UNIVERSITE DE NEUCHATEL Faculté des lettres LA PECHE ET LES PECHEURS DU LAC DE NEUCHATEL ETUDE HISTORIQUE ET ETHNOGRAPHIQUE Thèse présentée à la Faculté des lettres de l'Université de Neuchâtel pour obtenir le grade de docteur es lettres par André JEANNERET 1967 Imprimerie Offser Color SA, • Genève La Faculté des lettres de l'Université de Neuchâtel, sur le rapport de MM. les Professeurs Jean Gabus et Louis- Edouard Roulet de l'Université de Neuchâtel, autorisent l'impression de la thèse présentée par M. André Jeanneret, en laissant à l'auteur la responsabilité des opinions énoncées. Neuchâtel, le 3 mars 1967. Le doyen : Jean-Biaise Grize I REMERCIEMENTS Ce travail n'aurait pas été possible sans l'aide, les conseils et les encouragements de nombreuses personnes aux- quelles je voudrais, ici, exprimer mes sentiments de profonde gratitude. Ma reconnaissance va, en premier lieu, au Profes- seur J. Gabus dont l'enseignement a déterminé ma carrière et qui a dirigé cette thèse, ainsi qu'au Professeur L. -E. Roulet qui a aimablement accepté d'assumer la tâche de second rap- porteur. En deuxième lieu, je tiens à remercier vivement M. P. Bouffard, Conseiller administratif délégué aux Beaux-Arts et à la Culture de la Ville de Genève et Madame M. Lobsiger- Dellenbach, Directrice du Musée d'Ethnographie de Genève, sans la compréhension desquels cette étude n'aurait pas vu le jour. Je me plais également à mentionner le nom de M. Ph. de Chastonay qui a exécuté les dessins illustrant cet ouvrage. Les autorités responsables des services de la pêche des cantons de Neuchâtel, Vaud et Fribourg m'ont apporté une aide précieuse. Par ses conseils et les nombreux renseigne- ments et documents qu'il a bien voulu me donner, M. A. -A. Quartier, inspecteur cantonal de la chasse et de la pêche à Neuchâtel a grandement facilité ma tâche. M. G. Matthey, inspecteur de la pêche à Lausanne et M. Geinoz, inspecteur de la pêche à Fribourg ont aussi témoigné un vif intérêt pour mon travail. La pêche sur notre lac n'ayant jamais fait l'objet de recherches particulières, les travaux d'archives se sont avérés difficiles. Qu'il me soit permis de souligner l'amabilité de MM. A. Schnegg et J. Courvoisier aux Archives de l'Etat de Neuchâ- tel, de M. J. -P. Chapuisat aux Archives cantonales vaudoises et de M. P. Rück aux Archives de l'Etat de Fribourg. La partie ethnographique de cet ouvrage est le résul- tat d'une enquête sur le terrain menée pendant plusieurs années. Ma gratitude va à tous les pêcheurs qui, ayant compris l'intérêt d'une telle étude au moment où l'avenir de cette profession pa- raît sérieusement compromis, n'ont pas hésité à me consacrer de nombreuses heures afin de mieux me faire connaître les se- crets de leur métier. Tout d'abord, je souhaiterais mentionner les noms des informateurs auxquels je suis redevable de l'es- sentiel du contenu de ce travail; ce sont MM. G. et R. Arm, B. Baudois, M. Cantin, M. Delley, A. Henry et E. Sandoz. II. Ensuite, je remercie tous les pêcheurs qui ont accepté de répondre à mes questions. Il s'agit de MM. A. Bernasconi, Ch. et J. Chouet, L. Delley, R. Desaules, J. Goncerut, M. Landry, A. Pahud, J. -M. Rechsteiner, M. Robert, J. -L. Sandoz et H. Schmid. Pour la réalisation de cet ouvrage, j'ai bénéficié de l'aide de mes frères; M. Ch. Jeanneret s'est chargé de nombreux travaux pratiques et M. R. Jeanneret a relu et corrigé mon manuscrit. Qu'ils soient remerciés de leur collaboration. Enfin, je tiens à exprimer ma vive gratitude à Madame Ch. Martin qui, par son inlassable dévouement, m'a permis de mener à chef cette étude et qui, de plus, a exécuté la version dactylographiée du manuscrit. * * * I PARTIE HISTORIQUE ET GENERALE 1. LA PÊCHE ET LES PÊCHEURS DU LAC DE NEUCHÂTEL I. Partie historique et générale Introduction L'histoire de la pêche est si longue que le choix d'un point de départ s'avère difficile. L'homme a capturé des poissons dès les temps les plus reculés; avec la cueillette et la chasse, la pêche est l'une des plus anciennes techniques d'acquisition qu'ait connues l'hu- manité. Retracer cette évolution en partant de la civilisation des pa - lafittes nous aurait entraîné dans une discipline qui n'est pas la nôtre, indépendamment du fait que le néolithique ne peut être considéré com- me l'époque de l'invention de la pêche; avant d'avoir des outils, l'hom- me capturait les poissons à la main. Que nous renoncions à évoquer une histoire aussi longue - celle- ci a déjà été écrite d'ailleurs (Thomazi, Histoire de la Pêche. Payot Paris 1947) - il était évident que tout autre point de départ présenterait toujours un certain caractère d'arbitraire. A. la suite de quelques son- dages, la fin du XVe siècle apparaissait comme un choix possible. C'est en 1482 en effet, que la Compagnie des Pêcheurs et Cossons de la Ville de Neuchâtel fut fondée. Depuis cette époque, de nombreux documents concernent la pêche, mais il s'agit surtout d'affaires judiciaires : rè- glements de litiges et condamnations diverses. Ces textes ne parlent ni des techniques ni du matériel des pêcheurs. Quant aux archives an- ciennes de la Compagnie, nul ne sait où elles sont déposées; le Comité actuel ne possède que des documents récents. La date de fondation d'une autre confrérie, celle des pêcheurs d'Estavayer créée en 1658, aurait pu nous fournir le point de départ recherché. Dans ce cas également, le mystère reste complet mais les portes auxquelles nous avons frappé ne se sont pas toutes ouvertes. Nous avions cependant formé le projet de décrire la pêche sur le lac de Neuchâtel en général et non pas telle qu'elle a pu être pratiquée par les pêcheurs d'une seule localité; c'est pourquoi limiter notre pro- pos à l'histoire d'une confrérie aurait constitué une restriction peut- être critiquable. En fait, à la condition d'être localisées, les archives d'une corporation devraient être étudiées en fonction de l'histoire du développement d'une communauté. Souhaitons que cette étude soit en- treprise un jour. Quoi qu'il en soit, en raison même de l'indigence des documents d'archives en matière de pêche - en fonction du moins de notre optique particulière - nous avons choisi d'évoquer succinctement l'histoire de ces confréries, mais de commencer notre étude à la veille de la Première Correction des Eaux du Jura (1869-1888). D'autres rai- sons motivent également ce choix : Mentionnons tout d'abord l'entrée en vigueur du premier 2. Concordat intercantonal en 1871. Dès ce moment, la pêche est sou- mise au régime des permis et nous pouvons reconstituer l'évolution de la profession. Auparavant, la pêche se pratiquait sans permis et les règlements régionaux alors en vigueur étaient la source de con- tinuels conflits entre les pêcheurs des Etats de Neuchâtel, Vaud et Fribourg. La Correction des eaux du Jura représente également une date importante dans l'histoire de notre lac. Pour la première fois en effet, les caractéristiques essentielles du lac de Neuchâtel sont modifiées; ses eaux ne s'écoulent plus librement, son régime est désormais partiellement artificiel. Ainsi, le lac actuel n'est plus tel que les pêcheurs d'avant 1870 le connaissaient et il est certain que ce changement a eu quelque influence sur la faune piscicole et sur la pêche. Parmi les autres facteurs qui nous ont incité à ne pas remon- ter davantage le cours de l'histoire, rappelons que les anciens docu- ments ne nous renseignent guère sur les engins et les techniques de pêche. La première description d'engins retrouvée date de 1811 ("Informations sur les poissons du lac de Neuchâtel prises par M. L. Perrot-Jacquet-Droz en 1811"). A cette époque, les pêcheurs ten- daient des filets filochés à la main mais nous ignorons tout du rende- ment de ces pêches. Vers 1875 par contre, les pêcheurs commencèrent à employer des filets de coton fabriqués à la machine; ce type d'engin fut en usage jusqu'à l'apparition des filets en fibre synthétique en 1954- 1955. En matière de rendement, nous ne sommes bien renseignés que depuis 1917; le Concordat de 1916 a imposé aux pêcheurs l'obligation de fournir des statistiques aux autorités responsables. Ces données ne nous permettent toutefois pas d'estimer le rendement de la pêche à la fin du XIXe siècle : seules les statistiques des années 1917 à 1921 peu- vent être utilisées dans ce but, ce qui est insuffisant. Dès 1921 en effet, le moteur hors-bord apparaît et le rendement atteint des pla- fonds qui ne seront dépassés qu'après l'introduction des filets synthé- tiques. Quant aux pêches de la fin du siècle passé, il est d'autant plus difficile d'en évaluer les résultats que la correction venait d'être entre- prise. En résumé, une étude précise ne peut débuter qu'en 1917 puis- que nous possédons les données statistiques nécessaires, mais il nous a cependant paru logique de commencer par l'entrée en vigueur du premier Concordat intercantonal. Ce point de départ nous permet d'a- border les problèmes les plus importants pour la pêche du lac dans son ensemble au moment où la législation est commune aux trois cantons riverains et où le filochage mécanique a unifié le matériel des pêcheurs. Dans l'histoire de la pêche dans le lac de Neuchâtel, ces deux faits ont incontestablement marqué un tournant décisif. Dès cette époque, l'évo- lution de la pêche s'accélère et d'autres innovations vont jalonner les quelque cent années que nous nous proposons d'évoquer : ce sont l'intro- duction des heures de pêche et des statistiques de rendement, l'appari- tion du moteur hors-bord et des filets synthétiques. 3. LE LAC DE NEUCHÂTEL Au début de ce travail, il convient de présenter brièvement le lac de Neuchâtel. Dans les lignes qui suivent, nous suivrons l'excellent ouvrage de M. A. Quartier : Le Lac de Neuchâtel (Editions de la Ba- connière. Neuchâtel 1948). Généralités Avec les lacs de Bienne et de Morat, le lac de Neuchâtel cons- titue le groupe des lacs subjurassiens. Ceux-ci se distinguent des au- tres lacs du Plateau suisse par leur orientation; les premiers s'éten- dent selon un axe SO - NE, alors que les seconds suivent généralement une direction N - S ou SE - NO. A l'exception du lac Léman, tous ces lacs sont rattachés au bassin hydrographique du Rhin. Les trois lacs subjurassiens sont reliés entre eux par des canaux : La Broyé déverse les eaux du lac de Morat dans celui de Neuchâtel, et les eaux de ce dernier gagnent le lac de Bienne par la Thielle. Un des principaux affluents du lac de Neuchâtel est l'Orbe qui y pénètre en son extrémité ouest. Avant d'atteindre le lac, cette ri- vière change de nom pour prendre celui de Thielle. Le lac de Neuchâ- tel peut ainsi être considéré comme un élargissement de la Thielle qui s'écoule vers le nord-est. Située en amont, la région d'Yverdon s'ap- pelle le Haut du lac, * alors que la partie comprise entre Cudrefin et St. -Biaise, en aval, est nommée Bas du Lac par les usagers du lac. L'hydrographie de cette région du Plateau suisse a de tous temps favorisé les communications entre les principales localités riveraines, ainsi qu'avec des centres plus éloignés, situés sur le cours de l'Aar. Ces voies navigables ont sans doute déterminé jadis de véritables axes économiques, et il serait intéressant de posséder une étude des marchés ainsi alimentés avant l'apparition du chemin de fer. Actuellement, des matériaux de construction (sable, gravier, pierre) et divers produits, tels que fruits, légumes et poisson, sont encore transportés par bateau. Les villes de Morat, d'Estavayer et de Neuchâtel en particulier, bénéficient également d'un mouvement touristique appréciable, lié en partie à l'attrait d'un voyage en bateau. L'ouverture récente d'une ligne Neuchâtel - Soleure a favorisé le dé- veloppement d'un mouvement semblable dans cette direction. Citons enfin l'île de St. -Pierre qui attire chaque année de nombreux touristes désireux de visiter la pièce autrefois occupée par J. -J. Rousseau. * Les mots soulignés figurent au glossaire placé à la fin du volume. 4. Le lac de Neuchâtel : avant et après la Première Correction des eaux du Jura. Bien que la Première Correction des eaux du Jura n'ait pas touché directement notre lac, ces travaux n'en ont pas moins entraî- né des conséquences ressenties à divers degrés par l'ensemble des régions riveraines. "Avant la correction on avait la situation suivante : les 3 lacs communiquaient comme maintenant par la Thielle et par la Broyé mais ces cours d'eau étaient des rivières sinueuses aux ber- ges marécageuses. Les eaux du lac de Bienne s'écoulaient à leur tour par son émissaire nommé Thielle (il s'agit ici d'une troisième Thielle, qu'on pourrait nommer la Thielle - émissaire du lac de Bienne). Cette Thielle se jetait dans l'Aar et le confluent se trouvait à Meienried, soit à environ 9 km. de l'extrémité aval du lac de Bienne : l'Aar coulait dans une vallée parallèle à ce dernier lac. Après la correction la situation fut la suivante : la Broyé, et la Thielle - émissaire du lac de Neuchâtel, ont été élargies, recti- fiées et transformées en canaux navigables, de sorte que les commu- nications entre les 3 lacs sont devenues meilleures et plus faciles. La Thielle, émissaire du lac de Bienne, a été remplacée par un canal artificiel qui d'ailleurs emprunte une partie de son ancien lit : ce canal part de Nidau au bord du lac de Bienne et va jusqu'à Büren : c'est le canal Nidau-Büren. L'Aar, au moyen d'un autre canal, le canal Aarberg-Hagneck, est détournée de son ancien lit et au lieu de couler parallèlement au lac de Bienne, va se jeter dans celui-ci à Hagneck et devient son principal affluent. Les eaux de l'Aar, ainsi que toutes les eaux du lac de Bienne en sortent par le canal Nidau-Büren qui devient ainsi l'émissaire du lac de Bienne, émissaire qui rejoint l'an- cien lit de l'Aar précisément à Büren. Par cette correction artificielle on retrouve plus ou moins la situation préhistorique, à cette différence près que l'Aar au lieu de se jeter dans le lac près d'Aiiet, se jette dans le lac de Bienne séparé désormais des lacs de Neuchâtel et de Morat . . . La chronologie de la correction des eaux du Jura est la suivante : 1869. Début des travaux, construction du canal Nidau-Büren. 1874. Début des travaux de correction de la Broyé et de construction du canal Aarberg-Hagneck. 1875. Début de la correction de la Thielle, émissaire du lac de Neuchâtel. 1878, 16 août : l'Aar s'écoule pour la première fois dans le lac de Bienne. 1883. Fin de la correction de la Thielle-émissaire du lac de Neuchâtel. 5. 1885. Pin de la correction de la Broyé. 1886. Achèvement du canal Aarberg-Hagneck. 1888. Achèvement du canal Nidau-Büren. " (A.. Quartier : op. cit. p. 48 - 49). Pour les besoins de notre étude, nous donnons un aperçu des principales conséquences de la correction qui intéressent le lac de Neuchâtel. Ce sont : 1. L'abaissement du niveau moyen du lac 2. Le détournement de l'Aar et l'accroissement du débit de la Thielle. 1. L'abaissement du niveau moyen du lac L'abaissement du niveau moyen a provoqué une modification sensible des contours du lac en diminuant sa surface. Afin d'illustrer ce phénomène, nous avons établi une carte schématique (fig. I) en superposant deux documents : - la carte au 1:96. 000 publiée par A. Guyot en 1856, dont l'échelle a été ramenée au 1:100. 000; - la carte au 1: 100. 000 du Service topographique fédéral. Le lecteur voudra bien considérer cette figure comme une démonstration et non comme une représentation exacte de la réalité. De l'avis du Service topographique fédéral, il n'est pas possible, en effet, d'évaluer le degré de précision de la carte de 1856 à cause du manque de coordonnées. Par ailleurs, nous avons renoncé à utiliser la première édition des cartes Siegfried, car ces documents donnent une image du pourtour du lac aux environs de 1875 - 1880, c'est-à- dire après le début des travaux de correction. Cette superposition des deux tracés met cependant en éviden- ce le terrain gagné sur le lac d'une part, et, d'autre part, la diminu- tion de la surface du lac et le rétrécissement des hauts-fonds litto- raux plus particulièrement. En matière de pêche, il s'agit-là d'un point important, car ce phénomène a incontestablement exercé une influence sur la faune et, par voie de conséquence, sur l'activité des pêcheurs. En exondant quelque 18 km2 de grèves, on a détruit les frayères fréquentées par de nombreux poissons (palée, brochet, perche et "poissons blancs"). Il en est résulté un déséquilibre pro- bable des espèces, exigeant au moins quelques années de réadaptation. Le rétrécissement de la beine (plateforme sous-lacustre) a certainement influencé l'activité des pêcheurs. Autrefois les pêches pratiquées près des bords étaient plus importantes qu'aujourd'hui; les poissons étaient probablement plus nombreux à proximité des rives, et la navigation à rame ou à voile ne permettait guère d'aller pêcher en plein lac. 6. A cette époque, on utilisait des filets à sac nommés monte et re vin (voir à ce propos le chapitre consacré aux Grands filets, p. 145). Selon toute vraisemblance, ces engins étaient utilisés sur la beine ou au bord du mont; ils sont mentionnés dans les quatre concordats promulgués au XIXe siècle, mais ne figurent plus dans le Concordat de 1903. Ces deux engins n'étaient donc plus en usage à cette date; ils avaient probablement disparu puisqu'ils ne sont pas signalés dans la liste des engins prohibés par le Concordat de 1903 (le lecteur voudra bien se référer au chapitre traitant de la Légis- lation, p. 24). Le rétrécissement des hauts-fonds littoraux a-t-il suffit à provoquer la disparition de ces filets ? Les preuves que nous avons réunies ne nous permettent pas de l'affirmer d'une ma- nière catégorique, mais il est frappant de constater que le nombre des permis de pêche au grand filet est tombé de moitié en 1877, année où le niveau du lac a commencé à fortement s'abaisser (au sujet des permis, voir p. 89). 2. Le détournement de l'Aar et l'accroissement du débit de la Thielle. Le détournement de l'Aar a eu pour conséquence de soumettre en grande partie le lac de Neuchâtel au régime de cette rivière. Quant à l'accroissement du débit de la Thielle résultant de l'élargissement et de la rectification du tracé de ce cours d'eau, il a accru l'ampli- tude et la vitesse des variations du niveau du lac de Neuchâtel. Les baisses surtout sont devenues plus rapides. Alors que notre lac atteignait généralement son niveau maxi- mum en hiver et au printemps, c'est le plus souvent en été que sa cote est la plus élevée depuis la correction. Cela tient au fait que les crues de l'Aar sont déterminées par la fonte des neiges et des glaciers, et que cette rivière amène à ce moment de grandes quanti- tés d'eau dans le lac de Bienne. Dès que le niveau de celui-ci dépasse une certaine cote, la Thielle, normalement émissaire du lac de Neu- châtel, se met à refouler les eaux du lac de Bienne dans le nôtre, et devient ainsi affluent. La modification du régime des hautes eaux et l'accroissement de la vitesse des baisses de niveaux ont affecté les zones temporaire- ment inondées connues sous le nom de "gouille". Ces sortes d'étangs - plus étendus jadis - qui communiquent avec le lac, tendent à se vi- der plus rapidement, parfois même avant que les poissons qui y frayent n'aient regagné le lac. L'apport d'eau causé par les crues de l'Aar mérite d'être si- gnalé, bien que son influence sur la faune piscicole n'ait jamais fait l'objet d'une étude approfondie, à notre connaissance du moins. 7. Dès la fin des travaux de correction, les pêcheurs ont affir- mé que l'eau refoulée par la Thielle était plus froide que celle du lac de Neuchâtel. D'après eux, cette eau froide tuait les alevins et modifiait le régime du plancton qui constitue la base de l'alimenta- tion des jeunes poissons et des corégones. Le fait que l'Aar est ali- menté par des torrents nafssant au pied des glaciers n'était évidem- ment pas étranger à cette théorie. A l'heure actuelle, cette accusa- tion s'exprime moins violemment qu'autrefois, mais les pêcheurs du Bas du lac continuent à penser que l'eau de la Thielle - en raison de sa température plus basse que celle du lac - affecte la pêche dans cette zone de hauts-fonds. On ne peut toutefois s'empêcher de noter que l'eau de l'Aar se réchauffe nécessairement tout au long de son cours, particulièrement en traversant les lacs de Brienz, de Thoune et de Bienne. Si la différence de température supposée par les pêcheurs est réelle, elle doit être minime. Qu'en est-il exacte- ment ? La question reste ouverte, faute d'études sérieuses. Les mesures limnimétriques relevées régulièrement depuis 1817 permettent de déterminer avec précision les principales carac- téristiques du lac avant et après les travaux de correction. Ce tra- vail a été accompli par M. A. Quartier (op. cit. p. 142), auquel nous empruntons les données suivantes : Hautes eaux maximum Eaux moyennes Basses eaux minimum Variation maximum Variation moyenne Hausse maximum en 24h. mm Baisse maximum en 24h Surface du lac Volume Unité Avant la A près la Différence Correction C orrection m. 433,35 431,01 _ 2,34 432,01 429,28 - 2,73 431,01 428,22 - 2,79 1,88 2,23 + 0,35 1, 18 1,49 + 0,31 h. mm. 240 250 + 10 h. 47 70 + 23 km2 235 217, 1 - 17,9 km3 15,9 14, 1 - 1,8 Depuis la Correction, le lac de Neuchâtel a une longueur de 37, 7 km. , une largeur maximum de 8, 1 km. et une profondeur ma- ximum de 153, 5 m. Aujourd'hui, les pêcheurs disposent de bateaux équipés d'un 8. moteur, et il leur est plus facile de gagner le large. La pêche au profond ne remplace cependant pas la pêche sur le blanc-fond (beine), mais dans l'exercice de cette dernière, les pêcheurs se heurtent à de nouvelles difficultés. En premier lieu, le développement des sports nautiques représente le principal obstacle à la pratique de la pêche près des rives. Ce problème sera évoqué plus loin (p. 2 09). En second lieu, la pollution a gagné les fonds sur lesquels les poissons déposent leurs oeufs, et elle favorise la prolifération des espèces sans valeur économique, c'est-à-dire des "poissons blancs" (voir p. 53). Pour terminer cette brève presentation du lac de Neuchâtel, ajoutons que les pêcheurs recourent à une terminologie particulière pour en désigner les différents secteurs. Afin d'éviter une enume- ration fastidieuse, ces ternies ont été notés sur une carte du lac (fig. 2), et nous prions le lecteur de s'y référer. Les pêcheurs, qui se servent pourtant d'une boussole pour naviguer dans le brouil- lard, n'emploient guère les termes habituels pour désigner les points cardinaux. Dans leur vocabulaire, les principales directions sont nommées d'après les vents dominants et les montagnes environnantes : au nord : Chaumont (montagne), le Jura ou "côté Joran" (vent du nord ou nord-ouest) au sud : le Vuilly (montagne) ou "côté Ubère" (vent du sud ou sud- est) à l'est : le Bas du lac ou "côté Bise" (vent d'est ou nord-est) à l'ouest : le Haut du lac ou "côté Vent" (vent d'ouest ou sud-ouest), * * * ¦*- CO O QJ oj c> " n Il 5 $ ììì Mi O .5 S" 10 O «LUI ^H X" I O i tn I trf «e- 4. !III 33 Hn I -3? • h5 ^ f£uS - Q « — O* ir O 04 I I O IO l I ss S I* i a" — CS XX I 1 ÌS> Î ^ li E R.2 - - O m — o OJ I I S '» I I @ § = l "*- XXXX I Î <31 3S-N* II I = lì Ü ^tH ir- es IO 1 \ I I I IO «o MtI1 5 *ì I I I4xxxl c_> UJ ear to ì ì N^ 4¾ 2> 5 & 1N ^ -nS «5 <5 I Sì I È 5 1 4 « O M CQ •s ì ! I v> e I ö •« Tableau 2 •s.| E ti O C* =r O IO IO O» î? IO O* IO IO I % t d x; O x; O CM I CN Ol X" W) I O Oi X-tO • IO x-i 3 »o I I ^ IO "*" X« X» K> KS «Ü x-t—n—. «o X- X- OT X- x- "** -¾ -^ vi-3 é O »O IO IO fO IO to I -S» (5^ -¾. Q* to Oi X- Ol K) 1 X? x-i O Oi «n i « Ol X« O Ol X-X-to I X-X- io" X* I to I to 5£ 1 X I <3 **. x- in X- X» m "*- "^* î S'I fi U O O* « K> I m Ci IO x- O 1 K> IO Ol IO to I X-IA i O x-tei X- O» LO I Ol IO X- Ol . 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I CJ s -¾ .¾ 55 I 42 I SB 1 -fc I ï I î* IXi I 1 CSt ^ 5 s -¾ -5 -SJ £ ^ ^ f ^ ^ 4S 48 4? i SS 2 36. PARTICULARITES ET MODE D'EMPLOI DES ENGINS DE PÊCHE Concordat de 1903 Engins Particularités Mode d'emploi : interdic- tions et restrictions I. Engins libres Ligne flottante ------ II. Engins autorisés Engins courants Grand filet Bras : 110m. long -40m. prof. min. 500 mailles haut -interdit du 1. 7 au 31. 12 Maille : 30mm. au sac Engins dormants Filet de fond généralités Long. 2400 mailles/Haut. 2m. Simple toile ou tramaillé Maille 30 mm. min. - 15. 4 - 31.5 : interdit Maille 40 mm. min. - 25, 12-31. 1 : seul filet autorisé Filet à amorces Maille 19 mm. max. à simple toile Maille 10mm. max. tramaillé Fil dormant ------ Berfou Maille 30 mm. min. -15.4-31.5: interdit Engins flottants Filet flottant Long. 2400 mailles/Haut. 2m. généralités Simple toile Maille 50 mm. min. - autorisé du 1.6 - 31.8 - 10 filets max. par pêcheur Fil flottant ------ Torchon ------ Engins traînants Ligne traînante 5 hameçons max. 37. PARTICULARITES ET MODE D'EMPLOI DES ENGINS DE PÊCHE Concordat de 1916 Engins Particularités Mode d'emploi : interdic- tions et restrictions I. Engins libres Ligne flottante ------ II. Engins autorisés Engins courants Grand filet Bras : 110 m. long 500 mailles haut. Maille 40 mm. au sac 3 lignes max. - 40m. prof. min. - interdit du 1. 6 -15. 12. (ramené à 30 mm. en 1918) Engins dormants Filet de fond généralités Long. 2400 mailles/Haut. 2m. Simple toile ou tramaillé Maille 26 mm. Maille 30 mm. min. Maille 30-50 mm. Maille 50 mm. couble de 20 filets max. pour la pêche de la bon- delle. 15. 4 - 31. 5 : 30m. prof. min. seulement pour corégones 15. 12 - 25. 1 15. 12 - 25. 1 Filet de battue tramaillé/Maille 30mm. min. Maille 40 mm. Filet à amorces Maille 19 mm. max. à simple toile Maille 10 mm. max. tramaillé Fil dormant ------ Berfou Maille 30 mm. Maille 15-22mm. 15.4 - 31.5 15.12-25. 1 : interdit seul filet autorisé : interdit : 2 filets autorisés 15.4 - 31.5 : interdit 1.11 - 31. 3 : autorisé à 40m.prof.min.pour lottes Engins flottants Filet flottant généralités Long. 2400 mailles/Haut. 2m. - couble de 10 filets max. Simple toile Maille 50 mm. min. - 15. 4 - 31. 5 : interdit Fil flottant 500 hameçons simples Torchon ------ Engins traînants Ligne tramante 5 cuillers max. 38. PARTICULARITES ET MODE D'EMPLOI DES ENGINS DE PECHE Concordat de 1936 Engins Particularités Mode d'emploi ; interdica tions et restrictions I. Engins libres Ligne flottante ------ II. Engins autorisés Engins courants Grand filet Bras : 130m. long. 500 mailles haut. Maille : 30 mm. au sac 3 lignes max. - 40m. prof. min. - interdit du 1. 6 - 15. 12. Engins dormants Filet de fond généralités Long. 2400 mailles/Haut. 2m. Simple toile ou tramaillé Maille 27 mm. (bondellière) Maille 27-32 mm. Maille 27-30 mm. Maille 50 mm. Maille 30 mm. et plus Maille 50-60 mm. Filet de battue Simple toile ou tramaillé Maille 40 mm. Filet à amorces Maille 19 mm. max. simple toile Maille 10 mm. max. tramaillé - couble de 20 filets max. . dans les eaux réputées peuplées de bondelles .1-15.6 : 15 filets max. sur la Motte (par bateau) . 10. 11 - 14. 12 : 10m. prof. min. -6.1-5.2: 30m. prof, max. - 15.4 - 31.5 : simple toile, à 30m. prof. min. - 15. 4 - 31. 5 : simple toile ou tramaillé, 5 filets à moins de 30m. - 10. 11 - 5. 2 : 3 filets dans les bords Fil dormant Nasse Berfou 200 x 80 cm. / Maille 23 mm. 80 x 30 cm. / Maille 16mm. min. - 15. 4 - 31. 5 : 25 berfous ou 20 berfous et 5 nasses. 39. Engins flottants Filet flottant ....... généralités Long. 2400 mailles/Haut. 2m. Simple toile Maille 50 mm. min. Fil flottant Torchon 500 hameçons simples Engins tramants Ligne traînante 5 cuillers max. Gambe Hameçons simples. Ligne de fond ------ "Biberon" 1 hameçon simple. couble de 10 filets max. permis du 1. 6 - 30. 9. 40. PARTICULARITES ET MODE D'EMPLOI DES ENGINS DE PÊCHE Concordat de 1949 Engins Particularités Mode d'emploi : interdic- tions et restrictions. I. Engins libres Ligne flottante hameçon simple Ligne plongeante 5 hameçons simples (gambe) II. Engins autorisés Engins courants Grand filet Bras : 130m. long. 500 mailles haut. Maille : 30 mm. au sac Engins dormants Filet de fond Long. 2400 mailles/Haut.2m. généralités Simple toile ou^tramaillé Maille 28 mm. Maille 28-32 mm. Maille 34 mm. Maille 28-30 mm. Maille 50 mm. Maille 30 mm. min. Maille 50-60 mm. Filet de battue Simple toile ou tramailié Maille 40 mm. 3 lignes max. libre depuis terre 40m. prof. min. interdit du 1. 6 15.12. - 1.10-31. 5 rcouble de 20 filets max. - 1.6 - 30. 9 rcouble de 40 filets max. - à plus de 100m. du bord pour bonde Ue s - 10.11-14. 12 : 10m. prof. min. - 10. 11-14. 12 : SOm.prof. min. - 15-31. 12 : 25 m, prof. max. - 1. 1-5. 2 : 30m. prof. max. - 15.4-31. 5 : 25 m. prof. min. - 15.4-31,5 : 5 filets à moins de 25m. prof. - 10.11-5.2 les bords. 3 filets dans Filet à amorces Maille 19mm. max. à simple toile Maille 10mm. max. tramailié Fil dormant Nasse Berfou 200 x 80 cm./Maille 23 mm. - 1.3-15.4 : 10 nasses 80 x 30 cm. /Maille 20 mm. - 25 berfous permis du 15.4 - 31.5. 41. Engins flottants Filet flottant généralités Long. 2400 maille s/Haut. 2m Simple toile Maille 32 - 34 mm. Fil flottant Torchon Maille 50 mm. 500 hameçons simples Engins traînants Ligne traînante 5 cuillers max. Gambe 5 hameçons simples. Ligne de fond ------ "Biberon" 1 hameçon simple. -1.7-31. 8 - pour pêche des bondelles "de lève", 5 filets à 40m. prof. min. - permis du 1.- 6 - 30. 9, à 40m. prof. min. 42. PARTICULARITES ET MODE D'EMPLOI DES ENGINS DE PECHE Concordat de 1958 Engins Particularités Mode d'emploi ; interdic- tions et restrictions. I. Engins libres Ligne flottante hameçon simple Ligne au lancer ------ Ligne plongeante 5 hameçons simples (gambe) II. Engins autorisés Grand filet Bras : 130m. long 500 mailles haut. Maille : 30 mm. min. au sac 3 lignes max. libre depuis terre libre depuis terre 40m. prof. min. interdit du 1. 6 - 31. Filet généralités Filet de fond généralités Simple toile ou tramaillé Long. 2400 mailles/Haut. 2m. Maille 28 mm. min. Maille 28 - 40 mm. Maille 40 mm. min. 12. couble de 20 filets max. couble de 40 filets :1.6 -30. 9 à 50m. prof. min. 20 filets max. : 1 - 15. 6 moins de 15m. prof. interdit pour battue interdit du 16. 1 à l'ou- verture des bondelles. 10 jours suivant l'ou- verture des bondelles : selon arrêtés spéciaux. 15.4-31.5 :15m. prof. min. 10.11-14.12" " " 15. 12-15. 1 : 25 m. prof. max. région du domicile. 1. 1 à ouverture des bon- delles : pour battues seulement, à 2m. prof. max. 15.4 - 31.5 : 10 filets max. 10. 11 - 31.12 : pour battue seulement à 2m. prof. max. 43. Maille 50 mm. min. Filet flottant Maille 50 mm. min. Filet à amorces Maille 19 mm. max. Maille 10 mm. max. - 1. 1 à ouverture des bondelles : 35m. prof. max. - 15. 4 - 31. 5 : pour battues - permis du 1. 6 - 30. 9 : 20 filets max. à 40m. prof. min. à simple toile tramaillé Nasse Berfou Fil dormant Fil flottant Torchon 200 x 80 cm. /Maille 23mm. Maille 40 mm. 80 x 30 cm./Maille 20mm. 500 hameçons simples max. - 1.1 - 14. 4 : interdit à moins de 2m. prof. - 1.6 - 31.12 : à moins de 100m. de la rive -1.1- 14. 4 : à moins de 2m.prof. - permis du 15.4 -31.5. Ligne plongeante 5 hameçons simples max. (gambe) Ligne traînante 5 cuillers max. - interdit sur la Motte à moins de 15m. prof. 44. PARTICULARITES ET MODE D'EMPLOI DES ENGINS DE PÊCHE Concordat de 1964 Engins Particularités Mode d'emploi : interdic- tions et restrictions. I. Engins libres Ligne flottante hameçon simple Ligne au lancer ------ Ligne plongeante 5 hameçons simples (gambe) II. Engins autorisés Maximum 3 lignes Libre depuis terre Libre depuis terre Grand filet Bras : 130 m. long. 500 mailles haut. Maille : 30mm. min. au sac 40 m. prof. min. inter- dit : 1.6 - 31. 12. Filet Généralités Filet de fond Généralités Long. 2400 mailles/Haut. 2m. Maille 26-30 mm. Simple toile ou tramaillé Maille 30 - 40 mm. Maille 40 mm. min. - usage réglementé par arrêtés spéciaux couble de 20 filets max. couble de 30 filets :1.6- 30. 9 à 50m. prof. min. 20 filets max. : 1 - 15. 6 à moins de 15 m. prof. interdit pour battue interdit du 16. 1 à l'ou- verture des bondelles. 10 jours suivant l'ou- verture des bondelles : selon arrêtés spéciaux. 15. 4-31. 5 :15m. prof. min. 10. 11 - 14. 12 : 15m. prof. min. 15. 12-15.1 : 25m. prof. max. région du domicile. 1. 1 à ouverture des bon- delles : pour battues seu- lement, à 2m. prof. max. 15.4 - 31.5 : 10 filets max. 45. Filet flottant Maille 50 mm. min. Simple toile Maille 50 mm. min. Maille inf. à 50 mm. - 15. 10 - 31. 12 : pour bat- tues seulement à 2m. prof. max. - 1. 1 à ouverture des bondelles : 35m. prof. max. - 15.4 - 31.5 : pour battues - permis du 1. 6 - 30. 9 : 20 filets max. à 40m. prof. min. - usage réglementé par arrêtés spéciaux. Filet à amorces Maille 19 mm. max. à simple toile Maille 10 mm. max. tramaillé Nasse Berfou Fil dormant Fil flottant Torchon 200 x 80 cm. Maille 23 mm. Maille 40 mm. 80 x 30 cm. Maille 20mm. 500 hameçons simples hameçon simple - 1. 1 - 14.4 : interdit à moins de 2m. prof. - 1. 6 - 31. 12 : à moins de 100 m. de la rive. -1.1- 14. 4 : à moins de 2m. prof. - permis du 15.4 - 31.5. Ligne plongeante 5 hameçons simples max. (gambe) Ligne traînante 5 cuillers max. interdit sur le Motte à moins de 15m. prof. interdit du 1. 11 - 31. 12. 46. L'ECONOMIE DE LA PECHE Avant d'aborder l'analyse des différents graphiques qui constituent la base de ce chapitre, quelques remarques prélimi- naires s'imposent. Tout d'abord, il convient de préciser que nous suivrons essentiellement les études publiées par M. A. -A. Quartier, ins- pecteur de la chasse et de la pêche du Canton de Neuchâtel (voir bibliographie). Cet auteur a étudié les principaux facteurs qui déterminent le rendement de la pêche et nous ne pouvons qu'adhé- rer à ses conclusions. Ensuite, précisons que les données numériques sur la base desquelles reposent nos graphiques proviennent de sources officiel- les mentionnées en cours d'exposé. Nous n'avons malheureusement pas retrouvé tous les chiffres nécessaires à l'établissement de gra- phiques portant sur un nombre d'années identique. Malgré ces la- cunes, il nous a paru intéressant d'illustrer le rendement obtenu au moyen de différents engins ou de différents modes de pêche. Bien qu'incomplets, ces graphiques permettent de mettre en relief l'apport de quelques procédés décrits dans notre étude. Nous tenons cependant à préciser que ces graphiques n'ont qu'une valeur relati- ve. En effet, qu'il s'agisse de la pêche de fond ou de lève, de la pêche au grand filet ou aux berfous, du rendement d'un poisson par- ticulier ou du rendement total, force nous est de reconnaître le ca- ractère approximatif des chiffres publiés. La pêche est liée à des facteurs nombreux et variés dont le rôle est loin d'être toujours con- nu avec précision quand il n'est pas absolument ignoré. Enfin, dans l'interprétation des graphiques qui suivent, il faut tenir compte de tous les facteurs susceptibles d'influencer le rendement de la pêche. Nous signalons ici les facteurs les plus importants afin d'éviter des répétitions inutiles. Ce sont : "l. la quantité de poissons contenue dans le lac 2. le nombre des pêcheurs 3. les lois et règlements qui régissent le lac 4. la pisciculture 5. les conditions météorologiques" (A. Quartier : Quelle est l'influence des facteurs météorologiques sur le rendement d'un lac ? - in : Pêcheur suisse. No. 4, 8me année. 1944. p. 102.) Nous y ajoutons : 6. les moyens techniques dont disposent les pêcheurs 7. l'état du lac. 47. 1. La quantité de poissons contenue dans le lac "Le premier facteur est la grosse inconnue du problème, il dépend de tous les autres facteurs énumérés. " (Quartier, idem). Nul ne peut en effet évaluer le nombre des poissons qui vivent dans le lac et une augmentation du rendement de la pêche d'un poisson donné ne signifie pas nécessairement que cette espèce s'est multipliée. 2. Le nombre de pêcheurs A ce propos, le lecteur voudra bien se reporter au chapi- tre consacré à l'évolution de la profession (p. 86 ). Quelques pré- cisions sont toutefois nécessaires ici. En premier lieu, il convient de distinguer entre les pêcheurs professionnels, autorisés à employer des filets, et les pêcheurs ama- teurs qui, depuis 1958, ne peuvent pêcher qu'avec des engins équipés d'hameçons. D'une manière générale, les prises effectuées par les amateurs ne représentent que le 5 à 10% du rendement total et ce pourcentage provient presque uniquement de la pêche de la perche à la gambe (p. 57). Par rapport à l'ensemble des pêches pratiquées dans notre lac, l'apport des amateurs peut être considéré comme négligeable, pour l'instant du moins. Avant 1958, les amateurs pouvaient obtenir un permis de 3ème classe les autorisant à utiliser un nombre restreint de filets (6 filets de 1916 à 1936; 10 de 1936 à 1949; 5 de 1949 à 1958). A l'o- rigine, ce permis particulier avait été créé à l'intention des vieux pêcheurs, mais aucune clause n'empêchait les amateurs de l'acqué- rir. Dans le but de mieux protéger la profession de pêcheur, les autorités responsables ont supprimé ce permis et ont octroyé aux pêcheurs âgés la possibilité d'acheter un demi-permis de 1ère classe; elles ont, de plus, limité le nombre des professionnels à 120 pour l'ensemble du lac (Concordat de 1958. Art. 13). Mais le nombre de permis vendus chaque année n'a qu'une influence relative sur le rendement total de la pêche. D'une part, il n'est pas possible de connaître le nombre total d'engins utilisés, car tous les pêcheurs ne tendent pas chaque jour tous les engins auxquels ils ont droit; de plus, jusqu'en 1958, les professionnels pouvaient obtenir plusieurs permis pour avoir le droit d'utiliser un plus grand nombre d'engins. Le nombre de permis vendus ne cor- respond donc pas au nombre des pêcheurs, pas plus qu'il ne nous permet d'évaluer le nombre des engins utilisés chaque jour. Une autre situation peut également se présenter : en cours 48. d'enquête, plusieurs pêcheurs nous ont dit s'être acquittés de l'é- molument spécial pour la pêche au grand filet (le permis de grand filet prévu par les Concordats de 1936 et 1949 a été remplacé par un émolument spécial dès 1958); mais, après quelques essais in- fructueux, avoir renoncé à cet engin pour tendre les filets habituels. Au sujet de ces filets nous avons indiqué (p. 22; P- 198) que leur usage était soumis à des arrêtés spéciaux, après la période de frai des poissons protégés en particulier. Pour ces "pêches d'ouverture", les pêcheurs ne peuvent employer qu'un nombre limité de filets, en- tre des dates fixées plus ou moins arbitrairement. Lorsque le mar- ché est encombré et que l'écoulement du poisson devient difficile, certaines pêches spéciales (p. 201) peuvent être limitées. Ainsi, les nombreuses restrictions imposées au gré des circonstances rendent également aléatoire toute évaluation du nombre des engins réelle- ment utilisés. D'autre part, si l'on ne considère que des moyennes sans tenir compte des restrictions signalées, il apparaît que "bien que le nombre des permis ait sans cesse augmenté (de 1917 à 1942) la quantité prise par permis n'a pas suivi cette hausse. Tout se passe comme s'il y avait une certaine quantité pêchable et l'augmentation du nombre des engins ne permet pas de prendre plus de poisson", (Quartier : La pêche dans le lac de Neuchâtel. - in : Bull, de la Soc. neuch. de Géographie. T. 51, 1945, p. 17). Précisons que M. A. Quartier tire cette conclusion à propos de la pêche de la bondel- Ie qui occupe la place la plus importante dans l'économie du lac de Neuchâtel. A notre avis, cette constatation peut s'appliquer au ren- dement de la pêche dans son ensemble. 3. Les lois et règlements Les Concordats et arrêtés spéciaux peuvent influencer le rendement de la pêche de trois manières principales : a) en créant des catégories de permis (et en limitant le nombre de ceux-ci) destinés à protéger aussi efficacement la profession de pêcheur, que la faune lacustre; b) en définissant avec précision les types d'engins autorisés aux bénéficiaires des différents permis; c) en limitant pour chaque catégorie de permis le nombre d'engins, en restreignant leur usage à certaines périodes et en réglemen- tant leur mode d'utilisation (profondeur, régions déterminées, etc. ) Comme les statistiques de rendement ne nous permettent pas de remonter au-delà de 1917, nous ne pouvons considérer les princi- 49. paux effets de la législation que depuis cette date. a) Les catégories de permis qui nous intéressent ici (pêche au moyen de filets) n'ont pas subi de grands changements de 1917 à 1958. Durant cette période, le nombre de permis de pêche professionnel- le a augmenté jusqu'en 1943 (fig. 10) tandis que le nombre de per- mis de "petite pêche" (3ème classe) a fortement diminué à la veille de la deuxième guerre mondiale (tableau p. 115). Dès 1958, le per- mis de "petite pêche" est supprimé et le nombre des pêcheurs pro- fessionnels est limité à 120. Cette limite ne sera atteinte qu'en 1963 par la "mise à la retraite" volontaire des pêcheurs trop âgés. b) Les types d'engins autorisés n'ont pas changé durant cette période; seule leur fabrication a subi des modifications. Cette question sera reprise plus loin (p. 129). c) Le nombre des filets accordés par pêcheur a passé de 60 ( 1917 à 1958) à 100 (1958 à 1964) pour retomber à 80 dès 1964. Les principales hausses de la courbe du rendement total (fig. 4) ne sont donc pas liées à des modifications du nombre ou du type des engins autorisés. La forte hausse enregistrée en 1958 ne peut être considérée comme une conséquence d'un changement de législation puisque le Concordat de 1958 n'est entré en vigueur que le 1er septembre de cette année. Quant à l'accroissement extraor- dinaire du tonnage de la bondelle (fig. 6) en 1959, il ne peut s'expli- quer par l'augmentation du nombre de filets autorisés car le nom- bre des permis de pêche professionnelle est tombé de 245 en 1958 à 139 en 1959. Bien que le mouvement ascendant de la courbe du rendement total s'explique partiellement par l'augmentation du nom- bre des permis des trois premières catégories, il faut souligner que la relation qu'on peut établir entre ces deux séries de chiffres n'est pas constante. A partir d'une certaine limite en effet, les pêcheurs ne peuvent que se partager les quantités de poissons disponibles et le rendement par permis s'abaisse de manière sensible; les frais de production s'élèvent et la profession du pêcheur n'est plus rentable. Pour bien exploiter le lac, "il est inutile d'augmenter le nombre des filets, le rendement ne suit pas l'augmentation du nombre des ins- truments de travail" (Quartier : Bull, soc, neuen. Géographie, p. 28). C'est pourquoi le nombre de professionnels a été limité. 4. La pisciculture Les poissons reproduits artificiellement sont la palée, la truite et le brochet. S'il est aisé de connaître le nombre approximatif d'alevins de palée déversés chaque année dans le lac, il est par contre beau- coup plus difficile d'évaluer l'apport réel de la pisciculture au 50. rendement de la pêche. A ce sujet, M. A. Quartier écrit : . .. "je n'ai pu mettre en évidence aucune relation entre la pêche de la palée et la pisciculture de ce poisson" (Bull. Soc. neuch. Géogr. p. 25). Cette constatation nous paraît importante car ce poisson occupe une grande place dans le rendement total de la pêche. La palée représente en effet le 28% environ des corégones capturés chaque année et ceux-ci (palées et bondelles) produisent en moyen- ne le 58, 6% du rendement total. Quant à la truite et au brochet, comme ils sont élevés en étang pendant quelques semaines ou quelques mois avant d'être mis au lac, les chances de survie de ces poissons d'élevage sont plus grandes que celles des alevins de palée et l'apport de la pisci- culture au rendement de ces espèces est appréciable. 5. Les conditions météorologiques Les conditions météorologiques interviennent de deux ma- nières différentes dans l'économie de la pêche; elles peuvent exer- cer une certaine action sur le milieu lacustre et sa faune d'une part (qu'elles favorisent ou non la reproduction et les possibilités de cap- ture des poissons) et, d'autre part, elles déterminent dans une cer- taine mesure la fréquence des pêches. Quand les éléments se déchaînent, les pêcheurs ne peuvent quitter leur port au risque de chavirer ou d'exposer des engins coû- teux à la violence des courants sous-marins. La pêche au grand filet, qui est le principal mode de pêche de la palée (de janvier à mai), est sans doute la plus touchée par une période prolongée de mauvais temps. En ce qui concerne l'influence du climat sur le lac et sur les poissons, les relations qui s'établissent entre les différents facteurs météorologiques (vent, température, précipitations, etc. ) et le milieu considéré, sont aussi complexes que mal connues. Le niveau du lac joue vraisemblablement un certain rôle aussi bien dans la reproduction des poissons qui frayent près des rives que dans la pêche en général. Il paraît logique d'admettre que les condi- tions de reproduction sont d'autant plus favorables que la surface des hauts-fonds littoraux fréquentés par ces poissons (palée, brochet et perche en particulier) est grande, c'est-à-dire lorsque le niveau du lac est haut. Les variations de niveau sont liées aux précipitations qui tombent dans le bassin d'alimentation du lac et de ses affluents immédiats (surtout l'Orbe et l'Areuse) et aux précipitations qui tou- chent le bassin d'alimentation de l1 Aar (on sait que les refoulements de la Thielle sont partiellement déterminés par le débit de l'Aar. P. 6 ). 51, A la quantité d'eau reçue par le lac de Neuchâtel, il faut ajouter la notion de température puisque ce facteur influence la reproduction des poissons, le régime du plancton et la transpa- rence de l'eau. Le rendement est meilleur lorsque l'eau est trou- ble. La transparence de l'eau varie en cours d'année; elle dimi- nue au début de l'été par la formation de carbonate de calcium déclenchée par la hausse de température (le lac "tourne", l'eau devient "blanchette" ou "louchette" comme disent les pêcheurs). Depuis sept à huit ans, cette diminution de transparence se pro- duit de plus en plus tardivement, à cause de la pollution. Ce phé- nomène est cependant trop récent pour avoir été complètement étudié et pour qu'il soit possible d'en apprécier la portée. Enfin, "l'eau du lac est plus transparente par année sèche que par année humide" (Quartier : Le lac de Neuchâtel, p. 157). En résumé, le climat exerce sans doute quelque influence sur le rendement de la pêche, mais son rôle n'est pas déterminant. Si l'on fait la distinction entre les conditions météorologiques loca- les et générales, il apparaît que : à l'échelon local, une période de fort vent peut empêcher les pêcheurs de tendre des filets, une nuit de pleine lune en été gêne la pêche "de lève" (p. 189) et les captures sont plus nombreuses à la veille d'un orage. Ces phéno- mènes n'ont toutefois qu'une faible portée sur la pêche dans son en- semble. A l'échelon supérieur, les relations sont infiniment plus complexes et pourraient faire l'objet d'études particulières par des spécialistes de diverses disciplines. Des études de M. A.. -A. Quartier, il ressort en effet que le rendement de la pêche dans les lacs de Neuchâtel, de Constance et dans le Léman varie d'une manière tout à fait indépendante bien que ces trois lacs soient soumis aux mêmes conditions météorologiques générales; celles-ci jouent donc également un rôle secondaire dans la pêche (Quartier : -in : Pêcheur suisse No. 4. 8ème année 1944, p. 102). Pour notre lac, le même auteur a établi les séquences suivantes : "a) Année pluvieuse ou de neige abondante; le débit des affluents est fort; le lac est haut; la Thielle refoule peu; l'eau est trouble; la pêche est bonne. b) Année sèche; faible débit des affluents; le lac est bas; la Thielle refoule beaucoup; l'eau est claire; la pêche est mauvaise. " (Le lac de N. p. 157) 6. Les moyens techniques Les perfectionnements apportés au matériel des pêcheurs par le développement de la technique doivent être pris en considé- 52. ration dans l'interprétation des statistiques de rendement. Les deux hausses de rendement moyen que l'on observe sur la fig, 4 s'expli- quent par l'introduction de perfectionnements techniques. De façon schématique, on peut dire ici que notre courbe se développe selon trois paliers sucessifs : a) de 1917 à 1921; b) de 1922 à 1955; c) de 1956 à 1965. La période qui s'étend de 1917 à 1921 représente vraisembla- blement le rendement de la pêche tel qu'il devait être depuis la fin des travaux de la Première correction des Eaux du Jura (1889). A cette époque, tous les pêcheurs employaient des filets filochés à la machine. La brusque hausse que l'on constate en 1922 tient essentiel- lement à l'introduction du moteur hors-bord : en 1920, 3 pêcheurs avaient équipé leur bateau d'un moteur, 39 en 1922 et 74 en 1925. Ce mode de propulsion s'est généralisé par la suite et tous les pêcheurs actuels l'utilisent. Quant au palier supérieur atteint en 1956, il est dû à l'appa- rition des filets en fibre synthétique dont nous parlons plus loin (p. 129). 7. L'état du lac Il importe que ce problème figure au nombre des facteurs sus- ceptibles d'influencer le rendement de la pêche, bien que nous ne soyons pas en mesure de l'exposer d'une manière approfondie. Sous le point 5, nous avons fait allusion à la pollution et à la transparence de l'eau. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, un lac pollué est un lac dont l'eau est claire et l'on sait que la pêche est meilleure lorsque l'eau est trouble (p. 51). Le lac de Neuchâtel est victime de la pollution mais, à l'heu- re actuelle, ce problème constitue encore une inconnue. La seule chose que l'on puisse affirmer est que la pollution va en croissant, mais on ignore encore les conséquences exactes de ce phénomène et son évolution probable. La courbe illustrant le rendement des principaux poissons (fig. 6), semble montrer que la pollution n'a guère affecté la pêche, puisque les tonnages les plus élevés ont été atteints depuis 1958. En réalité, cette hausse provient de l'adoption généralisée des filets synthétiques et cette coïncidence ne saurait faire négliger le problè- me de la pollution. De l'avis de M. H. Sollberger, chimiste cantonal adjoint à 53. Neuchâtel, les études entreprises ne permettent pas encore d'affir- mer quoi que ce soit à ce propos. La pollution entraîne des modifi- cations qualitatives et quantitatives du plancton et provoque des mu- tations chez ces êtres microscopiques, La pollution a également gagné les fonds du lac et on peut supposer que certains effets (on ignore lesquels) se feront sentir sur les oeufs que les poissons y déposent; mais il ne s'agit encore que d'hypothèses. Lors de la chute du rendement de la pêche de la bondelle amorcée en 1961, les pêcheurs ont incriminé la pollution car la bondelle fraye au profond. Il est probable que cette baisse ne ré- sulte que du "surpêchage" de ce poisson au moyen des filets syn- thétiques; après avoir passé par un minimum en 1965, le rendement a augmenté à nouveau en 1966, mais nul ne sait si ce poisson a pu se reproduire normalement. L'effet le plus certain de la pollution est la prolifération de "poissons blancs" observée depuis quelques années. Les graphiques Les graphiques que nous soumettons à l'attention du lecteur appellent quelques commentaires particuliers, mais les remarques générales que nous avons formulées ci-dessus restent cependant valables dans chaque cas; c'est pourquoi nous ne les répéterons pas. Le rendement total de la pêche (fig. 4) et le rendement des principales espèces (fig. 67! Nous avons renoncé à présenter ces deux éléments sur un seul graphique afin d'éviter un trop grand enchevêtrement des cour- bes. Comme ces deux documents se complètent, nous les commen- tons ensemble. Le Concordat de 1916 a imposé aux pêcheurs professionnels l'obligation de fournir un relevé mensuel des captures effectuées; cette statistique porte sur dix-sept espèces. Les pêcheurs amateurs ne remplissent cette obligation qu'une fois par année. Ces données sont recueillies par les services responsables des trois cantons in- téressés et publiées par l'Inspectorat de la Chasse et de la Pêche du Canton de Neuchâtel, qui a bien voulu les mettre à notre disposi- tion. Rappelons qu'il s'agit d'une statistique halieutique qui n'a aucune signification quant à la quantité de poissons qui vivent dans le lac. Certes on peut s'interroger sur l'exactitude des chiffres indi- qués : les pêcheurs pèsent-ils soigneusement chaque jour les poissons capturés après les avoir regroupés par espèces, ou se contentent-ils 54. d'évaluations grossières ? En cours d'enquête, nous avons constaté que toutes les possibilités existaient et que les chiffres communiqués étaient généralement inférieurs à la réalité. Les pêcheurs craignent en effet que ces renseignements ne soient communiqués au fisc, en dépit des assurances que les services responsables leur ont données. Bien que les graphiques que nous pouvons établir reposent sur des données imprécises, il apparaît cependant que le mouvement général des courbes correspond à la réalité, ainsi que M. A.. Quar- tier l'a démontré (-in : Bull. Soc.neuch.de Géographie, p. 6). Cet auteur a établi trois courbes à partir de trois séries de données sta- tistiques concernant le rendement de la perche obtenu : 1) pour l'ensemble du lac 2) par les pêcheurs de la région comprise entre Neuchâtël et St. - Biaise 3) par un seul pêcheur. La similitude du mouvement général de ces courbes permet d'affir- mer que le soin plus ou moins grand apporté par les pêcheurs à cette besogne administrative n'empêche pas une représentation correcte des principales fluctuations de la pêche. Avant d'aborder l'analyse de ces fluctuations, il convient de parler des poissons recherchés. Le lac de Neuchâtël est un lac riche en corégones; ceux-ci représentent un poids annuel moyen de 173. 143 kg. (palée : 49. 248 kg. ; bondelle : 123. 895 kg. ) soit le 58, 6% du rendement total moyen s'élevant à 295. 697 kg. (les chiffres moyens ont été calculés pour la période 1917-1965). Les voraces forment la deuxième catégorie de poissons recherchés (perche : 56.384 kg. ; brochet : 8.537 kg. ; truite : 8. 049 kg. ; omble-chevalier : 1. 060 kg. ; ombre de rivière : 3 kg. ); ils constituent un apport moyen de 74. 033 kg. , c'est-à-dire le 25% du rendement annuel moyen. Les autres poissons figurant dans la statistique sont nommés "poissons blancs" ou "blanchaille" et leur valeur économique est faible ou nulle. Bien que peu recherchés, ils fournissent un tonnage moyen de 48. 521 kg. équivalant au 16, 4% du total annuel moyen. A titre indicatif, voici les rendements annuels moyens de ces poissons : lotte : 1. 836 kg. ; vengeron : 28. 781 kg. ; carpe : 1. 408 kg. ; brème et platelle : 13. 904 kg. ; tanche et rotengle : 1. 927 kg. ; nase : 338 kg. ; chevaine : 98 kg. ; anguille : 100 kg. ; silure : 44 kg. ; barbeau : 79 kg. En raison du pourcentage élevé des corégones, le mouvement général de la courbe du rendement total dépend avant tout de la pêche de ces poissons. Pour 100 kg. de corégones, il y a en moyenne 72 kg. de bondelles et 28 kg. de palées (Quartier : -in : Bull. Soc. neuch. de Géographie, p. 11). La comparaison entre les deux graphiques (fig. 4 et 6) nous montre en effet qu'à quelques exceptions près, les maxima et les minima de la courbe du rendement total correspondent aux 55. quantités de corégones capturés. Dans plusieurs cas, le tonnage des bondelles compense dans une certaine proportion un faible poids de palées et réciproquement. La courbe du rendement total {fig. 4) se développe selon des paliers successifs qui méritent quelques commentaires. Ces paliers correspondent aux années 1917 à 1921, 1922 à 1929, 1930 à 1939, 1940 à 1945, 1946 à 1955 et 1956 à 1965. - de 1917 à 1921 : ainsi que nous l'avons signalé plus haut (p. 52), cette période représente vraisemblablement le rendement de la pêche depuis l'introduction des filets filochés à la machine, à l'époque de la navigation à rame et à voile. Cette période est toute- fois trop courte pour avoir une signification réelle et elle comprend deux années de guerre; nous nous bornerons à constater que le ren- dement total moyen est inférieur à 200. 000 kg. par année. - de 1922 à 1929 : la hausse s'explique par l'introduction du moteur hors-bord. Grâce à ce mode de propulsion, les pêcheurs se dépla- cent plus rapidement et peuvent employer un plus grand nombre d'engins. - de 1930 à 1939 : l'accroissement du rendement observé dès 1930 tient essentiellement à l'introduction d'un nouveau mode de pêche de la bondelle : la pêche "de lève". Le tonnage des bondelles pas- se de 107. 184 kg. en 1929 à 157. 824 kg. en 1930 dont 27. 589 kg. ont été capturés avec des filets flottants du 22 juillet au 30 septem- bre. Les essais effectués du 29 juillet au 3 septembre 1929 avec ces filets avaient rapporté 15. 372 kg. L'apport des différents mo- des de pêche de la bondelle apparaît à la fig. 9. Quant à la légère hausse enregistrée en 1931, elle tient à l'accroissement considé- rable du nombre des pêcheurs professionnels cette année-là (325 en 1930, 476 en 1931, 306 en 1932. A ce propos, voir p. 94). - de 1940 à 1945 : cette période ne peut être comparée à aucune autre en raison des circonstances politiques. En 1940, la plupart des pêcheurs ont revêtu l'uniforme; il est difficile de se procurer de l'essence et des filets neufs. Les pêcheurs qui ne sont pas mobilisés ne parviennent que difficilement à écouler leur marchan- dise car les hôtels et les restaurants manquent de clientèle et l'ex- portation est devenue impossible. Jusqu'à un certain point, la sta- tistique de 1940 pourrait être rapprochée de celle des années 1917 et 1918. Dès 1941, l'Armée accorde des congés aux pêcheurs et leur achète du poisson, en particulier de la brème et du venger on qui sont bon marché. Par ailleurs, les restrictions frappant les importations de poissons étrangers - poisson de mer en particulier - et l'introduction des "jours sans viande" favorisent l'activité des pêcheurs. Le poisson n'est en effet pas soumis au rationnement. Le nombre des pêcheurs professionnels passe de 305 en 1940 à 470 en 1943, 409 en 1944 et 423 en 1945. 56. - de 1946 à 1955 : la pêche reprend son cours normal et les résultats de cette période sont comparables à ceux obtenus avant 1939. Le nombre des pêcheurs s'abaisse progressivement (409 en 1946, 316 en 1955). La hausse qui s'amorce en 1949 est liée à l'accroissement du rendement de la bondelle, de la palée (en 1951), de la perche et d'un "poisson blanc" le gardon, plus connu sous le nom de vengeron et que les consommateurs ont pris l'habitude de manger en filets pendant la guerre. A propos de la bondelle, signalons les expérien- ces réalisées en 1953 avec des filets dits "alLégés" (p. 201). Ces essais ont permis la capture de 1. 612 kg. de bondelle; ce mode de pêche sera introduit en 1954 où il produit 16. 775 kg. (fig. 9) de bondelles. Dès 1953 par contre, la pêche de la palée au grand filet devient déficitaire (29.642 kg. en 1952; 13.406 kg. en 1953). Le rendement de ce poisson augmente dès 1955, mais grâce aux filets "de lève" (11. 704 kg. en 1954; 28. 069 en 1955). - de 1956 à 1965 : dès 1956, la courbe s'élève d'une manière extra- ordinaire pour atteindre un maximum absolu en 1958 (556. 403 kg. ). Ce chiffre record est dû à l'introduction des filets synthétiques dont presque tous les pêcheurs se sont équipés. En 1957 et 1958, la pêche de la palée "de lève" et celle de la bondelle "de fond" dépassent tous les résultats obtenus précédemment; seule la bondelle fournira un tonnage supérieur en 1959. En raison des faibles captures de palées réalisées à l'aide du grand filet, les pêcheurs abandonnent de plus en plus cet engin. Alors que 53 pêcheurs pratiquaient cette pêche en 1946, il n'en reste que 21 en 1956 et 11 en 1965. Nous parlons de cet abandon dans le chapitre consacré à cet engin (p. 151) et le lec- teur voudra bien s'y rapporter. Il est difficile d'expliquer pourquoi les palées ne se laissent plus capturer par le grand filet; d'après les pêcheurs, ce phénomène serait lié à la prolifération des brèmes provoquée par la pollution. Comme les palées craignent les brèmes, elles auraient peut-être changé de niveau pour échapper à ces pois- sons. Il convient toutefois de remarquer que, pour des raisons in- connues, le rendement de la palée en général est tombé depuis 1958. L'introduction des filets synthétiques ne joue ici aucun rôle puisque, comme l'écrit M. A. Quartier, "il est tout à fait certain que les palées n'ont jamais été surpêchées" (commentaire à la statistique 1964). La pêche de la palée a augmenté en 1965; cela pourrait indi- quer que le "cheptel" est en train de se reconstituer, mais il n'en reste pas moins que la pêche au grand filet donne des résultats in- férieurs à celle "de lève" alors que ces modes de pêche fournis- saient des résultats inverses avant 1953. Il paraît vraisemblable que ce phénomène soit lié à la pollution du lac mais, à notre con- naissance, rien ne permet encore de le prouver. D'après M. A. Quartier, la pêche de la palée semble obéir à un cycle de 7 à 8 ans, ce qui expliquerait les grandes fluctuations du rendement de cette pêche, mais ne justifie cependant pas les faibles résultats obtenus au grand filet. Notons enfin les excellents résultats obtenus en 1963 et 1964 pour la pêche de la perche; ils sont dus à l'autorisation 57. accordée aux pêcheurs d'utiliser chacun 4 filets synthétiques à mailles de 26 mm. Bien que le rendement de ce poisson ait été moindre en 1965, remarquons que le tonnage (89. 202 kg. ) est malgré tout supé- rieur à la moyenne (56. 384 kg. ). Dans notre commentaire, nous n'avons pas parlé des captu- res effectuées par les pêcheurs amateurs en raison du rendement relativement faible de ces pêches. Les résultats obtenus par ces pêcheurs sont compris dans les totaux indiqués dans les statistiques élaborées par l'Inspectorat de la pêche du canton de Neuchâtel ; le détail de la pêche amateur ne figure que rarement dans ces docu- ments. Cependant, comme nous le signalons ailleurs (p. 97), l'ac- tivité déployée par ces "petits pêcheurs" est la cause d'un malaise assez sérieux que les autorités ont tenté d'aplanir en introduisant une clause particulière dans le Règlement d'exécution du Concordat de 1958. On lit en effet à l'article 8 : I Sous réserve des exceptions autorisées par les cantons en cas de concours de pêche, les titulaires de permis de 2ème ou de 3ème classe ne peuvent capturer plus de cent poissons par jour. " A titre d'exemple, nous reproduisons quelques chiffres con- cernant les pêches pratiquées par les amateurs. Avant l'entrée en vigueur du Concordat de 1958, les titulaires d'un permis de 5ème à 7ème classe n'étaient pas tenus de fournir de relevés statistiques. Comme ces pêcheurs avaient le droit de pêcher à la gambe (pour la perche), il est évident que les chiffres indiqués sont très inférieurs à la réalité. Depuis 1958, tous les amateurs doivent remplir les formules de statistiques remises par les services responsables, mais uncertain nombre d'entre eux s'abstiennent de retourner ces documents. II convient donc déconsidérer avec prudence les chiffres ci-dessous. Année Perche (en kg. ) Brochet (en kg. ) Truite (en kg. ) Amateur Total Amateur Total Amateur Total 1946 4.152 64.766 4.215 8. 925 1.409 7. 570 1947 4.712 49.235 3. 157 14.325 1.524 5. 933 1951 8. 350 53.406 2.697 12.909 1. 755 10.079 1953 6.075 58.202 4. 366 8. 935 2. 393 7. 121 1956 7.321 40.850 1.650 5.053 2. 188 8. 325 1959 7. 389 90.455 3. 691 7. 209 3. 169 11.222 1961 11.114 59.974 1.483 8.496 4. 107 14.440 1964 37.000 333.988 5. 900 11.105 4.850 14.697 1965 14.239 89.202 699 13.730 2.453 12.009 58, Année Nombre de permis de pêche amateur Rendement de la pêche amateur (perche, brochet truite) Poids moyen par permis kg. 9. 776 9. 393 13,7 10,7 12.800 9,1 13.419 8,8 11.159 6,5 14.249 12 16.704 11,4 47. 750 17.391 19,5 8,6 1946 713 1947 875 1951 1.404 1953 1.515 1956 1.713 1959 1. 189 1961 1.459 1964 2.445 1965 2.015 Année Rendement de la pêche Rendement total % de la pêche amateur et professionnelle de la pêche amateur par (perche, brochet, truite) rapport au ren- dement total 1946 83.467 1947 69.493 1951 76.394 1953 74.258 1956 54.208 1959 108.886 1961 82.910 1964 359.790 1965 114.941 295.006 309.706 3,3 3 336.449 3,8 340.977 3,9 359.577 3,1 540.014 2,6 370.677 4,5 468.184 227.154 10,2 7,6 % moyen : 4, 7 59. Bien que cette série de chiffres ne soit pas suffisamment longue pour nous autoriser à tirer des conclusions définitives, elle nous permet toutefois de formuler quelques remarques à propos de la pêche pratiquée par les amateurs. Comparé au rendement total, celui de la pêche amateur ne représente qu'un faible pourcentage, en dépit de l'extension que ce sport a connue depuis une vingtaine d'années. Comme les titu- laires d'un permis de 5ème à 7ème classe (avant 1958) n'étaient pas tenus de fournir un relevé annuel de leurs captures et que les détenteurs d'un permis de 4ème classe communiquaient des chif- fres inférieurs à la réalité - ce qui est probablement toujours le cas des porteurs d'un permis de pêche amateur - les pourcentages doivent être augmentés. En les doublant, on obtient une moyenne de 9,4%; ce chiffre reste bas puisqu'il représente l'apport de 1481 amateurs (chiffre moyen) face à 248 professionnels (chiffre moyen) pour les neuf années considérées. Le pêcheur amateur n'est autorisé à utiliser que des lignes équipées d'hameçons et il ne peut manoeuvrer à la fois qu'une gam- be ou 3 (en moyenne) lignes tramantes pour des raisons pratiques. ^Nous excluons ici les titulaires d'un permis de "petite pêche" (3ème classe) parmi lesquels figuraient plusieurs professionnels âgés; le rendement de leur pêche est inclus dans celui de la pêche professionnelle; par ailleurs ce permis a été supprimé en 1958). Le nombre d'engins utilisés par un amateur est donc plus constant que le nombre de filets tendus par un pêcheur professionnel, c'est pour- quoi le tonnage obtenu par les amateurs est vraisemblablement plus étroitement lié au nombre de permis délivrés que ce n'est le cas pour le rendement de la pêche professionnelle. Il apparaît cependant que le poids moyen par permis varie assez fortement. A notre avis, cette variation tient aux faits suivants : 1. notre série statistique est trop courte pour calculer des moyennes valables; 2. les chiffres utilisés sont certainement plus éloignés de la réalité que ceux dont nous disposons pour la pêche professionnelle (ab- sence de relevés de la part des porteurs d'un permis de 5èmeà 7ème classe); 3. nous ignorons combien d'amateurs pratiquent soit la traîne, soit la gambe ou ces deux modes de pêche, ainsi que la fréquence de leurs pêches; 4. de mauvaises conditions météorologiques peuvent entraîner une baisse de rendement puisque les pêcheurs amateurs n'ont pas besoin d'affronter le mauvais temps pour gagner leur vie; 60. 5. la notion de "quantité pêchable" (p. 48) entre aussi en ligne de compte, Ces raisons expliquent également pourquoi les quantités de perches, de brochets et de truites pêchées par les amateurs ne sont pas proportionnelles aux résultats obtenus par les pêcheurs profes- sionnels dans la pêche de ces poissons. Toutefois, même si les données disponibles ne nous permet- tent pas de dégager de conclusions nettes, il convient de souligner que la pêche amateur a pris une extension considérable, depuis une quinzaine d'années surtout. L'apport de cette pêche à la production annuelle totale reste faible mais les chiffres que nous rapprochons ne sont en réalité pas comparables, car les amateurs ne pèchent que durant les beaux mois de l'année. C'est surtout en été qu'on peut observer de véritables essaims de bateaux occupés par des gambeurs au-dessus des bancs de perches; c'est également à cette saison que les touristes sont les plus nombreux. La vente de filets de perche ne représente qu'un appoint dans les revenus des amateurs qui peuvent écouler leur marchandise à des prix inférieurs (jusqu'à 50%)àceux pratiqués par les professionnels. Quand la gambe "donne" bien, les pêcheurs de profession rencontrent de grandes difficultés à vendre leur poisson car les restaurateurs préfèrent s'approvisionner auprès des amateurs pour des raisons faciles à comprendre. Le ressentiment des professionnels s'explique donc aisément et l'autorisation accordée aux amateurs de pêcher le dimanche à une époque où les pêcheurs pro- fessionnels n'ont pas le droit de relever de filets ce jour-là (entre le 1er mai et le 30 septembre) ne fait qu'accroître la tension qui règne entre ces deux catégories de pêcheurs. La limite de 100 poissons par jour imposée aux pêcheurs amateurs semble avoir porté des fruits, mais chacun se rend compte combien il est difficile de contrôler effi- cacement l'application de cette mesure. Enfin, les pêcheurs profes- sionnels capturent souvent des poissons blessés par les engins des amateurs; ils retrouvent des cuillers dans leurs filets et ces derniers sont fréquemment déchirés par les hameçons des amateurs. Ces in- cidents ne favorisent pas l'apaisement des esprits. Le pêcheur professionnel gagne péniblement sa vie chaque jour et il ignore ce que la pêche du lendemain lui réserve; son mé- tier l'incite à vivre au jour le jour et il n'est guère enclin à tenir compté d'une statistique annuelle. A ses yeux, le fait que les pê- cheurs amateurs produisent le 5 ou le 10% du total n'a guère de signi- fication; le marchandage ou le refus d'un client habituel, des filets déchirés, l'encombrement momentané du marché par des concurrents salariés importent davantage. Le malaise actuel est compréhensible et ü est certain que les autorités devront prendre rapidement de nou- velles mesures restrictives à !'encontre des pêcheurs amateurs. 61. Le rendement de quelques pêches particulières Le détail du rendement obtenu au moyen de différents engins ou modes de pêche figure parfois dans les statistiques officielles; il nous a donc été possible d'établir trois graphiques différents : 1. la pêche de la bondelle "de fond", "de lève" et de "demi-lève" (ou pêche aux filets allégés); 2. la pêche de la palée au grand filet, "de lève" et de pisciculture; 3. la pêche de la perche aux berfous. Comme nous l'avons indiqué plus haut, divers facteurs dé- terminent le rendement de la pêche, mais leur rôle n'est pas connu avec précision. Il n'est par conséquent pas toujours possible de dé- terminer avec certitude les raisons des hausses ou des baisses de rendement, et cela d'autant plus que les facteurs énumérés n'agis- sent pas isolément et d'une manière directe. Un certain empirisme préside à l'administration de la pêche car le lac recèle encore de nombreux mystères. De plus, des restrictions sont parfois imposées pour éviter l'encombrement du marché, ou les pêcheurs professionnels sont au contraire invités à produire davantage parce que la demande aug- mente. Les fluctuations du marché, en partie liées au tourisme es- tival, jouent donc également un certain rôle dans le rendement an-, nuel de la pêche. Du fait que l'on ignore le nombre des engins qui ont permis la capture des quantités de poisson représentées par nos graphiques, ceux-ci ne constituent pas une illustration de l'efficaci- té des engins ou des modes de pêche en question. Ces courbes re- présentent l'apport des différentes techniques utilisées pour la pêche de certains poissons. 1. La pêche de la bondelle (fig. 9) La bondelle a toujours été pêchée au moyen de filets de fond (dormants) (p. 169 et suiv. ); on la pêche également à l'aide de filets "de lève" (flottants) (p. 172 et suiv. ) depuis 1929 et avec des filets allégés (p. 201) depuis 1953. Notre graphique commence en 1929, puisque seuls les filets de fond étaient utilisés auparavant; le ren- dement obtenu de 1917 à 1928 apparaît sur la fig. 6. La pêche de fond, qui se pratique toute l'année (exception faite de la période de protection. Voir p. 34), est de loin la plus importante (123.895 kg. par année en moyenne (moyenne 1917/ 1965)); elle détermine donc le rendement total de ce poisson et, dans une large mesure, le rendement total de la pêche dans notre lac. 62. La pêche de lève représente toutefois un apport relativement important (17. 851 kg. par année en moyenne (moyenne 1929/1960)). Elle se pratique en été et en automne et peut causer une surproduc- tion de bondelles en été. Comme les Concordats ne prévoient que la pêche de lève avec des filets à mailles de 50 mm. au minimum (pour la palée), la "lève aux bondelles" est une pêche extraconcor- dataire régie par des arrêtés spéciaux (p. 199), car elle nécessite l'emploi de filets à petites mailles (32 à 34 mm. ). Elle n'est pas autorisée chaque année - ce qui explique les ruptures de notre cour- be - et "ses modalités (nombre d'engins autorisés, durée, etc. ) varient d'une année à l'autre, ceci de façon arbitraire" (Quartier ; in : Bull. Soc. neuch. de Géographie, p. 12). Précisons que la pêche de lève a produit 12. 186 kg. de bondelles en 1960; ce chiffre est représenté par un point sur notre graphique, car cette pêche n'a pas été autorisée entre 1957 et 1959. Pour 1961, la statistique indi- que 32.150 kg. mais il s'agit de la production de la pêche de lève et de demi-lève, c'est la raison pour laquelle ce résultat n'est pas représenté. Les modalités de la pêche de lève étant fixées chaque année, on comprend pourquoi son rendement est beaucoup plus irrégulier que celui de la pêche de fond. Nous n'avons malheureusement pas retrouvé les instructions données aux pêcheurs en 1934; ces indica- tions auraient sans doute permis d'expliquer l'extraordinaire tonna- ge obtenu cette année-là (74. 000 kg. ). Le nombre de pêcheurs ne peut être invoqué puisqu'il y en avait 346 en 1934, soit 8 de plus qu'en 1935 où cette pêche n'a rapporté que 10. 511 kg, Il est toutefois curieux de constater qu'en 1934, la pêche de fond n'a fourni que 77. 258 kg. Ce chiffre est nettement inférieur aux captures effectuées entre 1922 et 1928 où seule cette pêche était pra- tiquée (fig. 4). M. A. Quartier ayant démontré que, pour des raisons inconnues, le rendement de la pêche de fond a baissé en janvier après le frai depuis l'introduction de la pêche de lève (Bull. Soc. neuch. de Géographie, p. 15), nous serions tenté de dire que les bondelles non- capturées "de fond" en début d'année le sont "de lève" en été et en automne. Ce n'est là qu'une hypothèse; mais la notion de "quantité pêchable" (p. 48) étant admise, il est remarquable qu'à plusieurs reprises, le rendement de la pêche de fond s'abaisse nettement lors- que celui de la pêche de lève s'élève et réciproquement. La pêche aux filets allégés ou "demi-lève" qui se pratique avec des filets à petites mailles (28 mm. ) est une innovation récente. Elle a été autorisée huit fois (en 1953, 1954, 1955, 1956, 1958, 1959, 1960 et 1961) mais nous ne connaissons pas le résultat obtenu en 1961 puisque la statistique ne donne qu'un chiffre global (32.150 kg. ) pour la pêche de lève et de demi-lève. Il s'agit également d'une pêche extraconcordataire (p. 201); elle est autorisée au printemps et en automne et son rendement est déterminé dans une large mesure par les arrêtés spéciaux qui en fixent les modalités. 63. Le petit nombre de chiffres dont nous disposons pour la pêche aux filets allégés, rend difficile l'appréciation de l'effi- cacité de ce procédé. Les bons résultats obtenus en 1958 et 1959 sont probablement dûs à l'interdiction qui a frappé la pêche de lève ces années-là. Cette dernière a toutefois été à nouveau autorisée en 1960 et le rendement de la demi-lève n'en a pas été affecté (1960 : 12. 186 kg. à la lève; 11. 377 kg. à la demi-lève). Le rendement moyen de la pêche aux filets allégés s'élève à 2.560 kg. (moyenne 1953/1960). 2. La pêche de la palée (fig. 7) De janvier à fin mai, la palée est pêchée au grand filet (p. 153). On la capture avec des filets flottants (de lève) (p. 172 ) de juin à fin septembre et pour les besoins de la pisciculture, de mi-novembre au début de janvier (p. 202 ). Le Concordat de 1903 a imposé aux cantons intéressés de pourvoir "au réempoissonne- ment du lac en installant chacun sur son territoire les établisse- ments de pisciculture jugés nécessaires ..." (art. 4). Notre graphique illustre le rendement de ces trois modes de pêche de 1944 à 1965; le rendement obtenu auparavant figure dans l'étude de M. A. Quartier : La pêche dans le lac de Neuchâ- tel (-in : Bull. soc. neuch. Gëogr. ). Au sujet de l'importance rela- tive de ces trois modes de pêche, l'auteur indique que "le 56% est péché au moyen du grand filet, le 27% au moyen des filets flottants et le 17% sous forme de palées de pisciculture " (p. 21). Un rapi- de examen de notre graphique montre que ces proportions se sont considérablement modifiées. Comme chaque pêcheur ne peut employer qu'un grand filet, il paraîtrait logique que le rendement de cette pêche soit condition- né par le nombre d'engins utilisés chaque année. Le tableau suivant prouve qu'il n'en est rien. Année Nombre de pêcheurs au Rendement de la pêche au grand filet grand filet kg. de palée 1944 39 52.500 1945 41 65.192 1946 53 43.028 1947 47 26.187 1948 44 31.265 1949 37 24.532 1950 37 36.138 1951 27 29.706 64. 1952 29 29.642 1953 29 13.406 1954 25 10.555 1955 21 16.356 1956 21 9.002 1957 25 22.234 1958 20 26.199 1959 16 36.020 1960 15 15.732 1961 14 14.472 1962 13 13.795 1963 11 3. 865 1964 7 820 1965 11 3. 912 Le rendement de cette pêche n'est donc pas directement lié au nombre de pêcheurs qui la pratiquent; il dépend d'autres facteurs encore mal connus. La baisse générale enregistrée de- puis 1958 (fig. 6) reste en grande partie inexplicable. Les éléments suivants doivent toutefois être pris en considération. 1. Les pêcheurs qui acquièrent le droit de pêcher au grand filet n'emploient pas tous cet engin de janvier à fin mai; certains l'abandonnent même complètement après quelques essais in- fructueux et se livrent à d'autres pêches. Le nombre de per- mis vendus ne reflète donc pas nécessairement le nombre de grands filets effectivement employés durant une période donnée. 2. Un lac trop agité empêche les pêcheurs de pratiquer cette pêche. 3. Après un hiver froid, les palées se tiennent dans les couches profondes du lac et ne remontent au niveau atteint par le grand filet (40 à 60m. env. ) qu'à la fin de la période durant laquelle l'usage de cet engin est autorisé. C'est pourquoi des prolonga- tions sont fréquemment accordées au mois de juin. 4. Depuis 1958 environ, la prolifération de poissons blancs (brèmes en particulier) provoquée par la pollution semble exercer une certaine influence sur le niveau tenu par les palées. Les pêcheurs ont observé que les palées fuient les brèmes; ces deux espèces ne se mélangent pas dans le sac du grand filet. On peut considérer deux périodes successives dans l'his- toire de la pêche au grand filet au cours de ces vingt-et-une der- nières années : 1. de 1944 à 1955 : comme par le passé, les pêcheurs utilisent des grands filets de coton; le maniement de cet engin nécessite le concours de quatre hommes, mais le recrutement des 65. ouvriers est de plus en plus difficile. Le nombre des titulaires d'un permis de grand filet s'abaisse de moitié; cette diminution tient vraisemblablement au fait que cette pêche est toujours moins productive puisque le rendement n'est pas proportionnel au nombre de permis. La pêche au grand filet est pénible et coûteuse, son rendement doit être bon pour qu'il vaille la peine de la pratiquer. Au-delà d'une certaine limite cependant, la diminution du nombre de pêcheurs a entraîné une chute de ren- dement. Dès 1953, les résultats obtenus au grand filet sont in- férieurs à ceux produits par la pêche de lève et aux tonnages moyens calculés depuis 1917. Dans son commentaire à la sta- tistique de 1956, M. A. Quartier écrit : "voici maintenant 4 ans que cette pêche est déficitaire, il est difficile de savoir pourquoi : cela ne peut pas tenir à la diminution des palées puisque les autres modes de pêche donnent des résultats satis- faisants ainsi que le montre le fort dépassement de la moyenne réalisé par la pêche au moyen de filets de lève et par la pisci- culture. Il est incompréhensible que durant la première partie de l'année on n'arrive pas à capturer les palées alors qu'à par- tir de juin les pêches sont nombreuses et abondantes. " (Le ren- dement de la pêche dans le lac de Neuchâtel en 1956. Neuchâtel 1957, p. 2). 2. de 1956 à 1965 : cette deuxième période voit l'introduction des filets en fibre synthétique. Cette innovation explique le fort rendement des pêches de lève et de pisciculture souligné par M. A.. Quartier, elle influence également la pêche au grand filet. En raison de son imperméabilité et, par voie de conséquence, de son moindre poids, le grand filet synthétique peut être manié par deux hommes seulement. Toutefois, bien que le problème de la main-d'oeuvre ne constitue plus un obstacle majeur, le nombre de pêcheurs continue à diminuer après une hausse passagère en 1957. Le rendement de la pêche au grand filet augmente de 1956 à 1959 et retombe ensuite pour atteindre un minimum absolu en 1964. Il accuse une légère hausse en 1965; on serait tenté d'attri- buer cette amélioration au nombre des pêcheurs ayant pratiqué la pêche au grand filet : onze pêcheurs ont capturé 3. 912 kg. de palée et ce résultat est égal, à quelques kilos près, à celui obte- nu par le même nombre de pêcheurs en 1963. La pêche de lève n'appelle pas de longs commentaires. Alort que son rendement avait toujours été inférieur à celui de la pêche au grand filet, ce mode de pêche est devenu le plus productif depuis l'apparition des filets synthétiques aux alentours de 1955, l'année 1959 mise à part. Nous ignorons pourquoi la pêche de lève a donné de meilleurs résultats que le grand filet en 1953 et 1954. La hausse de rendement due à l'adoption des filets synthéti- ques est nette (nous avons constaté le même phénomène à propos de 66. la pêche des autres poissons, p. 56) et l'on serait tenté d'y voir la cause de la baisse constatée dans la pêche au grand filet (la "quan- tité pêchable" de palées étant alors pêchée de lève dans une plus grande proportion). Bien que cette explication soit peut-être vala- ble pour les années 1955 à 1958, force nous est de reconnaître que les deux courbes s'abaissent dès 1958 - 1959. Par rapport au tonnage moyen des palées pêchées de lève (15. 763 kg. (moyenne 1917/1963)), ce mode de pêche est déficitaire depuis 1963 et on ignore pourquoi. De l'avis de M. A. Quartier : "il faudra voir en 1965 comment se comportent les palées avant de pouvoir dire si elles sont elles aussi victimes de facteurs qui nous échappent, car il est tout à fait certain que les palées n'ont jamais été surpêchées". (Le rendement de la pêche dans le lac de Neuchâ- tel en 1964. Neuchâtel 1965. p. 2). En 1965, le rendement des trois modes de pêche de la palée (grand filet, de lève et de pisciculture) a légèrement augmenté mais le tonnage total reste au-dessous de la moyenne. La pêche des reproducteurs ou "pêche de pisciculture", entre dans la catégorie des pêches extraconcordataires (p. 202). Les mo- dalités de cette pêche varient donc d'une année à l'autre, ce qui expli- que, dans une large mesure, l'irrégularité de son rendement. L'in- troduction des filets synthétiques a eu des effets semblables à ceux relevés à propos des autres pêches. Signalons que cette pêche peut être considérablement entravée par les forts vents de novembre et de décembre qui empêchent les pêcheurs de quitter leur port. Le rendement moyen (1917/1965) de cette pêche s'élève à 10. 156 kg. ; elle constitue un apport non-négligeable pour les pêcheurs. 3. La pêche de la perche aux berfous (fig. 8) Le rendement obtenu au moyen de certains engins ne figure pas régulièrement dans les statistiques officielles. Les chiffres re- latifs à la pêche aux berfous y apparaissent pour les années 1925 à 1938 et 1941 à 1942. La représentation graphique des tonnages pêches avec cet engin nous a paru intéressante, car le nombre de berfous accordés aux pêcheurs est fixé par les Concordats. Rappelons que l'usage de ce piège à poissons (p. 222) était interdit du 15 avril au 31 mai par le Concordat de 1916, déjà en vigueur au début de la période repré- sentée sur notre graphique. Cette interdiction a été levée en 1925 et les titulaires d'un permis de 2ème et de 3ème classe furent dès lors autorisés à utiliser chacun 25 berfous; le Concordat de 1936 a confirmé cette décision. 67. Le nombre de berfous tendus chaque année du 15 avril au 31 mai est donc proportionnel au nombre de permis vendus. On peut objecter que les pêcheurs n'ont pas tous utilisé les 25 berfous auxquels ils avaient droit, mais il est impossible de savoir com- bien d'engins ont été tendus chaque jour. Il est toutefois certain que la grande majorité des pêcheurs ont employé des berfous car le nombre et le type des autres engins autorisés au printemps était alors très limité (p. 27). La réintroduction du berfou pour la pêche de la perche permettait donc aux pêcheurs de compen- ser la baisse de production qui leur était imposée par la loi, et on ne voit pas pourquoi ils n'auraient pas profité au maximum de cette autorisation. Permis de Total des Nombre max. Rendement de la perche Année 2me cl. 3me cl. permis de berfous aux berfous total 1925 170 122 292 7. 300 5.669 25,778 1926 173 135 308 7. 700 6. 144 20.611 1927 179 132 311 7. 775 9.472 28.439 1928 180 126 306 7.650 8. 617 28.399 1929 205 133 338 8.450 6.215 36.627 1930 289 137 426 10.650 7. 876 46,921 1931 437 110 547 13.675 15. 367 48.108 1932 270 116 386 9.650 5.554 49. 117 1933 291 102 393 9.825 12.337 46.432 1934 318 95 413 10. 325 6.452 34.283 1935 299 100 399 9. 975 13. 300 46,332 1936 224 114 338 8.450 11.341 49.720 1937 258 117 375 9. 375 7.289 37,500 1938 330 49 379 9.475 env. 6. 000 24,304 1941 312 ? ? ? 6. 700 21.155 1942 372 32 404 10. 100 6. 562 27. 227 De l'étude de ce tableau , il résulte que : 1. la relation entre le nombre des permis (donc le nombre des berfous) et le poids des perches capturées avec ces engins n'est pas constan- te; 2. la quantité de perches pêchées au moyen des berfous n'est pas pro- portionnelle au rendement total de ce poisson. Une "bonne année à perches" n'apporte pas nécessairement de bons résultats avec les berfous. 68. Bien qu'il soit difficile de préciser les raisons de ces va- riations - tous les facteurs signalés à propos du rendement total (fig. 4) entrent en ligne de compte - nous pensons que les condi- tions de frai jouent également leur rôle dans le rendement de cette pêche. La perche se reproduit sur les hauts-fonds littoraux de mi- avril à fin mai; c'est un vorace qui se nourrit de ses propres oeufs et de ceux déposés par les "poissons blancs" qui frayent à la même époque et aux mêmes endroits. Comme les berfous sont tendus dans les frayères, leur rendement est vraisemblablement lié aux circons- tances de la reproduction. D'après M. E. Dottrens, "l'acte de ponte ne semble déclenché que par le réchauffement printanier" (Les pois- sons d'eau douce, vol. l.p. 118). Quant à M. A. Quartier, quia étudié le rendement de la pêche en avril (La pêche dans le lac de Neuchâtel en avril 1944. -in : le Pêcheur et le Chasseur suisses. 1ère année, No. 3, 1944, p. 259), il écrit : "il se peut que la perche se fasse plus volontiers prendre par les beaux mois d'avril", mais il signale dans son étude que le mois d'avril 1933 fut assez chaud, le mois d'avril 1935 plutôt froid et le mois d'avril 1936 froid et notre graphique montre que le rendement de cette pêche fut élevé ces années-là. On peut donc admettre que si le facteur température dé- termine la ponte, il ne joue pas un très grand rôle sur la pêche. Le niveau du lac paraît exercer une influence plus nette sur le rendement des berfous. M. A. Quartier a montré que la pêche du brochet, qui fraye également dans les bords à cette saison, était bonne lorsque le lac était haut ou en hausse en avril (Le lac de Neu- châtel. p. 156). De la comparaison entre la courbe du niveau du lac en avril, publiée par cet auteur et notre graphique de la pêche aux berfous, il ressort également que la pêche de la perche est généra- lement meilleure lorsque le lac est haut. Quelques exceptions (1933, 1934 et 1937) demeurent toutefois inexplicables; on remarquera aussi sur la fig. 6 que les courbes représentant le rendement de la perche et du brochet ne suivent pas toujours le même mouvement. Conclusions Force nous est de constater qu'il est très difficile d'émettre des règles générales à propos du rendement de la pêche. Les ré- sultats sont certes conditionnés par le nombre de pêcheurs, mais dans une certaine limite seulement, et il est impossible de connaî- tre le nombre d'engins réellement utilisés. Les conditions météo- rologiques et limnologiques semblent exercer une certaine influence sur la pêche, mais les observations qu'on peut faire à propos d'un poisson ne sont pas confirmées par l'étude du rendement d'un autre poisson. Le jeu des facteurs susceptibles d'influencer le rendement de la pêche est si complexe qu'aucun élément ne nous autorise à tirer des conclusions sûres. Le lac recèle encore trop de mystè- res pour que nous puissions répondre de façon satisfaisante à toutes les questions qui se posent. Cela provient probablement d'une part de la trop courte durée des observations et, d'autre part du changement perpé- tuel des conditions de la pêche, soit : nombre de pêcheurs et d'engins, conditions météorologiques, pollution, etc. Ces phé- nomènes, éminemment variables et incontrôlables, ne nous permettent que de formuler des simples conjectures; il paraît difficile de parvenir à de véritables conclusions, puisque les conditions mêmes de l'observation changent continuellement. 70. LE PRIX DU POISSON (fig. 5) Pour diverses raisons faciles à comprendre, les informa- tions que nous avons pu recueillir au sujet du prix du poisson sont très incomplètes; c'est pourquoi nous ne pourrons guère formuler que des remarques d'ordre général. La pêche pratiquée dans le lac de Neuchâtel est artisanale et individuelle; nombre de pêcheurs assurent eux-mêmes l'écoule- ment de leur marchandise et le système de vente adopté varie se- lon les endroits. Dans les localités d'une certaine importance, les pêcheurs vendent généralement leur poisson à un hôtel, à un restaurant ou à un marchand de comestibles, dans la mesure toutefois où les prix pratiqués sur ce marché local sont acceptables. Dans les localités de moindre importance où l'équipement hôtelier ne permet pas un écoulement suffisant (villages sans attrait touristique ou à l'écart des axes routiers importants), les pêcheurs expédient leur poisson à des grossistes, à moins que ceux-ci ne se chargent eux-mêmes du ramassage. C'est ainsi que de grandes quantités de poissons du lac de Neuchâtel sont vendues à Genève par exemple. D'après des informations difficiles à vérifier, des grossistes en comestibles auraient consenti des prêts à certains pêcheurs afin de leur per- mettre de moderniser leur matériel et ceux-ci seraient dans un état de dépendance étroite à l'égard de leurs créanciers. Grâce à l'automobile, le colportage est encore pratiqué, mais plus rarement qu'au début du siècle. A cette époque, la plu- part des pêcheurs n'avaient d'autres possibilités que d'aller de maison en maison - ils confiaient souvent ce travail à leur femme - ou de tenir un éventaire (un "banc") aux marchés hebdomadaires ou bi-hebdomadaires dans les localités proches du lac. Les pê- cheurs de la rive sud visitaient les fermes de leur région de do- micile et participaient aux marchés de Fribourg, Bulle, Yverdon et Neuchâtel. L'écoulement du poisson était surtout difficile dans les villages catholiques où l'on ne consomme guère du poisson que le vendredi. Le commerce entrepris par les marchands de comes- tibles, aux alentours de 1900, apporta une aide considérable à ces pêcheurs. Pour les pêcheurs de la rive nord, les possibilités d'écoulement à Neuchâtel et dans l'arrière-pays (La Chaux-de- Fonds, Le Locle, etc. ) étaient satisfaisantes; ils n'avaient donc pas à traverser le lac comme leurs confrères. Les pêcheurs du lac de Neuchâtel ne sont pas organisés dans le domaine de la vente; ils ne le sont guère plus dans les autres secteurs de leur activité. Il est probable que leur nature 71. foncièrement indépendante soit un obstacle à la constitution de grou- pements professionnels homogènes. Les intérêts divergents l'em- portent sans doute sur les intérêts communs et l'action syndicale est peu efficace. Une coopérative pour le fumage des bondelles a été organisée en 1956 sous l'impulsion de M. A. Quartier, inspecteur de la pêche du Canton de Neuchâtel. Ce procédé, qui consiste à étuver et à fu- mer à chaud les poissons avec du bois de hêtre, est régulièrement utilisé par les pêcheurs des lacs autrichiens du Salzkammergut. L'expérience fut concluante et un magasin à succursales multiples assura la vente des bondelles fumées. Malheureusement, le fumage dû être interrompu en 1963 à cause du manque de bondelles (p. 53 ). A propos de la bondelle, il est intéressant de noter qu'au début du XIXe siècle encore "on la salait . . . pour l'expédier au moyen de barques jusqu'à Soleure. Chaque ménage d'une certaine importance, à Auvernier ou dans d'autres localités riveraines, avait en cave sa barrique de bondelles en saumure tout comme l'on y trouverait actuellement des tonneaux de choucroute ou de compote aux raves" (Savoie-Petitpierre, -in : BSPP No. 2, 1901, p. 9). En raison de l'absence d'un organisme central de vente, il est difficile de connaître le prix du poisson, et les renseignements obtenus n'ont qu'une valeur relative, car on ignore sous quelle for- me les pêcheurs livrent leur marchandise. Un même pêcheur peut en effet vendre des palées ou des perches entières ou découpées en filets, et les prix demandés sont dès lors très différents. Comme nous le signalons ailleurs (p. 133), les pêcheurs actuels découpent eux-mêmes les filets depuis l'introduction des filets synthétiques; auparavant, ce travail était souvent exécuté par les marchands de comestibles. Pour en savoir davantage sur le prix du poisson, il faudrait consulter les livres de comptes tenus par les pêcheurs et par les marchands de comestibles. Inutile de dire que ces documents sont difficilement accessibles. De 1917 à 1950, les statistiques officielles donnent presque chaque année le prix moyen au kilo des différentes espèces, ainsi qu'un montant global correspondant au tonnage annuel. Ces chiffres sont principalement basés sur les indications des gardes-pêche qui glanent des renseignements au cours de leurs tournées d'inspection; il s'agit donc d'évaluations ne correspondant pas nécessairement à la réalité. Toutefois, comme nous ne disposons pas d'autres sources à ce sujet, nous reproduisons à titre indicatif les chiffres concernant les poissons les plus importants du point de vue économique : la palêe, la bondelle, la truite, la perche et le brochet. Î2 Prix moyen au kg. des principales espèces. Année Palée Bondelle Truite Perche Brochet Fr. Fr. Fr. Fr. Fr. 1917 4,40 3,30 5,60 2.-- 2,80 1918 5,27 3,77 6. 66 2,53 4,08 1919 5,60 3,90 8,14 2,67 4,52 1920 3,95 3,04 7,34 2,45 3,83 1921 3,86 2,64 6,88 2, 14 3,36 1922 3,06 2,17 5,61 1,69 2,40 1923 ? ? ? ? ? 1924 ? ? ? ? ? 1925 3,35 2,45 5,80 1,75 2,30 1926 3,11 2,52 5,73 1,90 3,03 1927 3,63 2,81 5,85 1,90 3,01 1928 3,50 2,49 5,84 2,05 3. -- 1929 3,84 2,50 5,79 2,24 3,48 1930 3,29 2,48 5, 75 1,89 3,32 1931 3,06 2,32 5,86 1, 75 2, 77 1932 2,84 1,88 4,74 1,59 2,81 1933 2,85 1,90 3,69 1,50 2,46 1934 2,30 1,94 4,39 1,59 2,61 1935 2,26 1,90 4,12 1,30 2,02 1936 2,04 1,74 4,08 1,37 2. -_ 1937 2,59 1,92 4,50 1, 52 1,93 1938 2,30 1,88 4,33 1,68 2,22 1939 2,50 1,82 4,30 1,56 2,02 1940 2,61 1,90 4,12 1,57 2,26 1941 3,56 3,08 4,80 2,02 2, 10 1942 3,62 3,32 5,15 2,24 2,47 1943 3,63 3,32 6,06 2, 11 3,15 1944 ? ? ? ? ? 1945 3,80 3,40 6,50 2,50 3,40 1946 ? ? ? ? ? 1947 3,80 3,40 6,50 2,50 3,40 1948 3,45 3,15 6,50 2,30 3,40 1949 3,80 3,40 6,50 2,50 3,40 1950 3,45 3,15 6,50 2,30 3,40 1951 ? ? ? ? ? 73. En dépit de leur valeur relative, on peut admettre que ces chiffre reflètent l'évolution du prix du poisson. Afin d'illustrer ce mouvement, nous avons établi la figure 5 en divisant le montant global donné dans les statistiques par le tonnage annuel, de ma- nière à obtenir pour chaque année un prix moyen au kilo. Préci- sons que ce graphique doit être considéré avec prudence, car divers facteurs sont susceptibles d'influer sur l'amplitude des mouvements de cette courbe. Une forte pêche de "poissons blancs", par exemple, suffit en temps normal à abaisser le prix moyen cal- culé, puisque ces poissons n'ont qu'une faible valeur marchande. En temps de guerre par contre, la brème s'écoule facilement (p. 55) car elle reste un poisson bon marché, bien que son prix augmente dans une certaine mesure et notre prix moyen est faus- sé d'autant. Voici quatre prix moyens concernant la brème : 1918 prix moyen au kilo Fr. 1, 86 1925 0,75 1935 0,70 1942 1,50 Les modes alimentaires jouent également un rôle dans la fixation des prix. A la veille de la première Correction des eaux du Jura, la bondelle se vendait par quarterons de 26 poissons au prix de 50 à 75 centimes le quarteron, soit environ 2 à 3 cts. la pièce (Annexe I). La palée coûtait 50 cts la pièce à la même épo- que (Savoie-Petitpierre -in : BSPP No. 2. 1901, p. 9-10). Il suffit de comparer ces chiffres à ceux donnés par les statistiques actuel- les pour se rendre compte que ces poissons sont maintenant très appréciés des consommateurs. Comme nous l'avons fait à propos du rendement de la pêche, il nous faut essayer maintenant d'analyser brièvement un graphique établi à partir de données inexactes et d'en tirer des conclusions raisonnables. Si l'on compare les graphiques représentant le rendement total (fig. 4) et le prix moyen au kilo (fig. 5), on remarque que ; 1. dans 9 cas, le prix s'abaisse lorsque le tonnage augmente; 2. dans 7 cas, le prix s'abaisse lorsque le tonnage s'abaisse; 3. dans 7 cas, le prix augmente lorsque le tonnage augmente; 4. dans 7 cas, le prix augmente lorsque le tonnage s'abaisse. Bien que les corégones occupent une place importante (58, 6%) dans le rendement du lac et que le prix de ces poissons soit généra- lement élevé, on constate (fig. 5 et fig. 6) que : 1. dans 14 cas, le prix s'abaisse lorsque le rendement de la palée ou de la bondelle ou des deux augmente; 74. 2. dans 5 cas, le prix s'abaisse lorsque le rendement de la palée ou de la bondelle ou des deux diminue; 3. dans 11 cas, le prix augmente lorsque le rendement de la palée ou de la bondelle ou des deux augmente; 4. dans 4 cas, le prix augmente lorsque le rendement de la palée ou de la bondelle ou des deux diminue. Les correspondances entre ces deux séries de constatations sont assez bonnes. Nous obtenons en effet les séquences suivantes : 1. le prix s'abaisse - le rendement de la palée ou de la bondelle ou des deux augmente - le tonnage annuel augmente en 1920, 1922, 1925, 1926, 1930, 1936, 1949; 2. le prix s'abaisse - le rendement de la palée ou de la bondelle ou des deux diminue - le tonnage annuel s'abaisse en 1921, 1933,1938; 3. le prix augmente - le rendement de la palée ou de la bondelle ou des deux augmente - le tonnage annuel augmente en 1919, 1941, 1942, 1944, 1947, 1950, 1951; 4. le prix augmente - le rendement de la palée ou de la bondelle ou des deux diminue - le tonnage annuel s'abaisse en 1918, 1923, 1927. Si les chiffres utilisés reflètent bien la réalité, ni la produc- tion en corégones ni le rendement total n'exercent une influence déci- sive sur le prix moyen du poisson. Les variations de prix sont donc liées à d'autres facteurs. Les événements qui expliquent les principaux mouvements de notre courbe sont : a) deux guerres mondiales qui ont provoqué une forte hausse des prix suivie d'une baisse sensible dans les deux cas; b) la crise économique de 1929 qui a entraîné une baisse de prix spectaculaire. Le chiffre très bas obtenu en 1936 tient essentiellement au faible prix des corégones mais nous ignorons pourquoi ces poissons étaient si bon marché; la hausse enregistrée dans le rendement de la palée et de la bondelle en 1936 (environ 10. 000 kg. au total de plus qu'en 1935), ne justifie pas ce phénomène'. Le prix augmente dès 1937, le commentaire à la statistique nous apprend que des mesures ont été prises pour limiter les impor- tations de poissons de mer et pour favoriser l'exportation des salmo- nidés. La concurrence du poisson étranger explique également, dans une certaine mesure du moins, le bas prix du poisson indigène dans les années 1932 à 1936. En conclusion, on peut dire que le rendement de la pêche et les fluctuations toujours possibles "des marchés locaux n'exercent 75. qu'une influence secondaire sur le prix du poisson. Une grande partie de la production est en effet exportée dans d'autres régions de la Suisse, ainsi qu'en France. Comme nous l'avons déjà indi- qué, Genève constitue un débouché important pour le poisson du lac de Neuchâtel, et un encombrement du marché dans cette ville influe sans doute davantage sur le prix du poisson qu'un faible mouvement touristique dans une localité des rives de notre lac. D'une manière générale, la population résidante ne représente pas une clientèle importante; la plupart des pêcheurs sont installés dans des villages agricoles et ils ne peuvent espérer vendre le pro- duit de leurs pêches sur place. Les agriculteurs ne consomment guère de poisson et bien rares sont les magasins d'alimentation qui ne vendent pas de poisson surgelé . Le poisson est donc expédié dans des agglomérations plus importantes où il se heurte à la con- currence du poisson étranger. Les prix pratiqués par les pêcheurs, ou qui leur sont imposés, sont déterminés dans une large mesure par l'économie de centres souvent fort éloignés de leur lieu de domicile. * * HENDEMEMT TOTAL DE LA PÊCHE •z rr „i__L/qd_. 401 _, 11 p i Il 301). ! ¦ T" |T| 7^l" ' IMl Mj i I 200. -1^ Y i ' t i i ^. l/ Vl T i v O i ¦ m 1920 4925 «30 «35 PItIX MOYEN DU POISSOM AU Kg. 1940 1950 «955 1960 1945 Fig. 4 Frs _/ i ! ì i i i ~~] ~ i \ | -4-- — j it* r -| I__i _. r_. -. .-j- I -i- 3.50 -J- \ i \ i \ I \ i ! . .T..4-] — ¦¦>—t * . j . _ _. .. (.- — ! !___ ! 1 - -i i T^ I 4- ¦ +¦ — i i I ¦ - —r ¦ -I , I ' ' I | I I A M \ -h "JJ ; \ I X / ' \ i Sx \\ i rt - V-L-- I I _____I..... I i 2.50. _ \ \ L X \; i -—.-}--------------- ! \l '• ¦ I UN - S-I1- SSv i i iV- ì \ \ I 1 ! \ I j/ 2.00 I \ iT —j_. _._ " ì \ St _ .. . -4— l — vi I i - S/ v- I i I i ] Y I i i i 1« ---1----L_iL i ¦ i- i i ¦ I _I-----!-----1-----L----L- ------1—I— m mi 1BO «55 1M5 «SO «81 Fig. 5 77 Rendement total (fig. 4 ) et prix moyen du poisson au kg (fig. 5 ) Année Rendement total Prix total Prix moyen kg. Fr. Fr. 1917 144.552 467.736 3.24 1918 143.124 496. 102 3.47 1919 164.588 599. 649 3.64 1920 188.179 588.070 3. 13 1921 164.336 460.789 2.80 1922 209. 279 479.660 2.29 1923 205.626 560.618 2. 73 1924 195. 277 531.655 2. 72 1925 211.768 549.449 2.59 1926 223.739 570.026 2. 55 1927 212.685 576.044 2. 71 1928 248.807 673.250 2. 71 1929 215.452 586.160 2. 72 1930 298.524 742.511 2.49 1931 306.131 712. 781 2. 33 1932 298.473 571.481 1. 91 1933 255.512 469.204 1.84 1934 270.136 497. 697 1.84 1935 249.088 444.824 1. 79 1936 289.992 475.093 1. 64 1937 283.422 510.046 1.80 1938 246.064 433.332 1. 76 1939 215.183 380.967 1. 77 1940 179. 176 324.954 1.81 1941 242.125 631.374 2. 61 1942 306.936 874.405 2.85 1943 299.979 822.135 2. 74 1944 373.384 1. 120.000 env. 3. — 1945 430.648 1.280. 620 2.97 1946 295.006 873.253 2.96 1947 309.706 923.000 2.98 1948 301.598 848.000 2.81 1949 308.119 806.048 2.62 1950 319.436 927.436 2.90 1951 336.449 1.000.000 2.97 1952 342.250 ? ? 1953 340.977 ? ? 1954 311.081 ? ? 1955 347.201 ? ? 1956 359. 577 ? ? 1957 486.613 ? ? 1958 556.403 ? ? 1959 540. 014 ? ? 78. Année Rendement total Prix total Fr. Prix moyen k g- Fr. 1960 442. 641 ? ? 1961 370.677 ? ? 1962 318.304 ? ? 1963 432.317 ? ? 1964 468.184 ? ? 1965 227. 154 ? ? ---------i- s —Ml -= — —. ... ;=. - —. — — " — q — A — — Ef — — — — .... \ ^ ** 4 \ 't~: x ;*•* 1 /¦ '- — " T" —- - - -- •< — ".." >t -- - \ 1S - ^ .*» --- - \ •. i 11 ~~~ ^- ^1 ?¦?*. •** .... I \ ¦- ¦-- \ S.. ^ ... . -- I" / .-¦ y * ;i( 'S \ N T > V " __ ,"Ix '1 - -^ - -- - 5 + —irle' V- rit ^ / >N/ ,, ¦ • K' M ' 11 -- -- - ¦- - ¦- -- - - - ¦ -- - - — - -- C ~ ff---- $ - --ft- i r*" y — "" ' \ ' NY i —¦ ~- *'-.._ . U^ !¦ — — -- ¦- -- .__ ... — — - -- - — — — -- -- -- ¦- -- -- -- -- "N, i- -- -- % ^r •< ' ! ¦ rr/ - \ "" \— rs _^*** *»• t i ... -- -- \ : - H^ -Af __, N _u I^ \ l; ¦< I \ , U.i-M !.ii — — -- — — -- — -- -- -- -- -- — "" -- .1 ^. z^ - — — — -J-I -¾:^- \ ***1 *1 ***: \..--- î > \ *-*. ^ I ,- ! I* / /^ V •>. I' IV-I fi — -- -• -- -- " f "i-fe s - / ^ 1 --- * * 4 m "T ... — — ._. — -- — .... - .... -- _. -- -- ... .... -- — - .... -- ... ... ._. .... 7 ^ ._ ¦- —- ì \ s IV^ I i _ .... l ä N S1 ! + : t : + -! f ! t ! + : + ¦ s 8 S 80. Le rendement de la pêche dans le lac de Neuchâtel(1917-1965) (fig. 6) Année Bondelle Palée Perche Brochet Truite Blanchaille kg. kg. kg. kg. kg. kg. 1917 44. 440 44. 224 17. 128 6. 215 6. 115 26.430 1918 44.636 24.316 27. 194 5.341 5.386 36.245 1919 57.429 20. 506 33.162 10.668 6. 196 36.627 1920 62.450 47. 978 34.040 8. 335 7. 377 27. 989 1921 63.395 34. 363 23. 288 6.485 7. 982 28.823 1922 103.316 47.852 16.114 10.276 6. 133 25.588 1923 102.754 43. 755 17.665 5.635 5.671 30.146 1924 93.011 31.938 25.251 7.205 5. 211 32.661 1925 80-. 701 63.953 25. 778 6.872 7.647 26.817 1926 105.482 53.417 20.611 8. 789 7. 539 27. 901 1927 94.673 43.351 28.439 9.085 6. 241 30.896 1928 103.441 73. 703 28. 399 7. 760 7. 764 27. 740 1929 107. 184 39. 987 36.627 6. 501 7. 304 17. 849 1930 157.824 53. 177 46.921 7. 306 6. 272 27.024 1931 158.389 51.114 48. 108 13.337 6. 136 29.047 1932 164.364 27.230 49. 117 9.823 8.250 39.652 1933 137.649 15.483 46.432 9. 345 8.067 38.536 1934 151.258 29.443 34.283 8.481 6. 112 40. 559 1935 90.146 68. 287 46.332 8.615 4.394 31.314 1936 106.732 73.610 49. 720 10. 344 4. 981 44. 605 1937 142.850 37. 301 37.500 12.700 5. 348 47. 723 1938 118. 145 37.805 24.304 8.206 6. 884 50.483 1939 135.508 14.735 16.566 9. 346 6. 767 32.261 1940 95.488 20.479 13.106 8.402 6. 125 35.576 1941 103.995 43. 307 21.155 8.483 6.629 58.556 1942 155.536 35.426 27. 227 7. 516 6. 941 74.290 1943 104.092 54. 131 47.830 6. 564 6.420 80. 942 1944 . 137.562 88.195 71.130 8. 740 5. 654 61.597 1945 138.968 89. 358 111.228 9. 951 5. 897 75.246 1946 96.762 66. 703 64.766 8. 925 7. 570 50.280 1947 132.243 45.778 49. 235 14.325 5. 933 62.192 1948 117.017 70.073 38.220 7. 384 6. 060 62,844 1949 121.180 53.880 46.737 7. 381 10.486 68,452 1950 146.943 56.054 46.051 6.054 11.439 52.895 1951 132.071 70. 182 53.406 12.909 10.079 57,802 1952 139.766 58.490 62.943 11. 194 10. 155 59. 702 1953 154.225 38.905 58. 202 8. 935 7. 121 73.589 1954 150.245 34.066 42. 609 9.396 7. 632 67.133 1955 173.520 57.401 48. 926 5. 526 8. 537 53.291 1956 185.027 54.514 40.850 5.053 8. 325 65.808 1957 248.478 97. 384 65.542 8.823 7. 390 58.996 1958 287.434 108.859 99.722 5.836 6.868 47. 684 1959 298.524 78.355 90.455 7. 209 11.222 54. 249 1960 202.664 54.676 107. 138 4. 303 9.070 64.790 81. Année Bondelle Palée Perche Brochet Truite Blanchaille kg. kg. kg. kg. kg. kg. 1961 154.318 56.556 59. 974 8.496 14.440 76.893 1962 75. 114 44.201 91.854 6. 396 23.005 77.734 1963 50.008 21.525 252.521 9.011 14.644 84.608 1964 21.006 14.029 333.988 11.105 14.697 73.359 1965 19.244 23.182 89.202 13. 730 12.009 69. 787 82 — "^ <- ^, i— ^* - I. ^ -' .»»" .—" ..... ..... ^ -J s v. - 1 ¦- "J N /- V '¦ I . ! à > ._ ¦} _ --< L . < ' -^ S ¦¦- ¦-- „ ^ N / / • h ¦ - •* N -- - '~ --, -^ -- " — ._ _j — ^/ --- , \ ' I _1_ Ì - - - — — ^=- r - — _. ,- -- — ! i/ '**- K j / _[ ~v - > K-, I :.ï- K* 1 i I S i I O W) •1-1 Pu (J-U-U. * ? ~z F -^- — s Fig. 7 -— / / ( \ y / — "\ — slg / 1?! / \ I î im .000 O * CO s M « .1-4 83. Le rendement de la pêche de la palée (1944 - 1965) (fig. 7 ) Année Grands filets Filets de lève Pêche de pisciculture kg. kg. kg. 1944 52.500 23.601 12.094 1945 65.192 10.739 13.427 1946 43.028 15.508 8. 167 1947 26. 187 9.815 9. 778 1948 31.265 24.656 14.152 1949 24.532 14.199 15. 149 1950 36.138 12.354 7. 541 1951 29.706 17.390 23.086 1952 29.642 21.228 7.621 1953 13.406 14.108 11.391 1954 10.555 11.704 11.807 1955 16.356 28.069 12.976 1956 9.002 24.936 20.576 1957 22.234 44.740 30.410 1958 26. 199 51.367 31.293 1959 36.020 31.654 10. 681 1960 15.732 29.091 9.853 1961 14.472 20.827 21.257 1962 13.795 19. 545 10.706 1963 3.865 13. 171 4.489 1964 820 7. 197 6. 012 1965 3.912 11.260 8.010 84. Le rendement de la pêche de la perche aux berfous (1925-1942) (fig. 8) Année kg. 1925 5.669 1926 6.144 1927 9.472 1928 8.617 1929 6.215 1930 7.876 1931 15.367 1932 5.554 1933 12.337 1934 6.452 1935 13.300 1936 11.341 1937 7.289 1938 env. 6. 000 1939 ? 1940 ? 1941- 6. 700 1942 6.562 85. Le rendement de la pêche de la bondelle (1929 - 1965) (fig. 9) Année Filets de fond Filets de lève Filets allégés ou demi-lève kg. kg. kg. 1929 91. 812 1930 130.235 1931 125.053 1932 116.364 1933 95.499 1934 77.258 1935 79.635 1936 106.732 1937 106.748 1938 78.856 1939 74.265 1940 95.488 1941 76.995 1942 96.117 1943 ? 1944 106.838 1945 94.589 1946 96.762 1947 87. 351 1948 101.229 1949 112.532 1950 134.876 1951 124.029 1952 116.315 1953 133.248 1954 107.797 1955 154.602 1956 166.424 1957 248.478 1958 273.669 1959 242.198 1960 179.101 1961 122.168 1962 75.114 1963 50.008 1964 21.006 1965 19.244 15. 27. 33. 48. 42. 74. 10. 372 589 336 000 150 000 511 36.102 39.289 61.243 27.000 59.419 ? 30.724 44.379 44. 890 15.788 8.648 12.067 8.042 23.451 19.365 25.673 8. 932 15. 787 12.186 1.612 16.775 9.986 2.816 13.765 56.326 11.377 32. 150 86. L'EVOLUTION STATISTIQUE DE LA PROFESSION (fig. 10) La pêche dans le lac de Neuchâtel est soumise au régime des permis depuis l'entrée en vigueur du premier Concordat intercanto- nal en 1871. Cette date représente donc une limite au-delà de laquelle il est impossible de savoir combien de personnes vivaient de la pêche à titre professionnel. Si l'on en croit les indications contenues dans le manuscrit de L. Perrot-Jacquet-Droz (Informations sur les poissons du lac de Neuchâtel prises par M. L. Perrot-Jacquet-Droz en 1811), il semble qu'il y avait une quarantaine de pêcheurs au début du XIXe siècle. Un article non signé, publié en 1913(La disparition du pois- son. - in : BSPP No. 11, 1913, p. 182), fait état de cinq profession- nels en 1860. Ces chiffres sont incontestablement au-dessous de la réalité puisque 119 permis ont été délivrés en 1871. Par ailleurs, le recensement établi par M. J. Courvoisier pour le village d'Au- vernier (Notes sur la pêche à Auvernier. -in : Mus.neuch. 1958, p. 136-138) permet d'affirmer que le nombre de pêcheurs profes- sionnels a toujours été assez élevé sur notre lac. Dans ce seul village en effet, il y avait : 30 pêcheurs en 1750 28 il en 1783 26 T! en 1799 22 Tl en 1816 18 It en 1830 21 II en 1848 Le graphique illustrant ce chapitre est basé sur les données numériques relevées dans les rapports annuels publiés par les ser- vices de la pêche des cantons de Neuchâtel, Vaud et Fribourg, de 1871 à 1965, Ces chiffres figurent en fin de chapitre dans des ta- bleaux chronologiques qui correspondent aux systèmes de permis successifs. Chaque tableau est précédé des articles des Concordats en vigueur concernant les engins autorisés par les différents permis. Au sujet des permis et des engins, le lecteur peut également se re- porter au chapitre consacré à la législation (p. 21 et tableau No. 1). Il convient de préciser que ces chiffres représentent le nombre de permis de pêche de diverses catégories vendus chaque année; ils ne correspondent pas nécessairement au nombre de pê- cheurs. En effet, d'une part, sous les Concordats de 1916, 1936 et 1949, les pêcheurs avaient la possibilité d'acquérir plusieurs permis afin d'utiliser une plus grande quantité d'engins. D'autre part, la pêche au grand filet a fait l'objet d'un permis spécial de 1916 à 1958 (depuis 1959, seuls les pêcheurs professionnels, moyennant le paiement d'une taxe spéciale, peuvent bénéficier du droit de pêcher au grand filet) et les titulaires de ce permis devaient 87. en obtenir un second pour pêcher avec d'autres engins du mois de juin à la fin de l'année. Ge permis spécial avait été créé à l'inten- tion de ceux qui se livraient à l'agriculture dès la fin de la "saison du grand filet"; on ignore le nombre de ces pêcheurs-paysans. Il en résulte que si le nombre des permis de grand filet correspond exactement au nombre des pêcheurs qui utilisaient cet engin, par contre le total des permis de pêche professionnelle délivrés excè- de le nombre des pêcheurs. A propos des statistiques que nous avons rassemblées, ajoutons qu'elles sont malheureusement incomplètes, car les services de la pêche des trois cantons intéressés n'ont pas tou- jours publié le détail des permis vendus. Dans les rapports vaudois, ces précisions apparaissent dès 1883, mais dès 1910 seulement dans les rapports fribourgeois. Le service neuchâtelois a publié le détail des permis délivrés de 1871 à 1933 et de 1945 à 1965. La période 1934 - 1944 a pu être recons- tituée grâce aux renseignements que M. A. Quartier, inspecteur cantonal de la pêche à Neuchâtel, a bien voulu nous communiquer. De plus, les rapports neuchâtelois contiennent presque chaque année des chiffres relatifs aux permis vendus par les deux autres cantons. Ces indications nous ont permis de dresser les tableaux annexés (p. 100-121). En raison de l'absence de certains chiffres, nous pensons utile de préciser la manière dont les différentes courbes (fig. 10) ont été établies. Elles sont basées sur les nombres de permis de différentes catégories délivrés chaque année par les trois cantons riverains et le lecteur voudra bien se reporter au chapitre traitant de la législation (p. 21 ) au sujet des changements intervenus dans les systèmes de permis. Considéré sous l'angle chronologique, notre graphique appelle les remarques suivantes : 1. de 1871 à 1886 : Les Concordats en vigueur ne prévoient que deux catégories de permis de pêche professionnelle; la courbe des permis de pêche professionnelle se confond avec celle du nombre total de permis. Le permis de 1ère classe comprend la pêche au grand filet; cette courbe n'a pas été tracée car nous ne connaissons pas le détail des permis vendus par les cantons de Vaud et de Fribourg durant cette période, à l'exception de l'année 1873 (Neuchâtel : 11 permis; Vaud : 12 permis; Fribourg : 7 permis). Nous possédons les nombres de permis de 1ère classe délivrés par Neuchâtel depuis 1871 et par le canton de Vaud depuis 1883 si l'on excepte 1873; la courbe des permis incluant le grand filet vendus par ces deux cantons aurait donc pu être tracée depuis 88. 1883. Nous y avons renoncé afin de ne pas induire le lecteur en erreur. 2. de 1887 à 1908 : nous disposons d'indications détaillées au sujet des permis neuchâtelois et vaudois mais nous n'avons que des totaux pour Pribourg. La courbe des totaux correspond donc au nombre total des permis de diverses catégories délivrés par les trois cantons, tandis que les trois autres courbes (permis de pêche au grand filet; permis de pêche professionnelle; permis de pêche amateur) ne concernent que les permis délivrés par les cantons de Neuchâtel et Vaud. Le Concordat de 1886 a en effet introduit le permis de pêche amateur et il n'est dès lors plus possible d'obtenir par recoupement les chiffres qui font défaut. 3. de 1909 à 1965 : tous les chiffres nécessaires sont disponibles et les courbes représentent les nombres de permis de différen- tes catégories délivrés par les trois cantons. La hausse subite des trois courbes inférieures (grands filets, professionnels, amateurs) en 1909 est due à l'apport des permis fribourgeois. Précisons maintenant les quantités représentées par ces trois courbes : 1. La courbe des permis de pêche au grand filet 1887-1908 : permis de Ire cl. délivrés par les cantons de Neuchâtel et Vaud 1909-1950: " " " " " " "Neuchâtel, Vaud, Fribourg 1951-1958: " " 2me " " " " 1959-1965: total des taxes spéciales encaissées par les trois cantons. 2. La courbe des permis de pêche professionnelle 1871-1886 : permis de Ire et 2me cl. délivrés par Neuchâtel, Vaud.Fribourg 1887-1908: " " " " " " " "Neuchâtel, Vaud 1909-1958: " " " " " " " " Neuchâtel, Vaud, Fribourg 1959-1965: " Ire et demi-permis " " Neuchâtel, Vaud, Fribourg 3. La courbe des permis de pêche amateur 1887-1908 1909-1916 1917-1936 1937-1945 1946-1958 1959-1965 permis de 3me it tt " 3 à 5me " 3 à 6me il il 3 à 7me 2 et 3me cl. délivrés par Neuchâtel, Vaud " Neuchâtel, Vaud, Fribourg II M II II II II II II II II II II II II II II 89. Une remarque s'impose à propos du permis de 3ème classe introduit en 1917. Bien qu'il ait été créé à l'intention des vieux pêcheurs, ce permis a été acquis par plusieurs amateurs désireux de pêcher avec des filets; c'est pourquoi nous l'avons considéré comme un permis d'amateur. Le Concordat de 1958 a aboli ce per- mis et l'a remplacé par le demi-permis de 1ère classe réservé aux seuls pêcheurs professionnels; les demi-permis figurent logiquement avec les permis de pêche professionnelle. 1. La courbe des permis de pêche au grand filet Il est difficile d'apprécier la valeur de cette courbe pour la période qui précède 1908. En premier lieu, rappelons que de nom- breux chiffres font défaut; nous ne disposons d'aucune donnée pour le canton de Fribourg avant cette date et les chiffres vaudois n'ap- paraissent qu'en 1883. Le total des permis de grand filet enregistré en 1873 (30 permis de 1ère classe pour les trois cantons) ne nous autorise pas à estimer le nombre des permis délivrés durant cette période car les seuls chiffres connus varient fortement : - entre 1871 et 1882 : de 4 à 11 permis pour la canton de Neuchâtel seulement; - entre 1883 et 1908 : de 7 à 28 permis pour les cantons de Neuchâ- tel et de Vaud réunis. Dès 1897 - 1898, le nombre de permis (Neuchâtel et Vaud) augmente d'une manière sensible et il se peut que cette hausse se soit également manifestée dans le canton de Fribourg. Notons toutefois que cette augmentation des grands filets correspond à un accroissement général des permis de pêche professionnelle et que le nombre de ces derniers ne varie guère (de 30 à 32) pour le canton de Fribourg entre 1894 et 1900. La Première Correction des Eaux du Jura (1869-1888) par les perturbations qu'elle a entraînées dans le domaine de la pêche, limite également la valeur de notre courbe. On sait que trois grands filets différents étaient mentionnés dans les Concordats du XIXe siècle (p. 24) et nous avons relevé que la monte et le revin ne figu- raient plus parmi les engins autorisés dans le Concordat de 1903 (p. 6 ). Comme ces engins ne sont pas signalés dans la liste des engins prohibés, il faut admettre qu'ils avaient disparu; nous sup- poserions volontiers que cette disparition est liée à l'abaissement du niveau du lac. Il est intéressant de constater que le nombre des permis de grand filet (délivrés par Neuchâtel) passe de 11 en 1876 à 5 en 1877, et que le canton de Neuchâtel n'a pas délivré plus de 10 permis de cette catégorie par année avant 1899 (le nombre des permis vaudois 90. est également inférieur à 10 de 1883 à 1898). La diminution du nombre des permis de 1ère classe neuchâtelois correspond à un accroissement des permis de 2ème classe (1876 : 11 permis de 1ère classe et 56 de 2ème classe; 1877 : 5 permis de 1ère classe et 61 de 2ème classe), d'où l'on peut conclure que 5 pêcheurs avaient de bonnes raisons d'abandonner leur grand filet. La chute du nombre des permis de grand filet (délivrés par Neuchâtel) coïncide en effet avec l'abaissement du niveau du lac. Voici quel- ques données relatives au niveau du lac à cette époque : 1876 : niveau moyen 431, 62 m. 1877 : niveau moyen 431, 16 m. 1878 : niveau moyen 430, 36 m. 1879 : niveau moyen 429, 51 m. (Quartier : Le lac de Neuchâtel. p. 134). Il est regrettable que nous ne disposions pas des chiffres vaudois et fribourgeois car ces données réunies nous auraient sans doute permis de vérifier notre hypothèse. Si l'abaissement du niveau du lac est la cause probable de la diminution du nombre des grands filets - et peut-être de la dis- parition de la monte et du revin - il est par contre difficile d'ex- pliquer pourquoi le nombre des permis de 1ère classe n'augmente guère avant 1898. La pêche au grand filet était-elle d'un rendement si médiocre que les pêcheurs hésitaient à la pratiquer ? Aucune statistique ne permet de l'affirmer. Un seul fait est certain : l'a- baissement du niveau du lac a provoqué la destruction des frayères littorales fréquentées par les palées et il a fallu un certain nombre d'années pour que ces frayères se reconstituent. Les conditions de reproduction ont donc été mauvaises pendant quelques années et la quantité de palées contenue dans notre lac a dû être assez limitée, comme celle des autres poissons qui frayent dans les bords (bro- chets, poissons blancs, perches). La disparition de la monte et du revin résulte vraisemblable- ment d'une décision librement prise par les pêcheurs, car l'entrée en vigueur du Concordat de 1903 n'a pas entraîné de diminution dans le nombre des permis de 1ère classe, ce qui aurait sans doute été le cas si ces engins avaient encore été en usage à cette époque. Dès 1904, le nombre des permis de grand filet tend au contraire à aug- menter. L'absence de statistiques de rendement avant 1917 nous réduit à formuler de simples hypothèses, mais nous supposerions volontiers qu'après une période assez mauvaise - à la suite de l'a- baissement du niveau du lac - le rendement s'est accru dès que l'équilibre naturel du milieu lacustre s'est rétabli. Les quelques témoignages de "pêches miraculeuses" que nous citons datent du 91. début de notre siècle et il ne serait pas étonnant que de tels résul- tats aient incité des personnes à embrasser la profession de pêcheur. Pour en revenir au grand filet, rappelons que les permis délivrés par le canton de Pribourg s'ajoutent à notre courbe dès 1909. Comme on peut le constater sur nos tableaux statistiques, le nombre des pêcheurs fribourgeois est important. La vente des permis de 1ère classe va en augmentant et la première guerre mon- diale ne semble pas avoir exercé d'influence particulière sur cette pêche (pas plus que sur la pêche professionnelle en général d'ailleurs) puisque la courbe poursuit son mouvement ascendant (38 permis en 1911 et 41 en 1914) et se maintient à une moyenne de 35 jusqu'en 1918. En 1919, le nombre des permis tombe à 28; cette baisse ap- paraît comme une conséquence des mauvais résultats obtenus l'année précédente (rendement de la palée en 1917 : 44. 224 kg. ; en 1918 : 24. 316 kg. ). Dès 1917 en effet (entrée en vigueur du Concordat de 1916), la pêche au grand filet fait l'objet d'un permis spécial et les pêcheurs peuvent désormais tenir compte des résultats obtenus avec cet engin durant l'année écoulée dans leur décision de renouveler ce permis. Relevons que l'entrée en vigueur du Concordat de 1916 n'a exercé aucune influence sur le nombre de grands filets, bien que l'obligation de prendre deux permis ait représenté une hausse de taxe pour les pêcheurs (Concordat de 1903 : un permis de 1ère classe coûte 120 Fr. ; Concordat de 1916 : un permis de 1ère clas- se coûte 120 Fr. et un permis de 2ème classe 60 Fr. ). De 1919 à 1925, le nombre des grands filets est stable (de 27 à 29) et l'augmentation enregistrée dès 1926 doit être attribuée à l'adoption généralisée du moteur hors-bord qui rend cette pêche moins pénible (elle exige de fréquents déplacements). Le très bon rendement de la pêche de la palée en 1925 n'est sans doute pas étranger à cette augmentation (31. 938 kg. en 1924 et 63. 953 kg. en 1925). En 1933, le rendement de la palée est faible bien que 36 grands filets soient en usage; 8 pêcheurs renoncent à cet engin l'année suivante mais le rendement augmente en 1934 et le nom- bre de grands filets passe à 39 en 1935. En raison des excellents résultats obtenus cette année-là (68. 287 kg. ), 42 pêcheurs acquiè- rent ce permis en 1936 et comme le rendement s'accroît encore (73. 610 kg. en 1936), 47 pêcheurs utilisent un grand filet en 1937. Quoique la pêche soit nettement moins favorable (37. 301 kg. en 1937), 51 permis sont délivrés en 1938; mais la pêche est aussi mauvaise qu'en 1937 et 28 pêcheurs seulement prennent un permis de grand filet en 1939. Le rendement est très bas (14. 735 kg. en 1939) et le nombre des permis diminue encore l'année suivante. Le faible poids des palées capturées n'est cependant que partielle- ment responsable de cette baisse; la deuxième guerre mondiale a 92. éclaté et les pêcheurs sont mobilisés. Dès 194I3 ils bénéficient de congés partiels et l'usage du grand filet s'accroît à nouveau. L'an- née 1946 voit tous les records battus avec 53 permis; les extraor- dinaires résultats de l'année précédente en sont la cause (89. 358 kg. en 1945, soit 40. 542 kg. de plus que la moyenne 1917/1944). En 1946, le rendement faiblit et les difficultés de recrute- ment de personnel vont en s'accentuant; les ouvriers exigent des salaires trop élevés et l'on assiste dès lors à une diminution pro- gressive du nombre de grands filets. Le matériel de pêche est coûteux et les pêcheurs préfèrent acquérir des filets qu'ils peuvent tendre toute l'année plutôt que d'investir de fortes sommes pour un engin et un bateau (p. 228) d'autant plus difficiles à amortir que cette pêche ne se pratique que de janvier à fin mai et que la main- d'oeuvre est exigeante. L'apparition de la fibre synthétique ne joue guère de rôle dans le nombre des permis délivrés chaque année; cette nouvelle matière permet cependant de confectionner des grands filets que deux hommes seulement peuvent manoeuvrer à bord d'un canot (p. 229), Certes, un tel engin coûte cher; mais surtout, et pour des raisons que l'on ignore, le rendement de la pêche au grand filet est inférieur à celui de la pêche de lève depuis 1953 (p. 65 et fig. 7). La pollution apparaît aux environs de 1958 et la proli- fération de "poissons blancs" qui lui est liée (p. 64) n'incite évi- demment pas les pêcheurs à s'acquitter d'une taxe élevée pour pratiquer une pêche pénible aux résultats toujours plus aléatoi- res. 2. La courbe des permis de pêche professionnelle Avant de passer au commentaire de cette courbe, rappelons que : a) elle se fonde sur le total des permis de 1ère et de 2ème classe et que dès 1916, tous les pêcheurs au grand filet n'acquièrent pas nécessairement un second permis les autorisant à pêcher du mois de juin à la fin de l'année. Dès 1959, seuls les permis de 1ère classe et les demi-permis de 1ère classe entrent en ligne de compte. b) les pêcheurs avaient la possibilité d'obtenir plusieurs permis sous les Concordats de 1916, 1936 et 1949. Cette courbe n'est donc pas une illustration fidèle de l'é- volution de la profession dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Pribourg, si ce n'est de 1871 à 1886 et de 1959 à 1965. De 1887 à 1908, les chiffres donnés correspondent au nombre de pêcheurs 93 professionnels mais dans les cantons de Neuchâtel et Vaud seulement. Une analyse complète de cette courbe devrait faire l'objet d'une étude sociologique séparée; c'est pourquoi nous nous limi- terons à des remarques d'ordre général. Tout d'abord il faudrait connaître les noms des pêcheurs depuis 1871 et leurs liens de famille, de manière à expliquer les causes des variations que l'on constate dans les nombres de permis délivrés chaque année. La reconstitution de l'arbre généalogique de chaque pêcheur est une nécessité absolue, car la profession se transmet le plus souvent de père en fils. Dans d'autres cas, on est devenu pêcheur par goût, parce qu'on était né au bord du lac. Certains pêcheurs ont embrassé cette profession après avoir travaillé comme aides chez un pêcheur professionnel à la fin de leur scolarité obliga- toire; leur village ne leur offrait d'autre choix que le lac, la terre ou la vigne. Enfin, comme le titre de pêcheur profession- nel n'est pas sanctionné par un diplôme, il paraît plus simple de devenir ainsi son propre patron, ce qui n'est pas le cas dans d'autres professions. Depuis l'entrée en vigueur du Concordat de 1958, les pêcheurs qui envisagent de s'installer à leur compte sont soumis à un examen mais aucun diplôme ne leur est délivré, parce que cette activité ne figure pas au nombre des professions officiellement reconnues. Les pêcheurs actuels disent eux-mêmes qu'ils n'ont pas de "métier" et la plupart d'entre eux ont désiré que leurs enfants suivent un apprentissage pour avoir, eux, un "métier". Quelques-uns pourtant sont devenus pêcheurs. Nous reviendrons plus loin sur l'état actuel de la profes- sion mais ces brèves remarques étaient nécessaires. Les mou- vements de notre courbe ne s'expliquent pas par de subits en- gouements; jusqu'à une date récente, la profession était peu con- sidérée pour ne pas dire méprisée et les pêcheurs appartenaient à la classe pauvre. Le pêcheur ne possède pas de terre comme l'agriculteur ou le vigneron, et le matériel qu'il peut hériter de son père n'a que peu de valeur. C'est que, vers la fin de sa vie, le pêcheur n'achète plus de nouveaux filets et il se contente sou- vent d'entretenir au minimum ceux qu'il utilise encore. Son fils ne tirera parti de ce matériel que pendant quelques années; il se verra rapidement contraint d'acquérir des engins neufs. En fait, la profession était mal "cotée", et il a fallu l'apport des pêcheurs au ravitaillement de notre pays pendant la Deuxième Guerre mon- diale pour revaloriser leur activité. La profession de pêcheur n'a cependant jamais été "à la mode". On comprend dès lors pourquoi, en l'absence de tableaux retraçant la généalogie de tous les pêcheurs depuis 1871, il est malaisé de commenter la courbe des permis de pêche profession- 94 nelle. Pour expliquer les hausses, il faudrait savoir combien de fils les familles de pêcheurs comptaient ou pourquoi certaines personnes ont abandonné leur activité pour devenir pêcheur. Certes, des événements extérieurs peuvent expliquer certaines fluctuations du nombre des permis de pêche profes- sionnelle délivrés. La crise des années 30 et la guerre de 1939 à 1945 ont provoqué un afflux vers cette profession. En sens in- verse, la mobilisation de 1940 a entraîné une baisse sensible : 369 permis de pêche professionnelle ont été délivrés en 1939, 305 l'année suivante. Comme nous l'avons dit ailleurs (p. 21), la hausse subite de 1931 résulte essentiellement de l'introduc- tion de la "pêche aux bondelles de lève" et il est intéressant de noter que l'augmentation du nombre des permis de pêche pro- fessionnelle (325 en 1930; 476 en 1931) ne correspond pas à une diminution du nombre des permis de pêche amateur cette année- là (1930 : 341; 1931 : 347). Quelque 150 permis ont donc été dé- livrés soit à des professionnels qui en ont acheté deux pour dou- bler le nombre de leurs filets flottants, soit à des personnes qui n'avaient peut-être jamais péché à l'aide de filets (le nombre des permis de 3ème classe ne s'abaisse que de 27 unités en 1931). Ces nouveaux-venus dans la profession sont, dans une certaine mesure du moins, la cause des fluctuations de notre courbe. Des personnes ont en effet abandonné leur travail pour se consacrer à la pêche, mais les résultats obtenus en une ou deux années leur ont appris qu'on ne s'improvisait pas pêcheur. Une solide connaissance des choses du lac est indispensable, et si l'expérience d'un père ou d'un oncle est précieuse, ce savoir repose autant sur une patiente observation que sur l'instinct, sur un "flair" que seuls les bons pêcheurs possèdent. Une baisse de rendement ou du prix du poisson peuvent contraindre des pêcheurs à abandonner momentanément - ou définitivement, car le matériel s'abfme rapidement s'il n'est pas employé pendant quelques années - leur profession et à chercher du travail dans un autre secteur. Selon les possibilités offertes à proximité de leur domicile, ils deviennent ouvriers d'usine, manoeuvres sur un chantier ou dans une exploitation de draguage. Les chalands qui transportent le gravier extrait du fond du lac sont souvent pilotés par d'anciens pêcheurs. Si l'on compare les figures 4, 5, et 10, l'influence du rendement et du prix du poisson sur le nombre des permis de pêche pro- fessionnelle apparaît nettement en 1922 et en 1936. En réalité, ce phénomène joue plus souvent qu'il n'apparaît sur nos graphi- ques, car d'une part les courbes de rendement et du prix moyen tiennent compte de l'ensemble de la production et non seulement des espèces économiquement intéressantes et, d'autre part, la pêche de certains poissons peut être meilleure à une extrémité 95. du lac qu'à l'autre, selon les saisons ou les années. A propos du rendement des espèces importantes du point de vue économique, on remarque qu'il a été plus bas en 1946 qu'en 1945 (1945 : 89. 358 kg. de palée, 138. 968 kg. de bondelle et 111. 228 kg. de perche; 1946 : 66. 703 kg. de palée, 96. 762 kg. de bondelle et 64. 766 kg. de perche); le total des permis de pêche a passé de 409 en 1946 (423 en 1945) à 379 en 1947. Cette diminu- tion des permis n'est certes pas uniquement liée à une baisse de rendement de la palée, de la bondelle et de la perche, mais ce facteur doit cependant être pris en considération. Dès la fin de la deuxième guerre mondiale, notre courbe accuse un net fléchissement qui n'est, en fait, pas surprenant. La guerre avait provoqué une forte augmentation (voir aussi p. 55) du nombre des permis (470 en 1943) et il y avait trop de pêcheurs pour que la profession soit rentable. Plusieurs d'entre eux ont abandonné le métier dès la fin des hostilités, mais cette diminu- tion s'inscrit également dans le cadre plus général de l'évolution sociale. Nous avons dit que les pêcheurs avaient poussé leurs enfants à apprendre un métier; la plupart de ceux-ci préfèrent désormais la vie régulière de l'ouvrier d'usine, par exemple, au pénible horaire de travail de leur père. Ils ont perdu les avantages d'une profession libre mais ils bénéficient de la sé- curité que procure un salaire fixe grâce auquel il est plus aisé d'accéder au confort matériel. Ce désir de jouir d'un certain bien-être se manifeste également chez les pêcheurs, en parti- culier sur la rive nord où l'influence de la ville de Neuchâtel se fait sentir. La plupart des pêcheurs de la rive nord possèdent une voiture et d'autres avantages matériels, tandis que leurs collègues de la rive sud sont restés plus traditionalistes, en raison surtout de la distance qui les sépare d'un centre urbain. Depuis 1945, la profession de pêcheur n'attire pratique- ment plus de jeunes. En 1966, sur 117 pêcheurs professionnels, 84 ont plus de 50 ans et 26 sont âgés de 30 à 50 ans; 7 pêcheurs seulement ont moins de 30 ans (fig. 3), ce qui représente un âge moyen de 55, 9 ans. La répartition géographique des 33 pê- cheurs de moins de 50 ans est révélatrice : 12 sont installés sur la rive nord et 21 sur la rive opposée. Si la diminution progressive du nombre des pêcheurs amorcée dès la fin de la deuxième guerre mondiale procède de l'évolution sociale, rappelons encore que le Concordat de 1958 a fixé à 120 au maximum le nombre des pêcheurs professionnels. L'entrée en vigueur de ce nouveau règlement explique la chute 96. de notre courbe en 1959 (1958 : 225 permis; 1959 ; 135). Cette baisse de 90 unités correspond à une hausse de 148 unités dans la courbe des permis de pêche amateur (1958 : 651; 1959 : 799), ce qui signifie que la plupart des pêcheurs privés d'un permis de pêche professionnelle ont acquis le droit de poursuivre une activité comme amateurs. Cela signifie surtout qu'un grand nom- bre de pêcheurs avaient atteint un âge suffisamment avancé pour que cette clause puisse être introduite sans que certains pêcheurs encore en activité soient privés de leur gagne-pain; cette limita- tion à 120 n'a d'ailleurs été réalisée qu'en 1963. Le phénomène de vieillissement évoqué à propos des pêcheurs de 1966 n'est donc pas récent, et l'on comprend que la relève est loin d'être assurée. 3. La courbe des permis de pêche amateur Il y a peu à dire de cette courbe; d'une part, les pêcheurs amateurs ne produisent qu'une faible partie du rendement total et nous avons montré que leur production n'était pas proportionnelle à leur nombre (p. 58) et, d'autre part, elle peut être interprétée comme un reflet du développement de la "civilisation des loisirs". Cette affirmation peut paraître exagérée, car de nombreux ama- teurs sont en réalité des semi-professionnels, mais c'est à la législation du travail qu'ils le doivent. Le permis de pêche amateur a été introduit par le Concor- dat de 1886 et, jusqu'en 1916, le nombre des permis délivrés n'in- fluence guère la courbe illustrant le total de la vente des permis. A cette époque, il y a moins d'amateurs que de professionnels, car la pêche est encore un passe-temps onéreux. La courbe des permis d'amateurs monte dès l'entrée en vigueur du Concordat de 1916 : ce règlement prévoit en effet trois catégories de permis et la possibilité d'utiliser quelques filets ou d'obtenir un permis d'une validité limitée attire nombre d'amateurs. Dès 1918, le nombre des permis d'amateurs est supérieur à celui des permis professionnels, à l'exception des années 1931, 1934 et 1935. Le décalage observé en 1931 tient à l'augmentation anormale des permis professionnels (p. 94 ); le fléchissement de la courbe en 1934 et 1935 résulte en grande partie de la faible ven- te des permis mensuels. La courbe reprend son mouvement ascendant dès 1937; c'est que le Concordat de 1936 introduit un nouveau permis (6ème classe) à l'intention des amateurs; leur nombre augmente fortement pendant la guerre après avoir subi une légère baisse en 1939 et 1940. Toutefois, qu'il s'agisse de permis de pêche, du 97. rendement ou du prix du poisson, la période 1939-1945 ne peut être comparée à aucune autre. Diverses dérogations ont en effet été ap- portées au régime des permis pendant la guerre pour permettre aux pêcheurs, professionnels et amateurs, d'exercer leur activité sans payer de trop lourdes taxes. Au lieu d'acquérir des permis annuels, les pêcheurs ont la possibilité d'obtenir des permis d'une validité limitée : le permis de 1ère classe est délivré en deux fois (du 1er janvier au 31 mars et du 1er avril au 31 mai; le permis de 2ème classe est semestriel et celui de 4ème classe est remis en trois fois. (Compléments apportés au Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel, du 7 octobre 1936, par la Commission intercan- tonale de la pêche, pour l'année 1942. Lausanne, le 13 octobre 1941 et Compléments . . . pour l'année 1944, Pribourg, le 22 dé- cembre 1943). Les chiffres publiés dans les rapports des services de la pêche des trois cantons intéressés correspondent au nombre des permis entiers vendus chaque année; il n'est cependant pas pos- sible de savoir combien de pêcheurs ont réellement pratiqué cette activité, et durant combien de mois, entre 1942 et 1944. En 1945 et 1946, la courbe s'affaisse, essentiellement à cause de la diminution du nombre des permis de 6ème classe (1944 : 606; 1945 : 126; 1946 : 93). Ce permis donne le droit de pêcher la perche à la gambe et la demande en poisson est moins forte à l'issue de la guerre. Il convient toutefois de relever que le nombre des permis de 4ème classe augmente sensiblement dès 1945; les amateurs mobilisés sont moins nombreux, ils peuvent à nouveau pêcher tout au long de l'année et plusieurs d'entre eux reviennent à la pêche à la traîne (p. 215). L'année 1946 voit l'introduction d'un permis de 7ème clas- se, d'une validité de 30 jours, destiné à tous ceux qui désirent pra- tiquer la pêche durant leurs vacances. A partir de 1947, les mou- vements de la courbe des totaux sont principalement déterminés par le nombre des permis de 7ème classe délivrés chaque année, et les fluctuations enregistrées sont inexplicables. Elles sont en effet liées à des facteurs sans grands rapports avec la pêche; ce sont toutes les raisons qui peuvent déterminer une personne dans le choix de ses vacances. Les permis annuels augmentent égale- ment depuis 1947, mais dans une moins forte proportion. Les titulaires de ces permis sont surtout des gambeurs qui pèchent la perche; la vente de ce poisson leur permet de réaliser un gain supplémentaire appréciable. Le nombre de ces pêcheurs s'est considérablement accru au cours de ces dernières années (1960 : 365 permis de 2ème classe et 288 de 3ème classe; 1964 : 547 permis de 2ème classe et 859 de 3ème classe), ce qui explique le malaise qui règne actuellement entre les pêcheurs amateurs et les professionnels. Pour terminer, rappelons que le Concor- dat de 1958 a introduit un nouveau permis (3ème classe d'une validité de 3 jours) qui offre à de nombreux amateurs la possi- 98. lite de pratiquer la pêche lors des fêtes religieuses suivies d'un lundi férié par exemple (Pâques et Pentecôte en particulier). En 1964, année record quant au nombre des permis délivrés (2573), il a été vendu 532 permis de ce type; cette année a été particuliè- rement bonne pour la pêche de la perche, ce qui justifie également l'augmentation du nombre des permis de 2ème classe. En 1965, le nombre des permis d'amateurs diminue assez fortement (559 permis de 2ème classe et 724 de 3ème classe). Les mauvaises conditions météorologiques sont vraisemblablement la cause de la baisse enregistrée dans la vente des permis annuels et, plus particulièrement, dans la vente des permis de 3ème clas,- se d'une validité limitée (3ème classe mensuel 1964 : 495; 1965 : 359; 3ème classe 3 jours 1964 : 532; 1965 : 358). * * 99 100 50 O m wo 1900 JWO 1920 iffiÖJS^^ 1950 19+0 1950 I960 WóS N.-VA-F. N.-Vd. N.-\SF. Fig. 10 100. Statistique des permis délivrés par les cantons de Neuchâtel, Vaud et Fribourg 1. De 1871 à 1886 Règlements en vigueur : - dès 1871 ; Concordat pour l'exercice et la police de la pêche sur le lac de Neuchâtel entre les cantons de Fribourg, Vaud et Neuchâtel (du 16 août 1869). Art. 6 Les permis sont personnels. Ils se divisent en deux classes, savoir a) les permis de pêche de première classe, donnant droit de pêcher avec tous les filets mentionnés à l'art. 13. b) les permis de pêche de seconde classe, donnant droit de pêcher avec les filets mentionnés à l'art. 13, à l'exclusion du grand filet. Art. 10 Il sera payé pour chaque permis de pêche de première classe une finance de vingt francs, et pour chaque permis de pêche de seconde classe une finance de quinze francs. - dès 1877 : Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel (du 29 avril 1876) Art. 6 Les permis sont personnels. Il se divisent en deux classes, savoir : a) les permis de pêche de première classe, donnant droit de pêcher avec tous les engins mentionnés à l'art. 13; b) les permis de pêche de seconde classe, donnant droit de pêcher avec les engins mentionnés à l'art. 13, à l'exception des grands filets. Art. 10 Il sera payé pour chaque permis de pêche de première classe Fr. 50. -, et pour chaque permis de pêche de seconde classe Fr. 15. 101. ¦Ajtmée Canton Ire 2me total 1871 1872 1873 1874 1875 1876 1877 1878 1879 N V F total N V F total N V F total N V F total N V F total N V , F total N V F total N V F total N V F 9 34 ? ? ? ? ? ? 11 40 ? ? ? ? ? ? 11 37 12 31 7 25 30 93 10 51 ? ? ? ? 1 ? 11 45 ? ? ? ? ? ? 11 56 ? ? ? ? ? ? 5 61 ? ? ? ? ? ? 6 66 ? ? ? ? ? ? 7 64 ? ? •} 9 43 43 33 119 51 ? 9 48 43 32 123 61 43 29 133 56 45 29 130 67 43 25 135 66 39 26 131 72 44 25 141 71 40 26 total 137 102. Année Canton Ire 2 me total 1880 1881 1882 1883 1884 1885 1886 N V F total N V F total N V F total N V F total . N V F total N V F total N V F 6 53 ? ? ? ? ? ? 5 47 ? ? ? ? ? ? 4 46 ? ? ? ? ? ? 3 90 4 37 ? ? ? ? 4 96 5 41 ? ? ? ? 6 84 5 45 ? ? ? ? 7 82 5 47 9 *? 59 42 28 129 52 40 27 119 50 37 25 112 93 41 25 159 100 46 16 162 90 50 19 159 89 52 17 total 158 103. 2. De 1887 à 1916 Règlements en vigueur : - dès 1887 ; Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel (du 6 mars 1886) Art. 6 Les permis sont personnels. Ils se divisent en trois classes, savoir ; a) les permis de pêche de première classe, donnant droit de pêcher avec tous les engins mentionnés à l'art. 13, à l'exception de la ligne traînante. b) les permis de pêche de seconde classe, donnant droit de pêcher avec les engins mentionnés à l'art. 13, à l'exception des grands filets et de la ligne traînante. c) le permis de pêche de troisième classe, donnant droit de pêcher à la ligne traînante exclusivement. Art. 10 Il sera payé pour chaque permis de pêche de première classe, 100 fr. , pour chaque permis de pêche de seconde classe, 15 fr. et pour chaque permis de pêche de troisième classe, 30 fr. - dès 1890 : Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel (du 1er février 1890) Art. 6 Les permis sont personnels. Ils se divisent en trois classes, savoir : a) les permis de pêche de première classe, donnant droit de pêcher avec tous les engins mentionnés à l'article 13, à l'exception de la ligne traînante; b) les permis de pêche de seconde classe, donnant droit de pêcher avec les engins mentionnés à l'article 13, à l'exception des grands filets et de la ligne traînante; c) les permis de pêche de troisième classe donnant droit de pêcher à la ligne traînante exclusivement. Art. 10 Il sera payé pour chaque permis de pêche de Ire classe 100 fr. , pour chaque permis de 2me classe 15 fr. et pour chaque permis de 3me classe 30 fr. - dès 1904 : Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel (du 16 mai 1903) 104. Art. 9 Les permis sont délivrés pour le terme d'une année, dès le 1er janvier au 31 décembre; ils sont personnels. Ils se divisent en trois classes, savoir : a) les permis de pêche de première classe, donnant droit de pêcher avec tous les engins mentionnés à l'art. 14, à l'excep- tion de la ligne traînante; b) les permis de pêche de seconde classe, donnant droit de pêcher avec les engins mentionnés à l'art. 14, à l'exception des grands filets et de la ligne tramante; c) les permis de pêche de troisième classe, donnant droit de pêcher à la ligne traînante exclusivement. Il sera payé pour chaque permis de pêche de Ire classe 120 francs, pour chaque permis de 2me classe 40 francs, et pour chaque per- mis de 3me classe 30 francs. 105. Année Canton Ire 2me 3me total 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 1894 1895 N V F total N V P total N V F total N V F total N V F total N V F total N V F total N V F total N V F 7 58 6 36 ? ? ? ? 7 58 7 34 ? ? ? ? 6 58 8 35 ? ? ? ? 7 55 7 36 ? ? ? ? 6 54 7 31 ? ? ? ? 6 54 7 35 ? ? ? ? 7 48 8 36 ? ? ? ? 7 48 8 36 ? ? ? ? 5 47 8 37 ? ? 27 ? ? 25 1 ? ? 22 ? ? 26 ? ? 26 4 •? 26 1 24 2 22 8 9 30 16 92 42 25 159 90 42 21 153 86 43 17 146 88 43 31 162 86 42 28 156 86 43 20 149 79 46 25 150 77 52 30 159 82 61 30 total 173 106. Année Canton Ire 2me 3me total 1896 N 5 51 26 82 V 7 40 19 66 F ? ? ? 30 total ? ? ? 178 1897 N 7 54 31 92 V 9 44 24 77 F ? ? ? 32 total ? ? ? 201 1898 N 9 54 36 99 V 12 51 21 84 F ? ? ? 31 total ? ? ? 214 1899 N 10 58 38 106 V 12 52 20 84 F ? ? ? 31 total ? ? ? 221 1900 N 9 59 35 103 V 14 52 8 74 F ? ? ? 31 total ? ? ? 208 1901 N 9 63 28 100 V 13 67 9 89 F ? ? ? 36 total ? ? ? 225 1902 N 8 73 31 112 V 13 78 12 103 F ? ? ? 40 total ? ? ? 255 1903 N 6 68 40 114 V 12 73 11 96 F ? ? ? 43 total ? ? ? 253 1904 N 8 70 34 112 V 13 63 10 86 F ? ? ? 46 total ? ? ? 244 107. Année Canton Ire 2me 3me total 1905 N 7 57 40 104 V 13 62 12 87 F ? ? ? 47 total ? ? ? 238 1906 N 11 63 47 121 V 14 69 15 98 F ? ? ? 45 total ? ? ? 264 1907 N 12 65 59 136 V 16 73 17 106 F ? ? ? 32 total ? ? ? 274 1908 N 11 66 39 116 V 16 66 19 101 F ? ? ? 44 total ? ? ? 261 1909 N 11 74 44 129 V 13 71 14 98 F 12 36 - 48 total 36 181 58 275 1910 N 9 96 51 156 V 8 82 16 106 F 14 43 - 57 total 31 221 67 319 1911 N 11 86 52 149 V 12 66 20 98 F 15 37 - 52 total 38 189 72 299 1912 N 11 86 64 161 V 15 64 29 108 F 18 37 - 55 total 44 187 93 324 1913 N 10 79 57 146 V 13 69 28 110 F 17 34 _ 51 total 40 182 85 307 108. Année Canton Ire 2me 3me total 1914 N 10 71 60 141 V 12 70 20 102 F 19 34 1 54 total 41 175 81 297 1915 N 6 85 66 157 V 13 63 27 103 F 15 37 1 53 total 34 185 94 313 1916 N 8 79 78 165 V 12 72 27 111 F 16 36 3 55 total 36 187 108 331 109. 3. De 1917 à 1936 Règlement en vigueur : - dès 1917 : Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel (du 17 avril 1916) Art. 11 Les permis de pêche se divisent en cinq classes, savoir : 1) les permis de pêche de première classe ne donnant le droit de pêcher qu'au grand filet, tel qu'il est spécifié à l'article 14. Leur coût est de 120 francs. 2) les permis de pêche de deuxième classe donnant le droit de pêcher avec 60 petits filets à la fois, au lac, 500 hameçons flottants, des hameçons de fond, des berfous et des torchons en nombre illimité. Leur coût est de 60 francs. 3) les permis de pêche de troisième classe donnant le droit de pêcher avec 6 petits filets à la fois au lac et les hameçons, berfous et torchons spécifiés sous chiffre 2. Leur coût est de 30 francs. 4) les permis de pêche de quatrième classe ne donnant le droit de pêcher qu'à la ligne traînante. Leur coût est de 30 francs. 5) les permis de pêche à la ligne traînante d'une durée de vali- dité d'un mois. Leur coût est de 10 francs. HQ. Année Canton Ire 2me 3me 4me 5me total 1917 N 7 70 23 100 23 223 V 12 70 15 33 3 133 F 17 42 10 4 4 77 total 36 182 48 137 30 433 1918 N 8 76 36 92 33 245 V 9 73 17 33 4 136 F 18 42 12 4 3 79 total 35 191 65 129 40 460 1919 N 4 78 46 100 27 255 V 8 80 22 37 8 155 F 16 42 22 3 3 86 total 28 200 90 140 38 496 1920 N 5 79 73 115 53 325 V 8 74 24 32 11 149 F 16 42 27 6 1 92 total 29 195 124 153 65 566 1921 N. 4 81 69 145 32 331 V 10 73 23 44 4 154 F 15 44 22 6 3 90 total 29 198 114 195 39 575 1922 N 6 79 55 155 24 319 V 8 74 28 28 2 140 F 14 38 24 3 3 82 total 28 191 107 186 29 541 1923 N 5 78 49 141 40 313 V 8 58 39 21 11 137 F 14 32 28 3 1 78 total 27 168 116 165 152 528 1924 N 4 82 39 135 36 296 V. 10 53 38 26 5 132 F 14 33 31 4 3 85 total 28 168 108 165 44 513 1925 N 5 85 51 129 29 299 V 10 51 41 32 7 141 F 14 34 30 4 3 85 total 29 170 122 165 39 525 Iti» Année Canton 1ère 2èsae Sèsie 4èrae Sème total 1026 m ÎS SS 60 HS 43 313 v § Si 44 34 f 148 F 15 34 31 S S 91 total 34 m 135 ISS 85 5S2 1027 N 9 SS S3 118 38 304 V 11 58 43 32 4 148 F IS SS 36 « S 98 total 36 IfS 132 158 4? 5S0 1§28 N 12 83 43 HS 30 203 V 13 SS 47 32 10 157 P If 42 36 f 3 105 total 42 ISi 126 1S5 *%m 555 Ì92S M 10 88 51 122 41 318 V 12 73 40 4§ 4 178 F 21 44 42 8 11 12« total 43 209 133 170 82 823 1930 K § 13Î SS 108 2S 33i V 10 » 43 m 2 204 F 1? S3 m s 6 124 total 36 28§ 1ST 167 37 Su 1931 M i 211 41 122 48 428 V 18 144 Si 4S 8 250 F 1? §2 30 11 3 143 total 3§ 43Î HO 170 57 822 1832 N 8 lit 4? 143 38 .35S V 12 SS m S2 t 208 P 16 S8 20 S 6 IIS total se 2Î0 ne 203 878 1§33 N 8 12t 44 145 3S 301 ¦y 12 §1 3§ Si 6 207 F 16 fl Ii 8 S 119 total 36 201 102 212 48 087 1934 N 7 130 42 149 18 346 v 0 98 30 53 3 107 F 15 92 14 9 1 131 total 28 318 95 211 22 674 112 Année Carton Ire 2mm &»e 4me Suie total 1935 M 11 HS 43 118 24 312 Y 11 §8 38 m 1 192 F 1? 85 21 8 2 133 total 38 299 100 172 27 637 1936 N 12 94 48 03 34 281 V 13 §8 3? 42 7 187 F 17 82 2» 10 4 \m total 42 124 114 145 48 570 113. 4. De 1937 à 1945 Règlement en vigueur : - dès 1937 : Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel (du 7 octobre 1936) Art. 6 Les permis de pêche se divisent en six classes : 1) les permis de pêche de première classe, donnant le droit de pêcher au grand filet, tel qu'il est spécifié à l'article 10. Leur coût est de Fr. 120. -. 2) les permis de pêche de deuxième classe, donnant le droit de pêcher avec 60 petits filets à la fois, dont au maximum 10 filets flottants (art. 10, chi. 3, litt, a), 500 hameçons flottants, 15 nasses, des hameçons de fond et des torchons en nombre illimité. Leur coût est de Fr. 60. -. 3) les permis de pêche de troisième classe, donnant le droit de pêcher avec 10 petits filets à la fois, flottants ou de fond, 10 nasses, les hameçons et torchons spécifiés sous chiffre 2. Leur coût est de Fr. 30. -. 4) les permis de pêche de quatrième classe, donnant le droit de pêcher à la ligne tramante, au "biberon", à la gambe, à la ligne de fond, et avec 8 torchons. Leur coût est de Fr. 30. -. 5) les permis de pêche de cinquième classe : soit la ligne traî- nante et les engins mentionnés sous chiffre 4, mais d'une durée de validité d'un mois seulement. Leur coût est de Fr. 10. -.' 6) les permis de pêche de sixième classe, donnant le droit de pêcher d'un bateau soit au "biberon" tenu à la main mais sans moulinet, soit à la gambe, soit à la ligne de fond. Leur coût est de Fr. 5. -. - Compléments apportés au Concordat ... du 7 octobre 1936 . . . pour l'année 1942. Art. 6 chiffre 1 : les pêcheurs mobilisés peuvent obtenir : a) un permis de première classe, en deux fois (du 1er janvier au 31 mars et du 1er avril au 31 mai) pour Fr. 60..-; le second permis du 1er avril au 31 mai, pris seul, coûte Fr. 80. -, il n'est plus délivré de permis de première clas- se, à prix réduit ; b) un permis de deuxième classe, par semestre, à Fr. 30. -; c) un permis de quatrième classe, en trois fois, soit 3 permis de cinquième classe coûtant Fr. 10. -, le 3me permis étant valable pour le reste de l'année 114. - Compléments apportés au Concordat . « . du 7 octobre 1936 . .. pour l'année 1944. Art. 6 Les prix des permis sont fixés comme suit : Ire classe 2me " 3me " 4me " 5me " 6me " Chiffre 1 : les pêcheurs mobilisés peuvent obtenir : a) un permis de première classe, en deux fois (du 1er janvier au 31 mars et du 1er avril au 31 mai), pour 70. -Fr. ; le second permis du 1er avril au 31 mai, pris seul, coûte 90Fr. ; il n'est plus délivré de permis de première classe, à prix réduit; b) un permis de deuxième classe, par semestre, à 40. -Fr. ; c) un permis de quatrième classe, en trois fois, soit trois permis de cinquième classe coûtant 10. -Fr. , le 3me permis étant vala- ble pour le reste de l'année. 140. -Fr. 80. -" 40. -" 30. -" 10. -" 10. -" 115. Année Canton Ire 2me 3me 4me 5me 6me total 1937 N 18 101 43 116 53 83 414 V 12 80 48 48 7 11 206 F 17 77 26 7 - 3 130 total 47 258 117 171 60 97 750 1938 N 16 139 23 121 40 100 439 V 13 94 20 48 3 74 252 F 22 97 6 8 10 21 164 total 51 330 49 177 53 195 855 1939 N 8 140 8 119 44 94 413 V 5 104 13 46 2 74 244 F 15 97 3 10 5 18 148 total 28 341 24 175 51 186 805 1940 N 12 84 90 93 101 380 V 4 101 9 41 8 35 198 F 8 96 11 7 5 127 total 24 281 20 131 108 141 705 1941 N 8 134 102 165 107 516 V 9 101 9 47 2 36 204 F 10 77 16 7 5 115 total 27 312 23 151 174 148 835 1942 N 10 128 14 105 203 163 623 V 8 137 14 52 10 71 292 F 15 107 4 18 11 5 160 total 33 372 32 175 224 239 1075 1943 N 8 154 130 227 254 773 V 12 162 3 62 12 80 331 F 15 119 26 6 17 183 total 35 435 12 209 245 351 1287 1944 N 8 131 139 240 523 1041 V 14 132 8 64 13 73 304 F 17 107 19 9 10 162 total 39 370 20 210 262 606 1507 1945 N 9 133 10 273 182 101 708 V 15 135 11 80 39 23 303 F 17 114 21 10 2 164 total 41 382 42 353 231 126 1175 116. 5. De 1946 à 1958 Règlements en vigueur : - Le Concordat de 1936 est toujours en vigueur, dès 1946 : introduction du permis de 7me classe - dès 1950 : Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel (du 23 septembre 1949) Art. 7 Les permis de pêche sont les suivants : 1. Permis de pêche de Ire classe, donnant le droit de pêcher avec 60 petits filets, dont au maximum 10 filets flottants, 500 hame- çons flottants, 10 nasses, 25 berfous pendant la période du 15 avril au 31 mai, des hameçons de fond, des torchons en nombre illimité et à la gambe. Le titulaire peut, aux mêmes conditions, obtenir un second per- mis donnant droit à l'utilisation des mêmes engins pour lui-même ou pour un membre de sa famille ou de son personnel. . . . 2. Permis de pêche de 2me classe, donnant le droit de pêcher au grand filet 3. Permis de pêche de 3me classe, donnant le droit de pêcher avec 5 petits filets de fond, 3 nasses, des hameçons et des torchons en nombre illimité. Les cantons sont compétents pour autoriser des berfous en nombre limité pendant la période du 15 avril au 31 mai. 4. Permis de pêche de quatrième classe, donnant le droit de pêcher à la ligne traînante, au lancer de terre ou du bateau, avec amorce naturelle ou artificielle, au ''biberon", à la gambe, à la ligne de fond et avec 8 torchons. 5. Permis de pêche de 5me classe, donnant les mêmes droits que le permis de 4me classe, mais d'une validité de 30 jours. 6. Permis de pêche de 6me classe, donnant le droit de pêcher d'un bateau, soit au "biberon" tenu à la main, soit à la gambe, soit à la ligne de fond, soit au lancer de terre. 7. Permis de pêche de 7me classe, donnant les mêmes droits que le permis de 6me classe, mais d'une validité de 30 jours. Art. 8 Les prix des permis sont les suivants, taxes spéciales prévues par les cantons non comprises : Fr. plus une taxe de repeuplement de Fr. Permis de Ire classe " 2me " " 3me " " 4me " " 5me " " 6me " " 7me " 80. 140. 40. 35. 10. 20. 5. 25 25 8 5 2 117. Année Canton Ire 2me 3me 4me 5me 6me 7me total 1946 N 12 133 10 290 36 78 148 707 V 19 123 7 81 10 14 9 263 F 22 100 2 20 4 1 3 152 total 53 356 19 391 50 93 160 1122 1947 N 9 116 11 293 59 71 274 833 V 18 116 5 82 10 13 28 272 F 20 100 1 21 3 - 4 149 total 47 332 17 396 72 84 306 1254 1948 N 10 112 12 308 65 80 281 868 V 16 106 6 84 6 22 25 265 F 18 100 2 21 6 2 11 160 total 44 318 20 413 77 104 317 1293 1949 N 10 105 14 311 51 71 442 1004 V 13 105 5 89 9 21 33 275 F 14 97 3 28 5 3 9 159 total 37 307 22 428 65 95 484 1438 1950 N 10 104 7 298 72 110 509 1110 V 15 101 4 88 7 27 49 291 F 12 88 2 25 5 6 36 174 total 37 293 13 411 84 143 594 1575 1951 N 97 8 13 267 67 138 640 1230 V 100 9 3 76 11 31 45 275 F 90 10 2 17 9 12 73 213 total 287 27 18 360 87 181 758 1718 1952 N 97 9 12 309 59 143 721 1350 V 102 9 5 85 12 54 86 353 F 90 11 6 27 6 11 86 237 total 289 29 23 421 77 208 893 1940 1953 N 97 7 14 314 66 133 643 1274 V 105 12 4 93 6 61 61 342 F 92 10 5 26 13 15 61 222 total 294 29 23 433 85 209 765 1838 1954 N 94 7 5 311 61 81 542 1101 V 98 10 4 101 10 55 64 342 F 87 8 5 21 15 7 50 193 total 279 25 14 433 86 143 656 1636 118. Année Canton Ire 2me 3me 4me 5me 6me 7me total N 100 7 3 256 67 87 702 1222 V 101 9 4 96 15 46 83 354 F 94 5 6 17 16 11 66 215 total 295 21 13 369 98 144 851 1791 N 94 5 7 264 55 95 902 1422 V 95 10 8 86 8 57 78 342 F 87 6 6 6 8 12 121 246 total 276 21 21 356 71 164 1101 2010 N 88 6 9 285 71 167 984 1610 V 95 11 7 93 8 52 94 360 F 86 8 6 25 11 17 122 275 total 269 25 22 403 90 236 1200 2245 N 87 4 8 290 69 163 996 1617 V 92 8 7 90 9 52 89 347 F 46 8 5 28 15 28 147 277 total 225 20 20 408 93 243 1232 2241 119. 6. Dès 1959 Règlements en vigueur : - dès 1959 : Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel (du 2 avril 1958) Art. 7 Les permis sont les suivants : 1. le permis de Ire classe donnant le droit de pêcher avec tous les engins mentionnés à l'article 17; 2. le permis de 2me classe donnant le droit de pêcher avec les engins mentionnés à l'article 17, chiffres 5, 6 et 7; (chi. 5 : la ligne tramante, au lancer, flottante, dormante ou plongeante; chi. 6 : la bouteille à vairons ou gobe-mouches; chi. 7 : la filo che ou épuisette) 3. le permis de 3me classe donnant le droit de pêcher avec tous les engins prévus pour le permis de 2me classe, hormis la ligne traînante. Sous réserve des exceptions autorisées par les cantons en cas de concours de pêche, les titulaires de permis de 2me ou de 3me clas- se ne peuvent, capturer plus de cent poissons par jour. Art. 8 Le prix des permis est le suivant, y compris les taxes et émoluments spéciaux perçus par les cantons : Permis de Ire classe, par an Fr. 230. - 50. - 25. - 30. - 15. _ 5. - Les titulaires de permis de Ire classe ne peuvent se servir de la senne que moyennant paiement d'un émolument spécial de Fr. 170. - - dès 1964 : Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel (du 15 janvier 1964) Au sujet des permis, ce Concordat est identique au précédent, à l'exception des points suivants : Art. 8 (correspond à l'article 7 du Concordat précédent) 1. inchangé (les engins sont mentionnés à l'art. 20 au lieu de l'art. 17) 2. . . . avec les engins mentionnés à l'article 20, chiffres 5, 6 et7, ainsi qu'avec des fils dormants. 3. . . . avec tous les engins prévus pour le permis de 2me classe, hormis la ligne traînante et les fils dormants. " " 2me " il h " " 2me " pour 1 mois " " 3me " par an " " 3me " pour 1 mois " " 3me " pour 3 jours Art. 9 (correspond à l'article 8 du Concordat précédent) La seule nouveauté concerne les permis de 2me et 3me classe d'une durée limitée; ces permis sont valables pour 30 jours (2me et 3me classe) ou 3 jours (3me classe) consécutifs. Ire classe 2me classe 3me classe Année Canton 1 ty2 gd. f. 2 mensuel 3 mensuel 3j. total 1959 . N 42 2 5 319 11 205 213 80 877 V 49 _ 2 93 2 62 55 29 292 F 44 2 9 41 - 79 - - 175 total 135 4 16 453 13 346 268 109 1344 1960 N 42 2 4 240 6 149 154 65 662 V 48 _ 3 89 2 66 51 24 283 F 43 2 8 36 - 73 - - 162 total 133 4 15 365 8 288 205 89 1107 1961 N 42 2 3 280 6 238 226 138 935 V 47 - 4 97 2 90 92 92 424 F 41 2 7 38 ¦ - 160 - - 248 total 130 4 14 415 8 488 318 230 1607 1962 N 40 2 4 303 10 369 257 238 1223 V 42 _ 3 115 7 140 118 129 554 F 39 1 6 45 - 271 - - 362 total 121 3 13 463 17 780 375 367 2139 1963 N 37 2 2 329 9 444 235 263 1321 V 43 _ 3 122 3 204 117 119 611 F 39 1 6 42 - 238 - - 326 total 119 3 11 493 12 886 352 382 2258 1964 N 35 2 1 360 7 518 304 305 1532 V 44 _ 2 136 5 231 191 227 836 F 37 3 4 51 - 110 - - 205 total 116 5 7 547 12 859 495 532 2573 1965 N 32 2 2 359 5 430 251 233 1314 V 44 _ 4 146 5 195 108 125 627 F 40 — 5 54 5 99 - - 203 total 116 2 11 559 15 724 359 358 2144 121. LA PROFESSION DE PECHEUR : PRESENT ET AVENIR Le graphique No. 10 nous a permis de retracer brièvement l'histoire des pêcheurs en fonction du nombre de permis vendus an- nuellement de 1871 à 1965. Il convient maintenant de formuler quel- ques remarques au sujet de l'état actuel de la profession et de son évolution probable. En raison du rôle secondaire qu'il joue sur le plan écono- mique, le pêcheur amateur ne nous retiendra guère. En effet, pour lui, la pêche est une distraction qui peut, le cas échéant, devenir rémunératrice; il n'a cependant pas besoin de pêcher pour vivre. Aussi nombreux que soient les pêcheurs amateurs, leur apport à la production totale reste minime; cette proportion diminuera enco- re certainement à la suite des mesures qui devront être prises pour restreindre leur activité actuelle. Toutefois, quelque sévères que soient ces mesures, elles n'empêcheront pas que des amateurs pratiqueront toujours ce sport. Il en va par contre tout différemment du pêcheur pro- fessionnel et l'on doit s'interroger sur l'avenir de cette profession. Nous l'avons relevé (p. 93), le diplôme de pêcheur n'exis- te pas, pas plus qu'une école de pêche. Le savoir du pêcheur ne s'acquiert pas dans des livres; l'expérience des aîné est à la base de connaissances que seul un contact permanent avec le lac permet d'accroître. La profession ne jouit pas d'une reconnaissance offi- cielle - elle n'est implicitement reconnue que sur le plan cantonal - et le titre de "Maître pêcheur" est inconnu; il n'y a donc pas d'ap- prentis. Le jeune homme qui se destine à la pêche doit pourtant apprendre son métier; l'enseignement qu'il reçoit lui est transmis oralement, le plus souvent par son père ou quelque autre parent. Les vieux pêcheurs actuels ont formé celui de leur fils qui voulait bien perpétuer la tradition; ils ont encouragé leurs autres enfants à acquérir une profession sanctionnée par un diplôme. L'étude des noms des actuels titulaires d'un permis de pêche professionnelle est révélatrice de cette tendance. Précisons qu'en raison de la discrétion - et souvent même de l'anonymat - que nos informateurs nous ont prié d'observer, nous nous bornerons à une analyse sommaire de la liste des noms des 117 pêcheurs titu- laires d'un permis valable en 1966, Leur répartition géographique apparaît à la figure 2, à l'exception de cinq pêcheurs dont le domi- cile n'est pas indiqué. Ces derniers résident sur les rives du lac de Morat où se déroule la part la plus importante de leur activité. Comme ces cinq pêcheurs sont également au bénéfice d'un permis 122. de pêche dans le lac de Neuchâtel, ils figurent dans la statistique des permis et dans la figure 3 indiquant la répartition des pêcheurs par classes d'âge en 1966. Leurs noms n'apparaissent cependant pas dans le tableau ci-dessous réservé aux seuls pêcheurs résidant au bord du lac de Neuchâtel. Nous avons réparti les 112 pêcheurs installés sur les rives de notre lac en trois classes d'âge. Il s'a- gissait de présenter un tableau aussi clair que possible, sans pour autant commettre d'indiscrétions en révélant des prénoms ou en donnant des âges trop précis. ie moins de 20 ans de 30 à 49 ans plus de 50 ans à 29 ans Nom Nombre de Nom Nombre c e Nom Nombre de pêcheurs pêcheurs pêcheurs Arm 2 Arm 1 Arm Bachelin 5 1 Baudois 1 Baudois Bernasconi Biolley 4 1 2 Bonny 2 Bonny von Büren C antin 7 1 3 Chouet 1 Chouet 1 Cuany 1 Cuany Dagon Déchanez 4 1 1 Delley 1 Delley 2 Delley Desaules 3 1 Droz 1 Droz Duc Dupuis Fauconnet Favre Fivaz Gallandat 1 1 1 1 1 1 1 Gilliéron 2 Goneerut Goumaz Grandj e an 1 1 1 Henry 2 Henry Kaiser Kraft Landry Maeder 3 1 3 1 1 123. de moins de 20 ans de 30 à 49 ans plus de 50 ans à 29 ans Nom Nombre d e Nom Nombre de Nom Nombre de pêcheurs pêcheurs pêcheurs Maître 1 Nicollier 3 Nicollier 1 Ottonin 1 Ottonin 1 Pahud 1 Pahud Perrenoud 2 1 Perriard 1 Perriard Pury Quadri 1 2 1 Rechsteiner 1 Robert 1 Renaud Ribaux Richard Rigazzi Rougemont Rousselot Sandoz 1 2 1 1 1 1 2 Schmid 1 Schmid 1 Schmid Stucki 1 1 Thévoz 1 Thévoz Vallélian Veuve Widmer 1 1 1 1 Wolf 1 WoIf 1 WoIf 1 Nous constatons que : 1. 112 pêcheurs portent 55 noms différents dont 32 sont portés par un seul pêcheur et 23 sont communs à deux pêcheurs ou davantage. 2. les 32 noms isolés sont portés par : 1 pêcheur de moins de 29 ans; 1 pêcheur de 30 à 49 ans, 30 pêcheurs de plus de 50 ans. 3. dans la catégorie des plus de 50 ans, 6 noms sont communs à 2 ou 3 pêcheurs, mais ces noms ne se retrouvent pas dans les autres catégories. Nous avons donc 36 noms différents (30 noms uniques et 6 noms communs) appartenant à des pêcheurs de plus de 50 ans. Comme ces noms ne figurent pas dans les 124 classes d'âge inférieures, on peut admettre que les fils de ces 44 pêcheurs ont acquis une autre profession. 4. 16 noms sont communs à des pêcheurs des deux classes les plus anciennes. Selon les cas, il s'agit de pères et de fils, de frères, d'oncles et de neveux ou de cousins. 5. les deux noms qui n'apparaissent que dans la classe moyenne sont portés par des descendants de pêcheurs. 6. dans la classe la plus jeune, 5 pêcheurs portent un nom que l'on retrouve dans les classes supérieures : ce sont des fils de pêcheurs. En conclusion, il apparaît clairement que : 1. la profession se transmet dans la plupart des cas au sein d'une même famille. 2. 44 vieux pêcheurs ont dirigé leurs enfants vers d'autres pro- fessions, 3. sur 6 jeunes pêcheurs, 5 d'entre eux sont des descendants directs de pêcheurs professionnels. Ces quelques constatations suffisent à démontrer que l'avenir de la profession est loin d'être assuré. Puisque le métier de pêcheur s'apprend au contact d'un afné - le père ou l'oncle générale- ment - il est peu probable que des jeunes gens, sans lien de parenté avec des pêcheurs, choisissent cette profession. Certes, on peut admettre que les pêcheurs âgés de 30 à 49 ans ont des enfants encore trop jeunes pour figurer parmi les professionnels; mais rien ne prouve que ces 25 pêcheurs transmettront leur savoir à leurs fils. Les famil- les de ces pêcheurs constituent en fait la seule "réserve" capable d'as- surer la relève. La figure 3 nous permet également d'annoncer avec certitude la pénurie de pêcheurs qui ne tardera pas à se produire. Il suffit en effet d'imaginer ce que serait notre graphique si on le trans- posait en 1986. âges Nombre de + 100 2 90 - 99 16 80 - 89 34 70 - 79 32 60 - 69 13 50 - 59 13 40 - 49 6 30 - 39 1 125 Il n'est sans doute pas exagéré d'affirmer que la pro- fession de pêcheur est en voie de disparition; on peut dès lors s'interroger sur l'avenir même de la pêche. Depuis une vingtaine d'années, la pêche ne représente • plus un débouché intéressant pour les jeunes gens des villages ri- verains. A l'heure actuelle, seules trois localités comptent plus de dix pêcheurs, mais la moyenne d'âge y est élevée , ce sont : Estavayer, Chevroux et Portalban. D'une manière générale, la pêche ne joue pratiquement plus de rôle social et économique dans le cadre du village. Sur un plan plus élevé cependant, la pêche représente un facteur économique important, non par les taxes que versent les pêcheurs, mais par la production de pois- sons qui constituent la spécialité culinaire de toute la région lit- torale, voire de centres plus éloignés. Le chiffre d'affaire réali- sé par les pêcheurs est minime comparé à l'apport réel des con- sommateurs qu'un met délicat peut attirer ou retenir dans un hôtel ou un restaurant. A notre avis, c'est à travers le mouve- ment touristique qu'on peut légitimement évaluer le rôle écono- mique de la pêche. La somme résultant de la vente du poisson est négli- geable face aux bénéfices réalisés dans d'autres secteurs écono- miques grâce aux touristes, mais une spécialité gastronomique contribue incontestablement à l'attrait que les régions voisines du lac peuvent exercer sur les hôtes étrangers. C'est pourquoi nous pensons qu'il n'est pas suffisant de constater que la pêche ne fait vivre que 120 familles environ; s'il n'y avait plus de pê- cheurs, l'économie de toute la région en souffrirait. Dans cette optique, la pêche joue donc un rôle impor- tant et l'avenir de la profession doit être assuré. Le problème est complexe et les moyens disponibles sont peu nombreux. Il est aisé d'introduire de nouvelles mesures législatives, mais elles ne feront guère qu'améliorer la situation des pêcheurs existants. Il est par contre plus difficile d'assurer la relève en attirant des jeunes vers cette profession; tel devrait être le pre- mier objectif à atteindre. Le métier de pêcheur pourrait faire l'objet d'un appren- tissage au même titre que n'importe quelle autre profession; mais cet apprentissage devrait être institué alors qu'il y a encore un nombre suffisant de vieux pêcheurs. Ces derniers ne devraient pas être contraints de rémunérer eux-mêmes des apprentis, leurs ressources ne sont certes pas suffisantes; il conviendrait donc d'instaurer un système de bourses. Les gouvernements des trois cantons intéressés iront-ils jusqu'à prendre de telles mesures pour assurer l'avenir de cette profession ? Cela paraît peu probable. 126 On peut en effet aborder le problème sous un autre angle : importe-t-il davantage de protéger une profession en voie de dispa- rition ou de garantir l'approvisionnement en poisson de la région considérée ? L'avenir de la production semble plus facile à assurer. Dans dix ou vingt ans, nombre de pêcheurs auront disparu; pour compenser cette perte, il sera possible d'augmenter le nombre des engins autorisés. Certes, un pêcheur seul ne peut manier une quantité illimitée de filets, mais il pourrait en tendre plus qu'il n'en a le droit actuellement. Pendant un certain temps, un plus petit nom- bre de pêcheurs captureront autant de poissons qu'aujourd'hui, mais avec une plus grande quantité d'engins. Ensuite ? nul ne peut imagi- ner ce que sera l'avenir. Disons simplement que le statut des pêcheurs amateurs pourrait être modifié pour leur permettre de contribuer dans une plus large mesure à la production totale. Grâce à leur connaissan- ce du lac et des poissons, certains amateurs seraient sans doute à même d'embrasser la profession de pêcheur. Remarquons toutefois qu'aucun pêcheur amateur n'a l'habitude d'utiliser des filets puisque le permis de "petite pêche" (3ème classe sous les Concordats de 1916 à 1949) n'existe plus. En résumé, l'avenir de la production peut être garanti, mais il n'est pas certain que la pêche soit longtemps encore le produit d'une activité individuelle. Peut-être sera-t-il nécessaire de fondre les actuelles exploitations artisanales en quelques grandes pêcheries de type industriel. Si tel devait être le cas, la pêche arti- sanale ne vivrait plus qu'à l'état de souvenir dans nos régions. Puis = se la présente étude, dans laquelle nous avons tenté de fixer par le texte et l'image la vie, le matériel et le parler des pêcheurs de notre lac, perpétuer la mémoire de cette belle profession . * * * II PARTIE ETHNOGRAPHIQUE PARTIE ETHNOGRAPHIQUE Introduction Dans les chapitres qui suivent, le lecteur trouvera la description des différents engins de pêche employés dans le lac de Neuchâtel, et des pêches effectuées au moyen de ces engins. De manière à éviter les répétitions et pour accroître la clarté de l'exposé, nous avons établi une classification diffé- rente de celle adoptée dans les Concordats (de 1903, 1916, 1936 et 1949). Dans ces textes, les engins sont groupés d'après leur fonctionnement ou, si l'on préfère, d'après leur mode d'utilisa- tion; ils figurent sous les rubriques suivantes : 1) Engins courants : le grand filet (ou senne) 2) " dormants : petits filets à simple toile et tramail filets à amorces fils dormants berfous et nasses 3) " flottants : petits filets à simple toile fils flottants torchons 4) " traînants : ligne traînante gambe (ou ligne plongeante) "biberon" ou "lolette" 5) " auxiliaires : filoche ou recueilloir (épuisette) La classification que nous avons choisie repose sur une simple constatation : à l'exception des pièges à poissons (berfous et nasses) qui sont posés au fond de l'eau et ne retien- nent que les poissons qui veulent bien y pénétrer, les engins manoeuvres par les pêcheurs fonctionnent selon deux principes différents : 1) les filets constituent un obstacle dressé sur le passage des poissons (le grand filet échappe à cette règle puis- qu'il va à la rencontre des poissons); 2) les autres engins portent un appât destiné à attirer le poisson. Il en résulte donc que l'élément essentiel d'un engin de pêche est soit la maille du filet, soit l'hameçon de la ligne; en se fondant sur cette distinction, nous pouvons répartir les engins de pêche en deux catégories principales : 128. a) les filets b) les hameçons a) les filets Compte tenu des dimensions de ces engins, nous les avons répartis en trois groupes : 1) les grands filets s les filets à sac ou à poche 2) les filets moyens (appelés petits filets dans la législation) : tramai! filet à simple toile dormant ("de fond") filet à simple toile flottant ("de lève") 3) les petits filets : filet à amorces filoche ou recueilloir b) les hameçons Les engins de cette catégorie sont décrits dans l'ordre suivant ; 1) les fils (dormants et flottants) 2) le torchon 3) la ligne traînante ou traîne 4) la ligne plongeante ou gambe 5) le "biberon" ou "lolette" 6) la ligne flottante ou dormante Il nous a paru logique d'énumérer ces engins en fonction de leur importance respective. Les deux premiers étaient jadis très employés par les pêcheurs professionnels; les autres appar- tiennent au domaine de la pêche sportive bien que cette distinction ne soit pas absolue. Comme ces derniers figurent dans la plupart des manuels pratiques destinés aux pêcheurs amateurs, nous nous sommes limités à des descriptions sommaires. Pour éviter l'écueil d'un système trop compliqué de renvois, nous avons fait suivre la description des différents modes de pêche de celle des engins correspondants. Le nom des poissons recherchés apparaît au cours de l'exposé. Le lec- teur qui désirerait savoir comment on pêche tel ou tel poisson trouvera les indications nécessaires dans la liste des poissons du lac, placée à la fin de l'ouvrage. * 129. DU FILET DE COTON AU FILET SYNTHETIQUE Bien que l'usage du filet soit postérieur à la pratique de la pêche, il est le fruit d'une invention fort ancienne et les vestiges trouvés dans les stations lacustres en apportent la preuve. Un petit fragment de filet à mailles de 33 mm. de côté a été recueilli à la station de Port-Conty (St. Aubin) et les innombrables poids de filets (galets à encoches) prouvent l'usage du filet durant tout le Néolithi- que. Jusqu'à la fin du siècle dernier, cet engin était entièrement filoché à la main au moyen de fil de lin ou de coton. Les plus âgés des pêcheurs actuels se rappellent avoir entendu leur père évoquer ce long travail qui s'effectuait surtout en hiver. Les pêcheurs n'é- taient pas les seuls à fabriquer des filets, les femmes en filochaient également. La description de cette technique se trouve dans de nom- breux ouvrages aisément accessibles (voir bibliographie), nous re- nonçons donc à l'inclure dans cette étude. Par ailleurs, les noeuds de filochage et de raccommodage utilisés par les pêcheurs sont du type décrit dans ces traités, c'est pourquoi nous nous bornerons à signaler quelques termes recueillis en cours d'enquête. Les deux instruments utilisés sont le moule, une pièce de bois soigneusement calibrée autour de laquelle les mailles sont formées, et la navette appelée aiguille ou aiguillette. Jadis en bois, cette dernière est maintenant en écaille; la navette s'achète dans les magasins d'articles de pêche. Jusqu'il y a une dizaine d'années, les pêcheurs l'employaient pour filocher les avant-gardes des tra- mails et les toiles des berfous. Ce dernier engin étant en voie de disparition (voir p. 222), ils ne se servent plus guère de la navette que pour confectionner les toiles des recueilloirs et raccommoder les filets. A Estavayer, un informateur nous a signalé l'usage de longues navette (30 à 40 cm. ) portant la ralingue destinée au mon- tage des filets. Dans cette même localité, nous avons relevé le terme ansena désignant un appareil utilisé autrefois pour le filo- chage. L'ansena est un support rigide composé d'une pièce de bois de quelque 40 cm. de long, percée d'un trou à chaque extré- mité, et d'une baguette de coudrier (fig. 35). Cette dernière est fixée dans un des trous et passée a travers Pautre de manière à pouvoir être libérée. C'est sur la baguette qu'on filochait le pre- mier rang de mailles, le commençon ou les c'mintyons. Confec- tionnées à l'aide d'un fil grossier, ces mailles - nommées pigeons dans les manuels français - servent de point de départ à l'ouvrage. Le filet terminé, ces mailles sont en effet coupées pour libérer la toile. La baguette de l'ansena contenait les 2400 mailles corres- pondant à la longueur du filet et supportait la toile en cours d'exé- cution. Une fois le travail achevé, il suffisait de détendre la ba- guette pour détacher la toile. 130. Comme nous le verrons plus loin (voir : Filet moyen, p. 166), la toile doit être bordée de ralingues en haut et en bas. Les pêcheurs actuels n'achètent d'ailleurs jamais de filets prêts à l'usage mais seulement des toiles qu'ils montent eux-mêmes. Ces ralingues, appelées chalame et vêtre sont respectivement bignettées et plombées, c'est-à-dire munies de flotteurs (appelés bignets) et de plombs. Le filet, en raison de la traction subie sur ses deux longs côtés, comporte en haut et en bas des rangs de mailles en fil plus grossier. A l'époque du filochage à la main, on disait "faire les tours de grossier"; on en filochait généralement 2 rangs en haut et 2 ou 3 en bas. Les filets de coton fabriqués à la machine portent un rang de mailles en fil plus gros de chaque côté. Sur les filets synthétiques, les fils de ces mailles sont doublés. D'après les documents consultés, les pêcheurs suisses commencèrent à acheter des toiles filochées à la machine peu après 1873, date de fondation de la fabrique d'Itzehoe, en Allemagne. Par la suite, cette industrie se développa dans notre pays, à Tägerwilen (Thurgovie) en particulier. Depuis 1954-1955, la fibre synthétique (nylon, grylon, monofil) a remplacé le fil de coton; cette innovation a profondément transformé la vie de nos pêcheurs. Mais avant d'aborder ce problème, consacrons encore quelques lignes au rac- commodage. Quand il refait une maille entière, le pêcheur dit qu'il raccommode "à la maille". Comme celle-ci comporte quatre côtés, il dira qu'il "fait les quarts" (ou "répare aux quarts") ou les demies selon qu'un ou deux fils seulement sont cassés. S'il y a un volet (une grande déchirure) dans le filet, le pêcheur renonce à filocher les mailles détruites. Il prépare la réparation en coupant tous les fils qui dépassent des noeuds et découpe un morceau de grandeur correspondante dans une autre toile conservée à cet effet, généra- lement un filet trop abîmé pour pêcher. Le morceau est ensuite cousu dans le volet, ce qui se dit "rapiécer" ou "poser une pièce", Une autre réparation courante consiste à remonter une vêtre arra- chée par quelque obstacle sous-marin. Quand la cordelette est dé- tachée de la toile sur une grande longueur, on dit que le filet est dévêtré. Si c'est sur une courte distance, on a une pendolile (ou pendouille) ou une pendigoille. Pour le travail de raccommodage, deux instruments sont utilisés : une navette chargée de fil et un couteau pour cou- per les brins cassés ou le fil de la navette quand la réparation est achevée. Durant la première phase, alors qu'il prépare un rac- commodage en sectionnant les fils rompus, le pêcheur tient le filet de la main gauche, le couteau de la droite et la navette entre ses dents (photo 47). Pour raccommoder, il glisse le couteau sous son aisselle gauche et prend la navette de la main droite (photo 48). Dès qu'il a terminé, il remet la navette dans sa bouche. Sensible à tout ce que les pêcheurs peuvent avoir en commun, un informa- teur nous a dit son émotion à la vue d'un film consacré aux pêcheurs japonais. Ces derniers tenaient leurs instruments de la même ma- 131. nière que lui. Cette identité de technique méritait d'être relevée. En matière de filet, il est évident que l'élément essen- tiel est la dimension des mailles puisqu'elle détermine la taille des poissons susceptibles d'être capturés. Depuis le 3 juin 1889, date de l'adoption du "Règlement d'exécution pour la loi fédérale sur la pêche" (du 21 décembre 1888), il est stipulé, à l'article 5, que : "L'ouverture des mailles des filets doit être mesurée à l'état humide et d'après les côtés des carrés qu'elles forment, de noeud à noeud, et non pas en diagonale. . . . Dans le contrôle des filets et des, treillis, une différence accidentelle de 1/10 en moins dans certaines* mailles ou autres ouvertures ne doit pas donner lieu à réclamation" (alinéa modifié, arrêté fédé- ral du 30 mai 1905). Le manque de précision de ce texte quant à la manière de mesurer et la faible tolérance accordée soulevèrent nombre de controverses. Les mailles devaient-elles être mesurées séparé- ment ou en séries de nombre déterminé ? A l'époque, on décida finalement que les mailles devaient être mesurées par groupe de 10, ce qui assouplit quelque peu la rigueur du 1/10 d'erreur admis par le législateur. Malheureusement, ces controverses reprirent de plus belle avec l'introduction des filets synthétiques. En raison de l'instabilité de la matière elle-même, il apparut rapidement que l'ouverture des mailles se modifiait après usage. Le fil de nylon, première matière utilisée, se rétrécissait au point que plusieurs pêcheurs durent renoncer à utiliser certains filets, en particulier les bondellières à mailles de 28 mm. (cette dimension correspond au minimum autorisé par le Concordat de 1958). A ce moment, et comme la loi ne le précisait pas, les pê- cheurs demandèrent si les mailles devaient être mesurées fils tendus ou non, l'élasticité du nylon permettant de compenser lar- gement la tolérance admise. Le bruit a même couru que quelques pêcheurs avaient trouvé un moyen d'accroître l'élasticité des filets en les immergeant dans une marmite d'eau bouillante. Après les filets de nylon, ceux dits "monofils" apparu- rent sur le marché. Contrairement aux premiers cités, ils avaient tendance à s'allonger, ce qui provoqua d'autres difficultés entre les autorités et les pêcheurs d'une part, et entre ces derniers et les fabricants d'autre part. L'évocation de cette période troublée ne présente guère d'intérêt ici; les perfectionnements apportés dans la confection des engins et quelques concessions de part et d'autre ont apaisé les esprits, mais ce problème n'a pas encore été résolu d'une manière satisfaisante. L'introduction de ces nouveaux engins a toutefois marqué 132, une étape importante. Sur le plan du montage tout d'abord, les pêcheurs s'aperçurent rapidement qu'il n'était plus possible de coudre les chalames et les vêtres comme ils l'avaient toujours fait. Sur les filets de coton, ces cordelettes étaient fixées par deux noeuds à chaque point de fixation; il fallut en faire quatre avec les fils synthétiques pour éviter que les noeuds se déplacent. Quiconque a essayé de nouer un fil de nylon sait que cette matière est élastique, que le fil tend à se redresser et les noeuds à se des- serrer. Alors qu'un pêcheur pouvait monter deux filets de coton en une journée, il n'y parvient plus avec la fibre synthétique. La né- cessité de doubler tous les noeuds ne suffit pas à expliquer une plus grande lenteur de montage, il faut également tenir compte de la finesse des mailles qui rend le travail plus difficile et fatigue les yeux. En matière de raccommodage, les mêmes obstacles se présentent. Tant la difficulté de faire des noeuds solides que la finesse des fils empêchent les pêcheurs de réparer "au quart","à la demie" ou "à la maille" - ces expressions ne sont d'ailleurs plus employées - ils se contentent de poser des pièces. Puisque nous en sommes à la description des "points faibles" de ces en- gins, signalons encore qu'ils se dérèglent plus facilement que les filets de coton. Bien que filochés à la machine, les noeuds glissent facilement et les mailles se déforment. Quant à la matière synthé- tique elle-même, il apparaît qu'elle perd sa souplesse après un usage prolongé. Les fils deviennent presque cassants et les mailles ne retiennent plus guère de poissons. Par ailleurs, ce durcissement est encore accentué par les bains de sulfate de cuivre dans lesquels les hauts de filets munis d'un chalame de chanvre sont trempés, ce qui est encore souvent le cas. Enfin, d'après certains pêcheurs, les filets synthétiques se chargeraient d'électricité statique au point d'attirer le plancton, des mousses et d'autres matériaux qui rendent l'engin plus voyant. A. considérer ces inconvénients, on peut se demander pourquoi les pêcheurs ont abandonné leurs filets de coton (appelés aussi les cotons) et ont tous rapidement acquis des synthétiques. A notre avis, les pêches quasi miraculeuses réalisées avec les pre- miers filets de nylon sont à la base de cette transformation. Pour s'en convaincre, le lecteur voudra bien consulter lès graphiques relatifs au rendement de la pêche, celle de la bondelle en particulier, A,u vu des résultats obtenus, quel pêcheur aurait renoncé à une pos- sibilité d'accroître son gain ? Malheureusement, ces belles pêches ne durèrent que quelques années et il semble bien que ces engins soient largement responsables du "surpêchage" de la bondelle. Parmi les raisons qui ont pu pousser les pêcheurs à moderniser leur matériel, un facteur humain doit être évoqué. Ainsi que tous les informateurs nous l'on dit, "les filets sont la fierté du pêcheur". Par là, il faut entendre que le pêcheur est fier 133. de posséder des engins en parfait état, réparés "aux quarts". Il aime aussi à les contempler, soigneusement alignés à l'étendage, toutes les vêtres atteignant le même niveau au-dessus du sol. Dès que quelques pêcheurs eurent transformé leur matériel, les autres en firent autant, peut-être un peu par orgueil. Sur le plan psychologique, l'apparition des filets synthé- tiques entraîna diverses conséquences, à commencer par une sorte de détachement de leur propriétaire à leur égard. Les pêcheurs ai- maient leurs cotons, ils les entretenaient, les réparaient soigneu- sement, les désignaient parfois du prénom porté par un des membres de leur famille. JLe filet synthétique est un simple outil qui ne mérite plus guère qu'on s'y attache. On le fait travailler, quand il est trop abîmé, on le jette. A l'étendage, il n'a aucune allure, sa vêtre se tortille, sa toile se dérègle, il tombe aussi mal qu'un pantalon trop long. En dépit de ces défauts, les pêcheurs s'accordent à reconnaî- tre que c'est .un bon outil. Ses fils ne s'échalousent plus, ses noeuds se prennent moins les.uns dans les autres et il est plus facile à ten- dre. C'est un filet qui sèche très vite car la matière est impermé- able à l'eau. Grâce à cela, il n'est plus nécessaire de posséder un matériel aussi considérable que par le passé. Quelques heures après avoir été relevé, le synthétique peut à nouveau être tendu. Son .entretien est nul, surtout s'il est monté avec des ralingues synthétiques. Les filets de coton par contre devaient être réguliè- rement trempés dans une solution de sulfate de cuivre (1 - 2%) au rythme de une fois par mois, voire toutes les trois semaines en été. Bien entretenu, un coton durait 20 à 30 ans; un synthétique ne résiste guère plus de 5 à 8 ans. Enfin, comme il n'est plus possi- ble de raccommoder les filets synthétiques "à la maille" et que la pose d'une pièce est une opération rapide et relativement peu fré- quente, le pêcheur a été libéré d'un grand nombre d'heures de tra- vail improductif. Le pêcheur peut consacrer le temps ainsi gagné à des travaux rémunérateurs. Il y a quelques années encore, la perche se vendait entière au prix d'environ 2 Fr. le kilo. Actuellement, les pêcheurs découpent eux-mêmes les filets et les vendent au prix moyen de 10 Fr. le kilo. Ils préparent aussi les filets des vengerons et des palées. Le temps gagné leur permet également de tendre un plus grand nombre d'engins - ce qui favorise l'amor- tissement plus rapide imposé par la durabilité limitée des filets synthétiques - ou de vaquer à d'autres occupations. La plupart des pêcheurs possèdent un coin de terre cultivable, un verger ou des lapins; on comprendra aisément que toute évaluation valable de leurs ressources est quasi impossible. Ainsi donc, en dépit des inconvénients qu'ils présentent, les filets synthétiques ont été rapidement adoptés. Après avoir cru que ces engins péchaient mieux que les cotons - les résultats obte- 134. nus avec les premiers filets de nylon ne pouvaient que les confirmer dans cette idée - les pêcheurs se sont rendu compte que les possibi- lités respectives de ces deux sortes de filets étaient finalement assez semblables. A l'heure actuelle, certains d'entre eux diraient volon- tiers que les poissons se sont habitués à ces nouveaux pièges et qu'il faudrait retendre des filets de coton. Quelques pêcheurs l'on fait d'ailleurs, introduisant des cotons dans une couble de synthétiques. Lors du retrait, le fait que les cotons aient parfois capturé un plus grand nombre de poissons que les synthétiques les a troublés; mais peut-être n'était-ce qu'un effet du hasard. Quoi qu'il en soit, les filets de coton qui pendent encore dans les baraques ne seront plus utilisés. Inemployés depuis plusieurs années, leurs fils se sont fuses par manque d'entretien, le coton est "cuit" comme disent les pêcheurs. Sans conteste, le filochage à la machine fut la première révolution dans cette profession; l'apparition des filets synthétiques constitue la deuxième. Cette innovation a contraint le pêcheur à changer d'attitude. Ses filets ne sont plus sa fierté, ils sont deve- nus des outils qui le laissent assez indifférent. Ils lui ont permis de réaliser un gain de temps appréciable et il a dû reconvertir ses ac- tivités. Là aussi, le progrès a exercé une influence profonde et le temps est proche où les pêcheurs auront oublié les noeuds de filo- chage et de raccommodage. Les expressions "raccommoder à la maille, à la demie ou au quart" ne signifieront plus rien pour eux. D'ailleurs, c'est déjà ce que prétendent les vieux pêcheurs à pro- pos des plus jeunes. * 135. LES FLOTTEURS » Sur les tramails, sur les filets à amorces et les filets de fond, les flotteurs sont attachés à la ralingue bordant le haut de l'engin, c'est-à-dire au chalame. Ils sont de petites dimensions (eilv. 10 cm, de longueur en moyenne) et leur qualité essentielle réside dans leur résistance aux fortes pressions auxquelles ils sont soumis lorsqu'ils sont immergés. C'est particulièrement le cas des flotteurs montés sur les filets de fond. Ceux-ci sont en effet tendus jusqu'à 130 ou 140 ni. de profondeur, ce qui représente une pres- sion de 13 à 14 atmosphères. Pour les grands filets (sennes) et les filets flottants (dits "de lève"), les flotteurs utilisés sont de plus grandes dimensions vu le poids des engins qu'ils soutiennent; le problème de la résistance à la pression ne se pose pas puisqu'ils restent à la surface. Nous pouvons donc répartir les flotteurs en deux groupes sur le critère des dimensions. A. Les petits flotteurs Depuis le début du XXe. siècle, de petits flotteurs de différentes matières sont apparus sur le marché. Malgré cette diversité, tous sont appelés bignets et il est intéressant de cons- tater que nombreux sont les pêcheurs qui sont restés fidèles aux vieux bignets d'écorce. 1, le bignet d'écorce (fig. 18) C'est le flotteur le plus ancien; nous savons en effet que les pêcheurs des stations lacustres l'employaient déjà. D'après Thomazi (Histoire de la pêche, p. 27), ces flotteurs étaient taillés dans de l'écorce de pin. Un fragment de flotteur (en écorce de peu- plier selon P, Vouga) datant du néolithique ancien, a été retrouvé à Cortaillod. De nos jours, les pêcheurs n'utilisent que l'écorce du peuplier Carolin. Les meilleurs écorces provenaient de Cerlier, celles d'Yvonand et de Salavaux étaient également jugées bonnes. En raison du développement de l'industrie du papier en particulier, il est maintenant difficile de se procurer des écorces de qualité. Les arbres sont abattus plus jeunes, et ils ne sont plus, écorces aus- si soigneusement que jadis. Matériau très dense, l'écorce de peuplier supporte de très fortes pressions pendant plusieurs jours. Rappelons qu'il y a quelques années encore, • les bondellières tendues au grand pro- fond passaient deux ou trois nuits dans le lac, Taillés au couteau et percés d'un trou à chaque extré- 136. mité, les bignets d'écorce sont trempés dans une solution de paraf- fine avant usage. Après un certain temps, ce traitement doit être répété; cela oblige le pêcheur à détacher les flotteurs des filets. Malgré ces difficultés d'entretien, presque tous les pêcheurs utili- sent encore des filets équipés de tels bignets. Dans plusieurs cas, nous avons appris que ces flotteurs avaient appartenu au père de l'informateur ou que ce dernier en avait reçu comme cadeau de mariage. D'une manière générale, chaque pêcheur taille lui-même les flotteurs qu'il utilise; les vieux pêcheurs cependant, dont l'état de santé ne leur permet plus de pratiquer la pêche, confectionnent des bignets d'écorce et les vendent. Le prix de vente était de 14 Fr. à 16 Fr. le cent, vers 1930, il a passé à 22 Fr. à 25 Fr. actuelle- ment. Ces chiffres relativement bas ne sont sans doute pas étran- gers à la persistance de ce type de flotteur, mais il faut également tenir compte de sa très grande résistance à la pression. 2. Le bignet d'aluminium (fig. 15) En décembre 1904, un article publié dans le Bulletin suisse de Pêche et de Pisciculture annonçait la mise au point d'un nouveau type de flotteur qui, selon l'auteur, était appelé à supplan- ter le bignet d'écorce. Dès janvier 1905 et pendant plusieurs mois, ce bulletin contient une demi-page de publicité consacrée au bignet métallique inventé et fabriqué par M. Achille Lambert de Chez-le- Bart (NE). Composé de deux valves accollées, le flotteur d'alumi- nium était censé résister à une pression de 25 atmosphères. D'a- près un vieux pêcheur de Chez-le-Bart cependant, ce bignet ne pouvait guère être immergé à plus de 25 ou 30 m. Au-delà de cette profondeur, le flotteur était écrasé; c'est la raison pour laquelle cette invention n'eut aucun succès et la fabrication cessa rapide- ment. Ajoutons que le prix de vente, 22 Fr. le cent (en 1905), en faisait un article que bien peu de pêcheurs pouvaient acquérir. 3. Le bignet de celluloid (fig. 16) Appelé ainsi par les pêcheurs, ce flotteur est en réalité composé d'une planchette rectangulaire en bois de sapin recouver- te d'une mince couche de celluloïd. Ce type de flotteur apparut vers 1929 - 1930; il se vendait au prix de 28 Fr. le cent. Grâce à sa bonne résistance à la pression, ce bignet se répandit rapidement et jusqu'à une date récente, il était presque aussi courant que le bignet d'écorce. Actuellement, de nombreux filets portent des flotteurs des deux types. Le seul inconvénient à signaler est la fragilité re- lative de l'enveloppe de eellulofd. Si celle-ci subit un léger accroc, le bois s'imbibe rapidement et le bignet coule sous le poids du chalame» 137. 4. Le bignet de plastique (fig. 17) Nous signalons l'existence de ce type de flotteur, bien qu'il n'ait guère eu de succès auprès des pêcheurs. Ce bignet, de fabrication suédoise, se présente sous la forme d'un ellipsoïde évidé au travers duquel un canal permet le passage du chalame. Ce flotteur est glissé sur la cordelette et coulisse sur celle-ci; il est arrêté de chaque côté par les noeuds des ans ette s. Son prix élevé (40 Fr. le cent) et l'impossibilité de remplacer un ex- emplaire cassé sans détacher le chalame du filet expliquent son peu de succès. 5. Le bignet de sagex (fig. 12) Invention récente, ce flotteur s'est très rapidement répandu et tend à supplanter tous les bignet décrits ci-dessus. Son grand succès tient essentiellement au fait qu'il ne s'agit plus d'un accessoire à monter mais d'un flotteur incorporé à la gaîne entourant le chalame de nylon qui a remplacé la traditionnelle cordelette de chanvre. C'est la raison pour laquelle les pêcheurs parlent de plus en plus de chalame bignetté ou de corde de flotte, expression qui désigne également le chalame seul. Ce bignet se présente sous la forme d'un ellipsoïde très allongé en sagex com- primé protégé par une gaîne. De l'extérieur, le chalame bignetté montre donc des renflements répartis régulièrement, à 23, 28, 40, 60 et 70 cm. Les chalames à bignets rapprochés (23 et 28 cm. ) sont montés sur les filets de fond servant à pêcher la perche (ce poisson se prend mieux dans une toile rigide); les autres chalames bordent les filets de fond destinés à la capture des corégones au profond. Le chalame bignetté se vend au prix moyen de 40 Fr. par 100 mètres. Les pêcheurs sont satisfaits de cette invention qui leur fa- cilite grandement le montage des filets et supprime tous les travaux d'entretien habituels (paraffinage des bignets d'écorce après démon- tage, traitement des chalames de chanvre dans une solution de sul- fate de cuivre). Ce système n'est cependant pas encore tout à fait au point - des bignets éclatent ou s'imbibent d'eau sous l'effet de la pression - mais sa commodité d'emploi explique que tous les pêcheurs l'aient adopté. 138. B, Les grands flotteurs 1. Les flotteurs de grand filet (fig. 11) a) le flotteur de bras Servant à maintenir à la surface les bras de la senne, ce flotteur appelé généralement bet est fait d'une planchette de sapin. A l'époque du grand filet à quatre hommes, il était souvent de forme circulaire (diamètre : env. 27 cm. ), raison pour laquelle on le nommait parfois assiette. Ac- tuellement, ce flotteur est généralement de forme rectan- gulaire (env. 19x27 cm. ). Le système de fixation des deux modèles est identique. Percé d'un trou à quelques centimètres du bord, le bet est attaché par une ficelle à la cordelette (vôtre) bordant le haut des bras du grand filet. Ajoutons que certains pêcheurs appellent également bignet ce type de flotteur. b) le flotteur de sac Le sac du grand filet est supporté par trois flotteurs faits jadis de vessies de porc gonflées d'air. On les appelait vessies ou, plus souvent, pétufles. Ce terme, toujours en usage, désigne maintenant les ballons de caoutchouc ou de plastique qui ont remplacé les vessies de porc. 2. Les flotteurs de filet de lève (fig. 13 et 19) Tendus entre deux eaux, les filets de lève sont soutenus chacun.par trois flotteurs généralement parallélipipédiques d'envi- ron 18 x 10 x 5 cm. Jadis en liège, ces flotteurs sont maintenant fabriqués en matière synthétique. Des petites bouilles cylindriques (bidons de métal hermétiquement fermés) sont également utilisées. Les flotteurs sont entourés d'une longue cordelette (longueur maximum autorisée : 30 m. ) au moyen de laquelle le pêcheur détermine la profondeur d'immersion des filets. Cette profondeur est évaluée en brasses, la longueur de cordelette à dérouler étant mesurée bras tendus (1 brasse = env. Im. 70). Ha- bituellement, c'est à terre que le pêcheur prépare les flotteurs né- cessaires en- arrêtant par un noeud la cordelette à la longueur choi- sie. Il l'enroule ensuite autour du flotteur et, lors de la mise à l'eau des filets, il attache chaque cordelette aux chalames des filets au fur et à mesure que ceux-ci se déploient. Lorsque le flotteur est jeté à l'eau, la cordelette se déroule d'elle-même sous le poids de l'engin. 139. En ce qui concerne leur nom, nous avons relevé les termes de flotteurs, liège, bonde et soliveau. Bien que ce der- nier terme vieillisse, nous l'avons utilisé afin d'éviter toute confusion. Notons que Savoie-Petitpierre (in : BSPP No. 2, 1915, p. 17) appelle vion ou flotte ce type de flotteur. D'après les pê- cheurs, le terme de vion ne s'applique qu'à une marque flottante (voir p. 140); quant à flotte, nous ne l'avons retrouvé que dans l'expression corde de flotte (voir p. 137). * * * 140. LES MARQUES OU INSIGNES FLOTTANTS "Sous réserve des prescriptions édictées par la commission inter- cantonale, tout engin de pêche posé ou tendu dans l'eau doit être muni d'un insigne flottant bien visible, portant une marque au feu qui permet d'identifier le titulaire du permis. La partie émergente de l'insigne doit être d'une hauteur de 30 cm. au moins, sauf si l'engin de pêche est posé ou tendu à moins de 15m. de profondeur". (Concordat sur la pêche dans le lac de Neuchâtel du 15 janvier 1964, art. 21). Compte tenu des formes, dimensions et usages, on peut distinguer 5 types différents de marques flottantes : 1. le voiret 2. le vion 3. le polet de fond 4. le polet de lève 5. la bouille 1. Le voiret (fig. 21) Employé pour signaler l'emplacement de l'extrémité du premier bras du grand filet mis à l'eau (le bras de derrière), le voiret est un ancien type d'insigne aujourd'hui remplacé par une bouille ou un polet de lève. D'après les renseignements obtenus, le voiret consiste en une planche carrée, d'environ 50 cm. de côté, surmontée de deux arceaux en coudrier placés selon les diagonales du carré. Ces deux arceaux forment la poignée par laquelle, de son bateau, le pêcheur saisit la marque et la hisse à bord avant de reti- rer le grand filet. 2. Le vion (ou quille) (fig. 20) Note : Notre description concerne l'insigne que la plupart des pêcheurs actuels nomment vion. Remarquons cependant qu'ils ne sont pas tous d'accord sur l'objet désigné par ce mot et que dans les Concordats de 1916 à 1949, il est utilisé comme synonyme d'insigne flottant. Dans les "Compléments apportés au Concordat ... de 1936" pour l'année 1942 et 1944, on précisait que les tends de bon- dellières de lève devaient être munis, aux extrémités, de vions portant un drapeau jaune, marque que les pê- cheurs appellent maintenant polet. D'autre part, dans un article publié en 1915 (in : BSPP No. 2. p. 17), Savoie- Petitpierre nomme vion les flotteurs de filets de lève. 141. D'après les pêcheurs, cet usage est fautif. Le vion est une pièce de bois allongée, d'environ 35 cm. de longueur, dont la forme rappelle un peu celle d'une quille, d'où son surnom. Près de la pointe, un trou permet le passage de la cordelette amarrant l'insigne à l'engin de pêche. La forme illus- trée ici n'est pas la seule, certains pêcheurs utilisent des vions qui sont de simples parallélipipèdes rectangles. Cet insigne est destiné à marquer l'emplacement des engins tendus à moins de 15m. de profondeur (filets de fond, nas- ses, berfous, fils dormants), il est toujours placé du côté du riva- ge pour les filets de fond. Actuellement, le vion est de plus en plus remplacé par un polet de fond. Cette disparition résulte en grande partie du développement de la navigation de plaisance et des sports nautiques, du ski en particulier. En raison des faibles dimensions de sa partie émergente, cette marque n'est guère visible et présen- te de ce fait un certain danger. Par ailleurs, là où les plages, les chalets de vacances et les terrains de camping se développent, les pêcheurs ne peuvent pratiquement plus pêcher près du rivage, tant à cause des dégâts causés aux engins par les hélices des canots- moteur par exemple, que parce que les poissons ne se tiennent plus dans ces zones troublées par un trafic jadis inexistant. 3. Le polet de fond (fig. 24) Le polet de fond, qui signale la position des nasses, des berfous et des filets tendus entre 15 et 50 m. de profondeur, se compose d'un flotteur traversé en son milieu d'un bâton portant un drapeau ou des branchages sur sa partie émergente. Le flotteur, en liège ou en matière synthétique, est généralement carré. Il n'y a toutefois pas de règle absolue du fait que pour fabriquer un tel insigne, le pêcheur utilise ou réu^ tilise les matériaux dont il dispose. C'est pourquoi le flotteur de certains polets se compose d'une ou de deux petites plaques de liège superposées dont la forme varie du triangle au rectangle, La dimension de la partie émergente (30 cm. ) étant la seule norme à respecter, la longueur totale du bâton est variable. Elle est de 70 cm. dans la plupart des cas. Ce qui importe, c'est que l'insigne ne coule pas et qu'il se tienne droit à la surface de l'eau. Ces marques étaient jadis munies de branchages qui les rendaient visibles à distance. Actuellement, presque tous les polets portent un carré d'étoffe appelé drapeau. Celui-ci peut être soit directement cloué au bâton, soit monté sur une baguette fixée au bâton afin d'en accroître la hauteur, ce qui rend l'insigne plus aisément repérable à distance (fig. 25). 142. Outre leur nom, qui doit être marqué au feu ou peint sur le polet, certains pêcheurs ajoutent les lettres "B" ou "v", abré- viations de Bise et Vent. Le polet marqué "V" sera placé à l'ex- trémité ouest de la couble (du "côté Vent"), l'autre du "côté Bise". D'autres pêcheurs utilisent dans le même but des drapeaux de dif- férentes couleurs ou tout autre signe distinctif se rapportant aux points cardinaux. Cette indication est utile au moment de relever les filets, elle signale la direction de la couble par rapport au pre- mier polet retrouvé. Une couble d'une vingtaine de filets couvrant une distance d'environ 2 km. , il est évident que les deux polets ne peuvent être vus en même temps à l'oeil nu. L'insigne est amarré au filet au moyen d'une cordelette noué à la zie de l'engin et à l'attache fixée au polet. Cette derniè- re est double. Elle est nouée au-dessus et au-dessous du flotteur de manière à maintenir celui-ci au milieu du bâton. A la base de ce dernier, quelques noeuds assurent la verticalité de l'insigne. Cette attache se termine en une boucle de quelques dizaines de centimètres qui sera nouée à la cordelette reliant la marque à l'engin de pêche. Ce procédé n'est pas unique et l'on peut égale- ment voir des polets dont le flotteur est arrêté par un clou et dont le bâton est percé d'un trou à la base pour permettre le passage de l'attache. 4. Le polet de lève (fig. 23) Semblable en tous points au polet de fond quant au prin- cipe de construction, le polet de lève se distingue par des dimen- sions plus grandes. Destiné à signaler la position des coubles de lève qui sont sujettes à de forts déplacements (5 à 10 km. ), ce polet doit être visible de loin et mesure approximativement 2m. de hauteur. Le bâton, à cause de sa longueur, est lesté d'une pier- re qui doit assurer une verticalité d'autant plus menacée que le drapeau fixé dans la partie supérieure est grand. Par conséquent, la flottabilité de cet insigne sera garantie par un flotteur plus grand ou, le plus souvent, par un flotteur composé de deux plaques de liège ou de matière synthétique. Le mode d'amarrage du polet de lève aux filets est semblable à celui utilisé pour le polet de fond. Ajoutons que pour éviter tout glissement du flotteur sur le bâton lesté, les plaques de liège sont assujetties au moyen d'éléments métalliques enserrant le bâton et solidement boulonnés au flotteur. Ce polet a remplacé le voiret pour la pêche au grand filet. Le croisillon (aussi appelé Drapeau) (fig. 22) Egalement destiné à indiquer l'emplacement d'un tend de lève, le croisillon se compose de deux éléments amovibles : une croix formée de deux longues planches et un bâton muni d'un drapeau. 143. Les deux planches, percées d'un trou en leur milieu, pivotent au- tour d'un boulon décentré et peu serré, ce qui permet de refermer la croix après usage. Cette dernière est maintenue ouverte par le bâton passé dans le trou. La corde d'amarrage est fixée à l'extré- mité d'une des planches. Cet insigne n'est pas lesté. D'après les renseignements obtenus, ce type d'insigne a précédé le polet de lève. Il est encore employé par certains pêcheurs, en tous cas à Bevaix où nous l'avons vu. 5. La bouille (photo 8, p. 164) Sous ce terme, il faut comprendre toutes les marques flottantes composées d'un récipient quelconque hermétiquement fermé et peint de couleurs vives pour être aisément repérable. Le nom du pêcheur y est marqué à la peinture. D'anciens bidons métalliques ou de plastique (bidons d'huile pour voiture, bidons de vernis, de pétrole, etc.) ronds ou carrés, des "jerry-cans" de plastique ou des fûts vides (tonneaux de benzine ou de pétrole en métal, tonnelets de bière en bois, etc. ) sont employés à cet effet. D'une manière générale, les pêcheurs munissent volontiers leurs coubles de filets d'une bouille et d'un polet à l'extrémité par laquelle ils commencent à relever les filets. Ce dernier est plus visible, la couleur de son drapeau permet d'en reconnaître le propriétaire à distance et cet insigne est plus facile à saisir d'un bateau qu'une bouille. Cette dernière présente toutefois l'avantage d'être moins fragile qu'un polet et d'être absolument imperméable à l'eau. Le polet s'imbibe à la suite d'un usage prolongé et il est nécessaire de le laisser sécher. La loi impose une seule restriction à l'usage des bouilles. Celles utilisées pour les filets de lève doivent avoir une capacité de 20 litres au moins, pour être suffisamment visibles aux navigateurs. Signalons encore l'emploi des fiasques de vin italien à la place des polets de fond, bien qu'il ne s'agisse pas d'une mar- que flottante d'usage courant autorisée par la loi. En fait, cet emploi est tout à fait exceptionnel; certains pêcheurs utilisent ces bouteilles lorsque le lac gèle. Dans ces circonstances en ef- fet, les polets sont souvent heurtés et halés par les banquises en mouvement, ce qui risque de provoquer de sérieux dégâts aux engins. Les cordelettes reliant les polets aux filets, ou ces der- niers aux pierres ou aux harpons, peuvent se rompre sous la forte traction exercée par la glace en dérive, à moins que les chalames des filets ne soient arrachés. C'est pour éviter ces ennuis que certains pêcheurs ont imaginé d'utiliser des fiasques. La bouteille, en raison de sa forme arrondie et de la faible hauteur de sa partie émergente, s'enfonce au passage d'une banquise et remonte ensuite à la surface. *** 144 FLOTTEURS gaine de nylon 'g~~^~^> ^n plastique (^^ yk fi'g. 1? iïgneten celluloïd fig-i6 eignet en écorce Fig.18 cnalame à/aneté fig. 42 bignsten aluminium fi'g.45 JUiàrpon 4- figM bouille fig. 19 MARQUES FLOTTANTES ou INSIGNES mr vion (ouille) fi'g-10 _„ baguettes de coudrier i env. 5ocm. i g voiret (reconstitution) e 70/7De polet de lève fig.23 1-t ^ff ^pktque deliège ootet de fond pour filet de fond et nasses fiq.24 (variante) fig. 25 145 LBS GRANDS FILETS Sous ce titre, nous parlerons des filets munis d'un sac (ou poche), dont les dimensions excèdent largement celles de tous les autres filets employés dans le lac de Neuchâtel. Depuis 1903, un seul filet de ce type est autorisé; des anciens documents révè- lent cependant que quatre modèles différents étaient autrefois en usage. Aperçu historique La traguelle (ou tragualle, tragale, traguela, trongale, tringale) La plus ancienne mention que nous ayons trouvée de ce filet remonte au 16 avril 1708, date de la "Convention faite entre les pêcheurs d'Auvernier et maître Jean Jocky, tonnelier de SoI- leure" : '".'. . lesdits pécheurs ont promis vendre et délivrer audit Jocky ... toutes les perchettes qu'ils pécheront et pren- dront tant au grand filet qu'à la traguela ..." (Document publié par J. Courvoisier -in : Musée Neuchâte- lois, 1958, p. 140-141). Cet engin est également attesté dans un "Mandement" du 21 novembre 1796, à l'article VI (Archives de l'Etat de Neu- châtel 219'1796) et dans le "Règlement pour la pêche du lac", du 29 mai 1843. Comment était ce filet ? Un article de M. Pierre de Meuron (in : Musée Neuchâtelois. vol. XXIX, 1892; article re- produit dans le BSPP No. 8, 1903 et No. 12, 1915) basé sur un manuscrit déposé à la Bibliothèque de la Ville de Neuchâtel ("informations sur les Poissons du Lac de Neuchâtel prises par M. Louis Perrot-Jacque't-Droz en 1811") nous apprend que : "La tragalle, qui ressemble au revin, n'a pas de coins comme lui et a de plus grandes mailles. Le sac est plus petit et rond; on le charge beaucoup plus. Il est lesté de 8 livres de plomb et 80 livres de pierres, " Le Concordat de 1869, qui interdit l'emploi de cet engin, donne deux indications supplémentaires quant à ses di- mensions et à la forme de son sac : ". . . la tragelle (lire traguelle) de 300 à 350 mailles avec le sac en forme de ruche ..." 146. D'après l'Abbé Rappo (in : Folklore suisse. No. 4, 1948), qui donne l'orthographe "trongale" ou "tragale", le sac de cet engin était muni d'un "goléron" (ouverture en tronc de cône empêchant les poissons de ressortir), ce qui pourrait faire songer à une sorte de verveux à ailes. Bien que nous n'ayons pu le vérifier, cette inter- prétation nous paraît improbable vu la hauteur des bras (300 à 350 mailles). Quant aux mailles, le "Mandement" de 1796 et le "Règle- ment. . . " de 1843 s'accordent à prescrire le pouce (30 mm. ) com- me dimension minimum. En ce qui concerne la manière de l'utiliser, nous n'avons trouvé que peu de chose. Dans ses "Notes sur les poissons du Lac de Neuchâtel" (Paris 1866), le Dr. P. Vouga signale que ce filet ".. . s'enfonce sous l'eau et atteint le fond, tandis que la seine, a son bord supérieur à la surface". Parmi les pêcheurs interrogés, deux d'entre eux ont fait allusion à cet engin. Selon le premier, ce filet, qu'il appelle tringale, était manoeuvré par deux hommes depuis le bord, en particulier pendant le frai des palées. Quant au second, il nous a indiqué que le tragal mesurait de 8 à 12 ou 15 m. de longueur et était employé sur les hauts-fonds. Par ailleurs, ce second informateur nous a signalé un engin nommé tsanson, terme désignant un grand filet à petites mailles utilisé pour la pêche des goujons servant d'amorces. Comme on sait, cette pêche se pratique près du rivage. Quant à l'abbé Rappo, il mentionne le "tsôson" : "sorte de grand filet de dimensions réduites, utilisé jadis pour pêcher aux faibles profon- deurs. " Selon toute vraisemblance, tsanson et tsôson désignent le même filet, mais nous ne savons lequel car ces deux mots ap- partiennent au parler staviacois. En raison des similitudes qui ap- paraissent dans les témoignages relatifs au tsanson (ou tsôson) et à la traguelle, on peut se demander s'il ne s'agit pas du même en- gin. Mais ce n'est là qu'une hypothèse que rien ne permet de prou- ver; le tsanson pourrait également être rapproché de la Semelle (p. 148). ™ Le revin Remarque : la conversion des mesures données en pieds et en toises a été faite sur la base des équivalences données par Littré : 1 toise = 1, 949 m. 1 pied = 0, 324 m. Egalement attesté dans le "Mandement" de 1796 et dans le "Règlement... " de 1843, ce filet, qui ressemble au précédent, est décrit dans le manuscrit de L. Perrot. 147. "On l'emploie pour pêcher sur les bords; ses mailles n'ont qu'un pouce (30 mm. ) de diamètre et celles du fond du sac sont "com- me le doigt". Les bras ont 22 toises de long (env. 42, 90 m. ), le sac 3 de profondeur (env. 5, 85m. ). Il y a 2 coins qui élargis- sent le sac et donnent à la bouche 2 toises de hauteur (env. 3, 90 m. ). Les bras ont eux-mêmes 2 toises de largeur (env. 3, 90m. ). Ce filet est monté à mailles étendues et chargé de pierres placées à 6 pieds de distance (env. 1, 95 m. ). On forme un cercle avec ce filet; il ramasse tout ce qui se trouve devant lui, perches, bro- chets, poissons blancs, etc." Mentionné dans les Concordats de 1869, 1876, 1886 et 1890, cet engin était encore en usage à la fin du siècle dernier. D'après un vieux pêcheur, qui se rappelle avoir entendu son père parler du re vin, ce filet aurait été abandonné au moment de la Cor- rection des Eaux du Jura (1869 - 1888). Cette supposition paraît d'au- tant plus justifiée que le niveau moyen du lac a été abaissé de 2, 73m., ce qui a sensiblement diminué la surface des hauts-fonds où ce filet était employé. Le Gros-Pierre (aussi grospeire (f) ou grospeyre (f) ) Une fois encore, c'est à L. Perrot que nous devons d'en posséder une description. "Le Gros-Pierre, qui est le plus grand, a un sac qui a 700 mailles à sa gorge, dont il faut 11 pour une toise de 6 pieds (env. 1, 95 m. ), sa profondeur est de 9 toises (env. 17, 55 m. ), le fond du sac a 900 mailles. Les bras ont 20 toises de longueur (env. 39 m. ); on y emploie du fil à 3 bouts, à 2 bouts seulement pour le sac. Il faut 40 à 50 livres de rite pour établir ce filet, qu'on emploie sur la beine et jusqu'à une profondeur de 40 toises (env. 78 m. ). " Note : d'après Pierrehumbert, "rite" désigne le chanvre filé et "établir" peut être compris dans le sens de fabriquer, Il faudrait donc comprendre que le filochage de ce filet né- cessitait de 40 à 50 livres de chanvre filé. Grâce aux quatre Concordats du siècle passé, qui signa- lent à l'article 13 : "le grand filet, soit la gropeyre", on peut affir- mer que cet engin correspond à la senne actuelle. Un point cepen- dant n'a pu être éclairci. Selon L. Perrot, ce filet était muni de bras mesurant environ 39 m. de longueur tandis que le Concordat de 1903. a fixé cette dimension à 110 m. (elle est de 130 m. depuis 1936). Du fait que ce chiffre devait correspondre à la réalité pour être adopté par le législateur de 1903, il serait intéressant de sa- voir à quel moment les bras ont été allongés, étant admis que la description de L. Perrót.soit exacte. Malheureusement, les Con- 148 cordats antérieurs à 1903 ne donnent aucune précision à ce sujet. La semelle D'après L, Perrot, ce filet a la même forme que le Gros-Pierre, mais a : ".. . seulement 500 mailles de 12^/2 à la toise, pour la gorge, La longueur du sac est de 6 toises (env. 11, 70 m. ); les bras en ont 16 (env. 31, 20 m. ). On l'emploie pour pêcher dans les joncs et pour prendre les amorces. " N'étant attesté dans aucun autre texte que celui de L. Perrot, cet engin pose quelques problèmes auxquels nous n'avons pas trouvé de réponse pleinement satisfaisante, pour des raisons indépendantes de notre volonté. En raison de l'usage que l'on fai- sait de ce filet, un premier rapprochement avec le tsanson (ou tsôson) est possible, mais nous ne saurions l'affirmer. D'autre part, Pierrehumbert mentionne : "Senelle : Rem. Dérivé du fr. seine ou senne, sorte de filet, donc proche voisin de seinetta ou zinetta. " Ce filet était-il réellement appelé "Semelle" par les informateurs de L. Perrot ou s'agit-il d'une erreur typographi- que lors de la publication de ce manuscrit ? Nous l'ignorons car le manuscrit original n'a pu être consulté en raison de divers tra- vaux d'aménagement exécutés à la Bibliothèque de la Ville de Neu- châtel. Pour autant qu'elle puisse être vérifiée, la synonymie "senelle" "zinetta" fournirait la clé du problème puisque les qua- tre Concordats du XIXe siècle mentionnent "la monte, soit la zinetta". Ce rapprochement paraît d'autant plus vraisemblable que V. Fatio (Faune des Vertébrés de la Suisse. T. IV, p. 36) décrit la monte comme un engin plus petit que le grand filet, "tous deux également formés d'un sac et de deux ailes jetées en demi-cercle. ' En conclusion, si l'on admet que la "Semelle" corres- pond à la monte, il apparaît que quatre filets à sac étaient autre- fois employés par les pêcheurs du lac de Neuchâtel. Le "Mande - ment" de 1796 et le "Règlement. . . " de 1843 mentionnent les grands filets "nommés traguelas, revins ou gros-pierre; les Concordats de 1869, 1876, 1886 et 1890 autorisent l'usage du "grand filet proprement dit, soit la gropeyre . . . ", de "la monte, soit la zinetta" et du "revin". La traguelle par contre figure parmi les engins interdits. Celle-ci n'apparaît plus dans le Concordat de 1890, ce qui signifie que l'engin avait sans doute disparu à cette date. Depuis 1903, le seul filet à sac indiqué dans les Concordats est appelé "Grand filet". Etant admis que ce dernier correspond au "Gros-pierre" (ou Gropeyre), on peut se demander ce qu'il est advenu de la monte et du re vin. Comme nous l'avons dit ailleurs (voir p. 89), il se peut que l'abandon de ces engins soit lié à l'a- baissement du niveau du lac provoqué par la Correction des eaux du Jura, Toutefois, il n'est pas certain qu'une diminution de 17, 9 km2 de la surface du lac ait suffit à rendre difficile ou im- possible l'emploi de ces filets près des rives. 150. LA PÉCHÉ AU GRAND FILET OU SENNE Introduction La pêche au grand filet est considérée comme la plus belle des pêches autorisées sur le Lac de Neuchâtel, mais elle est de moins en moins pratiquée. Parmi les vieux pêcheurs sur- tout, on regrette l'époque à laquelle une quarantaine de grandes barques au moins sillonnaient le lac du matin au soir, de janvier à fin mai (cette pêche est interdite du 1er juin au 31 décembre). Mais les temps ont changé et divers facteurs expliquent le lent abandon de cette technique. Avant 1954, un équipage de quatre hommes était néces- saire pour manoeuvrer l'immense filet de coton, c'est la raison pour laquelle on utilisait une grande barque à fond plat munie de quatre rames (photos 35 - 36). Cette embarcation permettait d' entasser les caisses de poissons fraîchement vidés en quantité suffisante pour ne pas obliger les pêcheurs à regagner trop sou- vent la rive pour y déposer le produit de leur pêche. Cet avanta- ge était d'autant plus appréciable qu'on naviguait à rame ou à voile. L'équipage était ainsi composé : le patron du bateau - le propriétaire généralement - était "à la nage".. Debout à l'ar- rière, il "tenait la nage", c'est-à-dire la rame placée à bâbord arrière (fig. 49). Quand on naviguait à la voile, cette rame était passée dans un anneau de fer (estrigue) fixé au tableau arrière, et faisait office de gouvernail. Un deuxième homme, pêcheur lui aussi, avait la responsabilité du filet. Debout, il mettait le filet à l'eau et actionnait la rame (la pousse) fixée à l'avant du bateau (à tribord)', pendant les déplacements. Deux ouvriers enfin, en* gagés pour la saison du grand filet et touchant un salaire fixe, assuraient le retrait du grand filet sous les ordres et avec l'aide des deux pêcheurs. Lors des déplacements, ces deux hommes assis à bâbord tiraient sur les rames fixées à tribord. Ces quatre hommes réunis n'étaient pas de trop pour ramener le grand filet aux fils de coton chargés d'eau et fortement lesté de pierres dont plusieurs atteignaient un kilogramme. Dans le temps, le grand filet était surtout utilisé au bord du mont. Placé parallèlement à la rive, sur la beine, le bateau était ancré pour le début du retrait de l'engin afin que celui-ci remonte le talus sous-lacustre, d'où l'expression "reindzer (racler) le mont" utilisée à Estavayer (reizer à Yvonand). De l'avis des pêcheurs, le brassage opéré par ce filet avait pour effet de nettoyer ces fonds près desquels les poissons se tenaient alors en grand nombre, mê- me de gros brochets. L'interdiction d'ancrer le bateau, prononcée en 1916, ne permit plus de pêcher le long du mont et les pêcheurs 151. s'éloignèrent peu à peu des rives. Grâce au moteur, cette pêche se pratique maintenant en plein lac. Cependant, comme nous l'avons déjà signalé, les pêcheurs abandonnent de plus en plus cette technique; en voici les raisons prin- cipales. Si l'introduction du moteur hors-bord (vers 1920-1922) fut une amélioration considérable, le recrutement d'ouvriers devint de plus en plus difficile, en même temps que leurs prétentions de sa- laire augmentèrent. De 30 Fr. à 35 Fr. par mois au début du siècle, leurs gages atteignirent rapidement 80 Fr. En raison de cette hausse de salaire, il devint impossible aux pêcheurs d'engager du personnel. La situation s'aggrava encore, en 1939, aussi bien à cause de la mo- bilisation générale que des restrictions d'essence qui contraignirent bon nombre de pêcheurs à revenir à la navigation à rame ou à voile, Certains d'entre eux pensent qu'à l'époque déjà, les poissons se faisaient rares aux profondeurs atteintes par la senne (40 à 60 m. environ). Pour d'autres, les difficultés de main-d'oeuvre constituent la cause essentielle de cet abandon. Ce dernier point de vue se justifie d'autant plus que, pour être fructueuse, la pêche au grand filet nécessite le concours de nombreux bateaux. En effet, contrairement aux autres engins qui, une fois tendus, attendent la venue des poissons, la pêche au grand filet repose sur une recherche constante des bancs de poissons. En dépit d'une certaine concurrence qui tend à opposer les pêcheurs et à les maintenir dans une sorte d'isolement réciproque, le grand filet implique.au contraire une collaboration qui, pour ne pas être toujours consciemment acceptée, s'établit du moins tacitement. Dès l'aube, les pêcheurs prospectent chacun une région quelconque du lac, mais sur chaque bateau un homme, muni de jumelles, observe les autres équipages. Ainsi, les pêcheurs les moins fortunés qui risquent de ne faire que "des tirées à blanc, c'est-à-dire nulles" (Ph. Godet : Neuchâtel pittoresque) ou de "faire maiôle" (de ne rien attraper), peuvent s'approcher de ceux qui ont trouvé un endroit favorable et, peu à peu, la plupart des bateaux se trouvent réunis. A l'heure du repas pris à bord, les embarcations se rapprochent encore et les bons mots fusent d'un équipage à l'autre. Dès que le recrutement des ouvriers se ralentit, le nombre de grandes barques diminua et la recherche des bancs de poissons devint toujours plus difficile. A l'heure actuelle, la découverte d'un endroit favorable dépend davantage de l'instinct, du sens de l'observation et des connaissances du pêcheur que d'une collaboration limitée à quelques bateaux. En 1963, onze pêcheurs utilisèrent leur senne, sept en 1964 et onze en 1965; ce chiffre est dérisoire en regard des 14, 2 km, 3 d'eau à prospecter. Il est inté- ressant de noter qu'en. 1915, E, Savoie-Petitpierre (Bulletin suisse 152. de Pêche et de Pisciculture No. 1. 1915, p. 4) s'inquiétait du trop grand nombre de sennes employées (de 30 à 40), tout en soulignant l'utilité de cet engin pour débarrasser le lac des grands voraces, Une amélioration considérable doit cependant être si- gnalée. Alors que la senne de coton nécessitait une équipe de quatre hommes à cause de son poids une fois mouillée, l'appa- rition des filets en fibre synthétique imperméable à l'eau a permis à deux hommes seulement d'assurer la manoeuvre. A son tour, cette limitation de l'équipage a entraîné l'abandon de la grande barque à fond plat, un bateau d'autant plus coûteux qu'il ne pouvait être utilisé que pendant cinq mois par année au maximum. Ce type de bateau a maintenant complètement disparu. En 1965, nous en avons encore vu un, inutilisé sous un auvent. Sur le plan économique, il convient aussi de remarquer que l'achat d'un grand filet représente une mise de fonds impor- tante dont la rentabilité est restreinte par un usage limité (de jan- vier à mai). En juin 1965, les pêcheurs, titulaires du permis de 1ère classe (230 Fr. par an) qui s'étaient acquittés de l'émolument spécial (170 Fr. ) perçu pour la pêche au grand filet, bénéficièrent d'une prolongation accordée en raison de la situation presque dra- matique dans laquelle ils se trouvaient. Compte tenu du prix de cet engin, des bénéfices réels que cette pêche peut rapporter et peut-être aussi par attachement à cette technique, les pêcheurs tendent de plus en plus à s'associer deux à deux. Les frais d'équipement et les bénéfices sont alors partagés. Si ces considérations techniques et économiques per- mettent d'espérer que cette pêche ne sera peut-être jamais tota- lement abandonnée, l'état du lac inspire par contre de sérieuses inquiétudes. Lors des pêches auxquelles nous avons assisté en 1965, les pêcheurs ne prirent guère que des brèmes (appelées : cormontan, platet, platon), et par centaines, au lieu des coré- gones recherchés. Dans la plupart des cas, en fin de journée, on pouvait compter sur les doigts les palées ramenées à terre. Actuellement, la brème semble envahir le lac. Comme elle n'a plus aucune valeur marchande (1 kg. de brêmè se vendait jusqu'à 1 Fr. 50 pendant les deux guerres mondiales) et que ce poisson effraye les palées, c'est avec une colère souvent difficile à contenir que les pêcheurs passaient le plus clair de leur temps à rejeter à l'eau ces platets dont ils ne peuvent rien tirer. De l'avis de certains pêcheurs, cette prolifération tiendrait essen- tiellement au fait que ce poisson n'est plus recherché depuis 1945. Pendant la guerre en effet, la vente du poisson n'était pas soumise au rationnement et l'Armée acheta de grandes quantités de brèmes, 153. ce poisson restant bon marché (p. 55). Description (fig. 26) La senne, ou grand filet, est le seul filet à sac (ou poche) autorisé sur le lac de Neuchâtel. L'engin se compose de deux longs bras de forme trapézoïdale - supportés par des flotteurs (appelés généralement bets, parfois assiettes, ou bignets) et lestés de pierres - reliés par une poche ou sac. Vu leurs dimensions - lon- gueur autorisée : 130 m. au maximum - les bras ne sont pas filo- chés d'un seul tenant mais composés de nappes rectangulaires (nommées ancelars ou ansala) de hauteur croissante, quatre ou cinq en général, cousues les unes aux autres. Le sac est également un élément composé. Il est muni de flotteurs (pétufles) servant à le maintenir ouvert, mais n'est pas lesté. Les bras Bien que la hauteur maximum autorisée soit de 500 mailles de 90 mm. pour les bras, l'ancelar le plus grand ne comp- te habituellement que 450 ou 400 mailles et les suivants : 350, 300, 250 et 200, ou 380, 360 et 320 mailles. Dans l'eau, sous l'effet des pierres qui transforment les mailles carrées en losanges allongés, l'ancelar le plus grand constitue une paroi d'environ 40 m. de hau- teur. Le grand filet que nous avons étudié (fig. 26) et sur lequel repose notre description compte 400 mailles à l'engorgement. De l'avis de son propriétaire, un filet plus grand ne pourrait que diffi- cilement être manoeuvré par deux hommes à cause de son poids et de son encombrement. En ansalant (lacer, monter) les ancelars, le pêcheur mange des mailles afin d'obtenir un bras s'élargissant régulièrement. L'opération consiste à nouer ensemble deux mailles de l'ancelar le plus grand dans une maille du précédent, plus petit; ce procédé est répété à espaces réguliers. Le système suivant est appliqué : Couture de l'ancelar celui de mailles simples maille double de ... mailles à ... mailles 450 400 7 1 400 350 6 1 350 300 5 1 300 250 4 1 250 200 3 1 154. A l'extrémité la plus étroite du bras, le pêcheur ajoute une pièce d'environ Im. de longueur, à grandes mailles et faite d'un fil très résistant, appelée manchette ou mantsette. Sur le filet étudié, la manchette compte 100 mailles (de 160 mm. environ) de hauteur et trois de longueur. La toile du bras terminée est consolidée à l'aide d'une cordelette bordant ses deux longs côtés et à laquelle chaque maille est nouée. C'est la ralingue que les pêcheurs appellent vêtre le plus souvent, parfois chalame. Anciennement, le bras était bordé en haut d'un chalame de chanvre et en bas d'une vêtre en crin de cheval. Aujourd'hui, ces matériaux sont de plus en plus rempla- cés par la fibre synthétique et la plupart des pêcheurs nomment vêtre indifféremment la ralingue du haut et du bas, le terme de chalame étant réservé à la cordelette bordant le haut des autres filets. La vêtre du haut et celle du bas, ainsi que les mailles de la manchette préalablement nouées en 10 groupes de 10 sur un bout de vêtre, sont attachées à une pièce de bois destinée à répar- tir également sur le bras la traction exercée lors du retrait du filet. Ce bâton, d'environ 0,40 m. de long et de quelques centi- mètres de diamètre, porte le nom de mâcon ou marcon. Il est lesté d'une pierre d'environ 2 kg. Un pêcheur de Portalban l'ap- pelle mougnon et quelques informateurs se rappellent avoir enten- du les mots de palonnier et de polonais. Selon eux, il s'agit d'ex- pressions introduites par les nombreux ouvriers savoyards qui s'engageaient pour la saison du grand filet, car ces termes ne sont plus utilisés et ne font pas partie du vocabulaire technique tradi- tionnel. C'est au marcon qu'est amarrée la grosse corde (chavon ou tsavon) au moyen de laquelle la senne est halée. Jadis, cette corde était un tillet (corde en écorce de tilleul). Comme le mar- con risque de se prendre dans les premières mailles du bras et d'y provoquer des dégâts, on comprend l'utilité de la manchette qu'il est plus facile de réparer qu'un ancelar. Les flotteurs, ou bets, sont de simples planchettes de sapin d'environ 20 x 30 cm. , aux angles arrondis. Jadis on utili- sait des planchettes circulaires (en tout cas dans la région de Portalban), d'où le nom d'assiette. Les bets sont attachés à la vêtre supérieure au nombre de 23 ou 24 en moyenne par bras en été, et généralement 18 en hiver afin de pêcher à une plus grande profondeur. Comme il importe que les deux bras soient amenés à la même cadence, les bets sont numérotés ou répartis en grou- pes de même couleur et cela de manière identique sur les deux bras. Ainsi, en observant le numéro ou la couleur des bets sortis de l'eau par son compagnon, l'homme qui lève de pointe (à l'avant du bateau) peut adapter son rythme à celui de l'autre pêcheur, et vice-versa. 155. En guise de lest, une vingtaine de pierres de O, 5 à 1 kg. sont attachées à la vêtre inférieure. Les bouts de cordelette em- ployés s'appellent les aies, les zies ou simplement ficelles. Vu la manière de parer ou piêter (disposer par brassées), les bras de la senne sur l'éponde (bordage) du bateau de telle façon que 1' engin soit toujours prêt à être mis à l'eau (photo 11), les pierres ne sont pas attachées à la verticale des bets, mais entre ceux-ci. Ainsi, pierres et bets se présentent alternativement lors du retrait, ce qui permet au pêcheur de disposer les premières à l'extérieur de l'éponde et les seconds à l'intérieur du bateau (photo 12). Il n'y a pas de pierre entre l'avant-dernier bet et la gorge (raccord entre le dernier ancelar et le sac) pour éviter que des déchirures ne se produisent dans le sac. Selon le poids et le nombre de pierres uti- lisées, on parle d'un petit ou d'un fort pierre. En passant, notons que la verticalité et la rigidité du bras dans l'eau dépend de l'équilibre réalisé entre les bets et le pierre. Pour obtenir de bons résultats, il importe que le bras ne constitue pas une paroi verticale. Il doit être légèrement concave afin de maintenir le sac largement ouvert. Cette courbure s'appel- le la coulisse. Quand la coulisse ne se forme pas, le pêcheur atta- che deux cordelettes, à la vêtre du haut et à celle du bas à la hau- teur de la gorge et il les tire pour provoquer la courbure nécessaire. Le sac Le sac, autrefois nommé ouvrier dans la région d'Esta- vayer, a une longueur variable (de 14 à 21 m. en moyenne) et se compose de trois ou quatre pièces tissées en rond. La dimension des mailles est également variable, la loi ne prescrit qu'un mini- mum de 30 mm. La description qui suit concerne le sac d'un grand filet de nylon (fig. 26), manoeuvré par deux hommes, propriété de M. J. -M. Rechsteiner de Sauges qui a bien voulu nous en expliquer le montage. Ses caractéristiques ne sont cependant pas celles de toutes les sennes utilisées, c'est pourquoi nous signalons égale- ment d'autres chiffres relevés en cours d'enquête. La première pièce, appelée pièce de gorge (parce que formant la gorge avec l'extrémité du bras) a environ 10 m. de long. Sa circonférence est de 1000 mailles de 47 mm. La pièce intermédiaire, qui ne porte pas de nom particulier, mesure en- viron 3m. et a une circonférence de 800 mailles de 37 mm. Le fond de sac enfin, filoché avec un fil très résistant à même de supporter le poids et les secousses des poissons capturés, a 600 mailles de 32 mm. de circonférence et une longueur de 2m. Afin de compenser les différences de diamètre de ces trois pièces et de former un tronc de cône régulier, le pêcheur les monte de la 156. manière suivante : Pièce de gorge à la pièce intermédiaire 3 mailles l maille (1000 mailles) (800 mailles) simples double Pièce intermé- au fond de sac diaire (600 mailles) 2 " 1 " (800 mailles) A l'arrière, le fond de sac n'est pas cousu sur toute sa hauteur. On y ménage deux ouvertures, appelées tchaupi ou tsapet, par lesquelles les poissons capturés sont sortis du sac. Avant de lancer une nouvelle tirée, le pêcheur noue les angles du sac pour condamner ces ouvertures. A l'avant, une cordelette traverse verticalement l'en- trée du sac. Elle permet de modifier le diamètre de l'ouverture et, du même coup, de régler la profondeur à laquelle le sac tra- vaille. En réduisant la longueur de cette cordelette, l'entrée du sac prend la forme d'un 8 couché. Les pêcheurs l'appellent la combine. D'après M. G. Arm, ce nom proviendrait de la phrase d'admiration prononcée par les contemporains de son père, in- venteur de ce perfectionnement : "il a trouvé la bonne combine l", Si le verbe ans a 1er désigne l'assemblage des ansala (ou ancelars), les pêcheurs utilisent également un terme parti- culier pour parler du montage des bras au sac : engorger. La demi-circonférence du sac ayant un nombre de mailles plus éle- vé que le bras (pièce de gorge : 1000 mailles de pourtour; bras ; 400 mailles sur la senne étudiée), le pêcheur doit également manger des mailles à l'engorgement. C'est pourquoi il noue tout d'abord 4 mailles doubles de chaque côté, puis 4 mailles simples et 1 double, et ainsi de suite. L'entrée du sac est maintenue ouverte au moyen de trois flotteurs appelés pétufles; ce mot désignait les vessies de porc utilisées jadis à cet effet. Aujourd'hui, les vessies sont remplacées par des ballons de caoutchouc ou de plastique, plus solides et le nom de pétufle leur est appliqué. Ces flotteurs sont attachés au sommet de l'entrée du sac, c'est-à-dire à l'avant de la pièce de gorge, renforcée en cet endroit par une toile de gros fil nommée pièce de vessie. A l'époque du grand filet à quatre hommes, le sac avait généralement 1300 mailles de circonférence à l'entrée et était monté de la manière suivante : 157. Pièce de gorge (1300 mailles) Pièce intermé- diaire (1200 mailles) à la pièce intermédiaire (1200 mailles) au fond de sac (1000 mailles) 11 mailles simples 1 maille double Engorgement (Pièce de gorge : 1300 mailles; bras : 450 mailles) 20 mailles doubles de chaque côté et 2 mailles simples, 1 double, 1 simple, 1 double, 1 simple, etc. A titre d'information et pour donner une idée des com- binaisons possibles, voici un résumé des caractéristiques de quelques autres sacs de grands filets. 1. Sac en trois parties Maille Long. Pièce de gorge 48mm. 8m. Pièce intermé- diaire 45 6 Maille Long. Maille 48mm. 5m. 48mm. Fond de sac Long, du sac 30 45 32 16m. 8 2 15m. 40 32 Long. 6m. 5 _J3___ 14m. 2. Sac en quatre parties Pièce de gorge Pièce interm. I Pièce interm. II Fond de sac Maille Long. Maille Long, 48 mm. 6m. 47mm. 3m 45 6 44 8 40 6 35 2 30 3 30 3 Long, du sac 21m. 16m. 158 SENNE Fig. 26 direction du vent BDAS aras de devant corde de devant, *' pierres ojiçefar poter patte òets pierres o Ao QO __30m. BRAS manchette ancelar (*> *«<"¦) . vêtre 4«M- bet tscfiavf*\ SAC fed Je SK pièxmkm. pièce de 901V8 pétuflei. 4e vessie 159. LA PÊCHE Les préparatifs "Aller au grand filet" ou "faire le grand filet", comme disent les pêcheurs, nécessite de nombreux préparatifs. En début de saison, l'engin qui avait été débarrassé de ses bets et de ses pierres doit être remonté. Sur la base des expériences faites, on pourra modifier le nombre de bets, mettre un pierre plus ou moins fort ou répartir les pierres différemment. Le pêcheur peut "pierrer au marcon, au milieu ou aux gorges". A la Béroche, les bouts de ficelle servant à attacher les pierres sont appelées zies, d'où l'ex- pression "zier le grand filet" qui signifie attacher les pierres. En plus d'une soigneuse vérification de la toile (photo 9), qui sera rac- commodée si besoin est (on "fait des quarts ou des demies" selon qu'un ou deux fils d'une maille sont cassés), il arrive que le pêcheur modifie ou change une pièce du sac dans l'espoir d'obtenir de meil- leurs résultats. Enfin, un chavon (ou tsavon) est attaché à chaque marcon, la corde de derrière étant amarrée à un polet (anciennement voir et) auquel la patte est suspendue. Quand l'engin est prêt à travailler (dans l'esprit du pêcheur, c'est le filet plutôt que lui-même qui travaille), il est soigneusement disposé sur l'éponde (photo 11), les bets à l'intérieur et les pierres à l'extérieur (photo 12), de manière qu'il glisse facilement à l'eau sans que les fils ne s'emmêlent ou qu'un bras ne se torde. Les bras sont généralement parés sur l'éponde droite et le sac déposé sur celle de gauche. L'ancienne barque à fond plat (la galère) a disparu et les pêcheurs qui pratiquent encore cette pêche utilisent leur canot dans lequel ils embarquent quelques articles indispensables. Des caisses vides munies de couvercle sont entassées à la pointe, ainsi qu'une bâche destinée à protéger le poisson des effets du soleil. Comme les poissons seront vidés à bord, un couteau bien affûté est nécessaire. Quelques pierres et bets de rechange permettront de modifier le comportement de l'engin (le pierre en particulier est souvent changé en cours de journée) ou de le réparer quand une pierre coule, quand un bet se détache ou se casse. Les dégâts au filet n'étant pas rares, le pêcheur pensera aussi à emporter une navette et du fil. Signalons enfin un appareil indispensable : une pompe à eau qui permettra de vider le bateau après chaque tirée. Le filet introduit en effet une grande quantité d'eau dans l'embarcation; cette surcharge pourrait constituer un danger si on la laissait s'accroître. En matière d'habillement, le costume varie évidemment selon les saisons. En mai cependant, au petit matin, de gros lainages 160, sont encore indispensables pour supporter l'air froid du large. Tous les pêcheurs portent un solide tablier de caoutchouc (autre- fois de cuir de veau) et une bonne paire de bottes de même matiè- re. Dans le temps,' on portait des chauques ou étevaux, c'est-à- dire des bottes de cuir à semelles de bois. Pour se protéger les mains, certains pêcheurs portent de vieux gants de peau. D'après l'Abbé Rappo, on utilisait jadis, dans la région d'Estavayer, des correts. Il s'agissait d'un morceau de feutre percé d'un trou pour le pouce et qui protégeait la paume de la main du frottement du tsavon. Nous n'avons pas trouvé de trace de cet accessoire. Enfin signalons le solide casse-croûte, le thermos de café chaud et les bouteilles de bière qui permettront aux deux hommes d'équipage de passer la journée sur le lac, sans revenir au bord, si ce n'est éventuellement pour décharger les caisses remplies de poissons; cela ne se produit guère depuis quelques années. La pêche La loi autorise les pêcheurs à circuler sur le lac avec des engins secs une heure avant l'ouverture de la pêche; la plupart d'entre eux en profitent pour gagner l'endroit où ils lanceront une première tirée. Tendre et relever le grand filet se dit "lancer, ou poser, une tirée ou un trait", reindzer ou reizer. Certains pêcheurs pourtant, grâce aux possibilités de déplacement rapide offertes par les moteurs hors-bord, commencent leur journée en relevant d'au- tres filets tendus la veille, puis vont "faire le grand filet". Quelle que soit l'heure du départ, la première partie de la journée est consacrée à rechercher les bancs de poissons. Flair, observation des courants et des autres bateaux, connaissance du lac se combinent dans ce domaine; mais les "bons coins" changent sou- vent de place ou disparaissent, conséquence probable de la pollution actuelle. C'est pourquoi les tirées d'essai et les déplacements sont fréquents. Certains bateaux traversent parfois le lac en une journée. Certes, les bancs de poissons sont d'autant plus aisément localisés que le nombre de bateaux engagés est grand. Au début du siècle, les équipages étaient nombreux mais les déplacements lents. Aujourd'hui, grâce au moteur, les déplacements sont.rapides, mais le petit nombre de participants constitue un sérieux handicap; le progrès technique ne suffit pas à compenser le manque d'équipages et le rendement de cette pêche a considérablement diminué. Conformément à la loi, il est interdit d'utiliser la senne à moins de 40 m. de profondeur et cet engin ne s'enfonce guère au- delà de 60 m. Selon le niveau auquel les poissons se tiennent (entre 40 et 60 m. ), il importe que le sac ne dépasse pas la profondeur 161. choisie pendant que le deuxième bras est tendu. Pour y parvenir, le pêcheur peut modifier le pierre. Quand le poisson se tient au profond, on peut attacher de lourdes pierres près des gorges pour que le sac soit entraîné vers le fond. Un autre procédé consiste à "pierrer au milieu' de telle manière que le milieu des bras descende plus profon- dément, ce qui suffit à faire remonter les poissons au niveau du sac. Les marcons et le sac sont alors en surface et les bras fortement incurvés, d'où l'expression "tendre en corbeille" qui désigne ce sys- tème. Le pêcheur sait aussi que le grand filet descend plus lentement si les bras sont déployés en demi-cercle et plus rapidement s'ils sont tendus en ligne droite (ce qui se dit "reizer large" ou "reizer droit"). Si nécessaire, un bras peut être déployé en demi-cercle et l'autre en ligne droite. Enfin, l'engin s'enfonce plus profondément si on attend quelques minutes avant de le relever. L'enceinte formée par la senne déployée s'appelle le pas et quand la bonne fortune permet d'encercler un banc de poissons, on dit : "avoir un botset dans le pas". Dès que le retrait du filet commence, les poissons sont entraînés vers la surface. En raison de la diminution de pression, leur vessie natatoire se gonfle et les poissons laissent échapper des bulles d'air (ils borbotent) visibles de la surface. La vision de ces bulles qui éclatent réjouit le pêcheur car elle donne une idée du nombre de poissons encerclés, d'où l'ex- pression "faire borboter le poisson" qui est presque synonyme de "retirer le grand filet". Quand les bulles d'air sont nombreuses, le pêcheur dit qu'il voit une belle borbotée. Dès qu'il décide de "lancer une tirée", (photo 13), le pêcheur jette à l'eau la marquel: lottante indiquant le point de départ. De nos jours, il s'agit d'un polet du type également utilisé pour mar- quer l'emplacement des autres filets. Le polet est composé d'un carré de bois ou de liège traversé d'un bâton portant un morceau d'étoffe. Dans le temps, la marque de grand filet était un voiret : planchette de bois surmontée de deux arceaux en coudrier placés selon les diagonales du support, de manière à offrir une prise facile au moment de retirer l'engin. Au-dessous du polet est suspendue la patte (ou momo) qui consiste en un paquet de chiffons ou, plus souvent, en un vieux manteau de couleur foncée. Lors du retrait de la senne, la patte se place d'elle-même sous le bateau, devant l'entrée du sac. Elle a pour fonction d'effrayer les poissons qui tentent de s'échapper. Le polet mis à l'eau, le pêcheur relance son moteur et commence à décrire un grand cercle (photo 14) tandis que son compagnon assure la mise à l'eau du filet. Amarrée au polet, c'est tout d'abord la "corde de derrière" qui se déroule, puis le marcon tombe à l'eau entraînant le "bras de derrière" (anciennement appelé la inonte parce que tendu en "montant" contre le vent; cette 162. partie du trajet était la plus pénible pour les rameurs). Les pierres, qui pendent à l'extérieur du bateau, tombent les unes après les au- tres. Les bets par contre, disposés à l'intérieur de l'embarcation, sont jetés par-dessus bord par l'aide qui s'efforce de les lancer aussi loin que possible afin d'éviter tout accrochage avec le bateau et de faciliter le déploiement du bras. Le sac est ensuite mis à l'eau et la manoeuvre se poursuit avec le "bras de devant" .(ancien- nement la descente) fixé à la "corde de devant" qui est amarrée au bateau, lequel complète sa course circulaire pour rejoindre le polet. Le moteur est alors arrêté car la loi interdit le remorquage du filet à la manière d'un chalut. Debout et se tournant le dos, les deux pêcheurs, solide- ment campés sur leurs jambes légèrement écartées, tirent chacun sur une corde. Dès que les marcons apparaissent (photo 15), les hommes s'efforcent de haler les bras à la même cadence, la cou- leur ou les numéros des bets leur permettant d'accorder leur rythme. Animés de gestes précis, ils disposent immédiatement la toile en plis réguliers sur 1' éponde en vue de la tirée suivante (pho- to 16). Au début de l'opération, le rythme est lent car le filet, en- tièrement immergé, offre une grande résistance. Mais plus on avance, plus le mouvement s'accélère pour atteindre une cadence très rapide dès que le sac apparaît (photo 17). C'est en effet le moment délicat car, se sentant bousculés, les poissons se débat- tent et cherchent à fuir devant la poche qui s'avance ou à en res- sortir. Le produit d'une tirée dépendant largement de la manière dont cette dernière phase se déroule, l'expression "recourir le poisson" est utilisée pour la désigner. Ajoutons que la puissance de la traction exercée sur les cordes détermine partiellement la profondeur à laquelle le filet opère. Dès qu'on tire sur les cordes, le filet remonte vers la surface et plus les cordes sont tendues, plus le filet pêche haut. Une traction lente permet par contre à l'engin d'opérer à une plus grande profondeur. Il convient toutefois de remarquer que la senne actuellement en usage pêche moins pro- fondément que l'ancien grand filet à quatre hommes, plus grand et lesté d'un pierre proportionnellement plus fort. Cependant, il ar- rive que les bancs de poissons se tiennent près de la surface. Le pêcheur diminue alors la hauteur des bras en prenant des ris, ce qui s'appelle biotsater (ou faire des biotsets). Dès que le sac est amené - on le tire sur l'éponde de gauche, celle de droite étant occupée par les bras - les noeuds condamnant les tchaupi (ou tsapets) sont défaits et les poissons se répandent dans le fond du bateau. Installé à l'avant, à genoux devant la banquette qui sert de table, le pêcheur entreprend sans tarder de vider les poissons (photo 18), puis les dispose dans une caissette. Les entrailles sont rejetées au lac de même que les poissons trop petits ou sans valeur. Dès qu'une caissette est pleine, elle est im- médiatement refermée et poussée sous la bâche afin d'assurer une 163. bonne conservation des poissons dont l'état de fraîcheur est rigou- reusement contrôlé par l'autorité compétente. Pendant ce temps, l'aide actionne la pompe à eau et vérifie la disposition des pierres et des bets, les plis des bras, afin que la tirée suivante se déroule sans anicroche (photo 19). Dès que ces travaux sont terminés, le pêcheur décide de lancer une nouvelle fois son filet ou, au contraire, d'aller es- sayer un peu plus loin s'il n'est pas satisfait des résultats obtenus. C'est aussi le moment de se reposer quelques instants et de se désaltérer. Retirer de l'eau un sac contenant parfois jusqu'à 350 ou 400 poissons exige un rude effort, effort souvent mal récom- pensé car les brèmes sont nombreuses, tandis que les corégones ne représentent guère que le 1 ou 2% d'une tirée dans de nombreux .cas. Au début du siècle par contre, on pouvait presque parler de pêches miraculeuses, une tirée de 300 à 400 palées n'étant pas exceptionnelle. D'après un vieux pêcheur d'Auvernier, "des traits de 300 à 400 quarterons de bondelles (le quarteron de 26 poissons) d'un seul coup n'étaient pas rares" à l'époque de la Correction des eaux du Jura (voir Annexe II), mais ces chiffres paraissent forte- ment exagérés (Voir aussi Annexe III. I) n- 8. Bouilles et soliveaux. 9. Bras de grand filet dé- ployé pour vérification. 10. Bets. 11. Grand filet paré sur les épondes. 12. Les pierres pendent à l'extérieur de l'éponde. 13.On lance une tirée : le patron est à la barre, son aide lance les bets. 14. Seuls visibles, les bets décrivent un arc de cercle. 15. Unmarconsortde l'eau. 16. Les bras sont amenés et immédiatement dis- posés sur l'éponde. 18. Le pêcheur vide les poissons. 17. Retrait du sac. 19. Son aide rectifie la disposition des bras. 166. LES FILETS MOYENS Introduction Bien que ces engins soient habituellement appelés "petits filets", par opposition au "grand filet" (senne), nous préférons les grouper sous le titre de "filets moyens" et réserver celui de "petits filets" aux engins de dimensions inférieures. Ainsi, les filets les plus importants pour les pêcheurs se trouvent-ils réunis dans une même catégorie. Leurs dimensions maximums (2400 mailles de long et 2 mètres de haut) sont imposées par la loi. Compte tenu de leurs caractéristiques et de leur mode d'emploi, ils se répartissent en trois types : 1. le tramail 2. le filet de fond (ou dormant) 3. le filet de lève (ou flottant) Extérieurement les deux derniers types présentent de grandes ressemblances, leurs particularités résidant essentiellement dans une différence de montage ou d'équipement (flotteurs et lest), liée à leur utilisation. Le tramail par contre est d'un type très diffé- rent. Les termes techniques désignant les diverses parties de ces engins sont communs aux trois types même si, dans certains cas, les variantes locale sont nombreuses. 1. Le tramail Description (fig. 27) Le tramail est composé de trois rets superposés, cousus ensemble sur les quatre côtés : deux aumées, ou hamaux, de fil fort à grandes mailles (170 - 200 mm. ) appelées avant-gardes et, entre celles-ci, une flue ou demi-folle à mailles plus étroites que les pêcheurs nomment simplement nappe ou toile. Notons que pour désigner l'aumée, certains auteurs du début du siècle utilisent le terme de contre-mailles, terme que nous avons retrouvé à Cheyres et YvonnancL L'originalité de ce filet réside dans le fait que la toile a une hauteur (env. 2m. ) double de celle des avant-gardes (env, Im. ). Ainsi, la toile étant très lâche et abondante (l'effet des flotteurs et des plombs se manifeste sur les avant-garde s), le poisson, qui n'est pas retenu par la première aumée, se jette dans la flue, s'y emmail- Ie et l'entraîne à travers une maille de l'autre aumée, provoquant une poche dont il ne peut ressortir. Ce phénomène se produit même si le poisson est d'une taille supérieure à la dimension des mailles de la nappe. Le système fonctionnant d'autant mieux que le poisson 167. se jette dans le tramail avec force, cet engin est réservé aux battues. C'est pourquoi on le désigne parfois du nom de chasseuse, ternie ré- servé aux filets employés pour cette pêche. Le Montage La toile médiane, dont la maille varie dans une certaine mesure selon l'espèce de poissons recherchés (le minimum autori- sé est de 26 mm. ), est semblable à celle d'un filet ordinaire. En haut et en bas, un ou deux rangs de mailles en fil plus fort (appelés tours de grossier) assurent une meilleure résistance. Le chalame (cordelette de chanvre qui porte les flotteurs et le poids total de l'engin) et la vêtre (cordelette en crin munie de plombs) sont en effet montés sur le premier et le dernier rang de mailles. Le seul outil employé pour le montage est une navette, ou aiguillette, chargée de fil. Vu le noeud utilisé pour fixer les dif- férentes parties du filet, le fil n'est jamais coupé, c'est pourquoi plusieurs mètres de réserve sont nécessaires. Dans la partie supérieure (appelée le haut de filet), la toile est suspendue au chalame par un fil résistant. Partant du chalame où il est noué, le fil est passé à travers quelques mailles puis renoué un peu plus loin sur la cordelette avant de retraverser un même nombre de mailles, et ainsi de suite. Le fil forme ainsi de petites anses soutenant un nombre fixe de mailles, d'où le nom d'ansette (ou chevalet, chevillon) plus fréquemment utilisé pour désigner l'espace compris entre deux noeuds sur le chalame que la boucle de fil elle-même. Le tramail étudié (fig. 27) compte '.'3 mailles de 60 mm. au chevalet" et ce dernier mesure 17 cm. L'existence d'un terme particulier témoigne de l'im- portance de cet élément. C'est en effet du nombre de mailles à l'ansette et de la longueur de celle-ci que dépendent la solidité de l'ensemble ainsi que la forme et la souplesse des mailles qui sont les principaux facteurs déterminant le bon fonctionnement du filet. Illustrons ce point : - 3 mailles de 60 mm. montées sur une ansette de 20 cm. seront étirées latéralement et leurs fils trop rigides, les mailles étant tendues et de forme carrée. - en sens inverse, 3 mailles de 60 mm. sur une ansette de 15 cm. seront détendues et losangées. Quand plusieurs mailles sont montées sur des ansettes courtes, le pêcheur dit que le filet est monté serré, les mailles étant très rap-. prochées les unes des autres dans le haut. Pour des mailles de 60 mm., l'ansette de 17 cm. représente une bonne moyenne : les pois- sons ne seront ni repoussés par des mailles trop tendues, ni mal emmaillés dans des fils trop lâches, ce qui est évidemment plus 168. important pour les filets à simple toile que pour le tramail. Les avant-gardes sont attachées directement au chalame, en même temps que la toile médiane. Après avoir traversé trois mailles de cette dernière, le fil est passé dans une maille de chaque aumée et noué au chalame. Il faut dire que le montage d'un tramail n'est pas une sinécure et la patience, la précision et le soin que le pêcheur apporte à ce travail sont d'autant plus remarquables que ce filet, une fois terminé, mesure approximativement 75 m. de long, ce qui représente au départ trois impressionnants amas de toile dont il importe de ne pas confondre les mailles. Dans le bas, les trois rets sont cousus à la vêtre, la ma- nière dont les mailles sont attachées peut légèrement différer selon les pêcheurs. Malgré ces différences, notons qu'il n'y a jamais d'an- sette sur la vêtre (ou bas de filet). Sur le tramail étudié, le pêcheur a noué avec un fil une maille de chaque avant-garde, puis passé trois mailles de la nappe sur le fil avant de renouer deux mailles d'avant-gardes. Bien que le procédé rappelle celui de l'ansette, le fil est ici tendu sur la cordelette, il ne forme pas de boucles. De plus, le fil a été serré contre la vêtre au moyen des plombs. Un détail important doit être souligné : les noeuds retenant les mailles des avant-gardes sont plus espacés ici (19 cm. ) que ceux des ansettes (17 cm. ), c'est- à-dire qu'au total, la vêtre est plus longue que le chalame. Cette différence est nécessaire pour compenser l'allongement du second au moment où le filet est tendu. Selon certains pêcheurs, cette dif- férence s'appelle la broille, mais le terme paraît peu répandu. Si les mailles du bas étaient montées plus serrées ou, en d'autres termes, si la vêtre avait la même longueur que le chalame, le filet entier risquerait de se déformer sous l'effet de tractions obli- ques. De petites erreurs de montage suffisent parfois à provoquer ce phénomène, on dit alors que le filet tire. Dans ce cas, les noeuds des mailles peuvent se déplacer et l'engin se dérègle. Sur le tramail, l'écart entre les ansettes et les points d'attache à la vêtre est faible car le chalame n'est jamais tendu très fortement. Les trois rets montés, le pêcheur complète l'engin en plombant le bas et en bignettant le haut avec des flotteurs appelés bignets. Depuis de nombreux siècles - des bignets de ce type ont été retrouvés dans les stations lacustres - ils sont taillés au cou- teau dans des morceaux d'écorce de peuplier. Dès le début de notre siècle, d'autres types de bignets (aluminium, celluloïd, plastique) apparurent sur le marché, mais nombreux sont encore les filets munis de bignets d'écorce. En ce qui concerne le nombre de flotteurs et le poids des plombs, il est difficile de donner des chiffres précis. L'action des uns compensant l'effet des autres, il est évident que la proportion 169. des premiers par rapport aux seconds dépend d'abord du genre de pêche auquel l'engin est destiné. Mais chaque filet doit être équi- libré séparément car le poids de la toile, du chalame et de la vêtre jouent également un rôle dans le comportement de l'engin. Le tramail étant un filet de battue, il importe qu'il gagne rapidement le fond tandis que le haut doit rester à la surface. C'est pourquoi le bignettage est aussi fort que le plombage. Le filet re- présenté à la figure 27 porte un bignet tous les quatre chevalets (synonyme de ansette) - 100 bignets au total - et un plomb entre chaque point d'attache des mailles des avant-gardes à la vêtre. Les flotteurs, percés d'un trou à chaque extrémité, sont attachés au chalame par une petite ficelle. Quant aux plombs, ils ont été confectionnés au moyen de plaquettes recourbées avec une pince autour de la vêtre. Pour terminer cette description, signalons que les petits côtés du filet sont bordés d'une cordelette appelée montée, descente, bordure ou reindze. Dans la plupart des cas, il s'agit du chalame. Aux angles supérieurs, un à deux mètres de corde- lette sont réservés à la confection des boucles (appelées zies, aies (ou ailles), attaches, relais, parfois aussi reindzes) servant à amarrer le filet (longueur des boucles sur le tramail décrit : 0, 70m. et 0, 90m. ). La cordelette est ensuite fixée aux mailles et rejoint la vêtre aux angles inférieurs. 2. Le filet de fond (ou dormant) Description (fig. 28) Le filet de fond, aussi appelé filet de profond (Portalban), est un filet à simple toile, bordé d'une ralingue en haut et en bas, portant des flotteurs et des plombs, et dont les dimensions maximums sont identiques à celles du tramail (voir l'introduction). Les engins de maille inférieure à 40 mm. (minimum 26mm), principalement destinés à la capture des bondelles, sont appelés bon- dellières (ou bondelières). Dans la région de Chevroux et d'Estavayer, les noms d'étole (ou étaule) ou demi-maille désignent' le même filet, Quant aux filets de maille supérieure à 40 mm., servant à la pêche des palées, ils sont fréquemment nommés paléières. D'après un vieux pêcheur d'Estavayer, le terme de rets, en usage vers 1900- 1904 et tombé depuis dans l'oubli, désignait les filets à maille de 40 - 45 mm. Actuellement, nombreux sont les pêcheurs qui nomment leurs filets simplement d'après la dimension des mailles : un "tren- te-deux", un "soixante", etc. 170. Montage L'absence d'avant-gardes mise à part, le montage d'un filet de fond diffère peu du montage d'un tramail. Sur ses deux longs côtés, la toile comporte des tours de grossier (souvent 2 en haut et 3 en bas) dont les mailles sont groupées en ansettes (che- valet ou chevillon) de 14 à 18 cm. généralement, nouées au cha- lame bordant le haut, et cousues à la vêtre en bas (le bas de filet est appelé lemi à Chevroux et Yvonnand, terme très répandu sur le lac Léman). Au sujet du nombre de mailles "au chevalet", notons qu'il n'y a pas de formule absolue et qu'en fait, la tradition fa- miliale et les habitudes individuelles sont la règle, ce qui est vrai de tous les aspects du montage des filets, voire de la pêche en général. Dans l'ensemble, le nombre de mailles "au chevalet" varie de 4 à 6 (5 sur le filet étudié). Par contre, la disposition plus serrée des mailles dans le haut que dans le bas est une règle abso- lue. La vêtre est toujours plus longue que le chalame. Comme nous l'avons dit dans la description du tramail (voir p. 168), cette différence de longueur provient du fait qu'un nombre donné de mailles occupent une portion de vêtre plus longue que le chevalet contenant ce même nombre de mailles. Dans la plupart des cas, cette différence est de 1/3. Exemple : 6 mailles sur un chevalet de 18 cm. sont réparties sur 27 cm. de vêtre. Mais cette pro- portion n'est pas partout la même et pour certains pêcheurs : "4 mailles (en haut) font 5 (en bas)" est la formule. Quelle que soit la proportion adoptée, notons que la vêtre doit être plus lon- gue que le chalame afin de compenser l'allongement de ce dernier lorsque les filets sont accouplés, ce qui est toujours le cas des filets de fond (et de lève). D'autre part, d'après certains pêcheurs, les chalames s'allongeraient d'autant plus que les engins sont ten- dus profondément. Jusqu'à une date récente, ces filets étaient montés avec des chalames de chanvre (appelés aussi corde de flotte) et des vêtres en crin de cheval, cette matière résistant mieux à l'action corrosive de la vase. Depuis quelques années, les cordelettes synthétiques se répandent de plus en plus. Il faut toutefois remarquer qu'au sujet de la matière des cordelettes, toutes les possibilités existent. Chez les vieux pêcheurs par exem- ple, il n'est pas rare que des filets synthétiques soient montés avec un chalame de chanvre et une vêtre en crin, le souci d'économie les poussant à réutiliser de vieilles cordelettes. Souvent aussi, un vieux chalame de chanvre devient vêtre de filet de lève, le bas de ce filet ne touchant pas la vase du fond. Les bignets et les plombs sont du même genre que ceux montés sur un tramail, mais leur nombre est plus restreint. En moyenne, un filet de fond porte 50 à 80 bignets et est chargé de 1, 5 à 3 kg. de plomb. A l'heure actuelle, de nombreux pêcheurs montent leurs filets avec du chalame synthétique bignetté (les 171. flotteurs de sagex sont placés sous la game entourant la cordelette, à espaces réguliers : 20, 25 ou 30 cm. ) et des vêtres également synthétiques contenant soit des petits morceaux de plomb soit un fil central de même métal, dont le poids varie de 1, 5 à 3 kg. par 100 mètres. Comme son nom l'indique, "le filet de fond doit être tendu complètement de fond" (Règlement d'exécution du Concordat, art. 3). En d'autres termes, ce filet doit se tenir debout au fond du lac et constituer une paroi propre à capturer des poissons. Afin d'atteindre le fond, cet engin doit être suffisamment lesté, et pour rester debout, il est muni de flotteurs dont la portance doit être inférieure à la force de traction des plombs. Cependant, il ne suffit pas que le filet soit dressé au fond de l'eau pour qu'il pêche bien. Si l'engin est trop fortement bignetté et plombé, la paroi ainsi constituée sera si dure que les poissons qui la heurteront seront repoussés, les fils sont trop tendus pour qu'ils puissent s'y emmailler. Au contraire, si la toile est trop souple, les poissons qui nagent près du fond passent par-dessous la vêtre trop légère tandis que ceux qui se jettent au beau milieu du filet provoquent, en se débattant dans les mailles, des vêtons, des guillettes, des queues, etc., autant de termes désignant les em- mêlements de filet causés par les poissons. Sur le filet de fond décrit ici (une bondellière à maille de 32 mm. ), 89 plombs (poids total : env. 2 kg. ) sont placés à approximativement 1 mètre les uns des autres. Quant aux 75 bignets, deux intervalles différents, alternativement répétés, les séparent : 1 bignet - 9 chevillons, 1 bignet - 4 chevillons - 1 bi- gnet - 9 chevillons, et ainsi de suite. Inutile de dire que cette disposition ne représente pas la formule type pour ces filets, mais la façon de faire d'un pêcheur. Le procédé ne manque tou- tefois pas d'ingéniosité. Cette répartition laisse en effet une gran- de souplesse à la toile, peu tendue entre 9 chevillons, et assure la verticalité de l'engin par l'effet des bignets rapprochés. Nous l'avons déjà indiqué, les filets de fond ne sont jamais tendus isolément, si ce n'est à titre d'essai, mais ac- couplés en séries de nombre variable dont le maximum est fixé par la loi. C'est la raison pour laquelle chaque filet est muni aux extrémités d'une cordelette qui est généralement le chalame arrêté en une boucle de longueur variable (1, 60m. sur notre exem- plaire). Pour éviter que les deux moitiés de la boucle ne s'em- mêlent, elles sont parfois tressées ou passées l'une à travers l'autre de manière à former une succession de petits anneaux (voir fig. 28). Divers noms sont donnés à cette boucle : attache, aïe (ou aille), reindze, relais, dzeu. Dans le but de protéger la toile qui pourrait, sur ses 172. petits côtés, se prendre dans celle des filets voisins ou s'user par frottement, elle est bordée d'une montée (ou reindze, des- cente, bordure). Celle-ci peut être soit le chalame, soit le gros fil employé pour confectionner les ansettes (ou chevalet, chevil- lon), qui est fixé verticalement aux mailles des extrémités et arrêté sur la vêtre aux angles inférieurs. 3„ Le filet de lève (ou flottant) Afin de ne pas nous répéter inutilement, nous renvoyons le lecteur aux descriptions du tramail et du filet de fond. Le filet de lève est en effet un engin à simple toile identique au filet de fond, mais il ne porte pas de bignets et le poids total des plombs est plus faible (0, 5 à 1, 5 kg. ). Cet engin, toujours tendu entre deux eaux, est suspendu à des gros flotteurs par des cordelettes (appelées ficelles), dont la longueur détermine la profondeur du filet. Ces engins portent les noms de bondellière et de paléière, car les corégones (bondelles et palées) sont également péchés ''de lève". Dans la région de Chevroux, Estavayer et Yvonand, on parle parfois des pics (filets à maille de 50 mm. ), terme qui a survécu à la tentative d'introduction, au tout début du siècle, des immenses filets employés sur le lac Léman et nommés "pics" ou "grands pics" (3000 mailles de long et 15 - 20m. de haut). En raison des pêches véritablement miraculeuses réalisées avec ces engins, ceux-ci furent promptement saisis afin de proté- ger la faune du lac, indépendamment du fait que la loi fédérale sur la pêche (1888) en rendait l'emploi illégal à cause de leurs dimen- sions. * * 173 TRAMAIL Fig. 27 'àordure ioo zoo eignet 300 %i. dnselfc chevalet chevìllon avant-gardes nappe ou folk — chalame tour de grossier plomb tour de grossier -vétte m eo 30%i. 174 FILET DE FOND Fig- 28 l-l»l AAA A1Tt-A A A A^1A. A ~A A A A A A A A1^A A M O 1 e io a»4i si 400%. bignet ansate chevalet chevillai ctiùhme tour de grossier tour de grossier yêfre 30cAi. 175. LA PECHE A LA BATTUE Cette pêche consiste à entourer d'un ou plusieurs (deux ou trois au plus) filets accouplés les laîches, les troches (ou trotzes) ou tout autre abri (creux, pierres, etc. ) où le poisson se tient de préférence, puis à frapper la surface de l'eau pour effrayer les poissons encerclés, d'où son nom de battue. C'est donc une pêche pratiquée près du rivage, sur la beine (blanc- fond ou blanc) ou au bord du mont. La présence de hauts-fonds sablonneux et de roseaux rend les extrémités du lac et la rive sud plus propices à ce mode de pêche que la rive nord où elle est moins répandue (fig. 31). Le filet le plus couramment employé est le tramail, bien que le filet à simple toile (à maille de 50 mm. minimum) soit également autorisé. Ce dernier présente toutefois des inconvénients : il est moins solide qu'un tramail et la dimen- sion minimum de ses mailles est fixée par la loi. D'après Pierre- humbert, ce filet s'appellerait l'étole . En cours d'enquête, nous avons relevé ce terme, mais il désigne actuellement la bondelliè- re dans la région de Chevroux et d'Estavaiyer. Dans cette dernière localité, le filet de battue à simple toile est nommé pantière. D'après un informateur, ce mot était également en usage dans la région de Neuchâtel - Cortaillod jusque vers 1920. Les mailles du filet de battue à simple toile varient de 50 à 70 mm. Pour cet- te raison, cet engin ne retient guère que le poisson de taille cor- respondant à la dimension des mailles, tandis que le tramail, grâce à ses avant-gardes et à sa toile dont les mailles peuvent être de 26 mm. , est à même de capturer des poissons de tailles très diverses. A l'époque où de nombreux pêcheurs "faisaient les hameçons" (c'est-à-dire péchaient aux hameçons), certains d'en- tre eux pratiquaient la battue ("faisaient la battue") afin de se procurer les amorces (vengerons) nécessaires. (De nos jours le vengeron est toujours péché, mais pour être vendu en filets). Dans ce temps-là, en avril et mai, on pratiquait également cette pêche au bord du mont, avec des tramails de 40 - 50 mm. de maille pour capturer les perches endormies ou dormantes. Au printemps, parfois déjà en mars, les perches remontent du profond et viennent tout engourdies sur les beines. Quand l'eau est calme et transparente, on peut voir là des grosses perches de 1 à 4 livres se tenir immobiles au soleil. Aujourd'hui, la battue apparaît de plus en plus comme une pêche accessoire, une sorte de passe-temps, dirions-nous volontiers, auquel le pêcheur s'adonne après avoir tendu ou relevé des filets de fond ou de lève qui lui procurent son gagne-pain réel. 176. La lo guette (ou liquette) est l'embarcation qui convient le mieux à la battue car son fond plat assure une bonne stabilité et permet d'avancer sans bruit. De nos jours, seuls quelques pêcheurs possèdent encore un bateau de ce type. Les autres utilisent leur canot. Progressant aussi silencieusement et rapidement que possible, le pêcheur tend son filet autour de l'endroit choisi de manière à former une enceinte complète. Là où les deux extrémi- tés de l'engin se rejoignent, elles sont serrées l'une contre l'autre au moyen des zies. Ceci fait, le pêcheur, armé d'une longue per- che, frappe la surface de l'eau à plusieurs reprises afin que les poissons, effrayés, quittent leur abri et viennent se jeter dans le filet. Le pêcheur qui obtient les meilleurs résultats est celui qui parvient à encercler un botset, c'est-à-dire un banc de perches ou de platets (platons, cormontans = brèmes). Ajoutons que les risées ou morées de bise sont très favorables à la battue aux platons. Comme nous l'avons dit plus haut, le tramail peut cap- turer des poissons de tailles très diverses, raison pour laquelle ses mailles varient de 30 à 70 mm. Les chiffres donnés ci-dessous n'ont qu'une valeur indicative, ils ne représentent pas la règle. D'ailleurs, certains pêcheurs ne possèdent que des tramails à petites mailles (30, 32, 40 mm. ) alors que d'autres, qui recher- chent surtout les gros poissons, utilisent plus volontiers des en- gins (tramail ou pantière) à maille de 50, 60 ou 70 mm. La battue est pratiquée principalement : Période ; février à mai février à mars avril à mai mars à novembre mai-juin (le soir) Poissons ; brochets (protégés du 1er mars au 15 avril) perches perches endormies (dormantes) brèmes (cormontans platets, platons) tanches truites "au saut" (on les voit sauter pour attraper les petits poissons dont elles se nourrissent. C'est dans les frais de tailleurs (ablettes) qu'on fait des battues). Mailles : 40 - 60 mm. (aussi 30 - 70 mm. ) 30 - 40 mm. 40 - 50 mm. 50 - 60 mm. 40 mm. juin carpes (pendant le frai) 50 - 60 mm. 177. La battue peut être de bon rapport pour qui connaît les moeurs des poissons et les endroits favorables. Mais l'habileté du pêcheur à tendre son filet rapidement et sans bruit joue égale- ment un rôle important. A titre d'exemples, voici quelques beaux résultats obtenus en une seule-battue : 150 kg. de tanches (1919), 25 brochets (1926), 120 carpes (1942), 50 kg. de perches (1955), 650 kg. de brèmes (1944). (voir aussi Annexe III. 2) * 178. LA PÊCHE DE FOND La pêche de fond est la plus ancienne et la plus impor- tante des pêches pratiquées dans le lac de Neuchâtel. Depuis des siècles, les pêcheurs emploient des filets de fond tout au long de l'année, exception faite évidemment des périodes d'interdiction. Selon les poissons recherchés et le niveau auquel ils se tiennent, la profondeur des filets et la grandeur de leurs mailles varient, c'est pourquoi les pêcheurs parlent de "filets de bord" et de "filet de fond". Cependant, que ces engins soient tendus "sur le mince" (ou "sur le plat"), c'est-à-dire à faible profondeur près du rivage, ou au "grand profond" au milieu du lac, il s'agit des mêmes filets (voir description et fig. 28). Ceux-ci sont tendus accouplés les uns aux autres en séries de nombre variable. Une série de filets accouplés s'appelle une couble ou un tend. D'après le Règlement d'exécution du Concordat (art. 4), le pêcheur n'a pas le droit d'accoupler plus de 20 filets de fond, sauf du 1er juin au 30 sep- tembre où il est permis d'en accoupler jusqu'à 30, mais à plus de 50 m. de profondeur. Toutefois, puisqu'il est permis de pêcher avec "60 filets de maille inférieure à 40 mm. (et) 20 filets de 40 mm. de maille au minimum" (Règi, d'exéc. art. 1), le pêcheur a la possibilité de tendre plusieurs couble s. En principe, les filets sont tendus le soir et relevés le lendemain matin, mais il peut arriver que des tends passent deux nuits dans l'eau. D'autre part, il est rare qu'un pêcheur ne profite pas de tendre quelques filets le matin après avoir relevé ceux mouillés la veille, ou qu'il n'en relève pas le soir après avoir tendu une ou deux coubles. Le déplacement du soir est aussi l'oc- casion de suivre les filets placés à faible profondeur, c'est-à-dire de les contrôler sans les relever. Pour ce faire, le pêcheur ra- mène le premier filet à la surface et empoigne le chalame. Puis, simplement en tirant sur la cordelette, il fait avancer son bateau et parcourt le tend d'un bout à l'autre (les filets sont successive- ment remontés à la surface mais ne sont pas sortis de l'eau) pour voir si des poissons ont été capturés. Si c'est le cas, il peut alors revercher (ou revertcher), opération qui consiste à suivre les filets et prendre les poissons. Soulignons que depuis quelques années, les pêcheurs préfèrent souvent relever des filets vides plutôt que de les laisser trop longtemps dans l'eau. La pollution est en effet telle que les engins se couvrent rapidement de râpe (sorte d'herbes fines) et de dépôts verdâtres qui, d'une part, rendent les filets si visibles que les poissons les évitent et, d'autre part, adhèrent fortement aux fils et sont difficiles à en- lever. Après avoir lavé ses filets, le pêcheur doit fréquemment retirer à la main ces "paquets" de mousses qui collent les mailles les unes aux autres. 179. Avant le départ, le pêcheur prépare dans son bateau les filets (qui doivent être secs) qu'il a décidé de tendre (photo 20). Ceux-ci, qui avaient été passés sur des perches pour être épanchés, c'est-à-dire répartis sur toute la longueur du bois pour mieux sécher, sont resserrés au milieu du bâton et embarqués. Les perches sont placées en travers du bateau, sur les épondes, et les bas de filet reposent au fond du canot. Au fur et à mesure que les engins sont transportés, ou dès que le nombre total est atteint, ils sont reliés les uns aux autres. Les coubles sont ainsi constituées avant le dé- part. La seconde zie du premier filet est nouée à la première du deuxième filet, et ainsi de suite. L'attache (zie)du début du premier engin et celle de la fin du dernier serviront à amarrer le tend aux marques flottantes et aux harpons. Une fois ce travail terminé, le pêcheur installe la servante (tendieu, tendien, valet). Il s'agit d'un montant de bois, fixé verticalement sur un des côtés du bateau, près de l'arrière, servant à soutenir les perches au moment où les filets sont lancés (photo 32). Ces préparatifs achevés, le pêcheur amode le moteur et gagne le large. Généralement, le départ a lieu avant l'heure d'ouverture de la pêche, raison pour laquelle tous les engins transportés doivent être secs (Concordat. Art. 24). En cas de contrôle par les gardes-pêche, il serait difficile pour le pêcheur de prouver qu'il n'a pas relevé avant l'heure d'ouverture si son bateau contenait des engins mouillés. En cours de route, le pêcheur observe tout ce qui peut le renseigner sur la meilleure manière de tendre - endroit, profondeur, direction - en particulier le vent et les courants sous-marins. Si les filets sont traînés sur le fond, roulés ou déchirés (s'il y a de la "casse" ou des "briques"), c'est à cause des courants et il faut savoir que ceux-ci sont indépendants de la direction du vent. Le vent d'ouest (appelé Vent) détermine fré- quemment des courants de Bise (vent d'est), ces derniers sont d'ail- leurs prédominants dans le lac de Neuchâtel. Posées au profond, les bondellières doivent être aussi tendues que possible pour ne pas être emportées. Ces filets sont déployés dans le sens du courant, ce qui assure une meilleure elongation des engins. A l'époque de la navigation à rames, les pêcheurs avaient coutume de tirer sur la couble pour la tendre davantage. Grâce aux moteurs hors-bords, les bateaux actuels se déplacent plus rapidement, ce qui a pour ef- fet de tendre les engins et cette manoeuvre est inutile. Ajoutons que contrairement aux "filets du profond", les "filets de bord" pèchent mieux si la toile est souple, c'est pourquoi ils sont habi- tuellement déployés contre le courant. Quant à la place à choisir pour immerger les coubles, il est évident que l'expérience joue un grand rôle, même si chaque pêcheur a ses bons "coins". Habitué à observer le lac, le pêcheur distingue des signes imperceptibles au profane. Le phénomène le plus facile à discerner est la présence du plancton qui rend l'eau 180. plus trouble. C'est généralement là que se tiennent les bondelles. D'après les informateurs les plus expérimentés, ces poissons ne constituent pas une "couche" mince mais occupent une hauteur d'eau assez importante, ce qui donne une certaine latitude dans le choix de la profondeur. Arrivé à destination, le pêcheur diminue l'allure de son moteur. Avec son écope (ou puisoir) il mouille les perches et les chalames pour faciliter le glissement des filets. Il place alors la première perche sur la servante et la mise à l'eau peut commen- cer (photo 21). Mais avant de lancer le premier filet, il faut enco- re l'amarrer à un polet (marque flottante) et à un harpon (fig. 14) si la couble est tendue à faible profondeur. Cela fait, le pêcheur relance son moteur et jette par dessus bord le polet et le harpon. Quant au filet, tiré par l'avance du bateau, il glisse de lui-même le long du bois (perche). Tenant la barre d'une main, le pêcheur surveille le déroulement de l'engin et le secoue légèrement de l'autre main afin de séparer les mailles dont les fils sont accro- chés. Sans qu'il y ait d'emmêlement véritable, il arrive constam- ment que des fils soient retenus par les noeuds des mailles voisines, ce qui empêche celles-ci de s'ouvrir complètement. Avec les filets de coton, ce phénomène se produisait surtout lorsque les fils étaient échalousés à la suite d'un usage prolongé. Sur les filets synthétiques employés actuellement, ces "accrochages" sont dûs à la finesse des fils. Dès qu'un filet est presque complètement à l'eau, le pê- cheur s'empresse de prendre la perche suivante et de la placer sur la servante, la précédente, une fois libérée, étant posée au fond du bateau. Comme les filets sont déjà accouplés, il importe que le changement de perche se fasse rapidement et au bon moment car tout retard risquerait à la fois de provoquer une trop forte traction sur les engins ancrés et d'entramer à l'eau ceux qui sont encore dans le bateau. En ce qui concerne la manière de tendre une couble (on dit aussi "poser" une couble ou un tend), il n'y a pas de règle ab- solue. Chacun a ses habitudes et celles-ci varient selon les cir- constances, au gré des expériences faites. Sur le blanc-fond (beine), les filets de fond sont généralement placés en ligne droite pour la bondelle et la palée; au profond, ils sont toujours posés de cette façon. Sur la beine, pour la perche en particulier, les- coubles sont souvent disposées en fer à cheval, en zig-zag ou en contours (en jambes), parfois avec un parc à chaque extrémité de la couble, voire de chaque filet. Un parc est l'enceinte formée par l'extrémité du filet recourbée sur elle-même (fig. 32). Le dernier filet du tend étant presque complètement à l'eau, le pêcheur l'amarre par la zie au second polet. Ce type de marque flottante peut être remplacé par une bouille (photo 8). 181. Divers récipients, hermétiquement fermés, sont utilisés à cet effet : bidons de métal ou de plastique, "jerry-cans" de plastique, fûts en tôle, etc. Quand ils tendent suivant le grand axe du lac, certains pêcheurs utilisent des marques portant la lettre "v" ou "B", qu'ils placent à l'extrémité Vent et Bise de la couble. Lors de la recherche des filets, la lettre lue sur la première marque indique immédiatement la direction de la couble. Le tend peut être ancré aux deux extrémités, mais d'une manière générale, les pêcheurs préfèrent courir le risque que le tend se déplace autour du harpon initial et cote peut-être contre un obstacle quelconque, plutôt que les filets ne soient soumis à une trop forte traction provoquée par les courants si le tend est ancré aux deux bouts. A ce propos, signalons que l'emploi de harpons est récent. Il y a quelques années encore, on utilisait des grosses pierres de 8 à 10 kg. Certains pêcheurs ont d'ailleurs conservé cette habitude. L'emploi de pierres présente de nombreux inconvénients. Indépendamment de leur poids qui constitue une charge sensible dans le bateau, les pierres sont difficiles à attacher solidement. Si les courants sous-marins sont violents, la cordelette glisse et les filets partent à la dérive. Au cours de ces déplacements, les filets qui traînent sur le fond accrochent les obstacles les plus divers (du soulier à la bicyclette) et les dégâts sont souvent importants. D'au- tre part, même si la cordelette ne se détache pas, de forts courants suffisent à entraîner les filets, la pierre glissant alors sur le fond et s'enroulant dans les engins qu'elle peut sérieusement endommager. Considérant ces risques, les pêcheurs qui ont pu moderniser leur équipement ont adopté le harpon. C'est un accessoire de peu de poids, qui s'accroche bien au fond et ne provoque que des dégâts minimes s'il se prend dans un filet. Comme nous l'avons dit en début de chapitre, les pêcheurs parlent de "filets de bord" et de "filets de fond" selon l'endroit (et la profondeur) où ils sont tendus. Cette distinction est utile car les marques flottantes utilisées ne sont pas nécessairement les mêmes. D'après le Concordat (Art. 20) : "La partie émergente de l'insigne doit être d'une hauteur de 30 cm. au moins, sauf si l'engin de pêche est posé ou tendu à moins de 15m. de pro- fondeur. " Dans notre description, nous avons signalé l'usage du polet, mais ce type de marque est surtout utilisé pour les filets tendus approxi- mativement entre 15 et 50 m. de fond. La position des engins placés à moins de 15 m. de profondeur est signalée par des vions (ou quilles). Ce sont des pièces de bois d'environ 35 cm. de longueur dont la forme rappelle un peu celle d'une quille (d'où ce surnom); elles sont souvent 182. confondues avec les flotteurs. L'usage des vions tend cependant à disparaître et plusieurs pêcheurs n'emploient plus que des polets ou des bouilles. Ajoutons que d'après la loi, il est interdit de ten- dre plus de 20 filets de fond à moins de 15 m. de profondeur (fig. 29). Pour les engins tendus à plus de 50 m. de profondeur, le Règlement d'exécution (art. 4, alinéa 1 et 2) autorise les pê- cheurs à accoupler jusqu'à 30 filets et à ne pas les munir d'insi- gne, du 1er juin au 30 septembre, ceci pour éviter des "accro- chages" avec les coubles de lève tendues à cette époque. Il y a quelques années encore, les bondellières étaient tendues par 130- 140 m. de fond et n'étaient relevées qu'après deux ou trois nuits. Afin de garantir l'état de fraîcheur du poisson, des mesures par- ticulières ont été introduites dans les Concordats de 1958 (art. 28) et 1964 (art. 30). "A moins d'en être empêchés par le mauvais temps, les titulaires de permis sont tenus de relever leurs engins de pêche : 1. dans les 24 heures, s'il s'agit d'un engin autre qu'une nasse ou un berfou, tendu ou posé à moins de 20 m. de profondeur dans la période du 1er mai au 30 septembre; 2. dans les 48 heures, dans les autres cas. " Aux dires des pêcheurs, les bondelles auraient maintenant changé de niveau (conséquence probable de la pollution selon eux), raison pour laquelle on n'en pêche plus au-delà de 50 m. de fond. Quoi qu'il en soit, les filets tendus à plus de 40 - 50 m. ne sont pas amarrés au fond. A cette profondeur en effet, les courants faiblis- sent et il est rare que les engins se déplacent. Un point important doit maintenant être abordé. Du fait que les filets tendus au profond ne sont pas munis d'insigne du 1er juin au 30 septembre, il importe que le pêcheur prennent de bons points de repère pour les retrouver. Il le fait d'ailleurs aussi pour les coubles munies de polets, un drapeau ou des branchages de quelque 30 cm. de hauteur n'étant guère visibles à distance. La méthode utilisée est simple : elle consiste à faire deux visées passant chacune par deux points situés sur terre fer- me. De son bateau, au moment de lâcher le polet ou un filet, le pêcheur regarde devant lui et aperçoit une maison par exemple. Il cherche alors un autre point aisément remarquable situé plus loin que le premier. Lorsqu'il reviendra, il lui suffira de placer son bateau dans l'alignement de ces deux points. De manière à obtenir des coordonnées plus précises, il répète l'opération en re- gardant à gauche ou à droite afin de relever deux autres points dans cette direction. L'endroit où le polet (oule filet) se trouve sera donc le point d'intersection de ces deux lignes idéales. Ces points de repère n'étant inscrits que dans la mémoire du pêcheur, 183. ce dernier les formule à haute voix afin de mieux se les rappeler. Considérant la ligne idéale qui va du bateau au point le plus éloi- gné en passant par le point situé sur le rivage, le pêcheur neu- châtelois dira par exemple : "l'église de Marin par le bout de Jo- limont, le chalet blanc par la Favag (usine)" (fig. 33). Le pêcheur d'Estavayer, qui observe la superposition des deux points choisis, dira : "La Tour sur la sacristie", l'endroit étant atteint quand la sacristie de l'Eglise St. -Laurent est vue devant la Tour des Reli- gieuses. Cela nous amène à parier de la manière dont les filets sont relevés. Au petit jour, c'est le premier travail du pêcheur. Même s'il part avec des engins secs à tendre, il relève d'abord ceux qui ont passé la nuit au lac, chaque pêche pouvant apporter des ensei- gnements pour la suivante. Guidant son bateau d'après les points de repère pris la veille, il recherche le premier polet, s'en ap- proche et coupe le moteur. Le polet et le harpon sont hissés abord et la zie du premier filet accrochée à un taquet (appelé jadis crapaud) afin que l'engin ne coule pas. Le pêcheur place alors son bateau dans l'axe de la couble. Quand il est seul, ce qui est presque toujours le cas, le pêcheur généralement "lève de pointe", c'est-à- dire à l'avant du canot. D'une main, il tire sur le chalame (photo 22), ce qui fait avancer le bateau, et de l'autre, il prend la corde- lette en glissant ses doigts dans les ansettes à intervalles réguliers, entre les bignets. Cet intervalle est nommé plette; une plette compte au moins 5 ansettes. La quantité de chalame ainsi tenue s'appelle la poignée (photo 23). Dès que la poignée devient trop volumineuse, il retire ses doigts et passe le filet sur une perche. Un filet monté sur un chalame de chanvre peut être tenu d'une seule poignée avant d'être "mis au bois" (photo 24). Les chalames synthétiques sont par contre moins pratiques car la poignée est plus grosse. Dès qu' un filet est complètement relevé, il est détaché du suivant dont la zie est à nouveau amarrée au taquet. Le pêcheur dépose alors la perche soutenant le premier filet sur les épondes, derrière lui, et continue à retirer ses engins. Quand il y a menace de tempête ou de coup de tabac le pêcheur, qui tente de sauver ses filets avant qu'ils ne soient em- portés et souvent en grande partie détruits, les relève précipitam- ment sans prendre le temps de les grouper soigneusement sur des perches. Dans ce cas, on dit qu'il les "ramasse en tas" ou "en plettes". Si les filets se sont emmêlés dans l'eau, on dit aussi qu'ils se sont "mis à tas" ou "en plettes". Quand la toile s'est enroulée autour du chalame, ce qui peut se produire lorsque les courants sous-marins sont violents ou que de gros poissons se sont débattus pendant plusieurs heures provoquant des rèvoûtes, on parle de filets enrêchés. Ce genre d'ennui peut également se produire lorsque les filets ont été tendus à faux, quand le pêcheur n'a pas suffisamment observé les courants. Il dit alors qu'il a 184. "ramassé un plateau". Retirer des filets de quelque 80 m. de long complètement entortillés est ce que le pêcheur redoute le plus. A terre, leur remise en état nécessite de longues heures d'un travail laborieux et délicat (il n'est pas toujours possible d'éviter de cou- per des mailles) et la patience du pêcheur est mise à rude épreuve. Lors d'une pêche à laquelle nous avons participé, le pêcheur releva une couble de 14 filets tendus "sur le plat" (ou "sur le mince"), c'est-à-dire par environ 10 m. de fond, là où les bon- delles se tiennent à la fin du printemps (elles gagnent le creux (le profond) peu après). Ce jour-là, le travail du pêcheur s'avéra difficile aussi bien à cause du fort vent et des vagues qui détour- naient constamment le bateau de l'axe du tend posé en ligne droite, que des engins tendus en zig-zag par un autre pêcheur par dessus ceux de notre hôte. Il faut dire qu'avec les filets de fond, ce genre d'incident n'est pas rare. En effet, à l'exception de deux marques flottant à plusieurs centaines de mètres l'une de l'autre, et dont une seule est visible de ce fait, rien n'indique la présence de filets ni la direction ou la manière dont ceux-ci ont été tendus. Le premier tend relevé ce lundi dès 4h. avait été posé le dimanche matin et se composait de 14 filets synthétiques, à mailles de 28, 30, 32 et 34 mm. (des bondellières), placés sans ordre précis. Les quelques poissons capturés (certains filets étaient absolument vides) étaient : des bondelles, des palées, des perches, des truites, un petit brochet, plusieurs platets (brèmes) invendables et des vengerons (gardons). Le brochet paraissant in- férieur à la taille minimum autorisée (40 cm. ), le pêcheur le dé- mailla immédiatement pour le mesurer au moyen des marques gravées dans le bois d'un des bancs du bateau. Il le remit à l'eau. Après avoir retiré ces 14 filets, le pêcheur en tendit une nouvelle couble, à peu près au même endroit, avant de rechercher un autre tend placé le dimanche soir à quelque distance de là. Au cours de ce déplacement, notre pêcheur s'approcha d'un collègue et les deux hommes comparèrent leurs prises. Au vu des résultats de son con- frère, notre hôte déclara qu'il aurait dû tendre "plus haut", c'est- à-dire plus à l'ouest (le région de St. -Biaise s'appelle le bas du lac). A propos du retrait des filets tendus "dans le creux" (ou "au profond", "au grand profond"), quelques différences doi- vent être signalées. Comme aucune marque n'indique la position de la couble, le pêcheur doit s'efforcer de retrouver, sur la base des points de repère pris sur terre, l'endroit précis où elle a été mise à l'eau. Quand il pense avoir placé son bateau au-dessus des filets, il laisse descendre un crochet métallique (du même type que les harpons utilisés pour l'ancrage, mais plus léger) attaché à une longue corde; il cherche ainsi à atteindre un filet. Dès qu'il est parvenu à en accrocher un, il le ramène à la surface. Toute- fois, en raison de la résistance de l'eau et du poids des engins 185. accouplés, un homme seul ne peut assurer la manoeuvre. C'est pourquoi son bateau est muni à l'avant d'un treuil (photo 25) (ap- pelé aussi machine à lever ou rouleau) dont la manivelle est confiée à un aide, la femme du pêcheur bien souvent, à moins que le treuil ne soit actionné par un petit moteur à explosion. Passant sur le gros tambour recouvert de caoutchouc, les filets sont amenés les uns après les autres et passés sur des perches (photo 26). Quand toutes les coubles sont relevées et que les filets secs sont tendus, c'est le retour à terre. Là, de nombreux tra- vaux attendent le pêcheur dont la journée vient de commencer. Qu'il s'agisse d'un retour de pêche de fond ou de lève, ces tra- vaux sont les mêmes, de sorte que nous les évoquerons plus loin. Données relatives à la pêche de fond. Remarques 1. Les données ci-dessous résultent des recoupements effectués dans les informations obtenues. Elles représentent donc des moyennes et non des règles absolues. Les conditions de la pêche varient parfois considérablement d'une année à l'autre et le pêcheur consciencieux cherche continuellement à s'adap- ter aux circonstances; sa manière de procéder, tout empirique, ne repose que sur des règles très générales. Il pratique une pêche artisanale et ne fait pas usage d'instruments de mesure scientifiques par exemple. 2. C'est une vue très schématique de l'emploi des filets de fond qui est donnée. Dans la réalité, il est évident que divers pois- sons peuvent se trouver ensemble dans ces engins (voir p. 184) mais le pêcheur "compose" ses coubles et les tend en fonction des principaux poissons recherchés, cela sur la base des don- nées énumérées ci-dessous. 3. Le mont (dans les expressions "au bord du mont", "le long du mont", "à la chute du mont", etc. ) désigne le talus rapide qui, de la beine (ou blanc-fond, ou blanc), descend vers le "grand profond" (ou creux). Ce terme ne doit pas être confondu avec la Motte, eminence sous-lacustre située à mi-lac, dont le ta- lus s'appelle également le mont. Très poissonneuse, la Motte attire de nombreux pêcheurs (fig. I). 186. On tend des filets de fond ; A. de maille inférieure à 40 mm. (bondellière à maille 28, 30, 32, ' 34, 35, 38 mm. ) 1. pour la bondelle (taille minimum : 20 cm. ) La bondelle fraye en décembre et janvier dans la zone profonde. Sa pêche est interdite du 15 décembre au 20 janvier (voir Pêches spéciales : 1. ouverture de la pêche aux bondelles, p. 198). Dès l'ouverture, les filets sont tendus "au grand profond" (80 - 140m. ). Si le lac est agité après le frai, les bondelles remontent plus ra- pidement vers les couches supérieures et la pêche de fond est médiocre. Au début du printemps, ces poissons se tiennent en eau peu profonde (env. 10m. ) sur la beine ou au bord du mont, puis descendent progressivement (en mai : env. 60 m. ). Dès juin-juillet , les bondelles regagnent le profond où il faudra les chercher en novembre et décembre. D'après les travaux du Dr. G. Mauvais (in : BSPP No. 12, déc. 1929, p. 170-176), il semblerait que la température de l'eau joue un rôle dans la descente des bondelles, qui peut être re- tardée à la suite d'un hiver très froid, les couches profondes mettant plus de temps à se réchauffer. Résumé des observa- tions faites en 1928 et 1929 : Bondelles capturées en juin 1928 : 8634 kg juin 1929 : 4385 kg juil. 1928 : 7343 kg juil. 1929 : 4852 kg Température moyenne de l'eau : à 60m. de prof. : 9° (année normale) à 100m. : 6, 5° En juin - juillet 1929 :à 60m. : 7° (janvier et février 1929 très à 100m. : 4, 9° froids) La couche de température de 6, 5 - 9° est comprise entre 40 m. et 30 m. (et au-dessus) de profondeur. En été 1929, les pêcheurs furent autorisés à pêcher la bondelle avec des filets de lève. 2. pour la perche (taille minimum : 15 cm. ) (filets à maille de 28-32 mm. ) La perche fraye en mai sur les beines (blanc-fond) et au bord du mont, par 5 - 10 m. d'eau. Comme c'est un vorace qui se nourrit de petits poissons et d'alevins (de bondelles en particu- lier), ce poisson doit être péché afin d'assurer l'équilibre des 187. espèces et des pêches spéciales extraconcordataires avec des filets à inaille 26 mm. peuvent être autorisées (voir : Pêches spéciales : 5. La pêche aux "petites mailles", p. 202). En mai, la perche est surtout capturée au moyen de berfous et de nasses. A l'exception des restrictions et des périodes d'interdiction im- posées par le Concordat, les pêcheurs qui recherchent ce pois- son tendent leurs filets sur la beine et au bord du mont par quelques mètres de fond au printemps, à 20 m. environ dès juil- let pour atteindre 30 à 50 m. en novembre et décembre, profon- deur d'où la perche remonte en mars - avril (voir capture des perches endormies ou dormantes à la battue, p. 175). 3. pour l'omble chevalier (taille minimum : 25 cm. ; période de protection : 15 novembre au 31 décembre) Filets à maille de 28 mm. tendus de septembre à novembre sur le mont et à la chute du mont, par 40-100 m. de fond. 4. pour le vengeron Filets à maille de 28 à 30 mm. tendus de février à décembre sur la beine et le long du mont par 3 - 50 m. de fond. B . de 40 mm. de maille au minimum 1. pour la palée (taille minimum : 20 cm. ) (filets à maille de 50 mm. généralement) La palée fraye sur les bords ou à la chute du mont, de mi-novem- bre au début de janvier. Sa pêche est interdite du 15 octobre au 31 décembre, à l'exception des pêches destinées à la pisciculture. Dans ce cas, les pêcheurs tendent leurs filets en novembre et dé- cembre sur le blanc (2 à 5 m. de fond) ou plus en avant sur la beine et au bord du mont (10 - 40 m. d'eau). (Voir : Pêches spé- ciales : 4. la pêche à la palée, p. 202 ). De janvier à fin mai, la palée est surtout capturée au grand filet (entre 40 et 60 m. de prof. ) puis avec des filets de lève, de juin à septembre. En principe les pêcheurs ne tendent pas de filets de fond pour la palée au printemps et en été. Il leur arrive par- fois d'en capturer dans les bondellières. 2. pour le brochet (taille minimum : 40 cm. ; période de protection : du 1er mars au 15 avril) Filets à maille de 50 à 70 mm. tendus de février à avril sur le blanc, par quelques mètres (2 à 5) de fond. 189. LA PÊCHE DE LEVE Aperçu historique L'introduction de la pêche aux filets de lève sur le Lac de Neuchâtel peut être approximativement fixée à 1900, bien qu'elle fût pratiquée sur d'autres lacs suisses depuis une vingtaine d'années. L'adoption de ce nouveau mode de pêche repose essentiellement sur l'observation des moeurs alimen- taires des poissons, des corégones en particulier. Ceux-ci en effet ne tiennent pas continuellement le fond, mais changent quotidiennement de niveau afin de suivre le mouvement du plancton dont ils se nourrissent. Or, le plancton ne supportant pas la lumière du jour, c'est la nuit qu'il remonte vers la sur- face afin de se nourrir des plantes microscopiques qui se tien- nent dans les couches supérieures. "Les corégones suivent naturellement ces migrations journalières du plancton et c'est ce qui explique le succès de la pêche aux filets flottants pendant la nuit, tandis que de jour elle ne donne pas de résultat. " (BSPP No. 10, oct. 1902, p. 89). Cela est si vrai que la pêche est mau- vaise par les nuits trop claires, en période de pleine lune par exemple. C'est par les nuits sombres que les filets de lève font leurs plus belles prises. Comme nous l'avons signalé plus haut, ces engins sont du même type que les filets de fond - exception faite de l'absence de bignets et du plombage plus léger - et leurs dimensions ma- ximums sont identiques. Rappelons toutefois l'essai entrepris par quelques pêcheurs, aux alentours de 1900 - 1902, de pêcher avec les grands pics du lac Léman. Les dimensions de ces engins ex- cédant largement les dimensions prescrites par la loi fédérale sur la pêche, les auteurs de cette tentative furent frappés de contraventions. Notons aussi que l'emploi intensif de pics dans le Léman ne tarda pas à produire des effets désastreux et leur utilisation fit rapidement l'objet de sévères restrictions. Sur le lac de Neuchâtel, cette brève tentative semble avoir fait figure de démonstration. Les résultats obtenus par ces filets flottants incitèrent les pêcheurs à transformer leurs filets de fond en filets de lève, en les débarrassant de leurs bignets et en allégeant la vêtre. Ce nouveau système se révéla si efficace, en particu- lier pour la palée, que certains pêcheurs essayèrent de l'appliquer à la pêche de la bondelle, autre coregone se nourrissant de planc- ton. Malheureusement, ils s'aperçurent que leurs bondellières de lève capturaient également des petites palées qui n'avaient pas encore atteint leur plein développement. Conscients des risques 190, qu'une telle pêche représentait pour l'avenir de la faune lacuptre, ceux-ci prièrent l'autorité responsable de prendre toutes mesures utiles, proposant que seuls des filets de 50 mm. de maille au moins soient autorisés "de lève". La réponse vint le 29 septembre 1902 sous la forme d'un arrêté informant les pêcheurs : a) "Que les filets flottants doivent être tendus "de lève", soit à la surface de l'eau, et qu'il doit y avoir entre chacun d'eux une distance égale au moins au double de la longueur du filet (Loi fédérale sur la pêche du 21 déc. 1888. Art. 5, chiffre 4). b) Qu'il est interdit de tendre flottant "de lève" le filet "la bondellière". Ce filet doit être tendu de fond seulement." Si l'alinéa b) fut bien accueilli, il en alla tout autrement du premier qui, non seulement s'avérait inapplicable en raison des dangers que cette façon de procéder présenterait pour la navigation, mais surtout à cause de son caractère d'illégalité dû à une erreur de traduction de la loi fédérale citée dont le texte original est en allemand. L'ar- ticle 5, chiffre 4, concerne en effet les filets de battues, et en par- ticulier ceux tendus en rivière, et non les filets flottants, d'où la réaction immédiate des pêcheurs réunis en assemblée du syndicat à Chevroux, le 26 octobre 1902. Faisant sienne la proposition for» mulée par les pêcheurs qui craignaient pour l'avenir de la palée, le Syndicat demanda que la dimension des mailles soit limitée à 5Q mm., tous les engins de maille inférieure devant être tendus de fond seulement. Le 3 décembre 1902, M. Berthoud, Conseiller d'Etat et Chef du Département de Police du Canton de NeuchStel, signait un nouvel arrêté informant les pêcheurs que : "La Commission intercantonale de la pêche dans le lac de Neuchâtel, en attendant la mise en vigueur du nouveau concordat, décide de to» lérer la pêche au moyen de filets flottants, à simple toile, d'une longueur de 2400 mailles au maximum, d'une hauteur de 2 mètres et dont les mailles doivent avoir 50 mm. d'ouverture au moins." Le nouveau Concordat (du 16 mai 1903), abrogeant celui de 1890, entra en vigueur le 1er juillet 1904 et précisait à l'article 14 : "Les filets ou engins dont l'usage est permis sont les suivants : III. Engins flottants a) Les filets à simple toile jusqu'à 2400 mailles de longueur et deux mètres de hauteur avec mailles de 50 mm. au moins. Ces filets peuvent être tendus flottants (de lève), du 1er juin au 31 août inclusivement. Chaque pêcheur ne peut tendre plus de 10 filets." A l'heure actuelle, la maille de 50 mm. est restée la norme pour les filets de lève. 191. Ce mode de pêche ne datant, pour notre lac, que du début du siècle, il nous a paru intéressant de retracer brièvement l'his- toire de son introduction. L'intervention des pêcheurs pour obtenir une restriction importante dans la dimension des mailles méritait surtout d'être soulignée. En effet, cette démarche paraît d'autant plus remarquable que ses auteurs agissaient contre leurs intérêts immédiats. Cependant, et contrairement à ce que l'on croit trop volontiers, les vrais pêcheurs sont plus préoccupés de l'avenir de la profession, et par conséquent de la santé du lac et de l'équilibre des espèces, que de gains rapides. Ils savent se montrer raison- nables et les exemples de franche collaboration entre les pêcheurs et l'Autorité ne manquent pas. Bien que certaines restrictions ou interdictions semblent les rebuter de prime abord, ils les accep- tent volontiers dans la mesure où il s'agit de protéger et d'assu- rer l'avenir du lac, même s'ils doivent parfois consentir à quel- ques sacrifices. Si l'introduction de ces engins rencontra des difficultés, ils sont maintenant répandus d'un bout à l'autre du lac, et il est temps d'aborder la description de cette pêche. La pêche de lève Engins à simple toile, sans bignet et faiblement plombés, les filets de lève sont accouplés en coubles, ou tends, de 20 filets au maximum. Les pêcheurs n'ayant pas le droit d'utiliser plus de 20 engins de ce type, ils peuvent soit les tendre en une seiale couble, ce qui représente environ 2 km. de longueur, soit les répartir en des coubles plus courtes. Comme leur nom l'indique, ils sont ten- dus flottants, entre deux eaux, à des profondeurs variables mais ne dépassant pas 30 mètres. Ils ne sont pas ancrés. Leur emploi est autorisé du 1er juin au 30 septembre. Tendues le soir et relevées le lendemain à l'aube, les coubles "de lève" dérivent durant la nuit au gré des courants. Les courants dominants suivent le grand axe du lac et des courants op- posés peuvent se manifester en même temps. Lorsqu'une extrémi- té de la couble est entraînée par un courant de Bise (est) et l'autre par un courant de Vent (ouest) - ce qui se produit surtout quand les 20 filets autorisés sont accouplés ensemble - la couble pivote sur elle-même et se met "Vent-en-Bise". Par temps calme, des déplacements de 3 à 5 km. sont fréquents et quand la tempête se lève, le pêcheur doit parfois parcourir quelque 10 km. pour re- trouver ses engins. Si le lac est trop agité l'après-midi ou si un cordon de joran annonce un dangereux coup de tabac, les pêcheurs ne tendent pas la lève, des courants trop violents pouvant provo- quer la destruction des filets. 192. Vu les distances parcourues par ces engins, les extré- mités des coubles sont signalées par des marques flottantes (polets, croisillons ou bouilles d'une capacité de 20 litres au moins) plus grandes que celles placées sur les filets de fond. C'est aussi la raison pour laquelle les filets de lève doivent être tendus au large, sur des fonds de 40 m. au moins, c'est-à-dire de 1 à 3 km. du bord selon les régions. Un tend de lève placé en eau peu profonde risquerait en effet de se prendre dans des filets de fond tendus près du rivage (fig. 29). Chaque filet de lève est supporté par 3 flotteurs (appelés flotteurs, bonde, liège ou soliveau) attachés au chalame par une cordelette (ficelle), à chaque extrémité et au milieu de l'engin, qui a une longueur d'environ 80 à 100 m. Sur le premier et le der-, nier filet du tend, les flotteurs des extrémités sont légèrement ramenés vers le centre pour permettre l'amarrage du polet. Ajoutons que la profondeur des engins est réglée au moyen çles ficelles que l'on déroule plus ou moinSé Chaque flotteur porte un maximum de 30 m. de ficelle (Règlement d'exécution. Art, 8). La mise à l'eau de ces engins (ce qui se dit "tendre la lève") est identique à celle des filets de fond (photos 20 et 21). Les filets, préparés sur des perches et préalablement accouplés dans le bateau, sont placés sur la servante (tendieu, tendien, valet). Au fur et à mesure qu'ils glissent le long du bois, le pêcheur atta» che les ficelles des flotteurs. La loi oblige les pêcheurs à tendre ces coubles en ligne droite, perpendiculairement au grand axe du, lac, c'est-à-dire selon une direction nord-sud. Quand le lac est calme, le pêcheur pose le premier tend en partant du bord et le second au retour. Lorsque le Joran est violent, ce qui est fré- quent en été, le pêcheur de la rive nord revient au bord pour ten- dre la seconde couble dans le sens du vent, ceci afin d'éviter que les filets ne s'emmêlent. De manière à faciliter le repérage, la marque flottante placée à l'extrémité nord de la couble porte un signe distinctif : soit il s'agit d'un polet muni d'un drapeau alors que l'autre extrémité est signalée par une bouille, ou les polets nord et sud portent des drapeaux différents (couleur et motif). Au sujet du retrait de ces filets, la technique est sem- blable à celle adoptée pour les filets de fond tendus à faible pro- fondeur. Comme il ne sert à rien de prendre des points de repère précis, le pêcheur doit, de la rive ou de son bateau, observer les courants afin de déterminer la direction dans laquelle ses engins se sont déplacés. Il convient de préciser que les courants sous- marins ne suivent pas toujours les vents dominants et que des vagues de bise ne signifient pas qu'une couble de lève tendue au large de Neuchâtel doit être recherchée dans le haut du lac (vers l'ouest, dans la direction d'Yverdon). Les pêcheurs utilisent vo- lontiers des jumelles pour faciliter les recherches. Dès que le 193. premier polet est atteint, les filets, sont amenés les uns après les autres, par le chalame tenu en poignées, et passés sur des perches (photos 22 - 24). Les ficelles des flotteurs sont dénouées et réen- roulées autour des soliveaux, travail généralement effectué sur le chemin du retour. Les opérations relatives à la pose et au retrait des filets de lève présentent de telles similitudes avec celles concernant les filets de fond que nous préférons interrompre ici cette description. Le lecteur voudra bien consulter le chapitre consacré à la pêche de fond. Les filets de lève sont principalement destinés à la cap- ture des palées. Les pêcheurs parlent d'ailleurs de "la lève aux palées". Bien que le nom de paléière soit encore quelquefois em- ployé pour désigner ces engins, la plupart des pêcheurs parlent des "cinquante" ou des "mailles cinquante". Cette pêche entre deux eaux donne également de bons résultats pour la truite, mais avec des mailles plus grandes; des "septante" (70 mm. ) sont alors tendus. Quand la bondelle est très abondante, des arrêtés spéciaux permettent aux pêcheurs de tendre des bondellières de lève, mais cela ne s'est plus produit depuis plusieurs années (voir : Pêches spéciales : 2. la pêche aux bondelles "de lève", p. 199). Il est intéressant de noter que la profondeur des coubles de lève est encore calculée en brasses. Une brasse correspond à la longueur des bras.écartés tendus horizontalement (cette distan- ce équivaut à la taille de l'homme), on peut admettre une valeur moyenne de 1, 70 m. La lève est tendue : Mois : A une profondeur de : Juin (dès l'ouverture) 2-3 brasses (env. 3, 40 - 5, 10 m. ) Juillet 6-7 " (env. 10,20-11,9Om, ) puis de plus en plus profondément pour atteindre un maximum en Septembre 12-13 brasses (env. 20, 40-22, 10m. ) Quant aux emplacements, chacun a ses habitudes et ses préférences. Un pêcheur neuchâtelois nous a confié qu'il tendait en "partant du grand profond, traversant le plateau pour arriver dans l'autre profond.11 194. S'il est évident que le rendement de la pêche varie parfois considérablement d'une année à l'autre, les pêcheurs s'accordent à penser qu'un filet contenant 10 à 15 palées et 2 à 5 truites représente une belle pêche. (Bien que ces chiffres ne représentent pas des moyennes mais plutôt des maxima, il ne faut pas oublier que les filets sont tendus en coubles de 20 engins au maximum). L'un de nos informateurs se rappelle avoir capturé, en 1948, 30 palées dans un seul filet, ce qui constitue un record. * polet dt tond polet de lève iilés de fond, fendus pris du bord flieh delete e. no filäsde fond,tendus "?• ' Y à grande profondeur FILETS JLlfttS /%. 30 n -T^ tf-t-T^ ^ 3CZTZL filch tlléçél Wets de -fond tendus m jambes- pour h polie 20. Les filets de lève et les flotteurs (petites bouilles ici) sont pré- parés avant le départ. 22. Les filets sont relevés à la main, par le cha- lame. 24. Un filet bien garni est remis au bois. 21. Passé sur une perche soutenue par la ser- vante, le filet est mis à l'eau. 23. Tenant la "poignée" de la main gauche, le pêcheur s'aide de l'au- tre main pour sortir le filet de l'eau. 25. Treuil employé pour relever les filets ton- dus au profond. HL Bl B: flpU 26. Un filet est relevé au treuil (photo obligeamment prêtée par M. Baudois, Hauterive). 27. Une baraque de pê- cheur à Bevaix. 198, LES PÊCHES SPECIALES OU EXTRACONCORDATAIRES Introduction Elaborer une loi sur la pêche est une entreprise diffi- cile. Cette affirmation ne nécessite pas une longue démonstra- tion et une évocation très schématique des principaux éléments à concilier suffira à faire sentir toute la complexité du problème. Aux yeux des autorités responsables, le lac est un ca- pital qu'il importe de sauvegarder, tout en assurant un gagne-pain décent au pêcheur professionnel. Mais ne tirer parti que des inté- rêts de ce capital paraît souvent insuffisant au pêcheur; cette res- triction l'empêche d'améliorer sa situation. A part ces deux points de vue bien compréhensibles, deux autres facteurs éminemment variables doivent être pris en considération : 1) l'état de la faune lacustre et les nombreuses influences qui en conditionnent la pêche (ces influences sont encore très mal connues); 2) le marché du pois- son dont les continuelles fluctuations sont liées au tourisme, aux modes alimentaires, aux importations de poisson étranger et aux exportations du poisson indigène, etc. Comme on peut s'en rendre compte, le législateur ne peut élaborer une loi en tenant compte de tous ces éléments et cela à plus forte raison que certains d'en- tre eux sont fondamentalement contradictoires, à moins qu'ils ne le deviennent au gré des circonstances. C'est pourquoi les Concor- dats inter cantonaux, ceux de 1958 et de 1964 plus particulièrement, ont été conçus comme des lois-cadres assorties d'un règlement d'exécution réservant à l'autorité des possibilités d'adaptation selon les conditions du moment. Cette souplesse dans l'application de la loi, rigide par essence, est indispensable non seulement à cause des nombreuses inconnues qui subsistent encore quant au lac, aux moeurs des poissons ou aux facteurs susceptibles de les modifier, mais aussi pour permettre aux responsables de suivre et d'agir sur l'économie piscicole tout au long de l'année. Dans ce but, certains pêcheurs effectuent des pêches d'essai à la demande des autorités. Sur la base-des résultats obtenus, les instructions nécessaires sont émises par voie de circulaires adressées aux intéressés. Touchant à tous les aspects de la pêche, ces circulaires apportent les déro- gations ou précisions nécessaires à tel ou tel article de la loi, elles autorisent les pêches dites spéciales ou extraconcordataires. Ci- dessous, nous présentons un aperçu des principales pêches ainsi accordées aux pêcheurs. 1, Ouverture de la pêche aux bondelles. D'après le Concordat en vigueur, la pêche aux bondelles est interdite du 15 décembre au 20 janvier. Toutefois, les dates de 109, frai variant d'une année à l'autre, le jour d'ouverture ainsi que les engins autorisés immédiatement après cette date font l'objet d'une communication aux pêcheurs. Afin de montrer le soin avec lequel cette question est traitée par les organes responsables, nous don*. nons un résumé succinct de ces instructions. Il convient cependant de souligner que le rendement de la pêche des bondelles étant subi- tement tombé (de 298. 524 kg. en 1959 à 19. 244 kg. en 1965), en partie à la suite d'une pêche trop intensive au moyen de filets en fibre synthétique mais aussi peut-être à cause de la pollution, les autorités se virent contraintes d'émettre des instructions précises et détaillées afin d'assurer la survie de cette espèce. Ces mesures. semblent avoir porté leurs fruits puisque le rendement a augmenté en 1966. 1961 Ouverture le 25 janvier Sont autorisés 5 filets par pêcheur : (3 à mailles de 28 à 34 mm. j 2 à mailles de 50 mm. min, ) 1962 " 1er février " 10 bondellièrea (maille de 28 mm. minimum) 1963 " 31 janvier " 10 bondellières 1964 " 22 janvier " 10 bondellières à mailles de 30 mm. 1965 " 1er février " 20 bondellières à mailles de 30 mm. dès le 4 février : tous les filets (80 par pêcheur) sont autorisés. Les filets à mailles comprises entre 28 et 29, 9 mm. seront tendus jusqu'à 40 m. de profondeur. dès le 18 mars : jusqu'à 50 m. de profondeur dès le 26 avril : entre 15 et 50 m. de profondeur dès le 1er juin : à 50 m. de profondeur au maximum 1966 Ouverture le 31 janvier Sont autorisés : 20 bondellières à mailles de 30 mm. dès le 7 février : tous les filets. Les filets à mailles comprises entre 28 et 29, 9 mm. seront tendus à 50m, de profondeur au maximum. 2. La "pêche aux bondelles de lève" (la "lève aux bondelles") Alors que ce poisson n'était péché qu'au moyen de filets de fond, les observations faites par M. G. Mauvais en particulier 200. (p, 186), montrèrent que les bondelles pouvaient se tenir entre deux eaux et qu'elles quittaient plus rapidement le grand profond si le lac était agité en janvier, immédiatement après le frai. Selon cet auteur, la température de l'eau jouerait également un certain rôle sur le ni- veau tenu par ces poissons, mais cette théorie paraît contestée. Quoi qu'il en soit, les mauvais résultats obtenus en juin et juillet 1929 in- citèrent les autorités à autoriser les pêcheurs à tendre de lève des filets à petites mailles pour la bondelle, du 29 juillet au 3 septembre 1929. Cette pêche rapporta 15. 372 kg. de poisson. Depuis cette date, la "lève aux bondelles" fut autorisée presque chaque année, apportant aux pêcheurs une source de gain appréciable. Comme les pêches d'ouverture, la "lève aux bondelles" fait l'objet d'instructions détaillées que les pêcheurs reçoivent dès qu'un changement intervient. Voici un résumé des circulaires envoyées en 1961. L'autorisation de pratiquer cette pêche n'a plus été renouvelée depuis lors, à cause de la chute de rendement signa- lée plus haut. La "lève aux bondelles" est autorisée du 18 juin au 2 septembre 1961. Chaque pêcheur a le droit d'utiliser 10 filets à mailles de 32 mm. au minimum. Les tends seront posés après 13 h. en semaine, après 15 h. le dimanche. Les pêcheurs sont répartis en deux groupes : Rive sud et Rive nord, péchant alternativement. Horaire : 1ère semaine Rive sud tend :dimanche et mardi relève rlundi et mercredi Rive nord tend: lundi et mercredi relève : mardi et jeudi 2ème semaine Rive sud tend : dimanche et mardi relève : lundi et mercredi Rive nord tend: lundi et mercredi relève : mardi et jeudi (Arrêté du 16 juin 1961) Dans le but de favoriser une meilleure répartition et d'éviter l'en- combrement des lieux de pêche, les modifications suivantes entrent en vigueur dès le 9 juillet. Les pêcheurs sont répartis en trois groupes péchant : Fribourg tend : dimanche et mercredi relève : lundi et jeudi Vaud tend : lundi et jeudi relève : mardi et vendredi Neuchâtel tend relève mardi et vendredi mercredi et samedi (Arrêté du 4 juillet 1961) 201, Afin d'éviter l'encombrement du marché, les modifications sui van-, tes sont apportées dès le 17 juillet : Fribourg tend les lundis et relève les mardis Vaud tend les mardis et relève les mercredis Neuchâtel tend les mercredis et relève les jeudis (Arrêté du 13 juillet 1961) De manière à faire face à la demande croissante, les modifications suivantes entrent en vigueur le 30 juillet : Fribourg tend : dimanche et mercredi relève : lundi et jeudi Vaud tend : lundi et jeudi relève : mardi et vendredi Neuchâtel tend : mardi et vendredi relève : mercredi et samedi (Arrêté du 24 juillet 1961) 3. La pêche aux "filets allégés" ou demi-lève A la suite des essais effectués en 1954, un nouveau pro- cédé appelé pêche aux "filets allégés" fut introduit dès l'année sui- vante. Ce procédé consistait à tendre de lève des bondelliêres et à les amarrer. Une première solution fut d'inclure 4 filets de lève à petites mailles au milieu d'une série de bondelliêres de fond de ma- nière à former une couble en dos d'âne (fig. 30). Ainsi disposés, les engins pouvaient pêcher simultanément à différentes profondeurs, Toutefois, ce système ne donnant pas les résultats escomptés, il fut modifié de la manière suivante : les 4 filets (maille 28 mm. au minimum) devaient être tendus de lève et ancrés, en des coubles de 4 engins au maximum ne comprenant aucun filet de fond, la fi- celle reliant les ancres à la couble étant égale au double de la dis- tance qui sépare les filets du fond (fig. 30). Comme pour la "pêche aux bondelles de lève" (voir ci-dessus), les pêcheurs furent répar- tis en deux groupes (rive nord et sud) péchant alternativement. En 1960, cette pêche fut autorisée du 29 février au 28 mai et du 7 au 26 novembre, les filets ne pouvant être tendus que du lundi au ven- dredi entre 12 et 18h. En 1961, la situation obligea les autorités à imposer de nouvelles restrictions portant sur le nombre de jours de pêche qui, de trois par semaine au début, se réduisit à un seul. La pêche à la palée Ce coregone, qui fraye dans les bords du lac pour s'en- foncer ensuite, est pêche au grand filet (senne) du 1er janvier au 31 mai puis au moyen de filets de lève (paléières à mailles de 50 mm. ) du 1er juin au 30 septembre. Il est protégé du 15 octobre au 31 décembre. Lorsque le rendement de la pêche au grand filet est faible, l'emploi de cet engin est fréquemment autorisé au-delà du 31 mai. En 1965, la fermeture de cette pêche intervint le 26 juin, le 11 juin en 1966. Pendant la prolongation, les heures de clôture sont généralement avancées le soir : 19h. en semaine et 17h. le samedi; les autres pêches se terminent à 21 h. en juin. La pêche de lève peut également être prolongée, mais cela se produit plus rarement. En 1962 par exemple, elle le fut jusqu'au 7 octobre. La pêche spéciale dite "pêche des palées de piscicul- ture", autorisée durant la période de protection, est néanmoins plus importante que les prolongations signalées ci-dessus. Elle représente un apport appréciable pour les pêcheurs (8. 010 kg. de palée en 1965) qui doivent recueillir les éléments de frai et les remettre à un établissement de pisciculture avant de vendre les palées capturées. Comme les précédentes, cette pêche fait l'objet d'ar- rêtés spéciaux fixant la date d'ouverture (19 novembre en 1965) le nombre de filets autorisés (10 filets de fond à maille de 50mm. généralement) par pêcheur, et la profondeur à laquelle ils doivent être tendus (5m. pour la palée de bord et 40m. au maximum pour la palée de fond).ainsi que les jours de pêche (du lundi au vendredi habituellement). Pour cette pêche, les filets doivent être tendus perpendiculairement au grand axe du lac, dans la région du domi- cile du pêcheur. Le reverchage et la battue sont interdits. Les truites capturées vivantes pendant cette pèche spéciale servent également à la pisciculture. La pêche aux "petites mailles" Les Concordats sont basés sur la loi fédérale de 1888, qui a arrêté à 30 mm. l'ouverture minimum des mailles des en- gins de pêche. Cependant, certaines pêches nécessitent l'emploi de filets à mailles plus étroites et l'expression "petites mailles' 203. est utilisée pour désigner les filets à mailles comprises entre 26 et 2?, Q mm, Ajoutons que le dernier Concordat (1964) a introduit le chiffre de 26 mm, comme dimension minimum en précisant que "l'usage des filets de maille inférieure à 30 mm, est réglementé' par arrêtés spéciaux de la commission intercantonale" (Règi, d'exéc. Art. 4). Ces engins sont réservés à la capture des perches et des poissons blancs, plus spécialement le vengeron dont les filets se vendent facilement. Des filets de vengeron ayant souvent été ser- vis - et c'est peut-être encore le cas - sous le nom de filets de perche, les restaurateurs soucieux de ne pas tromper leurs hôtes demandent aux pêcheurs de leur livrer les filets de perche avec la peau. Le consommateur a ainsi la possibilité de reconnaître le poisson qui lui est servi. Voici un bref résumé des instructions données aux pê- cheurs sur l'emploi des "petites mailles" durant ces dernières années, 1963 Dès le 26 août : autorisation d'utiliser 4 filets de maille 26 mm. pour la perche et le poisson blanc. Ces engins peuvent être tendus jusqu'à 4 m. de profondeur au maximum. (Arrêté du 13 août 1963). Dès le 2 septembre : autorisation de tendre jusqu'à 15 m. de profondeur au maximum. Afin de pro- téger les corégones en frai, cette pêche se terminera le 7 novembre. (Arrêté du 28 août 1963). 1964 Dès le 1er juillet : autorisation d'utiliser 4 filets à mail- les de 26 mm. Ces engins peuvent être tendus jusqu'à 12 m. de profondeur. In- terdiction de les tendre sur la Motte (s. d. ) Dès le 15 décembre : Interdiction d'employer des filets à maille inférieure à 28 mm. (Arrêté du 11 décembre) 1965 Dès le 21 juin : autorisation de tendre 4 filets à mailles comprises entre 26 et 27, 9 mm., jusqu' à 15 m. de profondeur. Interdiction de tendre sur la Motte. Cette autorisation est valable jusqu'au 30 octobre. Du 22 novembre au 14 décembre : autorisation de tendre 4 filets à mailles comprises entre 26 et 27, 9 mm. jusqu'à 40 m. de profondeur. Interdiction de tendre sur la Motte. 204. Vu la restriction à l'usage des filets de maille inférieure à 30 mm. introduite dans le Règlement d'exécution du Concordat de 1964, les filets à mailles comprises entre 28 et 30 mm. apparaissent égale- ment dans les récents arrêtés. 1965 les filets à mailles de 28 à 30 mm. seront tendus : dès le 18 mars : jusqu'à 50 m. de prof. max. du 26 avril au 31 mai : de 15 à 50 m. de profondeur du 10 novembre au 14 décembre : de 15 à 50 m. de profondeur du 15 décembre au 15 janvier 1966 : à 25 m. de prof, au maximum La pêche à la nasse La pêche à la nasse est également réglementée par des arrêtés spéciaux. Ceux-ci concernent essentiellement l'usage de ces engins durant les périodes de frai. Pour la perche : du 15 avril au 31 mai, autorisation de poser 10 nasses à mailles de 23 mm. Une nasse peut être remplacée par 5 berfous. En outre, les pêcheurs sont autorisés à poser 2 nasses à mailles de 40 mm. dans les gouilles pour le poisson blanc. Pêche du brochet de pisciculture : en 1966, la période d'interdiction fut fixée du 16 février au 15 avril (le frai ayant commencé plus tôt, la date initiale - fixée au 1er mars dans le Concordat - a été avan- cée). Sort seules autorisées durant cette période, les nasses à mailles de 40 mm., contrôlées et plombées par les organes res- ponsables, au nombre de 2 au maximum par pêcheur dans les gouilles et fossés adjacents. * * 205, LES PETITS FILETS Dans ce chapitre, nous décrirons les quelques engins qui, à cause de leurs dimensions, ne pouvaient entrer dans une des caté- gories précédentes. Comparés aux autres filets, ils se distinguent également par leur mode d'emploi et leur importance très secondai- re dans l'économie piscicole. Il est intéressant de noter que, d'après le manuscrit de L. Perrot-Jacquet-Droz ("Informations sur les pois- sons du lac de Neuchâtel prises par L. Perrot-Jacquet-Droz en 1811"), l'épervier et le cerceau (ou carrelet) étaient employés au début du XIXe siècle. Le Concordat de 1869 en a interdit l'usage et les pêcheurs actuels ne connaissent plus que trois petits filets différents. 1. L'épuisette (fig. 36) L'épuisette, également nommée filoche ou recueilloir, est si connue qu'il n'est point besoin d'en parler longuement. Con- formément au Règlement d'exécution du Concordat de 1964 : "La filoche ou épuisette ne peut servir qu'à retirer de l'eau le poisson péché au moyen d'un autre engin". C'est un instrument utilisé surtout par les pêcheurs qui pratiquent la trafne ou les hameçons (fils dormants ou flottants). L'épuisette se compose d'un filet conique monté sur un cerceau de bois ou de métal tenu par un long manche. Le cerceau a un diamètre moyen de 70 cm. environ, le manche mesure appro- ximativement 150 cm. Jadis, les pêcheurs fabriquaient eux-mêmes leur épuisette avec des baguettes de noisetier. Actuellement, c'est un article en vente dans les magasins spécialisés. Signalons une variante bien connue des pêcheurs de cre- vettes mais peu répandue chez nos pêcheurs. C'est la truble, ou trouble, qui se distingue de l'épuisette par son avant plat. Le filet est en effet monté sur une armature en demi-lune de manière que l'engin puisse être posé et déplacé sur le fond. Jadis utilisé pour la pêche dans les marais - L. Perrot cite "le truble-courbe" et le "couvre-carpe" - la truble est surtout un instrument de pisci- culteur. Les filets à amorces Deux filets de ce type sont employés sur les rives du lac de Neuchâtel. Jusqu'à l'entrée en vigueur du Concordat de 1916 - règlement qui autorisa l'usage de filets de fond pour la pê- che des corégones du 15 avril au 31 mai - les filets à amorces 206. jouèrent un rôle important car seule la pêche aux fils dormants et flottants était auparavant autorisée durant cette période. Cette pê- che n'étant plus guère pratiquée, les filets à amorces furent de moins en moins utilisés. Depuis 1959 cependant, quelques pêcheurs de la rive sud en font à nouveau grand usage et plus particulièrement de la goujonnière. Le Concordat élaboré en 1958 ne précise en effet plus la destination du fretin - Le Concordat de 1949 stipulait à l'ar- ticle 43 que "le menu fretin ... ne peut servir que pour amorce" - et les zizis ou zouzis (fretin) sont maintenant péchés en grande quantité. Conservés vivants, ils sont exportés en France où ils sont servis en petite friture. Les filets à amorces ont des mailles très étroites puisqu' ils sont destinés à la capture des petits poissons. "Le filet à amorces doit avoir des mailles de 19 mm. au maximum s'il est à simple toile, de 10 mm. au maximum s'il est tramaillé" (Règi, d'exéc. 1964, art. 10). 2. La goujonnière (fig. 34) Description Comme son nom l'indique, ce filet sert à capturer les goujons. Il se présente sous la forme d'une bande étroite (env. 0, 50 m. de hauteur et 12 m. de longueur) repliée sur elle-même pour former à l'avant une sorte de gouttière* Le bord supérieur de celle-ci est fortement plombé et attaché au chalame par des fils solides appelés avant-gardes, La gouttière est fermée aux deux extrémités et cousue au dos de l'engin en quelques endroits. Le chalame porte des bignets afin que le haut de la toile reste en surface. Conçu pour retenir les goujons dans la gouttière, ce filet a des mailles très petites (5 mm. sur la goujonnière représentée à la fig. 34). La pêche La pêche des goujons se pratique près du bord, sur le blanc-fond, au printemps et en été. Elle requiert beaucoup d'adres- se et de rapidité. Pratiquée par deux hommes - chacun retirant une extrémité du filet - cette pêche est très productive. TJn pêcheur seul obtient de bons résultats également s'il est habile. Le filet est disposé en un demi-cercle ouvert du côté du rivage. En effet, qu'ils soient grands ou petits, les poissons effrayés cherchent toujours à gagner le large. La goujonnière constitue un barrage de la surface, où lés bignets la maintiennent, jusqu'au fond où se pose le bord supérieur de la gouttière entraîné par les plombs. 207. Afin de tendre aussi vite que possible, le pêcheur, debout dans son bateau, tient dans sa main quelques mètres de filet qu'il lance un peu à la manière d'un épervier. Le reste de la toile peut aussi être lancé, ou déployé en suivant l'avance du bateau. Dès que l'en- gin est en place, le pêcheur donne quelques coups de bâton dans le sable du fond, il pion gonne, pour effrayer les goujons. Ceux- ci sont arrêtés par le filet alors qu'ils tentent de gagner le large. Le pêcheur retire rapidement la goujonniêre en prenant soin de la redresser de manière que les poissons soient entraînés vers le fond de la gouttière. Le fretin est ensuite versé dans un baquet plein d'eau ou dans un vivier. 3. L'aubière Description L'aubière est un filet à simple toile du même type que le filet de fond, mais plus petit. Il mesure approximativement Im. de hauteur et 20m. de longueur. Il est fortement bignetté et plombé pour que le haut reste en surface et que le bas coule rapidement. Comme la goujonniêre, ce filet doit être tendu et relevé en quelques minutes. L'aubière tire son nom des poissons qu'elle capture : les ablettes, plus connues sous le nom de tailleurs. L'Abbé Rappo in- dique que ce poisson est appelé diable à Estavayer» Nous avons re- levé le mot bleu dans cette même localité et à Cudrefin. L'aubière est filochée avec un fil relativement gros pour protéger les ablettes capturées. Un fil trop fin écaillerait les pois- sons qui, blessés, crèveraient en quelques heures. Un pêcheur nous a dit qu'après avoir ramené le filet, il n'utilisait comme amorce que les tailleurs qui étaient tombés au fond du bateau. L'aubière a géné- ralement des mailles de 10 à 14 mm. Un filet semblable, mais à mailles plus grandes (19 mm. ) est utilisé pour la pêche d'un autre petit poisson, la vandoise ou ronzon (aussi rondzon), d'où le nom de ronzonnière, La pêche Comme pour la pêche aux goujons, le pêcheur recherche les bancs de petits poissons qui se déplacent près des rives. Au moment propice, il lance les quelques mètres de filet qu'il tient à la main et s'empresse de déployer le reste en faisant avancer son bateau. L'embarcation peut être munie d'une petite servante réser- vée à ce type de filet. Dès que l'engin est immergé, le pêcheur le 208, retire prestement en saisissant en même temps le haut et le bas. Replié sur lui-même, le filet ramène ainsi les ablettes emmailléeg et celles qui se tenaient près de la toile. A propos de la capture des amorces, signalons encore l'usage du tramail décrit dans le chapitre des Filets moyens (p. 166). Alors que les pêcheurs "faisaient les hameçons", ils amorçaient avec des vengerons pour le brochet. Les vengerons étaient péchés "à la battue" (voir p. 175) et le filet était parfois nommé "vengeronnière". Les vengerons sont maintenant recher- chés par les pêcheurs qui les vendent découpés en filets. Depuis l'entrée en vigueur du Concordat de 1958, on pêche les vengerons avec des filets de fond, la maille du tramail ayant été portée de 30 à 40 mm. d'ouverture au minimum. * * * 309, LES HAMEÇONS Introduction Personne n'ignore aujourd'hui ce qu'est un hameçon et nos ancêtres des stations lacustres en faisaient déjà usage. Des hameçons en os, en bronze ou en fer ont été découverts dans presque toutes les stations des bords de notre lac; ils sont main- tenant conservés au Musée cantonal d'archéologie de NeuchâteL Ce petit crochet est cependant l'accessoire le moins utilisé par les pêcheurs professionnels. Ils ne s'en servent guère que pour équiper de longues lignes, appelées fils, qu'ils tendent de fond (fils dormants) ou de lève (fils flottants). Cette pêche, très pratiquée jadis, a considérablement perdu de son importance et seuls quelques rares pêcheurs s'y adonnent encore actuellement. En fait, l'hameçon reste par excellence l'instrument de l'amateur. Il lui permet de confectionner différents engins dont nous parlerons plus loin. 1. Les fils Différentes raisons expliquent la disparition presque totale de la pêche aux fils. Elle se pratique près des rives, du blanc-fond au bord du mont, ou sur la Motte. Jusque vers 1900, on tendait également des hameçons au grand profond pour captu- rer des lottes et des ombles-chevaliers car ces poissons étaient alors plus appréciés qu'aujourd'hui. Les bords du lac sont de plus en plus encombrés (nous l'avons déjà signalé pour d'autres pêches). L'accroissement du trafic dû au développement du camping et des sports nautiques empêche pratiquement les pêcheurs de placer des engins sur les hauts-fonds littoraux. Leur matériel est fréquemment abîmé, les quilles des voiliers sectionnent les fils flottants, et ceux-ci présentent un danger réel pour les nageurs. De plus, la pêche d'amateurs, la traine en particulier, a vu ses adeptes se multi- plier dans une forte proportion. Les lignes des traiheurs consti- tuent une menace permanente pour les fils. La disparition de ce mode de pêche n'est pas seulement liée à la démocratisation des vacances et des sports, c'est un phé- nomène plus ancien qui résulte en grande partie de l'évolution des Concordats. Jusqu'en 1916, les pêcheurs professionnels étaient réduits à l'inactivité presque totale du 15 avril au 31 mai, époque principale de frai des poissons blancs. Durant cette période, les 210, seuls engins autorisés étaient le grand filet, les filets à amorces, les fils dormants et flottants et les torchons (cf. Concordat de 1903. Art. 21). Pour les titulaires d'un permis de 2ème classe - les plus nombreux - "faire les fils" était la seule activité possible. L'entrée en vigueur du Concordat de 1916 fut un véritable bienfait pour les pêcheurs. Pour la première fois en effet, ils étaient autorisés à tendre des filets de fond pour les corégones durant les "six semai- nes" comme on disait, mais à une profondeur de 30 m. au moins. Cette situation se prolongea jusqu'à l'adoption du Concordat de 1949 qui réduisit la profondeur d'immersion à 25 m. De plus, les titulaires d'un permis de 1ère classe étaient autorisés à "tendre à une profondeur inférieure, dormants ou en battue, 5 filets de 50 à 60 mm. de maille, tramaillés ou à simple toile" (Art. 31, chiffre 5). En 1957 enfin, la profondeur fut ramenée à 15 m. , ce qui ré- duisit la surface des hauts-fonds disponibles pour la pêche aux hameçons. Il faut remarquer que cette dernière, si elle peut être de bon rapport, est cependant moins productive que la pêche aux filets et elle demande un travail aussi long que laborieux. Le pêcheur doit en effet capturer des amorces en grand nombre, les accrocher une à une à chacun des 1000 ou 2000 hameçons immer- gés, sécher et contrôler chaque jour les fils et les remettre en caisse en prévision de la prochaine pêche. Description (fig. 38 - 41) Les fils se composent d'une ficelle-mère (chanvre, lin, coton ou nylon) à laquelle sont noués, à espaces réguliers (env. 3,5- 4m. ) des fils plus fins (chanvre, lin, coton ou nylon, métal- liques pour le brochet) appelés aillettes, yettes ou liettes. Les liettes, dont la longueur varie de 0, 30 à Im., portent chacune un hameçon. Pour des raisons pratiques, le pêcheur confectionne des ficelles-mères de 150 à 200 m. de longueur munies de 50 hameçons. Liée à la manière de relever l'engin, cette unité de 50 hameçons s'appelle une poignée. Pour la pose des fils, 4 à 6 poignées généralement sont attachées bout à bout, soit 200 à 300 hameçons. D'après la loi, les fils flottants ne peuvent compter plus de 500 hameçons; les fils dormants ne sont soumis à aucune restriction (Règi, d'exéc. 1964. Art. 1). Les fils, qui se composent donc de plusieurs poignées, sont préparés à l'avance dans des caisses (fig. 38) garnies à l'in- térieur d'une bande de liège sur laquelle les hameçons sont piqués. Jusqu'au début de notre siècle, les pêcheurs utilisaient également des corbeilles de vannerie ou des ruches en paille. Sur ces derniè- res, les fils étaient enroulés en spirale et les hameçons enfoncés dans la paille. Depuis l'apparition du nylon, la mise en caisse n'est plus possible à cause de l'élasticité de ce fil. 211. La ficelle-mère est enroulée sur un tambour de bois sur- monté de bandes de liège (photo 28), ce qui limite le nombre d'hame- çons. Lors du retrait, l'engin est immédiatement enroulé sur le tambour (photo 31) afin d'éviter qu'il ne se mette "en plettes", (qu'il ne s'emmêle). Tendus de fond (dormants), les fils sont lestés au moyen de cailloux et amarrés à chaque extrémité à une grosse pierre. La pose de fils "de lève" (flottants) nécessite quelques accessoires supplémentaires; dans les deux cas cependant, la position des tends est signalée par des vions, des polets ou des bouilles, placés à chaque extrémité. Les insignes flottants d'un fil de lève (on dit aussi allégé) sont attachés à une pierre par une cordelette appelée jambe dont la longueur varie selon la hauteur d'eau. Le fil est noué à la jambe, approximativement à 1 m. au-dessous de l'insigne. En raison de sa longueur, la ficelle-mère est maintenue sous l'eau par des baguettes d'environ Im. de longueur (photo 30), munies d'un petit flotteur au sommet, d'un plomb et d'un système d'accro- chage â la base (fig. 39). Les baguettes sont généralement disposées à raison d'une tous les 7 hameçons, soit 7 baguettes par poignée de 50. Ajoutons que depuis une dizaine d'années, les pêcheurs ne ten- dent plus de fils dormants à cause de la pollution des fonds. La pêche La pêche "aux fils" absorbe tout le temps de celui qui la pratique. Avant d'aller tendre, le pêcheur doit tout d'abord vérifier ses fils, détordre les gredièts (noeuds résultant d'une torsion) et démêler les plettes. Passées sur des bâtons pour mieux sécher, les poignées sont mises en caisse et attachées les unes aux autres. C'est un travail délicat, car au fur et à mesure que les hameçons sont piqués dans le support de liège, il faut veiller à déposer la ficelle-mère en spirales, de manière qu'elle ne s'emmêle pas, pas plus que les liettes. Ce travail achevé, le pêcheur doit encore se procurer les amorces nécessaires : petits poissons (des vifs) ou vers de terre. A propos de la capture du fretin, le lecteur voudra bien se reporter au chapitre consacré aux filets à amorces. Le bateau qui convient le mieux à ce mode de pêche est la loquette ou liquette (photo 34). Petit bateau à fond plat et bas sur l'eau, la loquette est équipée d'un vivier (boutique, grin, réservoir) à l'avant pour le transport des amorces vivantes. Grâce à quelques ouvertures protégées par un grillage, l'eau du vivier est constamment renouvelée. Cet accessoire peut être rem- placé par un baquet plein d'eau, le fretin péché d'avance est alors conservé dans un vivier (sabot) immergé près du rivage. 212, Au moment de tendre un fil, le pêcheur jette à l'eau un insigne amarré à une pierre à laquelle le fil de fond est fixé. Com- me nous Pavons dit plus haut, le fil "de lève" est attaché à la jam- be, c'est-à-dire à la cordelette reliant l'insigne à la pierre. Le bateau est alors mis en mouvement pour que le fil se déroule. A l'époque des "six semaines", le pêcheur se faisait accompagner d'un rameur afin de ne pas être interrompu par les arrêts de son bateau. Pour cette pêche également, le moteur hors-bord a ap- porté une amélioration considérable. Suivant le déroulement de la ficelle-mère, le pêcheur décroche les hameçons qu'il amorce et jette à l'eau. Pour accomplir ce travail, il s'agenouille à l'avant, près du vivier. L'amorçage est une opération délicate (photo 29), surtout quand les vagues secouent le bateau. Non seulement il doit s'effec- tuer rapidement pour que le fil ne se tende pas exagérément, mais encore parce que les vifs ne doivent pas être blessés. Un poisson qui saigne tourne le blanc (crève) rapidement, c'est pourquoi l'hameçon ne peut être accroché qu'en certains endroits très précis : sur le dos de l'ablette et dans la petite zone de peau mor- te qui entoure le gueule du goujon. Les fils flottants sont tendus en ligne droite tandis que les fils dormants sont disposés en jambes, c'est-à-dire en zig-zag ou en contours. Ces engins sont posés le~soir et relevés le lende- main matin. Au moment du retrait, le pêcheur tire sur le fil pour faire avancer son bateau. La ficelle-mère est soigneusement en- roulée sur une main et les hameçons rangés sur l'index. Dès qu' une poignée (50 hameçons) est sortie de l'eau, la ficelle-mère est dénouée de la suivante et l'écheveau "posé au bâton". A terre, les écheveaux sont répartis sur les bâtons pour être épanchés. Les poissons capturés sont détachés des hameçons dans le bateau, au fur et à mesure qu'ils se présentent. Pour sortir une grosse prise, le pêcheur s'aide d'un recueilloir (épuisette). D'après un vieil informateur, certains pêcheurs de Portalban ont pratiqué cette pêche d'une manière intensive jusque vers 1916. Spécialistes du grand filet, ils péchaient aux hameçons dès le début du mois de juillet (la pêche au grand filet était inter- dite du 1er juillet au 31 décembre . Cf. Concordat de 1903. Art. 22). A deux par bateau, ils quittaient Portalban le lundi, se rendaient (à rame ou à la voile) jusqu'à Estavayer ou Yvonand et ne rentraient chez eux que le samedi. Ils dormaient dans leur bateau et passaient leurs journées à relever, à goujonner et à "mettre en caisse". Ils tendaient leurs fils en fin d'après-midi. Chaque jour, ils abordaient à Estavayer pour expédier le poisson péché par le bateau à vapeur en direction de Neuchâtel. 213, Nous donnons ci-dessous un tableau résumé des données relatives à cette pêche. Les profondeurs et les périodes indiquées sont des maxima. Les profondeurs auxquelles les fils dormants sont posés varient en effet selon les saisons et les régions. Quant aux périodes de pêche, elles dépendent des amorces disponibles et des autres pêches pratiquées. D'une manière générale, cette pêche n'a jamais constitué l'activité principale des pêcheurs, si ce n'est durant les "six semaines" avant 1917. Fils dormants Poisson Période Profondeur (au bord ou sur la Motte) Perche Avril à novembre 1 - 40 m. Brochet Février à novembre 1 - 40 m. Brème Octobre à janvier 1 - 12 m. Anguille (rare) Juin - juillet 1 - 2 m. Fils flottants Truite Janvier à juillet env. Im. Brochet Hiver à fleur d'eau C'est en avril, mai et juin que le rendement de cette pêche est le meilleur. Les plus belles pêches effectuées par nos informa- teurs ont rapporté de 80 à 100 kg. de perche, 50 à 80 kg. de brochet et 20 à 30 kg. de truite. D'une manière générale, les hameçons cap- turent plutôt-des gros poissons : brochets de 20 livres, truites de 4 à 6 livres, etc. Une prise de 100 anguilles d'environ 700 gr. pièce, réalisée par une journée orageuse de l'été 1922, nous a été signalée par un pêcheur de Cortaillod. Les amorces les plus courantes sont les goujons pour les fils de fond et les ablettes (bleus, tailleurs) pour les fils "de lève", parce que ces dernières ne supportent pas de vivre au fond, Pour le brochet, c'est le vengeron (gueugne) qui convient le mieux et le vers de terre pour la brème. Au siècle passé, on péchait aus- si le brochet avec des hameçons carrés à 2 branches amorcés avec des grenouilles. La vandoise (ron'zon), le rotengle (la rote) et le vairon (blavin) sont également utilisés. Quant aux hameçons, ils sont ronds et mesurent de 3 à 6 cm. Ils ne peuvent avoir plus d'une branche pour les fils flottants (Règi, d'exéc; 1964. Art. 19). Pour le brochet "de fond", on utilise des hameçons à 2 ou 3 bran- ches. 214. 2, Le torchon "On prend des osiers, on les partage en paquets ou poi- gnées que l'on nomme torchons; on attache à chacun d'eux un bout de bon fil, long de 80 - 90 pieds (env. 26 à 29 m. ), dont on l'enve- loppe, et à l'extrémité duquel est l'hameçon, ayant pour appât un petit poisson piqué par le dos. On lâche alors de ce fil jusqu'à ce que l'amorce soit à 8 pieds (env. 2, 60 m. ) de distance du fond; puis on l'arrête, et on abandonne le paquet d'osier. On en place ainsi 20 ou 30 un peu éloignés les uns des autres, et le long du rivage, où le pêcheur se retire, et ayant l'oeil ouvert sur les torchons. Dès que le brochet aperçoit l'amorce, il la saisit avec voracité; alors le fil se déroule du torchon, dont le mouvement et le déplacement annoncent au pêcheur que le poisson est pris, et il ne tarde pas à s'en emparer. " (Chaillet, Nouveau Journal Helvé- tique. Neuchâtel 1780, p. 77). Cette description quoique ancienne, est toujours valable. Ajoutons que le pêcheur s'aide d'une épuisette (ou recueilloir) pour sortir de l'eau le poisson capturé. Cette pêche peut être assez fructueuse en période de frai; les torchons sont placés près des rives, dans les herbiers ou les roseaux. Avant 1916, cette pêche était très pratiquée car elle était une des seules autorisées du 15 avril au 31 mai (voir p. 26); elle a maintenant beaucoup perdu de son importance et fait un peu figure de passe-temps. L'amorçage, la pose, la surveillance et le retrait des torchons prennent trop de temps pour qu'un pêcheur puisse en utiliser de grandes quantités; c'est pourquoi les concor- dats n'en limitent pas le nombre, si ce n'est pour les pêcheurs amateurs qui ont le droit d'utiliser 8 torchons depuis 1936. Contrairement aux pêcheurs professionnels, les ama- teurs ne sont pas autorisés à capturer le fretin servant d'amorce avec un petit filet. A cet effet, ils doivent employer une bouteille à vairons du gobe-mouches, c'est-à-dire une bouteille de verre dont le fond concave est percé en son milieu. Une simple bouteille de vin rouge vide permet de confectionner cet engin que l'on peut également se procurer dans les magasins spécialisés.. Les -pêches sportives Les engins dont nous parlerons maintenant, qui portent tous un ou plusieurs hameçons, sont surtout utilisés par les pê- cheurs amateurs, d'où le sous-titre sous lequel nous les groupons. A l'exception de la ligne flottante tenue à la main (canne à pêche, gaule), l'emploi de ces engins est soumis au régime des permis. 215, La première pêche accordée aux amateurs fut la ligne traînante, en 1887. Pour deux raisons essentielles, nous nous bornerons à des descriptions sommaires. Tout d'abord, les pêches sportives ne re- présentent qu'une faible valeur économique; leur rendement était estimé à 4 ou 5% du total vers 1950, à environ 10% depuis quelques années. Cette hausse s'explique par l'accroissement du nombre d'amateurs. Depuis l'entrée en vigueur du dernier Concordat (du 15 janvier 1964) ces derniers ne sont pas autorisés à capturer plus de 100 poissons par jour. D'autre part, le matériel de l'amateur présente moins d'intérêt puisqu'il s'agit d'articles manufacturés, en vente dans les magasins spécialisés. Il suffit en effet d'ouvrir un catalogue d'articles de pêche pour trouver la description de tous les éléments nécessaires à la confection de tel ou tel engin, accompagnée bien souvent de schémas de montage. De plus, un grand nombre de manuels pratiques (voir bibliographie) rensei- gnent l'amateur sur la manière de construire une ligne et sur les principales caractéristiques des fils, des hameçons, etc. recom- mandés pour la pêche des différents poissons. Une enumeration détaillée de ces articles ne saurait donc entrer dans cette étude. 3. La ligne traînante ou "traîne" La pêche "à la traîne" consiste à tirer derrière un bateau une ou plusieurs lignes munies d'une cuiller (leurre portant un ou plusieurs hameçons). Les lignes sont plombées de manière à fouiller différentes couches d'eau. Elles sont nommées la fond, la demi-lève et la lève suivant leur profondeur d'immersion. Bien que les règlements autorisent 5 lignes, le traîheur n'en utilise que deux ou trois. Afin d'éviter les emmêlements, les lignes sont guidées chacune par un dériveur flottant (diable) qui les éloigne les unes des autres tout en les maintenant hors des remous du bateau. Un autre procédé consiste à n'employer qu'une ligne for- tement plombée (appelée descente) à laquelle des fils plus courts (les bras), équipés chacun d'une cuiller, sont attachés à différents niveaux. Ce système convient particulièrement bien à la pêche au profond. Le corps de la ligne consiste en un long fil de soie, de lin ou de cuivre (de 30 à 250 m. selon les besoins), interrompu tous les 15 ou 20 m. par un émerillon destiné à éviter les torsions provoquées par le tournoiement de l'appât. La cuiller est accro- chée à un bas de ligne (empile) de quelques mètres en soie, lin, cuivre (pour brochet) ou nylon. En guise d'appât, les pêcheurs du début du siècle empalaient un petit poisson sur un long hameçon précédé d'une hélice; actuellement, les amorces artificielles équipées de 1 à 4 hameçons à une ou plusieurs branches (cuiller en nacre ou en métal, poisson nageur en bois articulé) sont les 216. plus répandues. La ligne est enroulée sur un moulinet qui se fixe sur un côté du bateau. Le fil qui sort du moulinet est passé sur un fleuret (tige métallique) surmonté d'un grelot, à moins que le pêcheur ne préfère un moulinet à cliquet. Ce système acoustique avertit le pêcheur qu'un poisson a mordu à l'appât. La traîne est pratiquée pour la capture des brochets; en été, c'est près des bords que le trafneur aura le plus de chance d'en attraper. La truite est également recherchée. Elle vit de pré- férence dans une eau de 4 à 6 degrés, c'est-à-dire qu'elle se tient à une certaine profondeur pendant les mois chauds. La perche ne se laisse guère prendre; l'omble-chevalier par contre se laisse fa- cilement attirer par des cuillers brillantes tournoyant au profond (jusqu'à 70 m. environ). 4. La ligne plongeante ou "gambe" Durant les mois d'été, la gambe donne d'excellents résul- tats pour la perche. Sur le lac de Neuchâtel, de nombreux amateurs pratiquent cette pêche avec assiduité, dans le but d'augmenter leurs ressources. Il s'agit surtout d'ouvriers et d'employés que leur horaire de travail (heures irréguiières ou travail de nuit) autorise à passer plusieurs heures sur l'eau. Bien que leurs captures ne re- présentent qu'un faible pourcentage du rendement total annuel de la pêche, ces "petits pêcheurs" se sont attiré les foudres des profes- sionnels. A la belle saison, ils écoulent en effet d'importantes quan- tités de filets de perche à des prix nettement inférieurs (jusqu'à 50%) à ceux pratiqués par les professionnels. Ces derniers se voient sou- vent refuser leur marchandise par les hôtels et les restaurants, alors qu'en hiver, ces mêmes établissements les supplient de ne pas seulement livrer leurs prises à des magasins de comestibles. Pour apaiser les esprits, les autorités ont limité à 100 par jour le nom- bre de poissons capturés par chaque amateur, mais il est difficile de contrôler l'application de cette mesure. Ajoutons que le ressen- timent des pêcheurs professionnels est d'autant plus marqué que les dimanches et jours de fêtes religieuses, entre le 1er mai et le 30 septembre, il leur est interdit "de relever ou revercher des filets, des nasses, des berfous et des fils flottants ou dormants ou de procéder à des battues" (Concordat de 1964. Art. 24) alors que la gambe est libre. Quelques professionnels pratiquent égale, ment cette pêche, mais ils sont rares. La gambe est une ligne plombée munie de 5 fils équipés chacun d'un hameçon simple amorcé d'un mouchet de laine ou de plume ou d'une sorte de petit tube de caoutchouc ou de plastique imitant un ver de terre. La ligne est enroulée sur un cadre plat en bois appelé plioir. Parvenu au-dessus d'un banc de perches, le 217. pêcheur laisse couler sa ligne et lui imprime un mouvement verti- cal de va-et-vient afin d'attirer l'attention des poissons. Il n'est pas rare que deux ou trois perches mordent en même temps à l'ha- meçon. 5. Le "biberon" ou "tolette". Ce terme désigne un engin très simple composé d'une ligne flottante terminée par un hameçon simple enrobé dans un petit tuyau de caoutchouc ou de plastique qui imite un ver de terre. Assis dans son bateau en mouvement, le pêcheur tient le fil à la main et le tire par à-coups, de manière à créer un mou- vement susceptible d'attirer l'attention des poissons. Cette pêche peut être comparée à une sorte de version simplifiée de la trame, 6. La ligne flottante ou dormante. Il s'agit de l'engin communément appelé "canne à pêche". La ligne est dite "flottante" lorsque l'appât est maintenu entre deux eaux par le bouchon (flotteur) fixé au fil; elle est appelée "dorman- te" quand le fil se termine par un plomb et que l'hameçon est atta- ché au-dessus de celui-ci. Une canne légère, munie d'un moulinet spécial, permet de pratiquer la pêche "au lancer". La pêche â la ligne flottante ou dormante et "au lancer" n'est pas soumise au ré- gime des permis à condition qu'elle soit exercée du rivage. * * * 218 GOU]QNWEiIE fig-34 caisse Âhameçons 28. Le fil est déroulé pour être amarré à la bouille. 29. .Amorçage d'un hame- çon. • J va _ La fl 55^ -s î>*' r , f 30. Accrochage d'une ba- guette. 31.Le fil est relevé au moulinet. 220. LES PIEGES A POISSON. 1. La nasse Bien que la nasse puisse être considérée comme un des plus vieux engins de pêche, aucun des anciens documents consultés ne nous en donne la description. Dans les Concordats de 1869, 1876 et 1886, les "nansoirs ou nasses" figurent parmi les engins prohibés. Le Concordat de 1890 ne signale que le berfou; dès 1903, la nasse est mentionnée comme engin autorisé. Dans son précieux manuscrit ("Informations sur les poissons . .. ) Louis Perrot-Jacquet-Droz signale le "Grand berfou" qui "se place à l'entrée des canaux qui communiquent du marais à la Broyé; il a 16 pieds (5,18 m. ) de profondeur. Sa gorge 6 pieds (1, 94 m. ) de diamètre et deux ailes de 6 pieds de large". Il s'agit d'un verveux à ailes, engin qui a totalement disparu du lac. Sous le nom de "grand berfou", nous avons retrouvé à Portalban un piège à poisson semblable en tous points aux berfous encore en usage (voir p. 223), mais de plus grandes dimensions (long, totale : 2,15 m. ; long, du filet : 1, 70m, ; diamètre : 0, 52 m. ). Ses cerceaux sont en coudrier et ses crosses (tendeurs) en frêne. Muni d'un filet à maille de 40 mm. , cet engin, également appelé "nasse" par son propriétaire, était utilisé pour la capture des brochets (fig. 44). En fait, c'est le prédécesseur des nasses actuelles. Depuis nombre d'années, les nasses (fig. 45) ne sont plus fabriquées par les pêcheurs eux-mêmes - la pose du treillis mise à part - mais par un forgeron ou un serrurier. Leur carcas- se est en effet entièrement métallique, d'où leur forme plus fonc- tionnelle. Alors que le bois ne permettait que de confectionner des nasses circulaires, le fer galvanisé a rendu possible la construc- tion d'engins à fond plat qui ne roulent plus au fond de l'eau au gré des vagues. De plus, matériau et forme facilitent grandement l'en- tretien et le stockage; ces nasses ne doivent plus être traftées au sulfate de cuivre (conservation du fil de coton) ni suspendues au plafond des baraques hors de la portée des rongeurs friands de coton. Leurs dimensions maxima sont fixées par la loi : 200 cm. de longueur et 80 cm. de hauteur et de largeur ou de diamètre. Quant aux mailles du treillis métallique, elles doivent avoir 23 mm. au minimum. D'une manière générale, les pêcheurs utilisent des nasses aux dimensions proches de ces maxima; certains préfèrent cependant des pièges plus courts (1, 20 m. ou 1, 50 m. ) ou dont la section est plus haute que large, ou le contraire. A ce propos, notons que la plupart des nasses sont parallélipipédiques avec un dessus arrondi, mais il en existe également à section carrée, ronde ou en voûte. D'après certains pêcheurs, la nasse circulaire donnerait de meilleurs résultats pour la pêche des brochets, les 221. autres formes étant réservées à la capture des perches. Il s'agit- là de préférences personnelles, liées parfois à la nature des en- droits de pêche fréquentés par les pêcheurs, mais on ne saurait formuler une règle générale à ce sujet. D'après la loi, les nasses peuvent avoir une ou deux entrées que les pêcheurs nomment goléron, go let, goulet ou go- lette. Il faut remarquer que s'il y a deux golérons, les troncs de , cône ne sont pas dans le même axe, pour éviter qu'un poisson pénétrant dans un goléron ne soit amené en face du second par lequel il pourrait ressortir. Les ouvertures intérieures des go- lérons sont également décalées dans le sens de la longueur; chaque tronc de cône dépasse l'autre d'une dizaine de centimètres. Certains pêcheurs munissent les ouvertures intérieures de petites tiges métalliques pour empêcher les poissons de ressortir; les autres se contentent de replier vers l'intérieur les bords du treillis pour former un rétrécissement à l'extrémité du canal d'accès. Pour terminer, mentionnons l'ouverture - ménagée dessus ou sur un cô- té de la nasse - par laquelle les poissons sont sortis. Il s'agit d'un petit panneau articulé, tenu fermé au moyen d'un bout de fil de fer, que les pêcheurs appellent por telette, portette ou simplement porte. La pêche Les nasses sont immergées à faible profondeur, isolé-« ment en général, quelquefois par paires. Selon la nature du fond et la végétation de l'endroit, le pêcheur peut être obligé d'amarrer ses nasses avec une pierre ou une ancre. Mais là où ces engins sont placés au milieu des roseaux, ils tiennent en place grâce à leur poids. Dans la région de Marin, deux pêcheurs nous ont indiqué qu'ils tendaient des coubles de 3 à 5 nasses. Celles-ci sont alors reliées les unes aux autres par une cordelette (chalame) et amar- rées au moyen d'une pierre à chaque extrémité de la couble (ou tend). Conformément au Règlement d'exécution du Concordat de 1964 : "Toute nasse doit être signalée par une marque peinte en blanc, surmontée d'un drapeau de 30 cm. de côté au moins". Avant cette date, les pêcheurs utilisaient surtout des vions. Les nasses sont destinées principalement àia capture des perches et des brochets à l'époque du frai. La dimension des mailles est fonction des poissons recherchés : 23 mm. (parfois 25 ou 30 mm. ) pour les perches (en avril - mai); 40 mm. pour les brochets (de fé- vrier à mai). Pour la perche, ces pièges sont placés sur la Motte ou sur la beine (2 à 12 m. d'eau) et, pour le brochet, à l'extrême bord, dans les roseaux, parfois à moins de Im. de fond. Une pro- fondeur de 50 cm. représente toutefois un minimum pour que le goléron soit entièrement recouvert d'eau. Dans les zones de roseaux, 222. les pêcheurs ouvrent à la faux des sortes de couloirs afin de diriger les poissons vers les nasses. Ajoutons que ces pièges sont également placés dans les gouilles, régions marécageuses temporairement re- couvertes d'eau et où les poissons frayent volontiers. A ce propos, il est certain que la première correction des eaux du Jura a réduit dans une forte proportion l'importance de la pêche avec ces engins dormants que sont la nasse et le berfou. L'abaissement du niveau du lac a en effet considérablement diminué l'étendue des gouilles et a affecté aussi bien le frai des poissons que les possibilités de ren- dement de cette pêche. Actuellement, les pêcheurs ont le droit d'utiliser 20 nasses. Elles sont généralement immergées en début de saison et vidées cha- que jour. Leur usage est soumis aux restrictions suivantes : 1. "du 1er janvier au 14 avril, il est interdit de poser à moins de 2m. de profondeur une nasse ayant moins de 40 mm. de mailles; 2. du 1er juin au 31 décembre, une nasse ne peut être posée à plus de 100 m. de la rive." (Règi, d'exéc. 1964, Art. 11). En juin, quelques pêcheurs tendent encore des nasses pour la capture des tanches, mais ce poisson a perdu de son importance et il n'est plus guère recherché. D'après Savoie-Petitpierre (in : BSPP No. 2. fév. 1915, p.19) : "Il est utile et même nécessaire d'amorcer, dans l'intérieur de la nasse, au moyen de poisson vivant, viande, limaces, pain de chene- vis, etc., pour attirer le poisson ... ". Toutefois, aucun des pêcheurs consultés n'amorce ses nasses et nous ne savons s'il s'agit d'une an- cienne pratique ou d'un conseil qui ne fut pas suivi. Posée vide, une nasse peut capturer jusqu'à environ 40 kg. de perche ou quelque 15 kg. de brochet en un jour, mais ce sont là des chiffres records et non des moyennes; les captures varient consi- dérablement d'un jour à l'autre. A titre indicatif, citons un des beaux résultats obtenus avec des nasses par l'un de nos informateurs d'Es- tavayer durant une saison : 2. 500 kg. de perche. Ce chiffre extraor- dinaire fut atteint en 1964, année qui fut la meilleure pour la pêche de la perche depuis 1917 (fig. 6). 2. Le berfou Introduction Le berfou, anciennement barfou (Règlement pour la pêche du lac. Neuchâtel 1843) ou berfollet (Concordat intercantonal de 1869, 1876, 1886 et 1890), est une sorte de verveux propre au lac de Neu- châtel. Connu depuis fort longtemps, cet engin typique est en voie de 223, disparition rapide. Aussi bien à cause de l'évolution actuelle de la pêche (pêche de bord limitée par le développement des sports nau- tiques en particulier) que des travaux nécessaires à l'entretien des berfous, les pêcheurs n'en fabriquent plus, et certains n'utilisent même plus ceux qu'ils possèdent. Si l'on en croit L. Perrot-Jacquet-Droz et son informa- teur Millet, pêcheur à La Sauge, le père de ce dernier serait l'in- venteur du berfou. Cela nous permettrait de fixer l'apparition de cet engin au 18e siècle. Toutefois, des documents plus anciens ayant pu nous échapper, nous ne saurions adhérer sans restrictions aux affirmations du sieur Millet. Quoi qu'il en soit, le berfou était connu à la fin du 18e siècle. Le"Mandement du Conseil d'Etat ..." (1796) indique en effet, à l'article VI, que "la pêche aux barfous est absolument interdite". Le Règlement de 1843 confirme cette interdiction, mais pour la pêche de la perche seulement. Dans le temps, les berfous étaient également utilisés pour la capture des lottes au grand profond (80 - 100 mètres), "ils seront tolérés pour aussi long-temps qu'il n'y sera pas vu d'inconvénients, du 1er jan- vier au 31 mars, pour la pêche de la lotte" (29 mai 1843). Par un "Arrêt" du 26 décembre de la même année, la date initiale fut ra- menée au 1er novembre. Il est intéressant de noter que la Loi fé- dérale sur la pêche (1888) ayant fixé la dimension des mailles à 30 mm. au minimum, le Concordat de 1916 autorisait pourtant 1' usage de berfous à mailles de 15 à 22 mm., du 1er novembre au 31 mars, à 40 m. de profondeur au moins, pour là pêche des lottes. Cette pêche n'est plus pratiquée actuellement car ce pois- son est difficile à écouler. Cette dérogation n'est pas reprise dans le Concordat de 1936 pour la bonne raison que la dimension des mailles est ramenée à 16 mm. au minimum. En 1945, ce chiffre passa à 23 mm. pour être finalement arrêté à 20 mm. dès 1949. Ces changements laissent supposer que la dimension des mailles des berfous et leur emploi firent l'objet de nombreu- ses controverses; c'est la raison pour laquelle ils furent soit in- terdits, soit soumis à de sévères restrictions.. Actuellement,"le berfou ne peut être utilisé que du 15 avril au 31 mai" (Règi, d'exéc, 1964. art. 12), c'est-à-dire pendant le frai de la perche. D'après les Concordats de 1936 et 1949, leur nombre était limité à 25 (ou 20 berfous et 5 nasses) par pêcheur alors que les Concordats de 1903 et 1916 en interdisait totalement l'usage durant la même pé- riode. A cette époque en effet, vu l'efficacité de l'engin, on crai- gnait que la capture des perches en frai sur la beine ne menaçât l'avenir de cette espèce. Par la suite, on se rendit compte que les mailles des berfous favorisaient le regroupement des éléments de frai et, par conséquent, une fécondation plus intensive. De ce fait, cet engin pouvait contribuer dans une large mesure à la reproduc- tion de la perche, pour autant que les pêcheurs remettent à l'eau les oeufs agglomérés sur le filet des berfous. 224. En 1925, alors que le Concordat en vigueur (1916) inter- disait l'usage des berfous, les autorités accordèrent aux pêcheurs le droit d'employée ces engins du 15 avril au 31 mai. Cette pêche extraconcordataire rapporta 5.669 kg. de perche (fig. 8) d'une va- leur d'environ 10.000 Fr. Ces pêches spéciales furent autorisées chaque année jusqu'à l'entrée en vigueur du Concordat de 1936 qui permit l'em- ploi de 25 berfous durant ces six semaines. Dans les Règlements d'exécution des Concordats de 1958 et 1964, le nombre de berfous a été fixé à 50 par pêcheur. Description et pêche. Le berfou (fig. 42) se compose de trois cerceaux de bois, d'un diamètre maximum de 30 cm., entourés d'un filet se terminant en pointe. Sa longueur maximum, mesurée à l'intérieur, ne peut excéder 80 cm. L'engin est maintenu tendu au moyen de deux baguet- tes placées à l'extérieur, appelées crosses, Coupées près d'un em- branchement, les crosses se terminent par une petite fourche qui est posée sur le premier cerceau alors que l'autre extrémité est attachée à la pointe du filet. A la base, le filet est ramené vers l'in- térieur et filoché en forme d'entonnoir maintenu ouvert par des fils noués au sommet. L'entrée du berfou s'appelle le goléron, le goulet ou golet, ou la golette. Le berfou étant détendu, c'est par là que les poissons sont sortis. Une variante intéressante (fig. 43) a été ima- ginée par M. R. Arm, de Cheyres. Au lieu de fabriquer un berfou conique, ce pêcheur confectionne un engin cylindrique. Grâce à cette forme, la partie supérieure du filet est arrêtée sur une cou- lisse (les mailles sont passées sur un fil) qu'il suffit d'ouvrir pour sortir les poissons capturés. Pour la fabrication des éléments rigides, divers bois sont utilisés. Certains pêcheurs emploient des bois différents pour les cerceaux et les tendeurs (crosses), mais la règle n'est pas ab- solue. Les essences servant à la confection des berfous sont : 1. Le petit chèvrefeuille à écorce blanche appelé Blanchette (terme relevé à Cudrefin et Marin, attesté dans Pierrehumbert). 2. Le cornouiller sanguin appelé bois rouge (Cheyres, Hauterive, Yvonnand), 3. Le noisetier plus connu sous le nom de coudrier. 4. Le troène appelé coussillon (Cheyres), coursillon (Portalban), crésillon (Yvonand), crousTîlon (Estavayer), crusillon (Yvonand), crutsillon (Hauterive), frésillon (Cortaillod, La Béroche). 225. Les baguettes destinées à la confection des cerceaux sont écorcées et trempées dans l'eau avant d'être mises en forme. Avec du fil de coton, le pêcheur filoche ensuite à la main le filet qui sera cousu sur les cerceaux. Comme les anciens filets de coton, les ber- fous doivent être entretenus par des bains dans une solution de sul- fate de cuivre (vitriol). D'après un informateur d'Estavayer, les pêcheurs avaient coutume, encore au début de ce siècle, de suspen- dre les berfous neufs dans la cheminée ("comme les jambons") ou de les tremper dans une solution de tanin afin de les brunir, leur teinte claire les rendant trop voyants. Ajoutons que ces mêmes pêcheurs parlaient plus facilement de cape ou de panier que de berfou. Posé à faible profondeur (2 à 12 m. d'eau, sur la beine, blancs-fond, mince ou plat, ou sur la Motte) les berfous sont tendus en coubles ou en tends de 25 généralement. Les engins sont attachés à espaces réguliers, 3 à 4 brasses (1 brasse = env. 1, 70 m. ), à une ficelle-mère que certains pêcheurs nomment aussi chalame, attache ou zie. "Dans le temps, on employait un tillet ou corde en écorce de tilleul appréciée pour son imputrescibilité. Le tend de berfous, appelé autrefois faix à Estavayer, est amarré à chaque extrémité au moyen d'une pierre ou d'une ancre, et sa position indiquée par des polets, bouilles ou vions. D'après l'Abbé Rappo, l'expression "faix de berfous" désignait "une série de 60 berfous qu'on tendait ensemble; certains pêcheurs posaient jusqu'à 30 faix. " Cette information nous montre l'importance que cet engin connut jadis. Mais, outre les interdictions et restrictions imposées par le législateur, la Correction des eaux du Jura est sans doute éga- lement responsable du déclin de ce type de piège. Comme il est impossible de donner un chiffre moyen correspondant aux captures effectuées au moyen de berfous, nous nous contenterons de citer le résultat maximum obtenu par l'un de nos informateurs : 150 kg. de perche avec 50 berfous en 1945. * * 226 BERFOU fig. 4Z r,?.43 o l "ì (C f ¦ÜJK-» > O CM 5 . ! servanim fìg.47 \ \ \ ' / : ^ I) V\_\ \ ^uJ- ^^S^ 1Ó0 600 , BARQUE DU GRAND FlLET OU GALÈRE f+49 Sàrr 71 445 780 I T \ M I ^* &ÊÊL Jnttfl B ^j^^riAigj l^^^^r HHHP^-%»*-^. ^w'.' 32. Canot et loquette. 4m s- It, " É:« :^ Ì. ^ -Ca£ J 33. Départ à la voile (canot) (photo obligeamment prê- tée par M. Baudois, Hauterive). 34. Loquette (photo obligeamment prêtée par M. Baudois, Hauterive. 35. Barque de grand filet (photo obligeamment prêtée par M. Chouet, Onnens. 36. Pêcheurs au grand filet.Auvernier 1901 (photo obligeamment prêtée par M. Baudois, Hauterive). 234 LES INSTALLATIONS A TERRE Les installations des pêcheurs présentent toutes un certain nombre de points communs, Suivant l'endroit ou l'am- pleur prise par l'exploitation, le terrain occupé est plus ou moins vaste, de même que les constructions essentielles. Les pêcheurs installés dans le port principal des di- verses localités sont peu nombreux, sauf dans quelques villages de la rive sud. Aimant le calme et la solitude, la plupart des pêcheurs occupent quelques mètres carrés de grève à l'écart des habitations (photos 37 et 38). Chacun a son petit port qui est sou- vent caché par un rideau d'arbres. La baraque est l'élément principal (photo 27). Cons- truction de planches percée d'une porte et de quelques fenêtres, elle abrite tout le matériel nécessaire. Dans les endroits expo- sés aux inondations, les baraques sont surélevées; l'espace com- pris entre le sol et le plancher est parfois occupé par les nasses. Bien qu'aucune cloison ne l'indique, la construction est divisée en deux parties ; l'atelier et l'entrepôt. Dans les exploitations impor- tantes, deux baraques distinctes remplissent ces fonctions. Le pêcheur répare ses filets dans son "atelier". Contre la paroi, près d'une fenêtre, on remarque immédiatement les bo- bines de fil et lès navettes accrochées à des clous. Au plafond, deux boucles de ficelle permettent de suspendre la perche qui soutient le filet. Un peu plus loin, différents outils et un établi feraient croire à un atelier de menuiserie si l'on ignorait que le pêcheur éponde (répare) son bateau et confectionne lui-même nombre d'articles tels que vion, polet, servante, etc. Une table se dresse au milieu du local; c'est souvent là que, en hiver, le pêcheur vide les poissons et prépare les filets de perche et de palée (photo 45). Pour ce travail, il utilise des planches à décou- per, des couteaux bien aiguisés, un affiloir et quelques baquets, ainsi qu'une balance pour peser la marchandise. A la belle saison, la table est installée à l'extérieur. L'entrepôt est traversé par des poutres qui soutiennent les perches de bois sur lesquelles les filets sont glissés. Ceux- ci sont groupés selon les dimensions de leurs mailles et les vêtres atteignent différentes hauteurs au-dessus du sol; pour le pêcheur, c'est un moyen de reconnaître les différents engins. Il ressent de la fierté à voir des bas de filet bien alignés; n'est-ce pas la preuve d'un montage parfait ? Les marques flottantes et les harpons sont souvent déposés dehors, parfois sous un auvent (photo 39). A l'extérieur, l'étendage est aménagé sur un des côtés 235, de la baraque. On appelle ainsi l'espace réservé à l'épanchage des filets. L'installation consiste en un assemblage de montants et de traverses en bois ou en métal. Cet emplacement est protégé par une haie ou des nattes de jonc. Passés sur un bâton (bois, perche), les filets sont suspendus aux traverses et sèchent à l'abri du vent, En raison de la hauteur des montants (2m. à 2, 20 m. ) le pêcheur se tient sur une caisse ou sur un escabeau pour épancher. Comme le grand filet ne peut être déployé à l'étendage à cause de ses di- mensions, il est suspendu à des poteaux appelés crosses ou accro- ché aux branches des arbres d'un verger voisin. Signalons encore un élément important : le bassin con-. tenant une solution de sulfate de cuivre (photo 40). Il s'agit géné- ralement d'une cuve en ciment dans laquelle les filets de coton et les cordes de chanvre sont immergés. Ce traitement est indispen- sable à la conservation des engins. Enfin, mentionnons le port proprement dit. Dans la plu» part des cas, le pêcheur a choisi pour s'installer une petite anse où la grève descend en pente douce. Le bateau est simplement tiré sur le sable; ailleurs, il est amarré près d'une petite passerelle con« duisant jusqu'à terre. Les pieds dans l'eau ou juché sur la passe- relle, le pêcheur lave ses filets dans le lac à moins qu'il ne dis- pose d'un bassin assez grand pour cette opération (photos 43 et 44). * 37. Un port de pêcheur à Chez-le-Bart. 38. Un port de pêcheur à Cheyres. 39. Polets, bouilles et harpons. 40. Bassin à vitriol. 41. Démaillage à terre, 42. Démaillage dans le bateau. 237. LA JOURNEE DU PECHEUR Si son lieu de travail tient le pêcheur à l'écart des ag- glomérations, son horaire l'empêche également de participer à la vie communautaire, du moins à la belle saison. Depuis 1916, les heures de pêche sont prescrites par les Concordats; cette mesure a considérablement restreint les possibilités de bracon- nage. Le pêcheur est autorisé à naviguer une heure avant l'ouver- ture, et une heure après la fermeture de la pêche pour lui permet- tre de gagner l'endroit où il tendra ou relèvera ses engins. Le matériel transporté dans le bateau doit être sec; des filets humi- des prouveraient que le pêcheur a exercé son activité en dehors des heures légales. Avant 1920, date approximative de l'intro- duction des moteurs hors-bord, ce délai de soixante minutes n'était pas exagéré lorsqu'il fallait se déplacer à rames ou à voi- le. Actuellement, le pêcheur ne s'embarque guère que 15 ou 20 minutes avant l'ouverture. Le matériel nécessaire à la pêche du matin est pré- paré la veille. Comme les engins sont en principe tendus le soir et relevés le matin, le matériel emporté le matin est peu impor- tant. Toutefois, le pêcheur profite souvent de ce déplacement pour placer quelques filets, et de celui du soir pour en relever ou en revercher. Tôt levé, le pêcheur se contente généralement d'une tasse de café chaud avant de s'en aller. Quelle que soit la saison, il revêt des vêtements épais car l'air est frais sur le lac. Avant l'apparition des "cirés", le pêcheur portait volontiers un vieil habit militaire acheté à l'arsenal pour quelques francs. En ma- tière de chaussures, ce sont les bottes de caoutchouc qui con- viennent le mieux. Chaudement vêtu, le pêcheur quitte son do- micile et se rend à sa baraque; selon la température, il y prend encore un lourd manteau laissé là dans ce but, puis il s'embarque. La nature est calme, tout le monde dort encore, seul le ronflement des motogodilles rompt le silence de la nuit qui se ter- mine. A travers la pénombre, le pêcheur dirige son bateau d'après les points de repère pris la veille. S'il va relever des tends "de lève", il observe les courants afin de déterminer la direction prise par ces filets. Dès qu'il a retrouvé les marques flottantes qui si- gnalent la position des engins, il entreprend de relever les filets puis déploie ceux qu'il a apportés. Cela fait, il regagne son port d'attache. Quant le lac est calme, ces moments de navigation soli- taire sont souvent le temps de la réflexion et de la rêverie. Le pê- cheur laisse vagabonder son esprit ou, au contraire, s'attache à résoudre un problème particulier. 238. Lorsque la pêche est médiocre, il se demande parfois pourquoi il est devenu pêcheur. Emmitouflé dans ses lourd vête- ments, il songe à ceux qui dorment encore, à ceux qui travaillent dans des locaux abrités et touchent un salaire régulier. Lui, voilà plusieurs jours qu'il ne gagne presque plus rien, et il ignore quand il parviendra à nouveau à capturer des poissons. Pourquoi n'a-t-il pas choisi une autre profession ? Ses parents n'étaient pas riches car son père était pêcheur, et il avait à peine atteint sa dixième année que, déjà, il devait se lever tôt. Au début du siècle encore, on navigait à la rame et les pêcheurs avaient besoin de leurs enfants pour tenir les avirons. En accompagnant leur père, ils ont peu à peu assimilé l'expérien- ce d'un aîné, et leurs sens se sont affinés au contact du lac. Ils ont appris que le coucou voletant au-dessus du lac était signe d'o- rage; que les mouettes signalaient la position des bancs de poissons, et le fretin la présence de plancton, donc de plus gros poissons qui se nourrissent également de plancton. Les fils de pêcheurs se ren- daient à l'école au retour de la pêche; ils y retournaient le soir dès la sortie de la classe. Ils s'endormaient parfois sur leur cahier; l'instituteur les punissaient et les autres élèves se moquaient alors de ces "enfants de pauvres", certains "régents" cependant compre- naient que les fils de pêcheurs menaient déjà une vie d'homme. Par« venus à la fin de leur scolarité obligatoire, ces jeunes gens auraient peut-être souhaité entrer en apprentissage chez quelque artisan du lieu; mais leurs parents ne pouvaient consentir un tel sacrifice. C'est ainsi que plusieurs vieux pêcheurs d'aujourd'hui ont embrassé cette profession, mais ils se sont efforcés de donner une jeunesse plus agréable à leurs enfants. Qu'ils aient ou non choisi librement ce métier, les pêcheurs ont appris à,aimer le lac, à l'observer sans relâche pour en découvrir les mystères et, enrichis d'un sa- voir qu'eux seuls possèdent, ils ont alors mieux pu apprécier le prix de leur liberté. Le pêcheur est libre tandis que l'ouvrier ou l'employé est astreint à un horaire de travail. Certes, ceux-ci jouissent d'avanta- ges matériels, mais ils ne seront probablement jamais leur propre patron, et ils ignorent tout des beautés de la nature. "Je suis deve- nu patron à 22 ans" nous a dit un pêcheur avec fierté, et il peut être satisfait d'avoir élevé ses enfants dignement. Sa profession lui a pourtant valu bien des revers. En hiver 1944 par exemple, le ni- veau du lac était si élevé que sa baraque a été emportée. Puis il y a eu tous les "coups de Joran" qu'il a essuyés. Le vent était par- fois si violent qu'il a dû abandonner ses filets pour sauver sa vie. Son bateau s'est échoué dans les roseaux de la rive sud où des confrères pêcheurs lui ont prêté des habits secs. Lorsque la tem- pête se lève, la solidarité des gens du lac n'est pas un vain mot. Pour le pêcheur, le lac n'est plus cette nappe d'eau colorée que chantent les poètes; c'est une mer démontée qui assaille un homme luttant dans un frêle esquif. 239, Ces durs moments s'estompent dans sa mémoire; il a lutté, il a gagné et il a même souvent sauvé la vie d'autres navi- gateurs. Ces actes de bravoure lui ont peut-être valu une médaille, mais il n'en tire aucune fausse vanité. C'est un homme qui n'a fait que son devoir, et il n'aime guère raconter ces souvenirs-là; le pêcheur craint de donner l'impression qu'il se vante. Il est plus enclin à laisser parler son imagination quand on lui demande d'évoquer ses plus belles pêches. Le brochet a parfois la taille d'un requin; mais après tout, les dimensions que le pêcheur donne aux choses et aux événements ne sont-elles pas à l'échelle de son univers ? Le lac est son océan; son canot, un navire et lui-même, un homme seul luttant contre une nature parfois hostile. Il est devenu pêcheur pour assouvir un besoin d'évasion et pour assumer librement ses responsabilités d'homme et de chef de famille. Il n'est pas un être asocial, son travail le tient simple- ment à l'écart de la communauté et l'incite à vivre au jour le jour. Il vit sobrement; le pêcheur est rarement un buveur. Admirablement secondé par sa femme, il élève ses en- fants dans la simplicité et dans la droiture. Quel que soit le ren - dement de la pêche, il ne doit rien à personne, si ce n'est à sa compagne. C'est à sa femme qu'il est redevable de voir chaque jour de la nourriture sur la table car elle gère les finances fami- liales. Lorsque ses filets sont vides, le pêcheur se révolte contre ce lac qu'il croyait son ami; l'insuccès lui apparaît presque comme un affront personnel. Certes, les années lui ont appris une certaine résignation; il a cessé de se comparer aux autres hommes du villa- ge. Ce faisant, il s'est parfois quelque peu éloigné des réalités matérielles de l'existence et le poids de ces responsabilités-là repose désormais sur les épaules de sa compagne. C'est elle qui affronte les fins de mois difficiles tandis que son mari achète des filets neufs. C'est elle aussi qui prend part à la pêche chaque fois que cela est nécessaire et qui, presque chaque jour, aide son mari à démailler les poissons. Ainsi qu'un de nos informateurs nous l'a écrit : "Aujourd'hui, pour qu'un pêcheur vive honorable- ment, il faut qu'il trouve une femme qui sache mettre le poisson en filets. Le gain est bien supérieur et le poisson plus facile à vendre". La fierté du pêcheur n'est pas entamée par la recon- naissance qu'il doit à sa femme; elle est grandie par la présence d'une compagne digne d'éloges. Seul dans son bateau, le pêcheur songe à la vie parfois critiquable des habitants de son village. Certes, il a ses défauts comme chacun, mais la nature qu'il côtoie tous les jours fait de lui un homme vrai; peut-être est-ce pour cela qu'il se sent sou- vent mal compris ? Que les filets soient vides ou chargé de poissons, le pêcheur doit accomplir sa tâche sans se laisser abattre. A quoi 240. bon s'interroger sur le choix de sa profession ? Pour les vrais pêcheurs, le lac est une passion et le métier une sorte de voca- tion aux dures exigences. Productives ou non, les heures passées sur le lac ne représentent qu'une faible partie de la journée du pêcheur. En juin et juillet, la pêche s'ouvre à 4h. et tous les filets moyens ("de fond" et "de lève") peuvent être utilisés. Bien qu'il soit difficile d'articuler un chiffre précis, la plupart des pêcheurs reviennent au bord aux environs de 7 h. Il est évident que la durée du déplacement dépend du nombre d'engins employés et des conditions météorologiques; nombre de pêcheurs sont tenus à des heures précises en raison du départ du train ou du bateau à vapeur par lequel ils expédient leur marchandise. De toute maniè- re, les travaux du matin doivent s'effectuer rapidement à la belle saison, car la chaleur altère rapidement la qualité du poisson. Après avoir amarré son bateau, le pêcheur transporte les filets relevés à l'étendage où il les suspend. Son épouse le re- joint très souvent et tous deux commencent à démailler. Ce travail demande une grande habitude car il importe de ne pas blesser les poissons capturés et d'éviter de rompre des mailles, ce qui n'est pas toujours possible. Quand un poisson trop petit pour s'emmailier est retenu dans une maille d'une manière ou d'une autre (par les ouïes ou par les nageoires), on dit qu'il s'est bridé. Debout, chacun devant un filet, le pêcheur et sa femme délivrent les poissons et les jettent dans différents baquets selon les espèces. L'un contient les poissons qu'il faudra vider et écailler, un autre ceux qui seront vendus en filets et un troisième les poissons invendables. C'est souvent après le démaillage (photo 41) que le pê- cheur prend son petit-déjeûner; selon l'éloignement il regagne son domicile ou sa femme lui apporte son repas à la baraque. Pendant qu'il mange, son épouse commence à vider les poissons ou à couper les filets, à moins qu'elle ne préfère épancher. L'opération consis- te à faire glisser un filet d'un bout à l'autre de la perche qui le soutient tout en le démêlant (photo 46). Après contrôle, le filet est réparti sur toute la longueur de la perche pour mieux sécher; s'il y a une grande déchirure, il est mis de côté. Quand le pêcheur travaille seul, il s'occupe d'abord du poisson qu'il doit être en me- sure d'expédier à temps. Les palées, les bondelles et les brochets sont vidés et soigneusement nettoyés; les perches et les vengerons sont découpés en filets, de même que les palées si le client le de» mande. Certains pêcheurs livrent directement leur poisson à un hôtel ou à un restaurant sous la forme désirée, d'autres ont leur clientèle particulière. Dans de nombreux cas enfin, c'est une entreprise de comestibles qui se charge du ramassage auprès des pêcheurs. 241. La préparation du poisson est un travail délicat qui prend du temps et, si la pêche est fructueuse, le pêcheur décou- pe des filets de perche parfois jusqu'à 10 ou 11 h. (photo 45). Pour ouvrir les poissons, il utilise un simple couteau de cuisine; les entrailles sont retirées à la main. Les filets sont également détachés avec un couteau; la peau est retenue avec une fourchette pour être séparée de la chair. A la demande de certains restaura- teurs, la peau est laissée; le client pourra ainsi reconnaître le poisson qu'on lui sert. Quant aux poissons vendus entiers, ils sont écaillés avec un couteau ou avec un petit instrument ménager à lame dentelée et recourbée, servant à confectionner les coquilles de beurre. Actuellement, plusieurs pêcheurs possèdent une ma- chine à écailler du type utilisé dans les restaurants pour peler les pommes de terre. L'écaillage mécanique n'est cependant pas par- fait et les poissons doivent ensuite être contrôlés un à un. Lorsque toute la marchandise est prête a être expédiée ou livrée, le pêcheur retourne à ses engins. Les filets humides sont mis à sécher et ceux qui seront tendus le soir doivent être préparés. Le pêcheur suspend ces der- niers dans une partie inoccupée de l'étendage, les vérifie et répare les accrocs. Dans son bateau, il n'emporte que des engins en parfait état. Il s'occupe également de traiter les cordelettes de chanvre et lés filets de coton par immersion dans une solution de sulfate de cuivre. De la fin de la matinée à l'heure "d'aller tendre", une mul«, titude de travaux l'accaparent. S'il a mis des nasses à l'eau, il ira les relever. Mais, à côté des engins, il doit entretenir sa baraque et son bateau, réparer sa motogodille, confectionner ou consolider des accessoires (polet, servante, etc. ) ou soigner son jardin. Nom- breux sont en effet les pêcheurs qui possèdent un lopin de terre cul- tivable, un verger ou des poules et des lapins. L'exercice de telles activités accessoires rend impossible toute évaluation des ressour- ces réelles des pêcheurs. Vers midi, le pêcheur quitte sa baraque pour aller man- ger. Après le repas, s'il estime en avoir le loisir, il prend un peu' de repos; ainsi pourra-t-il se coucher plus tard le soir. L'après- midi, il reprend ses travaux. Aux environs de 5 h. généralement, il s'embarque à nouveau pour aller tendre des filets. Le soir, selon les circonstances, il peut s'accorder quel- ques heures de détente, mais le pêcheur consacre de nombreuses soirées à raccommoder des engins, à "poser des pièces", ou à en monter de nouveau. En été, ses soirées sont brèves car il se lève chaque jour à 3 h. ou 3 h. 30. En hiver par contre, comme la pêche ne s'ouvre qu'à 7h. 30 (novembre et février) ou 8 h. (décembre et janvier), il peut se coucher plus tard. C'est à cette saison qu'il profite d'aller au cinéma ou de rendre visite à des amis. Mais l'hi- ver est également une période de préparation à l'année qui vient. 242. Dès la fin de la "lève aux palées", les filets flottants doivent être réparés et rangés, ainsi que les flotteurs et polets correspondants. S'il a acquis des toiles neuves, le pêcheur profite de les monter avant de s'occuper du grand filet ou des bondellières dont l'usage est interrompu par les périodes de protection. Ces périodes ne marquent pas de véritables arrêts, tout au plus imposent-elles un certain ralentissement. Pour le pêcheur, elles signifient qu'il faudra tenter de capturer d'autres poissons afin de gagner encore quelques francs. Elles signifient surtout que l'ouverture d'une nouvelle pêche est proche, et que tout le matériel nécessaire doit être préparé, vérifié et réparé dans l'attente de cette date. Ainsi, qu'il s'agisse d'une journée, d'une année ou d'une vie, le travail du pêcheur n'a pas de fin. Bien rares sont ceux qui peuvent affirmer avoir vraiment terminé, les pêcheurs ont toujours quelque chose à faire et tous savent que, pour pratiquer ce métier, il faut apprendre à peu dormir, à se contenter de revenus modestes, et surtout, à ne jamais se laisser abattre. Tel est le prix de la li- berté du pêcheur, mais comme nous l'a écrit l'un d'eux : "J'ai 73 ans. Depuis toujours j'ai pratiqué la pêche comme professionnel. Marié à une fille de pêcheur, nous ne sommes pas devenus riches, mais nous n'avons manqué de rien et nous avons vécu heureux. Si je devais recommencer, je serais pêcheur. " * * * 43. Lavage d'un filet à terre. 44. Lavage d'un filet dans le lac. 45. Découpage du poisson en filets. 46. Epanchage. 47. Raccommodage : le pêcheur, sa navette entre les dents, coupe les fils qui dépassent. 48. Raccommodage : con- fection d'une nouvelle maille. Le couteau est glissé sous l'aisselle. 244. CONCLUSIONS Parvenus au terme de ce travail, tentons de dresser un rapide bilan de la situation. Avouons-le d'emblée, la chose n'est point aisée et nous avons l'impression d'avoir soulevé davantage de problèmes que nous n'en avons résolu. En entreprenant cette étude, nous souhaitions fixer par le texte et par l'image, les différents aspects de la profes- sion de pêcheur - une activité de type artisanal aux origines très anciennes - qui évolue maintenant de plus en plus rapidement. Sous sa forme actuelle, la pêche professionnelle est, de surcroît, menacée de disparaître à plus ou moins brève échéance. Compte tenu de la documentation disponible, nous nous sommes efforcés de relater l'histoire d'un siècle de pêche pour aboutir à une monographie descriptive des aspects matériels de la pêche actuelle. Sur le plan historique, nous aurions souhaité remonter plus loin dans le temps; le manque de documents nous a empêché de réaliser ce dessein. Les statistiques de rendement débutent en 1917 et les permis de pêche ont été introduits en 1871. Pour la pé- riode antérieure, nous espérions que les archives de la Compagnie des Pêcheurs et Cossons de la Ville de Neuchâtel constitueraient la source recherchée; ces archives se sont évanouies. Quant à l'ancienne Confrérie des Pêcheurs d'Estavayer, il ne nous a pas été possible de retrouver d'anciens documents. Notre travail fa- vorisera-t-il la mise au jour de documents peut-être déposés dans quelque grenier neuchâtelois ou staviacois ? Nous serions heureux qu'un historien puisse un jour apporter sa contribution à l'étude de la pêche. Le domaine de la pêche offre de nombreux sujets de recherches; citons tout d'abord les aspects sociologiques de la profession. En raison de la grande diversité des situations, nous pensons qu'une telle étude devrait être menée dans une localité déterminée et non sur l'ensemble du lac. Dans la plupart des cas, en effet, les pêcheurs professionnels sont peu nombreux et prati- quement isolés; ils ne constituent plus une catégorie sociale dis- tincte. A Estavayer, à Chevroux et à Portalban par contre, on peut encore parler de communautés de pêcheurs. Sur la base d'une étude des registres paroissiaux ou communaux et d'une enquête §ur le terrain, le sociologue pourrait élaborer une étude d'autant plus importante que ces groupes, autrefois plus nombreux, s'effritent maintenant très rapidement. Quant à nous, animé du désir de conserver un souvenir 245, précis du matériel utilisé par les pêcheurs, nous avons essayé de recueillir le plus grand nombre possible de données relatives aux engins et aux techniques de pêche. Nous savons que l'apparition de la fibre synthétique est la cause de l'abandon des filets de coton, Dix ans à peine se sont écoulés depuis cette innovation et déjà le chalame de chanvre, la vêtre en crin et le bignet d'écorce ont été relégués au fond des baraques. D'ici quelques années, une enquête ethnographique ne sera plus réalisable; c'est pourquoi nous sou- haiterions que notre travail entraîne au moins une conséquence matérielle. Fixer les aspects matériels d'une activité humaine par le texte et par l'image seulement n'est pas suffisant, ce sont les engins et les bateaux eux-mêmes qui devraient être conservés, Des engins de pêche préhistoriques ont été recueillis dans les stations lacustres; peut-on imaginer que nos successeurs ne puis- sent également contempler les instruments des pêcheurs du XXe siècle ? Nous l'avons déjà dit, la pêche est une des plus vieilles techniques d'acquisition; elle mérite à ce titre d'avoir son musée. Dans ce but, la récolte d'objets et la réalisation de documents cinématographiques doivent être entreprises sans tarder; les anciens engins pourrissent dans les baraques ou sont la proie des rongeurs, et les vieux pêcheurs disparaissent les uns après les autres. En quittant cette terre, ces pêcheurs emportent avec eux une expérience et des connaissances qu'ils n'ont souvent pas pu ou voulu transmettre à leurs descendants. La pêche est un métier trop dur pour qu'ils ne souhaitent pas une existence plus facile à leurs enfants. Pour plusieurs de ces derniers, la navi- gation à rame ou à voile, la pêche aux fils durant les "six semai- nes" par exemple ne sont connues qu'à travers des récits, et l'art de raccommoder un filet "au quart" ou de fabriquer un berfou ne seront bientôt plus que des souvenirs. A ces engins et à ces techniques qui disparaissent, il faut ajouter un riche vocabulaire que seuls les vieux pêcheurs maîtrisent encore. Profane en la matière, nous ne soupçonnions pas une telle profusion de termes techniques et de variantes. Compte tenu de notre approche particulière, nous ne pouvions aller au-delà d'une simple récolte; c'est au linguiste qu'il appar- tient d'analyser ces mots. La description détaillée des engins de pêche et de leur mode d'utilisation étant achevée, il était logique que nous abor- dions les aspects économiques de la pêche. Nous avons tenté de discerner les facteurs susceptibles d'influencer le rendement; aucun de ces facteurs ne semble jouer un rôle absolument déter- minant ou constant. En cette matière, il apparaît clairement que nous nous heurtons à des chaînes complexes d'éléments dont l'é- quilibre naturel est sans cesse remis en question. Le jour est 246. encore éloigné où un pêcheur pourra déterminer la position des poissons et le rendement probable à l'aide d'instruments de mesu- re. Qu'il s'agisse du météorologiste, du chimiste, du physicien, du biologiste ou du zoologiste, le lac et sa faune constituent un riche domain« de recherches. Les inconnues sont en effet nom- breuses et l'apparition et le développement récent de la pollution ne fait qu'accroître le mystère. La pollution a entraîné diverses conséquences dont on ignore encore la portée; elle a engendré des mutations chez cer- tains êtres plan ctoni que s, mais nul ne sait si des phénomènes semblables se manifesteront dans la faune ichthyologique. On ignore surtout si les effets de la pollution régresseront et dispa- raîtront complètement le jour où les installations d'épuration des eaux usées entreront en activité. Qu'un certain empirisme - pour ne pas dire "arbitraire" - préside à l'administration de la pêche n'est dès lors pas surpre- nant; il ne saurait en être autrement dans l'état actuel de nos con- naissances. Une cinquantaine d'années de statistiques de rendement ont permis "d'équilibrer" le nombre des pêcheurs en fonction des quantités de poisson disponibles. Le lac n'est pas un simple "ré- servoir" dans lequel on peut pêcher sans retenue, mais un milieu naturel dont il importe de protéger la faune tout en assurant un gagne-pain décent aux pêcheurs professionnels. La pêche peut être pratiquée car les poissons ne vivent pas longtemps; autant les capturer avant qu'ils ne meurent de vieillesse. L'avenir des espèces doit cependant être assuré, et il est indispensable de fa- voriser la reproduction en interdisant la pratique de la pêche à certaines époques de l'année ou l'emploi de filets à mailles trop étroites. Les mesures restrictives sont souvent jugées trop sé- vères par les pêcheurs, mais peut-il en être autrement ? Une enumeration précise des périodes de protection, • par exemple, doit figurer dans la loi; on se demandera toutefois si ces dates correspondent à la réalité. En fait, il n'y a pas de réalité permanente en cette matière, mais des situations momen- tanées. Les pêches d'essai permettent de déterminer approxima- tivement les dates d'ouverture des différentes pêches mais, qu'il s'agisse d'une "pêche d'ouverture" ou d'une autre "pêche spéciale", les instructions particulières émises par les autorités offrent toujours prise à la critique. L'autorisation de tendre un filet de plus à l'ouverture de la pêche des bondelles ou d'immerger des filets à '.!petites mailles" au-delà des profondeurs actuellement prescrites entraiheraient-elles des conséquences fâcheuses pour les espèces recherchées ? Il est difficile de répondre et on com- prend que les autorités responsables préfèrent prendre des pré- cautions peut-être excessives plutôt que de courir le risque de voir un capital entamé. 247, La tâche du législateur est ardue et la loi est souvent précédée par les événements. Le nombre des Concordats émis en un siècle témoigne de cette réalité en continuel changement. Chaque Concordat apparaît comme une tentative d'adaptation à une situation nouvelle, et l'observateur ne peut qu'être frappé par la complexité croissante de ces règlements. Cette complexi- té résulte du désir de toujours mieux gérer l'exploitation du lac; la loi n'intervient cependant guère dans le domaine de l'écoule- ment du poisson. Comme nous l'avons indiqué, chaque pêcheur doit lui-même s'assurer des moyens de vendre sa marchandise. Les arrêtés spéciaux permettent aux pêcheurs d'intensifier la production ou les obligent, au contraire, à restreindre leur activité, mais il n'est pas certain que les fluctuations d'un cer- tain marché soient ressenties de manière identique par tous les pêcheurs. Par ailleurs, les possibilités de rendement de tel ou tel poisson ne correspondent pas nécessairement à la demande, et il n'est pas rare que les pêcheurs ne parviennent pas à captu- rer des perches ou des palées au moment où les restaurateurs en réclament. Rappelons aussi les extraordinaires résultats de la pêche des bondelles qui ont conduit au fumage de ce poisson qu'on ne pouvait plus écouler. Les débouchés commerciaux pour cette nouvelle spécialité étaient à peine assurés qu'il fallut re- noncer à ce procédé à cause du manque de bondelles. L'irrégularité de la pêche est incontestablement une source de difficultés sur le plan de la vente. Des entreprises ont envisagé de mettre des brèmes en conserve, mais les pêcheurs ne peuvent garantir une production suffisamment constante pour qu'une industrie puisse fonctionner normalement. L'écoulement de ce poisson devient cependant une nécessité; les brèmes se multiplient dans des proportions qui ne tarderont pas à être in- quiétantes si les pêcheurs ne sont pas encouragés d'une façon ou d'une autre à les pêcher. Toutefois, qu'il s'agisse d'alimenter une fabrique de conserves, des restaurants ou des commerces de comestibles, les fluctuations de la pêche constitueront un handicap sérieux tant que les pêcheurs travailleront en fournisseurs isolés. Des pêcheurs ont acquis les installations frigorifiques qui'permettent d'étaler la vente du poisson et de régulariser le marché, mais une telle opération ne paraît guère rentable au niveau de quelques pêcheurs seulement. En admettant que tous les problèmes relatifs à la congélation du poisson soient résolus, que les pêcheurs se groupent en coopératives pour l'achat d'installations frigorifiques et que l'acheminement rapide du poisson vers les centres ainsi créés soit organisé, la rentabilité de l'entreprise n'est pas garan- tie. Avec une production moyenne de 300. 000 kg. de.poisson par 248. année et compte tenu des importantes fluctuations saisonnières ou annuelles dans la pêche des différentes espèces, le lac de Neuchâ- tel est probablement trop petit pour que des solutions de type in- dustriel soient réalisables sans l'aide des pouvoirs publics. De plus, on peut se demander si la création de coopératives, ou d'un organisme central de vente contrôlé par l'état par exemple, ne serait pas contraire à la nature profondément indépendante des pêcheurs qui, pour la plupart, préfèrent finalement gagner moins mais rester libres. La liberté, le pêcheur y est autant attaché qu'à son tra- vail et à "son lac". Il souhaiterait évidemment que son dur labeur soit mieux récompensé; il aimerait surtout parvenir à mieux équi- librer son budget annuel. La possibilité de tirer quelque profit des brèmes lui permettrait d'affronter plus aisément les "mois creux". Deux raisons essentielles nous ont empêché de parler des ressources financières des pêcheurs dans cette étude. D'une part, il est impossible de se faire une juste idée du revenu annuel moyen des pêcheurs car presque tous nos informateurs se livrent à une activité accessoire ou possèdent un jardin ou un verger dont les produits allègent le compte "nourriture" du budget familial. D'autre part, notre enquête se serait heurtée à des obstacles in- franchissables si nous avions interrogé les pêcheurs sur cette question par trop personnelle. Nous avons dit que jusqu'à une date récente, la profes- sion était peut considérée - pour ne pas dire méprisée - et que les pêcheurs appartenaient à la classe pauvre. Dans l'esprit du pro- meneur, le pêcheur "fait partie du paysage" et est un homme sans profession. Bien rares sont les personnes qui songent au capital investi dans, l'achat d'un bateau et du matériel de pêche; il paraît normal que les pêcheurs donnent des filets ou des berfous aux citadins en quête d'objets décoratifs. Mais si le promeneur ne pen- se pas aux frais d'exploitation, il veut savoir ce que ces filets et ces berfous rapportent aux pêcheurs. Les questions indiscrètes se sont multipliées avec les terrains de camping; les estivants visitent les baraques, tripotent les engins de pêche ou s'installent dans un bateau pour prendre une photo-souvenir sans respect pour le bien d'autrui. De telles maladresses n'ont pu que déclencher la mauvai- se humeur des pêcheurs et nombre d'entre eux sont maintenant d'un abord difficile. Au début de notre enquête, la méfiance dont nous étions l'objet nous a surpris. Après avoir passé de nombreuses journées en compagnie d'hommes aux qualités profondément humaines mais qui se sentent souvent incompris, parfois même encore méprisés, nous avons mieux compris cette attitude distante. Des relations 249. confiantes se sont nouées par la suite, probablement parce que nous n'avons pas voulu paraître intéressé par la question des revenus; en parler ici constituerait une forme de trahison à l'égard des informa- teurs qui nous ont consacré leur temps. Artisan isolé, jaloux de son indépendance, le pêcheur possède la fierté de l'homme libre; son labeur est digne de respect et d'admiration. * 250. Annexe I Document Souvenirs d'un vieux pêcheur d'Auvernier (Lettre publiée dans le BSPP. No. 6, juin 1903, p. 89 - 90 et No. 7, juillet 1903, p. 101 - 103) "Mes premiers souvenirs datent des années 1850 à 1856; mon père ayant plusieurs commerces, notamment la pêche, avait à cet effet toujours deux domestiques, lesquels étaient employés al- ternativement aux travaux de la culture de la vigne et de la pêche. La pêche à la bondelle était celle que nous pratiquions de préféren- ce; c'est donc par elle que je commence. A cette époque, la bondelle se péchait devant Estavayer; chaque bateau était monté par quatre hommes qui partaient à minuit, 1 heure du matin, pour se trouver à l'aube sur place, le trajet étant au minimum de 2½ h. à 3 h. de parcours. Chaque pêcheur avait au plus 10 à 15 bondeilières; la moitié de ces filets étaient tendus en arrivant, tandis que l'autre moitié était relevée pour être épanchée aux crosses, qui servaient à cet usage. Les mailles des bondeiliè- res étaient alors de 19 à 20 mm. de noeud à noeud, et les filets, tous filochés à la main, étaient en fil très grossier. Cette pêche était assez fructueuse, 15 à 20 quarterons par jour en moyenne et par bateau; le quarteron, soit 26 bondelles pesant 4 à 4ty2 livres, se vendait de 50 à 75 centimes, la bondelle n'étant pas encore ap- préciée comme elle l'est maintenant. Les vignerons achetaient le poisson des pêcheurs et se rendaient à pied au Locle, à la Chaux-de- Fonds et aux Brenets pour les vendre (allez-y maintenant 1 ). Plus tard, dans les années 1860 à 1870, les pêcheurs d'Auvernier com- mencèrent à tendre leurs filets sur les deux versants de la Motte (montagne qui se trouve au milieu du lac (continuation de Jolimont) j cette pêche ne commençait jamais avant la Pentecôte, même plus tard, et les bondeilières se tendaient de 8 à 25 brasses, jamais moins profond (la brasse de 5 pieds). * La pêche était très abondante dans certains moments, mais n'était pratiquée que par les pêcheurs d'Auvernier et d'Esta- vayer, si ce n'est un seul de Chevroux; plus tard, à Neuchâtel, deux pêcheurs bien connus commencèrent à pêcher la bondelle au lieu dit "l'Ensalle", quant aux autres localités, il n'y avait pas de pêcheurs. Pour vous dire combien le poisson était abondant, je me souviens qu'en l'an 1872, au mois de juin, j'ai pris, avec 15 bon- deilières tendues sur la "Motte", 165 quarterons de bondelles, deux 251. de mes filets avaient chacun 26 quarterons. Ces filets, par l'effet de ces poissons dont la vessie était gonflée, venaient sur l'eau à une distance de 2 à 3 mètres, c'était vraiment magnifique à voir, et avec quel plaisir on levait les filets de ce temps-là. Cet état de chose continua, avec des alternatives de bonne ou médiocre année, jusqu'en 1877, époque où la correction des eaux du Jura fut terminée et où les eaux froides des lacs de Thoune et de Brienz vinrent par le canal de Haagneck dans le lac de Bienne pour être reflouées dans notre lac. Ceci se passe surtout à l'époque de la fonte des neiges, au printemps. Ce fut une opération désastreuse pour la pisciculture et la faune de notre lac; puis vinrent les pro- grès réalisés dans la fabrication des filets, qui se font actuelle- ment au moyen de machines à filocher, les filets sont mieux con- fectionnés, plus fins, meilleur marché, de sorte qu'il y a mainte- nant des pêcheurs à la bondelle dans tous les villages riverains du lac de Neuchâtel. " *soit 1, 62 m. (1 pied = 0, 324 m. ) # * * 252, Annexe II La pêche au grand filet dans la deuxième moitié du XIXe siècle. (Extrait d'une lettre d'un vieux pêcheur d'Auvernier publiée dans le Bulletin suisse de Pêche et de Pisciculture. No. 7, juillet 1903, p. 102 - 103) "Permettez-moi de vous dire quelques mots sur la pêche du grand filet, celle-ci n'était guère pratiquée que par deux pêcheurs d'Auvernier et deux pêcheurs d'Estavayer, ce n'est que dans les an- nées 60 que des jeunes gens de Port-Alban et Chevroux vinrent à Neuchâtel comme ouvrier chez le fondateur de la maison de comes- tibles de cette ville, qui lui-même péchait avec un revin (petit grand filet). Ils y apprirent à manier cet engin et de là retournèrent chez eux, montèrent des filets et péchèrent sur leurs rives, le lac étant limité à cette époque là. Cette pêche ne se pratiquait qu'à certaines époques de l'année, jamais avant avril, jusqu'à fin octobre, et l'on péchait à de petites profondeurs, derrière les quais de Neuchâtel, et dans tous les endroits où la faune du lac se trouvait en abondance, endroits que j'estime avoit été les plus poissonneux du lac; que de belles et magnifiques pêches n'y a-t-on pas faites, en truites et brochets de toutes les grosseurs, perches par quintaux, platons, etc. Bien souvent j'ai vendu de ces platons (cormontants) aux vanniers ambu- lants à raison de IFr. 50 la grosse seule de savonnage. Le grand filet de cette époque avait une longueur de 30 à 32 brasses; avec cet engin on péchait au bord et en bas le Mont, avec une ancre au moyen de laquelle le bateau était retenu afin de permettre de tirer et de ras- sembler les bras du filet. La pêche dé la palée, au moment de la fraie, commençait le 1er novembre et finissait les derniers jours du même mois, se faisait aussi avec le grand filet; plus tard, dans les années 1866, jusqu'en 1882, les pêcheurs de grands filets pé- chaient la bondelle sur la Motte. Il s'en fit des razzias dont les lec- teurs du "Bulletin" se feront une idée quand je leur dirai que dea traits de 300 à 400 quarterons de bondelles d'un seul coup n'étaient pas rares; c'était alors un scandale que la quantité et le vil prix au- quel ces bondelles se vendaient, on prenait une gerle à vendange, on la remplissait, c'était la mesure : combien pensez-vous qu'elle se vendait ? 5 Fr. î J'ai acheté une fois à des pêcheurs de Chevroux environ 350 quarterons de bondelles prises d'un seul coup de filet, . en ma présence, pour la grosse somme de 35 Fr. Le concordat des Etats de Vaud, Neuchâtel et Fribourg ayant été décrété, cette pêche fut prohibée, malheureusement c'était quinze ans trop tard." signé : un vieux pêcheur 253. Annexe IIJ Nouvelles diverses 1. "Un pêcheur d'Auvernier d'une seule "tirée de grand filet" a capturé 626 palées. De mémoire de pêcheur on n'avait fait un aussi gros bataillon prisonnier du filet. Toutes les autres tirées n'ont rien ramené par contre. " (in : BSPP. No. 5, 1906. p. 93) 2. "On signale une pêche telle qu'il n'en avait pas été fait depuis longtemps dans le lac de Neuchâtel, car il s'agit non de poissons blancs, mais de perches. M. F. de R., pêcheur amateur à Marin, a pris d'un seul coup de filet en battue, 113 de ces poissons, dont le poids total était de 54 kilos. " (in: BSPP.No. 8, 1907, p. 140) 3. "Jeudi matin, 25 courant (septembre 1902) MM. Chautemps, pêcheurs à Auvernier, ont pris environ 600 livres de bondel- les. Afin de pouvoir écouler cette grande quantité de poissons, ils l'on vendue à 40 cts. la livre. " "Deux pêcheurs de Chevroux ont pris d'une matinée 800 livres de bondelles; certains de leurs collègues en avaient péché chacun 100 à 300 livres. " "Depuis quelques jours, les pêcheurs de notre lac prennent une telle quantité de bondelles que les marchands de comestibles sont obligés de les refuser. Ces derniers ont adressé ces jours passés une circulaire aux pêcheurs, les informant qu'ils n'accepteront ces poissons qu'à la condition qu'ils soient nettoyés, et au prix de 40 à 50 cts. la livre : c'est-à-dire le prix offert pour nos plus médiocres poissons. " (in : BSPP. No. 9. 1902. p.86) * * * 254. LES POISSONS DU LAC DE NEUCHÂTEL Le lac de Neuchâtel abrite 36 espèces de poissons qui représentent 28 genres de 11 familles différentes. Dans la lisfe que nous donnons ci-dessous, établie sur la base du travail de M. A. Quartier, inspecteur de la pêche (L'évolution de la pêche dans le lac de Neuchâtel. 1965), nous avons groupé les poissons en fonction de leur valeur économique. 1. Les Corégones Ce sont les poissons les plus importants tant au point de vue économique qu'en raison de leur nombre. Ils représentent en effet la majeure partie de la faune ichthyologique du lac de Neu- châtel. Sur un total moyen de 295. 697 kg. (moyenne 1917/1965) les corégones rapportent chaque année 173. 143 kg. en moyenne, soit le 58, 6% du rendement total moyen de la pêche. Bondelle (Coregonus macrophthalmus Nüsslin) Pour la pêche de ce poisson, voir : Filet de fond (p. 169) et Pêches spéciales : Ouverture (p. 198), Pêche "de lève" (p. 199) et Filet allégé (p. 201). Palée (Coregonus fera Jurine) Pour la pêche de ce poisson, voir : Grand filet (p. 150), Pêche "de lève" (p. 172) et Pêches spéciales : Pisciculture (p. 202), 2. Les voraces Ce groupe représente la deuxième valeur économique du lac. La pêche dés voraces atteint une moyenne annuelle de 74e 033 kg., c'est-à-dire le 25% du rendement total moyen. Perche (Perca fluviatilis L) Servie en filets, la perche est la spécialité culinaire typique des rives du lac de Neuchâtel. Pour la pêche de ce poisson, voir ; Filet de fond (p. 169), Filet de lève (p. 172), Pêche à la battue (p. 175), Nasse (p. 220), Berfou (p. 222), Pêches spéciales ; Petites mailles (p. 202) et Nasse (p. 204), Fils dormants (p, 209), Gambe (p. 216). Truite du lac (Salmo lacustris L) Pour la pêche de ce poisson, voir : Grand filet (p. 150), Filet "de lève" (p. 172), Battue (p. 175), Fils flottants (p. 209) et Ligne traînante (p. 215). Ajoutons qu'il s'en capture acciden- tellement d'octobre à décembre dans les filets de fond tendus 255. près des bords, en particulier lors des pêches à la palée de pisciculture (p. 202). La truite de rivière (Salmo fario L. ) et la truite arc-en-ciel (Salmo ïrideus Gibb. ) se prennent parfois dans les filets des pêcheurs. Brochet (Esox lucius L) Pour la pêche de ce poisson, voir : Nasse (p. 220) et Pêches spéciales : Nasse (p. 204), Filet de fond (p. 169), Pêche à la battue (p. 175), Fils dormants et flottants (p. 209), Ligne traînante (p. 215). Omble-chevalier (Salvellinus alpinus (L)) appelé Jaunet Ce poisson se prend accidentellement dans les bondellières ten- dues au grand profond (p. 169). On le péchait jadis aux fils dor- mants au profond. Ombre de rivière (Thymallus thymallus (L)) "Ce poisson existe dans les parties profondes de l'Aréuse, et chaque année on en retrouve quelques exemplaires qui ont dé- valé au lac". (Quartier, p. 82). 3. Poissons blancs ou blanchaille Ce groupe comprend de nombreuses espèces dont la va- leur économique est faible ou nulle. A moins de circonstances par- ticulières, telle la guerre par exemple, les pêcheurs ne recherchent guère ces poissons, à l'exception du gardon. Douze espèces figurent dans la statistique. Ces dernières représentent un poids annuel moyen de 48. 521 kg., soit le 16,4% du rendement total moyen. Gardon commun (Leuciscus rutilus (L)) appelé vengeron Pour la pêche de ce poisson, voir : Filet de fond (p. 169), Battue (p. 175), Pêches spéciales : Petites mailles (p. 202). Rotengle (Scardinius erythrophthalmus (L)), appelé aussi rote Ce poisson est souvent capturé avec les vengerons (Gardon commun) et se vend en filets. Lotte (Lota lota (L)) Ce poisson n'est plus recherché, il se capture accidentellement dans les bondellières de fond (p. 169). Jadis, on le péchait aux Berfous (p. 222) et aux Fils dormants au profond (p. 209). 256. "Une grosse lotte, nommée "Avoyère", était réservée par un droit à l'A.voyer d'Estavayer" (Rappo). Brème (Abramis brama (L)) appelée Cormontan, Platet ou Platon, parfois Platon blanc. Brème bordelière (Blicca björkna (L)) appelée Platelle, parfois ~ Platon noir (Fatio]T La brème a été recherchée en particulier pendant les deux guerres mondiales. Actuellement, elle n'a plus aucune valeur économique. Jadis poisson de bord, la brème semble envahir le lac et se pêche maintenant en plein lac au Grand filet (p. 150). Quand ils le recherchaient, les pêcheurs capturaient ce poisson à la Battue (p. 175) et aux Fils dormants (p. 209). Carpe (Cyprinus carpio L) Peu recherché, ce poisson se prend dans les Filets de fond (p. 169) et à la Battue (p. 175). Tanche (Tinca tinca (L)) Même remarque que pour la carpe. Barbeau (Barbus barbus (L)) Même remarque que pour la carpe. Nase (Chondrostoma nasus (L)) Même remarque que pour la carpe. Chevaine ou Chevesne (Squalius cephalus (L)) Même remarque que pour la carpe. Anguille (Anguilla anguilla L) "Chaque année, sans les rechercher, nos pêcheurs capturent un certain nombre d'anguilles, cela surtout dans la région du Bas du Lac. Elles se prennent dans les nasses ou.viennent mordre aux hameçons. " (Quartier, p. 80) (voir Fils dormants, p. 209). Silure glane (Silurus glanis L) appelé aussi salut "Quelques exemplaires sont capturés chaque année dans la région du Bas Lac. " (Quartier p. 83). Ne sont pas compris dans la statistique ; 257. La lamproie de rivière (Lampetra fluviatilis (L), la petite lamproie (Lampetra planeri (Bloch)), le chabot (Cottus gobio L), la sandre (Lucioperca lucioperca (L)), la perche soleil (Euromotis gibbosus (L)), le saumon (Salmo salar L), la loche de rivière (Cobitis taenia L), la loche franche (Cobitis barbatula L), le spirlin (Alburnus bi- punctatus (Bloch)), l'able de stymphale, le blageon (Telestes agassizii), le vairon (Phoxinus phoxinus), l'ablette (Alburnus albur- nus (L)), plus connue sous le nom de tailleur, la vandoise (Squalius leuciscus (L)) généralement appelée ronzon et le goujon (Gobio gobio (L)). ----------- Ces poissons n'ont pas de valeur commerciale et ne sont pas recherchés par les pêcheurs, à l'exception du goujon, de l'ablette et de la vandoise utilisés comme amorces. Le goujon est également péché pour être exporté en France où il est servi en petite friture. La lamproie de rivière et le saumon ont vraisemblablement disparu. * * * 258. GLOSSAIRE DES TERMES UTILISES DAJSfS CET OUVRAGE. Remarque liminaire Les termes employés dans cette étude ont été recueillis en cours d'enquête ou dans des documents écrits, principalement dans les articles publiés par G. Bise (Glossaire du parler des pê- cheurs staviacois. -in : Folklore suisse No. 1. 1948. p. 3-6) et par l'Abbé Rappo (Le parler de nos pêcheurs staviacois. - in : Folklore suisse. No. 4. 1948. p. 61 - 66), et dans le Bulletin suisse de Pêche et de Pisciculture (BSPP). Dans la mesure du possible, ces mots ont été vérifiés à l'aide du dictionnaire de Pierrehumbert (Dictionnaire historique du parler neuchâtelois et suisse romand. Neuchâtel 1926) et du Glossaire des Patois de la Suisse romande (GPSR) dont la publication est malheureusement loin d'être achevée. Nous avons également vérifié l'existence, la prononcia- tion et la définition de ces termes à l'aide de nos informateurs. Les prononciations et définitions données par les pêcheurs se sont quel- quefois révélées différentes de celles mentionnées dans les sources citées ci-dessus. Toutefois, notre approche particulière ne nous autorisant pas à aller au-delà de la simple récolte, nous nous som- mes bornés à relever ces variantes et espérons qu'un linguiste mè- nera à chef cette étude particulière. En premier lieu, notons toutefois que la plupart des mots utilisés dans la région d'Estavayer appartiennent au patois fribour- geois et que les altérations relevées pourraient s'expliquer par la disparition du patois. En second lieu, et cela est valable pour le lit- toral dans son ensemble, divers facteurs sont susceptibles d'influ- encer le parler propre à une catégorie professionnelle restreinte, les apports extérieurs et la diffusion en particulier. Certaines altérations résultent sans doute des contacts que les pêcheurs entretiennent entre eux; elles peuvent également s'expliquer par le fait que plusieurs pêcheurs ont quitté leur lieu de naissance pour s'installer dans une autre localité. Certains termes se sont ainsi déplacés et on peut supposer que, selon les cas, ils ont comblé un vide ou supplanté un mot local déjà vieilli, cela peut-être au détriment de leur forme ou de leur sens premiers. Enfin, comme ce vocabulaire spécialisé appartient à la tradition orale, signalons que des variantes apparaissent souvent comme le propre de certaines familles. C'est pourquoi il est difficile de loca- liser ces termes avec un degré de certitude satisfaisant; les indica- tions que nous donnons n'ont qu'une valeur relative. 259. Les mots dont nous avons pu vérifier l'usage dans une région déterminée sont suivis d'une indication géographique abré- gée entre parenthèses; dans les autres cas, nous signalons l'en- droit où ces mots ont été relevés. D'une manière générale, les pêcheurs connaissent tous ces termes techniques et leurs synonymes, mais chacun a ses pré- férences. Seule une étude linguistique permettrait de déceler les origines de ces mots; la mention géographique qui les accompagne dans notre glossaire ne saurait en aucun cas être considérée comme une localisation absolue. Abréviations Bé = La Béroche (région de St. -Aubin, rive nord) E = Estavayer F = Fribourg , N = rive nord S = rive sud Vd = Vaud * * * 260. Afe (f) (E) 1. "Bout de ehalame qui sert à attacher les pierres au- dessous du grand filet. " (Rappo) Note : Ce terme est plus répandu sur la rive sud que sur la rive nord où, bien que connu, il est géné- ralement remplacé par ficelle. 2. Cordelette placée aux angles supérieurs des filets servant à les attacher les uns aux autres. Syn. : attache, dzeu, reindze, relais, zie. (p. 155) (p. 169) Aiguille ou Aiguillette (f) (N - S) Navette à tisser et à monter les filets. Aillette (f) (E) Fil fin auquel l'hameçon est attaché. Syn. : Liette, Yette. Ailler (E) "Monter les hameçons des fils sur les aillettes (ou yettes)". (Rappo). Amoder (N - S) ! Amoder le moteur, c'est-à-dire le mettre en marche. Note : Pierrehumbert indique : Emoder (N - Vd - F), Emmoder (NBé - Vd), Amoder (N) : mettre en train, mettre en mouvement, donner l'élan. (p. 129) (fig. 37, p. 218) (p. 210) (fig. 41, p. 218) (p. 179) Ancelar (m) (N) Rectangle de filet de 20 à 25 m. .de longueur. Cousus les uns aux autres, les ancelars de différentes hauteurs composent les bras du grand filet. Leur nombre varie de 4 à 7, mais il y en a généralement 5 par bras. Note : Pierrehumbert, citant Ph. Godet, donne une définition fautive : le grand filet est "composé de deux immenses bras, ou ancelars ..." (Neuchâtel pittoresque. Genève 1901). Syn. : ansala. (fig. 26, (p. 153) p. 158) Ansala (m) (S) Synonyme de Ancelar. Note : l'Abbé Rappo donne une définition corres- pondant à celle de "Ancelar", alors que le GPSR reprend celle de Pierrehtimbert. (p. 153) (fig. 26, p. 158) 261. Ansaler (S) (p. 153) Monter les ansâlas, c'est-à-dire les coudre les uns aux autres. Syn. Lacer. Note : D'après Bise, qui orthographie "Ensaier", ce verbe signifierait : "Assembler les différentes pièces qui constituent le grand filet". Le verbe "Engorger" désignant le montage des bras au sac, le sens restrictif de "monter les ansâlas" paraît plus correct, de même que l'orthographe "ansaler". Ansena (m) (E) (p. 129) a -, , ,. .. . . . „ (fig. 35, p. 218) Appareil composé d'une pièce de bois allon- a gée et d'une baguette recourbée fixée dans la pre- mière par une extrémité, l'autre pouvant être libérée. L'ansena était jadis utilisé pour soutenir la toile pendant le filochage. Ansette (f) (N) (p. 167) Petite anse. Diminutif de anse (GPSR). L. * ' P" 1„A Désigne la boucle de fil, nouée au chalame, * soutenant quelques mailles du filet ainsi que l'intervalle séparant les deux points de fixation de cette boucle. Syn. : chevalet, chevillon. Assiette (f) (p. 153) Nom donné aux flotteurs (planchette circu- ë- > P- laire) supportant le grand filet (Savoie- Petitpierre - in : BSPP No. 1.1915). Syn. : Bet. Note : D'après un informateur, ce terme aurait été utilisé dans la région de Portalban. Il n'est plus utilisé actuellement. Attache (f) (N - S) (p. 169) 1. Synonyme de Aie 2. Cordelette reliant les nasses ou les berfous entre (p. 225) eux, ainsi que les engins aux marques flottantes et aux ancres ou pierres. Pour les berfous, il s'agit souvent d'un chalame, une corde plus grosse étant généralement utilisée pour les nasses. Cette corde peut être faite de vieux bas de filet (vêtres) tressés. Syn. : Chalame, Ficelle, Ficelle-mère, Tillet, Zie. Aubière (f) (N - S) (p. 207) Petit filet à simple toile, à mailles de 10 à 14 mm., utilisé pour la pêche des ablettes, 262. Avant-gardes (f. pi. ) (N-S) (p. 166) 1. "Tissùs de très grandes mailles se trouvant ** ' "" de chaque côté de la toile proprement dite du tramail qui comporte ainsi, trois filets cousus ensemble par le haut et le bas, d'où son nom. La toile du milieu étant très lâche et abondante, le poisson l'entrarne au travers d'une maille des avant-gardes et s'y trouve pris ainsi que dans un sac. " (Rappo). Syn. : contre-mailles. Termes français : aumée (f), hamaux (f. pi. ) 2. Sur la goujonnière, désigne les fils reliant le bord (p. 206) supérieur de la gouttière au chalame. (fig. 34, p. 218) Note : Ces fils sont ainsi appelés probablement par assimilation aux rets extérieurs du tramail qui sont filochés avec un fil identique. Bas (m) (N - S) (p. 3) 1. le "Bas du lac" est à l'est (région comprise entre St. -Biaise et Cudrefin). Note : Le lac de Neuchâtel peut être considéré comme un élargissement de la Thielle qui coule d'Yver- don vers le lac de Bienne. Par rapport à Neuchâ- tel, St. -Biaise est donc en aval et Yverdon en amont ("Haut du lac") 2. Le "bas de filet" désigne la partie inférieure de (p. 168) l'engin; la vêtre et les plombs. Bas de ligne (m) (p. 215) Partie terminale de la ligne à laquelle on attache l'hameçon. Syn. : empile (Larousse) Bâton (m) (N - S) (p. 179) Synonyme de Bois, Perche. Battue (f) (N-S) (p. 175) Genre de pêche consistant à tendre un filet g* ' en cercle puis à frapper la surface de l'eau afin d'effrayer les poissons pris dans l'enceinte. Seine (f) (JSF - S) (P- 5) -------- (fig. I, P. 9) Marge peu profonde qui entoure la cuvette du lac. Note : Le GPSR donne "béna" (baine., beine). 263. D'après Bise : "Bein'naz : lieu de pêche situé sur la rive sud du lac, constitué par des bancs de sable lon- geant cette rive. " Selon Forel (cité dans Pierrehumbert) : "Au lac de Neuchâtel, la beine est appelée le blanc-fond. " Pour Rappo : le blanc-fond '!se distingue par sa couleur blanchâtre de la "bein'na" qui est verte. " En certains endroits de la rive sud, en particulier devant Estavayer, la plate-forme sous-lacustre s'abaisse en deux paliers. Les pêcheurs staviacois appellent "blanc-fond" le premier palier et "beine" le second. Ailleurs, on ne fait guère cette distinction et ces termes sont synonymes. Berfou (m) (N - S) (p. 222) a * a A a * • 1 U A U (fig- 30» P* 195) 1. Mode de pêche a la bondelle. ° 2. Désigne le fil de traîne qui pêche entre deux eaux. (p. 215) Demi-maille (f) (p. 169) Autre nom de la bondellière employé plus particu- lièrement à Chevroux. Dérégler (N - S) (p. 168) On dit qu'un filet est déréglé quand les noeuds des mailles se sont déplacés sous l'effet de tractions obliques. Dans ce cas, on dit que le filet "tire". 271. Dériveur (m) (p. 215) Sorte de flotteur en bois maintenant chaque fil de traine éloigné des autres lignes et hors des remous du bateau. Syn. : Diable. Descente (f) (Bé) (p. 162) 1. Ancien terme désignant le "bras de devant", tendu en "descendant" le vent, c'est-à-dire dans le même sens que le vent. 2. Synonyme de Bordure (Relevé à Portalban, Marin, (p. 169) Auvernier). 3. Fil principal d'une ligne de traîne auquel les (p. 215) bras sont attachés. Dévêtrer (N - S) (p. 130) "Se dit d'un filet dont par accident la vêtre s'est séparée de la toile sur une grande longueur. " (Rappo) Ant. : vêtrer. Diable (m) (E) (p. 207) 1. Ablette. (Rappo). Synonyme : Bleu, Tailleur. 2. Synonyme de Dériveur (terme vieilli) (p. 215) Dormantes (f. pi. ) (E) (p. 175) "Grosses perches (1 à 4 livres) se tenant immobiles au fond, isolément, au soleil. Très appréciées, on les chasse à la battue au printemps. " (Rappo). De nombreux pêcheurs parlent des "perches endormies". Drapeau (m) (N - S) (p. 142) Désigne indistinctement le croisillon et les polets de fond et de lève. Dzeu (f) (E) (p. 171) Synonyme de Afe. Echalouser (p. 133) Se dit des fils des filets de coton qui s'effilochent et deviennent peluches ou velus à la suite d'un usage prolongé. Les mailles dont les fils sont échalousés adhèrent les unes aux autres et ne s'ouvrent plus correctement. Note : Pierrehumbert donne : "Echalouser, Echalousser : défaire menu, effilocher, éplucher" (Nc - L. ). 272. Ecope (f) (p. 180) Pelle en bois pour prendre et lancer de l'eau (Larousse). Syn.. : Puisoir, Puisette. Engorger (N- S) (p. 156) Rattacher les bras au sac du grand filet (Rappo). Engorgement (m) (N-S) (p. 153) Raccord des bras du grand filet au sac. Enrêcher (N-S) (p. 183) Se dit d'un filet qui se roule autour du chalame. Les filets synthétiques s'enrêchent moins facilement que les anciens filets de coton. Epancher (N-S) (p. 235) Etendre la toile d'un filet pour la faire sécher tout en la vérifiant. Eponde (f) (N-S) (p. 155) "Bordage d'un canot de pêche" (Bise) Note : Ce terme ne désigne pas seulement la partie supérieure de la coque mais tout le flanc du bateau. "Le grand filet est ... étalé en plis réguliers sur les épondes du bateau" (Godet, Ph. : Neuchâtel pittoresque). Eponder (N - S) (p. 234) Réparer un bateau. Estrigue (f) (E) (p. 150) "Boucle de fer placée à l'arrière du bateau et dans laquelle on passait jadis une rame pour tenir lieu de gouvernail. " (Rappo) Note : Ce terme est sorti de l'usage avec la disparition des grandes barques. Etendage- (m) (N - S) (p. 234) "Assemblage de pieux et de perches où l'on range les filets pour les épancher. L'etendage se trouve sur un côté de la "baraque"; il est protégé contre le vent par des palissades de planches ou de roseaux. " (Rappo). 273. Etevau (m) (E) (p. 160) 1. "Tiges de vieilles bottes coupées servant de guêtres aux pêcheurs de grands filets. Jadis c'étaient des bottes "en galoches" (avec semelles de bois) faites en cuir de porc très épais et extrêmement lourdes. " (Rappo) 2. (N-F- Vd) "Grande botte de pêcheur montant au- dessus du genou et munie d'une forte semelle de bois" (Pierrehumbert). Syn. : Chauque. Note : Terme apparemment tombé dans l'oubli, les pêcheurs portant maintenant des bottes de caoutchouc. Etole (aussi étaule) (f) (p. 25) Autre nom de la bondellière utilisé dans la région de p* Chevroux et d'Estavayer. Note : Pierrehumbert indique Etole, étaule, parfois éteule : filet de battue simple dans le lac de Neuchâtel. A Auvernier, nom vieilli de la bondellière. Nous n'avons pas retrouvé ce terme dans le sens "filet de battue". Faix (m) (E) (p. 225) "Série de 60 berfous qu'on tendait ensemble; certains pêcheurs posaient jusqu'à 30 faix. " (Rappo). Note : d'après un vieux pêcheur d'Estavayer, on disait "fats" pour désigner des séries de 12 berfous. Faux-fond (m) (N-S) (p. 228) Elément amovible du "plancher" d'un bateau. Syn. : Paillot. Ficelle (f) (p. 173) 1. Cordelette reliant le filet de lève au flotteur. Note : terme utilisé dans les Concordats. 2. (N-S) Synonyme de Attache. Le terme de Ficelle est surtout utilisé pour désigner la cordelette reliant les berfous. Ficelle-mère (f) (N-S) (p. 210) Ligne principale d'un fil dormant ou flottant. Filoche (f) (p. 205) Êpoisette. (fig' 36' "P- 218) 274. Note : ce terme est employé dans les Concordats. Fils (m. pi. ) (N - S) Désigne les fils dormants ou flottants. On dit : "faire les fils ou les hameçons" pour pêcher à l'aide de ces engins. Fleuret (m) Tige métallique munie ou non d'un grelot, un fil de traîne devant le moulinet. (p. 209) (fig. 40, p. 218) (fig. 41, p. 218) supportant (p. 216) Flotte (f) Terme vieilli désignant le Bignet (voir ce mot). Il subsiste encore dans l'expression "Corde de flotte" qui est synonyme de Chalame. Note : Savoie-Petitpierre écrit, au sujet des filets de lève, "on les tient en suspens dans l'eau au moyen d'un certain nombre de "vions" en liège ou "flottes" en bois (BSPP No. 2.1915, p. 17). Nous n'avons pas retrouvé ce terme comme synonyme de flotteur de filet de lève et le mot "vion" n'est appliqué qu'à une mar. que flottante, non à un flotteur. (p. 139) Flotteur (m) A St. -Aubin, ce mot ne désigne que le flot. teur de filet de lève. Syn. : Bonde, Liège, Soliveau. (p. 139) (fig. 13, p. 144) Fond (f) (N - S) La fond est la ligne traînante la plus fortement plombée et qui pêche au fond. Fourchette (f) (N - S) (p. 215) (p. 228) Support en fer de la rame de la loquette et de la (fig. 46, p. 231) barque du grand filet. Frésillon (m) Troène (Relevé à Cortaillod et La Béroche, attesté dans Pierrehumbert). (p. 224) Galère (f) Nom donné jadis à la grande barque à fond plat utilisée pour la pêche au grand filet. (Terme signalé par un pêcheur staviacpis ins- tallé à Hàuterive). (p. 228) (fig. 49, p. 231) 275. Gambe (f) (p. 216) Engin de pêche composé d'une ligne portant 5 hameçons. Egalement : Pêche au moyen de cet engin. Note : terme employé dans les Concordats. Gambeur (m) (p. 97) Pêcheur "à la gambe". Gueugne (m) (p. 213) Vengeron (terme relevé à Yvonand) Gobe-mouches (m) (p. 214) Synonyme de Bouteille à vairons. Note : terme employé dans les Concordats. Goléron (m) (N - S) (p. 221) Désigne le tronc de cône constituant l'entrée, et l'entrée elle-même, de la nasse et du berfou. Syn. : Golet, Golette, Goulet. Golet (m) (p. 221) Synonyme de Goléron (Relevé à Cheyres). Golette (f) (p. 221) Synonyme de Goléron (Relevé à Yvonand) Gorge (f) (N-S) (p. 155) Endroit où le bras du grand filet est assemblé au sac, c'est-à-dire la limite de l'entrée de ce dernier. Gouille (f) (N-S) (p. 29) Zone marécageuse au bord du lac, temporairement inondée. Note : terme utilisé dans les Concordats. Goujonner (N - S) (p. 212) Pêcher des goujons à l'aide d'une goujonnière. Goujonniëre (f) (p. 206) Petit filet formant gouttière; utilisé pour la pêche des goujons. Note : terme utilisé dans lés Concordats 276. Goulet (m) (N - S) (p. 221) Synonyme de Goléron. Grediet (m) (E) (p. 211) "Noeud qui se forme par torsion dans la vêtre d'un filet ou la ligne des fils. " (Rappo) Grin (m) (E) (p. 211) Synonyme de Boutique. Gropeyre (f) (aussi grospeyre, grospeire ou le gros-pierre) (p. 147) Grand filet à sac Note : ce filet est mentionné dans les Concordats de 1869, 1876, 1886 et 1890. Guillette (f) (E) (p. 171) "Emmêlement de mailles de filet provoqué par le poisson". (Bise). Syn. : Queue, Rèvoûte, Veton. Hameçons (m. pi. ) (N-S) (p. 175) Synonyme de Fils dormants et flottants. Haut (m) (N-S) (p. 3) 1, le "Haut du lac" désigne l'extrémité ouest (région d'Yverdon), le "Bas" étant à l'est (St. -Biaise). 2. Le "Haut de filet" désigne la partie supérieure de (p. 167) l'engin : le chalame et les bignets. On dit "ramasser par le haut" quand les filets se sont emmêlés dans l'eau et qu'ils sont amenés sans grand soin dans le bateau, ou quand la menace de tempête oblige le pêcheur à retirer ses engins précipitamment. Dans ce deuxième sens, l'expression est synonyme de "ramasser en tas" ou "en plettes". Jambe (f) (N-S) (p. 211) 1. Cordelette reliant la marque flottante à la ' pierre, et à laquelle le fil flottant est attaché. 2. Dans l'expression "tendre en jambes", c'est-à- (p. 180) dire tendre les filets ou les fils en zig-zag ou (fig. 32, p. 195) en contours. Jaunet (m) (p. 258) Petit omble-chevalier (le grand omble-chevalier 277. semble avoir disparu de notre lac) Note : terme employé dans les Concordats, Joran (m) (N - S) Vent du nord ou nord-ouest. Lacer (E) Synonyme de Ansaler. Lancer (N-S) Dans l'expression "lancer une tirée ou un trait" : tendre et relever le grand filet. On dit également "faire ou poser une tirée, un trait". Lemi (m) Synonyme de "Bas de filet" employé à Chevroux et très répandu sur le Lac Léman. Lève (f) (N-S) 1. La lève désigne les filets flottants dits "de lève". Utilisé dans les expressions "tendre la lève", "faire la lève". Syn. : Paléière, Pic, Bondellière (si ce filet est tendu flottant). 2. Pour la pêche "à la traîne", désigne le fil qui pêche près de la surface. Lever Synonyme de relever ou retirer des filets. Seul à bord, le pêcheur généralement "lève de pointe", c'est-à-dire qu'il se tient à l'avant (à la pointe) du bateau. Liège (m) (Bé) Synonyme de Bonde. Liette (f) (N-S) Synonyme de Aillette, Autre syn. : yette. Note : terme attesté dans Pierrehumbert. Lolette (f) Synonyme de Biberon. Autre syn. : Sucette Note : terme employé dans les Concordats. Loquétte (f) (parfois aussi Liquette) (N - S) (p. 8) (p. 153) (p. 156) (p. 170) (p. 191) (p. 215) (p. 183) (fig. 13, (fig. 41, (fig. 46, (p. 139) p. 144) (p. 210) p. 218) (p. 217) (p. 227) p. 231) 278. Petit bateau à fond plat équipé d'un vivier, employé • pour la pêche aux hameçons ou à la battue. Machine à lever (f ) (N - S) Nom donné au treuil servant à relever les filets ten- dus au profond. Syn. Rouleau. (p. 185) Mâcon (m) (Bé) (fig. 26, Bâton sur lequel sont attachées les mailles de la manchette et auquel le chavon est amarré. Syn. : Marcon, Mougnon, Palonnier, Polonais. Note : D'après les pêcheurs, ce terme serait d'origine neuchâteloise tandis que marcon appartiendrait à la rive sud. Ce dernier mot est cependant beaucoup plus répandu que le premier, sur les deux rives, et, selon Pierre humbert serait le terme correct. Mâcon peut vraisemblablement être considéré comme une altération locale, voire familiale, de marcon. (P. P. 154) 158) MaiÔle (E) "Dans l'expression "faire maiôle", c'est-à-dire rentrer au port sans un poisson". (Bise) On dit aussi "être maiôle" ou "avoir une maiôle". (p. 151) Manchette (f) (N) Toile à grosses mailles en fil très résistant, d'environ 1 m. de long, placée entre le marcon et le premier ancelar afin de protéger ce dernier des déchirures que la pièce de bois pourrait y pro voquer. Syn. : Mantsette. (P. (fig. 26, p. Manger (N - S) Dans l'expression "manger des mailles" : passer deux mailles dans une pour compenser une différence de hauteur, lors du montage des ancelars par exemple. 154) 158) Manoille (f) (E) (p. 153) Poignée de la rame croisante. Synonyme de Nille. (p. 228) (fig. 46, p. 231) Mantsette (f) (E) (p. 154) Synonyme de Manchette. 279. Marcon (m) (N - S) Synonyme de Mâcon. Note : Nous n'avons pas retrouvé la pratique mentionnée par Pierrehumbert qui écrit : "on orne souvent les "marcons" d'un petit drapeau ou de feuillage pour les retrouver facilement". Il doit y avoir ici confusion avec le voiret ou le polet dont le rôle est de marquer l'emplacement du bras de derrière. Mettre en caisse (N-S) Désigne 1! action de préparer un fil dans une caisse munie de bandes de liège dans lesquelles les hame- çons' sont piqués. Mince (m) Dans l'expression "sur le mince", c'est-à-dire en eau peu profonde, sur le blanc-fond ou sur la beine. (Recueilli à St. -Biaise) . Syn. : Plat (p. 154) (fig. 26, p. 158) (p. 212) (p. 178) Momo (m) (E) (fig. I1 Synonyme de Patte, utilisé par un pêcheur d'Estavayer. Mont (m) (N - S) "Talus rapide qui du blanc-fond et du plateau sous-lacustre descend aux grandes profondeurs d'un lac (N - Vd - F). Ne pas . confondre avec la Motte, eminence au milieu du lac, dont le talus s'appelle également "le mont"." (Pierrehumbert). Monte (f) 1. Filef à sac Note : cet engin figure dans les Concordats de 1869, 1876, 1886 et 1890. 2. Désigne le "bras de derrière" tendu en "montant" le vent, c'est-à-dire contre le vent. Montée (f) (Bé) (p. 161) (fig. 26, p. 158) (p. 150) p. 9) (p. 148) Synonyme de Bordure. Monter (N - S) (p. 161) (p. 169) (p. 241) Monter un filet c'est fixer le chalame, la vêtre, les flotteurs et les plombs à la toile. 280. Morée (f) (E) "Petits frissons qui se produisent par place sur. l'eau, sous l'effet d'une très légère brise inter- mittente; cette brise elle-même. Une "morée" c bise est très favorable pour aller aux battues de platons. " (Rappo). Syn. : Risée. Motte (f) "Eminence au milieu du lac dont le talus seul s'appelle "le mont". " (Pierrehumbert) (p. 176) (p. 185) (fig. 2, p. 10) Mougnon (m) Synonyme de marcôn relevé à Portalban. Il s'agit vraisemblablement d'une dérivation de moignon (ou d'une prononciation locale ?), les extrémités du mar con portant un renflement qui empêche les cordes de glisser. Moule (m) Instrument de bois, soigneusement calibré, autour duquel les mailles sont filochées (Terme français). Nage (f) (N-S) Nom de la rame placée à bâbord arrière sur une barque de grand filet. Etait "à la nage" (ou "tenait la nage") le pêcheur qui, sur les grandes barques, tenait cette rame. Nansoir (?) Ancien nom de la nasse, utilisé dans les Concordats de 1869, 1876 et 1886. (p.. 154) (p. 129) (p. 150) (p. 27) Nappe (f) Synonyme de Flue : nappe fine, placée entre les deux hamaux d'un tramail. On l'appelle aussi demi-folle. (Larousse). Syn. : Toile. ¦ Nille (f) (N - S) Synonyme de Manoille. Ouvrier (m) (E) "Sac du grand filet". (Bise). Note : ce terme ne paraît plus utilisé. (P. (fig. 27, p. (P. (fig. 46, p. 166) 173) 228) 231) (p. 155) 281. Paillot (m) (S) (p. 228) Synonyme de Faux-fonds. Paléière (f) (N-S) (p. 169) Filet généralement à maille de 50 mm. utilisé pour la pêche à la palée. Plus souvent appliqué à un filet de lève, ce terme peut également désigner un filet de fond. Syn., : Lève, Pic. Note 1 : Pierrehumbert donne l'orthographe "paleyère" et un synonyme vieilli "paléause". 2 : Les Concordats du XIXe s. indiquent "la palliauza". Paleron (m) (N - S) (p. 228) Désigne la base élargie d'une rame de loquette g* ' "' ou de la barque du grand filet. Palette (f) (N - S) (p. 228) Synonyme de Paleron. Palonnier (m) (p. 154) Synonyme de Marcon. Nöte : selon les informateurs, il s'agit d'un des nombreux termes désignant le marcon donné par les ouvriers, savoyards pour la plupart, engagés pour le période du grand filet à l'époque des grandes barques. Panier (m) (S) (p. 225) Ancien nom du berfou. Pantière (f) (N - S) (p. 175) Filet de battue à simple toile à maille de 50 à 70 mm. Terme relevé à Estavayer. Note : Selon un informateur de Cortaillod, ce mot aurait été en usage dans la région Neuchâtel- Cortaillod jusque vers 1920. Parc (m) (N - S) (p. 180) Enceinte formée par l'extrémité d'un filet "' ' de fond recourbée sur elle-même. Parer (N-S) (p. 155) Disposer le grand filet sur l'éponde par brassées. Syn., : Piâter. Pas (m) (N - S) (p. 161) (fig. 26, p. 158) 282. "Enceinte formée par le grand filet ou le tramali". (Rappo). Patte (f) (N - S) (p. 161) Assemblage de chiffons ou vieux manteau ê* ' p" suspendu au polet et venant se placer devant le sac, sous le bateau, afin d'effrayer les poissons qui tentent de s'échapper. Syn. : Momo. Pelle (f) (N-S) (p. 228) Désigne la base élargie d'une rame de loquette s" ' ou d'une barque de grand filet, parfois la rame elle-même. Syn. : Paleron, Palette. Pendoille (ou pendouille) (f) (N - S) (p. 130) On a une pendoille quand la vêtre s'est séparée de la toile sur une courte distance. Terme attesté dans Pierrehumbert. Pendigoille (f) (N-S) (p. 130) Diminutif de Pendoille. Perche (f) ,(p. 179) 1. Synonyme de Bâton, Bois. 2. Long bâton avec lequel le pêcheur frappe la surface (p. 176) de l'eau, lors d'une battue. Pétufle (f) (N-S) (p. 138) Vessie de porc servant de flotteur au sac du grand filet. Actuellement, ce mot désigne tou- jours ces flotteurs bien qu'ils soient faits de ballons de caoutchouc ou de plastique. Piâter (E) (p. 155) Synonyme de Parer. (Rappo) Pic (m) ii^*****H*********************** ****************************