, ou en tous les cas difficile, longue et onéreuse. En ce qui concerne l'environnement, on peut considérer comme accidents majeurs les catastrophes nucléaires ou chimiques, les marées noires, les ruptures de barrages, etc. La réparation des atteintes causées par de tels événements demande de nombreuses années (plusieurs dizaines ou centaines dans le cas d'une catastrophe nucléaire), et elle est simplement impossible en cas de pertes de vies humaines. Les probabilités de survenance de tels accidents peuvent être estimées; elles sont généralement très faibles, mais jamais nulles (une probabilité de 10"3 indique que l'événement ne se produit théoriquement qu'une fois tous les 1'0OO ans). Bien que des mesures de sécurité particulières permettent de rendre "acceptable" chaque risque considéré individuellement, leur multiplicité fait que des accidents ayant d'importantes conséquences écologiques surviennent périodiquement. b) Réglementation actuelle L'OPAM expose le principe de prévention et les mesures de protection à prendre. Elle répartit les tâches entre la Confédération et les cantons. Le principe de base repose sur la prévention permanente (art.3) et la prise de toutes les dispositions nécessaires pour maîtriser un accident majeur (art.11 ). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Le recours à un système de certificats irait à !'encontre du principe de prévention prescrit par I1OPAM. En effet, dans l'intérêt commun, il n'est pas souhaitable de concentrer les mesures de sécurité sur certains risques et d'en négliger d'autres. Qui admettrait que l'on double les mesures de sécurité imposées à l'industrie chimique en échange d'une moindre attention portée aux centrales nucléaires ? En ce qui concerne la gestion du risque, il n'est d'ailleurs pas possible de fixer un objectif quantitatif: il est nécessaire d'agir dans le sens d'une prévention de tous les instants. Par ailleurs, même si tous les facteurs de risque étaient connus, il est difficile de prévoir toutes les combinaisons ou tous les enchaînements possibles. Or, les grands accidents 127 7. Politique environnementale découlent parfois d'une suite de petits incidents. Pour ces différentes raisons, l'application d'un système de certificats n'est pas opportune en ce qui concerne la protection contre les accidents majeurs (Tableau A-23). 128 Politique environnementale et efficacité économique 8. Autres politiques affectant l'environnement 8.1. Aménagement du territoire 8.1.1. Considérations générales Les diverses activités humaines ont exercé et exercent encore une influence considérable sur la manière dont le territoire est utilisé, et des intérêts fort divergents sont en jeu. Or le sol doit être considéré comme un bien rare, inextensible. Le but premier de l'aménagement du territoire est précisément de "veiller à assurer une utilisation mesurée du sol" (LAT, art.1}. Il s'agit notamment de réglementer les activités qui ont des effets sur l'organisation du territoire et de veiller à garantir un développement harmonieux de l'ensemble du pays, tout en tenant compte des besoins de la population et de l'économie. Trois domaines présentent un intérêt particulier en vue de l'application éventuelle d'un système de certificats : la protection des forêts, celle des zones humides et l'utilisation de terrains à des fins particulières. 8.1.2. Protection des forêts a) Description Par forêts, il faut entendre "toutes les surfaces couvertes d'arbres ou d'arbustes forestiers à même d'exercer des fonctions forestières" (LFo, art.2). La forêt remplit en fait quatre fonctions : - fonction écologique : les forêts servent d'habitat ou de milieu naturel à de nombreuses espèces d'animaux et de plantes; d'autre part, elles contribuent à atténuer le problème posé par le CO2; - fonction protectrice : les forêts permettent de protéger la population et les biens contre les catastrophes naturelles telles qu'avalanches, glissements de terrain, érosion, chutes de pierres, etc.; - fonction sociale : les forêts servent de zones de délassement ou d'exercices sportifs à la population; - fonction économique : en Suisse, près de 10'000 emplois dépendent du bois et de la forêt. Le bois est l'une des rares matières premières disponibles en Suisse; elle est non polluante, produite dé manière décentralisée et respectueuse de l'environnement. Le bois est aussi un agent énergétique qui pourrait redevenir important (OFEFP 1992c, p.15). Certaines activités humaines portent atteinte à la forêt; dans certains cas, elle ne peut plus assurer l'une ou l'autre de ses fonctions. 129 8. Autres politiques b) Réglementation actuelle Pour assurer la pérennité de ces fonctions, la loi sur les forêts (LFo) s'est donné pour but d' "assurer la conservation des forêts dans leur étendue et leur répartition géographique" (art.1). A cet effet, on précise que "l'aire forestière ne doit pas être diminuée" (art.3). Les défrichements sont nommément interdits mais des dérogations peuvent être accordées à titre exceptionnel (art.5). Dans ce cas, "tout défrichement doit être compensé en nature dans la même région" (art.7). Cette réglementation permet de conserver la surface totale de la forêt suisse à un niveau constant1, et elle garantit aussi le maintien de la répartition sur l'ensemble du territoire. En pratique, celui qui souhaite procéder au défrichement d'une surface de forêt doit préalablement s'entendre avec le propriétaire du terrain où le reboisement est prévu. Lorsqu'un accord est trouvé (surface, indemnités,...), Ie défricheur doit soumettre un dossier au service cantonal compétent (dans certains cas à l'OFEFP). La décision porte sur l'ensemble du projet, c'est-à-dire sur le motif de la demande, la surface à défricher, la surface et le lieu du reboisement. Les services forestiers ont une politique plutôt restrictive et la procédure peut prendre beaucoup de temps. Dans un canton comme Neuchâtel, pas plus de trois à cinq autorisations sont données par année (Farron 1993). c) Possibilités d'application d'un système de certificats Plusieurs Etats américains ont mis en oeuvre un système de permis négociables dans le but de protéger la forêt. Le programme le plus important a lieu dans le New Jersey où, depuis 1988, quelque 500*000 hectares de forêt sont protégés dans le cadre du New Jersey Pinelands Comprehensive Management Plan (Tripp et Dudeck 1989, p.378). L'autorité de contrôle (Pinelands Commission) attribue des permis (Pinelands Development Credits, ou PDCs) aux propriétaires renonçant à toute construction sur leur terrain. De leur côté, les personnes qui souhaitent bâtir ou agrandir doivent au préalable acquérir un ou plusieurs permis. Remarquons qu'un tel système diffère quelque peu d'un véritable marché de certificats. Dans le cas exposé ci- dessus, le but est surtout que les propriétaires d'un terrain déclaré "zone protégée" ne perdent pas complètement leur droit de développer leur valeur immobilière mais puissent l'exercer ailleurs. Il s'agit donc de compenser un groupe de personnes qui pourraient être lésées par une décision de protection de l'environnement. Ce n'est pas le cas avec un marché de permis, où tous les agents sont censés atteindre ensemble un objectif commun (Markandya 1995, pp.14-15). En Suisse, la pratique actuelle décrite plus haut est relativement proche, dans sa logique, du mécanisme de compensation qui est à la base du système des permis. Toutefois, il n'y a pas de création d'un marché, mais négociation entre un petit nombre d'agents {propriétaire de la forêt, propriétaire En réalité, en raison de la croissance naturelle de la forêt, sa superficie totale est en légère augmentation. Elle s"est accrue de quelque 40'0OO hectares entre 1952 et 1980 (OFS 1992a, p.2). 130 Politique environnementale et efficacité économique de la parcelle à reboiser et Etat). Dans le domaine de la protection de la forêt, le remplacement de la procédure actuelle par un système de certificats ne permettrait pas d'obtenir un avantage économique significatif (Tableau A-24). 8.1.3. Protection des sites marécageux et des zones alluviales a) Description Bien que le terme ne soit pas utilisé dans la législation environnementale, on englobera par commodité l'ensemble des marais, sites marécageux et zones alluviales sous la dénomination de "zones humides". 2 Ces terrains servent de biotopes à des espèces animales et végétales particulières dont l'existence peut être menacée par les atteintes portées aux zones humides (assèchement,...). Depuis 1850, on a constaté la disparition de 90% des zones humides en Suisse (Roch 1988, p.50). b) Réglementation actuelle Les zones humides sont protégées en vertu de l'art.24 sexies al.5 de la Constitution fédérale (complément dit "de Rothenthurm"), de l'art. 17 de la LAT et de l'Ordonnance sur les zones alluviales. Le but visé est de maintenir ces sites "intacts" (Ord. art.4). Il s'agit notamment de garantir "le développement de la faune et de la flore (...) et des éléments écologiques indispensables à leur existence (...)". En particulier, l'assèchement des sites et toute construction y sont interdits. Pour garantir la préservation, les cantons sont même tenus de délimiter des zones-tampons (Ord. art.3) dans lesquelles les mêmes règles de protection s'appliquent. c) Possibilités d'application d'un système de certificats Un système de certificats pourrait servir à la protection des zones humides. Un assèchement ne serait autorisé qu'à la condition qu'une zone humide d'égale importance soit recréée ailleurs, de telle façon que la surface totale en zones humides ne diminue pas. Un tel système est déjà appliqué aux Etats-Unis : "owners may buy the right to drain a wetland by contributing to a fund set up to restore such land elsewhere" (Financial Times 26 août 1993, p.3). Remarquons toutefois que ce procédé comporte un certain nombre de difficultés. En effet, les zones humides ne se forment que si certaines conditions particulières sont remplies, notamment au point de vue géologique et hydrologique. Pratiquement, cela signifie que le site à créer ne peut guère être éloigné du terrain que l'on envisage d'assécher. Une autre condition importante est que la création de la zone humide de compensation ait lieu 2 La LAT ne précise pas ce qu'il faut entendre par marais, sites marécageux et zones alluviales. Une définition précise de ces termes peut être trouvée en annexe 5 du décret 90.032 du Conseil d'Etat du canton de Neuchâtel {9 mai 1990} faisant suite à l'initiative dite "de Rothenthurm". Voir également Handle 1991. 131 8. Autres politiques plusieurs mois avant l'assèchement de la zone d'origine, de sorte que la faune et la flore puissent la coloniser naturellement (Krauss 1993). Remarquons aussi que le temps nécessaire à la formation naturelle d'un biotope peut être très long: près de 1'00O ans pour certains types de marais (Häberli et al. 1991, p.98). Ces difficultés "techniques", liées à la fragilité des équilibres géologiques, rendent relativement difficile la mise en oeuvre d'un système de certificats pour préserver ce type de terrains. D'autre part, le nombre d'agents concernés est certainement trop restreint pour qu'on aboutisse à la création d'un véritable marché. La compensation des atteintes, si elle peut se faire, serait plutôt le résultat de négociations menées de cas en cas, entre un nombre limité de partenaires 3 (Tableau A-25). 8.1.4. Utilisation de terrains à des fins particulières a) Description Certaines activités, notamment sportives ou récréatives, entraînent une importante consommation de terrains. C'est le cas entre autres de la pratique du ski, mais aussi de celle du golf, du motocross, etc. D'un côté, les promoteurs se plaignent des entraves de plus en plus nombreuses qu'ils rencontrent : l'obtention d'autorisations est difficile, les possibilités de recours sont nombreuses, si bien que les délais de réalisation ont tendance à s'allonger. D'un autre côté, non seulement des organisations écologistes, mais aussi une partie de la population, estiment que les dommages causés par certaines activités, en particulier la pratique du ski, atteignent aujourd'hui une limite à ne pas dépasser. Il est arrivé que le conflit soit porté devant les tribunaux, notamment lorsque certains travaux ont commencé sans autorisation. L'analyse des possibilités de recourir à des certificats pour gérer l'utilisation particulière de certains terrains sera basée sur l'exemple des domaines skiables, mais elle vaut, par analogie, pour d'autres types d'utilisation. b) Réglementation actuelle La gestion des domaines skiables est de la compétence des cantons. En Valais par exemple, les objectifs à atteindre ont été revus par le Grand conseil et précisés dans un décret daté du 2 octobre 1992. Les buts sont notamment d'améliorer les stations existantes et de compléter les liaisons entre elles, mais l'ouverture de nouveaux domaines "devrait être une exception" (Mayor 1993). Remarquons aussi que l'octroi d'autorisations pour la construction des Par exemple, de telles négociations ont eu lieu entre EOS, le WWF et l'Etat du Valais â propos du projet de doublement de la puissance du barrage de Cleuson-Dixence, auquel le VWVF et d'autres organisations écologistes s'opposaient. EOS s'est alors engagé, entre autres, à créer une zone humide de 15 hectares en bordure du Rhone. 132 Politique environnementale et efficacité économique télésièges et des téléphériques est de la compétence de l'Office fédéral des transports. c) Possibilités d'application d'un système de certificats L'utilisation de certificats pour la gestion des domaines skiables a été proposée en Autriche (Tschurtschenthaler 1992). En Suisse, l'autorité compétente (normalement le service cantonal de l'aménagement du territoire) pourrait définir la surface maximale destinée à Ia pratique du ski dans le canton, en km2, en km de pistes ou de remontées mécaniques, ou en capacités de remontées (personnes/heure). Les certificats seraient attribués aux exploitants ou aux communes qui possèdent un domaine skiable, qu'il soit exploité ou potentiel. Toute extension de domaines serait sujette à l'achat préalable de certificats. Les communes qui disposent d'un domaine potentiel et renoncent à l'exploiter recevraient une compensation à travers la vente des certificats. Remarquons cependant que cette solution ne bénéficie pas forcément d'une grande acceptabilité (Mayor 1993, Schwer/ 1993)4 et que les oppositions et les recours ne seraient probablement pas moins nombreux qu'aujourd'hui. La gestion des domaines skiables par un système de certificats serait toutefois une solution possible, bien que particulièrement novatrice (Tableau A-26). 8.2. Agriculture 8.2.1. Considérations générales Depuis 1945, la population paysanne a diminué de plus de moitié alors que dans le même temps la production agricole doublait. "Ce développement a été possible grâce aux améliorations foncières, aux remaniements parcellaires, à la mécanisation, aux nouvelles techniques d'élevage et de production sans oublier les épandages d'engrais de synthèse ou la lutte chimique" (OFEFP 1991b, p.16). Si la productivité du travail et le rendement des surfaces cultivées ont nettement progressé, le mode d'exploitation du sol a abouti à certains dommages plus ou moins marqués selon les régions. De nombreux travaux se sont attachés à montrer les relations entre l'évolution des pratiques agricoles et l'environnement. 5 Parmi les principaux problèmes, citons : - Ia pollution des eaux et des sols, découlant de l'usage des engrais; dans quelques cas, on a retrouvé des traces de nitrates ou des résidus de pesticides et de fongicides jusque dans les denrées alimentaires; 4 Par exemple, un responsable cantonal de l'aménagement du territoire, â qui ridée a été exposée, l'a jugée "totalement inappropriée". 5 Pour une vue d'ensemble des problèmes environnementaux causés par l'agriculture, cf. en particulier OCDE 1991 f. pp.189-198 et OCDE 1992c, ainsi que le 7*™ rapport du Conseil fédéral sur l'agriculture, notamment le chiffre 126. Une analyse économique des effets externes de l'agriculture a été présentée par Tisdell 1991, pp.159-179. 133 8. Autres politiques - Ie tassement des sols (utilisation de machines lourdes), ce qui peut entraîner une diminution de leur potentiel productif; - les atteintes au paysage, la disparition de biotopes, l'uniformisation des sites cultivés, etc.; - les odeurs; - les effets sur la structure sociale et le patrimoine culturel. A priori, deux cas se prêteraient bien à l'introduction de certificats dans l'agriculture : l'utilisation des engrais et l'affectation des parcelles.6 8.2.2. Utilisation des engrais 7 a) Description On distingue, selon leur origine, trois types d'engrais : engrais de ferme, engrais du commerce et boues d'épuration. Les premiers sont "les résidus organiques, liquides ou solides, provenant de l'élevage des animaux de rente." Les engrais du commerce regroupent "les engrais d'origine naturelle ou industrielle; ils sont généralement pourvus d'un nom commercial" (on les appelle aussi "produits de synthèse") et les boues d'épuration "résultent du traitement des eaux usées par une station centrale d'épuration" (Osubst, annexe 4.5). Actuellement, on constate une fertilisation globalement excessive en Suisse. En 1990, les quantités répandues ont largement outrepassé les besoins; ceci est particulièrement vrai pour l'azote et le phosphore, les principaux éléments nutritifs des plantes avec le potassium (Tableau 8.1). Les quantités répandues et non absorbées par les cultures sont emportées par les pluies (ruissellement, lessivage) et contribuent à l'eutrophisation des lacs (désoxygénation des eaux profondes). "Le fait que les engrais puissent nourrir des algues est le signe qu'on en répand bien plus que les végétaux peuvent en absorber" (SPE 1993b, p,100). Remarquons que les engrais du commerce sont censés n'être qu'un appoint des engrais de ferme, mais, bien que les besoins aient été pratiquement couverts par les engrais de ferme, on en a répandu quelque 90'000 tonnes en 1990. 8 A ces deux types d'engrais s'ajoutent les boues d'épuration. Selon les cantons, les agriculteurs souhaitant en obtenir adressent une demande directement à la STEP ou au service cantonal compétent. Il s'agit généralement d'exploitations disposant de peu d'engrais de ferme. La décision quant à la quantité de boues attribuée est généralement basée sur un bilan des éléments fertilisants dressé pour les Freeman (1990, pp.162-163) a proposé un marché de permis pour lutter contre remploi excessif de pesticides {marketable pesticide application permits). Le système envisagé est identique à celui présenté plus bas pour les engrais du commerce. Pour cette raison de similitude, le cas des pesticides en Suisse ne sera pas analyse dans le cadre du présent travail. Seul est considéré l'usage d'engrais par les agriculteurs. Bien que cela représente une part du problème, l'utilisation d'engrais par les jardiniers amateurs ne sera pas traitée ici. Il est vrai cependant qu'on ne peut pas utiliser uniquement des engrais de terme, pour des raisons de qualité de fumure et de commodité d'usage (Lavanchy 1993). 134 Politique environnementale et efficacité économique Tableau 8.1. Apports d'azote et de phosphore provenant des engrais, quantités utilisées annuellement en Suisse comparativement aux besoins globaux Azote (tonnes) Phosphore (tonnes) Engrais de ferme Engrais du commerce Boues d'épuration 150'00O 70000 3'000 28'000 20'000 2'000 TOTAL 223'000 50'0OO Besoins annuels 180'000 27'000 Excédents + 24% + 85% Source : DFI 1990b, p.69 exploitations demandantes. Comme on considère que les agriculteurs rendent un service en enlevant les boues, les frais de transport sont généralement pris en charge par les STEP, qui traitent avec des sociétés de livraison. De ce fait, l'acquisition des boues est, dans la plupart des cas, sans frais pour les agriculteurs, qui ne prennent en charge que les frais d'épandage. 9 Pour eux, il s'agit donc d'un moyen particulièrement avantageux de fertiliser les terres. L'emploi est toutefois moins commode que celui des engrais du commerce, plus facilement stockables et livrés secs et en sacs. Actuellement, quelque 50% du total des boues sont éliminés par l'agriculture, le reste étant incinéré. La part des exploitations travaillant avec les boues varie d'un canton à l'autre, voire d'une région à l'autre, mais elle est plutôt basse (10% pour un canton encore agricole comme Fribourg). Le problème principal lié à l'épandage de boues d'épuration dans les champs est leur teneur en métaux lourds, particulièrement celle en cadmium. Les concentrations varient selon les activités industrielles de la région. La qualité des boues livrées est contrôlée régulièrement (en général 4 fois par an). Si elle ne remplit pas les conditions de l'annexe 4.5. de l'Osubst, la livraison est interdite et les boues incinérées. Les terrains agricoles sur lesquels ont lieu les épandages font également l'objet de contrôles réguliers (en général tous les 4 à 6 ans). Les études réalisées jusqu'à présent montrent qu'on n'observe pas une augmentation sensible de la teneur en métaux lourds des terres agricoles soumises à Dans certains cantons, les boues sont répandues directement lors de la livraison, si bien que l'agriculteur n'a réellement aucune charge. 135 8, Autres politiques l'épandage des boues par rapport à celles qui ne le sont pas (Julien 1986, Dougoud 1993).. Certains efforts sont réalisés actuellement déjà en vue de réduire l'utilisation d'engrais. Les agriculteurs respectant les contraintes de ta culture intégrée (notamment réduction du secteur phytosanitaire) se voient attribuer des subventions particulières. LASCA a mis en place un réseau-pilote de 200 exploitations (dont 62 en Suisse romande) classées selon des critères écologiques (système de points décrivant la prestation écologique totale d'une exploitation). On y encourage la culture biologique, où aucun produit de synthèse n'est utilisé, et l'on recherche l'interculture avec des légumineuses pour assurer un apport naturel de substances nutritives dans les sols. b) Réglementation actuelle L'usage des engrais est réglementé par la LAgr, la LEaux et l'Osubst. L'article 14 de la LEaux précise notamment que "la quantité d'engrais [de ferme] par hectare ne doit pas dépasser trois UGBF". ™ Les autorités cantonales sont par ailleurs compétentes pour réduire cette valeur en fonction de la charge du sol en polluants, de l'altitude et des conditions topographiques. Le nombre d'animaux de rente est donc ainsi indirectement contingenté dans la mesure où il dépend de la surface à disposition. En effet, "l'exploitation doit disposer (...) d'une surface utile suffisante pour l'épandage de trois UGBF au plus par hectare" (LEaux, art. 14). Par ailleurs, "quiconque ne dispose pas de surfaces agricoles utiles lui permettant d'épandre la totalité de ses engrais de ferme a l'obligation de conclure, pour ses excédents, des contrats de prise en charge. Les contrats nécessitent l'accord du service cantonal de la protection des eaux" (Osubst, annexe 4.5. art.34). D'autre part, "quiconque dispose d'engrais de ferme est en droit d'utiliser des engrais du commerce uniquement si les engrais de ferme ne suffisent pas ou ne conviennent pas pour couvrir les besoins de ses plantes en nutriments" (Osubst, annexe 4.5. art.32). L'article 27 de la LEaux précise quant à lui que "les sols seront exploités selon l'état de la technique, de manière à ne pas porter préjudice aux eaux, en évitant notamment que les engrais ou les produits pour le traitement des plantes ne soient emportés par ruissellement ou lessivage." Remarquons encore que la modification en cours de la LPE prévoit l'introduction d'une taxe d'incitation qui sera prélevée auprès des producteurs et importateurs d'engrais du commerce, ainsi que sur les excédents d'engrais de ferme.11 La taxe appliquée aux engrais du commerce poursuit deux buts : premièrement réduire la 10 Unité de gros bétail fumure. Cette valeur correspond à la production annuelle moyenne d'engrais de ferme d'une vache de 600 kg. 11 II y a excédent d'engrais de ferme lorsque "le nombre d'animaux de rente par hectare de surface utile, en propre ou en fermage, est tel que la production d'engrais est supérieure à 3 UGBF/ha." (Message du Conseil fédéral 1993, p.90). 136 Politique environnementale et efficacité économique surconsommation actuelle et deuxièmement rendre le fumier et le lisier relativement plus avantageux (DFI 1990b, pp.72-73). c) Possibilités d'application d'un système de certificats - Engrais de ferme On pourrait imposer aux exploitants un contingentement de leurs UGBF. 12 Les agriculteurs toucheraient un certain nombre de certificats, par exemple en fonction de la surface de leur exploitation, et ils seraient libres de les négocier entre eux. Cette solution encouragerait le passage à une agriculture moins intensive. Des effets indésirables risqueraient cependant d'apparaître, tels que pollutions locales du sol, de certains cours d'eau ou de certaines nappes phréatiques. Pour éviter cela, il serait peut-être nécessaire de soumettre chaque transaction à l'approbation du service cantonal compétent, mais cela accroîtrait la charge administrative. Les contrôles ne seraient d'ailleurs pas simples. D'autre part, il serait peut-être plus aisé de recourir à une taxe. L'application de certificats dans ce domaine est donc possible, mais il faut compter avec quelques problèmes de mise en oeuvre (Tableau A-27). - Engrais du commerce En fonction des engrais de ferme disponibles et de la surface cultivée, on pourrait attribuer à chaque exploitation un contingent d'engrais du commerce, et le rendre négociable entre les agriculteurs. Ceux d'entre eux qui optent pour une culture biologique ou intégrée pourraient vendre leurs droits aux exploitations "traditionnelles". Un tel système a déjà été proposé plusieurs fois {voir en particulier Braden et al. 1989, OCDE 1991a, Andreasson 1990, Rainelli 1994, Rendleman et al. 1995). Certains pays ont introduit une taxe sur les engrais, mais un système de certificats a l'avantage "d'obtenir immédiatement la réduction souhaitée de la consommation globale, indépendamment de la fluctuation des prix. (...) Les modalités administratives ne devraient pas être trop complexes dans un secteur où un grand nombre de produits comme le lait, le sucre, le vin, etc. sont déjà soumis à des systèmes de quotas" (OCDE 1991a, p.79). Les agents responsables étant facilement identifiables et les quantités utilisées aisément mesurables, les engrais du commerce se prêteraient bien au contrôle par un système de certificats (Tableau A-28). Relevons cependant que, comme dans le cas des engrais de ferme, des effets locaux non souhaités ne peuvent être exclus, et les contrôles pourraient être difficiles à effectuer. On pourrait imposer aussi un quota sur les animaux de rente. Dans ce cas, on risque toutefois des interférences avec la politique laitière. 137 8. Autres politiques - Boues d'épuration On pourrait attribuer aux exploitations agricoles d'une région donnée l'obligation de répandre, chaque année, un certain volume de boues d'épuration, en fonction des engrais de ferme disponibles et des surfaces à disposition. Les agriculteurs seraient libres de négocier les obligations entre eux. Cette manière de faire permettrait d'éliminer tout ou partie des boues des STEP de manière moins onéreuse que l'incinération. Remarquons toutefois qu'un système de subventions pourrait aussi permettre d'atteindre ce but. D'autre part, un conflit d'objectif pourrait apparaître entre la nécessité d'éliminer les boues et celle de réduire la fumure des sols. Un système de certificats pourrait cependant être mis en oeuvre pour le contrôle des boues d'épuration (Tableau A-29). 8.2.3. Affectation des parcelles a) Description Une des solutions proposées pour lutter contre les surplus de production et contre la fatigue des terres due à une fumure excessive est de rendre certaines surfaces productives à la nature sous forme de prairies sauvages ou de jachères vertes (surfaces dites "de compensation écologique"). Des subventions particulières (paiements directs) sont accordées à cet effet (Magnollay 1993). b) Réglementation actuelle Les bases légales dans ce domaine sont contenues dans la Loi fédérale sur l'amélioration de l'agriculture et le maintien de la population paysanne, ainsi que dans l'Ordonnance instituant des contributions à l'exploitation agricole du sol dans des conditions difficiles et pour des prestations de caractères écologiques. Cette ordonnance, dans son chapitre 2, détermine les conditions pour l'obtention des indemnités pour prestations à caractère écologique. c) Possibilités d'application d'un système de certificats Le comté de Montgomery, au Maryland, a mis en oeuvre un système de permis pour conserver une certaine surface en terres agricoles. Le but du programme était de fournir aux agriculteurs une incitation à continuer d'exercer leur métier ("incentive to continue in farming") et de diriger le développement et la construction ailleurs dans le comté (voir Tripp et Dudeck 1989, p.382, note 36). En Suisse, on pourrait imaginer que les exploitations d'une certaine taille doivent consacrer une part de leurs terres à des prestations écologiques (surfaces de compensation écologique).ï3 Les agriculteurs pourraient soit Par exemple, la PAC impose aux agriculteurs de la CE la mise en jachère de 15% de teurs domaines. 138 Politique environnementale et efficacité économique respecter l'obligation qui leur est faite, soit indemniser un autre exploitant pour qu'il accepte de consacrer une plus grande part de ses terres à la compensation écologique. L'avantage par rapport au système actuel des paiements directs serait de déterminer a priori la surface totale mise au repos. La création de surfaces de compensation écologique se prêterait bien à l'introduction d'un système de certificats (Tableau A-30). 8.3. Transports 8.3.1. Transport routier a) Description L'activité "transports" est considérée dans l'optique des dommages environnementaux qu'elle occasionne. Les principaux problèmes environnementaux causés par les ttansports routiers sont la pollution de l'air et le bruit. Ces deux aspects ont été traités aux points 7.1 et 7.4; ils seront repris ci-après sous l'angle spécifique du trafic, dans l'optique spécifique d'une réduction des nuisances par la limitation de la consommation des véhicules ou des prestations kilométriques. La congestion des centres-villes sera également traitée, car ce phénomène contribue à l'accroissement de la pollution de l'air. b) Réglementation actuelle Les prescriptions relatives aux émissions de polluants atmosphériques sont contenues dans les Ordonnances fédérales sur les émissions de gaz d'échappement des véhicules (OEV 1 à 4). Remarquons que, du point de vue purement juridique, le catalyseur n'est pas obligatoire pour les voitures de tourisme. Pour pouvoir être immatriculée, une voiture neuve doit satisfaire aux normes OEV-1 et, pratiquement, les moteurs à essence ne peuvent y parvenir qu'en étant équipés d'un pot catalytique. u Cela n'est toutefois pas nécessaire pour les moteurs diesel des voitures légères. Pour les moteurs diesel des véhicules lourds, il existe de nouvelles possibilités techniques de réduire les émissions (catalyseurs à oxydation, filtres de céramique, etc.), mais l'OEV-2 peut être satisfaite sans y avoir recours. Dans ce domaine, les nouvelles technologies sont encore insuffisamment exploitées ou même inexploitées (OCDE 1995b}. De ce fait, il n'y a pratiquement aucune incitation d'équiper les véhicules lourds à moteur diesel de la technologie la plus avancée de réduction des émissions (BAT). Pour ce qui est des carburants, la Confédération prélève des droits (taxes et surtaxes) différenciés selon les types d'essences ou de diesels. Par ailleurs, Soulignons aussi que l'efficacité des catalyseurs varie fortement d'un constructeur à l'autre. Le TCS estime que te 10% le moins efficace des voitures catalysées est responsable de 50% des émissions (De Bernardini 1993). 139 8. Autres politiques l'Ordonnance fédérale sur la réduction de la consommation spécifique de carburant des automobiles (ORCA) devrait entrer en vigueur en 1996 afin d'accélérer la tendance de diminution de la consommation, actuellement de - 1% par année (Jeanrenaud et al. 1995, p.65). Une valeur-cible est calculée pour l'ensemble des voitures neuves, mais cette mesure n'est pas contraignante : les modèles les plus économes seront simplement marqués d'un signe distinctîf. Enfin, remarquons qu'il n'existe pas de dispositions juridiques en ce qui concerne la congestion. c) Possibilités d'application d'un système de certificats La pollution causée par le trafic routier provient d'un nombre très élevé de sources infiniment petites, de sorte qu'il n'est pratiquement pas possible de les considérer individuellement (importance du coût de gestion, voir pt. 3.2). Pour dépasser ce problème, il est nécessaire de les regrouper et de tenir compte, par exemple, des compagnies de transport ou des constructeurs de véhicules (des importateurs dans le cas de la Suisse). White (1982) a été le premier à proposer un système de certificats s'adressant aux constructeurs de véhicules. Dans ce projet, l'EPA déterminerait chaque année un plafond pour les émissions provenant des nouveaux véhicules mis sur le marché; ce plafond serait transcrit en certificats et ceux-ci seraient vendus aux enchères aux divers producteurs. Un tel système est toutefois difficile à mettre en oeuvre, car les véhicules émettent une combinaison de polluants (principalement HC, NOx et CO) variant selon le carburant utilisé, le rapport air/carburant, le volume et la forme des cylindres, la température, l'âge et le réglage du moteur, etc. Par ailleurs, la mesure des émissions réelles des véhicules - non pas les valeurs d'homologation - n'est guère possible, ce qui est pourtant une condition préalable nécessaire. De ce fait, la mise en oeuvre de certificats fondés directement sur les émissions n'est pas réalisable (OCDE 1991a, p.58). Si l'on entend introduire des permis, il est donc nécessaire que ceux-ci soient fondés sur les caractéristiques des produits (véhicules et carburants) ou sur leur utilisation : les émissions sont alors considérées de manière indirecte. De cette manière, il existe plusieurs possibilités d'introduire un système de certificats (Figure 8.1). 140 Politique environnementale et efficacité économique Figure 8.1. Possibilités de mise en oeuvre de certificats dans le domaine du transport routier Domaines d'action Caractéristiques des véhicules Caractéristiques des carbu rants Nouveaui véhicules Réduction de la consommation d'essence Technology liming Véhicules ei !slants Post-équipement Elimination des véhicules les plus polluants WnIe de carburants "propres" Utilisation des véhicules Lftî Ballon des presta bon s kilométriques Amélioration des conditions de circulation Source : adapté de Jeanrenaud et al. 1995, p.66. Si l'on considère les caractéristiques des véhicules, il faut distinguer entre véhicules existants et nouveaux. Pour ces derniers, un système de certificats peut être introduit soit pour réduire la consommation d'essence, soit pour encourager la mise sur le marché de véhicules dotés de technologies nouvelles (technology forcing), tels par exemple les moteurs électriques ou hybrides. Pour les véhicules existants, les permis pourraient favoriser l'installation d'équipements d'épuration des gaz d'échappement (post- équipement) ou la mise hors-service des véhicules les plus polluants (scrapping). Un système de certificats pourrait aussi servir à rendre économiquement intéressante l'utilisation de carburants alternatifs ou reformulés. Enfin, en. ce qui concerne l'utilisation des véhicules, les certificats pourraient servir à limiter lès prestations kilométriques ou à améliorer les conditions de circulation, par exemple en luttant contre la congestion. 141 8. AUTRES POLITIQUES 1. Réduction de la consommation d'essence des véhicules L'idée d'imposer une norme de consommation d'essence pour les nouveaux véhicules remonte à l'amendement du Clean Air Act de 1977. Depuis cette date, le programme CAFE (Corporate average fuel economy) impose une norme de consommation d'essence à tous les producteurs d'automobiles sur sol américain. L'objectif, exprimé en miles per gallon (MPG), ne s'applique pas à chaque modèle en particulier, mais à la totalité des nouveaux véhicules mis en vente par chaque fabricant (voitures de tourisme et véhicules utilitaires légers). « c'est donc l'ensemble de la flotte qui doit, en moyenne, être en mesure de satisfaire la norme CAFE (averaging). Ce programme est relativement proche d'un système de permis, mais il ne fixe pas un plafond aux émissions totales. En conséquence, celles-ci sont susceptibles d'augmenter en raison de l'accroissement du nombre de véhicules (OCDE 1993d, p.31). Par ailleurs, les divers producteurs ne sont pas autorisés à procéder à des échanges de certificats entre eux. De ce fait, le programme CAFE correspond plus ou moins à une bulle englobant les différentes sources d'émissions d'un seul et même pollueur (averaging, voir pi. 3.2.3). Taylor (1992) a repris le mécanisme ci-dessus et l'a adapté pour la Communauté européenne. Pour l'essentiel, le système proposé fonctionnerait de manière analogue au programme CAFE (ibid., p.135), mais en autorisant les échanges entre les divers agents (producteurs et importateurs). Toutefois, sur un marché aussi concurrentiel que celui de l'automobile, il n'est pas exclu que les permis servent à d'autres fins que celle de réduire les émissions : des comportements stratégiques et des tentatives de manipuler le marché sont à craindre (ibid., p. 139). En Suisse, l'Union pétrolière a proposé de recourir à des certificats pour inciter à importer prioritairement des voitures à faible consommation. "Handelbare Zertifikate würden sich (...) wegen der beschränkten Zahl der Importeure besonders gut zur Verbrauchssenkung im Automobilverkehr eignen" (NZZ 9 août 1991, p.17). La consommation totale des voitures vendues par un importateur durant une période donnée serait définie a priori et transcrite en certificats. Ceux-ci seraient attribués aux divers importateurs selon une clé à définir et ils seraient librement échangeables. L'importation des véhicules serait conditionnée par la possession du nombre nécessaire de certificats. Un tel système pourrait inciter les quelque 30 importateurs d'automobiles en Suisse a renoncer progressivement à l'importation de voitures à forte consommation (Gehr 1993). Toutefois, quelques unes des conditions La norme CAFE a été augmentée régulièrement depuis son entrée en vigueur. Elle est ainsi passée de 18 MPG a 27,5 MPG. valeur qui n'a plus été modifiée depuis 1990 (Motor Vehicle Manufacturers Association of the US, cité par Nieuwenhuis et al. 1992). 142 Politique environnementale et efficacité économique préalables ne sont pas remplies. En particulier, il n'existe actuellement pas de prescription ou d'objectif à atteindre en ce qui concerne la consommation des véhicules. Par ailleurs, la surtaxe sur les carburants ainsi que les taxes et les primes d'assurance progressives en fonction de la cylindrée créent déjà une incitation à ne pas acquérir un véhicule dont la consommation est élevée. La mise en oeuvre de permis pour réglementer la consommation d'essence serait sans doute une opération compliquée, dotée d'une acceptabilité réduite (Tableau A-31). 2. Introduction de nouvelles technologies {Technology forcing) Ce cas se distingue du précédent en ce sens qu'il ne s'agit pas d'améliorer les caractéristiques des véhicules "classiques" à moteur à essence, mais surtout d'accélérer la mise en oeuvre de technologies nouvelles dans le domaine des moteurs et/ou des équipements d'épuration des gaz d'échappement. Dans le cas des voitures de tourisme, on pense en particulier aux moteurs électriques et hybrides. Aux Etats-Unis, le recours à des certificats négociables pour accélérer la vente de ce type de véhicules a été étudié lors de la révision de 1990 du Clean Air Act. L'idée était d'imposer à chaque producteur d'automobiles un quota de véhicules "propres" à mettre sur le marché (ultra-low emission vehicles - ULEV - et zero emission vehicles - ZEV -).16 Ceux qui ne parviendraient pas à écouler le nombre nécessaire de voitures "propres" devraient acquérir des certificats auprès des producteurs vendant plus que leur quota (Blinder 1989). Ce projet n'a pas été réalisé au niveau fédéral, bien qu'il présente, par rapport au système CAFE, l'avantage d'autoriser les échanges entre les divers producteurs de véhicules (trading plutôt qu'averaging), mais l'idée a été reprise par l'Etat de Californie. Dans le cadre du Low-Emissions Vehicle / Clean Fuels Program développé par le California Air Resource Board (CARB), les constructeurs et les importateurs de voitures de tourisme sont tenus de mettre sur le marché un certain quota de véhicules à très faibles émissions (ULEV).17 L'obligation s'élève à 2% des voitures vendues durant l'année 1998, et elle sera augmentée progressivement jusqu'à 10% en 2003 (NERA 1990, p.112). Les producteurs et les importateurs vendant un nombre de véhicules "propres" supérieur à ce qui leur est demandé obtiennent des crédits qu'ils peuvent négocier avec ceux qui 6 Les véhicules fonctionnant à l'énergie solaire sorti les seuls dont les moteurs ne produisent effectivement aucune émission. Toutefois, dans la pratique, les voitures dotées d'un moteur électrique sont également considérées comme des ZEV. Remarquons que les émissions ne sont, en rèalilé, que déplacées des véhicules vers les usines produisant l'électricité nécessaire. 7 Les émissions prises en compte sont celles d'hydrocarbures non-méthane â l'échappement. Les autres polluants et les quantités émises par evaporation ne sont pas prises en considération. Certains auteurs {notamment Kling et al. 1993) ont montré que le fait de considérer les hydrocarbures et de négliger les NO1 et le CO peut aboutir à une augmentation des émissions de ces derniers. 143 8. Autres politiques ne parviennent pas à atteindre leur part (Sperling 1993). Initialement, une obligation identique était prévue pour les automobiles dites "à émissions nulles" (ZEV), mais, vu les difficultés rencontrées dans la mise au point de ce genre de véhicules, l'entrée en vigueur de cette part du programme a été retardée. Toutefois, l'objectif de 10% de ventes de ZEV en 2003 a été maintenu (Nichols 1996). On peut donc envisager qu'un système similaire soit mis en oeuvre en Suisse en vue d'accélérer l'introduction de voitures à moteur électrique ou hybride. Afin de réduire le prix de vente de ces véhicules - et donc de rendre leur achat plus intéressant- les importateurs devraient probablement recourir à un subside croisé (cross subsidy) entre leurs divers modèles. Le design du système de certificats nécessiterait la plus grande prudence, afin d'éviter toute friction possible (entente cartellale,...). Le même mécanisme s'appliquerait probablement mieux au cas des véhicules lourds, notamment ceux à moteur diesel. Dans ce domaine, il semble en effet exister un potentiel technique de réduction des émissions qui n'est encore que peu exploité (OCDE 1995b). L'EPA a mis en oeuvre dès 19S3 un marché de permis destiné à réduire les émissions de particules des nouveaux véhicules utilitaires légers (PM Averaging Program for Light-Duty Diesel Vehicles, voir Wang 1992), mais le système ne s'est pas développé suite à une importante baisse dans les ventes de ce type de véhicules au cours des années 80. Sur le marché suisse, on pourrait imposer aux producteurs nationaux et aux importateurs qu'une certaine proportion des camions vendus soient dotés de la technologie la plus efficace (BAT) en matière de réduction des émissions. Cette obligation serait négociable entre les divers agents concernés (external trading). Il conviendrait alors de prendre les mesures nécessaires pour que cette réglementation soit conforme aux prescriptions du GATT/OMC. Il importerait notamment de s'assurer que le fonctionnement prévu du système ne procure aucun avantage aux producteurs nationaux, ni aucun désavantage pour des raisons évidentes d'acceptabilité. Il s'agirait là aussi de ne pas favoriser les ententes cartellaires. Une étude récente (Jeanrenaud et al. 1995) a montré les difficultés liées à un tel programme en Suisse. Cependant, le recours à des certificats permettrait d'accélérer l'introduction de nouvelles technologies d'épuration des échappements des véhicules lourds équipés de moteur diesel d'une manière plus souple et certainement moins coûteuse que si l'on introduisait une norme uniforme s'appliquant à l'ensemble des véhicules (Tableau A-32). 3. Post-équipement des véhicules Par "post-équipement" (ou retrofit), on entend le fait de moderniser un véhicule existant de manière à réduire ses émissions, en le dotant soit d'un nouvel équipement d'épuration des gaz d'échappements, soit d'un 144 Politique environnementale et efficacité économique nouveau moteur consommant et/ou émettant moins. Les certificats pourraient servir à accélérer cette pratique. Par exemple, les entreprises de transport (transport public et/ou transport de marchandises) se verraient attribuer un certain volume d'émissions ou une consommation donnée pour l'ensemble de leur flotte (averaging). Cette mesure encouragerait les entreprises à moderniser tous ou partie de leurs véhicules. L'efficacité du système serait même accrue si l'on autorise les échanges inter-entreprises (external trading) : celles qui émettent ou consomment plus que ce que leur autorise le nombre de permis détenus devraient faire l'acquisition de permis supplémentaires. Remarquons toutefois qu'un même effet incitatif pourrait être obtenu si l'on différenciait la taxe poids lourds actuelle non seulement en fonction des prestations kilométriques des véhicules, mars aussi en fonction de leurs prestations écologiques (Tableau A-33). 4. Mise hors-service des véhicules les plus polluants (scrapping) Plusieurs études ont montré que tous lesvéhicules ne contribuent pas à la pollution de manière uniforme. Ainsi, on estime qu'aux Etats-Unis 10% des véhicules sont responsables de quelque 50% du total des émissions (Business Week 3 octobre 1994, p.77). Selon les TCS, les proportions devraient être les mêmes en Suisse (De Bernardini 1993). La lutte contre les émissions provenant du trafic devrait donc se concentrer sur les véhicules générant les émissions les plus importantes. L'idée d'identifier ces véhicules puis de les retirer de la circulation a été longuement analysée aux Etats-Unis, et deux Etats (Illinois et Delaware) ont mis en oeuvre des programmes-pilotes allant dans ce sens (Jeanrenaud et al. 1995, p.62). Par ailleurs, une entreprise californienne a, sur une base volontaire, lancé son propre programme de mise hors-service de vieux véhicules, pour démontrer que la politique imposant des réductions d'émissions toujours plus sévères aux industries n'était pas efficace. L'entreprise Unocal (Union Oil Company of California) a ainsi racheté, pour 700 dollars / pièce, puis détruit plus de 8'000 voitures mises en circulation avant 1971 (NERA 1990, p.114). En Suisse, on pourrait imaginer un système dans lequel des certificats seraient accordés aux entreprises industrielles rachetant et éliminant de vieux véhicules. Cela leur permettrait de retarder l'assainissement de leurs propres sources d'émissions, voire d'y renoncer. Il est toutefois difficile d'estimer l'impact qu'aurait cette mesure sur le total des émissions. En effet, il est possible que les véhicules à éliminer ne circulent plus guère et qu'ils seraient remplacés par des véhicules neufs avec lesquels les prestations kilométriques seraient plus élevées. Ainsi, même si les émissions unitaires sont nettement réduites, la quantité totale émise pourrait augmenter. D'autre part, on englobe dans le marché des participants de nature différente : des sources fixes et des 145 8. AUTRES POLITIQUES sources mobiles, ce qui pourrait poser quelques problèmes de pollutions locales. Une étude récente a conclu que ce mécanisme, séduisant en théorie, serait difficile à mettre en pratique (Jeanrenaud et al. 1995, p.64 et p.68). L'efficacité économique de cette mesure n'a d'ailleurs pas encore été clairement démontrée. L'instauration d'une taxe calculée non seulement sur les prestations kilométriques (écobonus 18) mais aussi sur les caractéristiques écologiques des véhicules permettrait probablement d'assainir le parc actuel de manière au moins aussi efficace (ibid.). La mise en oeuvre d'un système de certificats pour accélérer le retrait des véhicules anciens ou pour donner une possibilité d'action supplémentaire aux entreprises ne saurait représenter une solution appropriée en Suisse (Tableau A-34). 5. Vente de carburants "propres" L'utilisation de nouveaux types de carburants - alternatifs (éthanol) ou reformulés (diesel "vert" ou "suédois"}- pourrait être une alternative permettant de réduire les émissions de certains polluants. On pourrait attribuer aux importateurs ou aux distributeurs d'essence des quotas de carburants "propres" qu'ils seraient chargés d'écouler, Ces quotas seraient échangeables entre les divers participants, à l'image de ce qui s'est fait aux Etats-Unis dans le cadre du Lead Trading Program.19 Remarquons toutefois que, si l'on entend favoriser un type d'essence, une différenciation de la taxe sur les carburants serait certainement un instrument plus simple à mettre en oeuvre. Par ailleurs, réduire les émissions de certains polluants par l'introduction de nouveaux carburants n'est probablement pas une mesure très efficace au point de vue des coûts (Jeanrenaud et al 1995, p.68). L'introduction d'un système de certificats ne paraît dès lors pas particulièrement appropriée (Tableau A-35). 6. Limitation des prestations kilométriques Il est probablement plus compliqué d'agir sur la demande de transport routier que d'amener les constructeurs ou les utilisateurs à améliorer les performances écologiques de leur flotte de véhicules. L'utilisation d'incitations économiques est d'ailleurs limitée par le fait que l'élasticité- prix de la demande de transport est faible sur les distances communément pratiquées en Suisse. Toutefois, la mise en oeuvre de fS Plusieurs modèles d'ècobonus ont été envisagés. Dans tous les cas, les sommes collectés seraient entièrement redistribuées à la population adulte (forfait par tête). Celui ou celle qui roulerait moins d'un certain nombre de kilomètres par année {entre 8'00O et 10'000 selon les modèles) serait récompensé dans la mesure où la somme qu'il payerait serait inférieure au montant ristourné {CASH 1990). 19 Ce programme avait pour objet de réduire graduellement la teneur en plomb de l'essence. Le Lead Trading Program est considéré comme un des marchés de certificats ayant le mieux fonctionné (voir Nussbaum 1992). 146 Politique environnementale et efficacité économique certificats peut être envisagée, soit pour réduire les prestations de transports, soit pour influencer le choix modal (passage de la route au rail). Une première possibilité serait de contingenter directement les prestations kilométriques. Les certificats donneraient le droit de parcourir un certain nombre de kilomètres par année, et ils seraient négociables entre les agents concernés, par exemple les entreprises de transport. Parmi elles, celles qui n'utiliseraient pas la totalité de leur quota (rationalisation des déplacements, passage au rail, etc.) seraient autorisées à vendre l'excédent à celles qui en ont besoin (external trading). En Suisse, une telle idée a déjà été proposée plusieurs fois (Langloh et Frey 1992, p.31, Engeler 1994, Frey 1994, p.78, Jeanrenaud et al. 1995, p.54). Elle se heurte toutefois à quelques problèmes pratiques. Tout d'abord, il n'existe pas actuellement d'odomètres fiables disponibles sur le marché. 20 Par ailleurs, il serait difficile de déterminer de manière économiquement efficiente un plafond aux prestations kilométriques, et la distribution initiale des permis risquerait d'être problématique, notamment entre transporteurs nationaux et étrangers. Des problèmes locaux pourraient également apparaître, par exemple sur les axes les plus fréquentés. On ne sait rien non plus de l'acceptabilité d'un tel système. Enfin, dans le cas du transport Nord-Sud ou Sud-Nord, un tel marché serait contraire aux dispositions de l'Initiative des Alpes acceptée par le peuple suisse en février 1994 (voir art. 36 sextes Const. féd.) qui interdit le transport de marchandises par camions d'une frontière à l'autre du pays (obligation d'utiliser les moyens ferroviaires). Une application de cette idée serait toutefois possible en ce qui concerne les camions de 40 tonnes. Leur circulation est actuellement interdite en Suisse, sauf dans une bande de quelques kilomètres près de la frontière. L'idée d'instaurer des couloirs où ces véhicules seraient autorisés a également été débattue. On pourrait toutefois imaginer un système dans lequel la Confédération déterminerait un certain quota de kilomètres que les camions de 40 tonnes seraient autorisés à accomplir sur sol helvétique. Les droits pourraient être vendus aux enchères aux entreprises de transport intéressées ou, si cela n'est pas possible, attribués gratuitement selon une clé à déterminer. Ces droits seraient échangeables et les 40 tonnes circulant sur le réseau national devraient en être dotés proportionnellement aux trajets effectués. Ce système aurait l'avantage de limiter les prestations kilométriques accomplies par ce type de véhicules. Il serait aussi plus souple que la pratique actuelle de la bande-frontière. Toutefois, dans le contexte actuel des relations entre la Suisse et la CE, rien ne dit que cette proposition soit bien L'impossibilité de mesurer les prestations kilométriques de chaque véhicule de manière sure a d'ailleurs été une des raisons pour laquelle la Suisse a renoncé à l'introduction de l'écobonus. 147 8. AUTRES POLITIQUES acceptée. En plus, la définition du quota de kilomètres "acceptables" serait certainement difficile. Pourtant, il s'agit techniquement d'un cas possible de mise en oeuvre des certificats (Tableau A-36). Une adaptation du système autrichien des écopoints serait une autre possibilité de réduire le trafic (ou d'encourager l'utilisation de véhicules moins polluants}. Dans ce modèle, les émissions totales de NOx des véhicules en transit sont contingentées puis transcrites en points écologiques. Chaque camion traversant le pays doit présenter un nombre de points calculé en fonction de ses émissions. La quantité totale de points sera réduite graduellement jusqu'en 2003, avec l'objectif de réduire la charge polluante de ce type de trafic de quelque 60% par rapport à la situation de 1990. En raison de l'acceptation de {Initiative des Alpes, ce mécanisme ne peut cependant pas être adapté pour le cas suisse. Une autre manière de réduire le nombre de kilomètres parcourus serait de contingenter l'essence. Des certificats autorisant l'achat d'un certain nombre de litres d'essence seraient attribués aux entreprises de transport (éventuellement aux ménages), et ils pourraient être librement échangés. Un tel procédé s'apparente toutefois plus à l'économie de guerre (coupons d'approvisionnement) qu'à l'économie de marché, et son acceptabilité serait sans aucun doute très faible. Enfin, une dernière manière de réduire le nombre de kilomètres parcourus serait de limiter directement la quantité de véhicules en circulation dans une région donnée. Un certain nombre de certificats, chacun autorisant un véhicule à rouler, serait vendu aux personnes intéressées, qui pourraient ensuite les revendre comme elles l'entendent (Langloh et Frey 1992, p.31). Ce système serait une alternative à la pratique "plaques paires et impaires" expérimentée dans certaines grandes villes italiennes - notamment Milan - pour lutter contre le smog estival, mais sa mise en oeuvre en Suisse ne saurait être considérée sérieusement. 7. Amélioration des conditions de circulation L'idée est de réduire les émissions polluantes générées par le transport routier en rendant le trafic aussi fluide que possible. Dans le domaine de la lutte contre la congestion, le recours aux instruments économiques a déjà été expérimenté dans quelques cas. Citons notamment l'expérience de Singapour, où un système de vignettes donnant accès au centre-ville fonctionne depuis 1975 (OCDE 1988, p.81). Une telle mesure est aujourd'hui proposée pour Londres (The Economist 1993d). Malgré son appellation (on parle de "permits" pour désigner les vignettes), cette solution est en réalité plus proche d'une taxe que du système de certificats défini dans le présent travail. En effet, c'est le prix des 148 Politique environnementale et efficacité économique vignettes qui est déterminé a priori, et non pas la quantité maximale de véhicules autorisés à accéder au centre-ville. Le système n'est dès lors pas conçu pour donner lieu à des échanges entre les divers agents. La mise en oeuvre d'un véritable système de certificats présuppose donc que quelques adaptations soient apportées à la solution présentée ci- dessus. Tout d'abord, le nombre de vignettes mises en vente doit être défini a priori. A cet effet, il s'agit d'estimer à partir de combien de véhicules la fluidité du trafic n'est plus garantie. La distribution initiale des vignettes pourrait alors résulter d'une vente aux enchères. Ensuite, il faudrait que des échanges puissent effectivement avoir lieu, les vignettes devant pouvoir être négociées entre les automobilistes (validité "au porteur" plutôt que nominative). Se pose toutefois le problème des contrôles à effectuer à l'entrée des centres-villes. Quelque soit la solution retenue (système similaire à celui des péages sur les autoroutes françaises ou contrôle de police), le coût serait prohibitif en raison du nombre élevé de participants. Par ailleurs, les contrôles ralentiraient sensiblement la circulation et auraient ainsi un effet inverse par rapport au but recherché (réduire la congestion). Enfin, la gestion du parking au centre-ville (nombre de places, prix) ou une politique de soutien aux transports publics sont des instruments plus faciles à mettre en oeuvre. Un système de road pricing électronique pourrait aussi être envisagé. L'introduction d'un système de certificats pour réduire les phénomènes de congestion en Suisse ne représente pas une mesure appropriée (Tableau A-37). 8.3.2. Transport aérien a) Description Les nuisances environnementales causées par le transport aérien sont essentiellement le bruit et la pollution de l'air. Les principaux polluants émis par les réacteurs sont le CO, le CO2, les HC, les NOx, le SO2 et les poussières. Remarquons que les émissions par passager d'avion comparées à celle d'une voiture catalysée sont deux fois moindres en ce qui concerne le CO et les HC et pratiquement égales pour les NOx et le CO2. Par ailleurs, grâce au progrès technologique, les émissions de HC ont diminué de plus de 90% en moyenne par réacteur depuis 1970, et celles de CO d'environ 70%. Les émissions de NOx n'ont diminué que de 10%, mais sans progrès technique, elles auraient probablement augmenté de 40% en raison de l'accroissement du taux de compression (Herz 1991, pp.319-326}. La pollution de l'air causée par les avions entraîne des effets globaux plutôt que locaux, car "les émissions sont bien réparties dans un large volume et sont soumises à une très bonne dispersion" [ibid., p.322). 149 8. Autres politiques b) Réglementation actuelle Normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) pour l'homologation des réacteurs et de l'Office fédéral de l'aviation civile (OFAC) pour les conditions d'atterrissage sur les aéroports suisses. Remarquons que depuis 1980, une taxe sur le bruit est perçue à Kloten. Les appareils sont classés en cinq catégories (I à V) selon leurs émissions sonores, et la taxe prélevée s'élève à 400, 265, 200, 135 et 0 francs respectivement {Grenier 1992, p.38). c) Possibilités d'application d'un système de certificats - Bruit des avions On pourrait distribuer aux compagnies aériennes des certificats fondés sur les émissions sonores des appareils. Les compagnies équipées d'avions particulièrement bruyants devraient acheter des certificats à celles dotées d'appareils causant moins de nuisances. Un tel système a été proposé par Harrison (1983): il serait presque deux fois moins coûteux que la réglementation actuelle basée sur des seuils d'émission à ne pas dépasser. Inversement, une étude allemande ayant pour objet l'introduction de "Lärmlizenzen" échangeables entre les compagnies aériennes a mis en évidence des problèmes liés à la distribution initiale et à l'acceptabilité (Ehmer et Beyhoff 1993). D'autres problèmes pratiques pourraient aussi apparaître. En particulier, les comportements stratégiques ne peuvent pas être exclus, étant donné la compétition acharnée que se livrent actuellement les compagnies aériennes. On pourrait par exemple assister à des tentatives d'accaparement du marché des certificats.2* D'autre part, on ne peut exclure non plus l'opposition des associations de riverains. Enfin, une taxe sur le bruit est probablement plus facile à mettre en oeuvre. Comme le bruit en général (voir pt. 7.4), le bruit provoqué par les avions ne se prête pas très bien au contrôle par un système de certificats (Tableau A-38). - Emissions de polluants atmosphériques Plusieurs études ont été menées aux Etats-Unis sur la possibilité d'introduire des certificats pour réduire les émissions polluantes provenant dès avions (voir en particulier NERA 1990, p.125 et ss.). Dans ce projet, les avions seraient traités comme des sources fixes, et les compagnies aériennes se verraient attribuer un certain volume d'émission 22 (ibid., p.138). Pour être autorisé à atterrir sur un aéroport donné, chaque avion devrait disposer du nombre de permis correspondant à ses émissions. En Suisse, une proposition allant dans ce sens a été faite récemment pour l'aéroport de Kloten (Envico AG 21 Voir point 4.3, lettre h). 22 Le polluant servant de référence serait les NO1. 150 Politique environnementale et efficacité économique 1992, pp.10-14, Schelbert et al. 1993, p.83). L'autorité compétente (OFAC) fixerait un plafond aux émissions polluantes autorisées dans les cycles landing - take-off (LTO). Une distinction par polluant serait nécessaire car, comme le souligne Herz (1991, p.320) : "les émissions de CO et de HC sont plus importantes à faible charge (sol, phase d'approche), alors que les émissions de NOx et de particules sont plus importantes à forte charge (décollage)". Les droits pourraient être attribués aux compagnies d'aviation, selon une clé à définir. Celles qui sont équipées d'appareils peu polluants disposeraient de certificats excédentaires qu'elles pourraient vendre aux compagnies dont les avions sont moins performants au point de vue des émissions polluantes. Notons que ce système permettrait aussi bien les échanges internes (averaging) qu'externes (trading). L'efficacité écologique serait élevée car, contrairement au cas de la taxe, le volume maximum des émissions polluantes à Kloten, Cointrin ou Bâle-Mulhouse serait fixé a priori. Remarquons toutefois qu'ici aussi certains comportements stratégiques ne sont pas exclus, par exemple si une compagnie cherche à empêcher l'arrivée d'une concurrente et refuse de vendre ses certificats. L'accaparement du marché par un agent particulier est également possible. Malgré cela, les émissions de polluants atmosphériques des avions pourraient être contrôlées par un système de certificats (Tableau A-39). - Contrôle du nombre de mouvements aériens Une autre possibilité de réduire les émissions provenant des avions est de limiter directement le nombre de mouvements sur un aéroport donné. Par exemple, l'aéroport de Chicago (O'Hare Airport) recourt à un système de tradeable takeoff and landing rights. Plus simplement, on parle de tradeable slots, les slots étant les créneaux horaires dans lesquels les avions sont autorisés à atterrir ou à décoller. Ce sont des raisons de sécurité qui ont motivé cette limitation du trafic aérien - O'Hare est l'un des aéroports les plus chargés du monde - mais l'impact sur le volume des émissions est évident. Depuis 1988, date d'entrée en vigueur du programme, American Airlines a acheté des droits à United, Braniff et Eastern Airlines pour une valeur de plus de 75 millions de dollars, ce qui lui a permis de sensiblement améliorer sa position concurrentielle sur cet aéroport (Slutsker 1992). En Suisse, l'introduction d'un tel système ne serait guère toutefois indiquée, car cela contribuerait surtout à réduire l'attrait de Kloten, Cointrin ou Bâle-Mulhouse, déjà soumis à la concurrence de proches aéroports étrangers. 151 8. Autres politiques 8.4. Chasse a) Description Le gibier peut être considéré comme une ressource naturelle qu'il importe d'exploiter de manière rationnelle. Lorsqu'il s'est avéré que certaines espèces étaient menacées de disparition, la réglementation de la chasse a permis d'assurer la gestion du nombre d'animaux en liberté. Les mesures prises ces dernières années "ont porté leurs fruits au-delà même de ce que l'on espérait" (OFEFP 1991b, p.210). Ainsi, bien des espèces autrefois menacées "semblent se porter à merveille, comme le chevreuil, le chamois, le bouquetin, le cerf élaphe, (...) Ia fouine, le renard, le héron cendré, la mouette rieuse, (...) et le cormoran" (ibid.). En proliférant, certaines espèces peuvent parfois nuire à la forêt (jeunes plants dévorés), aux cultures, aux biens-fonds ou aux animaux de rente. Compte tenu de ces problèmes, on recherche actuellement une certaine régulation du nombre de ces animaux. A côté de ces résultats encourageants, il reste certaines espèces menacées pour lesquelles la chasse est autorisée : cailles des blés, bécassines, grands tétras, huppes fasciées, etc. Le problème de la chasse est donc double : d'une part il importe d'empêcher une trop grande prolifération de certaines espèces "pour ramener les dégâts à un niveau supportable" (ibid.) et d'autre part il est nécessaire de prendre des mesures de protection pour d'autres espèces. b) Réglementation actuelle La chasse est actuellement réglementée par la Loi fédérale sur la chasse et la protection des mammifères et oiseaux sauvages (LChP) et par l'Ordonnance du même nom (OChP). L'organisation de la chasse est de la compétence des cantons. Les périodes de tir sont définies précisément (au jour près et par espèce) à l'article 5 LChP, mais les cantons peuvent les raccourcir ou même interdire la chasse de certaines espèces. Les conditions à remplir pour obtenir une licence et être autorisé à chasser (examens, etc.) sont précisées à l'article 4, mais là aussi les cantons disposent de compétences particulières (modalités des examens, nombre maximum d'animaux à tirer, obligation d'annoncer, etc.). Les situations peuvent donc être fort différentes d'un canton à l'autre. Tous sont tenus d'établir une statistique des animaux tirés annuellement (LChP, art.3), et la plupart d'entre eux tentent de gérer les populations animales a priori, en délivrant le nombre approprié de bracelets pour marquer les bêtes tirées. 23 En début de saison, les services compétents déterminent combien d'animaux doivent être tirés, par espèces (chevreuils, chamois, sangliers,...) et par rapport aux populations existantes. Ils attribuent alors aux chasseurs le nombre de bracelets correspondants. Ceux-ci doivent être apposés aux animaux immédiatement après la mori. Dès le début de la saison, on connaît ainsi le nombre d'animaux qui seront tirés avec une certaine précision. Dans le canton de Neuchâtel par exemple, on a donné l'année dernière 45 bracelets pour les chamois. Ont été effectivement tirées 42 bêtes, ce qui signifie que trois chasseurs n'ont pas eu l'opportunité de tirer un chamois. Il arrive parfois 152 Politique environnementale et efficacité économique c) Possibilités d'application d'un système de certificats Dans ce domaine, un système de certificats peut être réalisé simplement : il suffit de rendre les bracelets négociables entre les tireurs. Les plus intéressés d'entre eux pourraient ainsi acheter des bracelets à ceux de leurs collègues qui n'utilisent pas tous les leurs. Cela présenterait l'avantage d'atteindre plus sûrement l'objectif fixé en matière d'animaux à tirer. Un tel système a d'ailleurs été introduit en France pour les sangliers, dans certains secteurs de chasse délimités précisément (Fiechter 1993). Relevons toutefois que l'intérêt économique de mettre en oeuvre un tel marché en Suisse paraît plutôt limité (Tableau A-40). On pourrait penser aussi à un marché de permis pour les pêcheurs, à l'image de ce qui se fait en Nouvelle-Zélande depuis le début des années 80 24, mais la pêche n'est pas une activité très importante en Suisse et les coûts de mise en oeuvre seraient probablement disproportionnés par rapport au gain économique attendu. que !es chasseurs souhaitent obtenir plus de bracelets que ce qui a été fixé par l'Etat. On procède alors à un tirage au sort (Fiechter 1993). 24 Voir à ce sujet Clarck et al. 1989, Pearse 1992 ainsi que Turner, Pearce et Bateman 1994, pp.187- 188. 153 Politique environnementale et efficacité économique 9. VUE D'ENSEMBLE Les possibilités de mettre en oeuvre un marché de certificats en Suisse ont été analysées dans les deux chapitres précédents. En plus de la politique environnementale, l'étude a porté aussi sur l'aménagement du territoire, la politique agricole, la politique des transports et la réglementation de la chasse, qui sont autant d'activités pouvant affecter l'environnement. L'examen des possibilités d'introduction est basé sur les critères contenus dans la grille d'analyse présentée au point 4.5 du chapitre 4. L'annexe 4 (p.A-24 et ss.) présente l'ensemble des grilles pour les 40 cas étudiés. La dernière ligne ("appréciation finale") indique dans quelle mesure le domaine considéré se prêterait au contrôle par un système de certificats. Rappelons cependant que certains éléments de réponse ne sont, pour l'instant, connus que de manière imprécise. Ainsi en est-il par exemple de l'acceptabilité ou, dans certains cas, de considérations juridiques. Rappelons aussi que la mise en oeuvre réelle de certificats a été plutôt limitée jusqu'à présent. Les expériences réalisées ont porté principalement sur la protection de l'air, mais quelques essais ont été tentés pour la protection de l'eau ou de la forêt, l'élimination du plomb dans l'essence ou la gestion de la pêche. Toutefois, notre analyse montre que les certificats pourraient être mis en oeuvre de manière beaucoup plus large : en Suisse, une vingtaine de cas d'application possible ont été recensés. Les domaines les plus intéressants, c'est-à-dire les cas où un système de certificats pourrait avantageusement remplacer la réglementation directe, sans trop de problèmes pratiques, sont exposés ci-dessous :1 1. Réduction des émissions de NQx Dans une région donnée, les quantités émises annuellement par les principales sources industrielles de NOx seraient limitées et transcrites en certificats. Ceux-ci seraient attribués aux participants sur la base d'une clé quelconque. Les émetteurs seraient alors libres de négocier entre eux la manière la moins onéreuse de parvenir à la réduction souhaitée des émissions et ils s'échangeraient leurs certificats en conséquence. 2. Réduction des émissions de COV Procédé identique à celui décrit ci-dessus pour les NOx. 1 Dans la dernière case des grilles d'analyse ("appréciation finale"), ces domaines sont signalés par une croix dans la première ligne, "bonnes conditions d'application". 155 9. VUE D'ENSEMBLE 3. Réduction des émissions de CPC Deux approches peuvent être envisagées, et éventuellement combinées. La première consiste à distribuer aux sources industrielles importantes des certificats autorisant l'émission d'une certaine quantité de CFC. Le marché fonctionnerait alors comme expliqué ci-dessus pour les NOx et les COV. La seconde possibilité serait d'obliger les producteurs suisses et !es importateurs d'appareils contenant des CFC d'en récupérer une certaine proportion. Les agents concernés auraient le choix entre remplir leur obligation ou indemniser un autre agent pour effectuer ce travail à leur place (achat de certificats). 4. Réduction du volume des déchets ménagers Un système de certificats pourrait être mis en place facilement, en rendant échangeables les vignettes qui servent actuellement à marquer les sacs dans les communes appliquant la taxe-poubelles. Des certificats (vignettes) autorisant la "production" d'un certain volume de déchets seraient attribués aux ménages, qui pourraient les négocier entre eux, par exemple auprès d'un office de leur commune. On créerait ainsi une incitation à réduire le volume des déchets (tri, récupération, compostage, ...)- 5. Incinération des déchets Le volume des déchets que les communes sont autorisées à amener dans une usine d'incinération serait plafonné, par exemple par rapport à la population. Les communes qui ne parviendraient pas à réduire leurs apports devraient acquérir des certificats supplémentaires. 6. Protection desiorêts Afin de préserver la surface actuelle de forêts, le défrichement ne serait autorisé qu'en échange de l'obtention de permis attestant du reboisement, ailleurs, d'une surface identique. Notons que la réglementation actuelle est relativement proche d'un système de certificats. 7. Utilisation d'enorais du commerce Les agriculteurs d'une région donnée se verraient attribuer un quota total d'engrais du commerce, en fonction des surfaces et des engrais de ferme disponibles. Ils seraient libres d'en négocier la répartition entre eux. 8. Affectation des parcelles agricoles Les agriculteurs d'une région donnée se verraient attribuer une certaine surface de leurs terres à transformer en terrains de compensation écologique. Ils seraient libres d'en négocier la répartition entre eux. 156 Politique environnementale et efficacité économique D'autres cas d'application sont encore possibles, bien que les problèmes pratiques soient plus importants ou alors que l'intérêt de la mise en oeuvre soit moindre ou plus incertain, pour une raison ou pour une autre. Ainsi en est-il : 2 - du contrôle des émissions de CO2, - de la limitation des quantités de sels répandues sur les routes en hiver, - de la réduction des déchets produits par les entreprises, - de la récupération des piles usagées, des vieux frigos ou de certains matériaux recyclables tels le verre, le papier, le carton, etc., - de la mise en décharge des déchets, - de l'utilisation de terrains à des fins particulières (ski, ...), - de la limitation de l'emploi des engrais de ferme, - de l'utilisation des boues d'épuration, - de plusieurs possibilités dans le cas du transport routier, telles la réduction de la consommation, l'encouragement à la mise en oeuvre de technologies nouvelles, le retrofit ou l'utilisation de certains types de véhicules {40 tonnes), - du contrôle des émissions polluantes des avions, et - de la gestion du gibier (chasse). Remarquons que les caractéristiques des marchés varieraient d'un cas à l'autre. Les certificats seraient parfois fondés sur les émissions, parfois sur les caractéristiques des produits; ils seraient parfois définis positivement {autorisation de faire quelque chose), parfois négativement {obligation de faire quelque chose). Par ailleurs, l'ampleur du gain d'efficacité que l'on pourrait obtenir par rapport à la réglementation varierait également d'un cas à l'autre. Enfin, toutes les possibilités présentées ci-dessus nécessiteraient une étude approfondie afin de mieux mettre en évidence le design du marché, les avantages et les difficultés pratiques pouvant survenir à la mise en oeuvre et surtout l'ampleur de l'économie de coût réalisable. Cela est fait en détail dans la troisième partie de ce travail pour le contrôle des émissions de NOx (voir plus loin chapitres 10 à 16). 2 L'appréciation finale de ces domaines (dernière ligne de la grille) est "Quelques/plusieurs difficultés". 157 Troisième partie : Un marché de certificats appliqué aux émissions industrielles d'oxydes d'azote dans le c hablais Politique environnementale et efficacité économique 10. Présentation de l'étude de cas La première partie de cet ouvrage a montré que les instruments de marché sont presque toujours plus efficaces qu'une réglementation uniforme quand il s'agit de réduire les émissions de polluants. Un système de certificats échangeables (ou une taxe) devrait donc permettre d'atteindre un même objectif - une réduction donnée des quantités émises - à un coût inférieur. En revanche, ce que la théorie économique ne précise pas, c'est l'importance du gain potentiellement réalisable grâce à la mise en oeuvre d'un instrument incitatif. Comment juger alors de l'intérêt d'introduire un système de permis négociables ? Remarquons que le mécanisme conduisant au gain d'efficacité est connu : il suffit de réduire plus fortement les émissions là où le coût marginal est faible, et moins ou même pas du tout lorsque celui-ci est élevé. En conséquence, plus les différences de coûts entre les sources sont importantes et plus l'économie possible est substantielle. Mais celle-ci ne dépend pas que de la dispersion des coûts marginaux : elle est aussi fonction des caractéristiques du marché considéré, telles que région couverte, nombre de participants, règles d'échange, etc. L'ampleur du gain réalisable doit donc être mesurée dans chaque cas particulier et, à cet effet, il est nécessaire de définir au préalable le design exact du marché envisagé. C'est précisément le but de cette troisième partie. Les chapitres précédents ont recensé les cas favorables pour l'introduction de permis dans la politique environnementale suisse. Parmi les diverses possibilités, c'est le contrôle des émissions d'oxydes d'azote qui a été retenu comme cas d'étude. Plusieurs raisons expliquent ce choix : tout d'abord, une enquête préalable a montré qu'il existe, dans le cas des sources industrielles, une grande dispersion dès coûts marginaux d'épuration (Stritt et Jeanrenaud 1992). Ensuite, l'objectif d'émissions fixé par le Conseil fédéral en 1986 n'est pas atteint, et cela dé manière assez conséquente. Ainsi, contrairement à d'autres polluants, comme le SO2 par exemple, les concentrations ambiantes de NOx restent élevées dans les villes et agglomérations de Suisse. Par ailleurs, les NOx participent à la formation d'ozone en basse altitude, problème connu sous le nom de smog estival. Enfin, une part significative des émissions est due à l'industrie, même si celle-ci ne constitue pas la source la plus importante, et le respect des valeurs limites d'émissions exige souvent des investissements importants de la part des entreprises. Les pages suivantes présentent donc, tout d'abord, une analyse de ce que sont les NOx, de leurs modes de formation, des principales sources d'émissions, notamment dans le domaine industriel, et de leurs effets sur l'environnement. Il est nécessaire aussi de recenser les technologies de 161 10. PRESEhfTATION DE L'ÉTUDE DE CAS dépollution disponibles, les conditions dans lesquelles elles peuvent s'appliquer et les résultats auxquels elles parviennent. On s'attache ensuite à concevoir dans le détail les caractéristiques du marché. Cela consiste, en particulier, à sélectionner une région d'application, puis à désigner les participants et à préciser les régies d'échanges. Il importe aussi d'identifier les difficultés pratiques pouvant survenir et de leur apporter une réponse adéquate, en terme d'organisation du marché. Une fois le design de celui-ci précisément établi, on peut procéder à la mesure du gain d'efficacité. Il s'agit alors, tout d'abord, de déterminer la méthode la mieux adaptée au cas considéré. En particulier, toute évaluation suppose une certaine collaboration de la part des agents censés prendre part au marché. Or l'expérience a montré qu'il est souvent difficile d'obtenir des entreprises des informations chiffrées sur les montants qu'elles consacrent à la protection de l'environnement. La collecte des données est en général une opération relativement longue et coûteuse; il importe donc de s'assurer que les informations nécessaires à l'application de la méthode peuvent être obtenues sans trop de difficulté, par exemple par questionnaires ou interviews. Remarquons que les études effectuées aux Etats-Unis sur le même sujet ont souvent adopté une démarche différente, à savoir un calcul d'ingénieurs basé sur des unités de production modèles et des technologies de dépollution déterminées. Une fois l'évaluation du gain effectuée, il faut se demander dans quelle mesure ce résultat théorique peut être obtenu en réalité : il est possible en effet que l'on ait sous-estimé les problèmes de mise en oeuvre. Dans tous les cas, il est nécessaire que les entreprises soient convaincues des avantages du système proposé, sans quoi elles auraient tendance à thésauriser leurs permis plutôt qu'à les mettre sur marché; le développement de celui-ci serait alors compromis. A ce propos, une bonne politique d'information serait certainement nécessaire au moment de la mise en place du marché, afin de lui assurer une liquidité suffisante. En même temps, il importe de veiller à ce que les coûts administratifs restent aussi faibles que possible, si l'on entend éviter qu'ils ne réduisent par trop le gain espéré. Enfin, les questions juridiques liées à la mise en oeuvre de certificats doivent également être résolues. L'acceptabilité du système proposé - et donc ses chances de succès - dépend probablement plus de considérations pratiques que de l'importance de l'économie calculée en théorie. 162 Politique environnementale et efficacité économique 11. Pollution de l'air par les oxydes d'azote 11.1. Provenance 11.1.1. Modes de formation Le terme oxydes d'azote (abrégé NOx) désigne théoriquement un grand nombre de composés de type NxOy. Toutefois, du point de vue de la pollution de l'air, seules deux combinaisons revêtent une importance pratique (OFEFP 1986, p.34). Il s'agit du monoxyde d'azote (NO, dit aussi oxyde nitrique) et du dioxyde d'azote (NO2). Le protoxyde d'azote (N2O, dit gaz hilarant) est actuellement considéré comme l'un des participants à l'effet de serre, et on cherche à ce titre à en limiter les émissions. Le N2O n'est toutefois pas compris sous l'appellation générale de NOx et ne sera pas traité ici. Il en va de même pour l'anhydride nitreux (N2O3), l'hémitétroxyde d'azote (N2O4), l'hémi- pentoxyde d'azote (N2O5) et les vapeurs d'acide nitrique (HNO3) qui peuvent être présents dans l'air ambiant, mais dont on ne connaît pas d'effets significatifs aux concentrations rencontrées (Elsom 1992, p.48). Dans l'air naturel (ou pur), les NOx n'existent que sous forme de traces, c'est-à-dire à des concentrations inférieures à 5 u.g/m3 (OFEFP 1986, p.35). 1 Les oxydes d'azote proviennent essentiellement des activités humaines.2 Des émissions de NOx se produisent lors de toute combustion dont la température dépasse 1000 CD. La formation de NO ou de NO2 peut alors avoir lieu de trois manières distinctes (ECE 1986, p.17) : - Par la fixation des atomes d'azote présents dans l'air au moment de la combustion. On parle alors de NOx thermiques ("thermal NOx"). Rappelons que dans de la troposphère (couches inférieures de l'atmosphère), l'azote forme environ 78% du volume de l'air sec, non pollué (Godish 1991, p.37). - Par la fixation des atomes d'azote contenus dans les combustibles. On parle alors de HOx-combustible ("fuel NOx"). 1 II existe bien évidemment des définitions plus complètes de ce qu'il faut entendre par NOx, mais leur présentation dépasserait le cadre du présent travail. Le lecteur intéressé pourra consulter, en particulier, Schneider et Grant 1982, ECE 1986, Wellbum 1988, Seinfeld 1989, Godish 1991, Elsom 1992, SCAQMD 1992b ou Benitez 1993. 2 Les NO» peuvent aussi se former de manière naturelle (transformation microbienne dans les sols, éclairs, etc.). En Suisse, les émissions d'origine naturelle ne représentent toutefois qu'une part négligeable du total des émissions (OFEFP 1986, p.35). 163 11. Oxydes d'azote - Par la coupure de la liaison N-N due à la chaleur de la combustion et la combinaison avec des atomes O ou des molécules O3. Ces NOx rapides ("prompt NOx") sont un cas particulier des NOx-combustible. 11.1.2. Sources Les oxydes d'azote proviennent des trois catégories traditionnelles d'émetteurs que sont les transports, l'industrie et les ménages. Au niveau national, la plus grande part des rejets incombe aux transports, à l'origine de 68% du total des émissions en 1990 (OFEFP 1987a, p.45). La part des ménages (chauffages) est minime (5%), et celle de l'industrie et de l'artisanat se monte à 27%, ce qui représentait 49'900 tonnes en 1990 (ibid.). Il importe de relever que ces pourcentages évoluent dans le temps. Grâce à la généralisation des pots catalytiques, les émissions provenant des transports continueront à diminuer sensiblement en valeur relative, pour ne représenter que 47% du total vers 2010. La part de l'industrie croîtra en conséquence, jusqu'à 44% (ibid.). En ce qui concerne l'industrie, les émetteurs les plus importants sont la chimie, les cimenteries, les fabriques de briques et de tuiles, l'industrie des matières plastiques et du caoutchouc, la métallurgie (aciéries, fonderies, etc.), les ateliers mécaniques et l'industrie du verre. Les usines d'incinération des ordures sont également des émetteurs importants avec, selon leur taille, des émissions pouvant atteindre 200 à 300 tonnes de NOx par année, voire plus. Ces diverses sources ne sont pas d'égale importance. Toutefois, la structure des émissions est encore relativement peu connue, car les cadastres d'émissions sont actuellement en cours de réalisation par les cantons. Une vue d'ensemble au niveau fédéral ne sera pas disponible avant la fin de l'année 1996 (Baumann 1995). L'agrégation des cadastres cantonaux est d'ailleurs compliquée par le fait que tous les cantons n'ont pas adopté la même méthode de recensement des émissions (ibid.). On sait cependant qu'en Suisse, les quantités d'oxydes d'azote rejetées par les entreprises sont généralement relativement faibles : la presque totalité d'entre elles (98%) ont des émissions annuelles inférieures à 20 tonnes. Inversement, le nombre de grandes sources (> 100 tonnes/an) est très réduit : il ne dépasse pas 40 pour l'ensemble du pays (source : IRER; voir tableau 11.1). 164 Politique environnementale et efficacité économique Tableau 11.1. Taille et répartition par canton des entreprises émettrices de NO, en Suisse Cant. ;>200to. 100-199to. 50-99to. 20-49tO. <20tO. AG 3 4 3 4 741 Al 0 0 0 0 2 AR 0 0 0 0 250 BE 1 1 1 8 271 BUBS 2 3 4 6 175 FR 0 0 0 2 10 GE 1 0 0 0 106 GL 0 1 0 2 113 GR 1 1 0 2 1 JU 0 0 0 nd nd LU 1 2 1 3 2348 NE 2 0 0 3 67 NW 0 0 2 0 500 OW 0 0 0 0 27 SG 0 0 3 3 nd SH 1 0 0 0 nd SO 3 0 4 2 2798 SZ 1 0 0 0 500 TG 0 0 2 8 750 Tl 0 0 3 10 nd UR ne ne ne ne ne VD ne ne ne ne ne VS 4 1 3 4 nd ZG 0 0 0 0 nd ZH 2 2 4 1 120 Totaux 22 15 30 58 6779 Totaux cumulés — 37 67 125 8904 Parts relatives 0,25 % 0.17 % 0,34% 0.65 % 98,60 % Parts relatives cumulées — 0,42 % 0,75% 1,40% 100,00% Note : ne : non communiqué; nd : non déterminé; pour les sommations, ne et nd sont remplacés par des zéros. Les totaux sont donc à considérer comme des minima. Source : Enquête auprès des Services cantonaux de protection de l'environnement. IRER, mars 1994 {questionnaire : voir annexe 1). 165 11. Oxydes d'mote 11.2. Les NOx comme précurseurs de l'ozone L'ozone (O3) est un polluant dit "secondaire", dans le sens qu'il n'est pas émis directement en tant que tel. Il résulte de réactions photochimiques intervenant dans les basses couches de l'atmosphère, sous l'effet du rayonnement solaire, entre l'oxygène et des gaz précurseurs, principalement les oxydes d'azote et les composés organiques volatils (COV). Les mécanismes de formation de l'ozone sont complexes et leur présentation dépasserait le cadre de ce travail. 3 De manière simplifiée, on peut dire que l'énergie solaire absorbée dissocie la molécule de dioxyde d'azote (NO2) en NO + O. L'atome d'oxygène isolé (O) se combine rapidement avec une molécule d'oxygène (O2) pour former de l'ozone (O3). Le schéma cinétique de la photo-oxydation COV-NOx est complexe, et le mécanisme d'oxydation des COV est encore mal connu. La présence de certains COV accélère la formation d'ozone; l'augmentation de la concentration de ce polluant dans la troposphère est connue sous le nom de smog estival (ou smog photochimique). L'abaissement du taux d'ozone passe par la réduction des émissions des précurseurs. Pour atteindre le niveau des directives de l'OMS quant à la qualité de l'air, il serait nécessaire de réduire les émissions de NOx et de COV d'environ 70% à 80% par rapport à leur niveau de 1985 (OFEFP 1989, p.248). Or les prévisions montrent que cet objectif ne pourra pas être atteint avant l'année 2010 dans le meilleur des cas (OFEFP 1987a, pp.45-47). Par ailleurs, pour réduire efficacement les taux d'ozone, il importe de connaître préalablement les concentrations de NOx et de COV en présence. En effet, si le rapport des concentrations [COV] / [NOx] est de 10 à 1 ou moins, la réduction du smog photochimique passe par la réduction des émissions de COV. Si le rapport est de 20 à 1 ou plus, c'est le contraire qui est vrai (National Academy of Science 1991). Ainsi, la réduction unilatérale de l'un des deux précurseurs risque d'aboutir à une augmentation de la concentration d'ozone, car, selon les cas, les oxydes d'azote contribuent à la formation ou à la dégradation de l'ozone (Elsom 1992, p.230; voir figure 11.1 ci-contre). Remarquons qu'il n'est pas toujours aisé de connaître les concentrations en présence des deux polluants. Les émissions de COV d'origine naturelle ont été longtemps sous-estimées. Par ailleurs, comme le note l'OTA (1989, p.17), "the precise local balance of VOCs and NOx varies from place to place, even within the same metropolitan area, and from day to day", si bien qu'il est particulièrement difficile de déterminer la meilleure manière d'agir. En Suisse, on a opté pour une réduction équivalente des deux précurseurs, ce qui est probablement la stratégie la plus appropriée (Ballaman 1995). Signalons encore que des recherches menées en Suisse ont abouti à la conclusion qu'en certains endroits, la somme des concentrations de NO2 et d'03 pourrait être égale à une constante (SEDE 1992). Une série de mesures Pour un aperçu technique des mécanismes de formation de l'ozone, voir OFEFP 1989, pp.5-15. 166 POLCTiQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE effectuées au-dessus de l'agglomération lausannoise a confirmé cette règle empirique (ibid., p.24). Dans ce cas, "une mesure ponctuelle de réduction des émissions de NOx n'a donc guère de chance de réduire la concentration d'ozone dans le voisinage immédiat. Elle peut même aboutir au résultat contraire" (ibid., p.30). Pour Ballaman (1995), cette affirmation n'a toutefois guère de sens dans la mesure où la concentration en monoxyde d'azote (NO) n'est pas prise en compte. Figure 11.1. Interaction des NQx et des COV dans la formation / dégradation de l'ozone Figure 8.15 Peak ozone levels aie a lunctkyi ot photochemical réactions involving oxides of nitrogen and nydrocaibons (or VOCsI Reducing emissions of oiides § ol nitrogen alone may g* increase Ozone levels in some g Cities (e.g point A on grapn). ^ wtrilsl in other ciliés the ¦- /eduction of hydrocarbon ° emissions alone may cause no reduciion in ozone ¦= levels (B) Effective strategies O of oMne reduciion involving emission reductions of both hydrocarbons and 01 id« of nifogen in urban areas need to give care lut consideration lo ine retai ive position cri each City oh lhis chart HydfOMrbons Of VOCs SûUICÊ : Elsom 1992, p.230. 11.3. Effets 11.3.1. Santé humaine Les NOx sont un gaz irritant susceptible d'endommager les structures alvéolaires des poumons de l'homme ou de leur causer des modifications morphologiques. Selon les concentrations et les durées d'exposition, les dommages causés par l'inhalation de NOx peuvent apparaître au niveau des alvéoles ou des bronchioles. Aux concentrations que l'on rencontre dans l'air de certains centres urbains, les NOx peuvent provoquer les maux suivants <§> * ri? C,- O- Q-/// / •9 & y 0 ^*""-0.40 Ozone (ppm) W ------------0.20 167 11. Oxydes d'azote {adapté de OFEFP 1986, pp.36-38, Schneider et Grant 1982, pp.79-90, Martin et Maystre 1988, pp.52-53) : - une irritation des yeux et des voies respiratoires, - des maux de tête, - des difficultés respiratoires liées à une plus grande résistance à l'écoulement de l'air dans les voies respiratoires, - des crises d'asthme et/ou de rhume des foins, - une sensibilité accrue aux infections bactériennes et virales, - une apparition plus fréquente de maladies chroniques, telles que toux ou bronchite, - une éventuelle modification histologique des tissus pulmonaires. Ces différents effets peuvent parfois apparaître lors d'expositions à de très faibles concentrations. Ainsi, une étude menée sur deux groupes d'enfants de moins de sept ans a montré une différence significative dans les fréquences d'affections respiratoires, selon que les enfants habitaient dans des appartements où la concentration de NO2 est supérieure ou inférieure à 30 |ig/m3 (Horsch 1988, p.511 ). Les atteintes résultant d'expositions à court terme disparaissent généralement en quelques heures, mais les expositions à long terme pourraient causer des dommages irréversibles. Remarquons que les oxydes d'azote ne semblent pas présenter de potentiel cancerogene (Ballaman 1995). Il existe plusieurs fonctions dose-réponse liant la concentration de NOx à la morbidité ou à la mortalité. Ces fonctions varient passablement selon l'effet considéré (irritation des yeux, toux, bronchite, etc.) et la présence ou non d'autres polluants. Certaines d'entre elles admettent un effet de seuil, d'autres pas; certaines sont linéaires, d'autres de forme logistique (voir Schneider et Grant 1982 ainsi que Markandya et Papp 1994). En ce qui concerne l'ozone, les effets sur la santé de l'homme, sur la végétation, les cultures et les matériaux sont relativement bien connus, et la littérature sur ce sujet est aujourd'hui abondante (voir en particulier EPA 1986 et 1989, OFEFP 1989, OTA 1989, SCAQMD 1991f et Fuhrer et Achermann 1994). L'ozone affecte en premier lieu les fonctions pulmonaires, ce qu'attestent de nombreuses expérimentations contrôlées sur l'homme. Une certaine diminution de ces fonctions peut être constatée après une heure d'exposition à des concentrations relativement basses, selon l'intensité de l'activité physique. L'exposition à l'ozone provoque également des symptômes tels que brûlure des yeux, maux de tête, irritation des voies respiratoires et toux. Ces effets sont généralement réversibles et disparaissent peu après la fin de l'exposition.4 Les valeurs limites commission que fixe l'OPair pour l'ozone (120 ng/m3 en moyenne horaire et 100 jig/m3 pour 98% des moyennes semi-horaires d'un mois) correspondent aux recommandations de 168 Politique environnementale et efficacité économique 11.3.2. Végétation et matériaux Les oxydes d'azote peuvent provoquer certains dommages à la végétation même à de faibles concentrations. Toutefois, les atteintes sont accrues en présence d'autres polluants, comme l'ozone ou les oxydes de soufre (synergie). Lors d'exposition à ces polluants à des concentrations de l'ordre 100 u.g/m3 durant plusieurs mois, on a pu constater des réductions importantes de la croissance, allant jusqu'à 50%, la chute prématurée des feuilles, des surfaces foliaires plus petites et un nombre moins important de bourgeons auxiliaires. Une inhibition de la photosynthèse a également été observée (OFEFP 1986, pp.38-39). En ce qui concerne les matériaux, il a pu être montré que les oxydes d'azote attaquent les polymères naturels et synthétiques et qu'ils diminuent la stabilité des colorants et le comportement mécanique des produits {ibid.). En ce qui concerne l'ozone, il est à noter que les cultures et certains matériaux (caoutchouc, peintures, ...) peuvent subir des atteintes à des concentrations bien inférieures à celles qui constituent un danger pour l'homme. D'autre part, les oxydes d'azote sont, avec le dioxyde de soufre (SO2), les principaux responsables de l'acidification des eaux de pluie, phénomène connu sous le nom de pluies acides. Dans les pays industrialisés où l'utilisation de charbon et d'huiles lourdes est importante, les NO„ seraient responsables de 30% environ de l'acidité des précipitations, contre 70% pour les oxydes de soufre (Torrens 1984, p.12). En Suisse, la part de responsabilité des NOx est probablement plus élevée, car les émissions de SO2 sont proportionnellement moins importantes. L'acidification des précipitations et des dépôts secs n'est pas sans conséquences pour les sols et la croissance des végétaux. Toutefois, les effets les plus notables concernent les lacs où l'effet tampon est faible, de même que les sols granitiques tels qu'on les trouve dans les Alpes. Par exemple, des modifications de la composition des espèces aquatiques ont pu être observées dans les lacs de montagne ou dans les régions à structure géologique cristalline, comme le Tessin (OFEFP 1986, pp.33-34). Les matériaux sont également concernés par l'acidification des précipitations et du brouillard, phénomène qui accélère le processus naturel de vieillissement (corrosions et désagrégations plus impartantes). Les matériaux les plus touchés sont les pierres naturelles (calcaire, molasse, marbre), les métaux (notamment l'acier, le zinc, le cuivre et le nickel}, le verre (en particulier les vitraux anciens), les revêtements plastiques, les enduits et certaines peintures. Même s'ils paraissent moins atteints, le ciment et le béton ne sont pas épargnés (ibid., p.33). l'OMS qui ont aussi été reprises dans la Directive européenne concernant la protection de la santé humaine. 169 11. Oxydes d'azote 11.4. RÉGLEMENTATION ACTUELLE Les normes relatives aux émissions et aux concentrations de NOx dans l'air ambiant sont contenues dans l'Ordonnance fédérale sur la protection de l'airs entrée en vigueur le 1er mars 1986 (OPair 86). En septembre de la même année, le Conseil fédéral rendait publique sa Stratégie de lutte contre le pollution de l'air, approuvée ultérieurement par le Parlement, dans laquelle il annonçait sa volonté de ramener les émissions annuelles de NOx à leur niveau de 1960, à savoir 67'200 tonnes, toutes sources confondues. 6 Afin d'adapter les textes aux progrès technologiques réalisés depuis 1984 (état de la technique déterminant lors de l'élaboration d'OPair 86), une nouvelle version de l'Ordonnance est entrée en vigueur au 1.1.1992 (OPair 92). Les technologies désormais disponibles ont permis d'abaisser fortement certaines limites d'émissions.7 Dès le départ, les normes d'émissions ont été définies en terme de concentrations, en mg/m3. Dans le cas des NOx, la norme "générale" de 1992 (250 mg/m3) est complétée par un grand nombre de valeurs particulières, variant de 80 à 800 mg/m3 selon le type d'installations considérées {Tableau 11.2). Ce tableau illustre bien le degré de complexité atteint par la réglementation directe. L'OPair est construite sur la même logique en deux temps que la Loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE)ß de 1983. Dans un premier temps, il y a lieu de limiter les émissions de manière préventive (OPair art.3). Si, malgré le respect des limitations d'émissions, des immissions excessives sont établies ou à prévoir, l'autorité compétente (cantons) est chargée de prendre des mesures plus sévères. 9 Elle distinguera en premier lieu si les immissions excessives proviennent d'une seule installation ou au contraire de l'ensemble de celles-ci. Dans le premier cas, l'autorité imposera une limitation d'émissions complémentaire ou plus sévère à l'installation concernée, qu'elle soit existante ou projetée (art. 5 et 9). Si les immissions excessives ne peuvent pas être imputées à une seule installation mais proviennent d'un ensemble de sources, 5 RS 814.318.142.1 e Le TCS (30 mars 1989, p.26) remarque que "selon TOFEFP, la marge de variation des données sur les émissions est de +/- 20 pour cent. En valeur absolue, cela signifie plus ou moins 13'500 tonnes pour les 67'200 tonnes de NO, avancées pour 1960". Le niveau des émissions de 1960 s'inscrirait ainsi dans l'intervalle [53700 ; 80700) tonnes. L'objectif officiel reste de 67'200 tonnes. 7 Ainsi par exemple, la norme dite "générale" a été réduite de moitié, passant de 500 mg/ms pour un débit massique égal ou supérieur a 5'000 g/h à 250 mg/m3 pour un débit massique égal ou supérieur à 2'500 g/h. La norme s'appliquant aux fours à ciment a également été fortement réduite, passant de 1'50O mg/m5 a 800 mg/m . 8 RS 814.01 9 Les VLI établies pour le HO2 sont les suivantes (voir OPair 92, annexe 7) : 30 ug/ms en moyenne arithmétique annuelle, 100 ug/m1 pour 95% des moyennes semi-horaires d'une année et 80 u.g/ms en moyenne par 24 heures, cette valeur ne devant en aucun cas être dépassée plus d'une fols par année. 170 Politique environnementale et efficacité économique l'autorité doit arrêter un plan de mesures permettant de les prévenir ou de les éliminer (art.31). Remarquons qu'en légiférant en termes de concentrations (mg/m3), on ne contrôle pas la charge totale (tonnes émises). Or1 dans une économie en croissance, de nouvelles sources viennent, chaque année, s'ajouter aux anciennes. Même si l'OPair prévoit expressément que des mesures plus sévères pourraient être imposées aux nouvelles installations, il est à craindre que la charge totale ait tendance à croître. Remarquons aussi que l'OPair ne prévoit pas d'adaptation automatique de ses normes au progrès technique, comme le fait la TA Luft allemande (Dynamisierungsklausel, voir Heister et al. 1990b, p.6), mais elle pourrait être amendée périodiquement, comme ce fut le cas avec l'introduction de sa version 92. Pour terminer, signalons que l'objectif fixé par le Conseil fédéral - ramener le volume des émissions au niveau de 1960 - n'a pas été atteint dans le délai imparti (fin 1995). Les prévisions montrent qu'à long terme, on émettra encore, en Suisse, une quantité de NOx correspondant au double de l'objectif à atteindre. 10 Avec des concentrations annuelles se situant en moyenne autour des 40-50 Lig/m3 dans les villes et les agglomérations, on peut affirmer que "la pollution par les NOx reste un problème grave qui touche une grande partie de notre pays" (OFEFP 1991b, pp.45-46). Il en va de même pour les concentrations excessives d'ozone, dont les NOx sont un des précurseurs (Ballaman 1995). La Suisse va donc maintenir sa politique de réduction systématique des émissions de NOx; elle s'est d'ailleurs engagée dans ce sens dans le cadre d'une série d'accords internationaux récents (voir OFEFP 1994b, pp.76-77). L'instrument principal de cette action sera l'OPair, dont la mise en oeuvre sera méthodiquement poursuivie. 10 Les prévisions disponibles actuellement estiment à 123'0OO tonnes par année le volume des émissions de NOx en Suisse en 2010. De nouvelles évaluations sont actuellement en préparation, mais elles ne seront disponibles que vers la finde l'année 1996 (Ballaman 1995). 171 11. Oxydes d'azote Tableau 11.2. Normes de l'OPair 92 pour les concentrations à l'émission de NOx__________ La concentration des émissions d'oxydes d'azote ne doit pas dépasser les valeurs ci-dessous : 60 mg/m3 pour les installations d'incinération des déchets 90 mg/ma pour les moteurs à combustion stationnaire fonctionnant avec des carburants non gazeux 80 mg/m3 pour les installations de combustion au gaz d'une capacité calorifique supérieure à 350 kW avec liquide caloporteur d'une température inférieure ou égale à 110 C 80 mg/m3 pour les turbines â gaz d'une puissance calorifique supérieure ou égale à 60 MW et alimentées en combustibles gazeux 90 mg/m3 pour les brûleurs â air puisé alimentés au gaz de test G31 110 mg/m3 pour les installations de combustion au gaz d'une capacité calorifique supérieure a 350 kW avec liquide caloporteur d'une température supérieure â 110 C 120 mg/m3 pour les installations de combustion au gaz dont les brûleurs atmosphériques ont une capacité calorifique inférieure ou égale à 12 kW 120 mg/m3 pour les autres turbines à gaz * 120 mg/m3 pour les installations de combustion alimentées à l'huile "extra-légère" et satisfaisant à l'expertise-type au sens de l'article 20 120 mg/m3 pour les installations de combustion alimentées à l'huile "extra-légère" avec fluide caloporteur d'une température inférieure ou égale à 110 C 150 mg/m3 pour les installations de combustion alimentées â l'huile "extra-légère" avec fluide caloporteur d'une température supérieure à 110 C, sous réserve des exceptions mentionnées à l'annexe 3, chiffre 412. 150 mg/m3 pour les installations de combustion alimentées â l'huile "moyenne" ou "lourde" dont la puissance excède 100 MW 150 mg/m3 pour les installations de cuisson des objets en céramique dont le débit massique est égal ou supérieur à 2000 g/h 200 mg/m3 pour les installations de combustion alimentées au charbon ou au bois dont la puissance est supérieure â 100 MW 250 mg/m3 norme générale pour un débit massique égal ou supérieur â 2500 g/h 300 mg/m3 pour les fours des raffineries 300 mg/m3 pour les installations de combustion alimentées à l'huile "moyenne" ou "lourde" dont la puissance est comprise entre 51 et 100 MW (inclus) 400 mg/m3 pour les moteurs à combustion stationnaire fonctionnant avec des carburants gazeux 400 mg/m3 pour les installations de combustion alimentées au charbon ou au bois dont la puissance est comprise entre 51 et 100 MW (inclus) 450 mg/m3 pour les installations de combustion alimentées à l'huile "moyenne" ou "lourde" dont la puissance est comprise entre 5 et 50 MW (inclus) 500 mg/m3 pour les installations de combustion alimentées au charbon ou au bois dont la puissance est comprise entre 1 et 50 MW (inclus) 0,2 â 0,6 g/m3 pour les fours de traitement thermique, selon le préchauffage de l'air 800 mg/m3 pour les fours à ciment 2,5 kg/t partonne de verre creux produit 6,5 kg/t par tonne d'autres verres produits Source : OPaîr 92, cht 61. 62, 112, 123. 133, 312.3, 473. 714, 824. 836 ainsi qu'annexe 3, chi 411,412, 421,511,522, 61, 62 et annexe 4, chi 31, 61 et 711. * â l'exception des installations dont le rendement électrique est supérieur â 30%, pour lesquelles une valeur limite d'émission est calculée de manière spécifique, voir chi 836.2. 172 Politique environnementale et efficacité économique 12. Technologies de réduction des émissions d'oxydes D'AZOTE 12.1. Considérations générales Tout comme il existe trois modes de formation de NOx, il existe trois types d'action pour en réduire les émissions. Il est en effet possible d'agir sur (i) les combustibles, m) les procédés de combustion ou (ni) les émanations (Figure 12.1). Les actions sur les combustibles ou les procédés de combustion sont des mesures dites "primaires", car elles sont prises en amont de la formation proprement dite des NOx. Ce type d'actions implique soit le recours à un produit de substitution (par exemple passage au gaz naturel en lieu et place du mazout), soit une modification du procédé de combustion (par exemple nouveau brûleur). Dans les deux cas, on recourt à des technologies plus complexes, demandant généralement plus d'entretien et possédant une durée de vie plus courte (Pelet 1995b). Cependant, il est parfois possible que l'action entreprise permette de réaliser des économies, par exemple suite à une consommation réduite, mais il s'agit plutôt d'exceptions. Les actions sur les émanations sont appelées, a contrario, mesures "secondaires". On parle de technologies "add-on", ou "end-of-pipe" : on ajoute une black-box au procédé de fabrication, sans que celui-ci ne soit modifié. Il s'agit d'un investissement improductif, c'est-à-dire qui ne peut pas être rentabilisé. 12.2. Possibilités d'intervention 12.2.1. Actions sur les combustibles Les huiles minérales, le pétrole et le mazout contiennent des proportions variables (entre 0,1 et 0,5%) de composés azotés tels que pyrroles, indoles, isoquinolines, acridines et porphyrines (ECE 1986, p.23). Leur combustion implique ainsi la formation de NOx-combustible. Une certaine réduction des émissions de NOx peut être obtenue, sans modification notable du procédé de combustion, en remplaçant les combustibles classiques par des combustibles ne contenant pas eie composés azotés (gaz naturel), ou n'en contenant qu'en faible teneur (huile extra-légère). 173 12. Technologies de réduction des émissions 12.2.2. Actions sur les procédés de combustion L'émission intrinsèque de NOx d'une installation dépend de nombreux facteurs. Certains d'entre eux sont liés à sa conception : dessin de la chambre de combustion, mode et lieu d'injection du combustible, plage de température de combustion, etc. Mais l'émission est aussi fonction des paramètres d'utilisation, tels que charge, mixage d'air, état d'encrassement du brûleur, etc. (ECE 1986, p.28 et ss.). La modification du procédé de combustion passe en général par l'installation d'un brûleur Low-Nox. Il n'existe pas de définition du terme Low- Nox (Liechti 1995). Dans la pratique, on appelle ainsi les brûleurs conçus spécifiquement pour réduire les émissions par rapport aux techniques conventionnelles (Pelet 1995b) ou, plus simplement, les installations qui satisfont aux exigences de l'OPair 92 {Liechti 1995). On les appelle parfois brûleurs "à flamme bleue" pour les distinguer des brûleurs conventionnels fonctionnant avec une flamme jaune.1 Les procédés Low-Nox permettent une très sensible réduction de la formation de NOx tout en maintenant une combustion efficace (flamme stable, faible perte d'énergie due aux particules imbrûlées, peu d'émissions d'autres polluants, ...). La réduction des émissions de NOx est obtenue par l'une ou l'autre (ou la combinaison) des techniques suivantes : a) La combustion étagée consiste à modifier les quantités d'oxygène présentes dans la chambre de combustion. Cette dernière est divisée en deux zones : dans une première, dite de combustion primaire, la combustion a lieu avec une sous-alimentation en oxygène. Dans la seconde, c'est au contraire une suralimentation qui assure la combustion complète, Le manque d'oxygène dans la zone primaire réduit la formation de NOx thermiques et de NO„-combustible. b) La combustion pauvre en air est une proche variante du cas précédent (procédés BOOS ou OFA).2 Elle permet une réduction de la concentration en oxygène dans la flamme, de sorte que la formation des NOx thermiques et des NO„-combustib1e est plus faible. Cependant, la réduction obtenue est généralement assez faible (quelques pour-cent) et cette technique ne peut pas être appliquée dans tous les cas. Dans la situation la plus favorable, la réduction des émissions peut quand même atteindre 40% et on note une légère amélioration du rendement (ECE 1986, p.33). On associe généralement cette technique avec d'autres mesures de réduction des émissions. c) La recirculation des fumées consiste à réinjecter une partie des fumées dans la chambre de combustion, afin de refroidir la flamme. Les fumées agissent comme un gaz inerte : elles "diluent" la combustion et Il est également possible d'obtenir des émissions réduites avec des brûleurs à flamme jaune, par exemple avec du fuel lourd ou un étagement interne de la combustion (Petet 1995b). BOOS : burner out of service; OFA ; over Firing air. 174 Politique environnementale et efficacité économique emmagasine une partie de la chaleur de la réaction. Il en résulte une diminution de température - la réaction de combustion devient non adiabatique- entraînant une moindre formation de NOx thermiques. Par contre, il n'y a en principe pas d'effets sur la formation des NOx- combustible car la quantité d'oxygène disponible reste proportionnellement la même (Pelet 1995b). d)Avec le procédé de recombustion ("reburning"), une partie du combustible est injectée, sans air, au-dessus de la zone de combustion principale, ce qui permet de former une zone de réaction. L'air est injecté le plus tard possible afin d'assurer un temps de réaction suffisant (temps de résidence). La formation de NOx peut ainsi être réduite de plus de 50% (Pelet 1995b). e) La combustion catatytique a lieu à proximité d'une surface possédant des effets catalytiques, en général une couche poreuse de fibres de céramique. La combustion a lieu à faible température, diminuant la formation des NOx thermiques. D'autre part, le catalyseur réduit les temps de réaction, si bien que les émissions de NOx, de CO ou d'HC imbrûlés sont très basses. Toutefois, ceci n'est valable que pour de petites puissances spécifiques. f) Les brûleurs à lits fluides ("fluidized bed combustors") contiennent une base de granulés (charbon, cendres, sable ou calcaire) rendue fluide par l'injection d'air chaud. Dans ce type de foyer, la combustion se produit à une température comparativement peu élevée (800 - 900 C°), si bien que la formation des NOx thermiques est fortement réduite. Toutefois, le procédé est générateur de N2O. g) La réduction du préchauffage de l'air de combustion permet de diminuer la température de combustion, ce qui réduit la formation des NOx thermiques. Les possibilités de mise en oeuvre sont toutefois assez limitées. D'autre part, le rendement du brûleur est diminué. Ces limitations font que le procédé est peu employé. 12.2.3. Actions sûr les émanations Ce type d'actions est connu sous le nom de solutions "secondaires", ou "end- of-pipe". Il s'agit en fait de recueillir les effluents et de les traiter de manière à les "dénoxer". Il existe plusieurs possibilités techniques de le faire, regroupées en deux catégories, les procédés secs ou humides. a) Les procédés secs sont les plus appliqués. On distingue la réduction catalytique, qui peut être sélective ou non, et la réduction non catalytique: - La réduction catalytique sélective utilise un catalyseur, généralement du pentoxyde de vanadium sur une base en titane, pour activer la réaction de réduction des NO à basse température. On injecte de 175 12. Technologies de réduction des émissions l'ammoniac (NH3) en quantité stoechiométrique pour réduire les NOx en N2 + H2O au contact du catalyseur. - La réduction catalytique non sélective utilise également un métal précieux comme catalyseur. Les agents réducteurs de NOx sont alors l'hydrogène (H), le monoxyde de carbone (CO) ou le méthane (CH,). - La réduction non catalytique consiste en l'injection de NH3 dans les gaz de combustion. Ceci ne peut s'effectuer que dans une petite fenêtre de température proche de 1000 C°. A des températures inférieures, l'ammoniac ne réagit pas et l'on ajoute des émissions de NH3 à celles de NO qui restent constantes. Aux températures supérieures, dès 1100 C°, le procédé génère de lui-même du monoxyde d'azote (Pelet 1995b). Il importe de noter que ces procédés sont parfois la cause d'émissions annexes, notamment de NH3 ou de N2O. Cela vaut surtout pour la réduction non catalytique, qui peut être poussée dans un domaine de fonctionnement dans lequel les émissions de NH3 et de N2O sont telles que la somme de l'azote rejeté est identique à la quantité originelle de NO {Pelet 1995b). b)Les procédés humides. Les gaz de combustion sont injectés dans une colonne liquide contenant une solution de lavage. Ce procédé est connu sous le nom de lavage des fumées; il est utilisé surtout lorsqu'il s'agit de traiter simultanément des émissions de SO2 et de NO. L'absorption peut se faire directement par une solution absorbante de NOx. Elle peut aussi être précédée d'une phase d'oxydation (conversion du NO en NO2) si la solution n'absorbe que le NO2. Dans les deux cas, il peut y avoir ou non réduction.3 Ces différents procédés transforment une pollution gazeuse en une pollution liquide. Les solutions de lavage nécessitent des traitements particuliers (transformation chimique) avant de pouvoir être relâchées dans les collecteurs. La réutilisation industrielle des déchets produits est généralement possible. 3 Procédé consistant à retirer l'oxygène d'une substance; se dit aussi désoxydation. 176 Hi Mi II S S II 1 2 -Q m en O) m o a. x O Z 5.11 IiI C ¦ œ 1 I s i ________i H S! „ 3 € S « ? Ul g S 8 Jl) Q. co Oi C) CO O LU to" CO CT) IXI U LLI 03 I "O "S. , ra CD IwI 177 12. TECHNOLOGIES DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS 12.3. COÛT DES TECHNOLOGIES DE RÉDUCTION DES ÉMISSIONS Comme cela est exposé plus haut, il existe de nombreuses technologies différentes pour réduire les émissions de NOx. Par ailleurs, il existe également une grande variété de sources d'émissions (voir chapitre 11) et les divers types de brûleurs peuvent fonctionner dans toute une gamme de puissance. En conséquence, l'hypothèse d'une grande dispersion dans les coûts marginaux des mesures de réduction des émissions de NOx est vraisemblable. Cette hypothèse a d'ailleurs été confirmée par un grand nombre d'études empiriques. Les différentes méthodes utilisées et le fait que l'on considère différents pays et divers domaines industriels à des dates distinctes font que les résultats obtenus ne peuvent guère être comparés entre eux. Il n'en reste pas moins que les valeurs obtenues pour les coûts de réduction par tonne varient entre quelques dizaines et plusieurs centaines de milliers de francs (Tableau 12.1). Les données pour la Suisse sont très peu nombreuses. Seules deux études axées spécifiquement sur l'évaluation des coûts marginaux ont été menées à ce jour (Stritt et Jeanrenaud 1992 et Cornaz et al. 1993). Toutes deux concluent à une grande dispersion selon les sources. Toutefois, cette information doit être vérifiée pour le cas particulier du Chablais (voir pt. 15.2). Tableau 12.1. Estimations du coût marginal de réduction des émissions d'oxydes d'azote provenant de l'industrie_________________________________________ Coût par tonne réduite Années de référence Références 26$ 1975 Crandall 1983. p.51. entre 150 et 1'70O S 1976 Crandall 1981, p.358. entre 96 et r 140 ECU 1985 Klaassen 1991, p.349. entre 3'000el 130'0OO $ 1989 NERA 1992b, p12. 5*700 $ CAN 1991 NERA 1992c, p. S-7. entre 120 et 40'000CHF 1991 Stritt et Jeanrenaud 1992, p.88. entre 1T444 et 88'694 FB 1987 Mayeres et al. 1993, p.124. 200'000 - 250'000 CHF 1992 Cornaz et al. 1993, p.40. entre 1'6OO et 2'500 DM 1993 Conrad et Schröder 1994, p.143. 178 Politique environnementale et efficacité économique 13. RÉGION D'APPLICATION : LECHABLAIS 13.1. Critères de sélection et choix de la région d'étude Pour un polluant comme les NOx, un marché de certificats pourrait s'étendre à l'ensemble du pays, mais il pourrait aussi être limité à une région plus petite, de taille à définir. Pour déterminer l'aire géographique dans laquelle le marché sera appelé à fonctionner, trois critères doivent être pris en compte : la structure des émissions, les caractéristiques atmosphériques de la région considérée et les compétences politico-administratives. a) Structure des émissions Afin d'assurer la nécessaire liquidité du marché, la région considérée doit compter un nombre suffisant d'émetteurs d'une certaine taille. La situation est d'autant plus favorable que le nombre de gros émetteurs est élevé. Toutefois, des gains considérables peuvent aussi être obtenus dans un marché de petite dimension, avec relativement peu de participants. Comme le souligne Tietenberg (1991, p.12 et p.18) : "even small trading areas offer the opportunity for significant cost reduction. (...) Emission trading can improve on command-and-control even when used on a very limited scale". b) Caractéristiques atmosphériques Il importe que le marché des permis soit mis en oeuvre dans une région où les atteintes causées à l'environnement sont dues essentiellement aux émissions locales du polluant considéré.1 Dans ce cas en effet, le lien . de causalité est plus facile à établir, ce qui est une condition propice à l'application d'un instrument basé sur le principe "pollueur-payeur". On s'intéresse dès lors au "rayon d'action" des émissions. Dans le cas des NOx, celui-ci dépend surtout de l'effet environnemental considéré. - Le degré d'irritation des voies respiratoires est fonction de la concentration ambiante. Dans le cas où la qualité de l'air n'est détériorée que par une seule source fixe, l'immission mesurée est maximale, dans la direction du vent, à une distance approximative de 10 fois la hauteur H de la cheminée émettrice (effet parapluie). La concentration diminue par la suite et, à une distance approximative de 50 H, elle est généralement trop faible pour qu'un effet quelconque 1 Une région présentant de telles caractéristiques est appelée airshed, expression ne possédant pas de traduction française appropriée. Pour la suite de ce travail, le terme de "poche d'air" sera utilisé à ce propos. 179 13. RÉGION D'APPLICATION puisse être observé (Jeannet et Terrier 1994, voir aussi Hanna et al. 1982). - En ce qui concerne le smog photochimique, le "rayon d'action" des NOx dépend surtout des conditions atmosphériques. En été, par vent nul, l'ozone se forme rapidement, sans laisser aux molécules de monoxyde d'azote (NO) le temps de s'éloigner sensiblement de leur source d'émission. En tenant compte d'un temps caractéristique allant de 90 minutes à 3 heures 2 et d'une vitesse moyenne du vent de quelque 10 km/h, on peut estimer que la "distance caractéristique" des NOx varie entre 15 et 30 kilomètres (Jeannet et Tercier 1994), Une étude menée en Allemagne aboutit à la même conclusion : "Da die Verweildauer von NO und NO3 nur einige Tage beträgt, haben sie eine regional und zeitlich eher begrenzte unmittelbare Auswirkung auf die Umwelt" (Heister et al. 1990a, p. 345). En hiver, par contre, les NO,, peuvent être véhiculés sur plusieurs dizaines, voire quelques centaines de kilomètres avant de participer, éventuellement, à la formation d'ozone. - l'acidification des eaux de pluies est pour sa part un phénomène d'importance nationale, voire internationale, dans le sens où les molécules de NOx peuvent agir à grande distance de leurs lieux d'émissions. Il en va de même pour la contribution à Veutrophisation des lacs, c'est-à-dire l'apport d'azote dans les eaux sous forme de dépôts secs ou par les pluies, La taille du marché dépendra donc de l'effet environnemental considéré. Elle pourrait varier entre une dizaine de kilomètres (effets locaux/régionaux) et quelques centaines de kilomètres (effets à l'échelle nationale). Pour les NOx, Markandya et Papp (1994, p.11) estiment même que "to capture a sizeable percentage of damages it is necessary to look 2000 - 5000 km and a 50 km radius picks up only a small percentage of the total damage [<10%]". Dans ce cas, c'est un marché international qu'il s'agirait de mettre en oeuvre. c) Compétences politico-administratives Dans un but de simplification et afin de minimiser les coûts de transaction politiques, le marché devrait englober une aire soumise à une seule et même juridiction, en l'occurrence tout ou partie du territoire d'un canton. Toutefois, afin de créer un vaste marché, on peut vouloir l'étendre au territoire de plusieurs cantons. Le problème du partage des compétences doit alors être réglé préalablement, éventuellement par la création d'un organisme supracantonal. Temps caractéristique : durée entre l'émission et le moment où les molécules de NOx participent â la formation d'ozone. 180 Politique environnementale et efficacité économique Les expériences passées ou en cours montrent qu'un marché de permis pour les NOx peut fonctionner aussi bien à l'échelle locale qu'à celle d'une très grande région. Le programme bâlois se déroule par exemple sur un territoire de 465 km2 comptant près de 450'000 habitants, alors que RECLAIM couvre une superficie de près de 30'000 km2 (65 fois supérieure) pour une population de quelque 14 millions d'habitants {30 fois plus importante). Dans les deux cas, c'est essentiellement à partir de considérations politico-administratives que l'aire géographique a été fixée. A Bale, Ie marché correspond aux frontières politiques des deux demi-cantons, y compris le Laufonnais rattaché depuis peu à Bâle-Campagne. Le partage des compétences a été résolu en donnant toute autorité au Lufthygieneamt beider Basel, unique Service de protection de l'environnement englobant le territoire de deux cantons dans sa sphère de responsabilité. Dans le cas de RECLAIM, on a tenu compte des frontières des districts (limits of jurisdictions) et d'une forme simple de critères écologiques, avec la création de deux zones, upwind et downwind (Terriman 1994). Dans tous les cas, il importe qu'un fort lien de causalité puisse être établi, dans la région d'étude, entre les émissions et la qualité de l'air. Il s'agit donc d'identifier un espace présentant les caractéristiques d'une poche d'air. Or celles-ci sont relativement peu nombreuses en Suisse (Jeannet 1994). Citons la plaine de Magadino, le plateau d'Altdorf, le Haut-Valais, le Rheintal entre Coire et Sargans, l'Aaretal entre Thoune et ,Berne et le Chablais (plaine du Rhône entre St-Maurice et St-Gingolph - Villeneuve). Certaines de ces régions ne comptent toutefois qu'un petit nombre d'entreprises émettrices de NOx. Par ailleurs, englober l'ensemble du Plateau dans un seul marché ne paraît guère souhaitable, bien qu'il regroupe la majorité des émetteurs en Suisse. En effet, cette région ne peut pas être considérée comme une poche d'air. Il s'agit au contraire d'un espace ouvert, balayé par la Bise, le Vent et d'autres courants locaux (Joran,...). Sa taille est d'ailleurs nettement supérieure à la distance caractéristique des NOx (<30 km, voir plus haut). Sur la base des critères présentés ci-dessus, c'est le territoire du Chablais qui a été retenu pour l'étude appliquée (Carte 13.1). Cette région est une plaine presque entièrement entourée de montagnes, ne connaissant que peu d'échanges atmosphériques avec les régions voisines; il s'agit donc d'une véritable poche d'air. Sa météorologie et sa ventilation sont bien connues et ont fait l'objet de nombreux travaux. 3 Les situations sans vent y sont 3 Voir en particulier Ruffieux et ai. 1986, Beniston-Rebetez et al. 1988 et Baeriswil 1994). Pour sa part, l'Institut suisse de météorologie (ISWI) dispose des relevés anémométriques de plusieurs stations de mesure permanentes dans ie Chablais, dont une station intégrée dans le réseau ANETZ (Aigle-Barges, 560 120/130 630, 381m.). L'ISM dispose également de modèles informatiques de dispersion des polluants atmosphériques qui pourraient servir â estimer l'impact des émissions de chaque source sur la qualité de l'air en différents endroits dans le Chablais. Ces modèles permettraient de déterminer dans quelle mesure un échange de permis pourrait entraîner une immission excessive (hot spot) aux alentours de l'acheteur (Jeannet 1994). 181 13. RÉGION D'APPLICATION fréquentes, tout comme le phénomène d'inversion de température. 4 De ce fait, les polluants émis dans le Chablais ont tendance à y stagner (Jeannet et Tercier 1994, Baeriswyl 1995}. Ceci a pour première conséquence que les atteintes à l'environnement sont dues essentiellement aux émissions locales : l'établissement d'un lien de causalité est donc plus facile à établir que dans d'autres régions. Ensuite, il découle de cette stagnation que les valeurs limites d'immission, en ce qui concerne les NOx et d'autres polluants, sont fréquemment dépassées (Ecoscan 1994, pp.43-44), ce qui signifie que la qualité de l'air n'est pas (encore) satisfaisante.5 D'autre part, les émissions de NOx sont proportionnellement plus importantes dans le Chablais que dans l'ensemble du pays, surtout si l'on considère celles d'origine industrielle (voir plus bas tableau 13.2). Enfin, la majorité des entreprises du Chablais ainsi qu'une partie des communes participent à une association (le Forum de l'air) intéressée par les problèmes de protection de l'air. Cette organisation a récemment présenté aux Conseils d'Etat des cantons de Vaud et du Valais un rapport intitulé Club d'émissions qui défend une idée proche de celle des certificats. L'intérêt suscité par ce type de démarche est donc grand, et de ce fait la participation des entreprises et l'accès aux données sont facilités. La région est cependant de taille plutôt réduite. La surface du Chablais (quelque 130 km2) ne représente qu'un tiers environ de celle que couvre le marché bâlois. Rappelons néanmoins que d'autres études sont également parvenues à la conclusion que la taille d'un marché de permis pour les NOx ne peut pas être trop importante ("relativ kleinräumige Wirkung der Stickoxyde", voir Heister et al. 1990b, p.7). Par ailleurs, la région englobe une partie du territoire de deux cantons (Vaud et Valais), d'où un possible problème de partage de compétences. Toutefois, globalement, Ib Chablais convient bien à l'introduction de permis et satisfait à la remarque de Frey (1991, p.58) : "Emissionszertifikate kommen vor allem dort in Frage, wo es sich um die Regulierung chronischer Umweltbelastungen durch stationäre Emissions- quellen von wenigen, relativ grossen Unternehmungen handelt". 4 En règle générale, la température de l'air décroît avec l'altitude (gradient négatif). Dans les régions bordées de montagnes, il peut arriver, au terme d'une journée ensoleillée, que les couches d'air proches du sol se refroidissent plus rapidement que les couches supérieures, notamment celles qui bénéficient encore du rayonnement solaire. Il s'établit alors un gradient positif (la température de l'air augmente avec l'altitude). Or, le déplacement vertical d'une masse d'air n'est possible que si sa température est plus élevée que celle des couches qui la dominent. En cas contraire, elle reste "piégée" entre le sol et la couche d'air chaud, si bien que les polluants atmosphériques qu'elle contient ne se dispersent pas. Ce phénomène, relativement fréquent dans le Chablais, peut perdurer plusieurs jours. 5 Dans la classification de l'EPA, on parlerait de "non-attainment region". 182 Politique environnementale et efficacité économique Carte 13.1. Région d'étude : le Chablais i^iù^i^àm^à^y^ Echelle : Légende: périmèlre d'étude Source : Ecoscan 1994, p. 10 183 13. RÉGION D'APPLICATION 13.2. Emissions et immissions d'oxydes d'azote dans le Chablais 13.2.1. Situation actuelle a) Emissions L'article 27 de l'OPair charge les cantons de la mesure des immissions. S'il appert que celles-ci sont excessives au sens de l'article 2, alinéa 5, ceux-ci sont alors chargés d'établir un plan de mesures (art.31) contenant notamment un cadastre des émissions. Dans ce contexte, le Service de lutte contre les nuisances à Epalinges a demandé au Bureau Ecoscan SA à Lausanne€ d'identifier les principaux émetteurs de NOx dans le Chablais, parties vaudoise et valaisanne confondues, d'établir le niveau des émissions et des immissions pour l'année de référence 1990 et de prévoir le volume des émissions et la qualité de l'air en l'an 2000. Durant l'année 1990, plus de 3'000 tonnes de NOx ont été émises dans le Chablais, toutes sources confondues (Tableau 13.1). Remarquons que les émissions provenant des entreprises sont proportionnellement plus importantes dans te Chablais (pratiquement la moitié du total émis) qu'au niveau national (27%, OFEFP 1987a, p.45). La part relative des ménages (chauffages) est quant à elle pratiquement négligeable. Tableau 13.1. Emissions annuelles d'oxydes d'azote dans le Chablais, par catégorie d'émetteurs (1990)________________________________________________ Sources Tonnes par année Parts relatives * Ménages Transports Entreprises ** 50,3 1507,2 1525,3 1,6% 48,9% 49,4% TOTAL 3082,8 100,0% * Les pourcentages indiqués valent pour l'ensemble du Chablais. Dans la partie vaudoise (rive droite du Rhône), la part des transports est plus importante (présence de la N9), alors que les émissions d'origine industrielle prédominent dans la partie valaisanne du Chablais (rive gauche), notamment en raison de ta présence de plusieurs entreprises émettant plus de 100 tonnes de NO1 par année. On a toutefois renoncé, dans le cadre de ce travail, à distinguer l'origine cantonale des émissions. ** Y compris chauffages. Sûuice : adapté d'ECOSCAN 1994, p.18. Ecoscan SA, Etudes en Environnement, Bd. de Grancy 1, CP 525, 1001 Lausanne. 184 Politique environnementale et efficacité économique Remarquons que les émissions sont plus importantes en hiver qu'en été, à cause des chauffages des ménages et des entreprises. Toutefois, on ne considérera que les émissions générées par le processus de production des entreprises 7, si bien que cette variation saisonnière est pratiquement sans importance et ne sera pas prise en compte dans la suite de ce travail. Les émissions peuvent aussi fluctuer d'une année à l'autre, selon le niveau d'activité des entreprises. Cependant on ne dispose pas d'informations suffisantes à ce propos pour pouvoir en tenir compte. Ramenées à la population, les émissions de NOx sont deux fois plus importantes dans le Chablais qu'en moyenne nationale, et même quatre fois plus importantes si l'on ne considère que l'origine industrielle. Par rapport à la situation de 1990, le but fixé par le Conseil fédéral implique une réduction de 82% pour l'ensemble des sources et de 85% dans le cas des entreprises (Tableau 13.2). Tableau 13.2. Emissions annuelles d'oxydes d'azote dans le Chablais et en Suisse en 1990 Comparaison avec le but à atteindre, en tonnes et en kilos par habitant______ Emissions Ensemble des sources Entreprises Chablais 1990 en tonnes en kilos par habitant * 3*082,8 56,2 1'525,3 27,8 Suisse 1990 en tonnes en kilos par habitant ** 183'800 26,7 49'900 7,3 But à atteindre (objectif Conseil fédéral) en tonnes en kilos par habitant ¦* 67'200 9,8 29'300 *" 4,2 * Le Chablais comptait 54'815 habitants en 1990, Ecoscan 1994, p.1S. ** 6'873'687 habitants, recensement fédéral de la population 1990, OFS 1993, p.6. *** En ce qui concerne les NO,, le but du Conseil fédéral, exprimé dans le Rapport sur la stratégie de lutte contre la pollution de l'air du 10 septembre 1986, est de ramener le volume des émissions au niveau de 1960 (67'200 tonnes par année). Ce but s'applique au total des émissions, sans distinction entre les catégories d'émetteurs, pour qui il n'existe pas de but particulier. Formellement, il n'est donc pas correct de prétendre que l'industrie doit ramener ses émissions à son niveau de 1960 (29'3OO tonnes). On a toutefois procédé de la sorte pour montrer la marge existant entre la situation de 1990 et l'objectif visé. 7 Voir chapitre suivant, pt. 14.1.1. 185 13. RÉGION D'APPUCATION b) Immissions Il existe dans le Chablais trois stations de mesures permanentes des immissions de NO2 : à Ollon, Massongex et Les Giettes (Ecoscan 1992, p.9). Plusieurs capteurs sont également utilisés pour des mesures ponctuelles. Bien que la qualité de l'air ait tendance à s'améliorer depuis quelques années, Ecoscan (1994, p.43) constate qu'"en règle générale, les immissions moyennes annuelles de NO2 dépassent la valeur limite de 30 jag/m3 ", notamment dans la région de Monthey - Massongex - Bex. Par ailleurs, la valeur limite journalière {80 u.g/m3) est fréquemment dépassée, notamment en hiver, alors qu'elle ne devrait en aucun cas l'être plus d'une fois par année (ibid.). Ceci provient du fait que "les polluants sont littéralement emprisonnés sous un couvercle naturel formé par des conditions météorologiques défavorables" (ibid.). Remarquons qu'il existe des variations relativement importantes des immissions mesurées, que ce soit dans le temps (été - hiver) ou dans l'espace (Cartes 13.2 et 13.3). En ce qui concerne l'ozone, dont les NOx sont un des précurseurs, "on peut affirmer que les concentrations d'03 dans le Chablais dépassent en règle générale la norme fixée par l'OPair (Ecoscan 1994, p.46). On peut donc dire que dans le Chablais, les immissions de NO2 et d'03 sont excessives au sens de l'article 2 alinéa 5 de l'OPair. Dans la classification de l'EPA, le Chablais serait donc une région "non-attainment". Toutefois, ni le canton de Vaud ni celui du Valais n'ont actuellement établi, pour cette région, un plan de mesure au sens de l'article 31 de l'OPair. L'autorité estime donc que les assainissements imposés dans le cadre de l'OPair suffiront à éliminer les immissions excessives (Rollier 1995, Schnydrig 1995). 186 Politique environnementale et efficacité économique Carte 13.2. Immissions annuelles mesurées de NO2 dans le Chablais (ng/m3) EC holla O 1 2 km I--------1--------1 , mftmm:n Source : Ecoscan 1994, p.42. 187 13. RÉGION D'APPLICATION Carte 13.3. Immissions mesurées de NO2 dans (e Chablais, période hivernale (jig/m3) Echelle. O 1 I-------I- 30-35 2 km S M-2Si 35-40 -*<-*>-,45-60 , 40-60' v*A-*v IV 30-36 | ^H« - 50 ^Jt »5-10 * Source : Ecoscan 1994, p.40. 188 Politique environnementale et efficacité économique 13.2.2. Prévisions pour l'an 2000 a) Emissions Selon les prévisions d'Ecoscan (1994, p.25), les émissions de NOx, toutes sources confondues, devraient diminuer d'environ un tiers entre 1990 et 2000. La réduction sera plus sensible dans le secteur des transports (généralisation des pots catalytiques) que dans celui de l'industrie. De ce fait, la part des émissions provenant des entreprises sera prépondérante (Tableau 13.3). Tableau 13.3. Emissions annuelles d'oxydes d'azote dans le Chablais, par catégorie d'émetteurs, prévision pour l'an 2000 Sources Tonnes par année Variations par rapporta 1990 Parts relatives * Ménages Transports Entreprises "' 50,3 918,6 1082,3 0% " -39,1% -29,0% 2,4% 44,8% 52,8% TOTAL 2051,2 -33;5% 100,0% * Comme dans tableau 13.1. ** En l'absence de données fiables sur l'évolution des émissions des ménages, Ecoscan a fait l'hypothèse d'une variation nulle entre 1990 et 2000 (p.24). *** Y compris chauffages. Souks : adapté d'ECOSCAN 1994. p.21. b) Immissions Il est difficile d'établir une relation directe entre les émissions de NOx et les immissions de NO2 (Ecoscan 1994, p.38). De ce fait, il n'est guère possible de prévoir le niveau des immissions en l'an 2000. On peut penser que la réduction évoquée des émissions (-33% entre 1990 et 2000) aura des effets bénéfiques sur la qualité de l'air, mais il n'est pas certain que les immissions mesurées diminuent dans la même proportion. Il n'est donc pas possible, actuellement, de savoir si les VLI de l'OPair seront respectées dans le Chablais en l'an 2000. 189 POUnOUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACfTÉ ECONOMIQUE 14. Organisation et règles de fonctionnement du marché 14.1. Participants 14.1.1. Sélection des participants Contrairement à ce qui se passe au niveau national, les émissions de NOx dans le Chablais sont causées en parts pratiquement égales par les entreprises et le trafic routier (voir tableau 13.1 au chapitre précédent). Les émissions des transports proviennent d'un très grand nombre de sources de taille infime, situation que l'on sait guère propice à l'introduction de certificats (Bureau 1994, p.20). La situation est la même dans le cas des ménages (chauffages), dont la contribution au total des émissions est par ailleurs minime (<2%). De par leur nombre et le volume de leurs émissions, les entreprises ' représentent par contre une catégorie d'émetteurs qui convient bien à la mise sur pied d'un marché de permis. Les expériences actuellement en cours pour les NOx, à Bàie et en Californie, n'ont d'ailleurs intégré que les sources industrielles dans leur marché. Comme cela a parfois été proposé (notamment par Dwyer 1993, p. 114), on pourrait souhaiter, pour des raisons de coût administratif2, n'englober dans le marché des permis que les entreprises dont le volume des émissions annuelles est supérieur à une certaine limite, par exemple 5 ou 10 tonnes. Notons que si cette limite est fixée trop haut, le nombre de participants potentiels sera faible, ce qui réduit la liquidité du marché et, partant, les chances de succès de l'expérience. Inversement, si la limite est fixée trop bas, ou s'il n'y a pas de seuil à l'entrée, on augmente le coût de gestion et on risque de se heurter au manque d'informations relatives aux petites sources. Il s'agit donc de comparer l'avantage retiré de la participation d'un grand nombre d'entreprises (liquidité du marché) et le désavantage causé par l'augmentation du coût de gestion. Les données chiffrées manquent toutefois pour effectuer ce calcul. Par ailleurs, et surtout, il n'existe apparemment pas de relation entre les quantités de polluants émises et les coûts marginaux de réduction des 1 Le terme "entreprises" est préféré â celui d" "industrie", car on englobe ainsi les usines d'incinération et les installations de chauffage â distance qui ne sont pas â proprement parler des activités industrielles (voir OFS 1986). 2 Rappelons que le coût administratif est la somme du coût de gestion du marché, supporté par rautorité de contrôle, et des coûts de transaction, supportés par les acheteurs et les vendeurs de permis. 191 14. Organisation et règles de fonctionnement émissions. En effet, ces derniers dépendent principalement de l'effort de dépollution déjà réalisé (Krupnick et Portney 1993, p.429), de l'activité considérée (Mayereset al. 1993, p.124) ainsi que du degré d'obsolescence des installations (Noli 1983, p.194). Il découle de cette constatation que tous les agents, quelle que soit leur taille, devraient pouvoir accéder au marché des permis. C'est l'option retenue pour le Chablais, comme cela a été fait à Bàie, et contrairement au cas de RECLAIM qui ne considère que les sources émettant plus de quatre tonnes par année. 3 Le marché envisagé dans le Chablais engloberait dès lors toutes les entreprises dont le procédé de fabrication * a généré au moins une tonne de NOx durant l'année 1994. 5 On aurait ainsi un marché regroupant quinze entreprises (voir plus bas carte 14.1). Une fois les participants au marché désignés, quelques questions pratiques restent encore à résoudre. a) La participation au système des permis est-elle volontaire ou contrainte ? En d'autres termes, une entreprise souhaitant rester soumise à l'OPair pourrait-elle refuser d'être incluse dans le marché des permis ? En fait, cette question ne se pose pas. Chacune des quinze entreprises concernées recevrait un nombre de permis reflétant ce que l'OPair autorise (voir pt. 14.3 "Distribution initiale"). Aucune entreprise ne serait contrainte d'acheter des permis : celle qui préférerait réaliser un assainissement comme elle aurait à le faire dans le cadre de l'OPair aurait toute liberté en ce sens. II est toutefois vraisemblable qu'elle accepterait alors de vendre les permis excédentaires. En fait, les entreprises se rendraient rapidement compte que le régime des permis leur est plus favorable, au point de vue des coûts, que celui de la réglementation directe. Mais aucune obligation de participation - c'est-à- dire d'achat ou de vente de certificats - ne saurait être imposée. b) Quelles seraient les relations entre les sources participant au marché et celles qui n'y participent pas ? Seuls les quinze participants cités ci-dessus seraient inclus dans le marché. Les entreprises émettant moins d'une tonne de NOx par année ne sont pas concernées, les transports et les ménages non plus. Peut-on envisager d'englober ces sources dans le marché, dans une seconde phase, comme cela est prévu pour les transports dans le cas de RECLAIM ? On pourrait imaginer par exemple que le rachat par une Le seuil de quatre tonnes a été retenu d'une part parce que l'on ne disposait que de peu d'informations sur les volumes inférieurs, et d'autre part parce que cela permet d'englober 95% du total des émissions (Terriman 1994). On ne considère donc pas les chauffages des entreprises, mais uniquement les émissions dues aux procédés de production. Une tonne ne représente pas un seuil comme évoqué plus haut, mais une limite pratique : les données sont lacunaires pour les émissions inférieures à une tonne par année. 192 Politique environnementale et efficacité économique entreprise de vieux véhicules immatriculés dans le Chablais lui donne droit à des certificats. Cette possibilité de développement du marché est particulièrement intéressante; elle ne sera toutefois pas développée plus à fond. c) D'autres agents pourraient-ils acquérir des permis ? Il importe de définir si seules les quinze entreprises considérées sont habilitées à être actives sur le marché des permis, ou si d'autres agents pourraient intervenir. En particulier, on peut imaginer que des spéculateurs acquièrent des permis avec l'espoir d'une hausse future de leur prix, ou que des organisations écologistes cherchent à s'en procurer dans le simple but de les retirer du marché, ce qui correspond à imposer un volume total d'émissions inférieur à ce qui a été fixé par l'autorité. Ces deux types de comportements ont été constatés dans le cas du marché national américain pour réduire les émissions de SO2 (Joskov et Schmalensee 1996, p.10). Par ailleurs, des entreprises extérieures à la région pourraient aussi tenter d'obtenir des permis pour des raisons stratégiques.6 Heister estime qu'il faut exclure du marché tout autre agent que les émetteurs de la région considérée, "andernfall würde die Gefahr bestehen, dass das Mengenziel der Zertifikatpolitik verfehlt wird, weil Emissionsrechte ungenutzt verfallen" (Heister et al. 199Ob1 p.11). C'est pourquoi le marché du Chablais ne serait ouvert qu'aux quinze entreprises concernées. Une exception s'applique toutefois à l'Etat. S'il appert que la qualité de l'air reste insuffisante après un certain temps de fonctionnement du marché, cela signifie que le nombre de certificats en circulation est trop important. L'autorité de contrôle pourrait alors renforcer l'objectif environnemental et imposer de nouvelles réductions d'émissions en acquérant des permis. 14.1.2. Localisations, activités et émissions Les quinze entreprises participant au marché sont relativement bien réparties dans l'ensemble du Chablais : leur localisation est telle qu'elle n'entraîne pas de concentration des émissions (Carte 14.1). Ces entreprises sont actives dans diverses branches économiques; on compte parmi elles, notamment, une usine chimique, une raffinerie de pétrole, une usine électrique, une usine d'incinération des ordures, une fabrique de machines, une usine de construction métallique, une usine de ciment (dont le four a toutefois été arrêté en décembre 1994), etc. Remarquons que cette diversité dans les activités pratiquées rend moins probable l'apparition de comportements stratégiques sur le marché des permis. 6 Comportements stratégiques, voir pt. 4.3 lettre h). 193 14. ORGANISATION ET RÈGLES OE FONCTIONNEMEWT Remarquons aussi que la structure des émissions n'est pas très homogène, en ce sens que cinq entreprises émettent plus de 100 tonnes de NOx par année, alors que huit autres n'en émettent que 4 tonnes ou moins (Tableau 14.1). Pour que le marché des permis fonctionne bien, il faudrait notamment qu'aucun participant ne soit suffisamment important pour être en mesure d'influencer le prix des permis.7 Cette condition n'est pas parfaitement remplie dans le cas du Chablais, puisque au terme de la distribution initiale (voir pt. 14.3), les gros émetteurs disposent de la majorité des permis disponibles. La crainte d'un accaparement du marché a d'ailleurs été évoquée plus d'une fois lors d'entretiens avec les responsables des entreprises chablaisannes. Soulignons enfin que parmi les quinze participants au marché, la Centrale thermique de Vouvry (CTV) représente un cas particulier. Tout d'abord, sa localisation en altitude (au lieu dit "Chavalon") est telle que ses émissions ne participent pas aux immissions mesurées en plaine. 8 Ainsi, si la CTV était vendeuse de permis, on déplacerait des émissions peu nocives, d'un emplacement où elles se diluent bien et ne causent pas de dommages locaux, vers un endroit où elles participent à la dégradation de la qualité de l'air dans le Chablais (les 14 autres entreprises se trouvant toutes en plaine). Une transaction dans laquelle la CTV serait vendeuse de permis pourrait donc avoir pour conséquence une augmentation des immissions mesurées dans le Chablais. On aurait donc pu ne pas considérer la CTV comme participant au marché. Toutefois, si cette entreprise achetait des permis, on se trouve dans le cas contraire : la transaction serait particulièrement favorable pour la qualité de l'air en plaine. On a donc renoncé à exclure un émetteur de cette importance, d'autant plus que la CTV a procédé à plusieurs études sur les possibilités de réduire ses émissions et dispose ainsi de nombreuses informations sur le sujet. Par ailleurs, l'autorité de contrôle aurait la compétence d'interdire un échange de permis présentant des risques de dégradation locale de la qualité de l'air (voir pt. 14.2}. Remarquons toutefois que Maloney et Yandle (1984) ont montré que même dans le cas où une entreprise jouit d'un quasi-monopole sur le marché des certificats (offrant 90% des permis disponibles), la réduction de coûts par rapport â la réglementation reste importante. La Centrale est implantée sur un promontoire rocheux à 833 mètres d'altitude, soit 452 mètres au- dessus de la cote du Rhône. Les fumées sont évacuées par une cheminée de 120 mètres de haut. Au point de vue de la dispersion, cette situation correspond au cas d'une source localisée en plaine et disposant d'une cheminée de 572 mètres. Le site a d'ailleurs été choisi â dessein, au terme d'études météorologiques et aérologiques, et en accord avec les autorités valaisannes. 194 Politique environnementale et efficacité économique Carte 14.1. Localisation des participante au marché des permis dans le Chablais 111 11 lin Villeneuve ' entreprises émettrices de NOx participant au marché hehr -p Source : adapté d'ECOSCAN 1994, pp.10 et 15. 195 14. Organisation et règles de fonctionnement Tableau 14.1. Emissions de NOx des entreprises participant au marché des permis dans le Chablais (tonnes/an)_______ ___________ ________ Sources Lieux Emissions 1992 Prévisions pour l'an 2000 A - 1 1 B - 100 100* C - 500 110 D - 4 4 E .- 134 130 F - 4 4 G — 2,8 2,8 H „ 2,8 2,8 I — 2,2 2,2 J - 1 1 K - 1 1 L — 16 16 M „ 3,6 3,6 N - 350 350 O — 250 50 TOTAUX : !'372,4 778,4 Cette entreprise a sensiblement modifié son activité dans le courant de l'année 1995. En l'absence d'informations sur le volume des nouvelles émissions, c'est l'hypothèse d'une variation nulle qui a été retenue. Remarques : 1. Les noms et emplacements des émetteurs ne sont pas donnés pour des raisons de confidentialité. 2. Les totaux ci-dessus sont inférieurs à ceux que l'on trouve dans les tableaux 13.1 et 13.3. Cela s'explique par le fait que : a) les deux tableaux précités concernent l'ensemble des sources industrielles, y compris les émissions dues aux chauffages, alors que le tableau ci-dessus ne recense que les quantités émises par le procédé de fabrication des quinze entreprises appelées à prendre part au marché; b) durant l'année 1993, deux entreprises ont modifié leurs activités de manière telle que leurs émissions de NO, sont désormais nulles (arrêt de la production, activité de stockage uniquement). Ecoscan n'a pas tenu compte de cette réorientation dans son estimation des émissions de l'an 2000; c)des assainissements ont été réalisés entre 1990 (date de référence pour le tableau 13.1) et 1992 {date de référence pour le tableau ci-dessus). SfiUICfi : adapté d'ECOSCAN, courrier du 16.8.1994, 196 Politique environnementale et efficacité économique 14.2. Autorité de contrôle L'autorité de contrôle est l'agent responsable de mettre en oeuvre et de faire fonctionner le marché. Le Chablais englobant une partie du territoire des cantons de Vaud et du Valais, le rôle d'autorité de contrôle devrait être assumé en commun par les deux Services cantonaux de protection de l'environnement. Il s'agit en fait de donner les compétences nécessaires à un responsable de la gestion et du contrôle du marché, à l'image de ce qui a été fait à Bâle avec la Section "Projets spéciaux". Cette nouvelle répartition des tâches devrait évidemment être soumise à l'approbation des autorités vaudoises, valaisannes et éventuellement fédérales. 9 Les besoins en personnel et le coût de fonctionnement de l'autorité de contrôle dépendent bien entendu de l'ampleur des tâches qui lui sont confiées. Dans le cas du Chablais, il s'agirait essentiellement de : a) procéder à la distribution initiale des certificats; b) mettre en contact les vendeurs et les acheteurs potentiels de certificats; c) étudier les propositions d'échanges soumises par les entreprises et autoriser - ou interdire - les transactions (procédure dite de l'approbation préalable; quant à la nécessité de cette mesure, voir plus loin pt. 14.4.2 "Réglementation des échanges"). Rappelons que le nombre de participants est limité (quinze), si bien que la mise en contact des agents et l'étude des propositions d'échanges de permis ne représente pas un volume de travail particulièrement important. Par rapport à la charge administrative nécessaire à la gestion du marché bâlois, on peut estimer que, dans le Chablais, cette activité correspondrait, en moyenne annuelle et au maximum, à un demi-jour de travail par semaine, impliquant la création d'un poste à 10%. 10 Le matériel et les locaux nécessaires pourraient être fournis par l'un ou l'autre des Services cantonaux concernés, sans frais supplémentaires (estimation du coût administratif, voir pt. 15.4.2). 14.3. Distribution initiale Les deux types classiques de distribution (vente aux enchères et grandfathering) présentent trop de problèmes pour pouvoir être appliqués sans autre dans le cas du Chablais (voir pt. 3.3). Dès lors, la procédure retenue est celle qui consiste à baser la distribution sur les normes de l'OPair92. Comme cela a été mentionné, cette manière de faire a ses limites. En particulier, il faut 9 Remarquons qu'une telle collaboration inter-cantonaie ne serait pas une première en Suisse : le Lufthygieneamt beider Basel est compétent pour toute question relative à la protection de l'air dans les demi-cantons de Bâle-ViNe et Baie-Campagne. 10 Le temps consacré â la gestion du marché bâlois n'est pas connu avec précision. L'estimation ci- dessus a été réalisée sur la base d'informations téléphoniques fournies en août 1995 par A. Nyfeler, chef de la section "Projets spéciaux" au Lufthygieneamt beider Basel à Liestal. 197 14. Organisation et règles de fonctionnement admettre l'hypothèse que les normes ont été définies de manière efficiente, ce qui n'est pas forcément le cas dans la mesure où aucune analyse coûts- bénéfices n'a été réalisée lors de la fixation des concentrations maximales admises à l'émission. Ensuite, on fait l'hypothèse que les flux sont constants. Rappelons toutefois que seules sont considérées les émissions provenant des procédés de production, si bien que les variations saisonnières des émissions de NOx dues aux chauffages n'invalident pas ce mode de distribution. Enfin, en raison de la disparition de la marge de sécurité contenue dans l'OPair (effet de "remplissage", voir figure 2.3), les réductions d'émissions seront moindres que dans le cadre de la réglementation. Ce problème peut toutefois être corrigé simplement en réduisant le nombre de certificats à introduire sur le marché. Il serait par exemple possible de diminuer uniformément le nombre de permis alloués à chaque émetteur (par exemple -10%). Dans un premier temps, le droit en tonnes est donc calculé, pour chaque entreprise, par multiplication des concentrations autorisées (voir tableau 10.2), des débits horaires de l'ensemble des sources (sauf les chauffages) et des temps de fonctionnement des installations (Tableau 14.2). Si nécessaire, une réduction uniforme des valeurs obtenues dans chaque cas peut être réalisée dans un deuxième temps. Tableau 14.2. Distribution initiale des permis dans le marché du Chablais, Exemple de l'entreprise X Volume horaire des effluents Norme OPair 92 (chi 714) Droit horaire Temps de fonctionnement journalier Temps de fonctionnement annuel 130'000Nm3 80 mg/m3 10,4 kg 24 heures 350 jours Droit annuel 87,4 tonnes Nombre de permis attribués 87 Soulignons que le mode de distribution basé sur les normes en vigueur dans le cadre de la réglementation directe a déjà été utilisé dans la pratique, et notamment à Bàie et à Los Angeles. Dans le cas de RECLAIM, Ie nombre de permis attribués initialement à chaque entreprise (baseline) est calculé à partir des émissions autorisées pour l'année 1993 par Y Air Quality Management Pian 198 Politique environnementale et efficacité économique (AQMP) du California Clean Air Act (CCAA). Les entreprises qui n'y satisfont pas se voient accorder des droits pour le montant de leurs émissions effectives, mais les certificats "excédentaires" perdent chaque année un tiers de leur valeur initiale, si bien que leur durée de vie est limitée à trois ans (SCAQMD 1992a, pp. 3-1 à 3-6). A Bâle, c'est la loi cantonale qui sert de base a la distribution initiale. " "Massgebend für die Berechnung der Emissionsmengen sind die Emissionskonzentration, der Volumenstrom und die durchschnittliche jährliche Betriebsdauer der Anlage" (Nyfeler 1994, p.36). Le fait que la distribution initiale des permis, aussi bien en Californie qu'à Bâle, ait été basée sur les normes en vigueur donne à penser que l'acceptabilité liée à cette manière de faire est relativement bonne. Elle est par ailleurs fiscalement neutre. Enfin, ce mode de distribution initiale évite la discrimination à l'égard des nouveaux entrants : au moment de la mise en marche de leurs installations, ceux-ci pourraient obtenir des certificats exactement de la même manière et aux mêmes conditions que les entreprises existantes. 14.4. RÈGLES DE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ 14.4.1. Mise en contact des offreurs et des demandeurs Il importe que les vendeurs et les acheteurs potentiels de permis puissent entrer rapidement en contact les uns avec les autres. Plusieurs solutions peuvent être envisagées à cet effet (bourse existante, courtiers, etc., voir pt. 3.4). La solution la plus avantageuse, au point de vue des coûts, dépend probablement du nombre de participants au marché. Dans le cas de RECLAIM, Ie South Coast Air Quality Management District (SCAQMD) met à disposition des entreprises un fichier centralisant toutes les offres et les demandes de permis. A Bâle, c'est également l'autorité de contrôle (Lufthygieneamt beider Basel) qui assure les contacts entre les agents, tenant à jour une liste des offres et demandes de permis. Toutefois, en cas de nécessité, il est prévu que l'Etat confie un mandat particulier à un courtier (Nyfeler 1994). Fournir l'information relative à la disponibilité des permis est une tâche particulièrement importante. Pour le marché envisagé dans le Chablais, ce rôle serait confié au responsable de la gestion du marché. Les offres et les demandes de permis lui seraient annoncées et seraient tenues à jour dans un fichier particulier, en tout temps à disposition des entreprises (Tableau 14.3). Les coordonnées des personnes responsables permettraient d'établir 11 Rappelons qu'à son introduction, la Basler Umweltschutzgesetz imposait des concentrations â l'émission plus sévères que l'OPair 86. Avec l'introduction de l'OPair 92, le "Spielraum" existant, dans le cas des NO,, entre les normes cantonale et fédérale a été réduit à zéro dans presque tous les cas de figure. 199 14. ORGANISATION ET RÈGLES DE FONCTIONNEMENT rapidement les contacts nécessaires. Le fichier pourrait aussi être ouvert à d'autres agents intéressés à le consulter (public, organisation écologiste, etc.). Tableau 14.3. Fichier des offres et demandes de permis (exemple)______________ Personnes Emissions Permis détenus de contact effectives au terme de la Demande de Entreprises (no. téléphone) {tonnes/an) distr. initiale Offre de permis permis A M. V 22 27 B M.W 15 18 C Mme X 28 15 0 Mme Y 38 28 E M. 2 12 A ToIaI ~ 115 92 8 31 Note : dans cet exemple, le marché des permis devrait permettre d'obtenir une réduction globale des émissions de 20%. Source : adapté de David et al. 1980, p.269. 14.4.2. Réglementation des échanges a) Propositions d'échanges Les possibilités d'échanges de permis sont élaborées sur la base du fichier des offres et des demandes (voir tableau 14.3 ci-dessus). Par exemple, l'entreprise E pourrait contacter les entreprises A et B en vue d'acquérir tout ou partie de leurs permis. Les entreprises C et D pourraient les contacter aussi et proposer un prix d'achat supérieur. Lorsque deux partis s'entendent sur une transaction, ils soumettent le projet à l'autorité de contrôle. b) Approbation préalable L'approbation préalable des échanges par l'autorité de contrôle permet d'éviter l'apparition de hot spots et renforce probablement l'acceptabilité du système (voir pt. 3.6). A ce sujet, les deux marchés de certificats pour les NOx ont opté pour une politique différente. L'approbation préalable est obligatoire à Bâle, où le Lufthygieneamt entend disposer ainsi d'un droit de veto destiné à éviter 13 10 200 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE l'apparition d'éventuelles concentrations locales.,2 Par contre, aucune approbation n'est nécessaire dans le cadre de RECLAIM : les échanges doivent simplement être annoncés au SCAQMD (SCAQMD 1992a, p. EX-11). Bien que les NOx puissent être considérés comme des polluants uniformly mixed à l'échelle du Chablais, l'impact d'une émission donnée dépend de nombreux facteurs (voir pt. 3.6). Une action de réduction n'a donc pas forcément des effets identiques sur la qualité de l'air. 13 Dans le Chablais, afin de maximiser l'acceptabilité du marché proposé et de réduire autant que possible le risque de voir apparaître un hot spot, toute transaction serait soumise à une approbation préalable. La localisation particulière d'un des participants rend cette mesure plus nécessaire encore (voir pt.14.1.2). L'autorité de contrôle donne son aval si elle estime que la transaction envisagée n'entraîne pas d'effets négatifs sur l'environnement. Au contraire, s'il est à craindre que la concentration ambiante enregistrée à proximité de l'acheteur dépasse durablement la valeur limite d'immission (VLI) ou si cela est déjà le cas, l'autorité peut restreindre le nombre de permis échangés, voire interdire la transaction. Rappelons que Heister et al. (1990b, pp.7-8) jugent cette sécurité indispensable. c) Ratio d'échange Le ratio d'échange peut être de 1 : 1 si chaque permis acquis donne droit à l'émission d'une tonne, mais ce rapport peut.être réduit si l'autorité de contrôle entend renforcer l'efficacité écologique du marché. La réduction peut être la même pour tous les échanges, ou elle peut dépendre des caractéristiques de la transaction (voir pt. 3.7). Les deux marchés qui fonctionnent actuellement pour le contrôle des NOx ont opté pour une politique différente en ce qui concerne le ratio d'échange. En Californie, suite aux expériences déjà réalisées dans le cadre du Clean Air Act, on a voulu laisser le maximum de liberté aux entreprises et limiter autant que possible les obstacles au libre- échange de permis : les transactions peuvent ainsi se faire sur une base de 1 :1 (SCAQMD 1992a, p.3-15). A Bale par contre, on a instauré un ratio d'échange de 1 : 0,8, ce qui signifie que les réductions d'émissions ne sont transcrites en permis que pour 80% de leur valeur. '¦* Par ailleurs, les permis ne sont attribués que si le volume résiduel des émissions, après réduction, est 12 Remarquons que, dans sa décision, le Lufthygieneamt ne tient pas compte de ta distance séparant l'acheteur du vendeur, comme l'a proposé le Bay Area Air Quality Management District de San Francisco (Uroff 1980, p.31). En particulier, les entreprises intégrées dans une bulle (Emissionsverbund) ne doivent pas obligatoirement être contiguës : une entreprise de Bale peut former une bulle avec une entreprise de Liestal distante de quelque 20 kilomètres (Nyfeler t994). 13 S'il s'avérait que l'hypothèse d'Une dilution homogène des émissions d'oxydes d'azote dans l'ensemble du Chablais n'était pas vérifiée, il serait nécessaire de recourir à un modèle de simulation de la dispersion des polluants atmosphériques. L'Institut suisse de météorologie (ISM) dispose de plusieurs de ces modèles et serait en mesure d'en appliquer l'un ou l'autre au cas du Chablais (Jeannet et Tercier 1994). 14 La première version de la loi cantonale prévoyait 50% seulement. Suite aux réactions des industries durant la procédure de consultation. Ia proportion a été portée à 80% {Nyfeler 1994). 201 14. Organisation et règles de fonctionnement d'au moins 10% inférieur au droit initial (exprimé en tonnes). Les deux dernières restrictions (clauses des 80% et des 10%) sont aujourd'hui considérées comme partiellement responsables du succès mitigé rencontré jusqu'à présent par l'expérience bâloise (Staehelin-Witt et Spillmann 1992). Rappelons que le choix du ratio d'échange est en fait un trade-off entre l'efficacité économique et l'efficacité écologique du système de .permis. A ce titre, il s'agit d'un choix politique, et non pas économique. En conséquence, deux évaluations du gain seront menées dans le cas du Chablais : l'une avec un ratio de 1 : 1 et l'autre avec 1 : 0,8 (valeur bâloise). Cette manière de faire permettra de chiffrer la réduction du gain économique qui découle de la réintroduction de la marge de sécurité (voir chapitre 15). 14.4.3. Conservation et durée de validité des certificats La liquidité du marché est inversement proportionnelle à la durée de validité des permis. En effet, si celle-ci est courte, la thésaurisation ne présente que peu d'intérêt et les agents sont incités à mettre leurs permis sur le marché. Par contre, une durée de validité réduite implique que les permis doivent être renouvelés fréquemment (par exemple toutes les années) et qu'une nouvelle procédure de distribution doit être effectuée. Cela rend le système plus complexe et les coûts administratifs plus élevés (voir pt. 3.8). Dans le cas de RECLAIM, les permis sont dévalués de 8% chaque année, c'est-à-dire qu'un certificat autorisant l'émission d'une tonne de NO* en 1995 ne permet d'émettre que 920 kg l'année suivante. Moyennant cela, les permis peuvent être stockés sans aucune restriction (SCAQMD 1992a, p.4-11). Dans le cadre de l'expérience bâloise, les entreprises peuvent conserver leurs permis pour un usage futur durant cinq ans au maximum. S'ils restent inutilisés au terme de cette période, les permis perdent annuellement 20% de leur valeur initiale, dès la sixième année, de sorte que leur valeur est nulle après dix ans de non- utilisation (Nyfeler 1994). Dans les expériences réalisées aux Etats-Unis, les industries étaient plutôt favorables au système de la conservation (banking) : "Industry actively supported this legislation because it felt that the existing ad hoc trading system created great uncertainties and search costs that inhibited trading" (Dwyer 1992, p. 11 ). En ce qui concerne le marché du Chablais, les permis ne seraient pas dévalués périodiquement puisque leur nombre représente déjà l'objectif à atteindre, en terme de tonnes émises.ï5 La thésaurisation des permis (banking) serait, elle, autorisée : les entreprises pourraient stocker leurs permis pour un usage ultérieur aussi longtemps qu'elles le désireraient, sans que La dévaluation périodique est utilisée lorsque l'on introduit sur le marché un nombre de permis autorisant un volume d'émissions supérieur à l'objectif à atteindre. Dans ce cas. on détermine une date a partir de laquelle la qualité de l'air doit être satisfaisante, et on décompte la valeur des permis en conséquence (voir pt. 3.8). 202 POUTIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE ceux-ci ne perdent de leur valeur. Il s'agit là d'une condition nécessaire car, eu égard au faible nombre de participants au marché, il est fort possible qu'il n'y ait, à un moment donné, aucune possibilité de transaction. 14.4.4. Vue d'ensemble des caractéristiques du marché Le tableau 14.4 ci-dessous résume les options retenues pour le design du marché de permis qui pourrait être mis en oeuvre dans le Chablais. Tableau 14.4. Certificats pour les NOx : options retenues pour le marché du Chablais Région d'application Chablais vaudois et valaisan. Participants Quinze entreprises dont le procédé de production a généré au moins une tonne d'oxydes d'azote durant l'année 1994. Autorité de contrôle Rôle assumé en commun par les Services de protection de l'environnement des cantons de Vaud et du Valais; nomination d'un responsable de la gestion du marché, impliquant la création d'une fraction de poste. Distribution initiale Basée sur les normes d'émissions de l'OPair 92, les volumes émis et le temps de fonctionnement des installations. Organisation des échanges L'autorité de contrôle joue le rôle de contact entre les acheteurs et les vendeurs. Les offres et les demandes de permis sont enregistrées dans un fichier en tout temps à disposition des participants et éventuellement d'autres personnes. Approbation des échanges Les échanges de permis sont soumis a l'approbation préalable de l'autorité de contrôle. Restriction des échanges Si les immissions mesurées à proximité de l'entreprise souhaitant acquérir des permis dépassent durablement la VLI, l'autorité de contrôle peut limiter la transaction, voire l'interdire. Ratio d'échange 1:1 et 1 : 0,8 Dévaluation Aucune dévaluation des permis n'est prévue. Conservation Le banking est autorisé. 203 Politique environnementale et efficacité économique 15. Evaluation de l'efficacité économique 15.1. MÉTHODE La méthode utilisée pour évaluer le gain d'efficacité que procurerait, par rapport à l'OPair, un marché de certificats mis en oeuvre dans le Chablais est celle qui consiste à établir les courbes d'offre et de demande de permis (voir chapitre 5). Cette méthode a été retenue principalement pour sa simplicité de mise en oeuvre. Le recours à un modèle d'équilibre général aurait nécessité la modélisation détaillée de l'économie du Chablais. La méthode du Least cost, quant à elle, implique le recours à un modèle informatique de dispersion des polluants atmosphériques.1 Par ailleurs, elle est plus appropriée au cas d'un marché destiné à contrôler la qualité de l'air plutôt que le volume des émissions. Rappelons que la demande de permis dépend des coûts marginaux de dépollution des quinze entreprises englobées dans le marché. Cette courbe peut être tracée à partir d'informations sur l'efficacité-coût des réductions d'émissions déjà réalisées ou en préparation (coût par tonne réduite). De son côté, l'offre est déterminée par le nombre de certificats mis en circulation dans le Chablais, découlant lui même de l'objectif environnemental à atteindre. Parfaitement inélastique, l'offre est représentée par une droite verticale coupant l'axe des x au volume d'émissions que l'on souhaite obtenir (tonnes/année). L'intersection de la fonction de demande avec l'offre permet d'estimer le prix de marché des permis. On peut dès lors calculer le coût des réductions d'émissions qui seraient réalisées dans le cadre d'un système des certificats : il s'agit de la somme des coûts des programmes de réduction dont le coût par tonne est inférieur au prix de marché des certificats. A ce montant, il convient d'ajouter une estimation du coût administratif. Le résultat peut alors être comparé au coût des assainissements imposés par les Services cantonaux aux quinze entreprises considérées, conformément aux prescriptions de l'OPair. La différence entre les deux résultats représente le gain d'efficacité recherché. Rappelons que cette démarche n'est correcte que dans le cas où la localisation des émissions ne joue pas de rôle : la qualité de l'air est alors supposée homogène dans toute la région. La suite du travail repose sur cette hypothèse, et celle-ci a servi aussi à la sélection de la région d'étude. En effet, L'Institut suisse de météorologie (ISM) dispose de tels modèles et ceux-ci pourraient être appliqués dans le cas du Chablais, mais cette opération aurait été relativement longue et coûteuse. 205 15. Evaluation de l'efficacité économique le Chablais a été retenu parce que sa taille est telle que l'on peut admettre que toute réduction d'émissions implique obligatoirement une amélioration de la qualité de l'air dans l'ensemble de la région. Rappelons aussi que l'aspect "immission" n'est pas négligé : tout d'abord, la distribution initiale des permis est basée sur les normes d'émissions de l'OPair 92, normes censées empêcher les immissions excessives. Ensuite et surtout, l'autorité de contrôle se réserve le droit de limiter ou d'interdire une transaction si celle-ci risque d'entraîner des effets environnementaux non souhaités (voir pt.14.4.2). 15.2. Coûts de dépollution 15.2.1. Manière de saisir fes coûts Obtenir des entreprises les sommes qu'elles consacrent à la réduction de leurs émissions d'oxydes d'azote n'est pas chose aisée. De manière générale, seules les grandes entreprises disposent d'une personne ou d'une équipe responsable des questions environnementales. Les petites entreprises, pour leur part, ne sont souvent pas en mesure de fournir les renseignements demandés. Dans la plupart des cas, il n'existe pas de rubrique comptable "protection de l'environnement", et ce type de coûts est à rechercher parmi les investissements. Or, les assainissements sont parfois réalisés en même temps que d'autres opérations sans rapport avec l'environnement (agrandissements, transformations, rénovations, etc.), si bien que les coûts recherchés sont "noyés" dans la masse des dépenses. Par ailleurs, certains assainissements permettent de réduire les émissions de plusieurs polluants, et cerner la part attribuable aux NOx peut s'avérer compliqué. Pour terminer, il s'est avéré que très peu d'entreprises, si ce n'est aucune, n'étaient en mesure d'estimer l'importance de l'investissement nécessaire pour réduire leurs émissions en dessous des normes de l'OPair. Ce que Barde (1992, p.260) appelle l'effet de "blocage" de la réglementation se trouve ainsi vérifié : lorsqu'une entreprise est en conformité avec l'OPair, elle ne recherche plus d'autres possibilités de réduire encore ses émissions. 2 L'efficacité-coût du marché des permis a été évaluée pour deux périodes. On s'est intéressé tout d'abord au gain que les certificats auraient permis d'obtenir jusqu'à présent s'ils avaient été introduits en 1986 en lieu et place de l'OPair. Pour cela, on a recherché le coût des assainissements achevés et des assainissements actuellement en cours de réalisation dans le cadre de En pratique, lorsqu'une entreprise est dans l'obligation de réduire ses émissions, elle procède à un appel d'offres auprès de plusieurs fournisseurs de technologies de dépollution. Lorsque l'entreprise satisfait aux normes de l'OPair, elle renonce, bien évidemment, à demander de nouvelles offres permettant de réduire encore les émissions. 206 Politique environnementale et efficacité économique l'OPair. 3 On a estimé ensuite le gain d'efficacité réalisable si les permis étaient introduits aujourd'hui. A cet effet, il a fallu chercher le coût des assainissements que l'OPair imposera dans le futur. Les coûts des assainissements achevés et des assainissements en cours ont été obtenus directement auprès des quinze entreprises à l'aide d'un questionnaire (annexe 2). Relevons que toutes les entreprises ont accepté de collaborer au projet. N'ont été considérés que les assainissements imposés par l'OPair (donc depuis 1986) pour les NOx. Le questionnaire propose une grille relativement complète pour la saisie des coûts, avec une désagrégation basée sur la figure 5.1. Dans la plupart des cas, il a été complété par une interview. Signalons encore que les montants obtenus pour les assainissements achevés ont été actualisés sur la base de l'indice des coûts de production de ia Société suisse des entrepreneurs (indice SSE publié par La Vie économique, tableau B15, p.*38). 4 Lorsque les entreprises n'ont pas précisé leur mode d'amortissement, il a été supposé linéaire et réalisé sur la durée de vie prévue des installations. Lorsque cette donnée n'est pas connue, on a admis une durée de vie économique de 10 ans, ce qui correspond à la borne inférieure de l'intervalle proposé par l'EPA (EPA 1990, p.2-6). Les assainissements futurs ont également été recherchés. Pour les grandes entreprises, les valeurs proviennent d'études de faisabilité actuellement en cours; pour les petites entreprises, il s'est avéré nécessaire de recourir à une autre source d'information : les fournisseurs des technologies de dépollution.5 A partir des caractéristiques techniques des installations (type de chaudière, type de brûleur, année de mise en oeuvre, puissance, combustible utilisé et consommation annuelle), il a été possible de déterminer, dans certains cas, 3 Les assainissements peuvent être regroupés en trois catégories : assainissements achevés, en cours de réalisation et futurs. Un assainissement est dit "achevé" au moment où le Service cantonal de protection de l'environnement a effectué une mesure de contrôle et constaté que les émissions sont désormais conformes aux normes de l'OPair. Un assainissement est considéré comme étant "en cours de réalisation" dès le moment où le Service cantonal de protection de l'environnement a demandé à une entreprise de présenter une proposition d'assainissement (avec mesures prévues et délais de réalisation) et jusqu'au moment où ce rnSme Service a effectué la mesure de contrôle. Enfin, un assainissement "futur" est celui que l'entreprise envisage de réaliser à une date indéterminée dans le futur, sans que le Service cantonal ait déjà donné l'ordre d'assainir (Liechti 1995). 4 Le choix du taux d'actualisation a posé quelques problèmes. L'OFS publie un indice des prix â la production des machines, mais il n'est disponible que depuis mai 1993, et il n'est guère possible de calculer un indice comparable pour les années précédentes (Nussbaum 1995). La société suisse des constructeurs de machines (VSM à Zurich) ne dispose pas d'informations particulières en ce qui concerne les installations de dépollution. Le recours â l'indice des prix à la consommation (IPC) n'étant guère envisageable dans ce cas, c'est finalement l'indice des coûts de production SSE qui a été retenu. 5 Deux entreprises ont activement collaboré à l'estimation des possibilités de réductions futures : les maisons ELCO à Cugy et Cipag à Lausanne. 207 15. Evaluation de l'efficacité économique quelle nouvelle installation permettrait de réduire encore les émissions, dans quelle proportion et à quel coût. 6 15.2.2. Montants consacrés à la réduction des émissions Appliquée aux quinze entreprises qui seraient englobées dans le marché, la démarche explicitée ci-dessus a permis de réunir 37 observations distinctes (la plupart des entreprises possèdent plusieurs sources d'émissions). Comme les technologies de dépollution peuvent parfois s'additionner les unes aux autres (par exemple brûleur Low-Nox et colonne de lavage), on a pu, dans quelques cas, effectuer plus d'une observation sur une même source. La figure 15.1 ci- contre présente les résultats obtenus. L'existence d'une grande dispersion des coûts marginaux de réduction des émissions se vérifie également dans le Chablais, ce qui est une condition nécessaire. 7 Les coûts, calculés comme indiqué au point 5.2. d, s'inscrivent en effet dans une fourchette allant de 11 francs/tonne8 à plus de 130'000 francs/tonne. L'étirement de la série sur la droite est encore mieux mis en évidence lorsque les valeurs sont présentées sous forme de box plot (Figure 15.2). 7 Notons que les valeurs obtenues pour les assainissements futurs sont d'une précision et d'une fiabilité moindres que celles concernant les opérations réalisées ou en cours. Pour les réductions futures, on additionne au coût d'achat de l'équipement une estimation du coût d'installation. Or, la mise en place d'une nouvelle technologie de réduction des émissions implique parfois des transformations plus ou moins importantes de l'installation existante, si bien qu'il n'est guère possible de connaître le coût véritable sans demander un devis a un installateur, ce a quoi nous avons renoncé. Pour une première étude sur ce sujet, au niveau national, voir Stritt et Jeanrenaud 1992. 8 II s'agit la d'un cas exceptionnel lié a l'adoption d'un combustible nettement meilleur marché. 206 Politique environnementale et efficacité économique Figure 15.1. Coûts marginaux de réduction des émissions industrielles de NOx dans le Chablais, en francs par tonne réduite par année (tuyaux d'orgue) 1 3 5 7 9 11 13 15 17 19 21 23 25 27 29 31 33 35 37 Sources d'émissions Valeur minimale : 11 Premier quartile (Q1) : 4'557 Médiane : 9'259 Moyenne : 19'570 Troisième quartile (Q3) : 21'600 Valeur maximale : 133'578 Note: Source : Valeurs calculées avec la formule présentée au point 5.2.d. Enquête par questionnaire, IRER, mars 1995 (voir annexe 2). 209 15. Evaluation de l'efficacité économique Figure 15.2. Coûts marginaux de réduction des émissions industrielles de NOx dans le Chablais, en francs par tonne réduite par année {box plot, 37 observations) 2 01 114SGTtJ 10 x i a'coo NaIg : - Procédure de calcul selon Ronchetti et al., 1991. - La croix (+) indique l'emplacement de la moyenne. - Les étoiles (•} indiquent les emplacements de deux observations situées en dehors de l'intervalle (Q3 ; Q3 + 1,5 • (Q3 -Q1)J, où Q1 est le premier quartile, Q3 le troisième quartile, Q3 - Q1 l'écart inter-quartiles; pour la valeur des quartiles, voir figure 15.1. - Le chiffre 2 indique que deux autres observations sont supérieures à Q3 + 3 ¦ (Q3 - Q1). - Au total, quatre observations peuvent être considérées comme des outliers. 15.3. Fonction de demande de permis Rappelons que la demande de permis est fonction des coûts de réduction des émissions. Graphiquement, la courbe de demande peut donc être tracée à partir des valeurs de la figure 15.1. En abscisse, on considère le volume des émissions, en tonnes par an, croissant depuis l'origine. Le niveau des émissions de 1986 sert de référence : au moment de l'entrée en vigueur de l'OPair, les quinze entreprises considérées émettaient 1756,4 tonnes de NOx par année, valeur arrondie à 1'80O tonnes/an (source : calcul IRER, voir plus bas pt. 15.4.3). On admet que si un système de permis avait été introduit à cette date, les assainissements auraient été réalisés dans l'ordre croissant des coûts de dépollution. On considère dès lors les coûts marginaux de la figure 15.1 dans l'ordre inverse: la valeur maximale est placée à gauche du graphique, la valeur minimale à droite. Puis, pour chacune des 37 observations, on associe au coût marginal le nombre de tonnes que l'assainissement en question a permis de réduire. Les segments horizontaux 210 POLmQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE des "tuyaux d'orgue" correspondent dès lors aux réductions effectuées, en tonnes. La courbe de demande est ainsi tracée (Figure 15.3). Figure 15.3. Courbe de demande de certificats dans le Chablais Franc« 140000i------------------------------------ 120000 100000 S0000 60000 40000 20000 ûJ-----------------1-----------—+ o 200 400 600 eoo 1000 1200 1400 1600 iboo Emissions «n tonnes/in 15.4. Estimation de l'efficacité-coût 15.4.1. Rappel L'équilibre sur le marché des permis est déterminé par l'intersection de la courbe de demande, définie ci-dessus, avec celle de l'offre. Cette dernière est représentée par une droite verticale correspondant au nombre de permis introduits sur le marché (voir pt. 5.3.2). Le gain réalisable avec les permis par rapport à la réglementation est égal à la différence des coûts de réduction d'émissions dans les deux cas, montant auquel on soustrait une estimation du coût administratif (voir tableau 5.1). K 211 15. Evaluation de l'efficacité économique L'efficacité-coût a fait l'objet de plusieurs évaluations. Tout d'abord, on a considéré la période 1986-1995, c'est-à-dire les assainissements achevés dans le cadre de l'OPair. On a ensuite analysé les réductions d'émissions actuellement à l'étude et qui seront réalisées dans les années à venir (période 1996-2000). Dans chaque cas, l'estimation a été effectuée avec un ratio d'échange de 1 : 1, puis avec un rapport de 1 :0,8. La différence permet de chiffrer le coût du maintien de la marge de sécurité contenue dans l'OPair (voir plus haut pts. 3.3.2 et 14.4.2. c). Enfin, on a tenu compte du caractère divisible ou indivisible des assainissements, c'est-à-dire des possibilités de réduire les émissions exactement de la quantité voulue. En fonction de ces différents cas, ce sont donc huit estimations distinctes qui sont présentées. Mais auparavant, il est nécessaire d'évaluer l'importance du coût administratif. 15.4.2. Estimation du coût administratif Dans la littérature, on trouve peu d'informations chiffrées à ce propos. En se basant sur les expériences menées par le SCAQMD dans le bassin de Los Angeles entre 1990 et 1992, Dwyer (1992, p. 18) estime que le coût supporté par les entreprises pour localiser un partenaire, négocier la transaction et obtenir l'approbation de l'autorité de contrôle atteindrait entre 15'000 et 3O1OOO $ par échange, ce qui représenterait entre 10 et 30% du coût d'achat des permis. Pour sa part, Kohn (1991, p. 319) indique que le coût de transaction serait proportionnel au coût des réductions d'émissions et pourrait s'élever à environ 10% de ceux-ci. En ce qui concerne la Suisse, quelques informations peuvent être tirées de l'expérience béloise. Le coût de gestion y est actuellement très réduit, en tout cas inférieur à 10'000 francs par année (Nyfeler 1995). La procédure administrative pour l'approbation d'une bulle ou d'un échange de permis ne requiert en moyenne que deux jours de travail pour ta personne responsable. Du côté des entreprises, le coût de transaction est très faible : toute l'information est centralisée auprès du Lufthygieneamt, en particulier les offres et les demandes de permis, de sorte que [es contacts peuvent s'établir facilement, rapidement et pratiquement sans frais (ibid.). Dans le cas du Chablais, il faut compter avec une dépense initiale relativement importante pour la mise en place du marché (création du fichier central, information aux entreprises et au public, contacts, etc.). Elle peut être estimée à quelque 100'000 francs, pour la première année uniquement. Cette dépense est répartie sur 10 ans pour établir des valeurs annuelles. La gestion courante du système, avec le petit nombre d'entreprises concernées, n'impliquerait ensuite qu'un volume de travail limité. En se basant sur le cas de Bâle, on peut affirmer que cela ne devrait pas excéder, en moyenne annuelle et au maximum, un demi-jour de travail par semaine pour une personne. Cela nécessiterait, au plus, la création d'un poste à 10%. La dépense correspondante s'élèverait ainsi à un dixième de salaire annuel, soit, par 212 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITE ÉCONOMIQUE hypothèse, 1O1OOO francs. Du côté des entreprises, on admet que le coût de transaction serait, comme à Bâle et pour les mêmes raisons, négligeable. Le coût administratif total s'élèverait ainsi à quelque 20'000 francs par année (Tableau 15.1). Soulignons que ce montant est certainement surévalué, dans la mesure où il représente plus du double de celui observé à Bâle pour un nombre d'entreprises nettement plus élevé. Cependant, l'évaluation du gain sera réalisée avec cette valeur, afin d'éviter le reproche fréquemment adressé à d'autres études de négliger le coût administratif. Tableau 15.1. Estimation du coût administratif du marché de permis "Chablais" (francs par année) Type de coûts Francs/an Dépense initiale répartie sur 10 ans 10*000.- Gestion courante du système par l'autorité de contrôle 10'OÛO.- Coût de transaction pour les entreprises — Total 20'000.- 15.4.3. Estimation de l'efficacité-coût entre 1986 et 1995 a) Ratio d'échange 1 : 1 Il s'agit de déterminer le gain qu'aurait permis de réaliser un système de permis s'il avait été introduit en 1986 en lieu et place de i'OPair (évaluation ex post). Entre cette date et 1995, les quinze entreprises considérées ont réduit leurs émissions de NOx de presque 400 tonnes, faisant passer leur total de près de 1800 tonnes/année à quelque 1400 tonnes/année.9 Pour les besoins 9 Les quinze entreprises participant au marché ont réalisé des assainissements qui ont permis d'obtenir, entre 1986 et 1995, une réduction totale des émissions de 393,8 tonnes/an. Le résultat a été arrondi à 400 tonnes (source: questionnaire aux entreprises, mars 1995; voir annexe 2). Remarquons qu'en décembre 1994, une des quinze entreprises a, momentanément, arrêté son activité, pour des raisons de transformation. Il en a résulté une nouvelle réduction des émissions de quelque 100 tonnes?art: L'ëHtreprise devrait toutefois fonctionner de nouveau vers la fin de l'année 1996. Pour cette raison, cette réduction temporaire des émissions n'a pas été prise en compte (il ne s'agit d'ailleurs pas d'un véritable assainissement). D'autre part. Ie volume des émissions des quinze entreprises durant l'année 1986 n'étant pas connu, il a fallu le calculer. On a rajouté au niveau des émissions de 1992 (1402,4 tonnes, courrier Ecoscan du 16.8.1994} le nombre de tonnes réduites par les assainissements réalisés en 1966 et 1992 (354 tonnes). Le résultat a également été arrondi vers le haut (1800 tonnes). 213 15. Evaluation de l'efficacité économique de l'évaluation, on admet donc que l'autorité de contrôle aurait introduit 1400 certificats sur le marché en 1986. L'offre de permis est donc représentée par une droite verticale coupant l'abscisse au point 1400 {Figure 15,4).10 L'intersection des deux courbes détermine le prix de marché des permis, qui s'élève dans ce cas à un peu plus de 2'0OO francs (2'187 francs). Le coût annuel total des programmes d'assainissement réalisés entre 1986 et 1995 est connu; il s'élève à 1,2 millions de francs (valeur exacte : 1*199*999 francs; source : questionnaire aux entreprises). Avec un système de permis, les réductions d'émissions se font dans l'ordre des coûts marginaux. Les 400 tonnes réduites impliqueraient ainsi un coût annuel total qui peut être calculé en additionnant les coûts des réductions d'émissions dont le coût marginal est inférieur ou égal au prix des permis. Pour calculer le gain d'efficacité, il importe de distinguer deux cas : - Les assainissements sont parfaitement divisibles, c'est-à-dire qu'il est possible de réduire les émissions exactement de la quantité voulue. Le coût du dernier programme d'assainissement n'est pas entièrement comptabilisé : on n'en considère que la part qui permet de réduire les émissions à exactement 1400 tonnes par année. - Les assainissements ne sont pas divisibles et les réductions d'émissions ne peuvent être réalisées que par paliers; dans ce cas, le coût du dernier assainissement doit être entièrement comptabilisé. Le rapport entre le coût de l'OPair et celui du marché des permis est nettement supérieur à l'unité : il varie, en fonction des deux cas évoqués ci-dessus, entre 1,8 et 2,7 (Tableau 15.2). Remarquons que ces résultats sont plutôt proches de la limite inférieure des valeurs que l'on peut trouver dans la littérature, en particulier chez Tietenberg (1990a, p.24). 10 La figure 15.4 ne présente qu'une partie de la courbe de demande, ce pourquoi elle paraît différente de celle presentee à la figure 15 3. 214 Politique environnementale et efficacité économique Figure 15.4. Equilibre sur le marché des permis avec un niveau d'émissions de 1400 tonnes/an {ratio d'échange 1:1)________ Francs 600 EOO 1000 1200 Emissions en tonnes/an Tableau 15.2. Estimation du gain d'efficacité entre 1986 et 1995 {ratio d'échange 1:1] en milliers de francs par année Permis Permis OPair (assainissements (assainissements divisibles) indivisibles) Coût annuel total des réductions Coût administratif : 1'20O 421 643 - place de travail à 10% - dépense initiale annualisée — 10 10 10 10 Total 1'20O 441 663 Différences dans les coûts annuels Rapport coût OPair/ coût permis : 759 2,7 537 1,8 215 15. Evaluation de l'efficacité économique b} Efficacité-coût entre 1986 et 1995 avec ratio d'échange réduit à 1 : 0,8 Si le ratio d'échange est réduit à 1 :0,8, cela signifie que chaque certificat échangé autorise une émission de 800 kilos au lieu d'une tonne. En conséquence, les certificats disponibles suite à la réduction de 400 tonnes ne permettent qu'un volume d'émissions de 320 tonnes. Les 80 permis manquants doivent être obtenus par de nouvelles réductions d'émissions, d'un volume de 100 tonnes. La modification du ratio d'échange implique donc un volume de réduction d'émissions plus important, à savoir 500 tonnes au lieu de 400 précédemment. En fait, cette situation correspond au cas où l'on aurait 1300 certificats valant chacun une tonne. Graphiquement, l'offre est ainsi déplacée sur la gauche. Le surcoût par rapport au cas précédent est indiqué par la surface pointillée claire de la figure 15.5. Le gain d'efficacité est calculé de la même manière qu'auparavant, avec l'hypothèse que la modification du ratio d'échange reste sans influence sur le coût administratif (Tableau 15.3). Remarquons qu'en raison des paliers, que présente la courbe de demande, le prix des permis n'augmente pas. Figure 15.5. Equilibre sur le marché des permis avec un niveau d'émissions de 1400 tonnes/an (ratio d'échange 1 : 0,8)______________________ Franca D O 4000 3500 3DO0 I1 2S00 ÏOOO 1500 1000 500 SOO 1000 1200 Emissions an tonnea/an 216 Politique environnementale et efficacité économique Tableau 15.3. Estimation du gain d'efficacité entre 1986 et 1995 (ratio d'échange 1 : 0,8) en milliers de francs par année OPair Permis (assainissements divisibles) Permis (assainissements indivisibles) Coût annuel total des réductions Coût administratif : - place de travail a 10% - dépense initiale annualisée 1700 640 10 10 643 10 10 Total 1700 660 663 Différences dans les coûts annuels Rapport coût OPair / coût permis _ 540 1,8 537 1.8 Même avec un ratio d'échange de 1 : 0,8, le système de permis reste supérieur à la réglementation, et cela de manière assez nette puisque le rapport des coûts est proche de deux. Le caractère divisible ou indivisible des assainissements ne se fait plus guère sentir dans ce cas, car on se trouve très proche de la limite de capacité. Le passagedu ratio 1 :1 à 1 : 0,8 entraîne un surcoût de presque 22O1OOO francs. Ce surcoût n'apparaît toutefois que dans le cas où les assainissements sont supposés parfaitement divisibles, le coût du système de permis passant alors de 441'000 à 660'000 francs. Dans le cas où les assainissements ne sont pas divisibles, la modification du ratio d'échange n'entraîne pas le passage à un palier supérieur, de sorte que le coût du marché de certificats reste identique. 15.4.4. Estimation de l'efficaci té-coût des réductions futures (1996 - 2000) a) Ratio d'échange 1 :1 Les estimations présentées ci-dessus concernent la période 1986-1995. Supposons à présent que le marché des permis soit introduit aujourd'hui et évaluons le gain d'efficacité réalisable entre 1996 et l'an 2000. Plusieurs assainissements sont actuellement à l'étude dans le Chablais. Ils devraient être réalisés dans les années à venir et permettre de réduire les émissions de quelque 450 tonnes, faisant passer le total actuel de 1400 tonnes/an à environ 950 tonnes/an à l'horizon 2000 (source : questionnaire aux entreprises).11 Pour les besoins de la simulation, on admettra que l'autorité de contrôle Les prévisions d'Ecoscan (1994, p.21) en ce qui concerne les émissions des entreprises en l'an 2000 sont quelque peu supérieures et s'élèvent â 1056,4 tonnes. 217 15. Evaluation de l'efficacité économique introduit 950 certificats sur le marché. Graphiquement, la courte de demande est retracée à partir du point 1400; le nouvel équilibre détermine un prix des permis égal à 3247 francs, soit une augmentation de pratiquement 50% par rapport au cas précédent (Figure 15.6}. Le gain d'efficacité est estimé comme auparavant (Tableau 15.4). Figure 15.6. Equilibre sur le marché des permis avec un niveau d'émissions de 950 tonnes/an (ratio d'échange 1 :1) ___ eoo too Emissions en tonnm/nn Tableau 15.4. Estimation du gain d'efficacité entre 1996 et l'an 2000 (ratio d'échange 1 :1) en milliers de francs par année OPair Permis (assainissements divisibles) Permis (assainissements indivisibles) CoOt annuel total des réductions Coût administratif : - place de travail à 10% - dépense initiale annualisée 3'680 1'136 10 10 1'57O 10 10 Total 3-880 V156 1'59O Différences dans tes coûts annuels Rapport coût OPair / coût permis _ 2724 3,3 2'290 2,4 218 Politique environnementale et efficacité économique Les assainissements que l'OPair imposera ces prochaines années aux entreprises du Chablais sont particulièrement onéreux. Cela s'explique par le caractère exponentiel des coûts marginaux de dépollution. Un système de permis mis en oeuvre aujourd'hui permettrait de réaliser un gain d'efficacité important durant les prochaines années, avec une économie de coûts annuelle comprise entre deux et trois millions de francs. Remarquons que ce résultat est nettement supérieur à celui obtenu pour la période 1986-1995. Cela signifie que les réductions d'émissions déjà réalisées dans le cadre de la réglementation directe ne diminuent pas l'intérêt d'introduire un système de permis. Le caractère divisible ou indivisible des assainissements joue à présent un rôle considérable, car la dernière réduction envisagée (celle qui permet d'amener les émissions précisément à 950 tonnes/an) est une opération importante permettant d'obtenir un résultat bien inférieur à 950 tonnes. Graphiquement, l'intersection de l'offre et de la demande se fait au tout début d'un nouveau palier de réduction d'émissions. Si le coût de cette dernière opération doit être comptabilisé entièrement, l'efficacité-coût du système de permis diminue sensiblement. Mais même dans ce cas, le rapport des coûts (2,4) reste largement favorable aux permis. b) Efficacité-coût des réductions futures avec ratio d'échange réduit à 1 : 0,8 Avec un ratio d'échange de 1 : 0,8, les 450 certificats que les prochains assainissements rendront disponibles n'autoriseront qu'un volume d'émissions de 360 tonnes. Les 90 certificats manquants doivent être obtenus par de nouvelles réductions d'émissions, d'un volume de 112,5 tonnes. Le nouveau ratio d'échange implique donc une réduction d'émissions plus importante, passant de 450 à 562,5 tonnes/an. Cette situation correspond ainsi au cas où l'on aurait 837 permis valant chacun une tonne. Graphiquement, le surcoût est indiqué par la surface pointillée claire de la figure 15.7. Le gain d'efficacité est calculé comme auparavant (Tableau 15.5). Remarquons que le prix des permis n'est pas modifié (même palier). Durant la période 1996-2000, la modification du ratio d'échange impliquerait un surcoût proche de 400'000 francs par année. Cependant, ceci n'est vrai que si les assainissements sont effectivement parfaitement divisibles. Dans le cas contraire, les sommes demeurent identiques puisqu'on reste dans la même limite de capacité (on ne passe pas à un palier supérieur). Quelle que soit l'hypothèse faite sur le caractère divisible des assainissements, le système des permis resterait, durant la période considérée, largement supérieur à l'OPair, avec un coût annuel total de plus de moitié inférieur. 219 15. Evaluation de l'efficacité économique Figure 15.7. Equilibre sur le marché des permis avec un niveau d'émissions de 950 tonnes/an (ratio d'échange 1 : 0,8)_______________________ Fronce BOOOl----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 5000 4000 3000 2000 1000 0 o 200 400 eoo eoo Emission* en tonnesfan Tableau 15.5. Estimation du gain d'efficacité entre 1996 et l'an 2000 (ratio d'échange 1 :0,8) en milliers de francs par année_____________________________________ OPair Permis (assainissements divisibles) Permis (assainissements indivisibles) Coût annuel total des réductions CoOt administratif : - place de travail à 10% - dépense initiale annualisée 3-680 1*526 10 10 1'57O 10 10 Total 3'880 1*546 1*590 Différences dans les coûts annuels Rapport coût OPair / coût permis : 2*334 2.5 2'290 2.4 D O 220 Politique environnementale et efficacité économique 16. Problèmes pratiques de mise en oeuvre et acceptabilité 16.1. Remarque liminaire La mise en oeuvre du marché proposé pour le Chablais pourrait se heurter à des problèmes pratiques sous-estimés dans les chapitres précédents. Selon Dwyer (1992, p.53), l'expérience californienne aurait montré que des obstacles "formidables" s'opposent à la réalisation de marchés de certificats efficaces. Dans le cas du Chablais, trois questions doivent être considérées attentivement. La première est relative aux aspects juridiques liés à la mise en pratique du marché. La seconde concerne la question de la mesure en continu des émissions et la dernière relève de l'acceptabilité de l'instrument "certificats". Ces difficultés ne doivent pas être sous-estimées. Elles ne doivent pas être surestimées non plus, mais simplement comparées aux avantages que l'on attend de l'instrument. Par ailleurs, ces problèmes pratiques trouvent tous une solution : aucun ne représente une raison suffisante de renoncer à l'instrument des permis. 16.2. Considérations juridiques La mise en oeuvre de certificats négociables dans le Chablais implique une analyse juridique qui doit se faire à trois niveaux : conformité avec la Constitution, la Loi fédérale sur la protection de l'environnement (LPE) et l'Ordonnance fédérale sur la protection de l'air (OPair). a) Ordonnance fédérale sur la protection de l'air La mise en oeuvre du marché de permis décrit au chapitre 14 implique quelques adaptations de l'OPair. 1 En premier lieu, il est nécessaire d'exprimer les valeurs limites en termes de quantités totales émises, en tonnes par année, en lieu et place de concentrations en mg/m3. Ensuite il s'agit de donner aux émetteurs qui le souhaitent la possibilité de dépasser leur droit d'émission Remarquons que ceci n'a pas été nécessaire à Bale, car les permis sont prévus pour fonctionner dans l'intervalle entre les normes d'émissions cantonale et fédérale. Les cantons de Vaud et du Valais n'ayant pas édicté de normes particulières, cet intervalle n'existe pas. Comme le note Jacobs (1995b, p.659), le marché bâlois se distingue donc par le fait qu'il repose sur le deuxième volet d'action de l'OPair et de la LPE (réductions supplémentaires des émissions laissées â la compétence des cantons lorsque la VLI n'est pas respectée), ce qui n'est pas le cas avec le marché envisagé dans le Chablais, où l'objectif à atteindre est identique à celui visé par i'OPair, 221 16. Problêmes pratiques et acceptabilité {déterminé au moment de !a distribution initiale) en contrepartie de l'acquisition de nouveaux permis. Enfin, il s'agit de repenser les délais d'exécution, actuellement fixés à cinq ans, voire dix ans (art. 10 OPair). Toute émission supérieure au nombre de permis détenus devrait entraîner, dans un laps de temps à déterminer (par exemple une année, voire six mois), soit l'acquisition de certificats supplémentaires, soit la mise en oeuvre d'un programme d'assainissement. L'OPair ne nécessiterait en fait que les trois ajustements évoqués ci-dessus. Il s'agit de modifications substantielles, mais elles seraient réalisables sans devoir repenser entièrement l'Ordonnance. b) Loi fédérale sur la protection de l'environnement Les opinions divergent en ce qui concerne la LPE. Par exemple, Manfrini (1991, p.8) estime que l'introduction d'un marché de permis ne pourrait se faire qu'après "une refonte préalable et importante" de la loi. Il s'agirait en particulier de modifier les articles 11 et 12 relatifs aux émissions et surtout le titre troisième concernant l'exécution et la procédure. Jacobs (1995b, p.661) estime au contraire que la base légale servant à l'introduction des certificats pourrait être créée simplement, en complétant l'article 12 de la LPE par un alinéa troisième reprenant le texte de l'initiative parlementaire proposée par les conseillers aux Etats bâlois Plattner et Rhinow en 1993.2 "Würde das USG in diesem Sinne ergänzt, könnte das vorgeschlagene Zertifikatssystem aus juristischer Sicht verwirklicht werden" (ibid., p.669). c) Constitution fédérale La discussion quant à la constitutionnalité d'un marché de permis n'est pas close. Si la loi et l'ordonnance traitent des problèmes techniques (procédures, normes d'émissions, etc.), Ia Constitution aborde des questions plus fondamentales. Comme le note Peeters (1991, p.156), "a transfer of a pollution right will have as a consequence that the pollution will occur at another place or time than before". Se pose alors la question de savoir si un tel déplacement des nuisances est admissible, car, dans les faits, cela pourrait soulager certains citoyens aux détriments d'autres. Manfrini (1991, p.12) note à ce Le texte de l'initiative n'a pas été publié et nous a été transmis par R. Jacobs qui Ie tenait directement de Wl. Ie Conseiller aux Etats Plattner. L'article 12, alinéa 3 (nouveau) de la LPE aurait la teneur suivante : "Oie Kantone können die Überschreitung der Emissionsgrenzwerte durch einzelne Anlagen zulassen, sofern sie durch geeignete Massnahmen (z.B. Einfuhrung von Emissionsgutschriften oder Emissionsverbünden) dafür sorgen, dass dadurch die Gesamtfracht der Emissionen vermindert wird". Il est a noter qu'en 1994, cette initiative a été transformée en postulat au Conseil fédéral avec un texte sensiblement remanié : "Der Bundesrat wird eingeladen, zu prüfen und zu berichten, wie es Kantonen oder Gruppen von Kantonen durch eine Flexibilisierung der Emissionsgrenzwerte des USG ermöglicht werden kann, gleichzeitig eine Senkung der Schadstofffrachten wie auch eine volkswirtschaftliche Kostenoptimierung durch die Einführung von Emissionsgutschriften und -verbunden nach dem Muster der kantonalen Umweltschutzgesetzes der beiden Basel zu erreichen". Le texte du postulat a été publié dans le Amtliches Buttatiti das Standerat, no.489, 1994. 222 Politique environnementale et efficacité économique propos que "le marché des droits de polluer entre détenteurs d'installations similaires place les riverains de ces mêmes installations dans des situations différentes avec l'accord de l'Etat. (...) une telle discrimination officialisée serait en l'état inconstitutionnelle", car contraire à l'article 4 relatif à l'égalité de traitement. "Le standard d'émission est ainsi l'instrument de respect de l'article 4 de la Constitution fédérale en garantissant que, dans chaque cas semblable et pour chaque installation polluante, l'administration utilisera les mêmes critères et appliquera les mêmes exigences" (ibid., p.10). Remarquons que cela ne se vérifie pas toujours en pratique : la compétence d'application de l'OPair relève des cantons et Delley (1994) a montré qu'une grande disparité existait dans ce domaine. Par ailleurs, l'introduction d'un marché de certificats pourrait aussi être contraire à l'article 31 concernant la liberté de commerce. Toute mesure de protection de l'environnement se doit d'être neutre en ce qui concerne l'égalité d'accès au marché, et l'on peut craindre que, dans certains cas, les permis servent de barrière non tarifaire à l'entrée (ibid., p.2). Pour terminer, Manfrini souligne que "permettre à un citoyen de payer un autre citoyen pour qu'il remplisse à sa place une obligation de droit public est une notion qui est relativement étrangère à notre système constitutionnel" (ibid., P-10). Jacobs estime pour sa part que le marché proposé pour le Chablais ne contrevient à aucun des articles de la Constitution. L'article 4 relatif à l'égalité de traitement ne saurait être invoqué dans le cas des riverains des installations polluantes. En Suisse, la qualité de l'air varie déjà d'une région à l'autre, et cela malgré ce que stipule l'article 4. La Constitution ne s'oppose d'ailleurs pas à la délocalisation des entreprises à l'intérieur du pays -ce qui a également pour conséquence un déplacement des émissions- et il n'y a aucune raison que cela soit le cas lorsqu'on introduit des permis (Jacobs 1995a). Par ailleurs, l'égalité de traitement est respectée aussi bien entre les divers participants qu'entre les catégories de sources : par rapport aux transports et aux ménages, le marché des certificats n'imposerait pas à l'industrie une charge plus importante qu'actuellement (Jacobs 1995b, p.668). L'article 31 (liberté de commerce) est également respecté puisque les nouvelles entreprises pourraient acquérir des permis aux mêmes conditions que les entreprises existantes 3 (ibid.). Toutefois, quelques questions juridiques restent encore en suspens. Ainsi en est-il par exemple du droit de recours. Une mise à l'enquête publique des projets d'échanges de permis devrait-elle être instaurée? Un groupe de citoyens pourrait-il s'opposer à une transaction, et cela même dans le cas où l'autorité de contrôle aurait donné son accord préalable ? Ces questions devraient encore être résolues formellement avant que des certificats ne puissent être introduits réellement dans le Chablais. 3 Voirpt. 14.3. 223 16. Problèmes pratiques et acceptabilité 16.3. Mesure en continu des émissions Plusieurs auteurs estiment nécessaire la mesure des émissions en continu, et la modification du Clean Air Act de 1990 a rendu cette procédure obligatoire (voir pt. 4.3. lettre k) ). En Suisse, une enquête réalisée il y a quelques années a montré que près de 30% des principales sources industrielles d'émissions de NOx sont équipées d'une station de mesure en continu. Par ailleurs, plus de 15% des responsables des sources non contrôlées en continu songeaient à se doter d'une telle installation. Le coût d'achat de l'équipement peut être important : selon le matériel considéré et l'importance de la source à mesurer, il peut varier entre 2O1OOO et 1'500'00O francs. 4 Dans le Chablais, seul un quart des entreprises censées prendre part au marché disposaient d'une installation de mesure en continu en 1995. Il s'agit des sources d'émissions les plus importantes, s Equiper les entreprises restantes impliquerait un coût qu'il s'agirait de comparer au gain attendu. L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP) a pris position sur cette question {Albrecht 1995, Mohr 1995). La mise en oeuvre de certificats en Suisse serait rendue "difficile" par le problème de la mesure et du contrôle des émissions. On s'étonne toutefois que cette question ne soit évoquée que dans le cas des certificats et non en ce qui concerne l'OPair ou les taxes d'incitation. S'il y a des difficultés de mesure, on voit mal pourquoi cela empêcherait la mise en oeuvre de certificats alors que l'application de l'OPair n'en est - semble-t-il - pas affectée. Si l'on entend comparer les performances des instruments, cela n'a pas de sens d'imposer à l'un une contrainte particulière qui ne s'appliquerait pas aux autres. Si des contrôles ponctuels suffisent à assurer une mise en oeuvre correcte de l'OPair, pourquoi en irait-il différemment avec des certificats ? L'expérience bâloise se passe d'ailleurs de mesure en continu, et l'on ne voit pas pour quelle raison celle-ci serait impérative dans le cas du Chablais. 16.4. Acceptabilité Rappelons que l'acceptabilité est le degré avec lequel la mise en oeuvre d'un instrument de politique publique est souhaitée et soutenue par les divers agents concernés. Dans le cas des permis, il s'agit de l'autorité politique, l'administration, les entreprises, les organisations écologistes et la population en général (voir pt. 4.4). On ne dispose actuellement que de peu d'informations sur la manière dont les instruments économiques, taxes et certificats, sont perçus et acceptés en Suisse, car aucune enquête approfondie 4 Source: enquête IRER réalisée en 1992 dans le cadre d'une étude menée pour rOffice fédéral des questions conjoncturelles, données jusqu'à présent non publiées. 5 Source : questionnaire aux entreprises, mars 1995. 224 Politique environnementale et efficacité économique n'a encore été effectuée sur ce sujet. 6 De manière générale, on note toutefois une certaine résistance à leur introduction. L'acceptabilité dépend notamment - peut-être principalement - de l'efficacité écologique du marché proposé. Or l'idée que l'économie de coûts ne peut être réalisée qu'au détriment de l'environnement est assez répandue. Certains estiment même que les certificats sont une invention d'économistes ne se souciant que d'éviter des dépenses qu'ils jugent inutiles. Le fait que cet instrument soit prôné si activement par les économistes le rendrait justement suspect (Dorfman 1996). Pourtant, un système de permis doit aboutir à la même réduction des émissions que la réglementation, et l'objectif à atteindre est fixé a priori par le pouvoir politique. Cet objectif n'est d'ailleurs nullement remis en question par l'introduction des certificats. Finalement, seule change la répartition géographique des réductions d'émissions, et donc la distribution des émissions restantes. L'évaluation présentée au chapitre 15 est basée sur l'hypothèse d'homogénéité de la qualité de l'air dans l'ensemble du Chablais. Si tel est le cas, toute réduction d'émissions contribue à réduire le niveau des immissions, indépendamment de l'endroit où elle est réalisée. Toutefois, certains pourraient estimer que cette hypothèse n'est pas correcte et que la mise en oeuvre du marché pourrait aboutir à des dégradations localisées de la qualité de l'air. Dans ce cas, l'autorité de contrôle pourrait modifier le ratio d'échange et rétablir ainsi la marge de sécurité implicitement contenue dans POPair. Avec un ratio d'échange réduit, le volume des réductions d'émissions â effectuer est supérieur à ce qu'impose l'OPair. L'argument d'une moindre efficacité écologique des permis est ainsi éliminé. 7 a) Acceptabilité politique et acceptabilité par l'administration En Suisse, les autorités reconnaissent bien que la politique environnementale devrait plus recourir aux forces du marché si l'on veut atteindre les objectifs à long terme (OFEFP 1994, pp.317-326). Toutefois, elles tardent à créer les conditions favorables pour tirer la pleine mesure des instruments économiques. Le cas de Bale, où le marché des permis est restreint par l'interdiction d'outrepasser les normes fédérales, est un exemple révélateur. Dans la classification des instruments de politique environnementale établie de l'OFEFP, les certificats apparaissent d'ailleurs en dernière position, sous la rubrique "Autres instruments", après les taxes d'incitation, les taxes de financement et les "soft laws" (Albrecht 1995). Nef (1991, p.71) note à propos de l'introduction de certificats en Suisse que "politisch haben solche, für den Bürger schwer verständliche Lösungen kurzfristig eher geringe Chancen". Un premier travail allant dans ce sens a été publié par Wallart et Burgenmeier, 1994. L'introduction de certificats peut aussi être vue sous un autre angle: non pas celui d'une minimisation des coûts, mais celui d'une maximisation de l'efficacité écologique. Si un marché de certificats pennet effectivement de satisfaire au même objectif que la réglementation avec moins de ressources, il pourrait aussi permettre d'atteindre un objectif supérieur avec les moyens aujourd'hui engagés pour protéger l'environnement (meilleure allocation). 225 16. Problèmes pratiques et acceptabilité Rappelons que l'actuelle révision de la LPE vise à la mise en oeuvre de taxes d'incitation dans plusieurs domaines, mais il n'est nulle part fait mention des certificats. Mohr (1995) souligne à ce propos que la Suisse cherche à rester en concordance avec l'Union européenne qui privilégie les taxes incitatives et ne prévoit pas le recours aux certificats. Par ailleurs, l'initiative parlementaire proposée par MM. Plattner et Rhinow n'a pas abouti et a dû être transformée en postulat, ce qui semble indiquer que le Parlement n'est guère favorable à l'introduction de certificats. b) Acceptabilité par les entreprises En principe, les entreprises participant à un marché de certificats y trouvent toutes un avantage sur le plan des coûts (instrument de type win-win). L'Union suisse du commerce et de l'industrie (VORORT) se déclare d'ailleurs favorable aux permis car ils "représentent l'instrument idéal pour compléter d'éventuelles valeurs limites préexistantes" (VORORT 1993, p.57). s Toutefois, dans le cas du Chablais, le faible nombre de participants (quinze) peut faire naître des craintes de manipulations du marché: l'accaparement des permis et l'assèchement du marché ne peuvent pas être exclus. Ces deux préoccupations ont d'ailleurs été évoquées à plusieurs reprises lors d'entretiens avec les responsables des entreprises chablaisannes. Pour que ces frictions n'empêchent pas la mise sur pieds du marché et que les entreprises acceptent pleinement le projet, il importe de les convaincre que l'autorité de contrôle prendra toutes les mesures en vue de garantir la liquidité du marché et l'accès aux permis. c) Acceptabilité par les organisations écologistes Les organisations écologistes suisses ne se sont pas véritablement prononcées sur le recours aux instruments économiques dans la politique environnementale. On ne sait donc pas si elles combattraient un projet comme celui présenté au chapitre 14. Selon un de leurs représentants, les organisations écologistes ne s'opposeraient pas, a priori, à l'introduction d'instruments économiques, pour autant que cela n'entraîne pas d'effets secondaires néfastes pour l'environnement (Longet 1995). La question de l'efficacité écologique du marché envisagé dans le Chablais a été discutée plus haut. Il est probable que les organisations écologistes plaident pour une réduction du ratio d'échange, ce qui, par rapport à ce qu'exige l'OPair, accroît l'importance des réductions d'émissions à effectuer. d) Acceptabilité par la population Il importe que la proposition "Chablais" soit bien expliquée au public, sans quoi des oppositions et des recours sont à craindre. Il s'agit de montrer clairement que l'on ne "commercialise" pas l'environnement et que personne ne peut se Remarquons aussi que le VORORT dit préférer les permis négociables aux taxes d'incitation (JbW-). 226 Politique environnementale et efficacité économique soustraire à une obligation légale par un simple paiement. Peut-être serait-il nécessaire de laisser le public accéder au fichier des offres et des demandes de permis. Remarquons que la loi cantonale bâloise instaurant le système des Emissionsverbund et Emissionsgutschrift a passé en procédure de consultation sans susciter d'oppositions particulières de la part du public, d'organisations écologistes ou d'entreprises. La mise en oeuvre des premières bulles n'a par ailleurs provoqué aucun problème non plus (Nyfeler 1996). Pour autant que l'autorité de contrôle effectue correctement sa tâche d'information, il n'y a pas de raison qu'il en aille différemment dans le Chablais. 227 Politique environnementale et efficacité économique 17. Conclusion En matière de protection de l'environnement, plusieurs instruments sont disponibles pour parvenir aux buts fixés, mais la politique mise en place en Suisse fait appel en priorité aux outils réglementaires. La législation actuelle contient de nombreuses normes qui s'appliquent généralement de manière identique à toutes les sources de pollution. Or, en raison de cette uniformité, la réglementation directe est moins efficace, sur le plan des coûts, que les instruments de marché. En d'autres termes, ces derniers permettent d'atteindre l'objectif environnemental fixé par l'autorité politique à un coût total inférieur. Par ailleurs, la mise en oeuvre de la réglementation n'est pas toujours exempte de problèmes et, dans plusieurs domaines, les résultats obtenus ne sont pas encore satisfaisants. Dès lors, si l'on entend réduire encore la charge polluante pesant sur l'environnement, il est nécessaire que de nouveaux moyens d'action viennent compléter ou remplacer la législation actuelle dans les domaines où celle-ci manque d'efficacité. Dans ce contexte, le présent travail avait pour objet, en premier lieu, d'analyser l'un des instruments recourant aux mécanismes du marché : les certificats négociables. La littérature scientifique qui leur est consacrée est abondante, si bien que les propriétés théoriques, les conditions d'application et les modes de fonctionnement de cet instrument sont à présent bien connus. Rappelons brièvement que dans un système de certificats, on assigne un objectif global à un ensemble de sources de pollution plutôt que d'imposer à chacune d'elles le respect d'une norme identique. On admet dès lors que l'on prenne des mesures différenciées sur chaque source, en fonction des coûts rencontrés. De cette façon, la réduction d'émissions souhaitée est atteinte au coût total le plus faible, car les actions de dépollution sont réalisées en priorité là où elles sont les moins onéreuses. Les certificats présentent aussi d'autres propriétés intéressantes. Ils permettent en particulier d'introduire une certaine souplesse dans la politique environnementale, car ils offrent aux pollueurs la possibilité d'adapter leur effort d'assainissement dans son importance ou dans le temps. Le recours aux certificats permet également de supprimer l'un des principaux inconvénients de la réglementation directe : l'absence d'incitation à faire plus ou mieux que ce qui est exigé. En effet, lorsqu'ils respectent les valeurs limites, les pollueurs né prennent en principe pas de mesures de dépollution supplémentaires, même s'ils peuvent le faire à faible coût, car cela représenterait pour eux une dépense non nécessaire. Au contraire, avec les certificats, les responsables sont en tout temps incités à trouver les moyens les plus efficaces de réduire 229 17. Conclusion leurs émissions polluantes, puisque toute nouvelle réduction de celles-ci peut se traduire par une "récompense" financière. Ce mécanisme a probablement un effet accélérateur sur le progrès technique. Finalement, les certificats présentent encore l'intérêt non négligeable de ne pas exiger, de la part de l'Etat, la collecte de nombreuses informations préalables. La recherche des renseignements nécessaires est laissée aux entrepreneurs qui, en principe, sont mieux à même qu'un service administratif de déterminer la technologie à utiliser dans chaque cas particulier. Toutefois, la mise en oeuvre de certificats est encore peu répandue et l'expérience accumulée est relativement limitée. Si l'instrument présente en théorie d'évidentes propriétés d'efficacité, plusieurs problèmes peuvent surgir lors de la mise en pratique. Une des conditions d'application les plus importantes concerne la compensation des effets environnementaux. Il importe évidemment que l'effort accru réalisé sur une source compense effectivement les moindres mesures prises sur une autre, de sorte que l'efficacité écologique globale des certificats soit au moins aussi bonne que celle de la réglementation que l'on entend remplacer. Si cela n'est pas vérifié, l'introduction de cet instrument pourrait déboucher sur des pollutions locales que la réglementation directe permet en principe d'éviter. La deuxième partie de cet ouvrage avait pour objet d'identifier les domaines d'application potentiels des certificats en Suisse. Rappelons que les objectifs environnementaux ne sont pas remis en question et que les buts à atteindre dans chaque cas restent fixés au préalable par l'autorité politique. Le recours aux permis n'est donc envisageable que dans les domaines où la législation actuelle manque d'efficacité, et cela uniquement lorsque le risque de voir apparaître des effets localisés n'est pas trop important. Même s'ils ont été conçus initialement pour réduire la pollution de l'eau, c'est dans le cas de la protection de l'air que les certificats paraissent le mieux à même de déployer tous leurs effets. La majorité des marchés ont d'ailleurs été mis en oeuvre dans ce domaine. Il apparaît cependant que l'instrument se prêterait aussi au contrôle d'autres types de pollution, pour peu qu'il soit légèrement modifié et adapté. Plusieurs critères doivent être considérés pour identifier les domaines d'application possibles : citons notamment le nombre suffisant de participants potentiels, la dispersion des coûts marginaux et, bien entendu, la compensation des effets de là pollution considérée. En fait, les possibilités d'application de l'instrument sont nettement plus vastes qu'on ne le pense généralement : en Suisse, la législation environnementale pourrait être complétée par l'introduction de certificats dans une quinzaine de domaines au moins. Les possibilités d'application recensées vont de la protection de l'air à l'aménagement du territoire ou à la gestion des déchets, en passant par la politique agricole et celle des transports. Le recours aux permis dans certains de ces domaines fait d'ailleurs l'objet d'un vif intérêt aux Etats-Unis, en particulier en Californie, état pionnier en la matière. 230 Politique environnementale et efficacité économique L'importance du gain que l'on peut espérer réaliser avec des certificats varie d'un cas à l'autre. L'économie potentielle maximale est celle qui pourrait être obtenue si l'on parvenait à exploiter tous les écarts de coûts marginaux en l'absence de frais de transaction. En réalité, ces derniers ne sont pas nuls : ils représentent un obstacle aux échanges et réduisent d'autant le bénéfice possible. Certains se demandent d'ailleurs si l'introduction d'un marché de certificats n'impliquerait pas la création d'un vaste appareil administratif chargé de mettre en rapport les acheteurs et les vendeurs et de contrôler la régularité des transactions. Cette préoccupation est compréhensible, mais elle n'est guère fondée, dans la mesure où toute l'information nécessaire peut être centralisée et rendue ainsi accessible à un coût très faible pour les participants. La mise en oeuvre de certificats ne dispense évidemment pas de faire des contrôles, mais il n'y a pas de raison de penser que ceux-ci seraient plus coûteux qu'actuellement. En tout état de cause, le gain réalisable doit être estimé pour chaque cas particulier. La troisième partie de cet ouvrage présente une telle évaluation pour la réduction des émissions industrielles d'oxydes d'azote dans le Chablais, région où la concentration de ce polluant dans l'air doit encore être abaissée. Les caractéristiques du système de certificats que l'on entend opposer à la réglementation sont définies aussi précisément que possible. Les coûts de fonctionnement des deux instruments sont évalués et comparés pour des niveaux identiques de réduction des émissions. L'analyse montre clairement que les certificats seraient, sur le plan des coûts, nettement préférables à l'Ordonnance fédérale sur la protection de l'air aujourd'hui en vigueur. Cela est vrai dans tous les cas de figure, quels que soient la période considérée, le ratio d'échange et l'hypothèse retenue quant aux possibilités techniques de réduire les émissions ("divisibilité" des assainissements). Selon les cas, le rapport "coût de l'OPair / coût du marché de certificats" s'inscrit en effet dans une fourchette allant de 1,8 à 3,3 dans la situation la plus favorable. En d'autres termes, comparé à l'OPair, un marché de certificats permettrait de parvenir à la même réduction globale des émissions industrielles d'oxydes d'azote à un coût entre deux et trois fois plus faible. Entre 1986 et 1995, l'économie possible aurait ainsi atteint entre 50O1OOO et 750'000 francs par année pour l'ensemble des quinze entreprises concernées. L'évaluation faite pour la période allant de 1996 à l'an 2000 montre par ailleurs que le potentiel d'économies futures est encore plus important : il pourrait s'élever à plus de deux millions de francs par année. Cela s'explique par le coût spécialement élevé de la plupart des réductions d'émissions que l'OPair imposera dans les années à venir. Partant, même si de nombreux assainissements ont déjà été réalisés par les entreprises de la région, le recours aux certificats représente toujours une option particulièrement intéressante. L'introduction de permis pour lutter contre la pollution de l'air dans le Chablais n'est toutefois pas exempte de problèmes pratiques. Tout d'abord, le marché proposé ne pourrait être mis en oeuvre sans quelques adaptations de la Loi 231 17. Conclusion sur la protection de l'environnement et de l'Ordonnance fédérale sur la protection de l'air. Les modifications nécessaires sont relativement mineures, mais l'amendement des textes légaux est une opération souvent longue et controversée. Notons aussi que l'on a peu d'indications sur l'acceptabilité du système proposé, en particulier de la part des groupes écologistes. Si l'on entend recourir à cet instrument, un effort important devrait certainement être consacré à l'information. Il importe en particulier de pouvoir démontrer que l'économie de coûts n'est pas réalisée au détriment de l'environnement. Soulignons à ce propos que, dans le cas du marché conçu pour le Chablais, l'autorité de contrôle serait appelée à se prononcer sur toutes les transactions proposées. Elle aurait la possibilité, si nécessaire, de les interdire ou de modifier les ratios d'échange. On n'a guère d'indications non plus sur la manière dont les entreprises considèrent les certificats. En principe, elles devraient comprendre rapidement que l'introduction de cet instrument leur serait favorable et que chacune d'entre elles y trouverait un avantage. Toutefois, il n'est pas exclu que des craintes quant au fonctionnement du marché leur fassent renoncer à y participer activement et les poussent à thésauriser leurs certificats. Là encore, une information détaillée et des assurances quant à la continuité et à la stabilité du système seraient nécessaires. Il est aussi indispensable de mettre le "marché politique" hors circuit. Comment imaginer en effet que les entreprises accepteraient de payer des montants élevés pour acheter des certificats si elles pouvaient obtenir des allégements ou des délais aussi simplement qu'aujourd'hui ? Enfin, rappelons que l'évaluation effectuée se base sur un fonctionnement optimal du marché où, par hypothèse, les conditions de concurrence parfaite sont réalisées. Dans les faits, aucune d'elles ne le serait vraiment. En particulier, le nombre de participants est trop faible pour qu'aucun d'eux n'ait d'influence sur le marché et les comportements stratégiques ne peuvent donc pas être exclus. D'autres frictions pourraient aussi apparaître, liées par exemple au fait que l'information ne serait pas parfaite et les ajustements pas instantanés. Certes, les problèmes de mise en oeuvre ne doivent pas être sous-estimés, et il est possible que le gain effectivement réalisable avec des certificats soit moins important que celui calculé théoriquement. Toutefois, l'introduction de certificats se justifierait même si seule une partie de l'économie de coûts pouvait être réalisée. A l'heure où l'approche réglementaire traditionnelle atteint ses limites, le recours à de nouveaux moyens de lutte contre la pollution apparaît de plus en plus comme une nécessité. Grâce aux instruments économiques, et aux certificats en particulier, la politique environnementale a aujourd'hui la possibilité d'évoluer vers plus de souplesse et plus d'efficacité. En présentant une analyse détaillée des certificats et de leur application, le présent travail se voudrait une contribution à ce développement. **4****fr*4**#**********<***4*«« 232 Annexes Politique environnementale et efficacité économique Annexe 1 Enquête auprès des services cantonaux de protection de l'environnement Il n'existe pas actuellement de cadastre des émissions d'oxydes d'azote au niveau fédéral. Il n'est donc pas possible de connaître précisément la structure des émissions (distribution des sources par rapport aux rejets annuels) ni la localisation des entreprises émettrices de NOx, et encore moins leur éventuelle concentration. Or ces informations étaient nécessaires à la sélection d'une région pour l'étude de cas. A cet effet, TIRER a adressé, dans le courant du mois de mars 1994, un questionnaire à tous les Services cantonaux de protection de l'environnement (voir pages suivantes). Les résultats obtenus sont présentés au tableau 11.1 (chapitre 11). Le principal enseignement à tirer de l'enquête est qu'en Suisse, les entreprises n'émettent des NOx qu'en quantités relativement faibles (plus de 98% d'entre elles émettent 20 tonnes au plus par année). Deux cantons n'ont pas été en mesure de répondre au questionnaire (UR et VD, ce dernier évoquant une procédure particulière pour l'établissement de son cadastre). Remarquons aussi que plusieurs cantons ne disposaient pas d'informations pour les sources inférieures a 20 tonnes par années. De ce fait, les chiffres mentionnés dans| le tableau 11.1 sont à considérer comme des minima. A-3 Annexes Questionnaire relatif aux émissions de NO, Attention, veuillez s.v.p. ne considérer que les sources fixes (procédés de fabrication et chauffages des industries, usines d'incinérations, installations de chauffage à distance,...) à l'exception des chauffages des ménages. 1. Données relatives à la personne qui remplit le questionnaire Nom et prénom Adresse No. de téléphone Cadastre d'émissions Votre canton dispose-t-il actuellement d'un cadastre des émissions de NOx ? a oui ? non Q en cours d'élaboration; disponible dès............................................(date) Sources d'émissions de NOx (sources fixes, sans chauffages des ménages) Au riez-vous l'amabilité d'indiquer dans le tableau ci-dessous le nombre de sources d'émissions de NOx, par classe indiquée : Sources émettant chaque année : Nombres 200 tonnes de N0„ ou plus entre 100 et 199 tonnes entre 50 et 99 tonnes entre 20 et 49 tonnes moins de 20 tonnes Veuillez tourner s.v.p. ! A-4 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE 4. Remarques éventuelles Merci de bien vouloir retourner ce questionnaire jusqu'au 26 mars 1994 à Université de Neuchâtel Institut de recherches économiques et régionales A l'attention de Marc-Alain STRITT Rue Pierre-à-Mazel 7 2000 Neuchâtel Avec tous nos remerciements pour votre aimable collaboration ! A-5 Annexes Annexe Z ÛuËsjiokmmE^k les réductions des émissions ; \t iD4td)§l^ì)ìèqtì^ox)|)ÀNs le Chablais - i ; U1 îlfftf* **1* * * * Une étude de l'Institut de recherches économiques et régionales (IRER) de l'Université de Neuchâtel, mandatée par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNRS) Les données contenues dans ce questionnaire ne serviront qu'à des fins scientifiques et seront traitées de manière confidentielle Pour toute question relative à cette enquête, veuillez contacter M. Marc-Alain STRITT IRER Pierre-à-Mazel 7 2000 Neuchâtel Tel :038/21.13.40. Fax :038/21.10.85. Pour votre envoi, utilisez l'enveloppe-réponse annexée. Délai de réponse souhaité :............................. y ;- Votre avis et vos expériences nous intéressent î ***§; ^J Aussi n'hésitez pas à compléter vos réponses par tous commentaires * \ ^ :¾ < ou remarques que vous jugerez utiles ,Merci! A-6 Politique environnementale et efficacité économique ^CPiiillJET EN BREF Réalisé dans le cadre du Programme prioritaire "Environnement" du Fonds national suisse de la recherche scientifique, ce projet porte sur l'évaluation d'une nouvelle politique de protection de l'air. Il s'agit de la mise en oeuvre de droits d'émission échangeables pour le contrôle des oxydes d'azote dans la région du Chablais. Le but est de réduire les coûts d'assainissement sans renoncer aux objectifs de qualité de l'air. Les coûts d'assainissement (par tonne réduite) varient d'une source à l'autre, parfois de manière considérable; il n'est dès lors pas efficace d'imposer des normes identiques à toutes les sources. Cela revient à payer un prix trop élevé pour atteindre l'objectif de réduction des émissions. L'idée consiste à donner la possibilité de procéder à des compensations, soit entre les différentes sources d'une même entreprise (principe de la bulle), soit entre plusieurs entreprises dans la même région (échanges de droits d'émission). Un émetteur serait alors autorisé à faire un effort moins important à condition qu'un autre réduise davantage ses émissions. L'étude menée dans le Chablais devrait permettre d'évaluer l'intérêt économique de l'utilisation du nouvel instrument et de déterminer si la région constituerait un cadre adéquat pour une expérience-pilote. Les Services de protection de l'environnement des cantons de Vaud et du Valais ont fait part de leur intérêt pour cette recherche. A-7 Annexes ARÎK^UTION DU QUESTIONNA!l^fc|MÌM| Le questionnaire ci-après a pour but de saisir les coûts de réduction des émissions auxquels sont confrontées les entreprises du Chablais. Rappelons que l'on ne s'intéresse qu'aux mesures visant à la réduction des émissions d'oxydes d'azote (NOx). Le questionnaire est composé des quatre parties suivantes : 1. Etat actuel des émissions d'oxvdes d'azote La première partie (une feuille jaune) est consacrée à l'état actuel de vos émissions d'oxydes d'azote (année de référence : 1994). Si vous ne disposez pas de données pour cette année, veuillez s.v.p. indiquer les valeurs les plus récentes dont vous disposez et préciser l'année à laquelle elles se rapportent. 2. Assainissements achevés La deuxième partie (feuilles bleues) est consacrée aux assainissements entrepris depuis 1986 dans le cadre de l'OPair et qui sont actuellement achevés. Un assainissement est considéré comme achevé lorsque le Service cantonal de protection de l'environnement a effectué une mesure de contrôle et constaté que les émissions sont désormais conformes aux normes. Si vous avez entrepris des actions de réduction des émissions sur plusieurs sources distinctes, veuillez s.v.p. considérer chaque action comme un assainissement distinct. 3. Assainissements en cours de réalisation La troisième partie (feuilles roses) est consacrée aux assainissements actuellement en.cours de réalisation. Un assainissement est considéré comme étant en cours de réalisation dès le moment où le Service cantonal de protection de l'environnement vous a demandé de présenter une proposition d'assainissement (avec mesures prévues et délais de réalisation) et jusqu'au moment où ce même Service a effectué une mesure de contrôle destinée à vérifier la conformité des émissions aux nonnes OPair. Là aussi, chaque action sur une source distincte est à considérer comme un assainissement particulier. 4. judications générales La quatrième partie enfin (une feuille jaune) recense les indications générales concernant l'entreprise et la personne qui remplit le formulaire. Nous vous'iremërqions de votre très précieuse coSabbnattorii * A-8 Politique environnementale et efficacité économique 1. QUESTIONS RELATIVES A L'ETAT ACTUEL DE VOS EMISSIONS DE NOx 1.1 Quelle a été la charge annuelle totale de vos émissions de NOx durant l'année 1994 ? Par charge annuelle, on entend le nombre de tonnes émises (somme de l'ensemble des sources d'émission). Si vous ne disposez pas de données pour l'année 1994, veuillez s.v.p. indiquer la valeur la plus récente dont vous disposez, en précisant quelle en est l'année de référence. Emission totale de année de référence : 19 1.2 Quel a été, durant l'année 1994, le volume annuel total de vos effluents atmosphériques ? Par volume annuel, on entend le nombre de m3 émis. Veuillez s.v.p. multiplier votre débit horaire en m3 normaux {0°C, 1013 mbar, 3% O2) par le nombre d'heures de fonctionnement annuel de vos installations, et sommer, si nécessaire, les valeurs obtenues pour les différentes sources. Si vous ne disposez pas de données pour l'année 1994, veuillez s.v.p. indiquer la valeur la plus récente dont vous disposez, en précisant quelle en est l'année de référence. Volume total de année de référence : 19 1.3 Disposez-vous actuellement d'une installation de mesure en continu de vos émissions atmosphériques? ? Oui a Non Si non : avez-vous prévu de vous doter d'une telle installation cette année ? ? Oui D Non A-9 2. QUESTIONS RELATIVES AUX RÉDUCTIONS DEJA REALISEES DES ÉMISSIONS DE NOx (assainissements achevés entrepris dans le cadre de l'OPair) Un assainissement est considéré comme achevé lorsque le Service cantonal de protection de l'environnement a effectué une mesure de contrôle et constaté que les émissions sont désonnais conformes aux normes de l'OPair. Si des réductions d'émissions ont eu lieu sur plusieurs sources d'émissions distinctes, nous considérons chaque action comme un assainissement particulier. Nous vous demandons en conséquence de traiter séparément chaque assainissement réalisé, et de remplir un groupe de feuilles bleues pour chacun d'eux, Veuillez commencer par l'assainissement qui a permis la réduction d'émissions la plus importante. Pour distinguer les divers assainissements entrepris, veuillez simplement les numéroter (1, 2, 3,...). Veuillez s.v.p. ne considérer que les assainissements achevés. Les assainissements actuellement en cours de réalisation font l'objet du groupe de questions 3 (feuilles roses). A-10 POLITIQUE ENVIRONNEMENTALE ET EFFICACITÉ ÉCONOMIQUE 2,1 Bref descriptif de l'action entreprise 2.2 En quelle année cet assainissement a-t-il été achevé ? Assainissement achevé en : Rappel : Nous considérons les actions entreprises sur une source d'émission distincte comme un assainissement particulier. Veuillez s.v.p. répondre aux questions 2.1 à 2.5 (groupe de feuilles bleues) pour chaque assainissement achevé. A-11 2.3 A quelle solution technique avez-vous recouru ? (combinaison possible) ? Combustible contenant peu ou pas de composés azotés Précisez s.v.p. :................................................................ Q Modification du procédé de combustion, telle qu'optimisation de la combustion, recours à un four électrique ou à un brûleur de type Low-Nox (dans ce dernier cas, précisez s.v.p. de quel type de Low-Nox il s'agit) Précisez s.v.p. :.................................................................................. a Injection dans les effluents d'un agent réducteur de NOx (par exemple NH3, CO, CH4,...) Précisez s.v.p. :............................................................... Q Lavage des vapeurs à l'aide d'une colonne absorbante Précisez s.v.p. :............................................................. a Autre Précisez s.v.p. : A-12 Politique environnementale et efficacité économique 2.4 Quelle réduction d'émissions cet assainissement a-t-il permis d'obtenir? Veuillez s. v.p. exprimer la réduction obtenue en tonnes par année (multiplication de la réduction exprimée en concentration par le volume horaire des effluents, puis parla durée de fonctionnement annuelle des installations). Exemple : -150 mg/Nm3 * 100'0OO Nm3Zh * 2'000 h/an = -30 tonnes/an Au cas où vous auriez eu recours à une combinaison de technologies, veuillez s.v.p. distinguer, dans la mesure du possible, la part de réduction obtenue par chacune d'elles. Technologies Réductions obtenues Changement de combustible Procédé de combustion - .................... tonnes/an Agent réducteur - .................... tonnes / an Colonne de lavage Autre - ..„¦................ tonnes / an TOTAL - .................... tonnes/an 2.5 A quel coût cet assainissement a-t-il été réalisé ? Veuillez s. v.p. remplir la grille des deux pages suivantes de manière aussi complète que possible A-13 O O 1 3 3 n n .S c O n to c O (S E (O H 3* 8¾ 3 Ä (Q ¦o (11 ¦3 5 3 O -Q Z E O. E 8 (U O O > n O O O UJ Q (0 UJ Q. 1 ,11 1 'H c P 8| 9-O S ss ! o . '5 « ¦O 3 43 E Ç <0 0) w E _ re O O O LU Q CO LU a. II %Ë S 7 LU SEM chat CO re I- ¦a CO LU a > Z O O "O 3 £ E ES O) O 01 W to js E g m .S JS =- 11 S < O Z LU E UJ CO (O I- CO UJ > Z ë a. .§ m S ts, 3 en A-20 (O O C Ë (Q H Z < t- Z O O .£ o S 11 ïS"o S ¦# a a* BIf (U a ja ^j ISl itres matières u, air comprimé, hange,... M ö ree «ä S 0> A (D C (O Ö «3 a O © H = 3« £ ^D 3 Z Ç e S S S. C NEME ble ar lectricité, coi s, solutions -variai itretien, act an Z O .2 n E d) 4> 0> id in :ONCTI > il. é ière (O 4-1 en (Q «3 CO F <3 O O O O trav prêt O O nett O Ü s 2 Hl,! IS II Sis. 0E = 2 o S ¦ 8ÏS CLT3 B E e « 8ï« (D "O »-5 3 «n £1* I! Hi i« Ii «I! 5 O) 3 .E e D Hf li! Q- S I ill »i U »si ¦c -s c M m il Hl A-21 Annexes 4. INDICATIONS GÉNÉRALES CONCERNANT L'ENTREPRISE Raison sociale Adresse (rue, NPA et localité) Téléphone Personne de contact Nous vous remercions de votre précieuse collaboration tfef résultats accètti fnquêts s%rM étél^j»i^F^SâMafih^â^«iHn^199S) A-22 Politique environnementale et efficacité économique Annexe 3 Introduction d'une norme minimale : réduction du gain potentiel Une des possibilités de prévenir l'apparition de hot spots est d'introduire une valeur limite d'émission à respecter par toutes les sources. Cette nouvelle norme ne correspond pas à une norme d'émissions traditionnelle : il ne s'agit que d'un minimum à effectuer sur toutes les sources afin de réduire l'écart entre les sources contrôlées et celles qui ne le sont pas, dans le dessein d'empêcher une pollution locale (voir pt. 4.3. lettre d) ). Toutefois, en limitant les possibilités d'échanges de certificats, cette manière de faire a pour conséquence de réduire le gain potentiellement réalisable avec un système de permis, comme le montre le graphique ci-dessous. . L Francs C Y A Cm S Nmfn cA* = cB- x< cB" ----------------------- yl.j._.^| UB A' N^1n N* B" B' Réduction des émissions A-23 ANNEXES Soit Nmlri la norme minimale (réduction minimale des émissions) à respecter par toutes les sources CB-. Cette situation ne correspond donc pas à un optimum. L'introduction d'une norme minimale (Nmin) ne pennet donc pas de tirer tout le profit offert par le système des certificats, mais il reste cependant un gain par rapport à la réglementation directe (l'obligation faite aux deux sources de respecter la norme N") : l'économie réalisée par A est encore supérieure au surcoût supporté par B (a'-ù'>0). La différence entre le gain potentiel maximal (a-fi dans la figure 2.2) et le gain réalisé dans ce cas (a'-fi*) représente le prix à payer pour résoudre le problème de pollution locale. A-24 Politique environnementale et efficacité économique Annexe 4 Vue d'ensemble des domaines considérés pour l'introduction de certificats (Grilles d'analyse) Les possibilités d'introduire des certificats dans les divers domaines de protection de l'environnement ont été examinées aux chapitres 7 et 8. Les pages ci-après présentent les grilles d'analyse de chaque polluant ou domaine étudiés. La manière dont la grille a été établie est présentée au chapitre 4. A-25 Annexes Tableau A-1 Grille d'analyse pour le SOa (air) Critères Réponses-types Remarques Identification des pollueurs Kl Pollueurs identifiables individuellement Q Pollueurs difficilement identifiables individuellement Mesure des Émissions ou des atteintes IB Emissions ou atteintes aisément mesurables Q Emissions ou atteintes difficilement mesurables Objectif quantitatif IB Oui Q Non ? Pas d'objectif défini actuellement Voir OPair 92. Réalisation de l'objectif Q Objectif éloigné IB Objectif atteint ou en passe d'Être atteint ? Pas d'ob|ectif défini actuellement VLI respectée pratiquement partout en Suisse. Compensation des effets (efficacité écologique) Kl Sonne compensation des effets Q Compensation limitée, problèmes possibles G Mauvaise compensation des effets Q Connaissances actuellement insuffisantes Effets à l'échelle régionale / nationale (pluie acide). Coûts marginaux Q Dispersion importante Q Dispersion peu importante (B Connaissances actuellement insuffisantes Dispersion probablement importante, eu égard a la diversité des chaudières et des utilisateurs. Coûts administratifs Q Coûts administratifs peu importants Q Coûts administratifs importants