UNIVERSITÉ DE NEUCHATEL Contribution à l'étude des formations périglaciaires dans le Jura THÈSE présentée à la Faculté des sciences de l'Université de Neuchâtel pour obtenir le grade de docteur es sciences par ANDRÉ PANCZA Décembre 1979 A Nicole. La Faculté des sciences de l'Université de Neuchâtel, sur le rapport de MM. les professeurs D. Aubert, A. Burger, L. Kiraly, J.-P. Portmann et A. Jour- naux (Caen), autorise l'impression de la thèse présentée par M. André Pancza en laissant à l'auteur la responsabilité des opinions énoncées. Neuchâtel, le 21 mars 1979. Le doyen: J.-P. Schaer. Avant-propos Au moment de présenter le résultat de nos recherches il nous est agréable de remercier tous ceux qui nous ont prodigué leur aide. Cette étude sur les formations périglaciaires du Jura n'aurait été ni entre- prise, ni réalisée, sans le soutien et les encouragements constants de M. le profes- seur Daniel Aubert, directeur de notre thèse. Le professeur Aubert a su éveiller et développer notre goût pour l'étude géomorphologique ; ses vastes connais- sances de la morphologie jurassienne furent pour nous les guides les plus sûrs. Que ce livre témoigne de notre profonde gratitude à son égard. Nous avons pu effectuer les essais de gélivation expérimentale sur les calcaires du Jura, dans les laboratoires du Centre de géomorphologie du CNRS dirigé par le professeur André Journaux. Nous l'en remercions très chaleureu- sement. Le professeur Journaux a bien voulu accepter d'être membre du jury de cette thèse, malgré les nombreuses contraintes que lui imposent ses fonctions. Nous lui en sommes très reconnaissant. Lors de nos séjours à Caen, nous avons fait partie de l'équipe du Centre de géomorphologie, composée de jeunes chercheurs dont l'expérience nous a été très profitable. Nous tenons à remercier spécialement MM. Jean-Pierre Lautri- dou, Jean-Pierre Coutard, Michel Helluin et Jean-Claude Ozouf, nos amis, pour leur contribution efficace à la partie expérimentale de nos recherches. M. le professeur André Burger directeur de l'Institut de géologie a accepté de s'intéresser à ce travail et de participer à ce jury. Nous l'en remercions vive- ment. Notre reconnaissance va également aux professeurs Laszlo Kiraly et Jean- Pierre Portmann qui nous ont prodigué de nombreux conseils. Ils ont manifesté de l'intérêt pour notre étude et ont bien voulu la juger en tant que membres du jury. Pour leurs conseils précieux nous tenons à remercier MM. les professeurs B. Kubier, F. Persoz et J.-P. Schaer de l'Institut de géologie. En matière de climatologie, nous avons bénéficié de l'aide de M. le profes- seur J. Bonanomi, directeur de l'Observatoire de Neuchâtel et de M"" B. Burk- halter, responsable de la station climatologique de Chaumont. Qu'ils veuillent trouver ici, l'un et l'autre, l'expression de notre vive reconnaissance. Nos remerciements s'adressent aussi à nos amis, MM. Cl. Béguin, M. Garin et F. Tanner qui nous ont accompagné sur le terrain. 3 Nous ne saurions citer ici toutes les personnes, amis et collègues qui, par leurs conseils ou leurs renseignements ont grandement contribué à ce travail. Vouloir les nommer tous nous exposerait à en oublier d'autres. L'élaboration de cet ouvrage a été grandement facilitée à la fois par l'aide financière du Fond national de la recherche scientifique et celle du Canton de Neuchâtel. Enfin je tiens à remercier de façon plus particulière ma femme, qui fut ma précieuse collaboratrice tout au long de cette étude. 4 Introduction Depuis fort longtemps déjà l'étude de la géomorphologie jurassienne a suscité de nombreux travaux, mais la plupart ne traitent guère du rôle morpho- génique du gel. Les auteurs n'ont certainement pas voulu éviter le sujet, mais on a plutôt l'impression qu'ils n'ont pas jugé nécessaire de s'y attarder. Dans les monographies régionales on considère le gel - lorsqu'on en parle - comme un phénomène accessoire ne se manifestant que périodiquement et localement sans occasionner une transformation morphologique importante. Toutefois, Barsch (1969), Mathieu (1973), Petitot (1968) et Villain (1965) s'en préoccupent dans leurs études du périglaciaire jurassien, mais celles-ci sont trop localisées ou trop particulières pour avoir une portée générale. Ainsi, par un curieux hasard nous nous trouvons en présence d'un sujet délaissé, que personne n'avait examiné d'une manière approfondie. Notre intérêt pour une telle étude fut suscité - en plus de l'aspect nouveau du sujet - par notre goût du terrain, de la marche et de l'observation. Les buts de notre thèse peuvent se définir par l'objet même que nous nous proposons d'étudier. Ce sont : — l'intensité du gel actuel et le pouvoir morphogénique présent et passé de la gélivation, — l'étendue et la spécificité des formes périglaciaires ainsi que leur chrono- logie, — une interprétation de la morphologie jurassienne compte tenu de l'élément périglaciaire. Cette étude est divisée en trois parties : I. Etude climatique et paléoclimatique. II. Etude théorique et expérimentale de la gélivation. III. Observations et mesures de l'effet du gel et de l'évolution des versants péri- glaciaires jurassiens. 5 I. La première partie - qui prend des proportions inhabituelles pour une étude géomorphologique - sert de base et de support, d'une part à l'analyse de la désagrégation mécanique du substratum, d'autre part à l'examen du déplace- ment des matériaux sur les versants. Tout au long des chapitres consacrés aux études du climat, l'effort est centré sur la mise en lumière des facteurs climatiques favorisant la gélifraction. Des mesures de variations de la température - faites simultanément dans un abri de météorologie et dans une paroi rocheuse - per- mettent une meilleure interprétation des données des statistiques dimatologi- ques. Le but est de déterminer d'abord la fréquence et l'intensité du gel à diverses profondeurs, ensuite de préciser son efficacité. L'examen des températures « vraies » au niveau de la roche et en son sein nous donne une idée plus juste de l'efficacité du cycle gel-dégel. De plus, une transposition des conditions paléo- climatiques connues, permet d'estimer l'héritage géomorphologique des temps plus ou moins anciens. II. La connaissance des conditions climatiques n'est que l'un des éléments de la gélifraction des roches, l'autre se situant au niveau même du processus de la géli- vation. Notre étude théorique du gel est quelque peu sommaire. Pour l'appro- fondir il aurait fallu posséder une solide formation de physicien. Les facteurs influençant la gélivation : formation et fusion de la glace, prise et perte d'eau des espaces intergranulaires, conductibilité thermique de la roche, sont autant de paramètres qui interviennent simultanément dans des conditions souvent mal connues. Aussi, au lieu de les aborder sur le plan théorique avons-nous préféré préciser leur influence sur le plan expérimental. C'est aussi dans le but de mieux comprendre la gélivation des calcaires jurassiens que nous avons procédé à des expériences de gélifraction en labora- toire. Là, les échantillons prélevés dans diverses parois gélives furent soumis à un climat artificiel de type jurassien. Connaissant à la fois les propriétés physiques des échantillons et les conditions climatiques agissant sur eux, les résultats obtenus en laboratoire ont aidé à la compréhension de la gélivation naturelle. En outre, les essais en cours de thermoclastie artificielle donnent une première idée du rôle de l'insolation directe dans la fissuration et la microfissuration des calcai- res. III. Les deux premières parties: étude climatique et expérimentale, trouvent leur justification et leur aboutissement dans les derniers chapitres qui traitent des formations périglaciaires dans le Jura. Au début, il est question du périglaciaire zonal ou régional, ensuite nous étudions l'évolution actuelle des parois rocheuses et des éboulis. 6 On remarque d'emblée que la disposition spatiale des formations périgla- ciaires a un rapport direct avec l'aire d'occupation glaciaire de la période wiir- mienne ; il en résulte un périglaciaire zonal ou régional bien délimité. En plus de ces observations qualitatives, on a mesuré d'une part, le recul actuel des parois rocheuses et d'autre part, les mouvements dans les éboulis jurassiens, ainsi que l'évolution générale des talus. Nous sommes aujourd'hui en présence des formes réduites d'une activité qui fut jadis beaucoup plus intense ; seule la mesure de la vitesse de leur évolution actuelle permet d'en faire l'étude chronologique. Les interprétations s'appuient, tout au long de ce travail, sur des observa- tions précises et chaque fois que cela est possible, sur des valeurs chiffrées. Les limites géographiques de notre étude recouvrent l'aire jurassienne tout entière. Cependant, vu les dimensions de la chaîne, il est évident que tout le ter- rain n'a pas pu être observé avec la minutie que nous aurions souhaitée. C'est le cas pour la partie extérieure des Plateaux jurassiens ainsi que pour le Jura méri- dional. Par sa conception, notre thèse envisage toutes les formations morphologi- ques de la chaîne sous un éclairage particulier dû à la gélivation. Si certains de nos chapitres ne sont pas accompagnés de conclusions vérita- bles, c'est que la diversité des formes et formations est telle, qu'elle ne permet pas une généralisation. Le fait d'avoir axé nos recherches sur un aspect précis des processus mor- phogénétiques (le gel) nous expose à trop considérer l'évolution des formes sous cette optique. Nous en sommes conscient et connaissons les limites de la géliva- tion qui disloque la roche mais n'élimine pas les gélifracts ; c'est pourquoi un processus de transport doit la compléter. Elle n'agit pas non plus uniformément et son empreinte sur la morphologie est surtout visible par le recul des escarpe- ments. Et pourtant, combiné avec la corrosion, le gel reste l'un des processus mor- phologiques qui marque le plus les formes jurassiennes. 7 PREMIÈRE PARTIE Etude climatique et paléoclimatique CHAPITRE PREMIER Le climat jurassien Le Jura suisse est pourvu d'un réseau relativement dense de stations météo- rologiques; une douzaine, situées en bordure ou à l'intérieur de la chaîne; de plus, une cinquantaine de pluviomètres judicieusement répartis complètent ces points d'observation. Dès 1863, les données climatiques sont centralisées à l'Institut suisse de météorologie et publiées annuellement dans les Annales du même institut. Dès le début de notre siècle, de nombreux chercheurs ont accordé dans leurs travaux une grande importance au climat jurassien, Les uns, Sandoz (1949), Guyot et Perrenoud (1949), Uttinger (1948 et 1949), s'attachent à cer- taines particularités du climat; d'autres, S. Aubert (1932), Moreillon (1932), Spinner (1926), étudient plutôt le climat d'une région restreinte; d'autres, l'englobent dans le cadre plus vaste d'une étude hydrogéologique, Burger (1959), Tripet (1972). Par contre, rares sont les travaux comparatifs étudiant simultanément et pendant une assez longue période le climat de plusieurs régions. Seule la thèse de Balseinte (1966), consacrée aux climats montagnards de France, étudie le climat jurassien d'une manière élaborée. L'auteur y analyse les renseignements fournis par une vingtaine de stations météorologiques répar- ties dans le Jura français; il établit d'une part, des comparaisons fort intéres- santes entre les climats de diverses régions jurassiennes et d'autre part, entre les climats jurassien, vosgien, alpin et pyrénéen. Notre étude du climat jurassien, subordonnée à nos préoccupations géomorphologiques, n'a aucune prétention exhaustive. Certains facteurs clima- tiques : la température de l'air, les précipitations, retiendront plus longuement notre attention ; en revanche, l'étude de la pression atmosphérique ou de la visi- bilité ne sera pas abordée. Le choix des stations étudiées a été fait en fonction de l'altitude, afin de mieux mettre en évidence, d'une part l'influence de l'orogra- phie sur les facteurs climatiques, d'autre part l'incidence morphogénétique de ces mêmes facteurs. Les données fournies par les stations météorologiques suivantes ont servi à l'élaboration de ce travail : Neuchâtel (487 m), Chaumont (1141 m), Chasseron (1601 m), La Brévine (1042 m), Mont-Soleil (1183 m), et La Chaux-de-Fonds (990 m). Les trois premières stations prises chacune comme témoin d'une zone 11 attitudinale bien définie, fournissent l'essentiel des renseignements1. Les trois autres, n'interviennent que pour renforcer ou nuancer certaines données. Les résultats des stations météorologiques de Mouthe (940 m), Bellefon- taine (1030 m) ou des Rousses (1110 m) (Jura français) empruntés à Balseinte (1966) sont cités à titre de comparaison. I. La température de l'air Le climat jurassien, qualifié de tempéré et froid est caractérisé par ses contrastes thermiques saisonniers. Balseinte (p. 67) constate à propos de l'influence du relief que: «... la massivité de la chaîne jurassienne atténue le caractère maritime des régimes thermiques (encore visibles dans les Vosges) et accentue au contraire son caractère continental. » Sandoz (1949) insiste, dans le cas de Neuchâtel, sur le rôle déterminant du régime des vents surtout en hiver lorsque «... l'influence du vent sur la température de l'air est prépondérante. » A. MOYENNES ANNUELLES ET MENSUELLES DE LA TEMPÉRATURE Les températures moyennes nous renseignent sur les tendances générales du climat, mais ne donnent pas d'indications sur la répartition des valeurs autour de la moyenne mensuelle, pas plus que sur la fréquence des diverses températu- res. L'intérêt du tableau 1 est de nous permettre de comparer entre eux les régimes thermiques des diverses zones altitudinales du Jura et peut-être aussi à ceux d'autres zones climatiques. Tableau 1 Température moyennes mensuelles et amplitudes thermiques (1949-1969) JFMAMJJASO ND Ann. Neuchâtel -0,3 1,3 5,0 9,2 13,3 16,9 18,9 17,7 15,1 9,9 4,6 1,3 9,4 (487 m) Chauraont -2,6-1,9 1,14,8 8,9 12,2 14,3 13,4 11,3 7,0 1,6-1,3 5,7 (1141m) Chasseron -3,9 -3,8 -1,8 1,3 5,2 8,7 10,6 9,7 8,6 4,6 -0,2 -2,4 3,1 (1601 m) La Brévine -4,9 -3,8 -0,5 3,9 7,6 11,1 13,4 12,0 9,6 5,3 0,6 -3,1 4,3 (1060 m) 1 Les trois stations choisies ne sauraient être considérées comme «représentatives» de l'ensemble du Jura. 12 I1I1I1I1I1 zuu EHQEa i'ii;'i';'i'ii;iiii';'iii'ii;i:'i'i'i'iï 0n0"0n°'' [ITI1ITITI1I1I1I1I1I1I1I1I1Ii1I1I1I 1I111111111111I111I1I1I1I1I'iM 1I'1'!''1111I'ì1*! °~J> 0 o_"_° o °_"_° „ » ".» 0 °_"_° o °_"° o°"0„°°o„o °'o". 0 * o'.'ol 1° "oo" °"oo" °"oo" ° "00" ° "00" ''»'''io"' O „ " O "„ „~ 0 y,f.....p.y, i"i,p,y, i'i'i';';'i';i;i;i:i:iii;i;i;i;i;i;';i;iii; P—1—1—1— -i—1—1 1 ¦ r " liliîiiiii'iiilililî'i'i'i^iii'iîiiiiliiii'i'i'iïi vo„o"o/owo_o"oo-oo _ 00 0 00] llïlilllllllllllllllllllllllllllllllllilïïliïï!! 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Cette représentation des températures, basée sur les mêmes moyennes mensuelles que celles du tableau 1, a l'avantage de tenir compte simultanément de leur fréquence et de leur amplitude sans indiquer toutefois les températures extrêmes. L'inflexion des valeurs moyennes (entre 2 et 8° C env.) souligne le carac- tère continental de notre climat dont les saisons les plus marquantes sont l'été et l'hiver. B. LES VARIATIONS JOURNALIÈRES ET SAISONNIÈRES DE LA TEMPÉRATURE Notre étude basée sur les températures moyennes journalières est repré- sentée par la figure 2. Les années étudiées (1964 et 1965) ont été choisies à cause de leur représentativité : en effet, la comparaison des moyennes annuelles et mensuelles basées sur 18 ans, avec celle des années 1964 et 1965 prouve qu'il s'agit de deux années témoin. L'année 1964 s'inscrit parmi les années chaudes à contrastes saisonniers peu marqués: l'hiver fut assez doux et l'été particulièrement chaud. En 1965 la température de l'été tout comme celle de l'hiver fut inférieure à la moyenne. Le mois de février particulièrement froid, permet de donner une juste idée des températures rigoureuses qui régnent périodiquement dans le Jura. Malgré ces avantages, la figure 2 ne reflète pas la réalité quotidienne, c'est-à-dire, les variations journalières. Afin de mieux connaître les oscillations thermiques de courte durée et notamment les variations diurne-nocturne de la température, il est indispensable d'aller au-delà des moyennes calculées. Dans les stations météorologiques, les observations s'effectuent trois fois par jour: à 7 h. 30, à 13 h. 30 et à 21 h. 30. Les figures 3 et 4, représentent les températures de janvier et février ainsi que celles de juillet et août des années 1964-1965 ; elles ont été établies à la base des 3 mesures journalières considérées séparément. Ces quelques données sur les variations thermiques sont riches en rensei- gnements, d'autant plus qu'on n'a pas retenu ici les valeurs d'entre-saison. Pour les deux mois d'hiver, il est plus aisé de constater la répartition des températures autour de 0 0C, ainsi que l'influence de l'altitude sur celle-ci. 14 lïîilïïiTii °~4 « lllllll.'llllllliùilllllllllill i!i!i!i!i|i';|;|;';';|i'i'i'i';'i'i';';ii';'i'i'';';'i!;!i|i|i'!i'l ri* ...... , ' : ' : ' : ' ; ' : ' ; ' ; » ; ' ; ' ; ' ; » ; ' ; ' : ' ; » ; ' : j ; i ; i ; » ; i ; j : ' : ' : ' ; » : » : i : i ' i : ' : ' : ' : ' : ' : i : i : i : i : » : » ; » : ' : * : » : i : i : i : < : r : i : t : J i.i^i ; i I ° » Ö °° o oo î"»o"°"o»"°"oov»"oo ° oo ° oo i';'i';'i'i'i'i'i'i';';ii'i'i'i';'i';';ii'i'ii;';'i';'i';';':i:';';';';';';';'i'i'i';';';'i -i—1111 oo r oo - oo - oo - oo ¦ oo " oo ° oo ° oo ° oo o 0o ° oo ï oo i *¦'':'¦'»;«¦•*¦•«;«;«:';';*:¦;'; i ; «.•¦ T' ;¦;¦ : ¦ :"¦:*:*:¦: ' :ï; ¦ ; ¦ : ¦ : ¦ : t ;*:¦;¦:¦:¦:¦:¦:¦:* : * ; ¦ *¦ -»—t t > » ¦ » ' " " * * i:i;i|iIiii:i:i:i:iii:i:i:i:i:i:i:i:i:i:i:i:i!i!i;i;i;i!i:i;i;i!i!i!i!i!i:i:i:i!i!i!i!i!ï ' u' ''J 11IIIIIII* 'V'Vi.'iVi.'t ò„o"o„o"o„ouo„o"o„6,o.B QQ goo 0OQ 0OO "oo 0OO ? oo ° oo |ifi|i|i|iri!i!i!i!i!r!i!i!i!i:r!i!i!i'i!i|'i|iìi!i!ì!i!i|irilil CD E 5 -I—I—I—I—I-T—I- —I—I—;—I—I—I—p~i—I—ill ¦n'tf ¦»>'¦> Iili!ili!i!i!i|i|i!i!ilili;i -T—I—J—I—I— -I . 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Comparée à la figure 3, elle nous donne une idée de l'amplitude thermique annuelle, et aussi des variations thermiques estivales en fonction de l'altitude. Sous cette forme, ces valeurs ne sont pas utiles à notre étude morphologique mais, sachant qu'il y a une forte corrélation entre le réchauffement des parois rocheuses exposées au soleil et celui de l'air environnant, les températures estivales fourniront d'utiles rensei- gnements pour l'étude de la thermoclastie. C. LES TEMPÉRATURES MINIMALES EXTRÊMES Nous n'avons encore rien dit des températures jurassiennes extrêmes, ni des valeurs saisonnières minimales et maximales. Le tableau 2 représente les températures minimales mensuelles des stations de Neuchâtel, Chaumont, Chas- seron et de La Brévine. Nous sommes certes en présence de froids assez rares, mais des tempéra- tures proches de ces extrêmes sont fréquentes. Il suffit pour s'en convaincre de remarquer que des grands froids ne sont pas des phénomènes isolés mais plutôt des éléments exceptionnels d'une série de plusieurs jours rigoureux. - Les moyennes représentées par le tableau 2 cachent partiellement la réalité ; màis les plus grands froids mesurés donnent une idée plus juste des températures extrêmes de certains hivers particulièrement froids. - Parallèlement à l'abaissement général des températures minima avec l'alti- tude, on note également un prolongement de la période froide. En effet, le nombre de jours pendant lesquels la température est susceptible de descendre en dessous de 0 0C varie du simple au double entre le pied du Jura et les sommets les plus élevés de la chaîne. Balseinte (1966) note que «... les crêtes jurassiennes doivent avoir droit, entre 1500 et 1700 m, à 200 jours de gel par an. » Nous le pensons également. Tableau 2 Moyennes des températures minimales mensuelles (1949-1966) J FMAMJ JA S OND Ann. Neuchâtel -8,6 -7,3 -4,7 1,1 5,0 9,4 11,7 10,8 7,2 1,4 -1,7 -5,3 1,6 (487 m) Chaumont -12,0-12,1 -9,0-3,6 2,4 4,6 6,3 6,1 3,6 -2,1 -5,8 -9,6 -2,8 (1141 m) Chasseron -14,1-14,3-11,7-7,1 -3,2 0,8 3,3 2,9 -0,4 -4,6 -8,2 -11,8 -5,2 (1601 m) La Brévine -23,1-19,7-17,1-6,5 -0,7 3,5 5,3 3,3 -0,5 -6,9 -11,5-19,5 -7,8 (1060 m) 18 Minimums absolus Neuchâtel: le 10.11.1956 -19,2 0C le 14.1.1963 -18,8 0C Chaumont: le 10.11.1956 -25,6 0C le 24.XII.1962 -19,6 0C Chasseron: le 2.II.1956 -27,8 0C le 24.XII.1962 -21,00C La Brévine: le 13.1.1963 -35,6 0C le 13.1.1968 -39,3 0C Pour conclure, il est intéressant de noter que les plus grands froids de l'année ne se situent pas obligatoirement pendant le mois le plus froid. Leur répartition pour les 18 années étudiées est la suivante: Novembre Décembre Janvier Février Mars Neuchâtel 3 10 3 2 Chaumont 13 6 5 3 Chasseron - 3 6 4 5 La Brévine 13 8 3 3 Plusieurs questions se posent : Quelle est l'importance de ces grands froids ? S'agit-il de gels efficaces capables de faire éclater la roche saine? Nous tenterons d'y répondre dans notre étude analytique des conditions de gélivation juras- sienne. De toute manière, avant d'examiner les éventuels effets de la cryoclastie, il est nécessaire de connaître un autre facteur physique tout aussi important que le gel: la teneur en eau des espaces intergranulaires de la roche. L'étude des précipitations dans le Jura devrait permettre une approche quantitative et quali- tative des problèmes de saturation du calcaire en eau. II. Les précipitations Indépendamment de leur nature physique - pluie, grêle, neige - et de leur quantité, les précipitations peuvent être étudiées d'après leur fréquence, leur intensité et leur durée. L'influence du relief sur les précipitations est indiscutable. Certains auteurs vont jusqu'à établir des gradients permettant de calculer l'accroissement des précipitations avec l'altitude. Uttinger (1949) a établi que dans le Jura les préci- pitations moyennes annuelles varient de 34 mm pour une dénivellation de 100 m. Mais l'auteur reconnaît que le coefficient de corrélation (0,60) est trop faible pour que la formule soit applicable. Dans une note intéressante, Berger et Chaussard (1959) ont étudié ce même problème dans le département du Jura (France). Ces auteurs attirent l'attention sur l'existence «... d'axes de minima et de maxima secondaires de précipitations, nettement différents des crêtes», et les expliquent par des phénomènes inhérents aux perturbations mêmes. Ils notent qu'un système nuageux à large développement horizontal est moins influencé par le relief 19 qu'une perturbation orageuse. De plus, la direction du vent dans les basses cou- ches de l'atmosphère, ainsi que la couverture forestière semblent influencer aussi la répartition des précipitations dans le Jura. Notre étude des précipitations est surtout quantitative. Nous voulons connaître par les observations d'une dizaine de stations pluviométriques, cer- tains traits particuliers des précipitations jurassiennes, ceci en vue d'une généra- lisation. A. LES PRÉCIPITATIONS SAISONNIÈRES ET ANNUELLES La grande variabilité des précipitations annuelles autour de la moyenne nous incite à baser nos calculs sur une période fixe. En effet, seuls les résultats enregistrés pendant les mêmes années fournissent une valeur comparative réelle, même si la période étudiée est relativement courte. Nos moyennes s'écartent quelquefois sensiblement des moyennes calculées sur une longue période d'observation (60 ans ou plus), mais basées sur des mesures relativement récen- tes, et réalisées avec des pluviomètres normalisés et identiques, elles ont l'avan- tage d'être valablement comparables. L'examen des données pluviométriques du tableau 3 nous suggère les remarques suivantes: - La pluviosité est peu variable au cours de l'année. C'est au printemps (mars, avril, mai) que se situent les précipitations les plus faibles, et en été les plus fortes (juin, juillet, août; type E.A.H.P.). - La situation géographique dans la chaîne jurassienne semble jouer un rôle plus déterminant que la topographie. Ainsi, les stations françaises du Jura central (Bellefontaine, Lamoura) situées dans les vallées, sont plus arrosées que les crêtes de l'arc interne (Chaumont, Chasseron). Neuchâtel, au pied du Jura, se trouve partiellement à l'abri des vents océaniques. A l'intérieur de la chaîne, La Brévine et Mont-Soleil sont abondamment arrosés. 1. Les moyennes mensuelles Les moyennes mensuelles (fig. 5) permettent de nuancer notre interpréta- tion de la répartition des précipitations. Nous constatons encore, que la pluvio- sité est assez peu variable au cours de l'année. Les deux minima, l'un au prin- temps (mars, avril), l'autre en octobre et les deux maxima de l'été et du début de l'hiver sont les plus marquants. Le maximum de novembre et de décembre est moins important que celui de l'été ; pourtant il nous intéresse davantage car ces abondantes pluies du début de l'hiver favorisent la saturation des pierres. Toute- fois, une bonne imbibition de la roche exige un milieu constamment humide. Les quelque 250 mm de précipitations qui tombent pendant les deux derniers mois de l'année sur les crêtes du Jura suffisent-elles à créer ces conditions ? L'étude de 20 la fréquence des précipitations d'une part, de l'humidité relative de l'air et de !'evaporation d'autre part, devraient permettre de mieux analyser ce problème. Tableau 3 Les précipitations saisonnières et annuelles (1949-1966) Hiver Printemps Eté Automne Année Neuchâtel (487 m) 238,3 194,1 279,9 236,7 949,0 Chaumont (1141 m) 286,5 248,9 339,2 279,8 1154,4 Chasseron (1601 m) 381,4 333,6 452,2 390,3 1557,5 Mont-Soleil (1183 m) 376,8 327,2 406,5 344,9 1455,4 La Brévine (1060 m) 313,9 307,5 404,4 354,1 1379,9 Bellefontaine (1030 m) Lamoura (1151 m) 503. 497. 471. 510. 544. 565. 539. 547. 2057. 2119. B. FRÉQUENCE MOYENNE DES PRÉCIPITATIONS La fréquence des précipitations, exprimée par le nombre de jours durant lesquels il a plu ou neigé n'a pas toujours suscité l'intérêt qu'on lui accorde aujourd'hui. Certes, les exploitants agricoles s'en sont depuis toujours inquiétés, mais le rôle primordial qu'elle joue dans de nombreuses activités humaines est assez récent. En plus des géographes, les hydrologues, les aménagistes s'en préoccupent et la fréquence des précipitations est souvent considérée comme un véritable « indice touristique » (Clausse et Guérout, 1955). Certes, l'intensité des pluies est négligée dans les études de la fréquence des précipitations où les pluies de 0,3 mm figurent au même titre que les grosses averses, mais dans les deux cas il s'agit de phénomènes extrêmes et relativement rares. Nos moyennes calculées pour la période de 1949-1966 permettent de constater : - une répartition étonnamment régulière de la fréquence des précipitations au cours de l'année (tableau 4) ; — un accroissement du nombre des jours de pluie avec l'altitude, inférieur toutefois à celui de la quantité des précipitations. 22 Tableau 4 Fréquence moyenne des précipitations1 (1949-1966) J FMAMJ J AS OND Ann. Neuchâtel 13,5 11,6 11,9 12,5 13,0 14,0 11,8 13,6 11,9 10,8 13,7 13,7 152. (487 m) Chaumont 13,5 11,6 12,3 13,2 13,7 14,4 11,9 13,3 12,1 11,3 13,9 14,3 155,5 (1141 m) Chasseron 15,4 13,4 13,7 15,6 15,2 15,4 13,3 15,3 13,9 12,8 14,7 15,9 174,6 (1601 m) Mont-Soleil 16,0 14,0 14,0 14,8 15,1 '15,9 13,1 14,9 12,8 11,6 15,3 15,5 173. (1183 m) LaBrévine 14,2 12,2 12,1 14,4 14,5 15,1 13,4 14,2 12,9 11,4 14,2 14,4 163. (1043 m) Fréquences moyennes annuelles des précipitations d'après R. Balseinte (1951-1960) Mouthe(940m) 158 Lamoura (1150 m) 134 Bellefontaine (1030 m) 168 Les Rousses (1110 m) 159 1 Nombre de jours de précipitations 3=0,3 mm. Ainsi, les maxima de précipitations de l'été et du début de l'hiver s'expli- quent plutôt par l'intensité des pluies que par leur fréquence (fig. 6). D'après Burger (p. 103) «...les fortes chutes de pluie journalières atteignent une fréquence maximum en août et en novembre. Au mois d'août, les orages en sont la cause, tandis qu'en novembre, il faut y voir une puissance particulière des pluies dépressionnaires. » Pour nous, les figures 5 et 6 mettent en évidence un fait essentiel : les chutes de pluie du début de l'hiver sont relativement fréquentes et abondantes sur les crêtes du Jura. C. LES PRÉCIPITATIONS NEIGEUSES Nous n'avons rien dit encore de l'importance de la nivosité. Pourtant la neige nous intéresse en tant qu'apport d'humidité lors de la fusion, et par son rôle d'isolant thermique. 1. Fréquence annuelle des jours de neige Est considéré comme jour de neige celui où les chutes correspondent au minimum à 0,3 mm d'eau de fonte. L'intensité des chutes de neige est négligée (tableau 5). Uttinger (1933) donne le nombre moyen des jours de neige pour plusieurs stations jurassiennes; à titre de comparaison nous reprenons ses résultats. Les données du Jura français sont empruntées à l'ouvrage de Balseinte (1966). 23 ^ I......:1:1:1:1:1:1:1 U 00 i.,...,.,.,r,:.vr..;.: i'ì'i':';i;i:i:i:i:i b „u u„ 0 „u »n n—1—1—1—1 . . r ¦ "1 i:i:i:i:i:i:i:iTTTil I • * * .* :1:1:1:1:1:1:1:1: 11:1:1:1:1:1 -°"°-o"< —I—f * T1 f .1 I .1,.,T__|_ ^ '0 suo 0' I'''''''It-*f y **.. « *t *• *r *t ' 1 * 1 i'i'i'i';'i';i:i;i;i; ___________________I" e'.'o ° o'.o ~t—i—i—I—i—1—I—T-I—r*T—;—'r~r rs—',',',',',',','^—^-1—!—• • ITTT1TT 11:1:1:1:1:1:1:1:1" F.v:T°7-"° 11:1:1:1:1:1:1:1:1:1:1:1 |o „ 0 " oV< —t—i—t. ,1, r., 1__1—1__1—1__i_ 11:1 ; 1 : Î : 1:1 ; 1 : r : iJiTT ...... 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K-:-:-:-: n : 1:1:1:1:1:1:1 ; 1 p-------------- lo°"° O0"0 n ° " ' E ii : 1 : 1 : 1 : 1 : 1 : 1 : 0 °.".° 0 °." ° 0 ° " < E 11:1:1:1:1:1: >_-_-_-_-_-_-_-_-_-_ r-"»":.".»'« f-:-:-:-:-: lllïlïl C'est en janvier qu'on rencontre le plus grand nombre de jours de neige ; les valeurs de février et de décembre sont très proches (le mois de février étant plus court). Leur nombre est fortement lié à l'altitude. Sur les crêtes on compte cinq mois avec chutes de neige dominantes - de mi-novembre à mi-avril - toutefois elle n'est pas rare en mai et en octobre ; et n'est exceptionnelle qu'en été et en septembre. Les données d'Uttinger, calculées pour la période de 1901 à 1930 (tableau 5) s'écartent sensiblement de nos résultats. Nous constatons en effet une diminu- tion générale des jours de neige dans chacune des stations. Est-ce dû au réchauf- fement progressif de la température signalée précédemment? Le tableau 5 nous renseigne sur la fréquence des chutes de neige à diverses altitudes mais il n'indique ni la durée de la couverture nivale, ni l'épaisseur de la neige tombée. Pourtant, l'intérêt de ces deux facteurs complémentaires est tel qu'on ne saurait les ignorer. Tableau 5 Fréquence annuelle des jours de neige et coefficient de nivosité (de 1949 à 1966) J F MAMJ JAS O ND Ann. Uttinger (1901-1930) Neuchâtel 7,7 5,9 3,1 1,9 0,1 - - - - 0,1 2,4 4,7 25,9 28 (487 m) Chaumont 10,4 10,3 7,1 6,3 2,1 0,2 - - 0,5 2,0 6,8 10,4 56,1 63 (1141 m) Chasseron 14,1 12,9 10,8 10,3 5,0 0,9 - - 1,8 4,7 11,8 13,7 86,0 — (1601 m) Mont-Soleil 13,3 11,6 8,2 7,7 2,1 0,3 - - 0,5 2,3 8,1 11,5 65,6 75 (1183 m) LaBrévine 11,4 9,9 7,1 5,5 1,6 0,4 - - 0,4 2,0 7,0 9,9 55,2 69 (1143 m) Mouthe (930 m)................................................ 41. Bellefontaine (1030 m).......................................... 50. Les Rousses (1110 m)........................................... 48. Coefficient de nivosité (en % des jours de précipitations) Neuchâtel 17% Mont-Soleil 39% Bellefontaine 31 % Chaumont 36% LaBrévine 34% Les Rousses 30% Chasseron 52 % Mouthe 27 % 2. L'enneigement moyen annuel L'observation de la couverture neigeuse se fait par estimation. Générale- ment, le sol est considéré comme libre de neige si plus de la moitié de celui-ci en est dépourvu. Donc, l'épaisseur n'est pas directement envisagée. 25 L'enneigement est très variable d'une année à l'autre. Il dépend de plusieurs facteurs climatiques dont les principaux sont: les variations de la température de l'air, le nombre de jours de neige, la quantité tombée, l'ensoleil- lement, l'humidité de l'air, le vent, etc. Toutefois, on observe une tendance à la régularité avec l'altitude (tableau 6) où le nombre de jours enneigés varie moins d'une année à l'autre que dans les zones basses. Ceci provient du fait qu'au delà de 1300 m environ, les sommets jurassiens se couvrent de neige dès le début de l'hiver, et que souvent celle-ci subsiste pendant toute la mauvaise saison, tandis que plus bas on assiste chaque hiver à plusieurs enneigements et fontes successifs. Le tableau 6 représente l'enneigement moyen annuel à Neuchâtel, à Chaumont et au Chasseron. A titre de comparaison, nous indiquons également pour les stations de Neuchâtel et du Chasseron un hiver à couverture neigeuse particulièrement court, et à l'opposé, un hiver à couverture neigeuse exception- nellement long, pour exprimer en quelque sorte, l'amplitude du phénomène. Tout comme le nombre de jours de neige, l'enneigement annuel est aussi fonction de l'altitude, mais l'exposition, la déclivité, la couverture et la nature du sol ont aussi une grande influence sur la durée du tapis de neige. A ce sujet Moreillon (1933) a fait d'intéressantes observations sur la durée d'enneigement au versant SE du Suchet. Voici (p. 27) un extrait de ses tableaux. La moyenne est calculée pour la période allant de 1911 à 1930. Tableau 6 Enneigement moyen annuel Sep. Oct. Nov. Neuchâtel (487 m) (1956-1966) Neuchâtel (1960-1961) Neuchâtel (1962-1963) Chaumont (1141 m) (1956-1966) Chasseron (1601 m) (1956-1966) Chasseron (1963-1964) Chasseron (1964-1965) 3 1 8 1 19 Dec. 1 4 6 6 11 20 18 27 10 27 7 31 Janv. Fév. 11 6 1 26 27 26 24 30 28 21 29 31 28 Mars Av. 3 1 22 7 30 24 31 20 30 30 Mai Année (jours) 25 8 59 1 114 6 172 138 12 189 26 Altitude m. Nombre de jours d'enneigement 1600 186 1400 171 1200 154 1000 108 800 60 Ces moyennes sont légèrement supérieures à celles du tableau 6. 3. Epaisseur de la neige En raison surtout de la rareté des documents et de l'hétérogénéité des moyens d'observation, la masse de neige gisante est un phénomène difficile à exprimer numériquement. Les moyennes du tableau 7 ont été calculées pour la période de 1950-1951 à 1965-1966 pour Neuchâtel et le Chasseron, tandis que les chiffres de Chau- mont résultent d'une série plus courte (1963-1964 - 1969-1970). Par consé- quent, il s'agit de données d'une valeur purement indicative.1 Nous constatons que, comme pour la durée de l'enneigement, la variation annuelle de l'épaisseur de la neige est plus faible en altitude. Sur les sommets, l'accumulation se poursuit pendant toute la mauvaise saison, cependant qu'au pied du Jura, la couverture neigeuse n'a qu'un caractère momentané et fond le plus souvent au bout de quelques jours. Tableau 7 Epaisseur de la couverture neigeuse (cm) Oct. Nov. Dec. Janv. Fév. Mars Avr. Mai 1 15 1 15 1 15 1 15 1 15 1 15 1 15 1 15 Neuchâtel (487 m) - - 1 _ 3 1 8 2 4 1 1 — _ _ _ (1950-1951- 1965-1966) Chaumont (1141 m) - - - 4 15 26 35 39 43 59 56 54 24 22 2 - (1963-1964 - 1969-1970) Chaumont - - 5 5 18 4 _ 2 (1963-1964) Chaumont - - - - 34 78 68 34 33 101 142 183 156 150 12 - (1969-1970) Chasseron (1601 m) 2 - 6 12 13 29 46 66 67 78 80 79 58 41 12 - (1950-1951 - 1965-1966) Chasseron - - - 4 9 13 — 25 21 21 30 26 29 4 - - (1963-1964) Chasseron - - 5 9 34 68 110 141 152 159 157 142 152 127 27 2 (1962-1963) 1 Dans sa thèse, Tripet (1972) étudie d' une manière fouillée la couverture nivale du bassin de la source de PAreuse. 27 Cette partie de notre travail, consacrée aux chutes de pluie et de neige dans le Jura, a permis de souligner certains faits importants pour la morphologie péri- glaciaire. Voici les plus caractéristiques : - La répartition des précipitations au cours de l'année (du type E.A.H.P.) et leur abondance au début de l'hiver sont des éléments déjà relevés précé- demment. Ce surplus d'humidité au début de la mauvaise saison assure une bonne imbibition de la roche, favorisant la gélifraction ultérieure. - La présence du manteau neigeux sur les sommets jurassiens a aussi son influence sur l'évolution périglaciaire. En hiver, sa couverture empêche !'evaporation (celle-ci s'exerce sur la neige), mais lors de fontes partielles elle favorise l'imbibition des roches sous-jacentes. De plus, ne recouvrant qu'imparfaitement les escarpements elle n'entrave aucunement leur géli- fraction. - Au printemps, la fonte de la couverture neigeuse a aussi des influences multiples : ce sont d'une part, les phénomènes de mouvement de masse sur les versants où l'eau de fonte s'ajoute à celle des précipitations, et d'autre part, l'intense gélifraction sur les affleurements rocheux en bordure des plaques de neige en fusion. III. Humidité de l'air et evaporation En climatologie, l'humidité de l'air est le plus souvent exprimée par la tension de vapeur d'eau qui y est contenue ou par l'humidité relative. L'évapora- tion est directement liée à l'humidité relative de l'air. Cette humidité est elle- même associée à la température de l'air par une relation à peu près inverse. A. HUMIDITÉ RELATIVE DE L'AIR L'étude de Schùepp et Urfer (1971) donne les moyennes mensuelles et annuelles de l'humidité relative pour plus de cent stations climatologiques suisses dont plusieurs se situent dans le Jura. Au tableau 8, nous reproduisons quelques valeurs empruntées à cet ouvrage. Les moyennes ont été calculées pour la période (1931-1960) excepté celles du Chasseron basées sur (1954-1965), et qui ont été adaptées1. Nous constatons une moyenne annuelle de l'humidité assez élevée dans tout le Jura. L'altitude n'a qu'une faible influence ; toutefois, on remarque une légère augmentation, du reste irrégulière, vers les sommets. Quant à la variation saisonnière de l'humidité de l'air, elle est plus marquée. En été, l'air est sensi- blement plus sec qu'en automne ou en hiver. Un extrait de nos enregistrements (fig. 7) réalisés à la Vue-des-Alpes (1280 m) à l'aide d'un thermo-hygrographe, fournit un exemple de la variation 1 Adaptation Ann. Schweiz. Met. Zentr. 1971. 28 1 e tu H £ de l'humidité relative de l'air en fonction de la température. On remarque en particulier sa très forte diminution pendant les heures ensoleillées. Ces variations de courte durée, mais fréquentes, se trouvent annulées dans les moyennes. La variation de l'humidité de l'air est l'un des paramètres influençant direc- tement !'evaporation. Dès lors, allons-nous assister à une diminution de !'evapo- ration pendant la mauvaise saison ? Si oui, quelle va être son importance et quelle sera l'influence de l'altitude dans ce cas? Tableau 8 Humidité relative de l'air (1931-1960) D'après M. Schüepp et Ch. Urfer J FMAMJ J AS OND Ann. Neuchâtel 85 81 74 69 70 71 69 72 78 83 86 87 77 (487 m) Chaumont 84 84 79 77 77 78 77 79 83 84 85 85 81 (1141 m) Chasseron 81 79 81 81 81 79 79 81 79 80 81 81 80 (1601 m) Mont-Soleil 80 78 73 72 73 75 74 77 79 80 82 79 77 (1183 m) LaBrévine 84 81 77 74 72 71 71 74 78 81 83 84 78 (1042 m) La Chaux-de- Fonds 84 81 77 75 75 75 74 76 80 82 84 85 79 (990 m) I Valeurs en %. B. EVAPORATION Le phénomène de !'evaporation de l'eau est complexe ; il est lié à plusieurs facteurs dont les plus importants sont : la température de l'eau, la température de l'air avec son humidité relative et la vitesse du vent. D'autres facteurs intervien- nent aussi, comme l'insolation, l'épaisseur de la lame d'eau et les dimensions de la surface d'évaporation. « La hauteur d'eau évaporée dans un temps déterminé est proportionnellement plus considérable pour une petite surface que pour une grande, toutes choses égales d'ailleurs», écrit Sanson (p. 27). A cause du nombre élevé des paramètres qui influencent !'evaporation et de l'absence d'observations systématique il est difficile de se faire une idée précise de son importance dans le Jura, d'autant plus que les conditions d'observation ne sont pas similaires. Au siècle dernier Kopp (1859), désireux de connaître !'evaporation du lac de Neuchâtel, effectua des mesures à l'aide d'un «vase évaporatoire » circulaire (de 1 m de diamètre et de 15 cm de profond) installé sur les quais de Neuchâtel. II mesura une evaporation annuelle de 763 mm (p. 44). De patientes observa- tions effectuées pendant plus de 20 ans à Montcherand (565 m) au pied du 30 Suchet, ont permis à Moreillon (1932) de calculer !'evaporation moyenne annuelle. Ses mesures ont été faites avec un évaporomètre Wild de 250 cm2 de surface d'évaporation. Il utilisa aussi un appareil enregistreur Richard destiné à mesurer la vitesse de !'evaporation par rapport aux conditions microclimatiques. Voici l'essentiel de ses résultats (en mm) : Janv. Fév. Mars Avril Mai Juin 14,1 20,4 39,2 54,9 68,3 74,4 Juil. Août Sept. Oct. Nov. Dec. Année 86,4 79,8 52,4 30,0 19,6 15,7 555,2 En plus de ces moyennes déjà très explicites, l'auteur a fait certaines obser- vations plus particulières parmi lesquelles nous retiendrons : l'étude de !'evapo- ration pendant les jours d'hiver sans dégel. Il constate que (p. 53 8) «... pendant la période 1911-1930, il y a eu à Mont- cherand 324 jours (4,4%) sans dégel, avec température moyenne des maxima absolus de -2,61 0C au cours desquels il s'est évaporé 94,8 mm d'eau congelée, soit 0,293 mm par jour. » Ceci correspondrait à une moyenne mensuelle (à sup- poser qu'il y ait un mois sans dégel) de 8,77 mm! Burger (1959) désire connaître l'intensité de !'evaporation dans diverses stations du Jura, aussi recourt-il au calcul théorique. A l'aide de la formule de Skyenkiewicz adaptée par Lugeon (1928) il obtient les résultats que voici: Neuchâtel JFMA M J J A S O N D Ann. (mm) 13 19 48 69 96 116 152 134 86 41 18 12 804 La Chaux-de-Fonds 13 17 37 42 57 76 96 94 71 49 27 16 595 Chasseron 11 13 20 21 29 39 57 53 40 32 19 14 348 Tripet (1972) a mesuré !'evaporation de 1966 à 1969 à la station du Grand-Gardot (1091 m) située dans le Haut-Jura neuchâtelois. Les moyennes mensuelles et la moyenne annuelle de la période envisagée sont les suivantes : Le Grand-Gardot (1091 m, evaporation en mm) J FMAMJ J AS OND Ann. 16 28 35 47 60 52 72 56 47 55 26 15 509 Primault (1972) cartographie «!'evaporation brute durant la période de végétation » du territoire vaudois. Il montre que sur les sommets jurassiens la colonne d'eau évaporée n'excède pas 400 mm, alors qu'au pied du Jura et sur le Plateau vaudois elle dépasse généralement 650 mm. Dans la formule de 31 Primault !'evaporation diminue avec l'altitude, cependant que l'ensoleillement direct favorise l'évapotranspiration. Les mesures de Kapp, de Moreillon, de Tripet ainsi que les résultats de Burger et de Primault présentent certaines analogies et nous suggèrent quelques remarques. L'evaporation est plus faible en altitude que dans les zones plus basses. S'agit-il d'une diminution proportionnelle, progressive ou régressive? Il n'est pas possible de le préciser. Toutefois elle est importante ; en effet, si !'evapora- tion est de 600 à 800 mm au pied du Jura, elle n'est plus que de 500 à 600 mm dans les hautes vallées et elle diminue encore pour n'atteindre que 350 mm au sommet du Chasseron (1601 m). L'intensité de !'evaporation varie encore plus au cours des saisons. Elle est cinq à six fois plus importante en juillet qu'en janvier et d'une manière générale, elle est très faible pendant les jours froids sans dégel. L'incidence des variations de !'evaporation sur la gélifraction est considéra- ble. En effet, !'evaporation est minimum à l'altitude où le nombre de cycles gel- dégel est le plus important ; de plus, elle est minimum précisément pendant les mois d'hiver durant lesquels on enregistre les gels les plus intenses. IV. Ensoleillement et nébulosité Il existe une relation entre les deux phénomènes: une relation d'interdé- pendance du fait que la durée de l'insolation dépend directement de l'importance de la nébulosité. L'héliographe utilisé pour mesurer l'ensoleillement enregistre en heures, la durée effective de l'insolation. Celle-ci peut s'exprimer aisément en pour cent par rapport à la durée possible de l'insolation. La nébulosité se définit par estimation (en dixièmes de la surface du ciel qu'elle recouvre). Là encore, on transforme les valeurs moyennes en pour cent. Parmi les stations météorologiques du Jura suisse, seules celles de Neuchâ- tel, de La Chaux-de-Fonds et du Mont-Soleil disposent d'un héliographe. La figure 8 représente l'évolution moyenne de la nébulosité et de l'insolation rela- tives de ces lieux (Nagel 1955). Ces courbes nous montrent que : En général, dans le Jura, les jours ensoleillés sont plus rares que les jours nuageux ou couverts. L'insolation relative diminue fortement pendant la mauvaise saison ; toutefois, cette diminution est plus faible à la montagne qu'au pied du Jura. De plus, il existe un rapport étroit, pendant la mauvaise saison, entre les jours ensoleillés et la température de l'air (pas visible sur la figure 8) ; en effet, les plus grands froids ont souvent lieu les jours clairs et lumineux. 32 y. Ensoleillement 60 50 AO 30 ..•>' s X-. 20 ;•• • *. 10 JFMAMJJASONDJ 90 80 70 60 50 AO Nébulosité Neuchâtel(487m) LaChaux-de-Fonds(989m) Mt.Soleil (1183m) •i^1:.:::..^. JFMAMJJASONDJ Figure 8: Ensoleillement et nébulosité (1921-1950). 33 C'est ainsi que l'ensoleillement intervient dans la morphologie périglaciaire en général et dans la gélifraction en particulier. En effet, l'ensoleillement direct augmente considérablement le nombre de cycles gel-dégel en favorisant le dégel diurne des parois exposées au sud, les jours où la température de l'air demeure en dessous de 0 0C. V. Le vent En climatologie, l'action du vent est multiple. La température de l'air, l'humidité atmosphérique, varient suivant le vent ; les précipitations et la nébulo- sité en dépendent aussi et d'une manière générale, tout le climat est sensible à ses changements de direction. A part la direction du vent on enregistre aussi sa vitesse, mais le plus souvent, seule sa direction est exprimée sous forme d'une rose des vents. Etant donné la forte corrélation entre la fréquence des différentes directions et la vitesse du vent, la rose des vents représente dans une certaine mesure, la vitesse moyenne pour les différents points cardinaux. En géomorphologie, le rôle du vent dans le transport et la sédimentation du loess a suscité de nombreuses études. On en parle aussi à propos de l'alimenta- tion des glaciers et de l'usure des grains de sable dans l'action éolienne présente ou passée, mais dans le domaine des échanges thermiques et du gel, l'action du vent est généralement méconnue. Seuls Malaurie (1968) et Brochu (1975) atti- rent l'attention sur le rôle prépondérant joué en gélifraction par le vent dont « l'effet majeur est l'accélération des échanges thermiques entre les roches et l'air ambiant. » Les vents fréquents et souvent très forts qui balaient les sommets jurassiens sont bien connus. Béguin (1972, p. 24) remarque que : « Dans le Haut-Jura au- dessus de 1300 m, l'empreinte du vent est particulièrement frappante (formes rabougries, vitalité réduite) aussi bien sur les pins, les épicéas que sur les hêtres. » Les données de la station météorologique du Chasseron permettent d'étudier la direction, la fréquence et la force des vents. Par sa situation, cette station fournit un bon exemple de vents non contrariés par le relief. La figure 9 représente la rose des vents du Chasseron : I durant l'année, II en été et HI en hiver, ceci pour la période allant de 1949 à 1966. Nous remarquons une nette dominance des vents d'WW et NW. Le vent d'E n'est fréquent qu'en hiver, alors que ceux du N et du S sont plus rares. 34 NW NW Figure 9: Rose des vents au Chasseron (1949-1966) I. Annuel II. Estival (juin-juillet-août) III. Hivernal (décembre-janvier-février) 35 CHAPITRE II Les conditions de gélivation dans le Jura Dans ce chapitre nous nous attacherons à l'étude de la rigueur du climat jurassien, et plus particulièrement du gel, afin de mieux comprendre ce facteur climatique. C'est pourquoi nous examinerons à la fois la fréquence et l'intensité du gel, alors que son efficacité (c'est-à-dire son aptitude à « détruire » la roche) sera envisagée plus tard. Le gel est étudié, d'une part en fonction de l'altitude (stations de Neuchâtel, Chaumont et du Chasseron), d'autre part en relation avec l'humidité relative de l'air et l'intensité du vent. I. Le gel Le gel, qui est au centre de nos préoccupations morphologiques, varie par son intensité et par sa durée. Aussi, est-il nécessaire d'en établir une classifica- tion. Dans le langage courant on parle de faible gelée, de forte gelée, de grand froid, etc., termes qui sont utilisés aussi en climatologie, mais dont la signification est variable selon la zone climatique considérée. Dans notre étude nous classerons le gel dans les sept catégories suivantes : I a Faible gelée brève: température entre 0 ° et -5 0C ( < à 1 jour). II a Faible gelée de moyenne durée : température entre 0° et -5 0C (1-2 jours sans dégel). III a Faible gelée de longue durée: température entre 0° et -5,1 0C (3-5 jours sans dégel). IV a Faible gelée durable: température entre 0° et -5 0C ( > 5 jours sans dégel). II b Forte gelée de brève à moyenne durée: température inférieure à -5,1 0C (< à 2 jours). III b Forte gelée de longue durée : température inférieure à -5 °C (3 -5 jours). IV b Forte gelée durable: température inférieure à —5,1 0C ( > 5 jours). Notre classement étant basé sur l'efficacité réelle du gel, la limite entre les catégories n'est pas stricte. Il tient compte de l'influence considérable du vent sur les échanges thermiques1. Nos mesures prouvent que, par vent fort, une gelée de 1 A l'aide des statistiques climatologiques des stations de Neuchâtel, Chaumont et Chasseron, nous avons fait le levé et le classement systématique de tous les cas de gel (1956-1966). 37 -4 0C d'une douzaine d'heures pénètre mieux dans la roche qu'une gelée de -5,5 0C de même durée par temps calme. Quant à la durée du gel, elle est fonction de la température de l'air et de l'ensoleillement. En effet, nous n'envisageons pas seulement le dégel dû à un réchauffement de l'air, mais aussi celui occasionné par l'effet direct des rayons solaires alors que la température de l'air demeure en dessous de 0 0C. Aussi, les statistiques de la figure 10 représentant la fréquence du gel sont-elles basées sur la température de l'air ainsi que sur le nombre de cycles gel-dégel dans une paroi rocheuse orientée S, SE ou SW. (Dans une autre orientation le nombre de gels est sensiblement moins élevé1.) La figure 10 illustre la fréquence des cycles de gel-dégel pendant la période 1956-1957 -1965-1966 pour les stations de Neuchâtel, Chaumont et Chasseron. En dix ans, nous dénombrons 209 cycles de gel-dégel à Neuchâtel, 457 à Chaumont et 461 à Chasseron. L'influence de l'altitude devient plus apparente en comparant les gels «rigoureux» (cat. IIb, IHb et IVb). On en compte 54 à Neuchâtel (25%), 181 à Chaumont (39%) et 233 à Chasseron (50%). Mais, dans quelle mesure ces gels rigoureux provoquent-ils la désagréga- tion mécanique de la roche? Avant d'essayer de répondre à cette question nous devrons examiner la teneur en eau de la roche et la vitesse de la propagation du gel à l'intérieur d'une paroi. II. Le gel et la saturation en eau de la roche Il est difficile de connaître avec certitude la teneur en eau des espaces inter- granulaires rocheux. L'imbibition dépend en effet de facteurs multiples : les uns inhérants à la structure même de la roche, les autres relevant du climat. De plus, l'imbibition de la roche est un phénomène en évolution, s'adaptant constamment aux conditions hydriques du milieu. C'est dire combien le problème est ardu et difficile à résoudre. A. LE GEL ET LA COUVERTURE NIVALE La présence de la neige atténue ou favorise au contraire la gélivation. Le rôle protecteur d'une couche de neige est bien connu : isolante, elle diminue dans une large mesure les écarts thermiques et protège la roche sous-jacente du gel. Par contre, dans un escarpement ou une paroi rocheuse orientée S, SW ou W, la présence de l'eau de fusion favorise souvent l'humectation de la roche. Dans ces zones, au cœur de l'hiver, lorsque la température demeure constamment en 1 Nos mesures de la température dans une paroi rocheuse orientée au sud (fig. 12,13 et 14) prouvent que le dégel de la surface rocheuse peut être quotidien à cause de l'ensoleil- lement direct, même si l'air et la roche en profondeur (env. 20 cm) demeurent en dessous de 0 0C. 38 Figure 10: Fréquence et intensité du gel (en 10 ans). Ia Faible gelée brève Ha Faible gelée de moyenne durée IHa Faible gelée de longue durée IVa Faible gelée durable IIb Forte gelée brève à moyenne durée IHb Forte gelée de longue durée IVb Forte gelée durable 39 dessous de 0 0C, le dégel dû à l'insolation directe est fréquent ; alors, l'eau de fonte suinte sur la roche en maintenant un milieu humide favorable à l'imbibition et par conséquent à la gélifraction. Malaurie (1968, p. 79) écrit à ce propos: «... les aires particulièrement susceptibles de gélifraction sont celles où la neige se maintient après le dégel de la pierre. Ce sont très notamment les talus tournés vers le sud et l'ouest. » Le tableau 9 représente le gel en relation avec les conditions d'enneigement au Chasseron (1601 m) et nous montre que: - lors des gelées, la neige est presque toujours présente (88% de gels avec neige) ; - l'épaisseur de la neige est variable mais souvent importante (fréquence maximum entre 51 et 100 cm sauf lors des grands froids) ; - l'épaisseur de la couverture nivale est considérable lors des gels rigoureux. Il nous a paru intéressant de relever aussi (tableau 9) le nombre important des précipitations qui précèdent immédiatement les gels (10 mm de pluie ou de neige dans les dernières 24 heures avant ceux-ci). Au Chasseron, durant les huit hivers étudiés, environ 1 gel sur 5 a eu lieu après une précipitation importante. Une faible gelée peut succéder à la pluie ou à la neige; en revanche, un grand froid n'est que très rarement précédé de précipitations. Plusieurs facteurs climatiques contribuent à la saturation de la roche avant et pendant la mauvaise saison, ce sont: - l'abondance des précipitations sur les crêtes au début de l'hiver (chap. I) ; - la présence de la couverture nivale empêchant !'evaporation et favorisant l'imbibition lors d'une fusion partielle ; - la forte diminution de !'evaporation durant la saison froide. Tableau 9 Le gel et la couverture nivale1 (Chasseron 1958-1959 - 1964-1965) 1 nombre de jours de gel Précipitations : plus de 10 mm dans les Température Epaisseur de neige (cm) 24 heures précédant 0C 0 là 20 21 à 50 51 à 100 101 et + le gel 0 à -5,0 32 43 47 53 40 167 -5,1 à -10,0 11 15 16 25 19 42 inf. à -10,1 15 3 9 12 5 44 63 66 87 71 218 B. LE GEL ET L'HUMIDITÉ RELATIVE DE L'AIR Une étude statistique basée sur l'humidité de l'air au moment des gelées peut nous fournir des indications précieuses concernant l'importance de !'evapo- ration. 40 Le tableau 10 montre le rapport existant entre le gel et l'humidité de l'air au Chasseron (1601 m). Nous constatons d'une manière générale, qu'à des tempé- ratures en dessous de 0 0C l'air est assez humide. En effet, seuls 7 % des gels ont lieu dans une atmosphère sèche, cependant que dans 60 % des cas l'humidité de l'air est voisine de la saturation, ce qui est bien naturel puisque l'humidité relative monte quand la température baisse (excepté les fortes gelées). La situation est certes différente pendant le dégel. A ce moment, l'humidité relative de l'air est sans doute plus faible mais la température restant basse, !'evaporation ne saurait être considérable. Toutefois, ne généralisons pas avant d'avoir envisagé l'influence du vent sur !'evaporation et le gel. Tableau 10 Le gel et l'humidité relative de l'air (Chasseron 1958-1959 - 1964-1965) Température Humidité relative de l'air en % Total 0C =59 60 à 95 Oà -5,0 42(7%) 202(32%) -5,1 à-10,0 14(6%) 76(32%) inf. à-10,1 6(7%) 41 (52%) Total 62(7%) 319(34%) III. Le gel et Ie vent Nous avons déjà dit que le vent, en renouvelant l'air, accélère les échanges thermiques. Aussi est-il important de savoir si dans le Haut-Jura le gel a lieu par temps calme ou, au contraire, par un vent plus ou moins fort. Dans le but d'étudier la relation gel-vent, nous avons relevé la force du vent chaque fois que le thermomètre indiquait une température en dessous de 0 0C. (Données de la station météorologique du Chasseron 1958-1959 - 1962-1963.) Sachant que le sommet du Chasseron est particulièrement venté - la proportion des jours calmes ne s'élève qu'à 5% - les chiffres du tableau 11 traduisent, en quelque sorte, un maximum jurassien. Dans les conditions propres au Chasseron nous constatons que : - le vent est presque toujours associé au gel (2 à 3 % de gel par temps calme) ; - la tempête est rare pendant les jours de gel ; - le vent souffle en général plus fort lors de gels plus rigoureux. 96 à 100 374 (61 %) 618 149(62%) 239 32 (41%) 79 555(59%) 936 41 Tableau 11 Le gel et le vent (Chasseron 1958-1959 - 1962-1963) Température Vitesse du vent (échelle Beaufort O à 6) Total 0C 0 1 - 2 3-4 5-6 0 à -5,0 25(2%) 437(37%) 615 (53%) 96(8%) 1173 -5,1 à-10,0 9(2%) 146(36%) 222 (55%) 26(7%) 403 inf. à-10,0 8(5%) 48 (27 %) 103 (59%) 16(9%) 175 Total 42(2%) 631 (36%) 940 (54 %) 138(8%) 1751 Connaissant le lien qui existe entre le gel et le vent sur les sommets juras- siens, nous en avons tenu compte dans nos expériences de gélifraction artificielle. Pendant la phase du gel, le brassage continu de l'air était assuré par un puissant ventilateur. Par ses particularités (gels fréquents et rigoureux, bonnes conditions de saturation en eau de la roche) le climat hivernal des sommets jurassiens corres- pond à un climat de type périglaciaire qui devrait provoquer une intense gélifrac- tion de la roche. Les mesures des variations thermiques dans une paroi rocheuse, fournissent des compléments nécessaires à l'étude de la gélivation. 42 CHAPITRE III Les variations thermiques dans une paroi rocheuse Des mesures de température doivent d'abord nous permettre de définir le nombre de gels à diverses profondeurs, et ensuite de préciser l'incidence mor- phologique de ces variations thermiques. Des enregistrements ont été faits pendant l'hiver 1972-1973 dans une car- rière abandonnée du Jura neuchâtelois (Vue-des-Alpes) à 1280 m d'altitude. La paroi rocheuse verticale, d'une dizaine de mètres de haut est orientée au sud. Le calcaire, du Kiméridgien, y est massif, peu diaclasé et parcouru de joints de strati- fication espacés de 0,5 à 1 m environ. De couleur jaune-grisâtre, il est terni par la patine. Les arbres sont assez éloignés de la paroi et n'entravent ni le libre cours du vent, ni l'incidence directe des rayons du soleil. Les variations de la température ont été mesurées avec des thermosondes à platine montées sur verre et collées dans des tubes d'acier inoxydable de 8 mm de diamètre et 4 cm de longueur. La disposition des sondes à la surface de la roche, puis successivement à 6, 12, 25, 50 et 100 cm de profondeur a permis de suivre l'évolution de la température dans les zones plus ou moins profondes de la paroi. Un mélange de poudre d'aluminium et de graisse au silicone assurait le bon contact thermique entre les sondes et la roche (fig. lia). Pour mesurer la tempé- Figure 11 : La disposition des thermosondes X-;-r;X;X;X;X-;; a. dans la roche .''.''.''.'I.';.';.';.';.';:;:;.';:- b. à la surface rocheuse :•.¦'•:'•.¦•.¦•.¦•:•.'•:•:•:•:•:; 1. Roche en place :'.'',.'',X*:'.''X-X-:':' 2. Mélange de poudre d'aluminium et de graisse au solicene 3. Tube d'acier 0 8 mm 4. Colle 5. Thermosonde montée sur verre 6. Plaquette de liège 7. Feuille d'aluminium réfléchissante 43 rature de la surface rocheuse nous avons aménagé une petite saignée dans Ia paroi afin d'y loger la thermosonde. Une plaquette de liège (40 x 10 x 2 mm) protégeait la sonde de l'insolation directe (fig. lib). La température de l'air a été mesurée dans un abri météorologique. De plus, un héliographe complétait l'installation et fournissait d'utiles renseigne- ments. L'enregistrement des températures fut réalisé avec un potentiomètre à voies multiples assurant une précision de ± 0,3 0C. I. Le gel à diverses profondeurs Les figures 12,13 et 14 extraites de nos enregistrements, illustrent les caté- gories de gel définies au chapitre précédent. Dans toutes ces mesures, les sondes sont disposées de telle manière qu'elles ne peuvent enregistrer que les flux ther- miques progressant de la surface à l'intérieur de la roche, le haut de la paroi et ses côtés étant suffisamment éloignés pour que leur influence soit négligeable. La figure 12 montre un type de gel répandu dans le Jura : une faible gelée brève (type Ia). D'emblée, c'est la phase du dégel qui retient l'attention. Les 24, 25 et 26 janvier étaient des jours calmes, clairs et ensoleillés. Sous l'effet des rayons du soleil la température de la surface rocheuse s'est élevée de plus de 20 degrés au-dessus de celle de l'air ! Bien que la température demeure presque constamment en dessous de 0 0C, nous n'assistons qu'à de très faibles gelées de surface. Mais, étant donné leur grande fréquence annuelle, il est probable qu'elles aient une part active dans la desquamation. En revanche, à l'intérieur de la paroi l'action de ces faibles gelées est quasi inexistante. Il n'en est pas de même pour le réchauffement diurne. L'irradiation directe provoque le dégel, et cause un important massage thermique: brusque réchauf- fement dès le matin, suivi d'une inversion thermique pendant la phase de refroi- dissement. La variation journalière de la température s'atténue rapidement avec la profondeur; ainsi, à 50 cm de la surface elle n'est plus que de 1 à 2 0C. La figure 13 illustre une variante du cas précédent : une forte gelée brève de moyenne durée (type lib). Le froid y est plus intense, et le soleil voilé n'a qu'un effet très atténué. Dans une telle situation le cycle de gel-dégel est quotidien jusqu'à environ 30 cm de profondeur. Un cas de gel moins fréquent a été enregistré le 15 février et les jours suivants (fig. 14). Il s'agit d'une forte gelée de longue durée (type HIb). Le ciel voilé (15 et 16 février) ou couvert (17 février), estompe l'action des rayons du soleil, et seule la température de la surface rocheuse s'élève au-dessus de 0 0C. La zone située entre des profondeurs de 5 et 40 cm, puis de 90 cm reste constamment gelée. 44 Dans une telle situation le gel agit donc jusqu'à 1 m environ, mais il opère surtout dans les couches superficielles de la paroi. En effet, ces zones s'humec- tent d'eau de fusion pendant le dégel de la surface rocheuse, alors que le soir leur température passe en dessous de 0 °C. Le refroidissement assez lent par temps calme (15 février) est plus brusque par légère brise (16 février). La migration de l'eau vers l'intérieur étant impossible, ces gels de surface sont probablement les plus efficaces, à condition que les pores et les fissures de la roche soient saturés d'eau. En résumé, dans une paroi rocheuse orientée au sud, les gels les plus destructeurs sont des gels journaliers, caractéristiques des jours très froids et ensoleillés (type IIb et HIb). II. Le nombre de gels par année Dans ce paragraphe, il s'agit d'étudier dans un affleurement rocheux, le nombre de gels à diverses profondeurs. Basées à la fois sur les statistiques des stations climatologiques (fig. 10) et sur nos mesures des températures de la roche (fig. 12, 13 et 14), ces données n'ont évidemment qu'une valeur approximative. De plus, elles ne sont valables que dans des conditions bien définies, c'est-à-dire pour un affleurement situé sur les sommets du Jura, orienté S ou SW et bien exposé au soleil. Le tableau 12 suscite les remarques suivantes: - Lors de certaines faibles gelées matinales la surface rocheuse ne gèle pas (env. '/2 du type Ia). - Environ xh des gels de Ia pénètrent à 6 cm. - Les types IIb, Illa, IHb, IVa et IVb pénètrent à 25 cm et plus. - Seuls les gels de IVb et peut-être 1/5 e des HIb atteignent 1 m de profon- deur. Le nombre de cycles de gel-dégel est donc très élevé dans le Haut-Jura. En 10 ans, on compte 250 à 300 gels pénétrants (20 cm et plus). Or, en cryoclastie artificielle c'est plus qu'il n'en faut pour faire éclater une roche saine. Dans la nature, Ie recul actuel des parois s'avère être un processus assez lent si on le compare aux résultats de laboratoire. Est-ce imputable aux conditions du gel, au climat en général ou à la structure de la roche? Il est difficile de répondre à ces questions. Les observations sur le terrain prouvent que la présence constante de l'humidité ainsi qu'une densité élevée des microfissures favorisent la gélifraction. 45 Tableau 12 Nombre de cycles gel-dégel en 10 ans dans une paroi rocheuse1 Station et altitude Profondeur en cm atteinte par le gel 0 6 12 25 50 100 Chaumont (1141 m) 359 328 263 230 44 10 Chasseron (1601 m) 402 383 343 297 85 30 1 Ces données s'appuient sur celles de la figure 10 (fréquence et intensité du gel). - en surface : tous les gels moins la '/2 du type Ia ; - à 6 cm: Va du type Ia et tous les autres gels; - à 12 cm: tous les gels excepté les types Ia et lia, etc. III. La thermoclastie estivale Une partie de l'irradiation solaire est absorbée par l'atmosphère, l'autre atteint la surface terrestre où elle se transforme en chaleur. La quantité de chaleur reçue par la terre varie selon le lieu (latitude et exposition), le temps (heure et saison), et le degré de transparence de l'atmosphère. Les plus grands écarts de température dus à l'irradiation ont été observés sur des roches sombres situées dans des zones à atmosphère sèche et pure : en région désertique ou en haute montagne (tableau 13). Rumney (1968) estime qu'environ 75 % des rayons solaires pénètrent à des altitudes de 6000 pieds (1825 m) et que seuls 50% atteignent le niveau de la mer. La plupart des auteurs reconnaissent que l'une des causes de certaines fissu- rations et surtout de certaines desquamations observées dans des régions chaudes et arides résulte du rôle joué par les chocs thermiques sur les roches. Ollier (1963) décrit en Australie centrale désertique des galets siliceux et des galets de quartzite fragmentés en plusieurs morceaux anguleux. Il a montré que la dilatation thermique provoquait un écaillement superficiel et, qu'à un stade plus avancé, des craquelures se développaient parallèlement à la surface. Il se forme également un deuxième système de fissures perpendiculaires à la surface, séparant des blocs qui peuvent se détacher. Pour nous, il est important de savoir si des conditions climatiques moins excessives, comme par exemple celles du Jura, peuvent avoir des effets analo- gues. Dans ce but, nous avons mesuré pendant l'été 1973 les variations de la température dans la carrière de la Vue-des-Alpes, et nous avons soumis une série d'échantillons de calcaires jurassiens à la thermoclastie artificielle (Centre de géomorphologie du CNRS de Caen, J.-P. Coutard et A. Pancza). 46 Tableau 13 Radiation moyenne totale en juin dans les Alpes orientales (ciel sans nuage) Altitude Radiation journalière moyenne m. totale en gm. cal/cm2/jour 198 691 999 747 1999 799 2999 834 d'après R. Geiger, 1965. A. LES VARIATIONS DE LA TEMPÉRATURE ESTIVALE DANS UNE PAROI ROCHEUSE Ces mesures ont été faites au mois de juillet 1973 à la Vue-des-Alpes (1280 m) en utilisant les moyens décrits plus haut. L'extrait des enregistrements (fig. 15) donne une image fidèle de la soudaineté des variations de la tempéra- ture. Dès le matin, par temps ensoleillé, le réchauffement est très rapide ; en fin d'après-midi, le refroidissement, assez brusque lui aussi, occasionne une inver- sion thermique. A notre avis, cette rapidité des changements de température est peut-être plus efficace que les valeurs extrêmes. Dans certains cas, des influences secondaires rendent ces variations beaucoup plus soudaines. Par exemple, l'ombre portée en début de journée par un obstacle physique (nuage, arbre) sur l'escarpement, va accentuer la vitesse du réchauffement dès la disparition de l'ombre. Le refroidissement est aussi plus rapide lorsqu'une averse survient au cours de l'après-midi d'un jour ensoleillé. Il est plus aisé de comprendre l'action du massage thermique sur des roches cristallines que sur des roches sédimentaires. Les granites à gros grains, vu leur hétérogénéité (couleur, conductibilité thermique, chaleur spécifique) sont probablement plus vulnérables qu'une roche homogène. Néanmoins, à cause de la mauvaise conductibilité thermique des calcaires, les rayons du soleil y provo- quent des contraintes considérables. Dans notre paroi rocheuse (fig. 15) la sur- face se réchauffe brusquement dès le lever du soleil. Dans la couche superficielle le gradient atteint 2 0C entre 13 et 14 heures. Au coucher du soleil, l'écart s'annule et l'inversion thermique qui en découle occasionne d'autres contraintes tout aussi importantes. Bien que considérables, ces changements de température ne suffisent pour- tant pas pour fragmenter la roche. Pour la faire éclater, il faudrait une compres- sion ou une traction de plusieurs dizaines de bars par cm2, ce qui exigerait un changement de température d'environ 500 0C (Berthouille 1972). 47 20 - 15 12 18 ___i___ 24 Figure 15 : Variations de la température dans une paroi rocheuse (La Vue-des-Alpes 1280 m, le 4 juillet 1973). heures température 0C heures + 5 ---------.___..__ -------------------------------------- ------------------------------------- ------------------------------------- ------------------------------------- ------------------------------------- ------------------------------------- . *¦**¦ 24 6 12 18 24 6 12 18 -------------------.. i ,......... ..i.................... i .._................ .i.. i ----------------------------------------------------------- i -----------------------------------------------------1 Figure 13 : Les variations de la température dans une paroi rocheuse. Forte gelée brève à moyenne durée (type IIb), La Vue-des-Alpes, les 29 et 30 janvier 1973. heures température 20 10 \ \ •. \ -"4 V.N 24 janvier 1973 ^— -------------surface 6cm 12 cm 25 cm 50 cm 100 c m •i •-Jv ------1----7- I / I ¦¦ / .-" / / .' / / heures 10 12 18 24 12 18 24 12 18 24 Figure 12 : Les variations de la température dans une paroi rocheuse. Faibles gelées brèves (type Ia). La Vue-des-Alpes, les 24, 25 et 26 janvier 1973. heures + 5 heures 15 février 1973 24 12 18 24 i 12 18 24 6 12 18 heures heures Figure 14 : Les variations de la température dans une paroi rocheuse. Forte gelée de longue durée (type IHb), La Vue-des-Alpes, du 15 au 19 février 1973. Faut-il en déduire que les tensions engendrées par le soleil restent sans effet? Nous ne le pensons pas, car pour ébranler la masse rocheuse il n'est pas nécessaire d'atteindre ou de dépasser le seuil de rupture. Des contraintes plus faibles mais réputées, aboutissent à la fragmentation par le phénomène de fati- gue: notion bien connue en mécanique générale des matériaux. Mais des dizaines de milliers de chocs sont nécessaires avant d'obtenir une fissuration, une desquamation ou une fragmentation (Journaux et Coutard 1974), B. THERMOCLASTIE ARTIFICIELLE Depuis octobre 1972, au Centre de géomorphologie de Caen, vingt-deux échantillons de calcaire jurassien appartenant à six faciès sont soumis à un climat de type saharien. La taille et le poids des échantillons est variable (3 à 6 kg) et la plupart proviennent de parois gélives de la chaîne jurassienne. L'expérience qui s'appuie sur les travaux climatologiques de Dubief (1959 et 1963) se déroule comme suit: Dans une première phase, pendant 1 heure environ, les blocs sont soumis à un rayonnement infrarouge. L'échauffement est brusque et la température de la surface atteint 65 0C environ. Immédiatement après, les échantillons reçoivent une pluie dense et brève (temp, de l'eau env. 22 0C). A cette phase fait suite un réchauffement modéré de courte durée. Le cycle s'achève par un refroidissement à la température ambiante (env. 20 0C) pendant 2 heures. Les pierres disposées sur du gravier, de taille moyenne, sont entraînées dans un mouvement continu, circulaire, qui leur assure 7 chocs thermiques en 24 heures. Après 4000 chocs, quelques échantillons ont subi certaines modifications: - apparition de petits éclats (3 échantillons) ; - amorce d'une desquamation (3 échantillons) ; - réouverture d'une ancienne fissure calcifiée ou élargissement de fissures (5 échantillons) ; - apparition de petits éclats et réouverture d'une ancienne fissure calcifiée (1 échantillon). En revanche, à ce stade de l'expérience1, les effets de la thermoclastie ne sont pas apparents sur les 10 autres pierres. Donc, ces résultats sont contradictoi- res : la moitié des blocs n'ont pas été marqués par les chocs thermiques et les autres n'ont subi que peu de changements. Quelle va être leur évolution? Il est impossible de le prévoir. Dans une expérience précédente (Coutard 1972), un 1 Afin d'étudier le phénomène de « fatigue des roches » l'expérience sera poursuivie jusqu'à 30 ou 35000 chocs thermiques. 49 grès quartzitique (une roche peu gelive) n'a pour ainsi dire pas subi les effets de la thermoclastie : même après 40 000 chocs aucune modification visible n'est appa- rue. Pourtant, c'est précisément ce cas qui a permis de découvrir les effets jusqu'alors insoupçonnés des chocs thermiques. Ces blocs, apparemment intacts, ayant été soumis au gel artificiel dans le laboratoire de cryoclastie du centre, se sont fragmentés avec une rapidité inattendue (J.-P. Lautridou, communication orale). Ainsi, des roches peu gélives, après avoir subi des chocs thermiques, ont perdu leur résistance au gel. Or, dans la nature, et en particulier dans le Jura, les saisons se succèdent avec leurs caractéristiques et leurs extrêmes climatiques. Dès lors, ne pourrait-on pas considérer les variations de la température estivale des roches, ainsi que les contraintes ou les microfissures qu'elles provoquent, comme une préparation à la gélivation hivernale? Le fait nous paraît vraisem- blable, mais il est difficile de le prouver. 50 CHAPITRE IV Considérations paléoclimatiques Nous ne saurions terminer cette étude climatique sans envisager rapide- ment les climats anciens. Le relief qui s'offre à nos investigations résulte aussi bien des influences climatiques actuelles que de celles du passé. L'empreinte des glaciers du Riss et du Wurm est visible dans toute la Suisse. Ces dernières glacia- tions ont totalement modifié la morphologie et la morphométrie des dépôts superficiels et, dans le Jura, elles ont provoqué une remarquable éclosion de phénomènes périglaciaires dont l'évolution actuelle n'en est que le médiocre prolongement. Dès lors, une bonne connaissance des conditions climatiques de nos régions durant le Quaternaire récent, faciliterait la compréhension des phénomènes périglaciaires actuels. Mais, le nombre impressionnant et la diversité des études paléoclimatiques ainsi que leurs conclusions souvent contradictoires, nous inci- tent à aborder le sujet avec prudence. I. La température pendant la dernière glaciation D'après Penck, pendant le Wurm, l'abaissement de la température fut de l'ordre de 7 à 8 0C. Flohn (1953) insiste sur une diminution zonale de la tempéra- ture : 4 0C dans la zone intertropicale, 8 à 12 0C au voisinage des aires englacées et environ 5 0C ailleurs. Budel (1949) définit les zones paléoclimatiques de notre continent par l'étude de la répartition des associations végétales pendant la der- nière glaciation. Pour l'Europe occidentale, Kaiser (1960), après avoir mis en doute les déductions basées sur les espèces végétales ou sur les insectes de l'époque glaciaire (organismes vivants susceptibles d'adaptation), cherche à déterminer l'abaissement de la température à l'aide des phénomènes périglaciaires : pingos, fentes en coin. Sachant que de telles formations se développent sur un sous-sol gelé, et que la limite du pergélisol suit assez fidèlement l'isotherme -2 0C, l'auteur réussit à déterminer l'isotherme -2 0C du Wurm. Ainsi, dans certaines régions du sud de la France (Tricart 1952, Cailleux et Rousset 1968) et du bassin des Karpates, situées à l'intérieur de la limite—2 0C, il y aurait eu un abaissement de la température allant jusqu'à 14 0C, ceci pendant la phase la plus rigoureuse du Wurm. Mais nous avons là une valeur extrême, applicable à une zone restreinte. 51 Poser ( 1947) indique une diminution de la température en Europe centrale, qui aurait été de 8 0C pour les moyennes de juillet et de 12 0C pour celles de janvier. Mais plus à l'ouest, dans le climat océanique généralement moins refroidi, ce sont les températures de l'été qui auraient subi le plus grand change- ment. La plupart des spécialistes situent entre 5 et 10 0C, par rapport à la tempé- rature actuelle, l'importance du refroidissement survenu en Europe occidentale. Mais n'est-il pas erroné de vouloir définir avec précision un type de climat propre aux époques glaciaires? Rien n'indique que ce climat ait été stable. Ne sommes-nous pas plutôt en présence d'une succession de refroidissements et de réchauffements au cours même de l'époque glaciaire ? Ce fait semble être prouvé pour le début et la fin de ces grands refroidissements (Biidel 1953). Les stades successifs de crues glaciaires le prouvent également (Burri 1963, Portmann 1955). Mais, l'aggravation climatique impliquait-elle aussi une modification de l'amplitude thermique? Autrement dit, le climat de l'Europe occidentale per- dait-il son caractère océanique en faveur d'une continentalisation générale? Cette idée est basée sur la découverte de vestiges d'une association végétale caractéristique des steppes. Mais ce fait ne pourrait-il résulter d'une variation de l'abondance ou de la répartition des précipitations, plutôt que d'une augmenta- tion de l'amplitude saisonnière des températures? En présence de ces avis divergents, admettons la solution la plus probable, la moins excentrique. Dans le Jura, peu éloigné de l'Atlantique, le climat wiir- mien fut probablement assez semblable au climat actuel avec une diminution uniforme de la température au cours de l'année. On pourrait comparer ce régime thermique à celui qui règne actuellement dans nos Alpes à une certaine altitude. La proximité des deux chaînes, leur latitude peu divergente rendent plausible un tel rapprochement. La température moyenne annuelle des stations du Saint-Gothard (2096 m) et du Säntis (2500 m) est inférieure d'environ 6 0C (tableau 14) à celle de Chaumont (1141 m) et du Chasseron (1601 m). Cet écart correspond environ (d'après ce qui précède) au refroidissement moyen qu'a dû connaître le Jura pendant l'époque würmienne1. En groupant les gels des deux stations alpines (fig. 16) dans les mêmes caté- gories que nous l'avons fait précédemment pour les stations jurassiennes (fig. 10), nous avons la possibilité de comparer entre eux les gels actuels d'alti- tude différente. Ainsi, en raison de l'hypothèse ci-dessus, la comparaison de ces deux figures permet-elle d'illustrer la différence entre les conditions actuelles du gel et celles qui existaient sur les hauteurs du Jura pendant la dernière glaciation. 1 11 ne tient pas compte des périodes les plus rigoureuses de l'ère glaciaire. 52 Figure 16: Fréquence et intensité du gel (en 10 ans) Ia Faible gelée brève lia Faible gelée de moyenne durée Illa Faible gelée de longue durée IVa Faible gelée durable IIb Forte gelée brève à moyenne durée IHb Forte gelée de longue durée IVb Forte gelée durable Tableau 14 Températures sur les sommets du Jura et dans les Alpes (Réduites à la période 1901-1940 d'après M. Schiiepp) JURA Janv. Juil. Hiver Print. Eté Automne Anni Chaumont (1141 m) Chasseron (1601 m) -2,3 -3,8 13,8 10,3 -1,9 -3,6 4,4 1,1 12,9 9,5 5,8 3,7 5,3 2,7 ALPES Saint-Gothard(2096 i Säntis (2500 m) n)-7,3 -8,6 7,8 5,0 -6,9 -8,1 -1,8 -4,1 7,0 4,3 0,7 -1,1 -0,2 -2,3 Ceci étant admis, on constate qu'en dix ans d'époque wiirmienne: - le nombre de cycles gel-dégel des sommets du Jura aurait varié entre 800 et 900 (env. 450 actuellement) ; - le nombre des gels rigoureux (type lib, ITIb et IVb aurait dépassé 500 (env. 200 aujourd'hui) ; - ces gels gagnaient encore en efficacité du fait, qu'au cœur de l'hiver, dans les escarpements et les parois rocheuses, les couches profondes restaient constamment gelées et que le dégel dû à l'ensoleillement n'était que super- ficiel. Nous n'avons rien dit encore de l'importance des glaciers quaternaires du Jura. De nombreuses études prouvent, Agassiz (1843), Benoit (1853), Machacek (1901), Jäckli (1962) que, les glaciers alpins s'appuyaient au Jura, pénétraient dans les vallées et recouvraient les zones peu élevées. Seuls les som- mets dépassaient le niveau de la glace, étant eux-mêmes souvent coiffés par des glaciers locaux (Aubert 1965). Dès lors, l'image de ce Jura ne ressemble en rien à celle d'aujourd'hui. Les zones élevées se trouvaient au-dessus des neiges péren- nes ; aussi, seuls les escarpements devaient être découverts. Dans ces conditions, les phénomènes périglaciaires se déroulaient effecti- vement en bordure des glaciers (au sens étymologique) et étaient sans doute très actifs. A cause de l'importance des espaces englacés, les escarpements qui en émergeaient subissaient la loi de ce milieu de gel, de neige et de glace. II. Les précipitations pendant la dernière glaciation Ainsi que nous l'avons déjà dit : il n'y a pas de gélifraction sans une bonne saturation de la roche. Or, la plupart des études consacrées aux précipitations admettent une importante diminution de celles-ci durant la dernière glaciation. Büdel (1950) parle d'une augmentation générale des précipitations dans les zones tropicales et d'une diminution dans les autres parties de la terre. D'une 54 manière générale, il considère que la question est plus complexe encore que celle des variations de la température. En Europe centrale, Haase (1957) identifie les traces d'une association végétale semblable à celle des steppes actuelles de Mongolie (précip. 200 à 300 mm/an). L'étude de Klein (1953), est basée sur la limite actuelle et ancienne des neiges pérennes. Sachant que cette limite dépend à la fois de la température de l'air et des précipitations, l'auteur calcule les quantités de chutes de pluie et de neige en se basant sur les données de température de Poser (1947). La carte de Mme Klein consacrée aux précipitations nous indique (tableau 15): - une diminution de ces dernières dans toute l'Europe durant l'époque wiir- mienne ; - une diminution d'ouest en est en Europe méditerrannéenne; - une diminution assez faible sur les côtes de l'Atlantique et sur les régions montagneuses de l'Europe occidentale. Ainsi, on peut supposer que le Jura, exposé aux vents d'ouest, aurait été l'un des îlots relativement bien arrosés de notre continent (environ 1000 mm/an). Frenzel (1967), s'appuyant sur plusieurs travaux de paléobotanistes et pédologues, considère que les valeurs obtenues par Klein sont trop élevées. Il pense qu'en Europe centrale, la hauteur des précipitations ne devait pas dépasser Tableau 15 Les précipitations pendant la dernière glaciation (d'après A. Klein 1953) Péninsule ibérique Péninsule des Balkans et Europe orientale précip. précip. diff. précip. précip. diff. act. en Wurm mm/an act. en Wurm mm/ mm/an en mm/an mm/an en mm/an Leon 350 260 90 Bihac 1290 550 740 Madrid 425 300 125 Nis 590 210 380 Porto 1210 750 460 Patras 670 250 420 Lisbonne 700 430 270 Plovdiv 520 100 420 Saragosse 290 200 90 Cracovie 740 200 540 Barcelone 530 350 180 Varsovie 540 170 370 Italie Europe occidentale et centrale Gênes 1340 1050 290 Clermont Ferr. 650 450 200 Florence 840 640 200 Mayence 520 260 260 Pérouse 925 575 350 Berlin 580 170 410 Rome 900 630 270 Dresde 670 220 450 55 250 à 300 mm par an, cependant que plus près de l'Océan, au nord de la France par exemple, leur diminution devait être de 300 à 400 mm par rapport à leur valeur actuelle. Parallèlement à la décroissance générale des pluies, y avait-il aussi un chan- gement dans leur répartition saisonnière? Dans l'état actuel de nos connais- sances il est impossible de répondre à cette question. L'aggravation du climat, survenue à plusieurs reprises au cours du Quater- naire a profondément modifié l'érosion dans le Jura. Toutefois, il est peu probable que l'action du gel se soit sensiblement accrue par rapport à son inten- sité actuelle. En effet, la majeure partie de l'aire jurassienne était protégée soit par la glace, soit par une épaisse couverture de neige. Dans une telle situation, seules les parois tournées vers le soleil bénéficièrent de conditions propices à la gélifraction pendant les pléniglaciaires, le nombre élevé des cycles de gel-dégel ainsi que la présence répétée de l'eau de fusion favorisant le phénomène. En revanche, durant les périodes interstadiaires et les oscillations glaciaires, l'érosion périglaciaire fut probablement plus intense. Ce sont surtout les périodes de réchauffement qui semblent particulièrement propices à l'action du gel, ce dernier étant simultanément favorisé par l'abondance de l'humidité, le tjäle1 et le dégel superficiel. 1 Permatrost: sous-sol gelé en permanence. 56 Conclusions Les conditions nécessaires à la gélivation de la roche - grands froids et précipitations abondantes - sont celles que l'on rencontre pendant la mauvaise saison sur les sommets jurassiens. On y dénombre plus de 450 cycles de gel-dégel en dix ans, dont environ 200 gelées profondes qui sont toutefois moins opérantes qu'on ne pourrait le supposer. En effet, sans la saturation des fissures et des espaces intergranulaires, le gel est innefficace ; or, les fortes gelées sont rarement précédées de pluies abondantes. De plus, la simple présence de l'eau à la surface rocheuse et dans les fissures ne garantit nullement l'éclatement de la roche en cas de gel. Le mécanisme de la gélivation est encore peu connu et semble corres- pondre à des impératifs et à des concours de circonstances exceptionnels rare- ment réunis. En tout cas, la présence de l'eau est indispensable pour que la géli- fraction se produise1. A supposer que les pluies abondantes assurent la satura- tion en eau des espaces intergranulaires, il n'est pas certain pour autant que le gel qui leur succède fasse éclater la roche. La couverture nivale, souvent présente, freine les échanges thermiques et, par conséquent, la gélivation de la roche sous-jacente. Cependant, d'autres facteurs météorologiques (l'humidité relative élevée pendant le gel et le vent) favorisent indirectement la gélifraction. Dans les parois jurassiennes, les conditions optimales à l'action du gel se trouvent réunies lors des grands froids durables. Alors, les cycles journaliers de gel-dégel (dus à l'ensoleillement direct) sont particulièrement efficaces à condi- tion que le gel demeure permanent en profondeur. Les qualités lithologiques de la roche - porosité, fissuration et microfissura- tion — déterminent aussi sa sensibilité au gel. Or, dans les calcaires, les fissures évoluent: élargissement par dissolution ou colmatage par calcification. Il est probable aussi que les variations de la température estivale soient à l'origine d'une microfissuration (thermoclastie) qui prépare la gélifraction. Les formations périglaciaires jurassiennes portent les traces d'une évolu- tion ancienne beaucoup plus intense, preuve en est l'omniprésence et l'étendue des gélifracts au pied des parois. L'aggravation des conditions climatiques, survenue au cours du Quaternaire récent (nombre plus élevé des cycles de gel- dégel, denudation de la roche) est sans doute la cause essentielle du développe- ment excessif de la gélivation. 1 Les essais en laboratoire prouvent que le gel est sans effet sur des échantillons secs. 57 DEUXIÈME PARTIE La gélifraction artificielle de quelques roches jurassiennes Introduction Le gel est le moteur de la morphologie périglaciaire. En fragmentant, en débitant la roche en place, il la livre aux autres agents d'érosion et de transport qui complètent et achèvent l'évolution morphologique. C'est dire combien cette phase initiale est déterminante du processus d'évolution du relief. Dans certains domaines de la géomorphologie, les recherches en labora- toire peuvent rendre de précieux services pour comprendre l'évolution du milieu physique. Il en est ainsi de la gélifraction où la méthode expérimentale a déjà fait ses preuves. La gélifraction artificielle a l'avantage de permettre la réduction, voire la suppression des temps morts du processus naturel et, de ce fait, de nous fournir des résultats dans un temps relativement court. Toutefois, les résultats de laboratoire ne doivent être interprétés qu'avec beaucoup de précaution. En sup- primant les temps morts on supprime également toute une série de processus complexes et mal connus des roches calcaires, tels le colmatage des fissures par l'encrassement résiduel et par la calcification, ou leur élargissement par la disso- lution. La remarque est valable.aussi pour l'influence de la thermoclastie esti- vale. De plus, il est peu probable que le fragment détaché d'une paroi rocheuse aurait évolué dans son contexte naturel de la même manière qu'en laboratoire. Aussi, en gélifraction artificielle, est-il nécessaire de respecter à la fois les conditions naturelles de gel (rythme quotidien, vitesse de propagation, intensité) et l'humectation adéquate de la roche. Seule l'observation scrupuleuse de ces conditions permet d'attribuer aux expériences de laboratoire une valeur dépas- sant la simple comparaison du comportement des roches en milieu artificiel. Donc, la gélifraction artificielle ne devrait être un but en soi mais un moyen susceptible de compléter les observations sur le terrain, permettant ainsi une meilleure compréhension des phénomènes naturels. Plus de vingt ans se sont écoulés depuis les premières études expérimentales de gélifraction de Tricart (1953 et 1956). Depuis, plusieurs chercheurs: Masse- port (1959), Godard (1965), et plus récemment Rognon (1967) et Malaurie (1968) ont effectué des essais de gélifraction artificielle. Des études systémati- ques concernant la gélivité des matériaux de construction ont été menées à chef dans les Laboratoires du bâtiment : Mamillan (1967) et des Ponts-et-Chaussées : Tourenq (1970). De son côté, le Centre de géomorphologie du CNRS à Caen, dirigé par le professeur Journaux effectue depuis plus de huit ans des essais systématiques de 61 gélifraction expérimentale. Sous la responsabilité de J.-P. Lautridou, le labora- toire de cryoclastie a traité plusieurs milliers d'échantillons de diverses prove- nances. Le plus souvent, ce fut dans le but d'étudier la gélifraction en liaison avec les problèmes morphologiques particuliers ; mais l'influence des facteurs physi- ques (porosité de la roche, type de gel) ou l'approfondissement des connais- sances du mécanisme du gel furent aussi le but de ces recherches. Les Bulletins Nos 5, 6, 9, 10 et 19 du Centre de géomorphologie, consacrés à la cryoclastie, attestent l'efficacité de ces investigations. Comme plusieurs autres chercheurs, nous avons eu le privilège de pouvoir participer à Caen à certaines de ces études. Les résultats de gélifraction artifi- cielle obtenus sur des roches jurassiennes (laboratoire de cryoclastie), nous aide- ront considérablement à apprécier de façon quantitative et qualitative le rôle morphologique du gel dans le Jura. Mais, avant d'aborder l'interprétation de ces données il est opportun d'examiner en général le mécanisme du gel, et plus parti- culièrement son action dans les roches. 62 CHAPITRE V Le mécanisme du gel dans les milieux poreux I. Le gel On désigne communément par le terme de gel le passage de l'eau de l'état liquide à l'état solide. Dans les circonstances habituelles, cette transformation s'effectue à 0 0C et occasionne d'importantes modifications de volume. En effet, l'abaissement de la température de l'eau jusqu'à 4 0C se traduit par une diminu- tion de son volume, mais un refroidissement plus prononcé entraîne une augmentation du volume de l'eau liquide (1 % lors du passage de 4 à 0 0C). Son volume augmente dans une proportion beaucoup plus importante (environ 9 %) lorsqu'elle gèle. Ainsi, la dilatation d'une eau de +4 0C est d'environ 10% lorsqu'elle se transforme en glace (0 0C). La congélation de l'eau dépend de plusieurs facteurs physiques dont les plus importants sont : A. l'influence de la pression ; B. l'influence de la minéralisation de l'eau ; C. l'influence de la présence des noyaux de cristallisation. A. D'après le diagramme de Bridgam la température de la congélation s'abaisse avec l'augmentation de la pression. Le rapport approximatif entre les deux variables est le suivant : Pression en kg/cm2 1 130 330 600 1100 Température de congélation 0 -1° -2,5° -5° -10° Etant donné la très grande pression qu'il faut atteindre pour abaisser la température de congélation de quelques degrés seulement, ce phénomène ne semble pas être un obstacle à la gélifraction des roches. Il est à noter cependant, que dans les pores, les pressions doivent atteindre rapidement une valeur élevée puisque la roche ne peut supporter une dilatation de 10%. B. Un deuxième obstacle à la congélation à 0 0C est dû au fait que l'eau renferme presque toujours des sels minéraux en solution. Ainsi, l'eau de mer, dont la teneur en sel est en moyenne de 35 g/1, ne commence à geler qu'à -1,8 0C. L'eau de rétention dans les roches calcaires est certes beaucoup plus pauvre en sels dissous (max. 200 à 300 mg/1.) que l'eau de mer ; néanmoins, sa température de congélation doit être, pour cette raison, légèrement en dessous de 0 0C. 63 C. Plusieurs physiciens, parmi lesquels les Anglais Chabral et Miller (1965) ont démontré expérimentalement, que dans des tubes capillaires, la température de congélation de l'eau s'abaissait avec la diminution du diamètre. Pour expli- quer ce phénomène, on admet généralement, qu'à la diminution du volume s'associe une diminution du nombre de germes de glace, ce qui entrave la trans- formation eau-glace. Il s'agit du phénomène de surfusion. Dans des cas excep- tionnels, la température de l'eau liquide peut atteindre des valeurs négatives allant jusqu'à -30 0C environ. (A noter qu'il s'agit d'une situation instable ; pour qu'elle se réalise, le refroidissement doit être lent et continu.) Plus la température de l'eau en surfusion est basse, plus la vitesse de cristal- lisation est rapide. Lliboutry (1964, p. 144) en indique les valeurs suivantes: Température de l'eau -1 -5 -10 -17 0C Vitesse de cristallisation 0,005 2 10 30 cm/s. La surfusion, si elle se produit réellement à l'intérieur de la roche, est un agent de destruction redoutable. La soudaineté du passage eau-glace provoque des tensions comparables à celles d'une explosion au sein de la masse rocheuse. Malaurie (1968, p. 33) écrit: «Les circonstances nécessaires à la réalisation d'efforts de rupture consécutifs au gel sont en fait assez difficiles à réunir. Les plus favorables paraissent être, soit celles d'une congélation rapide de l'eau maintenue en surfusion à très basse température, soit celles d'un refroidissement brusque et sensible survenant après une période de pluie pendant laquelle les canalicules et les alvéoles se sont largement imprégnés d'eau.» Il semble donc, pour les diverses raisons que nous venons d'évoquer, que la température de congélation de l'eau interstitielle puisse être inférieure à 0 0C. Mais, vu l'importance du phénomène, son étude sera reprise d'une manière plus approfondie dans les pages suivantes. II. La porosité La porosité d'une roche est le rapport entre le volume des vides qu'elle contient et son volume total. Selon que les vides communiquent ou ne communi- quent pas entre eux, on parle de porosité ouverte ou fermée. En général, les deux sortes de porosité coexistent dans une roche, mais la pierre ponce par exemple, ne possède que des pores fermés : aussi est-elle imperméable et résistante au gel. Dans une pierre à porosité dite ouverte, les vides sont reliés entre eux et avec l'extérieur par des capillaires. Dans le cas des calcaires, il est plus judicieux de parler d'espaces intergranulaires plus ou moins grands dont la taille est fonc- tion de la dimension des grains et de la qualité de leur cimentation. Ces espaces sont généralement reliés entre eux et forment un réseau capillaire fait d'une sorte d'élargissements et d'étranglements. 64 Il existe différentes méthodes permettant de déterminer la porosité d'une roche. La plus simple et aussi la plus souvent utilisée consiste à dessécher l'échan- tillon, le peser, l'immerger pendant un certain temps dans l'eau distillée et le peser une deuxième fois. L'augmentation de poids correspond à la quantité d'eau absorbée par les vides intergranulaires1. Cette méthode permet une investigation globale de la porosité, mais ne fournit pas de renseignements sur la dimension des pores. Le porosimètre à mercure utilise les propriétés physiques du Hg: liquide non mouillant avec un angle de contact supérieur à 90°. Aussi, ce liquide ne pénètre-t-il dans les capillaires que sous l'action d'une certaine pression. En appliquant par paliers, au mercure des pressions croissantes, on le contraint à pénétrer dans des capillaires de plus en plus fins. Un dispositif de l'appareil permet d'enregistrer la quantité de Hg absorbé à chaque valeur de pression. Ainsi, le porosimètre à mercure fournit des données sur la porosité totale de la pierre, sur la taille de ses pores et le pourcentage des vides classés d'après leurs dimensions. La porosité d'une roche détermine sa faculté d'imprégnation par l'eau et, dans une certaine mesure, sa gélivité. Lautridou constate qu'une roche à pores très fins (0,01 à 0,1 micron) et peu poreuse a une ascension capillaire médiocre et se sature mal en eau. A l'opposé, les espaces intergranulaires plus larges (supérieurs à 10 microns) limitent aussi la gélivité: «roches perméables». Par contre, il constate une grande sensibilité au gel chez les roches dont le rayon des pores est compris entre 0,1 et 1 micron: «porosité efficace». III. Le gel dans Ia roche Le mécanisme du gel dans la roche est un phénomène encore mal connu, malgré l'importance des travaux qu'il a suscités. Les chercheurs s'accordent à reconnaître l'influence de la dimension des pores sur la température de congéla- tion, mais vu la complexité du sujet, peu d'études systématiques ont été menées à chef. D'après Berthier (1960) l'eau en surfusion gèle à une température très basse dans les micropores: —11 0C dans les pores à 0,01 micron, —22 0C dans ceux de 0,005 micron. Tourenq (1970) conclut, après avoir mesuré la tempéra- ture de congélation dans des échantillons de roche de porosité différente : «... la plupart des roches étudiées gèlent à des températures comprises entre -2 0C et -4 0C, c'est-à-dire des températures très courantes en hiver.» Etant donné l'éventail de la dimension des pores d'une même roche, il est erroné de vouloir définir la température de congélation en fonction de la poro- 1 Seule l'immersion sous vide (chap. VI, Essais préalables) permet d'éliminer l'air des espaces intcrgranulaires et d'assurer une imbibition en eau de la roche. 65 site. De plus, son comportement au gel dépendra autant de son degré de satura- tion en eau que de la taille de ses micropores. Ainsi, seul peut être retenu un cer- tain abaissement de la température de congélation dans des roches à pores très fins. A. LA CONGÉLATION DE L'EAU Sur le plan énergétique la congélation de l'eau dégage de la chaleur (79 cal. par g d'eau congelée). Cette énergie doit être échangée avec l'extérieur. Connaissant la médiocre conductibilité thermique des roches, on comprend mieux la lenteur de la progression du gel à l'intérieur de ces dernières (le cas de la surfusion mis à part). Les enregistrements de propagation du froid faits en labo- ratoire, illustrent bien ce phénomène. La figure 17 montre les variations de la température dans un bloc (35 x 25 x 20 cm) de calcaire de Caen sec ou saturé d'eau (porosité 15 %), la médiane du rayon des pores étant de 0,15 micron.) Nous avons assuré l'isolation thermique de la base et des faces latérales du bloc par des plaques de polystirène de 20 cm d'épaisseur ; ainsi le froid pénétrait avant tout par la face supérieure (planche 1 ). Les courbes représentent la variation de la température en surface, puis à 8 et à 12 cm de profondeur. Ces enregistrements nous montrent que : - la pierre sèche se refroidit plus vite que si elle était humide ; - le palier de congélation (qui indique la température de congélation) n'existe que dans une pierre imbibée. 1. La migration de l'eau pendant la congélation Le comportement de l'eau pendant la gélivation est complexe et assez mal connu. En effet, en plus de l'augmentation de son volume — qui produit une migration d'eau liquide devant l'onde de gel — on observe d'autres mécanismes liés à l'action du gel. Ainsi, la progression du front froid dans une roche poreuse partiellement saturée d'eau provoque le déplacement du liquide à la rencontre du gel. En effet, l'eau se vaporise dans la partie chaude (centre de l'échantillon, ou intérieur d'une paroi rocheuse) et migre à l'état de vapeur vers la partie plus froide. Si le libre cheminement de la vapeur est entravé par la présence d'eau dans les capillaires, elle s'y condense et abandonne à l'eau sa chaleur latente de vaporisation (538 cal.Ig.), ce qui freine considérablement la propagation du gel. Ce phéno- mène appelé cryo-osmose n'existe pas en milieu saturé. Il a été mis en évidence et étudié dans le cadre des effets du gel sur les sols (Berthouille 1972). D'autres forces à effets complémentaires viennent s'ajouter au phénomène de cryo-osmose : il s'agit de l'électro-osmose et de l'halosmose. II faut toutefois 66 E l - co a E D U U ¦•/' / /V / ¦¦/ ' / ; / ••' / / / /' ' 7 / / / / / .• / r- s / ° / «0 3 C •a * I in i ,- ^- t remarquer que l'effet de ces forces conjugées reste d'une importance secondaire, car la vitesse de diffusion de la vapeur d'eau en milieu intergranulaire est très faible (Cass et Miller 1959). 2. La perte d'eau pendant la gélivation Une roche à porosité moyenne et saturée à plus de 90 % devrait éclater dès le premier cycle de gel ; or, pratiquement cela ne se produit que très rarement. On explique ce retard par une « immunisation » de la roche. Le mot recouvre plusieurs processus dont !'evaporation de l'eau, la cryoosmose et l'extrusion de la glace, sont les plus importants. Avant le gel, quand la surface rocheuse se refroidit, il se produit une migra- tion de vapeur d'eau de l'intérieur vers l'extérieur. Cette vaporisation est d'autant plus intense que le gradient thermique entre l'air et la roche est plus grand, que l'humidité relative de l'air est faible et que la surface de contact est étendue. Le vent favorise aussi !'evaporation; cette dernière cesse toutefois quand la surface rocheuse gèle et que les pores sont obstrués par les premiers cristaux de glace. La perte d'eau se poursuit cependant par sublimation de la glace superficielle, mais d'une manière très ralentie. En cas de gel plus brusque, la phase de !'evaporation est fortement réduite ; cependant, l'eau emprisonnée dans la roche ne provoque pas obligatoirement l'éclatement de celle-ci. Dans une paroi rocheuse, le front de gel progresse librement, refoulant l'eau, sans provoquer des contraintes de rupture. En cryoclastie artificielle, le gel pénètre simultanément par chacune des faces de l'échantillon. Pourtant, à cause de la plasticité de la glace, les tensions se trouvent là aussi modérées. En effet, on constate que, sous l'influence de la pres- sion interne, la glace flue vers l'extérieur de l'échantillon. Les expériences prou- vent que des capillaires assez larges (supérieurs à 1 micron), ainsi qu'une gelée lente et modérée favorisent l'extrusion de la glace. a. Essais d'évaporation et d'extrusion pendant la congélation Durant l'hiver 1972 nous avons effectué une série de mesures pour évaluer la perte d'eau (vapeur et glace) au cours du gel. Une dizaine d'échantillons furent soumis alternativement à des phases d'humectation (par immersion) et à des phases de gel. L'immersion dans de l'eau distillée (env. 5 0C) a duré une dizaine d'heures avant chaque gel, succédant à une immersion initiale d'une semaine. Les fréquentes gelées nocturnes des deux premiers mois de l'année ont engen- dré, à quelques exceptions près, un rythme de gel-dégel quotidien. 68 • I-. I- . 1* . I'- . I • I • ' I • I • I '• A N \ I •. ¦ \ I . \ \ I • \ I I * \ I I • \ I \ \ ' \ \ \ \ \ \ \ \ «¦•-._ • \ \ \ \ \ \ •.. \ X ••. • 1 X V ¦•.. 1 N^ •¦¦ 1 ** v >» '•;¦¦¦.. > *•» • *¦ I N \ * ¦• N • \ \ . *. \ . N ^H (N O -H ^t ON OO EO CU ^-* O U CU CU CU J'O S 2 O O O vcu 1CU 'CU n .t: >> O O O O Ui I- U. 2 o O O O 3 CU CU Cu CU 1'O T3 600 CA CU eoo 3.= cy cu zoo 900 SO'O ulométri ortlandi nginien àtei uitanien C CU »O'O S3 O 3< 0O-O >«- CO'O rbes pact -a « "O x'ut3 3 cu a 2 S P O OCQ. SO'O 8: C ire c icaire r rre jau ès com ~s g C ci CS «J Uc I1UUCuO 5 S^ Mm^f Temperature 0C Ol O Ol 1 I 14-15 fé«. 1972 ^S 100 Humidité rei. °/ ~^* 30 ^ 20 E j< «. 10 = 5 • > o I I I Evaporation et extrusion en g. 1. 0,20 2. 1,47 3. 1,76 4. 1,38 Evaporation et extrusion en % 1. 5,5 2. 12.3 3. 5,9 4. 2.3 18 20 22 24 6 8 heures O t +5 3 « O - 2 25-26 j anv.1972 Temper Ol - 100 S« . AA é rei ¦5 £ 40 3 X 30 ^ 20 E jt *. io C 5 > o i i i 18 Evaporation et extrusion en g. 1 0.10 2 1.24 3 2,44 4 4.4 3 Evaporation et extrusion en % 1. 2.8 2. 10.3 3. 8,0 4. 5.5 20 22 24 2 4 6 8 heures Figure 19: La perte d'eau au cours du gel (en gramme et en % de la porosité totale) 1. Calcaire compact du Portlandien 3. Pierre jaune de Neuchâtel 2. Calcaire roux du Valanginien 4. Grès compact de l'Aquitanien U O 2 +5 3 : o •OJ a E -5 3 I 28-29 janv. 1972 O) 100 ¦ 80 é re ~ ¦5 Ë 40 3 Z 30 £ 20 E Jt - 10 C 5 u > o I i i 18 Evaporation et extrusion en g. 1. 0.26 2. 1,78 3. 4,42 4. 5,64 Evaporation et extrusion en % 1. 2. 3. 4. 7,2 14,9 14,8 9.5 20 22 24 6 8 heures Température 0C i + Ul O Ul 4 26-27 ja nv. 1972 100 Humidité rel.% A O) OO O O O 30 ^ 20 E « 1° C 5 > o i i i Absorpt ion d'eau en g. 1. 0.19 2. 0.09 3. 0.05 4. 0,18 Absorption d'eau en % i. 5.2 2. 0.8 3. 0.2 4. 0.3 18 20 22 24 6 8 heures Les échantillons exposés au gel ont été placés à même le sol, sur une feuille de matière plastique. Un thermo-hygrographe1 enregistrait les variations de la température et de l'humidité de l'air, alors que la force des vents était mesurée par l'Observatoire de Neuchâtel situé à moins de 200 m du lieu de nos essais. La perte d'eau au cours du gel est fonction de plusieurs facteurs: les uns d'ordre climatique, les autres inhérents à la structure même de la roche. De plus, dans une étude comparative il est important que le rapport entre la surface exposée et le volume des échantillons soit semblable. Leur masse devrait être également proche. De ce fait, seuls quatre de nos échantillons sont comparables (fig. 18). Mais, comme il s'agit d'échantillons de roches bien différentes, la comparaison des pertes d'eau est assez significative. La figure 19 illustre certains résultats de nos mesures. Une observation attentive des trois premiers graphiques révèle l'influence des conditions météorologiques sur !'evaporation et l'extrusion2. La valeur de ces dernières augmente lorsque : — le froid est moins intense ; — l'humidité relative est moins élevée lors du refroidissement; — le vent souffle. L'influence d'un refroidissement plus lent et d'une très légère brise appa- raissent lors de la comparaison des situations 1 et 2, alors que l'effet d'une brise plus soutenue ressort de la mise en parallèle des situations 1 et 3. La comparaison entre des roches de porosité différente n'est pas moins significative. On constate en effet, que la quantité d'eau évaporée est liée à la porosité. Cependant, les roches qui contiennent beaucoup d'eau en perdent proportionnellement moins que celles qui en renferment une plus petite quan- tité. Aussi, c'est par !'evaporation et l'extrusion que des roches peu poreuses s'immunisent en quelque sorte contre le gel. Ainsi, dans l'expérience 3 l'espace libéré par !'evaporation (7,2 14,9 14,8 et 9,5 %) permet la transformation de l'eau en glace sans que cette augmentation de volume soit accompagnée de contraintes. L'exemple 4 est un cas d'absorption d'eau pendant le cycle gel-dégel. Pendant les premières heures des essais le froid était modéré, l'humidité de l'air élevée et il n'y avait pas de vent, d'où une perte d'eau sans doute assez faible. Plus tard, dans la nuit, le temps s'était radouci et dès 4 heures du matin des précipita- tions de neige mouillée et de pluie s'étaient produites. lien résulta non seulement 1 Les valeurs de l'humidité de l'air enregistrées par un hygrographe à cheveux n'ont qu'une valeur approximative en dessous de 0 0C. Nous en avons tenu compte dans l'inter- prétation des données de la figure 19. 2 L'extrusion observée à la base des blocs correspond à environ 10% du total des pertes d'eau par les échantillons. Dans l'exemple 3 l'extrusion était moins importante que dans les deux exemples précédents. 72 le dégel des échantillons mais une absorption supérieure à celle que l'on obtient par immersion. Comment expliquer ce fait? Est-il dû à la lenteur du dégel ou à d'autres facteurs naturels? il est difficile de le savoir. Mais il est clair que dans certains cas, les conditions météorologiques favorisent !'imbibition de la roche. 3. Le gain d'eau pendant la gélivation Nous avons vu qu'une phase de refroidissement correspondait à une perte d'eau de la roche (evaporation, sublimation ou extrusion). Aussi pourrait-on penser que plusieurs cycles successifs de gel-dégel aboutissent à un appauvrisse- ment en eau des roches. Or, en présence de l'eau, c'est le contraire qui se produit. Cette tendance à !'imbibition se manifeste durant la phase du dégel. Plusieurs phénomènes physiques la favorisent, les plus importants étant l'ascension capil- laire, la cryosuccion et la cryo-osmose. L'eau pénètre dans les roches par capillarité. L'ascension, la progression capillaire, sont inversement proportionnelles au diamètre des cavités (loi de Jurin). Les espaces intergranulaires des roches ayant une forme sinueuse à sections variables, il est très difficile de définir l'importance du phénomène. Pratiquement, la capillarité intervient chaque fois qu'une partie de la roche est en contact avec l'eau, sans être toutefois un excellent facteur de saturation. En effet, les capillaires les plus fins se remplissent rapidement et tendent à « piéger » l'air dans les pores plus gros. La progression de l'eau s'en trouve très ralentie car l'air emprisonné ne peut être éliminé que par dissolution. La cryosuccion résulte de la fusion de la glace dans les capillaires. L'eau de fonte dont le volume est inférieur à celui de la glace, ne saurait occuper tous les espaces intergranulaires. Donc, la fusion donne lieu à une dépression au sein de la roche. La force de succion qui en résulte, aspire l'eau de la surface pour en remplir les pores internes. Mamillan (1967) a établi un parallèle entre la vitesse de saturation des pierres gelées, plongées dans l'eau à la sortie du frigidaire et des pierres de même nature toujours immergées (fig. 20). La prise d'eau des échantillons ayant subi les cycles de gel-dégel est plus rapide que pour ceux qui sont restés constamment immergés. D'après nos mesures, l'absorption d'eau de deux échantillons de calcaires immergés dans l'eau distillée à 18 0C atteint les valeurs suivantes (% par rapport à la saturation absolue) : 2 jours 15 jours 1 mois 2 mois 4 mois I 86% 94% 97% 97% 97% II 79% 85% 89% - 94% 73 100 90 80 70 60 50 ^^ 0 ( ,—-----]-—~ c O ^—° /\ TERVOUX P = 21 % S"? Z UJ EAU TENEURS EN ~——""""!I ' -"*""'j FONTVIEIULE P- 3 6% évolu dans ( tion de ie l'eau a teneu à 20° C r en eau par im nersion perman ente ^ kNGlS ROCl- IE JA UNE P,10% CYC LES 40 1 23456789 Figure 20: Prise d'eau supplémentaire après gel (d'après M. Mamillan 1967). 10 74 L'échantillon I qui pèse 1,5 kg est un calcaire crayeux du Rauracien (Château Cugni, F. 1104 Saignelégier, 564,9/236,95). Sa porosité est de 15 % et il possède des micropores dont la médiane de rayon est de 0,2 micron. L'échantillon II, plus gros (2,2 kg) appartient à un calcaire oolithique: pierre de Caen de la carrière Lorphelin. Il a 23 % de porosité et ses pores ont un diamètre de 1,4 micron. La pression capillaire, plus forte dans des pores fins, semble activer l'impré- gnation. Toutefois, celle-ci se fait lentement: J.-Cl. Ozouf a observé un échan- tillon qui après sept mois d'immersion, continuait à absorber de l'eau (communi- cation orale). La saturation des roches soumises au gel est beaucoup plus rapide. Là, la cryosuccion active la pénétration de l'eau dans les capillaires. Quant à la cryo- osmose, elle agit de l'extérieur vers l'intérieur et tend à enrichir en eau les cou- ches profondes de la roche (Savel'ev 1958). L'électro-osmose renforce aussi cette tendance lors du dégel. En somme, le gel des roches provoque une expulsion d'eau, le dégel une absorption. Par la répétition des cycles de gel-dégel, la prise d'eau l'emporte sur la perte (sans doute à cause de la force capillaire favorisant la saturation). Cependant, pour que le dégel provoque une absorption d'eau il faut que cette dernière soit présente en surface. Or, !'evaporation se poursuit et son importance est d'autant plus grande que la température s'élève. Dans une paroi rocheuse l'eau ne ruisselle pas toujours sur celle-ci au moment du dégel et la saturation critique se produit rarement, même si de l'inté- rieur l'eau de carrière constitue un apport appréciable. A supposer que plus de 90% des vides soient remplis d'eau, rien ne laisse présumer que le gel provo- quera des tensions susceptibles de fendre la roche. En effet, dans une paroi rocheuse, le front de gel progresse lentement, refoulant l'eau dans les zones profondes, sans ébranler les assises. Il n'en est pas de même pendant les grands froids, lorsque la roche est gelée en profondeur (permafrost). Le dégel diurne n'étant que superficiel, la zone interne gelée favorise l'imbibition1 (par cryosuccion) et, au moment du gel, elle entrave la migration de l'eau vers l'intérieur de la paroi. Dans ce cas, les tensions peuvent provoquer la rupture de la roche. Coutard et Benoist (1971) ont étudié en laboratoire le « cumul » du froid à l'intérieur d'un grand bloc de granite (fig. 21). Une seule face du bloc a été exposée aux variations de la température avec un cycle gel-dégel de 24 heures : 14 heures à -10 0C, 6 heures à +8 0C et deux fois 2 heures de stabilisation. Après trois jours seulement, le gel demeurait permanent au centre du bloc et l'épaisseur de la couche dégelée diminuait chaque jour. 1 A condition que l'eau soit présente. 75 66 f / /I £ / i '•/ i /1 / /I /1 A- / Sonde 05 ™S*S* Epaisseur gelée O 50 100 150 200 Temps en heures Figure 21 : L'évolution des conditions de gel dans un gros bloc de granite (sonde 05 à 66 cm de la surface) d'après J.-P. Coutard 1971. Dans le Haut-Jura, et pendant la mauvaise saison, la roche gèle assez souvent en profondeur. Ces jours-là, l'efficacité des gels-dégels quotidiens doit être accrue. De même, pendant les grands froids du Quaternaire le gel devait être per- manent dans les parois, ceci plusieurs mois de l'année. 76 CHAPITRE VI Expérience de gélifraction en laboratoire I. Choix des échantillons Au total, 71 échantillons de calcaire jurassien ont été soumis à l'action du gel. La plupart de ces pierres provenaient de l'arc interne du Jura et furent préle- vées dans des affleurements ou parois rocheuses plus ou moins sensibles au gel. Afin de ne pas ébranler les échantillons nous les avons dégagés à l'aide d'une barre à mine en utilisant les faiblesses lithologiques (diaclases, joints de stratifica- tion) de la roche. Soucieux de vérifier plutôt la vitesse de fragmentation que la résis- tance des calcaires au gel, nous n'avons pas cherché à tester des roches qui aupa- ravant n'auraient jamais été soumises à l'action du gel. Certes, nos échantillons étaient des pierres parfaitement saines, mais extraites d'une faible profondeur (env. 40 cm), elles avaient déjà subi les effets du gel dans leur position originelle. Le Jura offre un très vaste éventail de faciès rocheux parmi lesquels il fallait faire un choix. Dans le but de quantifier l'évolution actuelle il était important de prendre des échantillons dans des roches résistantes, ainsi que dans des faciès sensibles au gel. Dans le premier groupe sont représentés les blocs prélevés dans des car- rières de pierre de taille ou dans des calcaires compacts constituant l'ossature des escarpements actuels. Dans le deuxième groupe figurent certains marno-calcaires, des calcaires crayeux et oolitiques. La comparaison de la sensibilité au gel des couches plus ou moins compactes d'un même escarpement devrait fournir de bonnes indications sur la vitesse du recul des parois. Il en est de même des roches qui surmontent des éboulis de pente. Enfin, la présence de quelques pierres d'éboulis parmi les échantillons a permis de tester le comportement de ces matériaux face au gel. Le tableau 16 indique l'emplacement des prélèvements. Les Nos I, III et XII constitués de calcaires compacts et durs représentent des faciès résistants. Ces roches forment des bancs saillants qui ne portent que très rarement les traces de la gèli vati on. Les séries II, IX, X et XIV alimentent des éboulis. Ce sont des calcaires gélifs dont nous aimerions suivre la vitesse de fragmentation. Les échantillons XI, XIII et XV correspondent à des bancs friables qui donnent lieu à des sortes de niches ou petits abris sous roche. 77 Tableau 16 Localisation des prélèvements N° Etages stratigraphiques et faciès I Calcaire compact du Portlandien à taches jaunes II Calcaire bien stratifié du Kiméridgien III Calcaire massif jaunâtre du Séquanien IV Calcaire roux du Valanginien V Pierre jaune de Neuchâtel (Hauterivien) VIII Calcaire marneux du Portlandien IX Calcaire jaune lité du Séquanien X Calcaire spathique de la Dalle Nacrée Callovien XI Calcaire jaune-brunâtre du Séquanien XII Calcaire blanchâtre compact à cassure mate du Séquanien XIII Calcaire gris marneux de POxfordien XIV Calcaire blanc crayeux du Rauracien XV Calcaire blanc oolitique (MaIm) XVI Pierres d'éboulis (Séquanien, IX) XVII Pierres d'éboulis (Valanginien) Lieu de Nombre prélèvement d'échantillons Carrière (route Neuchâtel- Fenin, 559,47/206,30) 10 Combe-Biosse (F. 1144 6 Val-de-Ruz, 567,20/217,37) 6 Les Bugnenets (F. 1144 Val-de-Ruz, 566,80/219,05) 3 Neuchâtel (561,50/205,20) 5 Hauterive (F. 1144 Val-de-Ruz, 563,75/206,90) 2 Carrière (route Neuchâtel- Fenin, 559,47/206,30) 5 Côte Lambercier (F. 1163 Travers, 543,20/200,50) 5 LeFurcil(F. 1163 4 Travers, 546,23/200,66) 4 Le Cernii (F. 1162 Verrières, 530,4/199,0) 4 Le Cernii (F. 1162 Verrières, 530,4/199,0) 2 Crêt-Pourri (F. Saint-Claude 1:20000,873,84/161,62) 6 Château-Cugni (F. 1104 Saignelégier, 564,92/236,87) 7 Route Saint-Claude - Valfin (870,94/163,54) 6 Côte Lambercier (F. 1163 2 Travers, 543,20/200,60) 2 Saint-Pierre-la-Cluse (F. 1182 Sainte-Croix, 519,10/191,90) 4 La pierre jaune N° V est hautement appréciée par les constructeurs ; quant au calcaire roux N0 IV, bien stratifié et traversé par de nombreuses diaclases, il paraît à première vue, assez peu résistant. Par ces essais nous nous proposons de : — suivre en laboratoire l'effet d'un climat artificiel semblable au climat hivernal jurassien actuel ; — contrôler expérimentalement certaines observations faites sur le terrain ; — chercher à mieux comprendre les processus de gélivation des roches et essayer de dégager une échelle de gélivité des calcaires du Jura. 78 M\N. I \ 1 ;---------------- .\ r^ .'N "• % V ^ O ro a, ISl U •o C O ^ 0,1 re SJ-! 3 10 0 CU 100 3 CT- 900 1Lh SOO VU E fcn'n O O U k. 79 mm 100 m 0 12 345671 24 heures mm 100 IV HT 0 12 3 4 5 6 7t mm 100 V ------------ / < ' ' VIM fi i * " - m 012345678 16 24 heu res mm too IX X 0 12 3 4 6671 16 24 heures mm 100 XIl Xl 0 12 34667( 16 24 heures mm 100 / ' < <> XlV i / ' ' s* t * : - m - XlIl I 012345678 16 24 heures Figure 23 : Vitesse et importance de l'ascension capillaire. 80 II. Le déroulement des expériences A. ESSAIS PREALABLES Avant de commencer les expériences de gel, on détermine certaines carac- téristiques physiques des échantillons. Les mesures portent sur: - le poids sec: après séchage à 50 0C pendant 72 heures; - le poids humide: obtenu par pesage après avoir immergé sous vide les échantillons dans l'eau distillée1 ; - le volume total des pores : par poids sec et humide ; - la porosité à 150 bars2; - la taille des pores: porosi mètre à mercure; - la hauteur et la vitesse de l'ascension capillaire. Ces différentes données figurent dans le tableau 17 et les figures 22 et 23. Tableau 17 Porosité des échantillons3 N° Séries Porosité sous vide Porosité Porosimètre à 150 bars à mercure Calcaire compact 0,7 1,1 0,4 0,45 du Port la n di en 0,52 0,82 0,48 0,34 0,37 1,9 0,8 0,24 Calcaire stratifié 1,0 1,0 0,9 1,0 1,2 0,20 du Kiméridgien Calcaire massif 1,1 1,3 1,7 2,0 0,38 III du Séquanien IV Calcaire roux 5,2 4,4 4,1 4,0 - 4,40 du Valanginien V Pierre jaune 7,9 10,8 10,40 de l'Hauterivien VIII Calcaire marneux 0,67 0,70 0,3 0,6 0,20 du Portlandien IX Calcaire lité 1,1 1,7 0,65 0,80 du Séquanien X Calcaire spathique 1,8 1,7 1,6 - 1,15 de la Dalle Nacrée 1 Après dessication jusqu'à l'obtention d'une masse constante, les échantillons ont été placés sous une cloche à vide ayant à la partie supérieure un orifice permettant l'introduc- tion de l'eau. On effectue le vide (pression réduite à 20 mm de Hg) que l'on maintient sous une dépression constante pendant 1 heure, de manière à éliminer l'air des pores. Ensuite on fait pénétrer lentement l'eau déminéralisée en veillant à ce que les échantillons restent sous dépression. Par la suite on les maintient immergés après avoir rétabli la pression atmosphérique. L'échantillon étant essuyé on détermine son poids humide. 2Les échantillons sont placés dans le «banc de mise sous pression» à 150 bars pendant 24 heures environ, ceci afin de déterminer leur porosité totale. 3 Le tableau 16 indique les lieux de prélèvements des échantillons. 81 Tableau 17 (suite) N° Séries Porosité sous vide Porosité à 150 bars Porosimètre à mercure XI Calcaire jaune-brunâtre du Séquanien 1,6 2,1 2,0 0,38 XII Calcaire blanchâtre du Séquanien 1,7 2,9 0,74 XIII Calcaire marneux de l'Oxfordien 1,8 1,3 2,9 1,6 2,4 — — XIV Calcaire crayeux du Rauracien 7,0 6,8 7,2 11,8 8,2 12,1 - 10,4 XV Calcaire blanc oolitique 9,9 13,4 12,0 6,8 7,1 11,1 - 14,9 XVI Pierre d'éboulis 1,5 2,1 - - XVII Pierre d'éboulis 3,7 4,8 4,8 - - Nous constatons d'après ce qui précède que : — la porosité des calcaires massifs et des calcaires marneux est très faible ; ils ne possèdent que des micropores. L'ascension capillaire de ces séries est médiocre1 ; — les roches du Crétacé (IV et V) plus poreuses prennent plus facilement l'eau ; — les calcaires oolitiques de même que les calcaires crayeux possèdent une importante proportion de vides et une bonne ascension capillaire; aussi peut-on s'attendre à une bonne imbibition en eau de ces faciès. B. LES CONDITIONS DE GEL Les variations de la température au cours des essais recréent, dans la mesure du possible, les conditions du climat hivernal jurassien. Lors de l'établis- sement des protocoles de gel nous avons tenu compte simultanément des rensei- gnements fournis par les stations climatologiques, et des mesures faites à La Vue-des- Alpes. Le refroidissement des échantillons est progressif et d'intensité variable : -6 0C correspondent à de faibles gelées, -18 et -24 0C à des gels rigoureux du Jura (fig. 24). Le réchauffement est toujours brusque ; il imite l'action des rayons du soleil sur les parois exposées au sud. Les faibles gelées ont un rythme quoti- dien (environ 13 heures de gel et 11 heures de dégel) tandis que les gels plus intenses sont plus durables. Avant le gel à -18 0C, le dégel (de 3 heures) n'est que superficiel et ne pénètre pas au cœur des échantillons. 1 Ces essais n'ont duré que 24 heures d'où la valeur purement indicative des résultats (fig. 23). Il est probable que dans les calcaires marneux par exemple, l'ascension capillaire se serait poursuivie encore pendant plusieurs jours. 82 1 'Sb U I 83 Lautridou a mesuré la propagation du froid dans un petit échantillon (1,2 kg) de forme cubique (env. 8 cm de côté). Il s'agit d'un calcaire de Caen de la carrière de Lorphelin, ayant 25 % de porosité. Le bloc, muni de thermosondes, est imbibé d'eau et placé dans un bac parmi les autres échantillons de cryoclastie. La figure 25 représente les variations de la température du bloc pendant un gel modéré. On peut s'étonner du temps nécessaire à la congélation complète de l'échantillon. Cela est dû, sans doute, à l'importance de la teneur en eau de ce calcaire (la longueur du palier de congélation en témoigne). Aussi pouvons-nous en déduire que nos échantillons du Jura, moins poreux que le calcaire de Caen, gèlent jusqu'au centre pendant les cycles de -6 0C. Cependant il y a un doute concernant les blocs atteignant 3 à 4 kg ou plus. C. L'ALIMENTATION EN EAU Après avoir effectué les manipulations et mesures préliminaires et imbibé les échantillons, on les met dans des petits bacs en matière plastique, placés sur des chariots appropriés. Au cours des essais, l'alimentation en eau est faite de deux manières différentes selon la taille des blocs. Les petits (0,6 à 2 kg) sont placés dans une lame d'eau d'environ 4 cm dont le niveau est maintenu constant. Ces échantillons sont retournés après chaque dégel. Les plus gros blocs (en principe un de chaque série) ne sont en contact qu'avec 1 cm d'eau pendant la phase du gel alors que durant le dégel, ils sont immergés, ceci afin de favoriser la prise d'eau par cryosuccion. Ainsi, tout au long des expériences, les échantillons se trouvent dans des conditions d'humectation optima qui devraient assurer leur saturation. Est-ce réellement le cas? Obtient-on pendant ces expériences une meilleure humecta- tion des roches que dans la nature? Nous sommes tenté de répondre affirmati- vement à cette question car les roches en place ne sont pas toujours en contact avec l'eau. La perte d'eau des capillaires est assez peu importante à cause de l'humidité de l'atmosphère qui se crée au contact immédiat des blocs, et aussi, parce qu'il y a vraisemblablement une compensation de l'eau évaporée par l'ascension capil- laire. Aussi, les échantillons conservent-ils tout au long du cycle de gel un degré de saturation qui est assez constant mais qui peut demeurer, dans certaines pierres peu poreuses, en deçà de la saturation critique. Ce climat artificiel diffère des conditions naturelles de gel dans le Haut Jura où l'apport d'eau est moins régulier et moins abondant. III. Vitesse de fragmentation et pourcentage des débris Le tableau 18 (p. 88) et les figures 26 a et b représentent la vitesse de fragmentation des échantillons (c'est-à-dire l'augmentation du poids des débris en % du poids initial du bloc) ceci en fonction du nombre de cycles gel-dégel. 85 100% I I I III et IV ^ -" s/ ' / t >> __/ 0 20 40 EO 100 120 140 160 180 200 220 240 2EO 280 300 320 340 3EO 380 400 alternances 100% I / I / / IX •V I / 1 I I I I ,/ y s ^ y ' • "T" O 20 40 EO 100 120 140 IEO 180 200 220 240 2EO 290 300 320 340 3EO 380 400 alternances 100 % / / t : ;' t ;' I : 1 ¦ t I ' Xl I I, / / / / I I 1 -¾/ i / / / / > // i : / / ¦ O 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200 220 240 260 280 300 320 340 380 380 400 alternances Figure26a: Pourcentage de débris en fonction du nombre de cycles gel-dégel. 100% I I I I I I .* I XIlI i I I I I i I I i I I /5 I I I i I I '" 3. 6 O 20 40 SO 80 tOO 120 140 160 200 220 240 2EO 280 300 320 340 360 380 400 alternances 100% ,,' _,' s XIV t / / i I I i / i / / 5.. s' S ,_/ y i .* A, 1 / / ' ¦"'3 6 0 20 40 EO BO 100 120 140 IEO 180 200 220 240 2EO 280 300 320 340 3E0 3BO 400 alternances 100% I /• /. */¦¦'* / £ y é fy XV I '¦• / l.: / ¦ / ; A> A * IZ l>' • I I. / / / / / / *%> I I * * i 0 20 40 EO 80 100 120 140 160 IBO 200 220 240 2E0 280 300 320 340 3EO 3B0 400 alternances Figure 26b : Pourcentage de débris en fonction du nombre de cycles gel-dégel. En général, on remarque que les calcaires massifs, peu poreux sont prati- quement non gélifs, alors que les calcaires crayeux et oolitiques fournissent assez rapidement des débris, ou éclatent complètement. Les mamo-calcaires ayant un comportement irrégulier se situent entre les deux extrêmes, tandis que les séries V, IX et XI ont un comportement inattendu. Tableau 18 Pourcentage de débris à 100, 150 et 250 alternances1 (par rapport au poids initial des échantillons) Séries 100 cycles 150 cycles 250 cycles I 0 excepté échantillon 3: 21% 0 excepté échantillon 3: 22% 0 excepté échantillon 1: 0,6 % 3: 23 % II 0 1,2 0,5 0 0 0 3,5 1,7 0 0,8 0 1,1 III 0,5 13 i 0 1,2 14 0 2,3 15 0 IV 0,5 14 100 1 0,2 2,5 38 100 1,2 8,3 2,5 62 100 1,2 21 V 0 0 0,2 0,2 0,5 VIII 0 0 0,6 0 1,1 : 1,3 0,3 0,8 0,5 1,1 1,5 IX 0 67 14 ¦ 0 0 13 100 0 100 6 20 100 1,2 100 17 X 0 excepté 0 échantillon 3 fendu en deux 0 morceaux XI 28 100 62 54 100 100 XII 0 0,4 0,6 0,4 0,9 XIII 0 0 0,5 0 0,5 100 0 0 2 0,9 100 0 0 3 16 100 3 100 XIV 5,5 15,5 2,5 14,5 1,5 0,6 6,4 50 27 0.9 1,5 18 31 100 52 3 24 24 XV 22 100 100 0,5 0 100 55 100 100 46 48 100 100 XVI 0 0 0 XVII 0 2,8 7,7 2,6 1 7,3 8,2 6,4 2,4 Les lieux de prélèvement des échantillons figurent au tableau 16 (p. 78). A. LES CALCAIRES NON GELIFS Les séries I, II, III, X et XII appartiennent à des calcaires compacts et mas- sifs. Très peu poreux, ils renferment surtout des micropores dont la médiane du rayon varie entre 0,03 et 0,06 microns (fig. 22). De plus, ne possédant qu'une médiocre ascension capillaire (fig. 23), ils prennent difficilement l'eau. Sur les 25 échantillons appartenant à ces séries, seuls 6 ont fourni des débris dépassant 1 % du poids initial. Il s'agit toujours de granules ou de poudres déta- chés de la surface des blocs. Cependant, dans des cas exceptionnels, le gel peut aussi agir en profondeur : les blocs I3 et X3 se sont fendus après 60 cycles de gel (planche 2). Il s'agit sans doute d'une zone de faiblesse interne préexistante (microfissure) exploitée par le gel, car l'évolution ultérieure de ces blocs est pratiquement nulle. Précédemment, nous avions classé les séries II et X parmi les calcaires gélifs car ils proviennent de roches alimentant des éboulis. Or, les résultats de gélifrac- tion expérimentale ne semblent pas confirmer cette idée ; pourtant, les affleure- ments de la Combe-Biosse de même que ceux du Furcil surmontent des éboulis secs. Des observations récentes du terrain nous permettent d'expliquer cette apparente contradiction. Dans les deux cas, l'éboulis est bien composé de géli- fracts mais uniquement de matériaux grossiers dont la taille est délimitée par la maille des diaclases et la stratification : macro-gélivation (Tricart). Ainsi, dans ces roches, l'action du gel ne fait qu'exploiter les zones de faiblesses d'origine lithologique ou tectonique et déchausser les blocs. En revanche, en raison des caractéristiques physiques de ces calcaires, l'amenuisement des fragments se fait mal et la « microgélivation » est quasi inexistante. B. LES,CALCAIRES A MICROFISSURES Les séries IX et XI font partie, elles aussi, des calcaires massifs mais elles appartiennent à des séries plus friables. Leur faible porosité (0,6 à 2 %), et leur médiocre ascension capillaire (fig. 23) pourrait faire croire que nous sommes en présence de calcaires non gélifs. Or, la série IX fournit les matériaux pour un important éboulis de pente. Cela s'explique, du fait que ces faciès sont parcourus de nombreuses microfissures invisibles à l'œil1. Il s'agit de zones de faiblesses texturales favorisant la gélifraction. Le gel agit au sein même des échantillons et les fait éclater. La forme et les dimensions des gélifracts sont en quelque sorte prédéterminées. Ces derniers atteignent vite un stade avancé au-delà duquel l'amenuisement des débris ne se fait plus (fig. 27). 1 Les alternances de gel-dégel élargissent ces fissures rendues visibles par la présence de l'eau capillaire (planche 3b). 89 Figure 27a: Evolution de la granulometrie des débris en fonction du nombre de cycles de gel. Après 100 alternances. XV Calcaire blanc oolitique IV Calcaire roux du Valanginien XI Calcaire jaune-brunâtre du Séquanien Les microfissures peuvent être rares ou même absentes dans certaines zones de la roche (IXi et IX4) ; ces pierres s'amenuisent lentement mais n'écla- tent pas. Ces échantillons avant tout macrogélifs (planche 3) fournissent peu de poudres et de granules. Cette macrogélivation des calcaires est une forme de destruction de la roche assez répandue dans le Jura. C. LES SÉRIES GÉLIVES Ce sont les calcaires roux du Valanginien, les calcaires crayeux du Château Cugni et les calcaires oolitiques de Saint-Claude qui ont fourni le plus de géli- fracts (séries IV, XIV et XV). U s'agit de roches plus ou moins poreuses (4 à 14 %) à pores très fins (série IV) ou moyens (séries XIV et XV). Leur ascension capillaire est moyenne (IV) à très bonne (XIV et XV). 90 % Courbes granulométriques des débris J^ 3^^ *vf-s V','/ V"'/ *Ay ^ -^"^,r ^^\fr y X^ 20 50 100 200 1000 5000 10000 20000)1 / / / / / / / / ' i / / / / / / / ' / / / I / •* / ^-,-- *" / / V / / 200 2000 5000 10000 20000m Figure 27b : Evolution de la granulometrie des débris en fonction du nombre de cycles de gel. Après 160 alternances. XV Calcaire blanc oolitique IV Calcaire roux du Valanginien Xl Calcaire jaune-brunâtre du Séquanien IX Calcaire jaune lité du Séquanien V \ \ K ^ ---^ &\ VN ^ % S^ N s. 1' »ft % 5^1 \ V s \' «g C u- O ___________ ^A m O i« O (^ i« ï*j •0) ¦D I 1 O Ü W \\ V A- y 3 Tous les échantillons ont fourni des débris : 7 ont éclaté, alors que plusieurs autres ont subi d'importantes pertes de poids. La forme et les dimensions des débris varient d'une roche à l'autre. Les séries IV et XV s'effritent plutôt en sur- face (écailles, grains, poudres ; figure 27, planches 4 et 5) ; par contre, le calcaire crayeux (XIV) libère des éclats plus grossiers (planche 6). Cette roche est sans doute parcourue par des microfissures invisibles à l'œil nu. Les deux échantillons de la série V (Pierre jaune de Neuchâtel) ont un « comportement » inattendu. Il s'agit d'une pierre poreuse (9 à 12 % de porosité) ayant une bonne ascension capillaire. Pourtant c'est une roche non gelive. A quoi faut-il attribuer cette immunité face au gel? Nous ne le savons pas1. D. LES CALCAIRES MARNEUX Les niveaux marneux et marno-calcaires sont connus pour leur faible résis- tance mécanique ; aussi, leur présence dans une série calcaire engendre-t-elle des petits abris sous roche bien caractéristiques. Quant à leur influence sur l'évolu- tion générale des versants, elle est aussi précisée, du fait de leur imperméabilité. Leur résistance au gel est assez inattendue (VIII et XIII). Considérés comme friables, ils sont en réalité peu gélifs. Leurs caractéristiques physiques (porosité, taille des pores, capillarité) les rapprochent des calcaires non gélifs avec toutefois, une moins grande résistance à l'écrasement. Sur les 11 échantillons testés un seul a éclaté dès les premiers cycles de gel, alors que 3 autres (fig. 26b) ont commencé à fournir des débris après 170 alter- nances. Est-ce l'effet de la fatigue des roches? Les 7 autres n'ont libéré qu'une faible quantité d'argile et de limon (tableau 18). Prélevées dans des roches saines, ces pierres ne sont donc pas friables ; au contraire, comme elles s'imbibent mal, le gel n'a presque pas d'effet sur elles, ceci malgré la présence des microfissures. E. LES PIERRES D'ÉBOULIS Seules 6 pierres d'éboulis ont été soumises au gel artificiel. Dans chacun des cas il s'agit de fragments recueillis dans la partie basse du talus d'éboulis et à la surface de celui-ci. Nous les avons choisis parmi les blocs détachés depuis longtemps, ternis par la patine, sans traces de fractures ou de chocs récents. Il est significatif de comparer les 2 séries XVI et XVII. La série XVI appar- tient au Séquanien de la Côte Lambercier (série IX) : roche macrogélive qui fournit de gros éléments sans matériaux fins. Les pierres éboulées semblent avoir 1 Probablement plusieurs facteurs contribuent-ils à « protéger » la Pierre jaune contre le gel. Ce sont d'une part, une bonne résistance mécanique de cette roche, et d'autre part, la taille propice des pores à !'extrusion de la glace. Toutefois, des essais ultérieurs sur un grand nombre d'échantillons, s'avèrent nécessaires pour préciser la «gélivité» de ces assises. 93 atteint leur stade final fixé d'avance par le réseau originel de microfissures propre à ces roches. Effectivement, ces échantillons n'ont donné aucun débris. Les pierres de la série XVII appartiennent au calcaire roux du Valanginien de Saint Pierre la Cluse. Par leurs caractéristiques physiques elles ressemblent à la série IV décrite plus haut. Détachées des parois, ces roches restent sensibles au gel qui les attaque en surface, libérant de petits fragments, des granules ou des limons. L'action du gel (microgélivation) est lente, mais elle se poursuit réguliè- rement et la quantité de débris croît parallèlement avec le nombre de cycles. IV. Granulometrìe et morphométrie des débris A. GRANULOMETRIE Les échantillons gélifs ont fourni des débris de forme et de taille très diverses. L'étude de l'amenuisement des fragments et de leur granulometrie permet d'identifier deux types d'évolution bien caractéristiques: celle des calcaires microgélifs et celle des calcaires macrogélifs. Ces deux types de gélivité se rapportent ici à une notion quelque peu différente de celle que leur prête Tricart (1956). La sensibilité au gel de nos calcaires est principalement déter- minée par leur porosité: ainsi nous classerons un calcaire poreux, qui renferme des vides intergranulaires et qui fournit des poudres, parmi les roches microgéli- ves. En revanche, un calcaire compact, très peu poreux, recelant des microfis- sures et de ce fait ne fournissant que des éclats grossiers, est une roche macrogé- live. Les roches microgélives ont des faiblesses d'origine lithologique (vides intergranulaires, cimentation défectueuse), tandis que le réseau microfissural des roches macrogélives est d'origine plutôt tectonique (planche 4). Dans une roche poreuse et fissurée les deux formes de gélivité coexistent et se complètent. Seuls les calcaires roux du Valanginien (IV) et les calcaires oolitiques de Saint-Claude (XV) ont un comportement microgélif. Dans ces roches, le gel agit au niveau des discontinuités des éléments de la pierre (« macrogélivation granu- laire », Tricart 1956). De ce fait, l'amenuisement des débris est assez rapide et ces échantillons fournissent surtout des sables et des sables fins (fig. 27). Cependant, le comportement de ces deux types de roches est sensiblement différent. Le calcaire oolitique de Saint-Claude se désagrège rapidement en donnant des sables dont la granulometrie varie peu par la suite (fig. 27). La taille ultime des grains est identique à celle des oolites qui composent la roche, alors que la fraction plus fine provient de la pulvérisation du ciment (planche 5). Le calcaire roux du Valanginien est à la fois macro et microgélif (plan- che 6). En effet, dans cette roche, les faiblesses microfissurales favorisent l'écla- tement de la masse, tandis que le gel agissant dans les espaces intergranulaires 94 donne des particules fines. Dans ce cas, l'évolution plus lente de la granulometrie des débris (en fonction du nombre de cycles gel-dégel) est due, d'une part à la porosité plus faible de la roche, d'autre part à une plus grande résistance méca- nique de celle-ci. La plupart de nos échantillons soumis à la gélivation expérimentale proviennent de roches macrogélives. Dans ce cas, le gel détache des quartiers de roche en exploitant les discontinuités initiales. Ces microfissures, le plus souvent invisibles à l'œil, se révèlent par l'infiltration de l'eau (planche 3b). La destruction des échantillons débute par le « rejeu » et l'élargissement des fissures. Les premiers éclats se détachent entre 20 et 40 cycles ; ensuite leur nombre s'accroît régulièrement avec l'alternance des gels (planche 3). L'amenuisement des débris se poursuit régulièrement jusqu'à 200 cycles environ (séries IX, XI et XIV). Ensuite, la fragmentation se ralentit et cesse, comme si l'action du gel avait atteint sa limite d'efficacité. En fait, les zones de faiblesse de la roche ne dépassent pas une certaine densité et, lorsqu'elles ont été toutes exploitées la fragmentation cesse. B. MORPHOMÉTRIE L'aspect des matériaux issus de la gélivation des roches est bien caractéris- tique. Leur forme équarie, aux facettes multiples et aux angles tranchants est très typique et permet facilement de les reconnaître. S'il est aisé de les identifier, il est en revanche plus difficile d'en établir une classification qui faciliterait leur comparaison, ou l'étude de leur évolution. Par exemple, dans une roche macrogélive la dimension et la forme des géli- fracts est prédéterminée par le réseau microfissural (voir granulometrie des débris). En principe, la gélifraction se poursuit dans ces matériaux jusqu'au moment où chacune de ces zones de faiblesse a été «exploitée» par le gel. Il s'agit là d'un stade intéressant de l'évolution des matériaux cryergiques qu'il serait bon de pouvoir préciser. Or, ni le spectre granulométrique, ni l'indice de l'émoussé de Cailleux ne permettent de mettre en valeur la morphométrie particulière des gélifracts. Barsch (1969, pp. 101-104) a mis au point un procédé adéquat qui donne de bons résultats comparatifs1. Nous l'avons appliqué à des fragments obtenus par la gélifraction artificielle (séries IX et XI), ainsi qu'à des éclats détachés de la paroi rocheuse pendant l'hiver 1973-1974. 1 La méthode préconisée par Barsch consiste à mesurer à l'aide d'un pied à coulisse les trois plus grandes dimensions : longueur, largeur et épaisseur (L, 1, E) d'une centaine de fragments dont la longueur se situe entre 2 et 5 cm. Après avoir additionné les trois dimen- sions L + 1 + E = S, on les exprime en % par rapport à leur somme (L' + 1' + E' = 100). Ensuite les valeurs de chaque fragment sont rapportées sur un diagramme triangulaire. La moyenne arithmétique de tous les L', 1' et E' est caractéristique de la morphométrie des éclats d'une roche donnée. 95 Il s'agit de mettre en parallèle les gélifracts obtenus en laboratoire avec ceux de la même roche fournis par le gel naturel. La figure 28a représente les fragments des échantillons IX2 et IX3 (Côte Lambercier) après 280 cycles de gel-dégel. Il s'agit de 33 éclats de 2 à 5 cm de longueur. La figure 28b montre aussi la morphométrie des gélifracts obtenus en labo- ratoire (série XI). Les 86 éclats sont sensiblement plus plats que ceux de la série précédente: L' = 51, P = 33, E' = 16. Figure 28a : Indice morphométrique des gélifracts obtenus en laboratoire. (Côte Lamber- cier, calcaire compact du Séquanien, IX2 et IX3.) L'indice des éclats fraîchement détachés de la paroi est: L' = 49,0 1' = 32,5 E' = 18,5. 96 Figure 28b: Indice morphométrique des gélifracts obtenus en laboratoire. (Le Cernii, calcaire massif du Séquanien S. XI, 86 éclats.) Sur le terrain, afin d'évaluer l'effet du gel sur les escarpements, nous avons colorié en jaune-brunâtre la roche en place. Il s'agit de surfaces témoin dont l'étendue ne dépasse pas quelques m2 (voir chapitre VIII, planche 11). Dans les parois qui surplombent les éboulis de la Côte Lambercier nous avons colorié environ 3 m2 de surfaces gélives. Parmi les 75 éclats détachés au cours de l'hiver 1973-1974 (tableau 21),29 avaient une longueur située entre 2 et 5 cm. Il est intéressant de remarquer que leur indice morphométrique L' = 49, F = 32,5 E' = 18,5) est semblable à celui des fragments fournis par la même roche en laboratoire (fig. 28 a). Est-ce la preuve que dans une roche macrogélive le réseau microfissural prédétermine la forme et la dimension des gélifracts? 97 L'étude devrait être faite sur beaucoup plus d'échantillons pour tirer une telle conclusion. Il nous est impossible de préciser si le caractère très voisin des dimen- sions relatives des éclats est dû à une microfissuration identique, ou au jeu des contraintes développées par le gel? Seule une analyse mécanique de la rupture permettrait d'apporter une réponse satisfaisante à cette question. 98 Conclusions Un seul cycle de gel devrait suffire à faire éclater une roche poreuse, fis- surée et saturée d'eau. Or, l'expérience montre que la gélifraction ne se produit que dans des conditions bien spécifiques. En effet, par les phénomènes d'évapo- ration et d'extrusion de la glace, la roche « s'immunise » contre le gel. De plus, la surfusion, toujours possible, est aussi un frein à son action. Un milieu très humide, ainsi qu'un gel brusque et rigoureux favorisent les processus de rupture. Les cycles de gel répétés sont efficaces, car d'une part ils aident à l'impré- gnation de la roche et d'autre part, ils provoquent son éclatement par l'effet de fatigue. Les essais de gélivation en laboratoire n'imitent qu'imparfaitement la géli- fraction hivernale ; néanmoins, leurs résultats peuvent aider à la compréhension des phénomènes naturels. En cryoclastie expérimentale, les mesures de la vitesse de fragmentation ainsi que le tamisage des débris permettent de préciser le comportement de chaque faciès et de dresser une échelle de gélivité des roches testées. Ainsi, les calcaires compacts, peu poreux et peu fissurés à texture fine et homogène sont non gélifs à l'échelle de l'échantillon. Lors de rares fragmenta- tions, le gel exploite les faiblesses d'origine lithologique et tectonique de la roche. Les calcaires à microfissures fournissent des petits fragments qui, une fois détachés, ne se morcellent plus. Les calcaires oolitiques, les calcaires crayeux et généralement tous les calcaires poreux à gros grains sont gélifs. Quant aux marnocalcaires, ils peuvent être plus ou moins sensibles au gel. Les mesures morphométriques des éclats révèlent une analogie entre les pierres détachées des parois et celles qui proviennent de l'éclatement des échan- tillons des mêmes assises. 99 TROISIÈME PARTIE Morphologie périglaciaire jurassienne Introduction Le gel occupe une place importante parmi les divers processus morphogé- nétiques jurassiens. Les parties précédentes (climatiques, paléoclimatiques ainsi que l'étude expérimentale de la gélifraction) devraient permettre une meilleure compréhension des phénomènes cryergiques récents. De plus, en partant de l'évolution actuelle nous examinerons successivement l'action présente du gel et ses effets à l'époque tardi-würmienne. L'étude de la répartition spatiale des phénomènes périglaciaires s'appuie aussi sur des données climatiques et paléoclimatiques. Finalement, nous tente- rons de tirer une synthèse de la morphologie périglaciaire jurassienne en analy- sant ses manifestations particulières. 103 CHAPITRE VII Le périglaciaire zonal ou régional Les facteurs climatiques et lithologiques sont déterminants dans l'évolution du périglaciaire actuel, mais leur connaissance ne suffit pas toujours à expliquer les différences zonales ou régionales du phénomène. D'une manière générale, l'activité périglaciaire actuelle n'est qu'un médiocre prolongement de l'intensité qu'elle connut à plusieurs reprises au cours du Quaternaire. Certes, l'abaisse- ment général de la température et l'existence vraisemblable d'un tjäle pendant les époques glaciaires ont grandement contribué à l'action du gel dans les parties élevées de la chaîne du Jura ; cependant, l'observation nous montre que les traits caractéristiques et régionaux du périglaciaire sont étroitement liés au phéno- mène glaciaire. En effet, la présence ou l'absence du glacier influence la morpho- logie périglaciaire qui en résulte. Aussi, en se basant sur l'extension des glaciers à l'époque rissienne et surtout wiirmienne il est possible de dégager une typologie du périglaciaire jurassien. Toutefois, la fluctuation spatiale des surfaces engla- cées ne permet pas de fixer avec précision l'espace occupé par chacune des zones périglaciaires. C'est pourquoi leurs limites représentées par la figure 32 doivent-elles être considérées comme approximatives. I. Zone limitrophe de l'extension wiirmienne du glacier du Rhône1 La glaciation wiirmienne ne consiste pas en un simple cycle d'abaissement de la température suivi d'un réchauffement comme on l'imagina pendant longtemps, mais elle désigne toute une série de variations climatiques de durée inégale. Dans les pays nordiques (Danemark et Pays-Bas) où, grâce aux nom- breux sédiments pleistocenes, les observations paléoclimatiques sont plus aisées, les spécialistes ont réussi à identifier plusieurs phases successives du climat wiir- mien. Zagwijn (1961), en établit la chronologie suivante: 1 La période qui s'étend du début du Quaternaire à la glaciation rissienne est très mal connue dans le Jura ; en revanche, l'étendue englacée pendant les deux dernières glacia- tions est bien délimitée. En ce qui concerne le périglaciaire, la période wiirmienne a souvent effacé les traces des phénomènes précédents : d'où l'origine généralement wiir- mienne, tardiglaciaire, holocène ou actuelle des formes périglaciaires étudiées. 105 - Interglaciaire Riss-Wurm - Stade pre-würmien I - Interstade de Amersfoort - Stade pre-würmien II - Interstade de Brörüp - Wurm I - Interstade de Hengalo - Wurm II - Interstade Boiling - Dryas inférieure - Interstade de Alleröd - Dryas supérieure (interglaciaire Eemien) (Early stadial I) dès -70000 av. J.-C. : semble assez peu important léger réchauffement (-62000) (Early glacial II) vers -59000 : semble plus important que le précédent de -58000 à -51000: important avec retour de la forêt de conifères en Hol- lande (Pléniglacial A) de -50000 à -32000: refroidissement maximum de -32000 à -25000 : assez important (Pléniglacial B) de -25000 à -11400 : plus faible que Wurm I de-11400 à-10400: recul des glaciers de -10400 à -9800: progression des glaciers de -9800 à -8900 de -8900 à -8300 : dernière avancée glaciaire Dans le nord de la France la chronostratigraphie des loess étudiée par Lautridou (1973), permet de suivre des phases similaires à celles des Pays-Bas, avec toutefois quelques différences dans les datations. Plus près de nous, en Alsace, Wernet (1957) et Buraczynski (1971), observent des dépôts loessiques dont la sédimentation témoigne des mêmes oscillations climatiques. Burri (1963) a pu mettre en évidence au Chablais, en bordure de l'ancien glacier du Rhône, une chronologie du Wiirm basée sur l'érosion glaciaire et les dépôts morainiques. Il identifie plusieurs niveaux englacés qui correspondent à des crues successives du glacier du Rhône et de ses affluents. Ainsi, la corrélation entre le climat würmien des pays nordiques et celui des Préalpes paraît bonne. Toutefois, les traces laissées par les stades précédant Wiirm I ayant été effacées au Chablais par l'extension maximale des glaciers, il n'est pas possible d'identi- fier les fluctuations climatiques antérieures. S'il est impossible de reconnaître dans le Jura les phases successives de la glaciation wiirmienne, en revanche, la bonne localisation des moraines (parse- mées d'éléments erratiques) permet de situer l'extension maximum du glacier alpin. 106 Du Pasquier (1892) a suivi cette limite dans la partie orientale de la première chaîne et il en dressa le tableau suivant : Aiguilles de Baulmes environ 1240 mètres Les Rasses 1210 La Pidouse 1200 Couloir de Provence 1130 Côte de Boudry 1140 C a La Cernia sur Rochefort 1090 I X) i Prés devant 1080 Chaîne Tête-d Les Planches 1030 ) Chaumont (versant ouest) 1100 Sur Lignières 1030 Sur Bienne (?) 970 Montagne de Boujean 930 Sur Bettlach 730 Près Oberdorf 700 Près Günsberg (Kammersrohr) 680 Près Wiedlisbach 540 Raccordement aux moraines de Wangen à Oberbipp 480 On constate que l'altitude du lobe oriental du glacier du Rhône s'abaisse d'abord lentement puis de plus en plus vite : l'extrémité de la langue étant située aux environs de Wangen-sur-Aar à l'est de Soleure. La partie occidentale du glacier a subi la même ablation et son niveau fléchit aussi. (Machacek 1902, Jäckli 1962, et Aubert 1965.) Il s'agit là de l'extension maximum des glaciers alpins qui ne se réalisa qu'au Wurm I et dans une moindre mesure au Wurm II. Les progressions glaciaires qui ont précédé ou suivi ces deux stades principaux furent d'une importance plus modeste du point de vue de l'épaisseur de la glace et de l'étendue des zones qu'elle recouvrait. Lors des stades de refroidissements pré-wùrmiens et des Dryas par exemple il n'est pas certain que le glacier alpin ait pu atteindre le pied du Jura. I. Le périglaciaire du versant interne jurassien La rigueur du climat wiirmien a favorisé aussi (en plus du phénomène glaciaire mentionné) une remarquable éclosion morphologique du gel. Ce der- nier eut une influence toute particulière dans la première chaîne du Jura, en bor- dure du glacier alpin. L'arc interne jurassien s'est trouvé alors périodiquement et localement dans la situation d'un versant de vallée glaciaire parcourue par la 107 glace. De plus, l'orientation S-SE (des lieux) permet de penser que le dégel superficiel dû à l'ensoleillement devait être fréquent.1 Nous avons là un périglaciaire zonal typique dont certains secteurs, jadis particulièrement actifs, continuent d'évoluer encore de nos jours. Ainsi, le ver- sant oriental du Jura est tapissé d'une étendue variable de dépôts périglaciaires autochtones. L'emplacement de ces matériaux suit la limite supérieure atteinte par le glacier alpin, au-dessus de la zone morainique. Il s'agit d'éclats bien cali- brés (méd. 2 à 3 cm), pauvres en éléments fins et qui présentent un léger émoussé dû à la corrosion et à la cryoturbation. Souvent discontinus et d'une épaisseur variable, allant de quelques dm à quelques m, ces dépôts sont, à de rares exceptions près, colonisés par la végétation forestière. Les quelques bancs rocheux qui les surmontent en amont, semblent insensibles au gel actuel et ne libèrent plus de gélifracts. Aussi, l'origine de ces matériaux remonte-t-elle sans doute à l'époque würmienne. A ce moment, en plus de la proximité du glacier alpin, ces zones étaient certainement recouvertes d'une couche neigeuse qui ne disparaissait tout à fait qu'à la fin de la belle saison. Vu la rigueur du climat, l'exposition et l'absence de la végétation, les cycles de gel devaient être quasi quotidiens au printemps et en automne. Ce sont aussi les saisons pendant lesquelles les condi- tions d'humectation furent les plus favorables. Sans la réunion de toutes ces cir- constances propices à la gélivation des roches, la fragmentation n'aurait pas pu atteindre un stade aussi avancé. La présence de ces matériaux est fonction à la fois des facteurs lithologiques (gélivité de la roche) et de leur remaniement et charriage éventuels par le glacier. On les rencontre : - au-dessus de la limite supérieure des moraines: ex. Mauborget 537/189 (haut et bas du village) ; - mélangés à des moraines ; - recouvrant les moraines: ex. Bois-de-la-Côte 543,35/190,75. Mais le plus souvent il s'agit d'un placage de gélifracts qui ayant atteint une certaine épaisseur, protège les assisses sous-jacentes contre le gel. Bien qu'elles soient fort répandues, ces formations n'ont pas imprimé de formes caractéristi- ques au paysage. Il n'en est pas de même de certaines zones précises situées elles aussi au- dessus de la limite supérieure des glaciers alpins, là où le gel a joué et joue encore dans une certaine mesure, le rôle morphologique primordial. Nous voulons parler des falaises, escarpements et cirques rocheux qui jalonnent la chaîne 1 Les géomorphologues Boye (1950) et Botch ( 1946 et 1948) pensent que l'action du gel est primordiale dans le façonnement du relief, tandis que le rôle du glacier est passif, se limitant à celui d'un «réservoir d'humidité». 108 interne jurassienne. Il s'agit d'échancrures souvent isolées qui entaillent le flanc de l'anticlinal dans sa partie supérieure. La lithologie semble déterminante dans la genèse de ces formes. En effet, il s'agit de zones très fissurées de calcaires compacts macrogélifs dont les couches alternent fréquemment avec des niveaux marneux de quelques cm d'épaisseur. La genèse de ces formes est certes liée à la présence du glacier, mais elle doit être issue directement de la persistance des plaques de neige pendant la majeure partie de l'année. En fait, la proximité du glacier et du tapis neigeux crée un microclimat particulièrement humide qui favorise la saturation de la roche et sa fragmentation par le gel. Le façonnement des falaises et des cirques rocheux jurassiens ressemble à la formation des creux observés et décrits par Botch dans l'Oural. D'après l'auteur soviétique ce sont les plaques de neige qui subsistent jusqu'en été qui ont la plus grande activité morphogénétique. Par contre, l'accumulation de la neige, sa pérennité et sa transformation en névé entraînent une diminution de l'érosion. Sur le versant interne du Jura, le gel, la présence de la neige et la fluctuation du niveau du glacier alpin sont sans doute conjointement responsables du défon- çage mécanique de la roche. Quant à l'exposition des lieux, elle influence aussi la genèse de ces entailles. I. Défonçage par le gel. II. Affaissement et déplacement des matériaux. Ill Figure30: Formation et évolution d'une paroi rocheuse sur le versant interne du Jura. I. Début de la période glaciaire II. Paroxysme glaciaire III. Postglaciaire 1. Substratum 2. Neige et glace 3. Glacier alpin 4. Zone périglaciaire 5. Glacier local 6. Moraines 7. Eboulis 110 D'après Roth (1944) la formation des cirques ne s'effectue qu'en présence d'un tjäle. Le sous-sol gelé empêchant la circulation de l'eau en profondeur, celle-ci s'accumule dans les fissures. Par la suite, en se transformant en glace, elle défonce les assises, figure 29. L'évolution des dépressions ainsi ébauchées est fonction de l'accumulation de la neige et des petits glaciers de versants qui s'y installent. Il semble donc que le gel et la nivosité soient les deux principaux agents de la formation de certaines parois ou cirques rocheux du Jura. La figu- re 30 montre l'emplacement relatif, le façonnement et l'évolution de ces formes de relief. Sur ces schémas, on remarque d'abord l'importance du gel dans Yérosion dorsale, défonçant le toit des bancs calcaires. Puis, ce stade initial est suivi d'une phase très active pendant laquelle la dépression est occupée par une plaque de neige donnant lieu à une érosion dorsale et frontale1 (agissant sur la tranche des bancs) d'une grande intensité. L'accumulation de la neige, sa trans- formation en névé favorisent l'érosion frontale et le recul de la paroi. De nos jours, seul l'abattage frontal se poursuit encore d'une manière ralentie. Certains secteurs du Jura interne (fig. 31) illustrent bien cette évolution. Nous avons cité les plus caractéristiques au tableau 19. Tableau 19 Escarpements ou cirques rocheux façonnés ou remodelés par l'érosion périgla- ciaire Lieu Coordonnées Altitude Hauteur approximative de la approximative base des parois des escarpements Sur Thoiry 484,5/123,5 env. 1450 m 10 à 30 m Colomby de Gex 489,3/131,2 env. 1500 m 30 à 80 m à Montrond à 489,8/134 Montrond 490,8/135,1 env. 1450 m 20 à 40 m Ouest du Vuarne 497,9/143,5 env. 1500 m 20 à 50 m Le Mont-d'Or 517/176 env. 1250 à 1350 m 50 à 150 m Morond 517,3/178,7 env. 1280 m 30 à 60 m Aiguilles de Baulmes 526/183 env. 1400 à 1460 m 30 à 100 m Sur la Roche 543/191 env. 1100 à 1180 m 10 à 40 m Creux-du-Van 545/198 env. 1260 à 1330 m 100 à 180 m Roche-Devant 547/197 env. 1280 à 1330 m 10 à 30 m Pertuis 561/216 env. 1100 m 10 à 20 m Combe-Biosse 567/217 env. 1100 à 1250 m 10 m Les Cenevières 566/223,5 env. 1100 m 10 à 80 m Les Roches 579/220,2 env. 940 m 10 à 60 m Les Roches (Orvin) 583/224 env. 900 m 20 à 60 m Est de Bözingenberg 589/224,7 env. 700 m 10 à 30 m 1 Terminologie introduite par D. Aubert (1969, p. 334) pour différencier l'action de l'érosion dans les escarpements jurassiens. 111 II. Zone occupée par la calotte jurassienne Dans la majeure partie du Jura occidental le périglaciaire offre un visage différent de celui de la zone interne. Le cadre de ces lieux coïncide avec la portion du Jura qui fut recouverte pendant l'époque glaciaire, par une calotte autoch- tone. La figure 32 (d'après D. Aubert 1965) représente l'étendue de la zone jadis englacée. Bien que débarrassée de la couverture végétale et des dépôts préexistants, la roche de cette partie de la chaîne ne semble pas avoir subi une gélivation intense. C'est du moins ce que nous suggère l'importance réduite du périglaciaire. Les dépôts cryergiques y sont peut-être plus répandus que dans les autres secteurs de la chaîne, mais leur épaisseur est toujours médiocre. Ce sont 112 cu "5 ^ <= e "-> e o ^o « ¦3)21 ïiï H Sa CU CA X Ui /tu O .2 a." u CJ CB U C JS T3 "^ <0 OO „tu -C 'C »£û! -o vu a. Clic o 3 « =6 ä^ J § 1.B ¦ ¦ c -J3 O s g » = S wN "O .60 CJ CS o a. o. •^ eu C/3 a. c-3 3 tra o o ~a a; CU C C C o o O NNN de simples couvertures de cailloux détachés par le gel, épars à la surface de la roche en place. Pourtant, l'espace occupé par la calotte est caractérisé par une morphologie plus accidentée, par de nombreux affleurements rocheux et par un sol généralement plus mince que dans les autres secteurs du Jura. (Ce sont des traits caractéristiques du Jura rocheux, Aubert, 1965.) Cependant, les territoires à la limite occidentale de la calotte semblent avoir connu une période assez longue pendant laquelle le glacier se serait résorbé en plusieurs langues glaciaires localisées dans les vallées. Durant la période de récession, par exemple, toutes les vallées ont été occupées par des langues ou des nappes. Figure 33 : Les dépôts glaciaires et périglaciaires aux environs de Saint-Claude. 1. Moraines 2. Eboulis 3. Autres formations (d'après Ia Carte géologique de France XXXIII-28 St. Claude 1:50 000). Les environs de Saint-Claude témoignent d'un périglaciaire zonal très caractéristique (fig. 33, planche 7). Le fond de Ia vallée est tapissé d'épaisses couches morainiques, alors que les versants situés à plus de 600 m d'altitude sont flanqués d'importants éboulis. Ces cônes d'éboulis sont surmontés eux-mêmes d'escarpements qui continuent à reculer de nos jours. Les dépôts périglaciaires ne sont pas tous colonisés par la végétation et certains d'entre eux continuent à être alimentés par des éclats fraîchement détachés des parois. Certes, les calcaires oolitiques et marneux, fréquents dans les assises, sont particulièrement sensibles au gel, mais leur présence seule n'explique pas l'intensité du phéno- mène. Une fois de plus, ce sont les conditions paléoclimatiques particulières, soit : l'absence d'une couche de glace protectrice sur les sommets, l'influence de la nivosité et du climat rude qui ont favorisé l'éclosion de ces formes à la fin du Pleistocène. La topographie, propre à cette région de vallées particulièrement encaissées, contribua aussi à l'évolution périglaciaire. III. Zone occupée par de petits glaciers de croupe L'aire occupée par ces formes périglaciaires se situe à l'intérieur de la chaîne, au NE de la zone envahie par la calotte jurassienne (fig. 32). Il s'agit d'une surface de transition entre la zone constamment englacée et celle (située plus au nord) qui fut totalement dépourvue de glace. Cette partie du Jura, à l'image de celle située en bordure de la calotte jurassienne, a subi de fréquents changements climatiques pendant les derniers refroidissements du Quaternaire. La carapace de glace ne s'y installa que pendant les périodes les plus rigou- reuses du Wurm, et étant donné les dimensions généralement modestes de ces glaciers, ils présentaient des fluctuations à chaque modification climatique. Ainsi, un réchauffement général a dû provoquer une fusion précoce de la glace. Tous ces changements ont engendré des conditions extrêmement favora- bles à la gélifraction, soit : - la présence de l'eau de fusion qui favorise l'humectation de la roche; - la denudation périodique de la roche qui n'est pas constamment «proté- gée » par la glace ; - l'existence vraisemblable d'un tjäle; - et le fait, que les épandages de débris aient été à plusieurs reprises évacués par les glaciers. Contrairement à ce que nous avons constaté dans les deux zones étudiées plus haut, l'action du gel est très atténuée dans cette troisième partie du Jura. Par contre, dans toutes les situations, on trouve des gélifracts sous forme de placage de cailloux et en particulier sur les croupes où ils sont restés en place ainsi qu'en témoigne leur faciès. 115 Ces épandages de cailloux sont généralement couverts de végétation. On les distingue des pierres résiduelles de lapiez par leur granulometrie, leur forme équarrie, anguleuse, parfois un peu émoussée par la cryoturbation. La dissolu- tion altère les couches supérieures qui portent des traces de corrosion (fig. 34). Ces matériaux sont en général de plus petite taille et mieux calibrés que les géli- fracts actuels, à cause de la désagrégation plus efficace qui aurait agi jusqu'aux mailles les plus serrées des diaclases. Leur genèse, leur disposition spatiale et leur granulometrie présentent une certaine analogie avec les grèzes charentaises dont la formation a pu être précisée en laboratoire de cryoclastie. Guillien (1964) Guillien et Lautridou (1970). L'importance de ces dépôts dont l'épaisseur varie le plus souvent entre 1 et 2 m peut paraître insignifiante pour l'évolution morphologique des lieux. Mais, il ne s'agit là que de cailloux détachés au tardiglaciaire et durant l'Holocène, les éclats antérieurs ayant été évacués et incorporés dans les moraines locales. Figure 34 : Placage de cailloux sur les croupes où ces matériaux sont restés en place. 1. Roche en place B. Gélifracts C. Végétation Le Soliat (F. 1163 Travers, 544,9/197,6). 116 On constate donc que dans toute cette zone et plus particulièrement sur les croupes, la gélivation du calcaire est omniprésente. En fragmentant la roche elle favorise la dissolution, celle-ci étant d'autant plus active que la surface de contact entre l'eau d'infiltration et le calcaire est plus grande. Corbel (1957), Aubert (1969). Par le truchement de ses effets directs et indirects, la gélivation joue un rôle majeur dans l'aplanissement des croupes et par conséquent, dans l'uniformisa- tion générale du relief. IV. Zone extérieure sans glacier1 Toute la partie septentrionale du Jura central et du Jura oriental a connu une évolution périglaciaire caractéristique. Il s'agit d'une vaste région assez peu élevée, peu accidentée (Franches- Montagnes, Plateaux jurassiens) dont l'uniformité n'est troublée que par quel- ques profondes vallées d'érosion fluviale. Le gel actuel n'agit qu'à de rares endroits, sur des affleurements rocheux2 ; ailleurs, il n'influence guère l'évolution morphologique. Au contraire, l'activité périglaciaire fut très intense au cours du Quaternaire : d'importants dépôts de groises en sont la preuve (groises en patois jurasiens, grèzes en français). A. DESCRIPTION DES DÉPÔTS La localisation de ces matériaux n'est pas strictement délimitée. On les rencontre en placage d'épaisseur variable sur les plateaux, alors qu'ils manquent tout à fait sur les corniches. Mais c'est en particulier sur les versants que ces dépôts abondent. On les trouve dans toutes les positions et orientations. Leur épaisseur dépasse fréquemment 10 m. Le plus souvent, ces gélifracts masquent la roche sous-jacente, sauf dans certaines gravières actuellement exploitées où le substratum est visible. Dans chacun de ces cas la pente des dépôts est inférieure à celle de la roche. Ayant constaté ce fait, nous avons essayé de suivre l'emplace- ment des groises du haut au bas de Ia pente. On observe qu'en général: - les dépôts ne recouvrent pas la partie élevée des versants où la roche affleure souvent en corniche ; - le contact avec le thalweg peut être doux (profil concave), brusque (rupture de pente) ou plus rarement convexe (tassement, coulée de pierres) ; - l'épaisseur des dépôts est variable, l'inclination de leur pente se situe entre 30 et 35 ° environ. 1 Nous nous référons à la glaciation würmienne. Pendant le Riss une partie de la zone fut en contact avec le glacier, voire recouverte par la glace, mais on ne connaît pas avec exactitude les limites atteintes par celle-ci dans cette partie du Jura (Nussbaum et Gygax 1935). 2 L'évolution des échancrures creusées par des cours d'eau (canyons, cluses) doit beaucoup à l'action du gel. Le recul des parois en est particulièrement affecté, Barsch (1969), Monbaron (1975). 117 B. GRANULOMETRIE DES MATÉRIAUX Les groises de la zone extérieure du Jura sont moins hétérométriques que celles des autres secteurs de la chaîne. En effet, le trait le plus caractéristique est le litage des matériaux et l'absence quasi totale des fractions fines dans les lits secs où des éclats de 2 à 20 mm peuvent constituer 80% de la masse. L'alter- nance dans les mêmes groisières de lits secs et de lits gras (plus riches en maté- riaux fins) est aussi un trait frappant de ces dépôts (tableau 20 et planche 81). Les gros blocs d'environ 1 m3 ou plus (pour les plus volumineux) se trouvent disposés dans la masse; ils sont rares mais presque toujours présents. Ce sont des fragments éboulés de la corniche sus-jacente. L'eau de percolation circule dans les groisières mais le dépôt des carbonates ne se fait que dans des zones pauvres en matériaux fins. Il a lieu, soit sous forme d'un dépôt blanchâtre qui englobe les gélifracts, soit sous forme d'une véritable cimentation qui assemble les éléments en une brèche résistante. Cette consolida- tion s'observe Ie plus souvent dans les zones profondes des talus (planche 9). C. L'AGE DES GÉLIFRACTS La chronologie des gélifracts pose un problème difficile et quasi insoluble avec les moyens actuels d'investigation. Comme les matières organiques s'oxydent dans les éboulis et que les paléosols2 (très rares) conservent mal les pollens, les moyens habituels de datation (C 14 ou l'analyse pollinique) sont inutilisables. Aussi, sommes-nous embarrassés pour préciser l'âge, même appro- ximatif des dépôts. D'autres géomorphologues ont rencontré avant nous des dif- ficultés semblables. Ainsi Tricart (1956 b, p. 17) fait la distinction entre les éboulis consolidés et les dépôts meubles. Il prête aux seconds un âge würmien, alors qu'il attribue au Riss les gélifracts cimentés. L'idée est «séduisante» et s'applique sans doute à certains dépôts, mais elle ne saurait être généralisée. Il existe en effet de vastes dépôts dépourvus de lit consolidé et d'autres groisières non moins caractéristiques dans lesquelles les lits superficiels sont cimentés. Aussi, la consolidation ne semble pas être un critère chronologique sûr. Petitot (1968) dans une tentative de datation fait appel à la corrélation entre le bas des versants recouverts de gélifracts et les nappes alluviales récentes. 1 Barsch (1969) a procédé à des tamisages d'échantillons provenant de la partie méridionale du Jura central ; quant à Mathieu (1973) il a établi dans le Jura externe une typologie de ces dépôts, basée sur la granulometrie d'une centaine d'échantillons. Nos résultats sont analogues aux leurs (tableau 20 et fig. 35). 2 L'un des rares paléosols connus dans les dépôts périglaciaires de notre chaîne se trouve dans une groisière située en bordure de la route Saulcy-Glovelier (planche 9). Après l'avoir étudié, Barsch (1965) admet qu'il n'est pas en mesure de fixer l'âge des sédi- ments. Petitot (1968) signale l'existence de paléosols dans la groisière sous Planoise à l'ouest de Besançon. 118 % MO. Courbes granulométriques Vi / / /. I /: '/•¦ II: II' H: *¦ / y y • / : , / / /. * /•* ^ /.* ¦** / ¦ 11: 1 5 4 2 ------- - —— — — -~ " ~~ ^, 0 _3—— IO 20 50 I00 200 500 I00O 2000 S00O 10000 20000 |i % 100 / /--' ••¦ /¦• i; i; / / / i: f ¦ 7 9 8 6 .• / 500 2000 5000 10000 20000)1 Figure 35 : Courbes granulométriques de quelques dépôts de gélifracts. 1. F. 1182 Sainte-Croix (g) 6. Höchi Flue (m) 2. F. 1182 Sainte-Croix (m) 7. Saulcy (g) 3. Lac de Saint-Point (m) 8. Saulcy (m) 4. Le Soliat (m) 9. Saint-Claude (m) 5. Les Brenets (g) 10. Saint-Claude (g) (g) = lit gras, (m) = lit maigre (voir tableau 20). Tableau 20 Granulometrie de quelques dépôts périglaciaires N° Lieu Qualifi- Taille des matériaux en mm i (%) cation < 0,050 0,05- ¦1,0 1,0-10 10-20 >20 1 Sainte-Croix (g) 21 6 37 31 5 2 (525,9/182,9) Sainte-Croix (m) 4 5 31 31 29 3 (525,9/182,9) Saint-Point-Lac (m) 7 11 25 36 21 4 (515,8/186) Le Soliat (m) 6 6 46 24 18 5 (544,95/197,6) Les Brenets (g) 15 5 25 35 20 6 (544,4/212,8) Höchi Flue (m) 3 3 29 55 10 7 8 9 (626,45/243,1) Saulcy (580,3/241,0) Saulcy (580,3/241,0) Saint-Claude (g) (m) (m) 21 5 16 7 3 9 30 27 55 30 53-20 12 12 0 10 (872,35/160,5) Saint-Claude (847,0/161,55) (g) 55 3 6 18 18 (g) = lit gras, (m) = lit maigre Voir aussi figure 35. L'auteur en dégage une chronologie relative des deux phénomènes où les éboulis de gravité sont attribués au Riss. Quant à Barsch (1965 et 1969) c'est à l'époque würmienne qu'il situe la formation de la majeure partie des groisières. Les conclusions du géomorphologue bâlois s'avèrent fondées même si elles peuvent apparaître de prime abord discutables. En effet, dans la zone extérieure du Jura central l'étendue des dépôts périglaciaires est telle, que les talus d'éboulis constituent un élément majeur du paysage (fig. 36 et 37). Ce n'est pas le cas dans les autres secteurs de la chaîne où le périglaciaire est moins répandu. De plus, sur la moraine würmienne1 l'épaisseur des éboulis ne dépasse généralement pas 2 m. Même si nous sommes en présence d'un faciès particulièrement gélif, une efficacité aussi extraordinaire du gel peut paraître invraisemblable dans une zone à altitude assez faible. 1 Les éboulis sur moraine s'observent près de Vallorbe, F. 1202 Orbe (517,1/173,4) ; près de Lamboing, F. 1125 Chasserai (579,3/220,2) (pi. 16) et au bord du lac de Saint- Point (515,8/186). 120 Figure 36: Groisière dans la zone extérieure du Jura central. Ocourt, F. 1085 Sainte- Ursanne (573,4/244,4). La masse de ces matériaux dépasse fréquemment 10 m d'épaisseur (dessin E. Méheust d'après photo). Aussi, seules des conditions particulières peuvent expliquer une telle évolu- tion. Le fait que dans ces zones externes - dépourvues de protection glaciaire - le périglaciaire fut actif pendant toute la durée du Wurm, permet de comprendre l'intensité du phénomène. De plus, les résidus périglaciaires rissiens ne se distin- guant pas des wurmiens, les dépôts mis en place durant les deux périodes peuvent être présents. Aussi, dans la partie extérieure du Jura central l'âge des groisières reste-t-il mystérieux et vu l'état actuel de nos connaissances il nous paraît hasardeux de vouloir les dater. Néanmoins, n'ayant pas été incorporés dans les moraines, comme dans les autres secteurs du Jura, ces matériaux abondants donnent une juste idée du rôle important de la gélivation dans la morphologie jurassienne. 121 ivi1 ,*,/* *.w,'_'0 Figure37: L'étendue des dépôts périglaciaires aux environs de Sainte-Ursanne. 1. Matériaux de gélivation 2. Autres formations 3. Chemin de fer 4. Route (d'après la Carte géologique suisse F. 1085 Sainte-Ursanne 1:25 000). CHAPITRE VIII Evolution des parois rocheuses La notion de paroi rocheuse est envisagée au sens large du terme: elle désigne tout escarpement vertical ou sub-vertical qui surplombe un éboulis de versant. Généralement, ces falaises calcaires, sensibles aux variations climati- ques actuelles, reculent sous l'influence de deux principaux agents d'érosion: la corrosion et le gel. Leur origine peut avoir des causes tectoniques et morphologi- ques variées: érosion fluviale ou torrentielle et surcreusement glaciaire par exemple. Ainsi, les escarpements du Jura tabulaire se situent-ils le plus souvent le long des vallées en gorge, tandis que ceux du Jura plissé occupent générale- ment le haut des versants. Leur emplacement est lié à l'aire d'occupation glaciaire durant le Wurm (tableau 19 p. 111). I. Le recul actuel des escarpements Les versants escarpés ne sont pas fixés. Avec les éboulis actifs ce sont les seuls éléments de la morphologie jurassienne qui connaissent, de nos jours, une évolution rapide. De nombreuses cicatrices récentes dans les parois ainsi que la surface équarrie de celles-ci, prouvent l'action de la gélivation. Les cailloux fraî- chement détachés, gisant au pied des corniches, en sont aussi une preuve. Caire (1955, p. 47) ayant étudié l'évolution des parois des plateaux jurassiens note que : « La fragmentation en cailloux plus ou moins anguleux suivant le type de la roche, qui donne un aspect bréchique à de nombreux escarpements, est due, au moins en majeure partie à un écaillage par gélivation. » La gélivité des calcaires est fonction de facteurs lithologiques, tectoniques et climatiques. De plus, l'orientation des escarpements semble aussi influencer leur recul. Ce dernier doit être négligeable annuellement (proche de zéro), dans une roche non gelive, tandis qu'il a une valeur effective dans les parois compo- sées de calcaires gélifs. L'intensité de l'abattage périglaciaire est sans doute déterminée par les conditions lithologiques, mais dans une roche très gelive elle sera définie, en dernier lieu, par les facteurs climatiques : nombre de cycles de gel-dégel, et humidité. D'autre part, la roche d'un escarpement est rarement homogène et ne se comporte pas comme telle. Certains bancs ou séries de bancs gélifs reculent plus vite que d'autres, ce qui donne lieu à des renfoncements ou petits abris sous roche. Mais dans cette situation, la série gelive étant en partie « protégée » contre le gel, son évolution s'en trouve ralentie. 123 A l'opposé, les bancs peu gélifs de la paroi forment des aspérités. En posi- tion de corniche, ces roches se trouvent mieux exposées aux variations climati- ques que les bancs en retrait. Elles en subissent donc les conséquences et le plus souvent se désagrègent en gros blocs qui s'éboulent. Il en résulte une certaine uniformité du recul. L'observation nous montre que les parois rocheuses du Jura peuvent être classées, selon leur sensibilité au gel, en trois catégories: a. Les parois à roche homogène macrogélive très sensible au gel et qui recu- lent vite. b. Les parois à roche homogène insensible au gel dont le recul est minime ou nul dans les conditions climatiques actuelles. c. Les parois à roche hétérogène composées d'une part de séries gélives et d'autre part de couches résistantes au gel (fig. 38). Figure 38 : Escarpement hétérogène (calcaire oolitique) route Saint-Claude - Valfin F. Saint-Claude, 870,94/163,54). A. Série peu sensible au gel B. Couches gélives C. Gélifracts D'après une photo. 124 L'évolution de ces escarpements de roche hétérogène est difficile à mesu- rer. En effet, la gélifraction dépend de l'importance et de la situation respectives des deux catégories de roches. En principe, le recul d'une paroi hétérogène est dicté par l'évolution des bancs gélifs, à condition toutefois, que ces derniers constituent une proportion importante des assises. Afin d'évaluer l'effet du gel sur les escarpements et le recul annuel de ceux-ci, nous avons colorié en jaune-brunâtre la roche en place1. L'étendue de ces « surfaces témoin » ne dépasse pas quelques m2 en général et seules des sur- faces apparemment très gélives ont été prises en considération. Toutes ces parois sont orientées au S, E, SE ou SW, et aucun obstacle physique n'entrave l'inci- dence directe des rayons du soleil. Le tableau 21 indique les résultats obtenus. Tableau 21 Recul actuel des escarpements Lieu Orientation de la paroi Surface peinte en m2 Nombre d'éclats Poids des éclats kg Epaisseur moy.détachée en mm/an Côte-Lambercier (F. 1163 Travers, 543,2/200,5) E E 1,28 1,73 11 64 0,182 0,510 0,052 0,11 Chasserai (F. 1125 Chasserai, 572,0/220,4) S SW SW 0,65 0,53 0,42 68 23 9 0,715 0,535 0,137 0,041 0,038 0,012 Roche-Devant (F. 1163 Travers, 547,7/197,83) s s s 3,86 0,42 2,72 17 26 84 0,727 0,375 0,612 0,007 0,033 0,008 Château-Cugni (F. 1104 Saignelégier, 564,92/236,87) W-SW s 1,20 1,92 96 121 3,302 9,274 1,06 1,85 Ces chiffres traduisent la valeur moyenne de la gélifraction mesurée pendant les hivers 1973-1974 et 1974-1975 (mi-novembre - mi-avril). Le poids des éclats, au cours de 1974-1975, est d'environ 20 % supérieur aux résultats de l'hiver précédent ; par contre il n'y a pas de différence notable dans la taille des éléments. Les quelques éclats détachés pendant la belle saison (mi-avril - mi- novembre) ne figurent pas dans ces résultats. 1 Afin de ne pas influencer le réchauffement de la roche par l'insolation directe, nous avons utilisé une peinture dont la couleur imite celle des assises. Il s'agit d'un voile de pein- ture très légère, appliqué sous forme de spray qui n'empêche nullement le détachement des éclats. Son action sur l'humectation de la roche est aussi négligeable. 125 Bien que ces mesures se rapportent sans exception à des bancs apparem- ment gélifs, on enregistre une grande différence dans les résultats qui varient entre 0,007 mm (Roche-Devant) et 1,85 mm (Château-Cugni). Pour traduire le recul annuel des parois les valeurs du tableau 21 devraient être majorées d'environ 15 à 20%. En effet, les éclats fournis pendant l'été n'y figurent pas et il y a toujours un minimum de cailloux peints non retrouvés. Il convient d'ajouter à ces deux catégories d'éclats non mesurés ceux, sans doute peu nombreux, qui seraient tombés après la disparition de la couche superficielle peinte (planche 11). Ainsi corrigées, les valeurs moyennes de notre tableau (recul moyen annuel des zones gélives) se présentent comme suit : Côte-Lambercier environ 0,1 mm Chasserai environ 0,036 mm Roche-Devant environ 0,019 mm Château-Cugni environ 1,74 mm Les surfaces contrôlées ayant une faible étendue et les mesures se rappor- tant à des hivers particulièrement cléments, nos chiffres représentent plutôt des ordres de grandeur que des valeurs précises. En effet, l'importance du recul des parois doit être sensiblement plus élevé durant un hiver rude que lors de nos mesures1. Le recul très rapide des parois du Château-Cugni s'explique par les qualités lithologiques et structurales de la roche (voir chapitre VI et planche 12). Le fait que toute la partie haute de l'escarpement soit formée d'une roche homo- gène également sensible au gel favorise aussi son évolution rapide. A. L'INFLUENCE LITHOLOGIQUE Dans les parois rocheuses du Jura, le calcaire est souvent compact et peu poreux ; par conséquent, l'action du gel y est surtout efficace au niveau des fissu- res. En effet, les expériences en laboratoire et les observations sur le terrain montrent que la sensibilité des calcaires au gel a un rapport direct avec leur fissu- ration. C'est donc une étude quantitative de la fissuration et de la microfissura- tion qui serait à même de fournir, d'une manière indirecte, un « indice de géli- vité» de la roche. Or, une telle étude n'existe pas à l'échelle jurassienne. Toutefois, des observations systématiques mettant en parallèle l'épaisseur des strates et la densité des diaclases ont été faites par Kiraly (1969). L'auteur constate, dans des bancs minces, une relation linéaire entre leur épaisseur et la distance entre les fissures visibles. Cette covariance n'est cependant pas cons- tante. D'après Kiraly: «Dans les volumes de terrain peu tectonisés, l'épaisseur 1 Les cantonniers occupés au ramassage des gélifracts en bordure des routes, affir- ment que la quantité de pierres détachées des parois varie du simple au triple selon la rigueur hivernale (planche 13). 126 moyenne des bancs influence la fréquence des fissures... Dans les volumes moyennement tectonisés l'influence de l'épaisseur des bancs est plus faible. Dans les volumes fortement tectonisés la fréquence des fissures est statisti- quement indépendante de l'épaisseur des bancs. » Dans ce dernier cas la très forte augmentation de la densité des diaclases est liée à l'intensité de la déformation. Quant à l'ouverture des diaclases, Vinigri (1968) constate leur augmenta- tion générale avec l'accroissement de l'épaisseur des bancs. Ainsi, dans une situation analogue, une série de bancs minces sera donc plutôt parcourue par de nombreuses diaclases capillaires alors qu'une série de bancs épais aura des diaclases plus larges. Les mesures faites par Kiraly et Vinigri concordent avec nos observations. Ainsi, dans des roches de même texture ce sont des bancs minces moyennement et fortement tectonisés qui offrent les conditions optimales à l'action du gel. B. L'INFLUENCE DES INTERCALATIONS MARNEUSES Le fait que les escarpements interstratifiés de marnes et de calcaires s'observent rarement dans le Jura ne signifie pas que ces formations soient exceptionnelles dans notre chaîne. Au contraire, les intercalations marneuses y sont fréquentes, mais vu leur faible résistance, elles apparaissent rarement en position de corniche. Ceci est peut-être dû aussi - en plus de la vulnérabilité des marnocalcaires — à la position stratigraphique de ces étages. En effet, ceux-ci affluent fréquemment à la base des coupes et se trouvent par là-même recouverts de débris. La sensibilité aux agents d'érosion des couches marneuses est inhérente à ces roches. En effet, au contact de l'eau, ces matériaux gonflent par imbibition. Au contraire, en cas de sécheresse prolongée les marnes se contractent. Ces changements constants de volume favorisent la désagrégation des matériaux. Pendant la mauvaise saison, le gel peut conduire par dilatation, à la destruction de la roche marneuse. Ensuite, le dégel occasionne une contraction, un tasse- ment des assises. Ainsi, dans une série interstratifiée, faite d'une suite de couches de marnes et de calcaires, tout gonflement ou tassement de la couche marneuse se répercute sur le banc calcaire qu'elle supporte. L'évolution actuelle du Crêt-Pourri (F. de Saint-Claude 1:20000, 873,84/161,62) illustre d'une façon remarquable la désagrégation d'un escarpe- ment marneux intercalé (fig. 39, planche 14). Entaillée dans l'Oxfordien, cette paroi est orientée au SW. Elle mesure une centaine de m de haut. Enay (1966) l'ayant étudiée en donne une description stratigraphique fort complète dont nous reproduisons ci-dessous l'une des séries caractéristiques (fig. 40). 127 Figure39: Alternance des couches calcaires et marneuses au Crêt-Pourri (S. no. 40. F. Saint-Claude, 1:20 000, 873,84/161,62). D'après une photo. i i i —r 47 46 45 44 43 42 41 40 39 AAAAAA 38 Figure 40: Coupe stratigraphique de l'Oxfordien du Crêt-Pourri (F. Saint-Claude 1:20 000, 873,84/161,62) d'après Enay (1966, p. 133 et pp. 139-141) 128 47. 1,50:3 bancs de 0,50 d'épaisseur, compacts, à grain fin, avec pyrite abon- dante surtout dans le premier. 46. 4,00: Calcaire marneux délité, surtout la moitié inférieure; deux bancs médians en saillie suivis par une zone plus calcaire abrupte. 45. 0,60 : Barre calcaire formée de deux bancs calcaires séparés par un lit mar- neux; le banc inférieur grossier, gris bleuté, riche en pyrite et fétide, renferme des lamellibranches et brachiopodes en mauvais état. 44. 2,50: Calcaire marneux mal stratifié. 43. 0,50 : Calcaire à grain fin, bleu, prenant une teinte rouille à l'air, localement vacuolaire. 42. 5,00: Série à dominante calcaire, comportant des niveaux calcaires bien individualisés alternant avec des calcaires marneux délités, sans limites bien tranchées. 41. 5,00: Marne calcaire en plaquettes. 40. 4,00: Barre où 10 bancs calcaires à grain fin, jaunissant à l'air, souvent bicolores, alternent avec des lits marneux ou des niveaux plus délités moins épais. Ce niveau forme la première falaise de la pyramide terminale du Crêt-Pourri. 39. 16,50 : Série marneuse et lits calcaires à différents niveaux, surtout dans la partie moyenne et au sommet. 38. 0,35 : Calcaire dur formant une barre, à grain fin, bicolore, avec des points ou des traînées rouilles. Les couches marneuses, souvent plaquetées, ont généralement une dizaine de cm d'épaisseur. Elles s'intercalent entre des bancs de calcaire plus massifs. On remarque aussi la présence de l'eau dans les espaces interstitiels (suintements nombreux et constants). D'une manière générale, les marnes reculant plus vite que les bancs de calcaire, ces derniers se trouvent souvent en porte à faux. Mais « l'effet de coin » exercé par la glace parvient également à déchausser les couches calcaires. Dans l'ensemble, la fraîcheur de la fragmentation prouve un recul particulièrement rapide de toute la paroi. Désireux de connaître la sensibilité au gel des bancs calcaires du Crêt- Pourri (série résistante, assise N0 40) nous les avons soumis au gel artificiel. Le comportement des échantillons est assez surprenant (fig. 26 B, S. XIII p. 87). Ainsi, contrairement à ce qu'on pouvait attendre, ces roches offrent une grande résistance au gel (sauf N0 4). Dès lors, comment expliquer le recul rapide de ces mêmes formations au Crêt-Pourri ? Pour y parvenir il est nécessaire de considérer globalement le mi- lieu naturel. Il existe certains paramètres dans la nature qui ne peuvent être re- produits dans une étude expérimentale. En effet, dans la paroi, le bloc de calcaire 129 était entouré d'un milieu marneux humide. En l'isolant on le protège en quelque sorte ; dans une série interstratifiée, les couches marneuses n'assurent pas seule- ment l'imbibition parfaite en eau de carrière de toutes les assises1, mais les marnes, comme nous l'avons vu plus haut - par le jeu de leur dilatation et contraction successives- soumettent les bancs calcaires à des contraintes méca- niques. De plus, il est probable que ces bancs calcaires se déchaussent en blocs calibrés par un réseau de fissuration préexistant et qu'une fois détachés ils ne se fragmentent plus. Ces mêmes blocs extraits de la paroi, et soumis au gel expéri- mental nécessitent un nombre élevé de cycles de gel-dégel pour se fragmenter. C. LE ROLE DE L'ORIENTATION DES ESCARPEMENTS Dans ses grandes lignes la chaîne jurassienne est orientée SW-NE ; aussi, les versants regardant au SE et au NW sont-ils les plus fréquents. Logiquement on pourrait s'attendre à une prédominance des parois rocheuses orientées dans ces mêmes directions. Or, ceci n'est que partiellement vrai. En réalité, les parois tournées au SE sont effectivement les plus nombreuses (fig. 41) tandis que celles NW N NE SW Figure 41 : L'orientation des parois rocheuses dans le Jura (246 parois). 1 Les marnes n'assurent pas nécessairement l'imbibition du calcaire. Cela dépend des valeurs relatives des potentiels capillaires. 130 du NW sont plutôt rares. De plus, une comparaison quantitative montre que ce sont les falaises regardant au S, SE et SW qui ont généralement le plus évolué. Ce sont elles aussi, qui portent le plus souvent les traces récentes de l'abattage cryer- gique (fig. 42). Figure 42 : Dissymétrie des 3 crêts (Chasserai, Tête-de-Ran, Chasseron). Quel est le rôle de l'ensoleillement dans cette évolution ? Le nombre des escarpements regardant au SE et S, leur taille et leur recul plus intense nous suggèrent qu'il y a un rapport entre l'orientation des parois et leur évolution. Malgré l'apparence des faits, il n'est pas aisé d'en donner une explication satisfaisante. En effet, parmi les facteurs climatiques, seul l'ensoleil- lement direct varie d'une manière fondamentale avec l'exposition. Mais com- ment un réchauffement direct, dû aux rayons du soleil, peut-il augmenter le recul des parois? Il faut sans doute attribuer l'intensité accrue de l'érosion aux brus- ques changements thermiques de la surface rocheuse, ainsi qu'à la multiplication des cycles de gel-dégel. Les rayons du soleil agissent toute l'année sur la paroi rocheuse, mais c'est surtout en été et pendant l'hiver que leur action est « efficace». En été, l'insola- tion soumet la roche à un massage thermique intense qui peut être à l'origine de certaines desquamations superficielles. Elle peut même provoquer, dans quel- ques cas, des fissurations internes (voir chap. III). Cependant, c'est surtout pendant la mauvaise saison que l'ensoleillement manifeste son effet destructeur. A ce moment, pendant les grands froids, la sur- face des parois bien exposées dégèle, même si la température de l'air et celle des couches profondes demeure en dessous de 0 0C. De ce fait, le nombre de cycles de gel-dégel est plus élevé dans les parois tournées vers le soleil. De plus, le suin- tement de l'eau de fusion sur les roches assure une bonne imbibition en eau des assises. En résumé, les parois orientées au S, SE et SW sont soumises à des con- traintes physiques plus intenses que celles qui regardent dans les directions oppo- 131 sées. L'évolution dissymétrique des crêts anticlinaux (les parois regardant au sud étant plus érodées que leurs vis-à-vis) pourrait être due, dans une certaine mesure, aux effets de l'insolation directe. Le recul des escarpements tournés vers le soleil se poursuit encore de nos jours et on constate que la plupart d'entre eux continuent à alimenter des éboulis qui ne sont pas encore colonisés par la végéta- tion. D. LES EFFETS DE LA « DÉTENTE » DES ROCHES « Une pierre récemment extraite subit une dilatation bien connue des car- riers et mesurable au microscope» (Birot 1962, p. 11). Dans la nature, ce phénomène se manifeste le plus souvent par la mise à jour de certaines diaclases virtuelles qui apparaissent du fait de la diminution des pressions externes. On admet généralement l'existence de tensions résiduelles à l'intérieur de la croûte terrestre : tensions qui n'auraient pas été libérées par la relaxation des contrain- tes. Mais dans quelle mesure la décharge opérée par l'érosion est-elle généra- trice de fissurations nouvelles et, comment la détente des couches superficielles dans les parois rocheuses est-elle susceptible de faire apparaître des fentes? En d'autres termes, n'intervient-il pas dans ce phénomène un paramètre qui serait lié à la vitesse de la décharge? Etant donné les difficultés que cela représente, peu d'observations ont été faites dans ce domaine. Néanmoins l'étude de Jamier (1975) réalisée dans le massif du Trient (terrain granitique) est assez significative. L'auteur effectue dans une galerie située à environ 1000 m de profondeur, un comptage systéma- tique des joints visibles à l'œil nu. Il observe que l'orientation des fissures est identique à l'orientation des diaclases de surface, alors que leur densité varie du simple au double entre l'intérieur et la surface du massif. Kiraly1 a observé l'effet de la détente des roches sur les parois d'une carrière des environs de Neuchâtel. Il remarque une forte augmentation du nombre des fissures (l'extraction des pierres ayant cessé depuis une douzaine d'années) et aussi un élargissement général des diaclases. Désireux de mieux connaître les effets de la décharge dans les parois rocheuses, nous avons entrepris dès l'été 1972 quelques observations précises. Il s'agissait de photographier année après année des surfaces restreintes de parois (env. 60 x 40 cm) dans des carrières récemment abandonnées. Afin d'assurer un éclairage identique, ces photos ont été répétées dans des circonstances sembla- bles (même heure et si possible même jour, les années suivantes). De plus, l'emplacement de l'appareil photo était fixe. Ainsi toute modification visible de la surface rocheuse devrait être révélée par ces prises de vues. 1 Communication orale. 132 Au total, 42 images représentant environ 10 m2 de parois ont pu être comparées. Après 3 ans d'observations, seules cinq prises de vue révèlent des modifications certaines de la paroi. Il s'agit : - de l'élargissement de deux fissures ; - du déchaussement de deux pierres (planche 15) ; - et de l'apparition d'une nouvelle fissure. Ces résultats sont peu convaincants. Ils ne prouvent pas l'existence de l'effet de détente des roches dans les parois observées. En effet, les quelques modifica- tions intervenues sont-elles dues à la décharge? Le gel et la thermoclastie peuvent en être aussi la cause. Il se peut que nous ayons mal choisi les lieux d'observation (couches mas- sives inclinées régulièrement, dépourvues de torsions et de cisaillements) ; néanmoins, ces zones ont connu récemment une importante décharge (interven- tion de l'homme). Peut-être aurions-nous dû nous méfier des carrières, car les exploitants connaissent bien Ia roche et n'extraient que la plus solide. II. L'interaction des formes karstiques et des formations périglaciaires Dans la nature, l'érosion résulte de l'interaction de plusieurs facteurs clima- tiques et géologiques dont les rôles respectifs sont souvent mal connus. Il en est ainsi de l'action du gel sur l'évolution des formes karstiques jurassiennes. Vu la complexité du sujet et la diversité des formes observables, il nous est impossible d'en donner une étude exhaustive. Aussi, nous Iimiterons-nous à estimer la part de l'action du gel dans l'évolution de certaines formes karstiques. A. LES LAPIEZ De nombreuses observations et quelques mesures permettent d'affirmer que, dans les conditions climatiques actuelles, les lapiez subaériens sont insensi- bles au gel. Ils se développent presque toujours sur des bancs massifs, parcourus de fissures larges dans lesquelles l'eau peut circuler. Ces formes sont presque toujours pures et l'élargissement des diaclases est dû uniquement à la corrosion. Cependant, les lapiez en forme de bourse, décrits par Rollier (1894), (ouest de Pilemoine, feuille de Champagnole) et Aubert (1969, p. 361), (Aubert fait allu- sion à un microclimat particulier qui règne au fond de ces crevasses) portent les traces de la gélivation. Bien qu'il soit difficile de préciser l'importance morpho- génétique du gel, il est certain que de nos jours, son action est favorisée par le tapis de mousse qui recouvre les parois de ces crevasses. Il s'agit là d'une réserve d'humidité considérable qui assure la saturation en eau des fissures. Ainsi, les la- piez de Pilemoine ne sont pas dus uniquement à la corrosion. Pourtant, en sur- face, les formes sont pures et c'est seulement à l'intérieur des crevasses que nous avons remarqué plusieurs cailloux équarris et de petites surfaces portant des 133 traces de gélivation ; ceci prouve, que le banc sous-jacent est particulièrement sensible au gel. Mais il s'agit là d'un cas exceptionnel et généralement le gel n'agit, ni sur les rigoles, ni sur les parois des crevasses. C'est ce que prouvent nos marquages dans les lapiez de Druchaux (F. 1221 Le Sentier, 513,05/159,7), où nous avons colorié plusieurs m2 de parois de crevasses orientées dans divers azimuts. Aucune de ces surfaces n'a été altérée par le gel pendant les 3 derniers hivers, bien que les gelées y soient plus rudes qu'à Champagnole. B. LES DOLINES ET LES OUVALAS Comparées aux lapiez qui, par leur forme cutanée et par leur fréquence appartiennent aux formes mineures du karst jurassien, les dolines et les ouvalas représentent un élément morphologique fondamental de nos surfaces calcaires. Par leur développement vertical dû à la corrosion, ces formes karstiques pénè- trent les bancs calcaires et mettent à nu la roche. Ainsi, ces dépressions donnent lieu fréquemment à de petits escarpements ou têtes de bancs rocheux dont le recul peut être assimilé, toute proportion gardée, à celui des parois rocheuses. Les principes dégagés plus haut, et qui influencent l'efficacité de la gélivation, (fissuration, présence de marnes, orientation) jouent aussi un rôle dans l'évolu- tion des bancs rocheux des dolines. En définitive, la forme même de ces dépres- sions karstiques pourrait être grandement influencée par l'action du gel. Aubert (1969, p. 364) écrit que : « Si l'érosion verticale l'emporte, la doline prend la forme d'un entonnoir profond et relativement étroit. Dans le cas extrême, quand l'érosion latérale est sans effet sur des calcaires résistants, elle évolue vers une crevasse ou un gouffre. Dans le cas contraire, si l'érosion latérale est la plus efficace, la doline tend à s'élargir. » Ce qui revient à dire que les cavités à fort développement vertical sont celles dans lesquelles la corrosion est le principal agent d'érosion. A l'opposé, les dolines dont la profondeur est faible par rapport au diamètre, seraient dues à plusieurs phénomènes parmi lesquels la corrosion n'est pas nécessairement la plus active. Ces creux karstiques d'origine mixte sont fréquents dans le Jura. Leurs bancs rocheux portent presque toujours les traces de la gélivation. Aussi, les cail- loux et blocailles anguleux qui encombrent leur fond sont des fragments récem- ment détachés de leurs bords rocheux. Le marquage de la roche au bord de l'ouvala de Druchaux (F. 1221 Le Sentier, 513,0/159,63) permet d'évaluer l'efficacité du phénomène. Sur une sur- face totale de 3,4 m2, orientée au nord, le gel n'a détaché que 7 éclats au cours des deux derniers hivers. Le poids total de ces fragments atteint 640 g. Bien qu'il s'agisse d'une roche d'aspect gélif, ces résultats sont inférieurs à ceux que nous avons obtenus dans les parois rocheuses. L'orientation de l'escarpement et la faible gélivité générale de la roche en sont sans doute la cause. 134 D'autre part, de fréquentes observations nous prouvent que les têtes de bancs qui limitent des dépressions karstiques se trouvent particulièrement expo- sées à la gélivation. Par leur position, ces roches subissent des changements thermiques plus brusques que celles d'une paroi qui ne se refroidit que par la tranche. Donc, à profondeur égale, le nombre de cycles de gel-dégel est aussi plus grand dans les têtes de bancs. De plus, ces dépressions sont sujettes à de fréquentes inversions thermiques. Ces faits expliquent la morphologie équarrie, à angles vifs, de la roche. Nous avons observé des exemples frappants de cette forme de cryergie en bordure de la Sèche des Amburnex (F. 1241 Marchairuz, 506,5/156). Un autre fait marquant de ces dépressions karstiques est l'aspect asymé- trique de certaines dolines. Cette forme caractéristique - souvent mentionnée par les observateurs - serait due à la neige chassée et accumulée par le vent, Cail- leux (1954), Gèze (1953), Tricart (1950 et 1955). Ceci paraît d'autant plus vrai- semblable que les dépressions asymétriques se rencontrent dans des endroits exposés au chasse-neige alors que dans des situations semblables, à l'abri des forêts, la forme des dolines est plus régulière. Vu l'importance de la gélivation dans le recul des bancs rocheux il n'est pas exclu que certains facteurs influant sur le gel soient aussi à l'origine de la forme asymétrique de ces dépressions. Ainsi, l'effet de l'insolation directe sur la géliva- tion (voir plus haut) ne permettrait-elle pas de mieux expliquer ces formes, d'autant plus qu'à l'ombre de la forêt les dolines sont généralement plus réguliè- res ? Seule une étude statistique basée d'une part, sur la forme dissymétrique des dolines et d'autre part, sur leur orientation confrontée à la fissuration locale pourrait apporter une réponse à cette question. C. LES GLACIÈRES Il faut entendre par glacière, des cavités (gouffres, dolines, grottes) au fond desquelles la glace subsiste toute l'année. Ces dépressions, peu nombreuses, se situent à une altitude élevée et à l'abri de la forêt. Leur origine est mixte, mais elles sont dues en grande partie à la corrosion. Ce sont soit des dolines percées, (gouffres d'éboulement), soit des gouffres à parois verticales, soit encore de petites grottes sub-horizontales à deux ou plusieurs cheminées. Généralement elles ne renferment que quelques m3 de glace, excepté celle du Monlesi (F. 1163 Travers, 534,95/198,95), laquelle en contient d'après Stettler (1970) environ 10000 m3. On est surpris de constater l'extraordinaire efficacité du gel à proximité de la glace. La roche y est équarrie, sa tranche étant constamment rafraîchie. Les morceaux qui s'en détachent jonchent la surface de la glace. Celle-ci en renferme aussi une grande quantité. L'action du gel est particulièrement intense dans la zone de la « rimaye » qui est encombrée d'éclats de diverses tailles. 135 Il est délicat d'apprécier la vitesse de la gélifraction sans l'avoir mesurée ; néanmoins, nous pensons que la désagrégation mécanique de Ia roche atteint un maximum dans ces glacières. Toutefois, vu l'extrême rareté des glacières, leur impact sur l'évolution morphologique générale est nul. Cependant, les condi- tions climatiques ont subi de fréquents changements au cours du Quaternaire. Aussi, pendant certaines périodes plus froides, au début et à la fin des époques glaciaires par exemple, il n'est pas exclu que la plupart des cavités aient abrité une lentille de glace résiduelle. Dans des conditions favorables, il est même possible que pendant un temps assez court, la plupart des dépressions karstiques aient été tapissées d'une plaque de glace. Si l'intensité de la gélivation fut celle que nous lui connaissons aujourd'hui, les dépressions karstiques s'avèrent être des formes mixtes, dues sans doute à la corrosion mais aussi à la gélivation. III. L'évolution des parois rocheuses au cours du Quaternaire Sachant combien les connaissances actuelles sur les variations climatiques survenues au cours du Quaternaire sont incertaines, voire contradictoires (chap. IV), il serait hasardeux de fonder une étude quantitative sur de telles bases ; mais il est tout aussi faux de faire abstraction totale des climats du Pleisto- cène, car n'a-t-on pas sous les yeux des faits morphologiques qui résultent préci- sément de changements climatiques durables? Aussi, en géomorphologie ré- trospective, la seule démarche judicieuse est celle qui s'appuie sur les données concrètes annuelles, les transpose dans le temps et les nuance en fonction des connaissances paléoclimatiques. C'est dans cette optique que nous allons tenter de résumer nos connaissances de la fragmentation mécanique des calcaires du Jura et d'envisager - d'une manière plus générale - l'influence de la gélivation sur l'évolution morphologique de notre chaîne. Le gel agit partout où la roche nue est exposée aux variations thermiques ; (les quelques dalles lapiézées et certains bancs rocheux réfractaires au gel doivent être considérés comme des exceptions). Nous avons vu plus haut, que l'intensité de la fragmentation est fonction de facteurs multiples. Ces derniers sont d'ordre pétrographique, tectonique et climatique. De plus, la vitesse du recul d'un escarpement résulte de l'interaction de chacune de ses parties (zones plus ou moins exposées ou sensibles au gel). Donc, l'effet du gel est mesurable et comme le prouvent les marquages des parois, il peut, dans les conditions climatiques actuelles, faire reculer celles-ci entre 0 (roche non gelive) et 1, voire 2 mm par an (roche très gelive du Château-Cugni, planche 11). Mais l'ordre de grandeur du recul des strates gélives se situe généralement aux environs de 0,03 à 0,1 mm par an. Il s'agit bien entendu des secteurs gélifs de la roche, mais si ces derniers sont fréquents et bien répartis dans l'escarpement, leur sensibilité conditionnera l'évolution de toute la paroi. 136 Au Spitzberg, Rapp ( 1960) obtient un recul de 0,5 mm par an sur les grès et calcaires tabulaires. Ces valeurs, comme les nôtres, égalent ou dépassent celle de l'ablation superficielle due à la corrosion. Cette dernière est estimée par Aubert (1967) à 0,05-0,06 mm par an. Burger (1959) ayant calculé la dissolution totale dans le bassin de l'Areuse obtient 0,09 mm par an. Miserez (1973) mesure une ablation totale variant annuellement entre 0,06 et 0,09 mm. 11 convient de répéter ici que les mesures de la gélivation (tableau 21)ont eu lieu pendant des hivers particulièrement cléments et que ces valeurs se situent sans doute en dessous de la moyenne générale. Donc, à l'échelle des temps géologiques le pouvoir morphogénétique du gel prend des valeurs considérables. Ainsi, un escarpement constamment dénudé et sensible au gel aurait reculé depuis la fin de la dernière glaciation de 0,3 à 1 m en moyenne. Ces valeurs varient de 30 à 100 m pour la durée du Quaternaire ! Ceci sans tenir compte des époques glaciaires qui ont, dans certains cas, considérablement favorisé les phénomènes cryergiques. Vu sous cet angle, le gel fait figure d'élément moteur de la morphologie jurassienne. A vrai dire cette image ne correspond pas à la réalité. Elle suppose non seulement que le calcaire soit constamment libre de sol ou de végétaux, mais que les éclats détachés par le gel soient eux aussi continuellement débarrassés de la surface rocheuse1. Or, il est probable que de telles conditions n'aient jamais existé à l'échelle jurassienne et si, à la suite des glaciations, cette situation a pu apparaître dans certaines régions, elle n'a sans doute pas subsisté longtemps, car l'action du gel fut vraisemblablement limitée, d'une part par la protection morai- nique, d'autre part par un phénomène d'autorégulation. En effet, sur les croupes et toutes les surfaces peu inclinées, la roche a fourni des gélifracts qui les ont recouvertes progressivement, enrayant peu à peu l'action du gel. Ainsi, à partir d'une certaine masse de cailloutis, la roche-mère fut totalement abritée du gel. L'observation montre que, dans les conditions climatiques postwürmien- nes, il a fallu une nappe de cailloux d'un à deux mètres pour atteindre cette limite (fig. 34). La situation est tout autre sur des surfaces verticales, sub-verticales ou for- tement inclinées, où l'action du gel n'est pas entravée. On peut donc penser que ces lieux n'ont pas cessé de se fragmenter depuis la disparition des glaciers wiir- miens. Or, il se trouve que certains endroits privilégiés1 (gravières exploitées où les gélifracts coiffent des moraines würmiennes) permettent de mesurer l'épais- seur de l'éboulis. Celui-ci varie entre 1,5 et 2 m. En tenant compte, d'une part de l'inégalité de l'épandage des gélifracts dont la masse croit vers l'aval, et d'autre 1 De plus, on applique aux surfaces peu inclinées les valeurs des falaises verticales, ce qui est purement hypothétique. 211 s'agit des gravières de Vallorbe (F. 1202 Orbe, 517,1/173,4), et de Lamboing (F. 1125 Chasserai, 579,3/220,2) (planche 16). 137 part de leur étendue et des vides qu'ils renferment, on a la possibilité d'apprécier le recul des parois sus-jacentes. Ainsi, dans les éboulis de Vallorbe l'épaisseur des gélifracts varie entre 1 et 2 m. Leur étendue est environ 2 fois supérieure à celle de la surface des parois et ils renferment entre 30 et 50% de vide. Ces différentes données permettent d'estimer entre 1 à 3 men 10000 ans1, le recul de la paroi surplombant ces ébou- lis, ce qui est supérieur à l'évolution moyenne actuelle indiquée plus haut. Bien qu'il ne s'agisse que d'un ordre de grandeur approximatif, ces valeurs ne sont pas dépourvues de signification; elles confirment en particulier l'extraordinaire faculté morphogénétique du gel ce que laissait supposer le recul actuel des parois gélives. D'après ces résultats, la gélivation des assises jurassiennes fait figure de grande méconnue. Certes, on la mentionne déjà dans les travaux anciens: Machacek (1905), Chabot (1927), mais son rôle - tenu pour secondaire - est le plus souvent limité dans le temps et dans l'espace. Dans des études plus récentes, elles n'est pas davantage considérée. Seuls Barsch (1969), Mathieu (1973), Petitot (1968) et Villain (1965) ont envisagé le périglaciaire jurassien, mais l'aspect particulier de leur étude ne leur a pas permis d'avoir une vue d'ensemble du phénomène. Barsch qui en parle sous-estime son intensité actuelle. Donc, la gélivation est l'une des érosions les plus efficaces et les plus répan- dues du Jura. A ce titre, elle doit être considérée au même rang que l'ablation karstique ou le creusement fluviatile. Cependant, la gélivation actuelle possède un caractère disséminé ; les surfaces exposées à la gélifraction sont faibles par rapport à celles qui s'offrent à la corrosion. Toutefois, l'intensité de la fragmentation mécanique des assises surprend et mérite une attention particulière, d'autant plus que lors de certaines périodes froides du Quaternaire, le substratum constamment gelé offrait des conditions optimales à son action. De plus, les périodes postglaciaires coïncidant avec une importante denudation de la roche, le périglaciaire a pu agir sur de plus vastes étendues. 1 D'autres éboulis sur moraine donnent des valeurs semblables (lac de Saint-Point, F. 1182 Sainte-Croix, 516,12/187,10). 138 CHAPITRE IX Les dépôts périglaciaires Les dépôts périglaciaires sont très répandus dans le Jura (voir eh. VII). Ils peuvent apparaître sous différents aspects, allant du simple dépôt de cailloux tapissant imparfaitement les affleurements, à d'énormes masses d'éboulis- actifs ou stabilisés par la végétation — qui recouvrent le pied des escarpements. Les phénomènes de cryoturbation et de solifluxion sont aussi observables à quelques rares endroits. Seules les zones basses ne portent pas les traces visibles des phénomènes cryergiques, d'une part en raison d'une moins grande activité de la gélivation, d'autre part à cause d'une meilleure protection de la roche par le sol. Il est fréquent toutefois que les cailloux de gélivation soient présents dans la couverture meuble, mais ils se confondent avec ceux isolés par la corrosion. I. LES ÉBOULIS ACTIFS Les éboulis actifs du Jura se classent parmi les éboulis de gravité. Il s'agit de simples amas de débris meubles, déposés au pied des parois ou des escarpements. On les rencontre le plus souvent sous forme de talus (fig. 43). Les dépôts coniques sont plus rares mais point inexistants. Comparées à la taille de certains éboulis des Alpes, les dimensions des talus jurassiens sont modestes. Ils mesurent généralement entre 50 et 300 m du pied de la paroi jusqu'à leur limite inférieure. Seule la moitié des talus étant tout à fait dépourvue de végétaux, c'est unique- ment cette partie qui peut être considérée comme éboulis actif. Figure 43 : Talus d'éboulis au pied des parois rocheuses (Creux-du-Van, F. 1163 Travers, 545/198) Dessin E. Méheust, d'après une photo. A. ASPECTS GÉNÉRAUX Constituées de pierres détachées une par une, les éboulis jurassiens ont cer- tains traits morphologiques constants. Le fait que les pierres entassées soient indépendantes (le déplacement de l'une d'elles ayant une répercussion sur les autres), crée une certaine hiérarchie dans les formes. Le long du talus par exem- ple, les changements majeurs se produisent suivant la pente et dans l'évolution de la granulometrie des débris. Trois zones peuvent être distinguées longitudinalement: 1. Le pied de l'escarpement. 2. La mi-pente. 3. Le bas de l'éboulis. 1. Le pied de l'escarpement Dans la partie haute de l'éboulis, sa pente accuse des changements consi- dérables. Tout en haut, au contact de la roche, on remarque la présence d'une pe- tite plateforme à pente douce (env. 15°) dont la largeur ne dépasse pas 2 m (fig. 44). Ce replat est parfois peu marqué ou très rudimentaire, mais il est tou- jours présent. Habituellement on l'attribue à l'effet de la chute libre des pierres Figure 44 : Coupe schématique de la partie amont de l'éboulis, avec l'emplacement de la petite plate-forme à pente douce. 140 qui, en tombant, tassent les matériaux meubles. Cette explication est peu convaincante, vu que les pierres ricochent et doivent tomber à quelque distance du pied de la paroi. Dans le Jura, ces replats servent de passage au gibier dont le piétinement n'est sans doute pas étranger au tassement des pierres. Plus bas, la pente de Péboulis est plus forte ; c'est sur les quelques dizaines de mètres situés en aval de la zone précédente que l'inclination atteint le maximum (env. 38°). Figure 45: Couloirs d'éboulis libres alternant avec les zones fixées par la végétation. Côte-Lambercier (F. 1163 Travers, 200,5/543,2) dessin d'après une photo. 141 La taille des matériaux est composite dans le haut du talus. Généralement ce sont des petits éclats (Lo.<5 cm) qui occupent la plus grande surface, tandis que les pierres de taille moyenne (5 à 15 cm) y sont assez exceptionnelles. En revanche, de petits blocs de 30 cm ou plus, se rencontrent fréquemment en sur- face (plus rarement en profondeur). Dans les éboulis du Jura, comme dans les éboulis de pente, la répartition des éléments se fait selon les lois de la pesanteur qui entraîne les pierres les plus grosses jusqu'en bas de la pente. Donc, la position de ces blocs en haut de celle-ci est sans doute précaire et toute transitoire. Dans leur secteur amont, la plupart des éboulis jurassiens sont partielle- ment colonisés par la végétation. La disposition de cette dernière, faite d'herbe, de buissons ou d'arbres, n'est pas due au hasard. On remarque en effet, que les arbres (conifères ou feuillus) sont espacés et alignés dans la direction de la pente, tout comme les autres végétaux. L'ensemble forme une suite de traînées d'éboulis libres, plus ou moins larges, qui alternent avec des zones fixées par les végétaux. Les coulées d'éboulis sont légèrement convexes tandis que les espaces colonisés se profilent plutôt en creux (fig. 45). 2. La mi-pente Située en aval de la zone précédente, elle est éloignée d'une centaine de mètres du pied des falaises. On remarque une grande régularité dans la pente du talus (34 à 36°) qui est réglée, ce qui n'exclut cependant pas la présence de cer- taines microformes. Nous voulons parler des terrassettes ou bourrelets transver- saux ou obliques qui traversent ces nappes de pierres. Là encore, il s'agit sans doute de lieux de passage du gibier. Quant à l'alternance latérale des zones convexes et concaves qui caractérise le haut de l'éboulis, elle est le plus souvent effacée dans son secteur médian. Celui-ci se présente sous la forme d'une grande nappe circulaire de pierres sèches. L'homométrie des éclats est surprenante, leur triage longitudinal et latéral est presque parfait. Dans la même coulée, on remarque d'amont en aval une croissance régulière de la taille des matériaux (planches 19,20 et 21 ). Par contre, latéralement, l'uniformité granulométrique n'existe pas, vu que des coulées de pierres, de tailles fort différentes peuvent se juxtaposer. La mi-pente est presque totalement dépourvue de végétaux. Il arrive toute- fois, que quelques buissons ou quelques touffes d'herbes espacées parviennent à s'enraciner dans les zones situées à l'abri des coulées de pierres. 3. Le bas de l'éboulis Ce secteur, à l'image des précédents, possède aussi certains traits caracté- ristiques, mais pas toujours présents. Ainsi, l'inclination de la pente est souvent plus faible, mais peut l'être momentanément, car il n'est pas rare de constater 142 que cette diminution est suivie, vers l'aval, d'une accentuation transitoire de la pente du talus (Roche-Devant, Côte-Lambercier). Le bas de l'éboulis est le lieu de l'accumulation des gros blocs. Si leur taille est assez bien calibrée dans une même coulée, elle est susceptible de modifica- tions dans le sens latéral. La dimension des blocs varie, en effet, avec la lithologie de la paroi sus-jacente. L'écart entre la taille des gros blocs est aussi considérable d'un éboulis à l'autre : quelques dm3 en moyenne à la Côte-Lambercier (F. 1163 Travers, 543,2/200,5), 1 à 2 m3 dans certaines coulées du Creux-du-Van (F. 1163 Travers, 545,5/198,5). La proportion des gros blocs est généralement importante (80% ou plus). On observe fréquemment, qu'entraînés par leur élan plusieurs blocs dépassent la limite inférieure de l'éboulis. Ces blocailles sont généralement colonisées par la forêt. Les associations végétales qui s'y développent (Richard 1961) sont propres à ces lieux. B. LE MOUVEMENT DES MATÉRIAUX Les matériaux détachés des parois se déplacent du haut vers le bas du talus d'éboulis. On distingue dans le temps: - Le mouvement initial: consécutif au détachement de la paroi et à la chute de l'éclat. - Le mouvement «secondaire»: postérieur à l'accumulation initiale. Quant à la nature du déplacement des matériaux on le classe en mouve- ments brusques et en mouvements lents. - Le mouvement brusque peut être le mouvement initial, ou tout déplacement consécutif à un déséquilibre subit entre les forces de frottement qui retien- nent et la gravité qui entraîne les matériaux. Ces mouvements (roulements et glissements), sont « accidentels» et n'affectent qu'une partie des pierres. - Le mouvement lent: il est assimilable à un tassement ou à une reptation lente, plus ou moins constante, de l'ensemble des pierres de la couche superficielle. L'importance du déplacement des matériaux dépend dans les deux cas de plusieurs facteurs : l'inclinaison de la pente, la taille des pierres et l'abondance de la matrice fine étant les plus importants. La neige, la présence de l'eau, les varia- tions de la température, ainsi que la forme des pierres l'influencent aussi. Dans le mouvement brusque, un bloc entraîné par l'élan dû à sa chute et par l'énergie cinétique qui lui est associée ne s'arrête qu'au moment où sa vitesse et sa masse ne peuvent plus vaincre les frottements. Son élan le transportera d'autant plus loin que sa masse est plus grande et la pente du talus plus rapide. La présence de la neige est déterminante dans le cas des mouvements brus- ques. Le roulement d'une pierre est généralement freiné puis arrêté par la neige 143 molle, mais il arrive que la couverture neigeuse se déplace elle-même par glisse- ment ou par roulement. L'avalanche peut alors servir, dans certains cas, de véhi- cules pour les matériaux éboulés. Quelques auteurs admettent que la neige, à l'image de la glace peut avoir un mouvement lent, provoquant le déplacement des pierres, Botch (1946), Costin (1964). Les résultats obtenus par Costin montrent le déplacement des plaques de neige entraînant les cailloux et les blocs vers le pied des versants. L'observation nous montre que quelques faibles glissements de plaques de neige se produisent sur nos talus d'éboulis (surtout sur les matériaux fins), mais il ne s'agit pas d'une progression lente et continue comparable à celle des névés. Les avalanches par roulement de neige s'y produisent aussi, mais les boules de neige ne contiennent généralement pas de pierres. Quant à la neige durcie, « tôlée», elle tient lieu de plan de glissement pour les cailloux détachés de la paroi ; notons que dans ce cas, les matériaux sont en- traînés jusqu'au bas de la pente sans le tri des blocs. L'infiltration de l'eau, les variations de la température agissent dans la masse de l'éboulis. Les modifications de volume qu'elles provoquent au niveau des fractions fines (limons, argiles) peuvent favoriser un mouvement lent1 plus ou moins constant des matériaux. La forme des éclats influence aussi leur déplacement. Les éléments « équi- dimensionnels» roulent mieux, tandis que les formes plaquetées, schisteuses, glissent plus facilement. Du reste, l'inclination du talus d'éboulis est fonction et de la granulometrie et de la morphométrie des éléments qu'il renferme. 1. Le mouvement superficiel dans les éboulis jurassiens L'accumulation des pierres en amont des obstacles naturels, le soutirage des éléments fins qui supportent les gros blocs, les nombreuses blessures observées sur les troncs d'arbres ainsi que leur forme recourbée (planches 17 et 18) sont tout autant de preuves attestant le déplacement des blocs à la surface des talus. L'éboulis est en équilibre instable ou plus exactement en une continuelle recherche de stabilité. Le déplacement des pierres s'ébauche par l'enlèvement d'une partie de l'appui d'un bloc qui, de ce fait bascule ou glisse. Son mouvement perturbe l'équilibre d'un ou de plusieurs blocs sus et sous-jacents qui se dépla- cent à leur tour. La rupture peut se transmettre de proche en proche et affecter longitudinalement toute une zone avant qu'un équilibre — tout aussi précaire que le précédent - ne se réalise. Désireux de connaître la fréquence et l'intensité des déplacements brusques et lents dans les éboulis jurassiens, nous y avons effectué des marquages et des contrôles systématiques entre 1972 et 1975. Il s'agissait d'une part, de délimiter 1 Ni l'existence de ces mouvements, ni leur influence dans les éboulis ne sont encore connues avec certitude. 144 la position exacte des pierres par une petite tache de peinture et d'autre part, de contrôler à intervalles réguliers (avril, octobre) les changements ou déplace- ments intervenus. Le tableau 22 illustre nos résultats. Ces chiffres désignent des déplacements annuels calculés sur 2 ou 3 ans. Tableau 22 Mouvements des pierres à la surface des éboulis (déplacements moyens annuels calculés sur 2 ou 3 ans) P = pierre perdue, R = pierre recouverte Lieu et Incli- Nombre Mouvement en cm granulometrie naison de pierres du talus marquées 0 1-5 6-10 11-15 16-25 26-100 >100 P R Côte-Lambercier (F. 1163 Travers, 543,15/200,6) fins moyens moyens fins moyens moyens fins moyens gros 39° 37° 37° 37° 36° 36° 37° 36° 36° Combe-Biosse (F. 1144 Val-de-Ruz 567,7/217,6) fins moyens gros fins moyens gros fins très gros Roche-Devant (F. 1163 Travers, 547,6/197,7) moyens moyens à gros moyens à gros très gros 38° 38° 36° 39° 38° 36° 40° 36° 36° 37° 37° 36° 32 51 50 37 50 52 50 30 80 33 40 32 25 33 43 67 86 145 39 61 86 1 9 21 0 24 31 7 83 3 9 39 6 33 6 19 10 28 14 21 23 21 8 19 8 41 21 5 4 6 11 6 3 10 2 3 4 1 4 3 0 7 6 2 8 2 1 15 0 63 19 15 19 11 5 25 11 9 81 3 1 9 2 0 6 0 0 11 0 9 9 2 0 5 3 0 0 1 0 6 - 0 0 4 3 0 0 7 2 0 0 3 4 0 0 5 - 0 0 1 5 4 1 4 7 0 0 2 2 1 3 3 5 1 4 0 2 0 0 12 0 11 0 2 1 19 6 2 3 6 4 0 2 145 L'homométrie des éclats d'un éboulis n'est jamais parfaite; toutefois, compte tenu du classement granulométrique des pierres il est possible de locali- ser, dans chaque coulée, des zones de blocailles plus ou moins calibrées. Nos marquages ont été faits dans des secteurs à matériaux: - fins (env. 2 à 4 cm de longueur) ; - moyens (env. 5 à 10 cm de longueur) ; - gros (env. 10 à 30 cm de longueur) ; - et très gros (30 cm et plus). Les mouvements des pierres fines et moyennes ont été mesurés à mi-pente, tandis que le déplacement des gros et très gros blocs fut observé dans le bas des coulées. La figure 46 représente la dynamique de ces mouvements. (Nos marquages étant placés tous les 20 cm, les 61 points correspondent à une coulée large de 12 m située à mi-pente.) L'observation des données du tableau 22 montre que le déplacement des pierres est avant tout fortuit et ne semble obéir à aucune règle. Néanmoins ces chiffres révèlent un certain nombre de faits dont les plus évidents sont: 1. Une grande inégalité dans le déplacement des pierres : environ 1 sur 2 reste en place d'une année à l'autre. 2. Une différence notable d'une part, entre les éboulis et d'autre part, entre les divers secteurs d'un même talus : les mouvements sont plus fréquents et plus intenses à la Combe-Biosse et à la Roche-Devant qu'à la Côte- Lambercier. 3. Une différence certaine due à la taille des éclats : les petits se déplacent plus souvent et parcourent une plus grande distance que les moyens ou les gros. 4. Un certain optimum de la distance parcourue : les éclats de taille moyenne qui se déplacent, avancent généralement entre 5 et 15 cm par année. 5. Une inertie des gros blocs entassés au bas de l'éboulis et qui ne se déplacent qu'accidentellement. 6. Et une influence somme toute peu sensible de l'inclination du talus sur le mouvement des matériaux. Quant à la variation saisonnière, on constate que l'hiver est plus propice aux petits déplacements et l'été aux plus longs (presque toutes les « pierres perdues » s'enregistrent lors des mesures faites en octobre). La figure 46 montre le comportement des pierres dans une coulée de la Roche-Devant (III). Une récente visite des lieux nous permet d'apporter quel- ques explications à ces déplacements fort hétérogènes. En effet, en examinant de plus près la zone observée, on y distingue les quatre secteurs suivants: - La partie gauche de la coulée (marques 1 à 18) a un comportement assez surprenant. La relative stabilité des pierres est peut-être imputable à la taille assez grande des éclats (env. 20 cm de longueur). 146 5* _o-------------o E ¦0) CM ?J ?- "O 0) a * « J= — O 3 O a " «S c »n ¦3 "0 ˧ 'S-g (lì vT, J____I____I____I____I____I____L o CN O CO O O IO O (O O 5 oo E-a Ü c 2 u o >, *! > c Mouvement des pierres en CTI. - Les Nos 23 à 26 sont freinés par la présence d'un gros bloc un peu en aval de « nos marquages. - La zone centrale de la coulée (Nos 29 à 37) est celle où l'on enregistre les déplacements maximums et où la taille des pierres est aussi généralement la plus petite (env. 10 cm). - L'inégalité des mouvements des Nos 40 à 61 peut s'expliquer, peut-être, par la présence de deux gros blocs à environ 1,5 m en amont de nos mesures. On remarque aussi que les « pierres perdues » correspondent souvent à des zones limitrophes des secteurs ainsi définis. Les déplacements sont bien répartis sur toute l'année, mais le chemin parcouru est généralement plus long pendant la belle saison qu'en hiver. Il est évident que malgré ces approches quantitatives, certains aspects des mouvements dans les éboulis demeurent obscurs. Afin de mieux saisir l'intensité du phénomène, nous avons essayé d'appli- quer la méthode des surfaces coloriées, déjà utilisée dans l'étude de l'évolution des parois. Des prises de vues photographiques faites périodiquement révèlent toute modification de la surface témoin. Les planches 19, 20 et 21 montrent les changements intervenus au bout d'une année, dans une coulée centrale de l'éboulis de la Côte-Lambercier. Les éclats fins (planche 23) appartiennent à la partie haute de l'éboulis, tandis que les éléments plus grossiers se trouvent à mi-pente. Par rapport au carré initialement colorié on remarque un déplacement assez général de l'ensemble des cailloux peints vers l'aval. Ce déplacement se manifeste généralement par une déformation du carré en un rectangle allongé dans la direction de la pente. Quelques éclats roulent et se retrouvent 1 ou 2 m plus bas ; ils sont le plus souvent remplacés par d'autres venus de plus haut, ces derniers masquant partiellement les pierres coloriées. Ces mesures confirment les constatations déjà énoncées plus haut, soit: - l'influence de la granulometrie sur le déplacement des matériaux; - et la différence qu'il peut y avoir d'un éboulis à l'autre. Ce sont précisément ces colorations qui nous ont révélé un aspect de ces mouvements de surface que les taches de peinture alignées n'ont pas montré. Nous voulons parler des déplacements qui affectent toute la surface d'une coulée, mettant en mouvement l'ensemble de la couche superficielle. Il s'agit d'une sorte de reptation ou de tassement des matériaux, pouvant intervenir au cours de la mauvaise saison pour des raisons que nous nous expliquons mal. En effet, en plus des déplacements accidentels (roulement, glissement) nous avons constaté, pendant l'hiver 1974-1975, un glissement général de 5 à 15 cm de tous les éclats coloriés. Ce phénomène affectait sur- tout la partie centrale de l'éboulis et ne s'était pas produit au cours des deux 148 hivers précédents. S'agit-il d'un effet dû au glissement de la couverture neigeuse, ou d'une reptation due au tassement interne? Nous ne le savons pas. Les diverses mesures effectuées dans plusieurs éboulis nous ont permis de constater que le déplacement des matériaux dépend, soit de la taille des éclats, soit de leur emplacement dans les éboulis. Il varie aussi selon les saisons, mais le plus souvent son importance résultera de l'interaction de ces divers facteurs. 2. Le mouvement de masse Pour mesurer le mouvement de masse dans les éboulis on se heurte à de grosses difficultés matérielles. Il est très difficile, en effet, de fixer des points de repère en profondeur, car l'insertion de tout objet étranger dans la masse caillou- teuse perturbe l'équilibre précaire de celle-ci1. Ce fait explique sans doute la rareté des publications relatives à ces mouvements. A notre connaissance seul Rudberg (1962) a réalisé des contrôles semblables. Parmi les 5 mesures faites dans l'éboulis de la Côte-Lambercier (F. 1163 Travers 200,5/543,2) 3 seulement sont représentatives (fig. 47) ; quant aux 2 autres, l'une d'elles, installée dans les gros blocs n'a montré aucune évolution au bout de 2 ans et l'autre a été démolie par le passage d'une très grosse pierre. Vu la faible profondeur à laquelle nous sommes parvenu, ces mouvements ne concernent que la couche superficielle de l'éboulis. De plus, les trois marquages ayant été installés dans l'axe central d'une coulée faite d'éclats moyens à fins (2 à 10 cm), les valeurs obtenues ne s'appliquent qu'à un endroit particulièrement affecté par des déplacements. Aussi, représentent-elles, en quelque sorte, un maximum du phénomène. L'observation de ces résultats montre d'une part, que le mouvement est proportionnel au temps et d'autre part, qu'il décroît rapidement avec la profon- deur. Il est probable qu'au sein de l'éboulis le déplacement soit nul, mais nos mesures ne permettent pas de l'affirmer. 3. Le déplacement des gros blocs La présence de quelques gros blocs disséminés çà et là n'est pas un phéno- mène rare à la surface des talus jurassiens. Leur taille est variable, exceptionnel- lement elle peut atteindre 1 m3, voire plus. Il s'agit de pans de rochers détachés en masse, qui n'ont pas atteint le bas de l'éboulis. Ils reposent sur des gélifracts où leur base est partiellement enfouie et où ils semblent imposer leur inertie aux matériaux plus fins. On observe en effet, une accumulation de cailloux en amont 1 Nos repères se composent de cailloux peints, de taille et de forme semblables àceux dont on veut mesurer le déplacement. Leur insertion dans la masse pierreuse est réalisée grâce à l'aménagement d'un trou conique. Les pierres enlevées une à une sont replacées autour des cailloux peints qui sont disposés verticalement les uns au-dessus des autres. L'installation et le contrôle se fait par rapport à 2 points fixes et à l'aide d'un fil à plomb. 149 DEPLACEMENTS EN CM. O 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 .'' HI Figure 47 : Mouvements de masse dans une coulée centrale à matériaux fins et moyens. Côte-Lambercier (F. 1163 Travers, 543,2/200,5). I. Déplacements entre octobre 1973 et octobre 1974 II. Déplacements entre octobre 1973 et avril 1975 III. Déplacements entre octobre 1973 et octobre 1975. des blocs et un important soutirage des éléments fins sur leur flanc aval. A première vue, ces gros blocs ne se déplacent pas. Mais est-ce vraiment le cas? Pour nous en assurer nous avons procédé à des mesures dans l'éboulis de la Roche-Devant. Au total 13 gros blocs ont été surveillés depuis octobre 1972. Le plus gros dépasse 2 m3 alors que le plus petit est d'environ 0,2 m3. Ils se situent dans la partie haute de l'éboulis et reposent sur des gélifracts fins. En trois ans, seuls 2 d'entre eux se sont déplacés: l'un pendant l'hiver 1973-1974, l'autre au cours de l'hiver suivant (glissements de 2 et de 6 cm vers l'aval). 150 Il aurait fallu observer davantage de blocs pendant une période plus longue pour pouvoir généraliser; toutefois, il semble que les gros blocs bougent moins que des éclats plus petits. (On s'en doutait, vu l'entassement de ceux-ci sur leur flanc amont.) Ces blocs se trouvent cependant dans une position transitoire qui est aussi une position d'attente et rien ne prouve qu'ils ne puissent se mettre en mouvement et gagner le bas de la pente en roulant. Sur le versant méridional du Chasserai (F. 1125 Chasserai, 571,95/220,30) à 1500 m d'altitude, nous avons rencontré un type de migration de gros blocs qui ne se produit qu'exceptionnellement dans le Jura. Il a lieu sur un éboulis fixé par la végétation herbeuse et incliné à 35°. Ce phénomène répandu dans le Grand-Nord, Malaurie (1949), Boye (1950), consiste en une lente reptation des blocs vers l'aval. Le mouvement est mis en évidence par la présence d'un important « bourrelet de labour » en aval et d'un « sillage » en amont. La longueur de ce dernier est variable, se situant dans le cas qui nous intéresse, entre 5 et 20 m. La fraîcheur des formes atteste l'actualité du phénomène (planche 22). Nos contrôles effectués depuis mai 1973 donnent quelques précisions sur l'ampleur des déplacements. Disséminés sur un espace d'environ 5000 m2, une vingtaine de blocs (de 0,2 à 1 m3) « glissent » vers l'aval. Le tableau 23 montre l'étendue des mouvements pendant les deux dernières années. Sur les 15 blocs surveillés 1 seul n'a pas bougé. On remarque aussi que ces déplacements sont saisonniers et qu'ils se produisent surtout pendant l'hiver. Sommes-nous en présence d'un phénomène de migration sur sous-sol gelé ou d'une progression engendrée par le gel-dégel et la cryoturbation? Il est difficile de le préciser. Un glissement de plaque de neige pourrait aussi favoriser le dépla- cement de ces gros blocs.1 Cette dernière hypothèse nous paraît d'autant plus vraisemblable, que nous avons la preuve du glissement de la couverture nivale. L'herbe couchée vers l'aval (planche 23) tout comme les piquets de bar- rière arrachés ou plies (observés en mai 1975 à proximité des gros blocs) prou- vent la force d'une plaque de neige en mouvement. Nos connaissances sur le mouvement des gros blocs dans un éboulis peuvent se résumer de la manière suivante : 1. Dans un éboulis actif, les gros blocs se déplacent plus lentement que les cail- loux plus fins. Il n'est pas exclu toutefois, que ces blocs puissent être entraînés dans un mouvement brusque de roulement. 2. Dans des cas rares, les gros blocs peuvent glisser vers l'aval. Leur mouve- ment est généralement plus intense pendant l'hiver. 1 Deux d'entre eux ont basculé au cours de l'hiver 1974-1975. 151 Tableau 23 Mouvement des gros blocs sur le versant sud du Chasserai (15 blocs mesurés) Période Mouvements en cm 0 1 à 10 11 à 25 26 à 50 51 à 75 76 à 100 du V. 1973 auX. 1973 10 5 - du X. 1973 au V. 1974 6 6 2 1 du V. 1974 au X. 1974 9 5 1 du X. 1974 au V. 1975 4 6 3 1 - 1 C. L'ORIENTATION DES ÉCLATS Sur un éboulis de pente, l'orientation des éclats dépend de plusieurs facteurs dont les plus importants sont: l'inclinaison du talus, la taille des éléments, leur forme, la proportion des matériaux fins et le mode de déplace- ments qui en découle. Vu la diversité de ces facteurs, (le plus souvent interdépendants) il n'est guère étonnant de constater, d'un éboulis à l'autre, de grandes différences dans l'orientation des blocs. Tricart (1967) dit que généralement les pierres se trou- vent dispersées en «désordre» à la surface d'un éboulis. Deveau (1958) et Hamelin (1958) après avoir mesuré l'orientation des éclats trouvent une majo- rité de pierres «bien orientées». Désireux de mieux connaître les divers mouvements dans un éboulis, ainsi que leurs effets sur l'orientation des blocs, nous avons procédé à quelques essais et mesures dans ce domaine. Il s'agissait de provoquer le déplacement des éclats préalablement peints à la surface d'un éboulis1. Une fois les pierres immobilisées on mesurait dans chaque cas l'angle formé par la longueur de la pierre et l'orien- tation de la pente du talus. Les résultats obtenus figurent au tableau 24. Ces valeurs montrent que l'orientation des pierres dépend de leur forme et de la taille des matériaux sur lesquels ils se déplacent. Ainsi : 1. les éclats allongés s'orientent mieux que les plats ou les «réguliers»2; 2. les éclats s'orientent d'autant mieux qu'ils se déplacent sur des matériaux fins; 3. sur des matériaux plus grossiers les pierres sont dispersées pêle-mêle, sans orientation préférentielle. 1 Les 60 éclats peints qui ont servi à ces essais (20 allongés, 20 plats et 20 « équidi- mensionnels») avaient une taille moyenne (10 à 12 cm). En les lâchant d'une hauteur de 1,5 m on put suivre aisément leur déplacement le long du talus. Une fois immobilisés il fut aisé de mesurer leur orientation. Les essais furent faits sur des matériaux fins, moyens et gros. 2 «L» désigne la longueur, «1» la largeur, « E» l'épaisseur des éclats. On exprime ces trois valeurs en L'+P+E' = 100 les «longs» sont ceux dont L' > 50, les «plats» ceux dont E' < 15, les «réguliers» ou «normaux» ceux dont L' < 50 et E' > 15. 152 Tableau 24 L'orientation des éclats sur un êboulis (essais à l'aide de pierres peintes) orientation sur matériaux fins (angles de divergence) ' < 15° < 30° < 45° > 45° I. Eclats allongés 32% 53% 62% 28% II. Eclats plats 21% 34% 48% 42% III. Eclats normaux 17% 32% 41% 49% orientation sur matériaux moyens I. Eclats allongés 22% 36% 52% 38% II. Eclats plats 16% 28% 42% 48% III. Eclats normaux 14% 32% 43% 47% orientation sur des matériaux plus gros I. Eclats allongés 12% 29% 47% 43% II. Eclats plats 16% 36% 44% 46% III. Eclats normaux 10% 24% 40% 50% 1 Entre l'orientation du talus d'éboulis et l'orientation des éclats. L'observation du déplacement des éclats révèle qu'en général, leur orienta- tion est liée à la nature du mouvement. Le glissement des blocs a une influence évidente sur leur disposition par rapport à la pente ; en revanche, le roulement n'engendre pas d'orientation préférentielle. Etant donné que la nature et l'inten- sité des mouvements est variable d'un éboulis à l'autre, il est compréhensible que la position des éléments soit aussi variable. Dans le Jura, la plupart des éboulis actifs sont formés de pierres régulières (leur longueur dépasse 1,3 à 2 fois leur largeur) (planches 19 à 21). De plus, l'élément fin (limon, argile), fait le plus souvent défaut en surface. Dans ces conditions il n'est pas étonnant que la disposition des cailloux soit désordonnée. Le premier exemple du tableau 25 montre une situation très répandue. Ces chiffres traduisent la disposition dans une coulée de matériaux moyens (10 à 15 cm) à la Roche-Devant. Nous avons mesuré l'orientation de 116 pierres réparties sur environ 4 m2 et situées à mi-pente. Tableau 25 L'orientation des éclats sur un éboulis Lieu Fréquence pour divers angles de divergence en % < 5° 6-15° 16-30° 31-45° 46-60° 61-75° > 75° Roche-Devant 9% 12% 14% 16% 17% 15% 17% (éclats moyens réguliers) Roche-Champion 11% 24% 20% 14% 12% 9% 10% (éclats plats allongés) 153 Les résultats prouvent que ces éclats peuvent être parfaitement orientés ou pas du tout ; leur position semble être due uniquement au hasard, mais ceci provient en fait du déplacement des blocs. En effet, en roulant, bondissant ou glissant sur des éléments de même taille, le bloc finit par se loger dans un creux et épouser l'orientation de celui-ci. Par la suite, les faibles mouvements de tasse- ment et de glissement ne provoquent pas une orientation préférentielle. Dans certains éboulis cependant, nous avons pu constater une orientation préférentielle des éléments. Il s'agissait chaque fois de cailloux aux dimensions particulières (allongés, plats ou minces). Le deuxième exemple du tableau 25 représente l'un de ces cas. L'éboulis situé au pied de la Roche-Champion (F. 1221 Le Sentier, 499,4/161,0) est formé de pierres assez grosses (env. 20 cm), plates et allongées. Elles se déplacent en glissant plutôt qu'en roulant. Leur mor- phométrie et leur mode de déplacement engendrent une orientation préféren- tielle bien marquée. On note que la plupart des blocs sont bien orientés dans le sens de la pente : sur les 118 éclats mesurés 41 (35%) forment un angle inférieur à 15° avec l'orientation de la pente, et 81 (69 %) sont « bien orientés » (angle égal ou infé- rieur à 45°). Il s'agit de valeurs très élevées qui peuvent être considérées comme des maximums jurassiens. Ailleurs, dans les Alpes par exemple, Deveau (1958) et Hamelin (1958) ont obtenu des résultats analogues en étudiant des cônes d'éboulis. A la Roche-Champion l'orientation préférentielle des blocs peut s'expli- quer par leur forme aplatie qui, à son tour est responsable de leur déplacement par glissement. En somme, le glissement oriente les matériaux tandis que le roulement est sans effet sur la disposition axiale des éclats. D. L'ÉVOLUTION DE LA MORPHOMÉTRIE DES ÉCLATS Pendant leur cheminement, d'amont en aval, les pierres subissent la loi des agents climatiques. Beaucoup d'entre elles sont colonisées par des lichens et ter- nies par la patine. Quelques-unes, souvent les plus grosses, portent les traces visibles de la corrosion ; par contre il est rare de rencontrer des pierres éboulées fragmentées par le gel. C'est en comparant la forme des éclats récemment détachés des parois avec ceux que nous ont fourni les échantillons en laboratoire (ch. VI) que nous avons remarqué l'analogie entre les pierres récemment détachées des parois et les éclats - des mêmes assises - obtenus en laboratoire. D'autre part, divers prélèvements effectués le long d'une coulée ont montré la transformation que subissent les pierres dans les éboulis. Les mesures prou- vent en effet, que dans une même traînée, la forme des éclats évolue d'amont vers l'aval. 154 Le tableau 26 indique l'importance de cette évolution dans l'éboulis de la Côte-Lambercier. Ces statistiques montrent qu'au cours du cheminement des pierres, leur longueur diminue par rapport à leur largeur et épaisseur. Seuls les chocs subis pendant les déplacements peuvent expliquer ces changements. En se détachant de la paroi les gélifracts sont anguleux, avec des arêtes tranchantes et des pointes effilées et fragiles. Ce sont précisément ces pointes cassantes qui « s'émoussent » au cours des chocs subis dans l'éboulis. Il en résulte une évolution morphométrique bien caractéristique des éclats. Tableau 26 Evolution morphométrique des gélifracts (éboulis de la Côte-Lambercier) Distance de la paroi en m 0 50 100 150 200 Longueur L'en % 49,0 48,5 48,2 47,0 46,7 Largeur 1* en % 32,5 32,4 31,7 32,4 32,6 Epaisseur E' en % 18,5 19,1 20,1 20,6 20,7 L', I' et E' en % du total des 3 dimensions. (mesures faites sur 100 à 120 exemplaires dans chaque secteur) Ce sont ces résultats comparatifs qui nous incitent à faire des rapproche- ments morphométriques entre plusieurs éboulis différents. Certains de ces talus sont fixés par la végétation, d'autres se trouvent en pleine évolution. A ces variantes s'ajoute la différence pétrographique de la roche mère. Les 4 premiers échantillons (tableau 27) ont été prélevés dans des formes d'éboulis évolués (stabilisés ou au bas des talus) ; les 3 derniers au contraire sont composés de pierres récemment détachées ou peu évoluées. L'influence pétrographique et structurale de la roche mère semble jouer un rôle dominant dans la morphométrie des éclats. Ainsi, des roches plaquetées fournissent des éclats minces dont l'épaisseur demeure faible (N° 3), alors que dans d'autres cas l'évolution tend vers des formes ramassées (N° 2). Malgré le travail considérable que cela représente, il serait intéressant de faire d'autres mesures et de multiplier les comparaisons entre des éclats situés à diverses profondeurs ainsi que le long des éboulis stabilisés par la végétation. Le résultat pourrait aboutir à un classement, une typologie des éboulis et peut-être aussi à l'établissement d'un indice morphométrique des gélifracts. E. AGE DES ÉBOULIS Les éboulis actifs que nous venons d'étudier sont des formes rares qui n'occupent qu'une partie très faible de l'aire jurassienne. Il s'agit de quelques médiocres prolongements de phénomènes jadis beaucoup plus répandus et plus 155 actifs. Aujourd'hui, malgré sa grande efficacité locale, le gel n'imprime son empreinte qu'à des étendues restreintes. L'origine des grands éboulis actuels, remonte à l'époque tardi-glaciaire. De r.os jours, la vitesse du recul des parois - étudiée au chapitre précédent - détermine aussi l'alimentation des éboulis. Vu leur jeunesse relative, les talus d'éboulis de la chaîne interne jurassienne ne sont que des placages de cailloux ou des matériaux détritiques qui coiffent la roche. Des talus de gélifracts surmontant des moraines würmiennes s'observent fréquemment (planche 16). Leur épaisseur varie le plus souvent entre 1,5 et 3 m. Ce fait permet de préciser l'intensité de la gélivation et l'âge des éboulis qui remonte, dans ce cas, à l'époque postwiirmienne. Tableau 27 Morphométrie des gélifracts Morphométrie: Lieu Faciès L' en % 1' en % 1 Côte-Lambercier (F. 1163 Travers, Séquanien 47,0 32,2 200,5/543,2) 2 Höchi Flue (F. 1088 Hauenstein, Séquanien sup. 46,9 31,7 243,1/626,4) 3 Tiersteinberg (F. 1069 Frick, Dogger 48,1 33.2 260,7/639,95) 4 Saint-Claude Rauracien 47,5 31,5 (Chaumont, 160,5/872,4) 5 Saint-Claude Oxfordien 50,5 33,5 (Crêt-Pourri, 161,5/874) 6 Saint-Claude (route Valfin, Kiméridgien 49,5 32,0 163,5/871,05) 7 Le Cernii (F. 1162 Verrières, Séquanien sup. 51,0 33,0 199/530,4) (Mesures faites sur 100 à 120 exemplaires dans chaque éboulis.) II. Les éboulis de pente fixés par la végétation Dans un éboulis, comme partout ailleurs, ce sont les facteurs écologiques qui déterminent la colonisation végétale. A première vue, le milieu des pierriers paraît hostile à toute colonisation. N'est-il pas, en effet, pauvre en humidité et en sol, éléments indispensables à toute vie végétale ? Le déplacement plus ou moins constant des matériaux est aussi un élément défavorable. E' en % 20,8 21,4 18,7 21,0 16,0 18,5 16,0 156 Malgré ces désavantages, les éboulis actifs ne sont pas dépourvus de végé- taux ; bien au contraire, ces derniers en recouvrent certains secteurs et semblent y étendre leur domaine. On comprend aisément cette progression après avoir observé plus attentivement le milieu des pierriers. En fait, l'éboulis n'est sec qu'en apparence et seulement à la surface. A quelques cm de profondeur on est surpris de rencontrer une zone fraîche et humide même en plein été. Quant à la terre végétale, elle est présente dans l'éboulis « sec ». Son origine est diverse : elle provient, soit des escarpements sus-jacents, soit des résidus de la dissolution, soit encore de la décomposition des matières organiques (feuilles mortes et racines). Donc à partir de 10, 20 ou 50 cm de profondeur, (fonction de la taille des cailloux) le composant humique est toujours là, sans être réparti également au sein de la masse pierreuse. Dans les matériaux moyens et gros par exemple, on le rencontre d'abord sous forme d'une mince couche adhérant aux éclats et c'est seulement plus bas qu'il apparaît en mélange intime avec les géli- fracts. Dans les matériaux fins au contraire, la terre est présente dans toute la masse. On pourrait penser que l'enracinement végétal dépend principalement du déplacement des matériaux. C'est vrai dans une certaine mesure, mais cette interdépendance n'est pas absolue, du fait que les zones les plus stables ne sont pas obligatoirement les mieux colonisées. Observations et mesures nous montrent que le développement des végé- taux sur les talus de pierriers n'est pas le résultat de simples relations unilatérales ou bilatérales. Apparemment, la colonisation semble être due au hasard. En réalité, elle est le fruit d'une situation instable, en évolution constante. A. LA COLONISATION DES ÉBOULIS S'il est difficile d'expliquer la première installation des végétaux sur les éboulis, il est plus aisé de donner une description de l'état actuel de la colonisa- tion. Des naturalistes et écologistes, S. Aubert (1938), Richard (1961, 1971) et Béguin (1971, 1972), ont réalisé des études fort intéressantes des associations végétales propres aux pierriers. Aubert (pp. 289-293), après avoir décrit la dynamique de la colonisation des éboulis de la Roche-Brizenche (F. 1241 Marchairuz, 500,8'/l 56,5), conclut en ces termes: «Ainsi, la colonisation de l'éboulis de la Roche-Brizenche s'effectue par le bas et par le haut. A la base, c'est la forêt surtout qui tend à prendre pied et à s'élever ; en haut ce sont les associations végétales gazonnantes qui, parties du pied des roches s'avancent vers le bas. » L'auteur parle aussi de « langues de végétation qui partent du pied des rochers et vont en s'amincissant vers le bas. » Cette image, après 40 ans correspond toujours à la réalité et la description de l'éboulis de la Roche-Brizenche est applicable à la grande majorité des talus 157 jurassiens. Cela prouve-t-il une stabilité dans la colonisation, ou au contraire son arrêt? Nous ne le pensons pas. Il s'agit plutôt d'un équilibre dynamique dans lequel les facteurs favorisant le processus de colonisation s'équilibrent avec ceux qui lui sont hostiles. B. LES ÉBOULIS COLONISÉS La limite entre les éboulis libres et ceux qui sont colonisés n'est pas aisée à définir, tant il est vrai que les talus fixés ne sont pas toujours entièrement couverts de végétaux et que les éboulis libres renferment fréquemment des zones stabilisées. Néanmoins, on a l'habitude d'appeler par «éboulis stabilisés» tous ceux qui le sont par la forêt. La limite ainsi définie est surtout pratique sans être très précise. Il existe en effet des éboulis boisés qui renferment des zones dont les matériaux continuent à se déplacer. Les blessures observées sur les troncs d'arbres témoignent du roulement des blocs. A la limite, la stabilisation définitive de l'éboulis n'intervient qu'après l'érosion totale de l'escarpement sus-jacent; tant que ce dernier subsiste et continue à fournir des gélifracts, les couloirs d'éboulis (et d'avalanches) se main- tiennent également dans la forêt (fig. 48). Figure 48 : Eboulis surmontés de parois et colonisés par la forêt. Dans les couloirs les pierres continuent à se déplacer. Rochers des Miroirs (F. 1163 Travers, 549,6/199,9) d'après une photo. Dans le Jura, l'étendue des éboulis recouverts par la forêt est très vaste et la majorité des versants fortement inclinés en sont recouverts. La pente des talus s'adoucit par rapport à celle des éboulis actifs, mais elle demeure toujours raide. 158 L'importance des versants fixés par la forêt prouve, une fois de plus, l'acti- vité du gel au cours du Quaternaire récent: gel, dont les innombrables vestiges permettent de mesurer à la fois l'omniprésence et l'intensité. III. Phénomènes de cryoturbation et de solifluxion Le développement spatial de ces formations est plus restreint que celui des phénomènes de gélivation, et surtout plus difficile à déceler. Plusieurs formes caractéristiques de cryoturbation manquent tout à fait dans le Jura. Ainsi, malgré des observations attentives nous n'avons rencontré ni des fentes en coin, ni des buttes gazonnées (les seules que nous ayons vues sont des « teumons » : anciennes fourmilières). Quant aux terrassettes ou «sentiers de vaches» très répandus, ils semblent être dus essentiellement au piétinement du bétail. Cependant, d'autres formes de cryoturbation et de solifluxion (authenti- ques celles-là) se présentent à l'observateur. Malgré leur rareté, elles méritent notre attention. A. LES FORMES DE CRYOTURBATION Morphologiquement, ce sont des boursoufflures ou intumescences au sein des gélifracts à matrice peu abondante. Parfois elles prennent la forme de festons ou de croissants plus ou moins allongés. On les rencontre sur les croupes les plus élevées du Jura, ainsi que dans des bassins fermés ou combes karstiques de la zone des crêtes. 1. Les formes actuelles de cryoturbation Elles apparaissent dans certaines cuvettes très froides, sujettes aux inver- sions thermiques, même pendant la belle saison {Combe-Noire, F. 1201 Mouthe, 504/180; Chaux-Sèche, F. 1241 Marchairuz, 499,3/157 ; région du Crêt-de-la- Neige et Combe-de-la-Valouse, F. 1241 Marchairuz, 502,9/150,2). Tous ces lieux sont caractérisés par une végétation arborescente rabougrie, arrêtée dans son développement normal par ce milieu glacial. C'est aussi à cause de ce micro- climat spécial que se développent quelques microformes particulières du relief (planche 24). Nous voulons parler des espaces recouverts de cailloutis- entou- rant quelquefois des petites surfaces de végétation - qui ne sont pas sans rappeler les sols polygonaux des pays arctiques. Ces pierriers se situent sur des terrains peu ou moyennement inclinés couverts d'une végétation herbeuse. Une coupe pratiquée dans l'une de ces formations révèle la présence de 4 niveaux distincts. Ce sont : 1. Couche superficielle (10 à 15 cm) sans matrice, composée de gélifracts de taille moyenne (5 à 20 cm) ayant la teinte gris-bleu des calcaires du Juras- sique supérieur depuis longtemps exposés à l'air. 159 2. Couche moyenne (env. 20 cm) faite d'éclats de même taille que les précé- dents mais qui forment un mélange intime avec une terre végétale abon- dante de couleur noirâtre. 3. Couche profonde (env. 15 à 20 cm) constituée d'éclats de même taille que ceux de la couche moyenne, mais plus espacés et noyés dans une matrice limoneuse brunâtre. (Ce niveau n'est pas toujours présent.) 4. Roche en place : fissurée, macrogélive. Il s'agit somme toute d'un placage mince de matériaux autochtones dont la masse est sujette à des phénomènes de cryoturbation et de gélifluxion. Sans ces mouvements de géliturbation, ces espaces seraient colonisés par la végétation. Le phénomène n'agit toutefois que dans certaines conditions que nous n'avons pas réussi à définir. De plus, il ne se manifeste pas tous les ans ; ainsi, la compa- raison photographique à une année d'intervalle n'a pas permis de mettre en évidence un déplacement généralisé des éclats. A la Combe-de-la-Valouse une forme particulière de cryoturbation frappe l'attention de l'observateur. Elle se présente sous l'aspect de boursoufflures de gros blocs branlants (0,3 à 1 m) entassés les uns sur les autres. Vu de loin, l'ensemble rappelle des bourrelets de solifluxion. Les matériaux fins sont absents à la surface ainsi que les végétaux. Seuls quelques arbustes ou conifères rabou- gris, disposés en frange, limitent les coulées. Bien que surmontés d'affleurements rocheux, il ne semble pas qu'il s'agisse de blocs détachés et roulés sur une pente. D'autres phénomènes cryergiques doivent être responsables de l'édification de ces formes, qui révèlent un mécanisme de soulèvement par cryoturbation. De nos jours, leur évolution semble être interrompue; en effet, nos marquages n'ont révélé aucun mouvement dans les blocs pendant les 3 dernières années. 2. Les cryoturbations tardiwürmiennes Dans le Haut-Jura, les formes de cryoturbation antérieures à l'époque würmienne ont été remaniées par l'appareil glaciaire, et de ce fait rendues méconnaissables. Aussi, les manifestations les plus anciennes, encore visibles, ne remontent pas au-delà du postglaciaire. Ces formes sont abondantes certes, mais ayant évolué, elles sont aujourd'hui difficilement reconnaissables. On les rencontre sous forme de coulées de pierres très nombreuses qui, en raison de la couverture végétale, se dérobent à l'œil de l'observateur. Formés de pierres anguleuses légèrement émoussées ces matériaux occu- pent le fond des dépressions allongées (vallées sèches, combes karstiques). Avec un profil longitudinal concavo-convexe faiblement incliné, ces coulées - longues de plusieurs centaines de mètres—ressemblent à de petits glaciers locaux. En fait, 160 iCT 2 HBj a [m] 4 Figure 49: Cryoturbation tardiwürmienne (ancien glacier rocheux). 1. Limites de l'épandage des gélifracts 2. Emplacement des sondages 3. Graviere 4. Chemin 5. Courbes de niveau (Bel Coster, F. 1202 Orbe). ^ 5 161 le gel n'est pas étranger à leur formation vu qu'il s'agit probablement de formes anciennes de cryoturbation ou peut-être des vestiges d'anciens glaciers rocheux. Leur surface est ondulée, avec de petites irrégularités d'où émergent quelques blocs bien orientés dont plusieurs lèvent le nez. L'exemple de Bel-Coster (F. 1202 Orbe, 179/524) montre l'une de ces for- mations (fig. 49) dans laquelle la masse de matériaux anguleux dépasse 3 m d'épaisseur dans la zone axiale. Des sondages révèlent en surface une couche de 40 cm de terre brunâtre, limoneuse. Plus bas, elle est mélangée à des éclats de taille moyenne (10-20 cm) sur environ 30 cm ; ensuite, la terre devient plus rare et dès 70 cm environ, la masse de pierrailles est privée de matrice. Il est probable que des formes semblables soient abondantes dans la zone des crêtes, mais enfouies sous la végétation et la terre limoneuse, il est très diffi- cile de les observer. B. SOLIFLUXION A l'image des phénomènes de cryoturbation, la solifluxion doit avoir joué un rôle important partout où les sols ont été conservés et exposés aux rigueurs thermiques würmiennes et postwürmiennes. En parcourant le terrain, on rencontre les mêmes difficultés d'observation que précédemment. Elles sont dues, dans ce cas comme dans l'autre, à l'efface- ment des formes caractéristiques. Aussi, la plupart des solifluxions anciennes, privées de leur morphologie particulière, passent-elles inaperçues. On remarque tout au plus l'adoucissement du pied des versants et le comblement des dépres- sions, que l'on ne peut constater que dans les carrières ou les gravières. Il s'agit, soit de coulées de pierres mélangées à un sol brunifié, soit de l'écoulement du même sol pauvre en squelette. Dans la partie centrale et extérieure du Jura (vallée du Doubs par exemple) les formes de solifluxion sont bien conservées. La grande intensité du phéno- mène est due vraisemblablement au fait que les glaciers würmiens n'ont pas recouvert entièrement ces zones. La configuration des versants caractérisée par une succession de bourrelets juxtaposés et parfois superposés, ne laisse aucun doute sur l'origine du phénomène (fig. 50). La matière solifluidale de ces formes est constituée sans exception, de géli- fracts fins, bien calibrés et noyés dans une matrice limoneuse. Tous ces versants étant colonisés par la végétation, aucun mouvement de masse n'y est perceptible de nos jours. 162 Figure 50: Traces de solifluxions tardiwiirmiennes dans la vallée du Doubs. 1. Plateau jurassien 2. Corniche 3. Forêt 4. Lobes de solifluxion 5. Thalweg Toutefois, on rencontre encore çà et là des ruptures d'équilibre sur les pentes du Jura. Ainsi, nous avons pu observer quelques beaux exemples de glis- sement de terrain, en particulier ceux qui se développent au-dessus du village de Perrefitte (F. 1106 Moutier, 236,4/592,7, planche 25) où l'intensité du mouve- ment lors du dégel est telle, qu'elle oblige plusieurs propriétaires à protéger leurs maisons contre la masse boueuse qui les envahit. Si de nos jours, des phénomènes de cette ampleur sont exceptionnels, ce ne fut pas toujours le cas. Jadis, la solifluxion combinée avec le lessivage superficiel, les coulées de pierre et la gélivation, a dû contribuer dans une large mesure à l'adoucissement des versants. Ceci se marque par le nivellement du relief karstique, surtout sur les plateaux jurassiens où ces phénomènes créent des versants continus qui simulent un relief normal. 163 Conclusions Dans le Jura, les formations périglaciaires sont intimement liées au phéno- mène glaciaire wiirmien, car l'intensité de la gélivation ne fut pas la même dans la zone située en bordure du glacier alpin, sur les croupes, ou sur les plateaux juras- siens, ce qui détermina plusieurs morphologies périglaciaires distinctes et bien délimitées. De nos jours, la gélivation connaît un ralentissement par rapport à son intensité postwiirmienne, sans cesser toutefois de modeler les parois et escarpe- ments rocheux. Le recul annuel de ces derniers est variable. Parmi les facteurs qui l'influencent, les données climatiques, les qualités pétrographiques et struc- turales des assises ainsi que leur orientation s'avèrent être les plus décisives. Le transport des gélifracts est dû à la gravité. A la surface des talus et cônes d'éboulis jurassiens, les matériaux subissent successivement des mouvements divers. L'étude de ces derniers révèle que l'intensité du déplacement est fonction de l'inclinaison du talus, de la taille des matériaux, de leur forme et de la quantité de sol contenu dans l'éboulis. Les talus partiellement colonisés par la végétation sont des phénomènes très fréquents dans le Jura. Ils conservent des couloirs d'éboulis libres aussi longtemps que les escarpements sus-jacents continuent à les alimenter de géli- fracts. Les phénomènes de cryoturbation et de gélifluxion sont peu répandus dans le Jura. Nous en avons décrit quelques-uns dont l'étude mériterait d'être reprise et complétée. 165 Conclusions générales Etant donné la complexité de l'action des divers agents d'érosion sur une même portion de terrain, il est souvent difficile de connaître l'importance respec- tive de chacun d'entre eux dans la transformation du paysage. Dans cet esprit, nous devons reconsidérer la conception de l'évolution du relief jurassien. Jusqu'à maintenant on accordait peu d'importance à la gélifraction dont l'effet fut estimé comme secondaire. Certes, on connaissait son rôle, mais elle fut considérée comme une « curiosité » plutôt qu'un agent important de la transfor- mation du relief jurassien. Ayant étudié les effets et les lois de l'évolution périglaciaire, nous connais- sons désormais la place qui lui revient dans la morphogenèse de notre chaîne. De nos jours, son action se limite d'une part, au recul des escarpements et à la désagrégation des têtes de bancs calcaires, d'autre part à l'accumulation des débris. L'érosion actuelle est essentiellement chimique, et par conséquent, fort lente. Lors des périodes froides du Quaternaire, par contre, l'érosion mécanique fut prépondérante. La gélifraction en général, et plus localement la solifluxion se relayaient pour provoquer l'érosion de très importantes masses de matériaux. Beaucoup de versants en portent encore l'empreinte périglaciaire. Tout au long du Quaternaire, le Jura fut le siège d'une alternance tempo- relle du couple d'érosion : dissolution-gélifraction. Aujourd'hui, c'est la corro- sion qui l'emporte, alors qu'au postwiirmien ce fut le contraire. A vrai dire, si périodiquement l'un des deux phénomènes prend le pas sur l'autre, cela ne signifie nullement que les deux modes d'érosion n'agissent pas simultanément ; au contraire, les deux coexistent, leur prépondérance changeant avec les fluctuations climatiques. Dans tous les cas, la gélifraction se contente de dénuder, de désagréger la roche. Si elle était seule à agir, son action serait freinée, puis interrompue par l'accumulation des débris. Pour être efficace à longue échéance, elle doit être complétée par des phénomènes d'élimination, de transport. La solifluxion étant négligeable et très localisée dans le Jura, seule la dissolution des gélifracts peut jouer ce rôle. 167 Dès lors, nous sommes en présence d'un couple de phénomènes complé- mentaires, l'un favorisant l'autre. La gélifraction disloque les bancs calcaires et facilite la dissolution en augmentant la surface de contact eau-calcaire ; la corro- sion élimine les débris et tend à dénuder la roche. Le phénomène de gélifraction a été étudié à l'échelle de l'escarpement, mais il se produit à tous les niveaux. Ainsi, le banc calcaire qui affleure se désa- grège, fournissant un petit talus souvent colonisé par la végétation. Il s'agit en fait du phénomène très général de l'érosion frontale qui s'attaque aux têtes de bancs. Le couple gélifraction-dissolution est le moteur de l'érosion frontale. Il intervient donc, non seulement dans le recul des escarpements, mais dans celui des simples bancs de calcaire ainsi que dans l'évolution de toutes les formes karstiques. On sait, que par l'érosion des anticlinaux, ces évolutions déterminent un aplanissement général de la chaîne plissée : aplanissement dont l'action du gel est d'autant plus responsable qu'elle augmente avec l'altitude. Donc, il faut que nous réservions à la gélivation la place qui est la sienne. Dans le Jura, elle joue un rôle déterminant dans Ie façonnement des versants et dans l'évolution des formes karstiques, mais c'est avant tout sur la tranche des bancs calcaires que s'exerce son action. Là, elle est l'agent principal de l'érosion frontale et la cause première du recul des escarpements. 168 Résumé Cette étude a pour objet l'analyse des formations périglaciaires jurassien- nes, leur origine, leur fréquence, leur intensité et leur répartition. Les études climatiques, paléoclimatiques ainsi que les essais de gélivation en laboratoire sont des compléments nécessaires à la compréhension de l'évolu- tion des phénomènes naturels. 1. Le climat jurassien est envisagé, d'une part à l'aide des données fournies par les stations climatologiques de Neuchâtel (487 m), Chaumont (1141 m) et Chas- seron (1601 m), et d'autre part en fonction des facteurs climatiques influençant la gélivation. - Les crêtes jurassiennes situées à plus de 1500 m connaissent environ 200 jours de gel par an, ce qui correspond à une cinquantaine de cycles de gel-dégel de la roche, dont environ la moitié sont des gels pénétrants (attei- gnant 25 cm ou plus à partir de la surface). - Les précipitations sont bien réparties sur toute l'année ; toutefois, l'été et le début de l'hiver sont plus arrosés que les autres saisons. Les pluies abondantes du début de l'hiver favorisent l'imbibition de la roche et d'une manière indirecte sa gélivation. D'autres facteurs climatiques: la faiblesse de !'evaporation, l'ensoleille- ment, la couverture nivale et le vent contribuent aussi, d'une manière indi- recte, à favoriser la gélifraction. - Pendant la belle saison, une paroi rocheuse bien exposée subit un important massage thermique. L'ensoleillement direct y provoque des contraintes qui peuvent fissurer la roche par thermoclastie. 2. Durant la dernière glaciation, le Jura a connu un climat propice à l'action du gel. Nous estimons que le nombre des cycles de gel-dégel fut deux fois plus élevé qu'aujourd'hui et que le gel était permanent pendant la mauvaise saison. Ce sont surtout des périodes interstadiaires qui semblent avoir été particulièrement propices à l'action du gel, ce dernier étant simultanément favorisé par l'abon- dance de l'humidité, le tjäle et le dégel superficiel. 3. Les essais de gélifraction en laboratoire permettent d'abord l'étude expé- rimentale du mécanisme du gel dans les roches, ensuite une comparaison de la 169 gélivité des calcaires jurassiens. Les deux facteurs principaux déterminant un processus de rupture sont: l'imbibition des espaces intergranulaires, la congéla- tion de l'eau dans les pores et les fissures de la roche. - L'expérience montre que dans les calcaires jurassiens l'eau ne gèle pas à 0 0C mais à une température légèrement inférieure (env. -2 0C). - Pour qu'une roche éclate il faut que ses pores et fissures soient saturés à plus de 90 %. Divers facteurs influencent la teneur en eau des espaces intergra- nulaires. Ainsi, les cycles de gel-dégel favorisent la prise d'eau des roches ; une fois leur teneur critique atteinte, le gel devient efficace et peut provo- quer la rupture. - Les expériences de gélifraction en laboratoire fournissent des valeurs comparatives sur la vitesse de fragmentation des divers faciès du Jura et sur la granulometrie des débris. Elles illustrent aussi la manière dont le gel exploite les faiblesses lithologiques de la roche. Dans la macrogélivation le gel agit au niveau des microfissures invisibles, tandis que la microgélivation est plus efficace dans les roches poreuses. La première fournit des éclats de formes et de dimensions prédéterminées, alors que la deuxième libère des matériaux fins. Dans une roche macro et microgélive la fragmentation et l'amenuisement des débris s'opèrent simul- tanément. Le comportement des échantillons en laboratoire fournit une échelle comparative de la gélivité des roches testées. 4. Le Jura nous offre un visage de l'évolution périglaciaire dont les traits varient régionalement. Seules les conditions paléoclimatiques et plus précisé- ment l'extention des glaciers à l'époque wurmienne fournissent une explication cohérente de cette différenciation zonale. Ainsi, les 4 secteurs suivants de la chaîne jurassienne (fig. 35) connurent une évolution périglaciaire bien particulière, soit: - Le versant interne jurassien. - La zone occupée par Ia calotte jurassienne. - La zone occupée par de petits glaciers de croupe. - Et la zone extérieure sans glacier. L'âge des dépôts est d'origine würmienne et postwürmienne ; toutefois, leur évolution se poursuit encore de nos jours. Dans la zone extérieure, les résidus périglaciaires plus anciens ne se distinguent pas des wiirmiens, ce qui explique l'accumulation et l'étendue considérable des dépôts de géli- fracts. 5. Le recul des escarpements jurassiens est fonction de facteurs climatiques, lithologiques et tectoniques. Les mesures effectuées dans les secteurs gélifs de plusieurs parois, donnent une vitesse de reçu 1 de 0,02 à 1,7 mm par an. Cela cor- 170 respond à un abattage de 0,5 à 1 m depuis la fin de la glaciation wiirmienne, et un recul de 50 à 100 m pour la durée du Quaternaire. - L'intensité de la microfissuration d'une part, la présence des zones mar- neuses dans les assises et l'orientation au S-SW des parois d'autre part, favorisent l'action de la gélivation. - Il est difficile d'estimer la part de la gélivation dans l'évolution des formes karstiques; néanmoins, l'observation montre que ces dépressions sont souvent des formes mixtes résultant de l'action conjuguée de la dissolution et du gel. 6. Les éboulis de pente constituent les formes les plus répandues des dépôts périglaciaires jurassiens. La plupart de ces talus sont colonisés par la végétation, mais on rencontre encore çà et là des éboulis actifs en pleine évolution. - Le mouvement des matériaux à la surface des talus est fonction de la pente, de la taille et de la forme des matériaux. Il connaît aussi une variation saisonnière. Nos mesures effectuées à la surface des éboulis permettent de préciser l'intensité et le mode de déplacement des éclats. Les mouvements de masse et ceux des gros blocs ont été aussi contrôlés. L'orientation des éclats par rapport à la pente de l'éboulis ainsi que leur évolution morphométrique ont également retenu notre attention. - Les quelques cryoturbations et solifluxions observées sont aussi d'origine périglaciaire. Ces phénomènes - rares de nos jours - ont engendré jadis d'importants déplacements de matériaux qui ont contribué à l'adoucisse- ment des versants jurassiens. 171 Abstract The purpose of this study is the analysis of the periglacial formations of the Jura, and of their origin, frequency, intensity and distribution. The study of the climate and the paleoclimate as well as laboratory tests of frost action are adjuncts, necessary to an understanding of the evolution of the natural phenomena. 1. The climate of the Jura is discussed partly on the basis of data furnished by the climatic stations of Neuchâtel (487 m), Chaumont (1141 m) and Chasseron (1601 m), and partly as a function of climatic factors that influence frost action. The crests of the Jura which are above 1500 m experience about 200 days with frost per year, which corresponds to around 50 cycles of freeze and melt in the rocks, of which about half penetrate deeply (reaching 25 cm or more below the surface). The precipitation is well distributed throughout the year ; even so, summer and early winter are wetter than the other seasons. The abundant rains of early winter favor the absorption of water by the rocks and thus indirectly the action of frost. Other climatic factors such as low evaporation, insolation, snow cover and wind also favor gelifraction indirectly. During good weather, a well-exposed rock face undergoes strong thermal action. The direct radiation on the face creates strains which can break the rock up by thermoclastic action. 2. During the last glaciation, the Jura experienced a climate condueive to frost action. It is estimated that the freeze and melt cycles were twice as numerous as they are now and that frost was continous in winter. The interglacials seem to have been particularly favorable to frost action, the latter being simultaneously favored by the abundance of humidity, permafrost, and surface melt. 3. Laboratory experiments with gelifraction make it possible, first, to study experimentally mechanics of frost action in rocks and, second, to compare the degree to which Jurassian limestones are subject to frost action. The two principal factors affecting the breaking-up process are : the absorption of water 173 by intergranular spaces and the freezing of water in the pores and fissures of the rock. Experiments have shown that in Jurassian limestones, water does not freeze at 0 0C, but at a slightly lower temperature (about -2 0C). In order for a rock to break up, its pores and fissures must be more than 90% saturated. Several factors affect the water capacity of the intragranular spaces. Thus, the cycles of freeze and melt are favorable to water absorption by the rocks : once the critical water holding capacity is reached, freezing becomes efficient and can bring about the break-up of the rock. Laboratory experiments with gelifraction furnish comparative values of the speed of fragmentation of the various facies of the Jura and shed light on the granulometry of the debris. They also illustrate the way in which frost action exploits the lithological weaknesses of the rock. In rocks subject to frost action along weakness planes, frost acts at the level of invisible microfissures, whereas microgelivation is more efficient in porous rocks. In the first case frost furnishes fragments of predetermined shape and size, whereas in the second case, fine materials are produced. In a rock that is both porous and full of microfissures, fragmentation and reduction in size of the debris operate simultaneously. The behaviour of samples in the laboratory furnishes a comparative scale of the tendency of the tested rocks to become frost-riven. 4. The Jura presents a picture of periglacial evolution whose characteristics vary from region to region. Only the paleoclimatic conditions and, more preci- sely, the extension of the glaciers during the Wiirm Glaciation give us a coherent explanation of this regional différenciation. Thus the following four sections of the Jura experienced very different periglacial evolutions: The inner slopes of the Jura, The zone occupied by the Jurassian ice sheet, The zone occupied by small hillside glaciers, And the exterior zone never covered by glacial ice. The deposits are of Wiirmian and post-Wiirmian age ; nevertheless their evolution continues into the present. In the exterior zone, the older periglacial remnants cannot be distinguished from those of the Wiirm period, which explains the accumulation and the considerable extent of deposits of gelifraction. 5. The retreat of the Jurassian scarps is a function of climatic, lithologie, and tectonic factors. Measurements made in the frost-riven sections of a number of rock walls give rates of retreat that range from 0.02 to 1.7 mm per year. This corresponds to a breakdown of 0.5 to 1 m since the and of the Wiirm, and to a retreat of 50 to 100 m for the whole of the Quaternary. 174 The intensity of microfissurization, on the one hand, and the presence of marl zones in the rock mass and the orientation toward the S and SW, on the other hand, all favor frost action. It is difficult to estimate the role of frost action in the evolution of karstic landforms; nevertheless, observation shows that the karstic depressions are often of mixed origin, resulting from the joint action of solution and frost. 6. Scree slopes constitute the most widespread of the Jurassian periglacial deposits. Most of these talus slopes have been colonized by vegetation, but one still finds, here and there, active dejection cones in full evolution. The downslope movement of surface material is a function of the size and form of the material at the surface of the cones. It also undergoes a seasonal variation. The measurements made at the surface of the scree allow a precise indication of the intensity and method of displacement of the rock fragments. Mass movement and movement of large blocks were also checked. The orienta- tion of the rock fragments with respect to the slope of the talus as well as their morphometric evolution were likewise considered. The few cases of cryoturbations and solifluxions which were also observed are also of periglacial origin. These phenomena - rare at present - brought about, in the past, significant displacements of materials that have contributed to the rounding of the slopes of the Jura. Traduction : Clyde Patton 175 Bibliographie Agassiz, L. (1843). Sur les anciens glaciers du Jura, Actes S. HeIv. Sc. nat., 28e sess., pp. 284-285. Aubert, D. (1965). Calotte glaciaire et morphologie jurassienne, Eclogae géol. HeIv. 58/1, pp. 555-578. — (1966). Structure, activité et évolution d'une doline, Bull. Soc. neuch. Sc. nat. 89, pp. 113-120. — (1967). 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Les précipitations neigeuses.............................. 23 1. Fréquence annuelle des jours de neige.................... 23 2. L'enneigement moyen annuel.......................... 25 3. Epaisseur de la neige.................................. 27 III. Humidité de l'air et evaporation.............'................. 28 A. Humidité relative de l'air ................................ 28 B. Evaporation........................................... 30 IV. Ensoleillement et nébulosité................................. 32 V. Le vent................................................... 34 183 Chapitre II Les conditions de gélivation dans le Jura ............... 37 I. Legel.................................................... 37 II. Le gel et la saturation en eau de la roche ....................... 38 A. Le gel et la couverture nivale ............................. 38 B. Le gel et l'humidité relative de l'air ........................ 40 III. Le gel et le vent............................................ 41 Chapitre III Les variations thermiques dans une paroi rocheuse...... 43 I. Le gel à diverses profondeurs ................................ 44 II. Le nombre de gels par année................................. 45 III. La thermoclastie estivale.................................... 46 A. Les variations de la température estivale dans une paroi rocheuse.............................................. 47 B. Thermoclastie artificielle ................................ 49 Chapitre IV Considérations paléoclimatiques..................... 51 I. La température pendant la dernière glaciation.................. 51 II. Les précipitations pendant la dernière glaciation................ 54 Conclusions................................................... 57 DEUXIÈME PARTIE LA GÉLIFRACTION ARTIFICIELLE DE QUELQUES ROCHES JURASSIENNES..................... 59 Introduction................................................... 61 Chapitre V Le mécanisme du gel dans les milieux poreux............ 63 I. Legel.................................................... 63 II. La porosité ............................................... 64 III. Le gel dans la roche ........................................ 65 A. La congélation de l'eau.................................. 66 1. La migration de Veau pendant la congélation.............. 66 2. La perte d'eau pendant la gélivation ..................... 68 a. Essais d'évaporation et d'extrusion pendant la congé- lation ........................................... 68 3. Le gain d'eau pendant la gélivation...................... 73 184 Chapitre VI Expérience de gélifraction en laboratoire 77 I. Choix des échantillons...................................... 77 II. Le déroulement des expériences.............................. 81 A. Essais préalables ....................................... 81 B. Les conditions de gel.................................... 82 C. L'alimentation en eau................................... 85 III. Vitesse de fragmentation et pourcentage de débris .............. 85 A. Les calcaires non gélifs .................................. 89 B. Les calcaires à microfissures.............................. 89 C. Les séries gélives ....................................... 90 D. Les calcaires marneux................................... 93 E. Les pierres d'éboulis.................................... 93 IV. Granulometrie et morphométrie des débris .................... 94 A. Granulometrie......................................... 94 B. Morphométrie......................................... 95 Conclusions................................................... 99 TROSIÈME PARTIE MORPHOLOGIE PÉRIGL ACIAIRE JURASSIENNE............ 101 Introduction................................................... 103 Chapitre VII Le périglaciaire zonal ou régional.................... 105 I. Zone limitrophe de l'extension wùrmienne du glacier du Rhône ... 105 I. Le périglaciaire du versant interne jurassien.................... 107 II. La zone occupée par la calotte jurassienne ..................... 112 III. Zone occupée par de petits glaciers de croupe................... 115 IV. Zone extérieure sans glacier................................. 117 A. Description des dépôts .................................. 117 B. Granulometrie des matériaux ............................ 118 C. L'âge des dépôts........................................ 118 185 Chapitre VIII Evolution des parois rocheuses..................... 123 I. Le recul actuel des escarpements ............................. 123 A. L'influence lithologique................................. 126 B. L'influence des intercalations marneuses................... 127 C. Le rôle de l'orientation des escarpements................... 130 D. Les effets de la « détente » des roches ...................... 132 II. L'interaction des formes karstiques et des formations périglaciaires.............................................. 133 A. Les lapiez ............................................. 133 B. Lesdolinesetlesouvales................................. 134 C. Les glacières........................................... 135 III. L'évolution des parois rocheuses au cours du quaternaire......... 136 Chapitre IX Les dépôts périglaciaires............................ 139 I. Les éboulis actifs........................................... 139 A. Aspects généraux....................................... 140 1. Le pied de l'escarpement .............................. 140 2. La mi-pente......................................... 142 3. Le bas de l'éboulis.................................... 142 B. Le mouvement des matériaux ............................ 143 1. Le mouvement superficiel dans les éboulis jurassiens ....... 144 2. Le mouvement de masse............................... 149 3. Le déplacement des gros blocs.......................... 149 C. L'orientation des éclats.................................. 152 D. L'évolution de la morphométrie des éclats.................. 154 E. Agedeséboulis ........................................ 155 II. Les éboulis de pente fixés par la végétation..................... 156 A. La colonisation des éboulis............................... 157 B. Les éboulis colonisés.................................... 158 III. Phénomène de cryoturbation et de solifluxion .................. 159 A. Les formes de cryoturbation.............................. 159 1. Les formes actuelles de cryoturbation.................... 159 2. Les cryoturbations tardiwürmiennes .................... 160 B. Solifluxion ............................................ 162 186 Conclusions................................................... 165 Conclusions générales .......................................... 167 Résumé ...................................................... 169 Abstract...................................................... 173 Bibliographie.................................................. 177 Table des matières.............................................. 183 Imprimé en Suisse Planche I : L'un des blocs expérimentaux équipes de thermosondes. L'isolation thermique de Ia base et des faces latérales est assurée par des plaques de polystyrène. (MaIm du Jura ncuchâtelois, 50 x 30 x 20 cm.) Planche 2 : Fragmentation des calcaires massifs peu poreux et peu fissurés après 100 alter- nances de gel. Ces échantillons se sont fendus dès les premiers cycles mais n'ont pas fourni d'autres débris par la suite. Planche 3 : Comportement d'un calcaire massif microfissuré à la gélifraction artificielle (Le Cernii, Scquanien supérieur, échantillon Xl 1). Fragmentation après 40, 100, 140 et 240 cycles de gel-dégel. Planche4: Photographies au microscope électronique à balayage. A. Calcaire roux du Valanginien inférieur (Gx 3600) B et C. Calcaire massif du Kiméridgien (Gx 3200). Planche 5 : Fragmentation des calcaires microgélifs soumis au gel artificiel. Calcaire oolitiquc de Saint-Claude après 40 et 190 cycles de gel-dégel. J Y i ZrS^A Bl ¦^ S ^^^ Kv |t ' H I Li?J %. ,i^j^ 1^33¾ ¦Cr '"<*^^B IVs O 1 2 cm Planche 6: Comportement de deux calcaires différents, à la gélifraction artificielle: A. Calcaire crayeux (XlV) essentiellement macrogélif B. Calcaire roux du Valanginien à Ia fois macro et microgélif. Planche 7: Environs de Saint-Claude. 1. Roche en place qui continue à reculer sous l'effet du gel 2. Eboulis partiellement colonises par la végétation 3. Moraines PlancheS: Graviere de Saulcy (580,3/241) F. 1105 Bellelay. 1. Lit gras 2. Lit maigre •M * Ptanche9: Uravière au SH de Montici (Trance) (515/208.5). Alternance de lits gras et de lits maigres. Les Fragments de ees derniers sont cimentés par des concretionnements. Planche 10: uravière de Saulcy, F. 1105 Bellelay (580,3/241; La /one du paléosol apparaît en foncé sur l'image. Planche 11 : L'intensité de la gélivation pendant l'hiver 1974-1975. Château Cugni, (F. 1104 Saignelégier, 564,92/236,87). Planche 12 : Calcaire crayeux gélif du Rauracien. Château Cugny (F. 1104 Saignelégier, 564,92/236,87). ¦ -V: Planche 13: Pierres détachées par le gel (février 1974). Route Pommerats-Goumois (F. 1104 Saignelégier, 563,75/237,7). l'Uniche 14 : Le Crêt-Pourri. Alternance de couches marneuses et de bancs de calcaire appartenant à l'Oxfordien (F. Saint-Claude. 874.84/161.62). Planche /5: Modifications intervenues dans une paroi rocheuse. Effet de la détente? (a. mai 1972, b. mai 1973) Chaumont N. (F. 1144 Val-de-Ruz, 564,55/210,87). 5»> , te..- ¦ Planche 16: Eboulis sur moraine. Au bord de la route Lamboing-Orvin (F. 1125 Chasse- rai. 579,2/220,2). Planches 17 et IH : L'accumulation des blocs on amont des obstacles. Blessures sur les troncs d'arbres et leur inclinaison vers l'aval attestant les mouvements dans les éboulis. Combe-Biosse (F. 1144 Val-de-Ruz. 567,3/217.4). Planche 22 : Le mouvement de l'un des gros blocs. On distingue nettement le « sillage » en amont et le « bourrelet de labour » en aval. Chasserai (F. 1125 Chasserai, 571,95/220.30). (Voir aussi tableau 23.) Planches 19,20 et21 : L'influence de la granulometrie sur les mouvements dans les éboulis de pente. Déplacements au bout d'une année. 19. Dans les matériaux fins 20. Dans les matériaux moyens 21. Dans les matériaux plus gros. Côte Lambercier (F. 1163 Travers, 543,2/200,5). Planche 23 : L'herbe est couchée, les piquets de barrière sont arrachés ou plies par le pas- sage d'une plaque de neige. Chasserai (571,95/220.30). riamile24: Formes de cryoturbations actuelles et aspect rabougri de la végétation, Combe-Noire, F. 1201 Mouthe (540/180). * '.'-' .\-r* '¦¦¦ Planche 25 : Forme de solifluxion actuelle. Pcrrefitte, F. 1 106 Moutier (592.7/236,4).