IMPRIMATUR POUR LA THESE Dynamisme du fer dans un karst complexe de la Vallée des Ponts à la Noiraigue, des marais et tourbes de surface jusqu'à la résurgence de M. Yves Bouyer UNIVERSITÉ DE NEUCHÂTEL FACULTÉ DES SCIENCES La Faculté des sciences de l'Université de Neuchâtel sur le rapport des membres du jury, MM. B. Kubier (directeur de thèse), I. Müller, J.-J. Miserez et B. Fritz (CRNS, Strasbourg F) autorise l'impression de la présente thèse. Neuchâtel, le 25 février 2000 Le doyen: J.-P. Derendinger w°y\ BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTEL01SE DES SCIENCES NATURELLES 123 : 105-125. 2000 DYNAMISME DU FER DEPUIS LES MARAIS ET TOURBES DE LA VALLÉE DES PONTS-DE-MARTEL JUSQU'À LA RÉSURGENCE DE LA NOIRAIGUE (JURANEUCHÂTELOIS, SUISSE) 2. TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (SOURCE DE LA NOIRAIGUE)1 YVES BOUYER Laboratoire de Minéralogie, Pétrographie et Géochimie, Institut de Géologie de l'Université de Neuchâtel, 11, rue Emile-Argand, CH-2007 Neuchâtel, Suisse. Résumé Dans la pédosphère, le fer est libéré soit à partir des gleys en voie de décarbonatation dans le marais acide (sa concentration dans les eaux est alors corrélée à celle de la dureté), soit de ceux déjà decarbonates dans le marais amendé (elle est alors corrélée à SiO2 et Mg). Après son séjour dans les sols, il sort du marais, complexé par la matrice organique qui le maintient en solution. Dès que ces complexes rencontrent des roches ou des eaux calcaires, la matière organique flocule et le fer abandonné précipite soit en surface dans les cailloutis calcaires, soit dans les chenaux kars- tiques. Lors de fortes pluies, ce fer précipité est chassé par l'effet de la pression (effet piston) avant que la montée du débit à la source soit significative; il apparaît alors sans être accompagné des élé- ments chimiques ni de la matière organique de la surface du bassin. En revanche au maximum de la crue, la vitesse de transit est telle que le complexe matière organique-fer n'a pas le temps d'être influencé par le calcaire et arrive en même temps que les sulfates ainsi que le potassium lié au cor- tège argileux, dès la surface du bassin. Summary Within the pedosphere, the iron is released either from the "gleys" that are in the process of decar- bonating in the acidic marshland (its concentration in the waters is then correlated to that the hard- ness of the water) or from those already decarbonated in the modified marshland (then closely related to SiO2 and Mg). After laying in the soil, the iron is then released from the marshland, complexed with the organic substance that maintains it in solution. As soon as these complexes are in contact with the calcareous rocks, the organic substance flocu- lates, and the released iron is precipitated to the surface either in the calcareous gravel or in the karstic water-pipes. During pouring rains, this released iron is expelled to the spring by pressure ("piston effect") before the flow of the spring becomes significant, it is then found without any chemical elements or organic substance of the surface of the reservoir. On the other hand, when swelling occurs, the 1 Cet article est Ia seconde partie d'un condensé de la thèse soutenue à la Faculté des Sciences de l'Université de Neu- châtel devant un jury composé de B. Kubier, directeur de thèse, J.J. Miserez et I. Müller, professeurs à l'Université de Neuchâtel (Suisse) et de B. Fritz, professeur, CNRS, Strasbourg (France). 105 Y. BOUYER transit is so fast that the complexes of the organic substance and the iron has no time to be influenced by the calcareous rocks and it then arrives to the spring coming from the sur- face of the reservoir at the same time as the sul- fates and the potassium that is already blended to the clay. 1. INTRODUCTION Les relations entre le contenu chimique des eaux disparaissant à l'emposieu (perte) et celui des eaux réapparaissant à l'exu- toire (source) ne peuvent s'expliquer que si l'on procède à des analyses rapprochées dans le temps. La composition de la charge dissoute indique par sa nature l'origine des eaux exportées du bassin et par sa quantité l'im- portance de l'érosion. Le premier objectif est donc de différen- cier à la source les eaux venant de la pédo- sphère de celles, souterraines, venant des "blocs capacitifs" - peu perméables mais de volumes relativement importants (ces blocs pouvant contenir selon Mangin (1975) des cavités karstiques2 isolées) pour mieux comprendre localement d'abord et pour tout le bassin ensuite les mécanismes d'érosion aussi bien mécaniques que chi- miques. Des précurseurs comme Kiraly & Müller (1979) ont fort bien démontré déjà l'hétérogénéité de la perméabilité et de l'alimentation dans le karst. Par ailleurs, il a été démontré (Bouyer & KÜBLER, 1981) qu'en étiage, les eaux de la source étaient le mélange de celles venant des blocs capacitifs sur lequel viennent s'ajouter les eaux de surface. Le deuxième objectif porte sur le suivi du fer arrivant avec les précipitations météoriques sur la partie supérieure du bassin, traversant la pédosphère puis le karst pour arriver à la source. Le fer, s'il est représentatif de l'origine des eaux, pourra servir de traceur. On met en évidence également le rôle des condi- tions saisonnières sur le départ de cet élé- ment du karst. 2. RÉSULTATS DÉJÀ ÉTABLIS a) L'hétérogénéité chimique et hydrolo- gique des eaux souterraines de ce karst (bassin de la Noiraigue) a été étudiée par Bouyer & KuBLER (1981). Dans cet article, l'analyse des correspondances fait ressortir: 1. une parenté étroite entre les eaux de la Noiraigue (résurgence) et du Bied (perte ponctuelle, emposieu du Voisinage); 2. une grande différence entre les eaux des piézomètres et les eaux de surface aussi bien des marais acides que des marais élargis, amendés. b) Données récentes sur la géologie de la vallée des Ponts-de-Martel Sur les figures 1 et 2 de Atteia et al. (1996), on voit principalement deux sys- tèmes de circulation d'eau: un système rapide dans les calcaires du Portlandien et Kimméridgien (bord de la vallée) et un système plus lent agissant comme une éponge (sols organiques des tourbières, niveaux argileux et molasse marine imper- méables occupant le fond de la vallée, "blocs capacitifs" avec des petites fis- sures). 3. MÉTHODES Les prélèvements des échantillons solides et liquides, l'analyse chimique des eaux et des sols, l'extraction et les pro- priétés de la matière organique, l'analyse mathématique des résultats (analyse des correspondances et factorielle par compo- santes principales) ont été décrits dans un article précédent (Bouyer, 1999). Les pré- cipitations, les débits et les températures 106 2 Karst: Relief particulier aux régions dans lesquelles les roches calcaires forment d'épaisses assises, et résultant de l'action, en grande partie souterraine, d'eaux dissolvant le carbonate de calcium. TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) •*¦ Coupes Faille Chevauchement Anticlinal Synclinal © Forage profond • Forage superficie - Profil CSAMT tW3 Dépôts de pente UM Moraine S§ Cônes de déjection I'"•¦ Hauterivien (inf., sup.) R$ Valanginien (inf., sup.) SP Purbeckien H Portlandien (inf., sup.) Kimméridgien <5<ï Séquanien ¦ Argovien Source de la Noiraigue Figure 1: Esquisse géologique et structurale comprenant la localisation des forages superficiels et pro- fonds, du profil CSAMT (Controlled Source Audio Magnetotellurics) et des coupes géologiques (repré- sentées en figure 2), d'après Atteia et al. (1996). 107 Y. BOUYER | Molasse I Hauterivien (inf., sup.) B^ Valanginien (inf.. sup.) Purbeckien I Portlandien i" Kimmcridigen 4000 ^* Séquanien Argovicn --^¦te^ ^ —{)- - - Forage et niveau d'eau moyen Figure 2: Coupes géologiques perpendiculaires à l'axe de la vallée des Ponts avec localisation des forages profonds et des niveaux de base dans ces forages. La trace des coupes est indiquée à la figure 1, d'après A n ma et al (1996). journalières ont été communiqués par l'Of- fice fédéral de l'économie hydraulique. Des échantillons liquides ont été prélevés à la source automatiquement par aspiration toutes les deux heures pour une série de mesures, toutes les quatre heures pour l'autre. Pendant les périodes d'étiage comme de crues, il a été installé, au milieu de la source de la Noiraigue, une roue à aubes entraînant une pompe péristaltique afin de prélever en continu de grandes quantités d'eau pour y déterminer les argiles. 4. SITES D'OBSERVATION (fig. 3) Les points de prélèvements des eaux de surface (points 1 à 12), ainsi que les profils pédologiques ont été décrits précédem- ment ( Bouyer, 1999). S'ajoutent à l'étude des sols et des eaux de ces points d'obser- vation celle du chimisme et de la mesure des niveaux piézométriques de la résur- gence et de quatre forages; il s'agit de ceux des Cugnets (n° 14, aquifère dans le Dogger à 1140 m), de Martel-Dernier (no 15, aquifère dans le MaIm à 840 m), de Brot-Dessus (no 16, aquifère dans l'Haute- rivien à 741 m) et de Petit-Martel (no 17, aquifère dans la Molasse et dans le MaIm à 749 m). Les données géologiques concernant la situation, la climatologie, l'hydrogéologie du bassin, les résultats des concentrations chimiques prélevées dans les forages se trouvent dans Bouyer & KObler (1981), Bouyer (1999), Atteia et al. (1996), Bur- khard et al. (1998), et Gretillat et al. (1986). 108 TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) BASSIN DE LA VALLEE DES PONTS __\z___ Figure 3: Position des piézomètres: 14 à 17; des points d'eau de surface: 1 à 12; de la perte principale du Bied au lieu-dit "Le Voisinage": 10, et de la résurgence de la Noiraigue: 13. ¦ limite du bassin 5. RESULTATS 5.1. Analyse des eaux de l'emposieu (n° 10), de la résurgence (no 13), des forages (no 14,15,16,17). (tab. I) Le contenu chimique des eaux des forages reflète bien celui de la roche encaissante. Ces résultats mettent nette- ment en évidence l'hétérogénéité du karst étudié, eux-mêmes différents de ceux des eaux de l'emposieu et de la résurgence. 5.2. Débits aux points 10 et 13 Emposieu: 1974 Débit moyen annuel=l 30,93 mVan/seconde 1975 Débit moyen annuel=117,16 mVan/seconde Résurgence 1974 Débit moyen annuel=848,35 mVan/seconde 1975 Débit moyen annuel=716,04 mVan/seconde (Période 1959-1975: Débit moyen annuel= 719,22 mVan/seconde) Les débits à l'emposieu au lieu-dit "Le Voisinage"(point 10) représentent 15,43% de ceux de la résurgence de la Noiraigue (point 13) en 1974 et 16,36% en 1975. 5.3 Masse du contenu chimique exportée en tonnes/an Cette masse est calculée de la façon sui- vante: masse exportée (en tonnes/an) = C • Q • 0,0864, où C = concentration des espèces chimiques (mg/1), Q = débit annuel (= débit journalier • 365), 0,0864 = facteur tenant compte du changement d'unités (mg = IO-9 tonne) et du nombre de secondes par jour. La masse exportée par an pour chaque élément est rapportée à la surface du bassin indiquant l'importance de l'érosion de ses niveaux supérieurs (tab. 2 et 3). La quantité de substances partant dans l'em- posieu rapportée à celle de la résurgence est consignée dans le tableau 4. 5.4 Argiles en suspension dans les eaux de l'emposieu (n° 10) et de la résurgence (n°13) Les argiles en suspension dans les eaux de la résurgence et dans celles du marais amendé présentent les mêmes associations, à savoir: quartz, feldspath potassique, 109 (0(Dt-C0TpHC0OOCMN00C0C0NNOOH TP_©eOHNCOTpa)Tp_ait-COcOCOO(OTP_(DCO^ • h" CM* o" o" o" H* o" H H* H* CO* CM* lO" O" tP" O* CO" CO" CM* TpCOC0©C0(DHCOHTpNt0e0HCOC0t»Niß o o* ¦*" o" o* o* «" h" t-" co" co* (o" co" cm" r-" co" o" to' co" o" CO tOi-ICMt-C0CMr-*C0TpC0lO(DlOiHCO0ÌTp O f-, IXWOONHHMt coohc-c-oooioc- (O CO N N N " Tp TP Tp TP ^ 5s!ïi!sS|53aÏK!3|l53 ' TP TP TP "TP 1 ¦iO(OOOOOHOhO IHOOOOIr-O(O Tp(OHCOOOOOmNNr OTPr-ioOHNtnr- H TP NOH CO NN t-(ONCO(DiONOC-©aiHOiOOOCTl"fr "*¦. °. "-J. °. "-1,0I N_ °i 0I °l ""1 "^ °°.N. ^°. 0I °l ^- ^-M- O(Dho"o*Oo"oc0OCM H !-("(DOOOCOCMOCO rjo(oeocoio(0(Oioioo nhcootpn iO O) h O N^ N- Ol. iß. O- 0_ O1. N_ OO CO. [—_ C0_ CO- (D_ N^ Ol OHC0OOOHOTpc0i0C0CT)0)*r-t>Oi0iß(D(0 O oo r- N h eo CO CO N N H I .SU K E? îiiir* o92kl|x IO lu N OO O) O ' t I! Ml TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) albite, calcite, dolomite, chlorite, kaolinite, illite, illite-chlorite. En revanche, les eaux des piézomètres ne contiennent pas ce genre d'argiles issues de matériau.alpin, mais contiennent en suspension celles de dissolution de la roche encaissante. 5.5. Analyses factorielles des correspon- dances des résultats (fîg. 4a, 4b, 5a, 5b, 6) Tout d'abord une définition simplifiée de l'analyse des correspondances tirée de CiBOIS (1987): "L'analyse factoriêlle traite des tableaux de nombres et elle remplace un tableau difficile à lire par un tableau plus facile à lire qui soit une bonne approximation de celui-ci ... Il faut oublier le contenu sémantique attaché dans le lan- gage courant au terme de facteur (comme dans les phrases «lefacteur temps» ou «le facteur origine sociale») et le remplacer par son sens mathématique tout à fait ordi- naire de «mise en facteur». Par exemple, on met en facteur l'expression a2-b2 sous la forme de produit de facteurs (a+b) et (a-b); on se contente de représenter la même réa- lité sous une forme plus agréable (pour un calcul ultérieur)". Dans ces analyses factorielles selon Benzecri (1973), on retient les variables suivantes: Ca2+, Mg2+, Fer total, Sr2+, Na+, K+, SO42', SiO2, NO3-, Cl", O2, H+, P043-, Dureté totale (Du To), Dureté temporaire (Du Te) et Matières organiques dissoutes (M.O.) Elles portent sur les 17 points d'eau de surface (points 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11 et 12), de l'emposieu (n° 10), de-la Ca 90.8 mg/1 1027.6 tonnes/an 15.05 tonnes/Km2 Mg 4.43 mg/1 50.11 tonnes/an 0.73 tonnes/Km2 Fer total 0.83 mg/1 9.38 tonnes/an 0.13 tonnes/Km2 Fer filtré 0.4 mg/1 4.524 tonnes/an 0.066 tonnes/Km2 Sr 0.04 mg/1 0.4524 tonnes/an 0.0066 tonnes/Km2 Na 3.16 mg/1 35.74 tonnes/an 0.5225 tonnes/Km2 K 1.61 mg/1 18.21 tonnes/an 0.266 tonnes/Km2 SO4 7.53 mg/1 85.18 tonnes/an 1.245 tonnes/Km2 SiO2 3.71 mg/1 41.96 tonnes/an 0.613 tonnes/Km2 N03 3.64 mg/1 41.17 tonnes/an 0.6 tonnes/Km2 cl 6.62 mg/1 74.88 tonnes/an 1.094 tonnes/Km2 O2 8.65 mg/1 97.85 tonnes/an 1.43 tonnes/Km2 Cond. 432.2 mhos 4889 ......mhos""/an" PH 7.51 u.pH T0C 8.88 0C PO4 0.93 mg/1 10.52 tonnes/an 0.153 tonnes/Km2 Du. tot 256.6 mg/1 2902.74 tonnes/an 42.43 tonnes/Km2 Du. te. 243.9 mg/1 2759.08 tonnes/an 40.33 tonnes/Km2 MO. Années 10.96 mg/1 74-75-76 Bied des F 27 0 123.98 tonnes/an 'onts- de -Martel (emposieu) bs. 1.812 tonnes/Km2 S bassin 68.4 Km2 Tableau 2: Moyenne des masses des différents paramètres chimiques des eaux de l'emposieu (années 74-75-76). Nombre de mesures N = 27. 111 Y. BOUYER Ca 81.5 mg/1 5973.74 tonnes/an 87.32 tonnes/Km2 Mg 3.93 mg/1 288 tonnes/an 4.21 tonnes/Km2 Fer total 0.18 mg/1 13.19 tonnes/an 0.192 tonnes/Km2 Fer filtré 0.06 mg/1 4.39 tonnes/an 0.064 tonnes/Km2 Sr 0.02 mg/1 1.46 tonnes/an 0.021 tonnes/Km2 Na 1.23 mg/1 90.15 tonnes/an 1.317 tonnes/Km2 K 0.95 mg/1 69.63 tonnes/an 1.017 tonnes/Km2 SO4 4.56 mg/1 334.23 tonnes/an 4.88 tonnes/Km2 SiO2 3.06 mg/1 224.29 tonnes/an 3.27 tonnes/Km2 NO3 5.05 mg/1 370.15 tonnes/an 5.41 tonnes/Km2 CL 3.05 mg/1 223.55 tonnes/an 3.26 tonnes/Km2 O2 9.2 mg/1 674.33 tonnes/an 9.85 tonnes/Km2 Cond. 379.8 mhos 27838.368 ......mhos"7an" PH 7.32 u.pH TC 7.71 0C PO4 0.33 mg/1 24.18 tonnes/an 0.35 tonnes/Km2 Du. tot 225.8 mg/1 16550.56 tonnes/an 241.96 tonnes/Km2 Du. te. 215.6 mg/1 15802.92 tonnes/an 231.06 tonnes/Km2 MO. Années 6.26 mg/1 74-75-76 Noi (rés 458.84 tonnes/an raigue urgence) 6.7 tonnes/Km2 S. bassin: 68.4 Km2 Tableau 3: Moyenne des masses des différents paramètres chimiques des eaux de la résurgence (années 74-75-76). Nombre de mesures N = 27. Ca 111.4 % 17.19 % Mq 112.7 % 17.39 % Fer total 461.6 % 71.18 % Fer filtré 666.6 % 103.0 % Sr 200 % 30.9 % Na 256.9 % 39.6 % K 169.47 % 26.15 % SO4 165.1 % 25.48 % SiO2 121.2 % 18.7 % NO3 72 % 11.12 % Cl 217.0 % 33.49 % O2 94 % 14.5 % Cond. 113.7 % 17.56 % PH T0C 115.17 % PO4 281.8 % 43.5 % Du. tot. 113.64 % 17.5 % Du. te 113.12 % 17.45 % M.O. 175 % 27 % [ ] Bied mn [ ] Noiraigue [ ] tonnes / an Bied mn [ ] tonnes / an Noir. Tableau 4: Rapport des concentrations moyennes des paramètres chimiques des eaux de l'emposieu à celles des eaux de la résurgence (en %), ainsi que le rapport des masses des éléments analysés à l'empo- sieu à celles de ceux analysés à la résurgence (en %). 112 TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) Axe 2 .-1.06 Figures 4a et 4b: Analyse fac- torielle des correspondances 4a: Plan 1x2 et 4b: Plan 3x4 Dans les plans des axes facto- riels, contributions des observa- tions (petits points) et des variables (gros points). Tous les paramètres et tous les points d'eau y sont représentés. Les eaux du marais naturel sont numérotées de 1 à 7, celles du marais amendé 8, 9, 12, de l'emposieu 10, de la résurgence 13, des différents piézomètres 14, 15, 16 et 17 (prélèvements des 17 points d'eau, années 1974 et 1975). N= 17 observa- tions mensuelles pour chaque point d'eau. __.-3.07 ^1.46 Axe U _ OAO .1 • W EmP°sie" Me _ _ . ... QJsPUTo E Eaux de surface -1.29 —H résurgence (n° 13) et des quatre forages (n° 14, 15, 16 et 17). Dans chaque point d'eau, on a 15 observations mensuelles couvrant les quatre saisons. Trois analyses ont été faites: - la première prend en compte tous les points d'eau de surface, de l'emposieu, de la résurgence et des quatre piézo- mètres; - la deuxième se rapporte aux eaux de la résurgence et des quatre piézomètres; - la troisième ne retient que les résultats des eaux des piézomètres. 5.6. Coefficients de corrélation linéaire entre les concentrations des mêmes ions dans les eaux de l'emposieu (n° 10) et celles de la résurgence (n° 13) (nombre de mesures = 27pour chaque point d'observation) Les résultats sont les suivants: r [Ca2+] exutoire - [Ca2+] emposieu = +0,66 r [Mg2+] exutoire - [Mg2+] emposieu = +0,70 r [Na+] exutoire - [Na+] emposieu = +0,50 r [K+] exutoire - [K+] emposieu = +0,14 r [SO42"] exutoire - [SO42"] emposieu = +0,78 113 Y.BOUYER SiOfYy. i *\ a DuTe\14-^ U'H* -Na; 0,49-rAxe 4 Figures 5: Analyse facto- rielle des correspondances A: Plan des axes 1x2: On ne conserve que les eaux des piézomètres et de la résurgence par rapport à la figure 4. B: Plan des axes 1x4: On ne conserve que les eaux des piézomètres et de la résurgence par rapport à la figure 4. (Prélèvements faits entre 1974 et 1975. Les petits points correspondent aux observations, les gros points aux variables). Axe 1 Figure 6: Analyse facto- rielle des correspondances. Plan des axes 1x2 des observations des eaux des piézomètres uniquement; chaque piézomètre, d'après sa composition chimique, occupe une aire distincte et non sécante (observations uniquement). 114 TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) r [SiO2] exutoire - [SiO2] emposieu = +0,70 r [NO3"] exutoire - [NO3"] emposieu = +0,60 r [Cl"] exutoire - [Cl"] emposieu = +0,80 r [O2] exutoire - [O2] emposieu = +0,80 r conductivité exutoire - conductivité emposieu = +0,45 r [Mat. org.] exutoire - [Mat. org.] empo- sieu = +0,80 Pour 27 échantillons, avec un seuil de signification de 0,05, le coefficient de cor- rélation linéaire diffère significativement de 0 au-dessus de r = +0.32, et pour un seuil de signification de 0,01 au-dessus de r = +0,45. En revanche, aucune corrélation linéaire significative n'existe entre le contenu chi- mique des eaux de forage et celui de la résurgence. Il n'y a pas non plus de corré- lation entre le fer de l'emposieu et celui de la résurgence, pour des raisons indiquées plus loin, mais il sera exporté en grande quantité vers la résurgence pendant les crues. 5.7. Variations du contenu chimique des eaux de l'emposieu et de la résurgence en fonction des saisons et des précipitations Nous avons relevé les maxima et les minima des concentrations des éléments pour les deux points d'eau et nous y avons fait correspondre les précipitations P1 (jour après le prélèvement), P2 (jour du prélève- ment), P3 (j°ur avant le prélèvement), P4 (moyenne des précipitations des 2e et 3e jours précédant le prélèvement), P5 (moyenne des précipitations de la semaine précédant le prélèvement). Voici les éléments pour lesquels le maximum se situe: au printemps: Mg2+, Fer total, Fer filtré (seulement à l'emposieu), Na+, NO3", Cl", pH (fin du printemps) en été: SiO2, dureté totale et matière orga- nique; leurs concentrations maximales cor- respondent aussi à de fortes précipitations. en automne: Ca2+ en hiver: K+ et SO42" et pour lesquels le minimum se situe: au printemps: Ca2+, K+, SO42", O2, PO43", dureté totale, dureté temporaire, matière organique, accompagnés de fortes pluies en été: aucun paramètre minimum en automne: Fer total, NO3" et pH en hiver: Mg2+, Cl" et conductivité 5.8. Etude de quelques crues de la résur- gence de la Noiraigue 5.8.1. Echantillonnage - Rythme des prélèvements Après être passés successivement de prélèvements mensuels à des prélèvements hebdomadaires puis journaliers, nous sommes passés à des prélèvements plus rapprochés (toutes les 2, 4 ou 8 heures) pour sérier d'une façon encore plus fine les phénomènes exceptionnels qui peuvent avoir lieu lors de crues, de décrues ou d'étiages, et nous assurer que les conclu- sions faites à propos des échantillonnages mensuels ou hebdomadaires quant aux fluctuations saisonnières, n'étaient pas erronées. Les prélèvements recouvrent l'hiver (10.2.77) jusqu'à la fin du prin- temps (25.6.77) et l'automne (du 11.10.79 au 20.11.79). En 1977 (1er groupe), les prélèvements à la source de la Noiraigue ont été effectués: - toutes les 2 heures pour les séries C (du 10.2 au 12.2), D (du 13.2 au 15.2), E (du 15.2 au 17.2), K (du 23.6 au 25.6); - toutes les 8 heures pour les séries F (du 9.3 au 16.3), série J (du 13.6 au 21.6). En 1979 (2e groupe), ils ont été faits toutes les 4 heures pour les séries AC (du 11.10 au 15.10), AD (du 22.10 au 26.10), AE (du 29.10 au 2.11), AF (du 2.11 au 115 y.BOUYER 6.11), AG (du 6.11 au 10.11), AH (du 11.11 au 15.11), AI (du 16.11 au 20.11). Dans chaque groupe, les séries compor- tent 24 prélèvements, donc nous avons N = 144 observations pour le premier groupe et N = 168 observations pour le second groupe. 5.8.2. Analyses factoriellespar compo- santes principales portant sur les deux séries de mesures des paramètres chi- miques enregistrés à la Noiraigue a) Analyses factorielles portant sur les séries C, D, E, J, K Pour chaque série, on tire trois graphes; sur le premier sont disposées les variables (paramètres chimiques et débit dans le plan 1 x2, sur le deuxième les observations et sur le troisième à la fois les observations et les variables). Ensuite, on projette dans un premier graphe toutes les observations des cinq séries dans le plan 1x2, dans un deuxième toutes les variables des cinq séries et enfin dans un troisième à la fois toutes les variables et toutes les observations des cinq séries. b) Analyses factorielles portant sur les séries AC, AD, AE, AF, AG, AH, ET AI On procède de la même façon que pour les séries C, D, E, J, K. 6. DISCUSSION 6.1. Groupement de toutes les eaux: sur- face, piézomètres et exutoires par analyse des correspondances (fig. 4a et 4b) De ce premier traitement des résultats, il ressort: a) une parenté étroite entre les eaux de la Noiraigue (résurgence no 13) et du Bied (perte ponctuelle à l'emposieu no 10); b) une grande différence entre les eaux des piézomètres et les eaux de surface aussi bien des marais acides que des marais élargis; c) une même tendance pour les eaux des piézomètres, de la résurgence et de la perte; d) une séparation en deux groupes pour les piézomètres, d'une part celui de Martel- Dernier (15), d'autre part celui de Petit- Martel (17), les eaux de Brot-Dessus étant intermédiaires entre 17 et le groupe perte- résurgence. 6.2. Groupement par analyse des corres- pondances des eaux souterraines: résur- gence (source de la Noiraigue) et piézo- mètres (flg. 5A et 5B) L'analyse factorielle (plan 1x2, puis 1x4) fait ressortir que les groupes d'eau sont assez indépendants les uns des autres, à savoir que: - le point 15 (forage de Martel-Dernier) est influencé surtout par NO3" et SO42"; - les points 16 (Brot-Desus) et 17 (Petit- Martel) ont en commun les paramètres Mg2+ et Sr2+, mais Petit-Martel a en plus le facteur Fer total (= Fe tot) qui le sépare du point 16 (Brot-Dessus); - la résurgence (no 13) et le forage des Cugnets (14) sont proches l'un de l'autre et de l'intersection des axes où nous trou- vons également Dureté totale (Du To), Dureté temporaire (Du Te), Ca2+, SiO2, PO43", H+ et O2. Ce groupe est homogène dans le plan des axes 1x2 et 1x4, mais dans le plan 1x3, ces deux eaux s'opposent surtout par le fer total (Fe tot). Cela reflète fidèlement l'observation que les concen- trations en Fer total sont toujours plus grandes dans les eaux du Dogger (Cugnets, 14) que dans celles de la résurgence (13). Les petites différences entre les eaux de Petit-Martel (17) et Brot-Dessus (16) sont explicitées par l'axe 4 dans le plan des axes 1 et 4 (fig. 5b). Les eaux de Petit- Martel se distinguent par de faibles 116 TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) concentrations Ca2+, dureté totale (Du To), dureté temporaire (Du Te), SiO2 et H+, et un enrichissement relatif en K+, Na+ et Cl", celles de Brot-Dessus par un enrichisse- ment relatif en Mg2+, Sr2+, et SO42". Les données de la résurgence (13) placent ces eaux au milieu de ces oppositions. La distinction entre les eaux de la résur- gence et des piézomètres étant opérée, il s'agit dès lors d'exclure du traitement des données les eaux de la résurgence. 6.3. Groupement par analyse des corres- pondances des observations des eaux des piézomètres uniquement (fig. 6) Les eaux des quatre piézomètres se dis- tribuent en quatre groupes bien séparés: 1) Les eaux des Cugnets (14) aquifère du Dogger par: Sr2+ (moyen) profondeur faible à moyenne, Mg2+ moyen, T (0C) moyen et NO3" moyen. 2) Les eaux de Martel-Dernier (15) par: le rapport Fer filtré/Fer total élevé, Dureté temporaire moyenne, SO42" moyen, Mg2+ faible, mais surtout NO3" et O2 élevés. 3) Les eaux de Petit-Martel (17) par: une Dureté totale (Du To), O2, Ca2+, conducti- bilité et SiO2 faibles, Cl" et K+ moyens et surtout Na+ et Mg2+ élevés. 4) Les eaux de Brot-Dessus (16) forment en quelque sorte le centre de gravité des trois autres groupes. 6.4. Commentaire sur les analyses des correspondances portant sur toutes les eaux, sur les eaux souterraines (résur- gence et piézomètres) et sur les eaux des piézomètres uniquement Le chimisme global et moyen (sur deux ans) des eaux de la résurgence de la Noi- raigue est très proche de celui du Bied, 3 Ces zones sont définies in: Bouyer & Pochon ( 1980) confluent de tous les bieds de surface: groupe quaternaire de surface. Le chimisme des eaux de surface accuse de grandes différences (pH, dureté, etc.). Des marais acides aux marais élargis3 et aux anciens marais drainés et cultivés, ce chimisme converge vers celui du Bied et vers celui de la résurgence. Les eaux des piézomètres s'écartent notablement de celles de surface et de celles de la résurgence. Cependant, fait plus important, chaque piézomètre se dis- tingue par le chimisme différent de ses eaux. Cela confirme l'hétérogénéité du chimisme des blocs capacitifs à faible per- méabilité. Dans le cas du bassin de la Noi- raigue, parmi les très nombreux blocs potentiels, quatre piézomètres ont permis d'en individualiser quatre. 6.5. Résultats des analyses d'eau men- suelles prélevées parallèlement à l'empo- sieu et à l'exutoire (tab. 4) Il faut rapprocher certains pourcentages de matière exportée (rapport de la teneur chimique des eaux de l'emposieu à celui de la résurgence) aux pourcentages des débits. Les mesures des débits du bied de l'empo- sieu des Ponts-de-Martel et de ceux de la résurgence (Noiraigue) ont donné un rap- port de 15,43% (1974) et de 16,36% (1975). Le rapport des masses chimiques de l'emposieu aux masses exportées à la résurgence se rapprochant de 15,43% et 16,36% concerne: - Ca, Mg, SiO2, conductivité, dureté totale, O2, et dureté temporaire; - les taux de K, matière organique et SO42" sont d'environ 25%; - les taux nettement au-dessus de 16% concernent Fer total, Fer filtré, PO43", Cl" et Na+: Ce même groupe de paramètres asso- ciés apparaît à l'analyse factorielle de toutes 117 Y.BOUYER les eaux analysées (cf. fig. 4a, 4b) et corres- pond aux eaux du bord du marais acide. Pour le groupe Ca2+, Mg2+ et SiO2, conductivité, dureté totale, O2, dureté tem- poraire, lors du transit de l'emposieu à la résurgence, ces paramètres n'ont pas subi de grands changements. Lorsque le système passe de l'état ouvert (production de CO2) à l'état fermé (consommation de CO2), respectivement de l'emposieu à la résurgence, on se rap- proche des courbes de saturation pour les ions du premier groupe, sans pour autant qu'elles soient atteintes: calcite, dolomite, quartz et silice sont en sous-saturation; les équilibres n'y sont pas atteints à cause de la grosseur des chenaux, et donc de la vitesse de transit. Dans le groupe Fer total, Fer filtré, PO43", Cl" et Na+, il y a une diminution des concentrations de ces paramètres lors du transit emposieu-exutoire; le fer est main- tenu en solution dans les eaux de surface grâce à la matière organique complexante, mais dans les chenaux karstiques, la matière organique du complexe matière organique-fer flocule au contact du cal- caire, perd son pouvoir complexant vis-à- vis du fer qui alors seul précipite. Les corrélations entre [Ca2+] emposieu et [Ca2+] résurgence, pC02 emposieu et pC02 résurgence, [Mg2+] emposieu et [Mg2+] résurgence pour ne citer qu'elles sont remarquablement élevées (voir § 5.6). Des graphes débits-concentrations des ions des eaux de la résurgence mettent en évi- dence deux familles de points. Il faut alors décomposer les concentrations observées à la résurgence comme suit: - une concentration à peu près constante de ces éléments venant des blocs capacitifs; dans ces blocs, l'écoulement étant lent, on se trouve près de la courbe de saturation (milieu fermé); - une concentration beaucoup plus fluc- tuante et plus élevée se superposant à la première des eaux venant de la surface (milieu ouvert). 6.6. Influence des saisons sur les minima et maxima des concentrations ioniques des eaux de l'emposieu et de la résurgence 6.6.1. Au printemps Aux gros débits printaniers souvent constatés, à une activité biologique mini- male des sols, correspondent une dureté temporaire et une concentration en Ca2+ également minimales (peu de CO2 produit). En revanche, nous avons un maximum de Mg2+, Fer total, Fer filtré appartenant en partie à la phase silicatée et aux dolomites. 6.6.2. En été L'activité biologique bat son plein, dureté totale et matière organique fraîche sont maximales. ' 6.6.3. En automne Un maximum de CO2, plus utilisé par les plantes, est relâché au niveau des hori- zons carbonates et les agresse; il s'ensuit un départ maximal de Ca2+. Le largage du CO2 attaque les silicates. 6.6.4. En hiver Après la forte saison des pluies (fin novembre en général) et donc après le départ de CO2 des sols, nous avons un maximum de K+ (effet piston); celui-ci est lié à la matière organique (décomposition des végétaux), alors que Mg2+ est à son minimum (effet de dilution). 6.7. Evénements exceptionnels: crues et décrues On distingue les crues d'hiver des crues d'automne. Avec les mêmes débits, les 118 TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) eaux des crues d'hiver ont une charge dis- soute inférieure à celle des' crues d'au- tomne pour différentes raisons: En hiver. D'une part avec la couverture neigeuse, on a des eaux de ruissellement qui n'atteignent qu'en partie les sols: d'où peu d'entraînement mécanique des sols qui contiennent du fer, calcium, etc. D'autre part, il n'y a plus de production de CO2 (milieu fermé) et donc peu d'attaque des carbonates des gleys d'où sont issus les ions dissous dans les eaux. En automne: Lors des pluies abon- dantes, les particules solides (hydroxydes de fer, carbonates de fer, calcium, magné- sium, les argiles) sont entraînées jusqu'à la source. Le CO2 attaque la partie carbo- natée des gleys et les silicates avec une plus grande libération d'ions dissous dans les eaux, mais aussi plus de fer entraîné par la matière organique fraîche produite dans les sols par activité biologique. 6.7.1. Comparaison de la concentration de calcium pendant le fort de la crue et pen- dant la décrue suivant les saisons a) Crue et décrue hivernales (du 10.2 au 15.2.77). Pendant la crue, le maximum de [Ca2+] = 90 mg/1 est inférieur au maximum du calcium de la décrue (100 mg/1). b) Crue et décrue automnales (du 6.11.79 au 20.11.79). Ici le maximum du débit cor- respond au maximum de la concentration calcique, teneur plus élevée que la teneur maximale observée pendant la décrue. En comparant ces deux crues, de débits de même importance, mais de saisons dif- férentes, on a encore la preuve que pen- dant la crue, le calcium est apporté des niveaux superficiels du bassin et est accompagné de matière organique; or en hiver, le taux de matière organique et de CO2 étant amoindri par cessation de l'acti- vité biologique, le taux de calcium libéré des niveaux carbonates est lui-même diminué. Pendant la décrue (vidange des blocs peu perméables), les taux de Ca sont à peu près identiques dans les deux cas. c) Comportement du fer (fig. 7 et 8). Avant la montée des eaux, le fer subit un effet piston; il s'agit alors de fer précipité dans les chenaux lorsque le débit est bas. Nous avons expliqué pourquoi ce fer issu du complexe fer-matière organique soluble dans les eaux de surface s'était séparé après floculation de la matière organique (série AH, échantillon 11). La montée de fer n'est pas accompagnée de celle de la matière organique. En revanche au plus fort de la crue, on voit que matière orga- nique et fer arrivent pratiquement en même temps (série AG, échantillon AG 7). Ce fer vient alors des horizons pédolo- giques de la partie supérieure du bassin. Tous ces indices nous permettent de mieux sérier les différentes phases et les origines des eaux de la résurgence, et sont autant de traceurs pour comprendre le fonctionne- ment du réseau hydraulique. 6.7.2. Exemple du suivi d'une crue par analyse factorielle en composantes principales Dans le plan 1x2 (fig. 9Ì A partir de l'échantillon AF 19 (prélève- ments toutes les 4 heures) jusqu'à AF 24, les observations se déplacent un peu du calcium vers le magnésium, le débit com- mence à monter (influence directe des eaux de l'emposieu sur celle de la résur- gence). Les observations se trouvent tou- jours dans le quadrant 3. Le débit passe doucement de 0,687 m3/s pour AF 19 à 3,14 mVs pour AF 24 (20 heures plus tard): 10 heures après AF 24 pour AGI, le débit atteint 10,306 m3/s pour atteindre son paroxysme à AG 6 et AG 7 (12,563 et 12,564 mVs). Les associa- 119 Y. BOUYER AG AH Débit ¦ A '¦ i------\ ! i \ l ! \.___I 1-.^_______' •--------------^ 2 i 6 10 12 X 16 18 20 22 24 Fe •4.5 4 3.5 3 ¦2.5 2 1.5 1 0.5 0 Temps AH Deb» 14 12 + 10 8 6 4 2 0 MO t i i i i i—f—i—i—\- 2 4 6 10 12 14 16 18 20 22 24 Temps Figure 7: Série AH: Prélèvements automatiques (toutes les 4 heures) à la source de la Noiraigue (du 11.11 au 15.11.1979). On remarque un maximum de fer en AH 11, alors que le taux de matière organique est bas; ce fer arrivant par effet "piston" à la source avant la montée des eaux, vient des chenaux karstiques où il se dépose après floculation de la matière orga- nique lors de débits faibles. - Les débits (Q) sont représentés en traits pleins; ils s'expriment en m3/s. - La concentration de la matière organique [MO] est exprimée en mg/1 de CaCO3 complexé (cf. Miserez, 1973). Deb» Ca 120 110 100 90 80 70 160 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 Temps AQ 10 12 14 16 18 20 22 24 Temps AG Deb» 14 + 14 12 ¦ 12 10 ¦ 8 ¦ 10 en I I I 8 4 • 2 ¦ 0 : 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 Temps Figure 8: Série AG: Prélèvements automatiques (toutes les 4 heures) à la source de la Noiraigue (du 06.11 au 10.11.1979). Le calcium, le fer et la matière organique arrivent par effet "piston" à la résurgence à peu près en même temps, de la surface du bassin au maximum de la crue. La matière organique entraîne le fer de l'emposieu à l'exutoire, sans avoir le temps de floculer au contact du calcaire des chenaux karstiques à cause de la vitesse de l'écoulement. - Les débits (Q) sont représentés en traits pleins; ils s'expriment en m3/s. - La concentration de la matière organique [MO] est exprimée en mg/1 de CaCO3 complexé (cf. Miserez, 1973). 120 TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA .RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) tions chronologiques des observations et des variables sont les suivantes,; On va de AF 24 (Mg. Sr) à AGI (Ca) puis on trouve AG 2 (Fe. PO1. NO3. Cl. K. gü) (eaux provenant du marais amendé et de la molasse), AG 3 entre Ca et Na (cal- caires dénoyés), AG 5, AG 6 (maximum de la crue) sont proches de SO1. UV (UV = ultraviolets qui caractérisent la concen- tration de la matière organique dans l'eau): Ce sont les eaux à caractère superficiel venant des tourbes acides; AG 5 et AG 6 participent beaucoup à l'axe 2 (négative- ment). De AG 7 à AG 24, on remonte dans le quadrant 2, les échantillons devenant satellites du groupe Fe. NO3. PO1. K (influence des marais acides et cultivés, et de leurs gleys sous-jacents). La décrue continue, et à partir de AG 24 (AH 1 et suivants), on passe dans le quadrant 1 pour y rester. (Ces dernières observations étant proches de SiO2 correspondent aux eaux des blocs capacitifs qui s'écoulent). Dans le plan 2x3 (fi g. 10") Les échantillons AF 21, AF 22, AF 23, AF 24 sont de plus en plus influencés par le groupe Mg. N03. P04. Sr. Fe venant du marais amendé et de la molasse marine (la montée des eaux commence). On passe du quadrant 3 (AF 24) au qua- drant 4 avec AG 1, AG 2 qui sont situés entre les groupes UV (matière organique"). PO1. K et pH. Ca. Cl. AG 6 participe au maximum à l'axe 2 (négativement), et est donc marqué par le groupe K. SO1. matière organique (la crue est à son maximum) caractérisant les eaux du marais acide. Après AG 6 (commencement de la décrue), on repasse dans le quadrant 3 en se rapprochant à nouveau du groupe Mg. NO3^. PO1. Sr. Fe. association rencontrée dans les eaux du marais amendé, pour se rapprocher de plus en plus du groupe conductibilité, dureté totale. SiO2 (vidange des blocs capacitifs et aussi des calcaires ,dénoyés). Après ce long suivi dans le temps de ces différents étiages, crues et décrues, on comprend mieux l'organisation de l'écou- lement des eaux à travers ce karst bien par- ticulier à cause de l'importance de sa cou- verture quaternaire. 7. CONCLUSIONS 7.1. Hétérogénéité de la nappe; relation emposleu-résurgence Dans le bassin étudié dont l'originalité consiste en la présence d'un marais tour- beux important, on note que: a) L'effet de dilution par l'augmentation du débit est le mieux illustré par [Mg2+] comme l'avait noté Miserez (1973). Pour 82 observations, tous régimes confondus (étiages, crues, décrues), on a r [Mg2+] - débit = -0,80. b) L'effet piston localisé aux eaux de sur- face, au niveau des sols organiques et des tourbes, se fait sentir à la résurgence: pour la matière organique: (r MO - débit = +0,56, pour N = 27); le potassium: (r [K] - débit = +0,84, pour N = 82); et le fer: (r [Fe2+] - débit = +0,70, pour N = 82). c) L'hétérogénéité chimique des eaux de surface, leur groupement par rapport aux eaux de la perte et de la résurgence est bien mise en évidence par l'analyse des correspondances selon Benzecri et al. (1973). d) L'individualité des eaux de chaque pié- zomètre, déjà notée dans la comparaison du chimisme moyen, est clairement démontrée par l'analyse factorielle des correspondances. 121 Y. BOUYER Figure 9: Série AG: Analyse factorielle par composantes principales Les observations (toutes les 4 heures), numérotées de 1 à 24, et les variables des eaux de la résurgence sont reportées dans le plan 1x2. De AG Ol à AG 18, le débit est exceptionnel (Q > 12 mVs) puis redescend lentement jusqu'à AG 24 (Q > 5,87 mVs). Pour les débits (série AG), se reporter à la figure 8. e) Par le calcul des coefficients de cor- rélation sur chaque groupe d'eau, l'étroite relation eaux de la perte-eaux de la résurgence est quantifiée, l'indé- pendance des eaux des piézomètres, donc des blocs capacitifs, est confirmée, les relations précipitations, débits, chimisme sont établies, précisant le déphasage de la vague hydraulique et des divers déphasages de la vague chi- mique. f) Dans le bassin de la Noiraigue, les excellentes corrélations perte-résur- gence, les mauvaises corrélations blocs capacitifs entre eux-mêmes et la résur- gence, indiquent que les forages d'ex- ploration n'ont pas rencontré le réseau des grands chenaux et que par compa- raison avec d'autres karsts plus méridio- naux, le karst étudié doit être en partie colmaté. 7.2. Abondance et origine du fer a) Abondance du fer - En surface. Ce sont des eaux recueillies dans le marais amendé qui ont la teneur en fer la plus élevée ([Fe2+] = 2,3 mg/1 en moyenne), puis les eaux du bord du marais naturel acide ([Fe2+] = 1,2 mg/1 en moyenne); viennent ensuite les eaux du coeur du marais acide (0,50 mg/1) et les eaux de pluie (0,14 mg/1). - Dans les piézomètres, les teneurs sont à peu près de 3 mg/1, sauf pour le forage de Martel-Dernier influencé par les eaux du marais acide à cause d'une grande perméa- bilité, qui n'en a que 0,50 mg/1 et des nitrates qui oxydant le Fe2+ en Fe3+ le pré- cipitent. Il faut cependant remarquer que la teneur en fer de 3,0 mg/1 n'est qu'une moyenne et que seuls quelques prélève- ments étaient riches en fer. 122 TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) Figure 10: Série AG: Analyse factorielle par composantes principales Les observations (toutes les 4 heures), numérotées de 1 à 24, et les variables des eaux de la résurgence sont reportées dans le plan 2x3. De AG 01 à AG 16, le débit est exceptionnel (Q > 12 m3/s) puis redescend lentement jusqu'à AG 24 (Q > 5,87 m3/s). Pour les débits (série AG), se reporter à la figure 8. - A la résurgence et à l'emposieu. A la source de la Noiraigue, [Fe2+] = 0,18 mg/1 contre 0,83 mg/1 à l'emposieu; là encore il faut remarquer que pendant les crues, le taux peut monter jusqu'à 4,5 mg/1 à l'exutoire. b) Origine du fer Le fer est présent dans les précipita- tions, dans les sols (aux 3/4 éoliens), les roches et les eaux traversant les sols et les roches. Le fer dans les sols est soit sous forme cristalline (surtout sous forme d'oxydes-hydroxydes tels que goethite et même lépidocrocite), soit engagé dans les réseaux de silicates (smectites et chlo- rites), soit sous forme d'hydroxydes amorphes ou de dolomite ferrifere, puisque dans les eaux souvent accom- pagné de Ca et de Mg. Les eaux à la résur- gence contiennent, comme les eaux du marais amendé, des sidérobactéries qui ont été comptées; précipitant le fer sous forme de Fe3+ dans leurs gaines, elles sont également responsables du transit empo- sieu-exutoire de cet élément. 7.3. Nature et rôle de la matière organique En arrivant à l'emposieu, le fer est main- tenu en solution complexé par la matière orga- nique (r Fe - matière organique = +0,50, N= 25). Si le débit est faible, la matière organique flocule dans les chenaux, abandonnant le fer qui précipite alors, comme on le remarque à l'air libre dans le marais amendé lorsque l'eau coule sur le cailloutis calcaire. Lors de crues, la vitesse de transit est telle que la matière organique n'a pas le temps d'être dégradée, le fer demeure complexé alors jusqu'à la résur- gence avec une concentration qu'on lui connaît dans les eaux de surface. 123 Y.BOUYER 7.4. Les crues: le fer, traceur du transit des eaux Lors des crues à la résurgence, le fer déposé dans les chenaux karstiques, appa- raît par effet "piston" avant la montée des eaux; il n'est alors pas accompagné de matière organique et sa concentration retombe avant la montée des eaux. Puis lorsque le débit augmente au maximum de la crue, sa concentration est maximale et il est associé alors à"la matière organique et aux paramètres chimiques de la couverture tourbeuse. De plus, nous avons vérifié que le cortège des phyllosilicates d'apport éolien était présent dans les eaux de la résurgence dans cette phase hydraulique. 7.5. Remarques finales Les questions posées au début de cette thèse ont été résolues. D'autres rencontrées en cours de route ne l'ont pas été, ou n'ont été que partiellement élucidées. Par exemple, pourquoi un pH constant, résolu- ment basique et égal à 9,25 dans le forage de Petit-Martel, alors qu'on s'était assuré que lors du forage, on n'avait pas utilisé de substances basiques; aucune trace de matière organique n'a été non plus trouvée dans ces eaux. Il a fallu de nombreuses années de tra- vail dans l'étude du fer dans un milieu naturel, pour tenir compte de tous les para- mètres organiques, inorganiques et des conditions climatiques. Il faut ajouter à cela un très grand nombre d'observations pour que les résultats soient statistique- ment valides. REMERCIEMENTS Ils vont encore à B. Kubier. J.- J. Miserez, et I. Müller, professeurs à l'Institut de Géologie de Neuchâtel (Suisse) et à B. Fritz, directeur du Centre de Géochimie de la Surface à Strasbourg (France). Ils ont relu et corrigé judicieusement ma thèse. A ces remerciements s'ajoutent ceux adressés à J. Moret, statisticienne-conseil, Centre de calcul de l'Université de Neu- châtel, qui s'est chargée de l'analyse facto- rielle des résultats. BIBLIOGRAPHIE ATTEIA, 0:, GOGNIAT, S. & KOZEL, R. 1996. Apport de l'hydrologie, de la géophysique et des essais de traçage à la connaissance de l'aquifère karstique de la Noiraigue (Jura neuchâtelois, Suisse). Bull. Hydrogéol. CHYN, Univ. Neuchâtel 15: 33-61. BENZECRI, J.P. 1973. L'analyse des données, tome 2. L'analyse des correspondances. Dunod, Paris. BOUYER,~Y. 1999. Dynamisme du fer depuis les marais et tourbes de la vallée des Ponts-de-Martel jusqu'à la résurgence de la Noiraigue. 1. Mobilisation et immobilisation du fer dans la pédogenèse de la vallée des Ponts. Bull. Soc. neuchâtel. Sci. nat. 122: 113-144. BOUYER, Y. & KUBLER, B. 1981. Hétérogénéité chimique et hydrologique des eaux souterraines d'un karst du Haut-Jura neuchâtelois (Suisse). J. ofHydrol. 54: 315-339. BOUYER, Y. & POCHON, M. 1980. La migration du fer en milieu marécageux (cas du Haut-Jura et du Plateau molassique suisse). Soc. Suisse de Pédologie 4: 42-48. 124 TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) BURKHARD, M., ATTEIA, 0., SOMMARUGA, A., GOGNIAT, S. & EVARD, D. 1998. Tectonique et hydrogéologie dans le Jura neuchâtelois. Eclogae geol. HeIv. 91: 177-183. CIBOIS, P. 1987. L'analyse factorielle. Coll. Que sais-je, Presses Univ.de France. Paris. GRETILLAT, P.A., BOUYER, Y. & MÜLLER, I. 1986. Un exemple d'utilisation de la géophysique électromagnétique (VLF-R et Bipôle) pour l'étude de la fracturation au Nord de la source karstique de la Noiraigue (Jura neuchâtelois, Suisse). Bull. Hydrogéol. CHYN, Univ. Neuchâtel 7: 335-346. KIRALY, L. & MÜLLER, I. 1979. Hétérogénéité de la perméabilité et de l'alimentation dans le karst: effet sur la variation du chimisme des sources karstiques. Bull. Hydrogéol. CHYN, Univ. Neuchâtel 3:237-285. MANGIN, A. 1975. Contribution à l'étude hydrodynamique des aquifères karstiques. Thèse de doc- torat, Laboratoire Souterrain du CNRS, Moulis. MISEREZ, JJ. 1973. Géochimie des eaux du karst jurassien. Contribution physico-chimique à l'étude des altérations. Thèse de doctorat, Université de Neuchâtel. N.B. On peut consulter la thèse de doctorat complète de Y. Bouyer à la Bibliothèque centrale de l'Uni- versité de Neuchâtel, Av. du 1er Mars 26, 2000 Neuchâtel, Suisse, ainsi qu'à la bibliothèque de l'Institut de Géologie, rue Emile-Argand 11, 2007 Neuchâtel, Suisse. On y trouvera en particulier le détail des résultats d'analyse concernant les crues décrites dans le présent article. BULL. SOC. NEUCHÂTEL. SCI. NAT. 123 : 105-125. SEPT. 2000 125 <~< Ï \ BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ NEUCHÂTELOISE DES SCIENCES NATURELLES 122 :113-144. 1999 DYNAMISME DU FER DEPUIS LES MARAIS ET TOURBES DE LA VALLÉE DES PONTS-DE-MARTEL JUSQU'À LA RÉSURGENCE DE LA NOIRAIGUE I. MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PÉDOSPHÈRE DE LA VALLÉE DES PONTS ' YVES BOUYER Laboratoire de Minéralogie, Pétrographie et Géochimie. Institut de Géologie de l'Université de Neuchâtel. 11, rue Emile-Argand, CH-2007 Neuchâtel, Suisse. Résumé Le fond de la vallée des Ponts-de-Martel (Jura suisse) est partiellement recouvert d'une tourbière acide qui est restée naturelle (Bois des Lattes) en hydromorphie permanente, et d'une tourbière neutre qui est amendée et mise en prairie après drainage et chaulage. Dans le profil de la tourbière acide, c'est seulement dans l'horizon inférieur de la tourbe qu'il y a accumulation de fer par migra- tion ascendante, de même concentration que dans le gley sous-jacent (~3%); tandis que dans la tourbe cultivée, la concentration est à peu près uniforme le long du profil (=3%) et devient impor- tante dans le gley sous-jacent decarbonate (=6%). Dans la tourbe naturelle, c'est l'acidité provoquée par l'oxydation des sulfures qui attaque la partie carbonatée et en libère le fer; dans la tourbe amendée en revanche, la matière organique (des niveaux inférieurs de la tourbe) complexe le fer libéré par hydrolyse des silicates de fer et de magnésium en l'entraînant dans la veine liquide (la teneur en magnésium est corrélée avec CO2). Le fer part aussi sous forme de particules lorsqu'il se trouve dans la structure des chlorites ferri- fères et dans l'enrobement des argiles, lors de fortes précipitations. Lors de grosses pluies qui suc- cèdent à des périodes sèches, le fer dans la tourbière amendée part des sols, précipite dans les gaines de sidérobactéries, Galliomlla surtout, absentes ou presque dans le marais acide. Abstract The land of the valley of Ponts-de-Martel (Swiss Jura) is covered partly by a natural acid peat bog (Bois des Lattes) composed of permanent hydromorphium and by an enriched peat bog cultivated in the grassland after drainage and liming. Within the contour of the acid peat bog, it is only in the bottom part of the peat that there will be an accumulation of iron caused by an upward migration, of the same concentration in the underlying gley (=3%); while in the cultivated peat, the concen- tration is more or less even along the contour (=3%) and becomes more significant in the under- lying decarbonated gley (=6%). ,, In the natural peat, the acidity prompted by the oxidation of the sulfures eats the carbonated part and frees the iron, while in the enriched peat bog, the organic substance (lower parts of the peat), I Cet article est la première partie d'un condensé de la thèse soutenue et réussie devant un jury composé de B. Kubier, J.J. Miserez et I. Müller, professeurs à l'Université de Neuchâtel (Suisse) et de B. Fritz, professeur, CNRS, Strasbourg 11-3 (France). La deuxième partie mettra en évidence l'influence chimique et minéralogiquc des eaux de l'emposieu sur JU celles de la résurgence, en particulier le transit du fer de la surface tourbeuse à la résurgence. Y.BOUYER complexes the iron freed by the iron and magnesium hydrolysis of silicates while dragging it in the liquid vein (the magnesium content is correlated with the CO2). The iron is also freed in a particle form when it reaches the structure of ferriferous chlorites and within the coating of clay, during heavy precipitation. After drought periods, during lashing rains, the iron of the enriched peat bog is freed from the soils, thrown in the siderobacteria stems, mostly Gallionella, that are more or less lacking in the acid swamp. 1. INTRODUCTION 1.1. Objectifs de l'étude Le comportement du fer dans un milieu naturel, de la surface à l'exutoire d'un bassin karstique, est important à plusieurs titres: - en pédogenèse, car sa teneur à différents horizons renseigne sur son lessivage; - en agronomie, car les métaux, même à l'état de traces, se retrouvent dans les plantes (Hammer, 1989); par exemple un déficit en fer pour certaines espèces de plantes entraîne la chlorose. En revanche un excès de fer (II) comme celui de sul- fures est toxique pour les rizières. - en hydrogéologie, le fer peut servir de traceur sélectif; suivant le cortège de miné- raux et la nature de la matière organique qui l'accompagnent, on en déduit l'origine des eaux qui arrivent à l'exutoire, soit de la surface du bassin, soit des nappes pro- fondes du karst. 1.2. Le cycle du fer Les éléments naturels, C, N, H, O, P et S en tant que nutriments minéraux forment à eux seuls la presque totalité de la matière vivante. Leurs cycles sont connus et eux- mêmes dépendent de certains éléments moins abondants (mésonutriments), tels que le fer et le manganèse inclus dans des réactions biochimiques ou chimiques. La migration ou l'immobilisation du fer dépend par exemple des nitrates qui l'inso- lubilisent par oxydation en fer (III), ou des sulfates qui au contraire le mobilisent par libération des protons lors de leur forma- tion. Nitrates et sulfates se forment eux- mêmes par oxydation de la matière orga- nique. A leur tour, nitrates et sulfates peuvent se trouver liés dans une même réaction comme par exemple celle-ci due à Thioba- cillus denitrificans: 3 K2SO4 + 5 S + 6 KNO3 + 2 H2O -* 2 H2SO4 + 3 N2 ou bien 5 Na2S2O3 + 8 NaNO3 + H2O -* 9 Na2SO4 + H2SO4 + 4 N2 Le rôle du CO2 formé dans le cycle du carbone est d'attaquer les carbonates de fer en le rendant soluble selon la réaction: FeCO3 + CO2 + H2O Fe2+ + 2 HCO3- Le phosphore sous forme de phosphate immobilise le fer sous forme de vivianite insoluble, présente dans notre terrain d'étude. 1.3. Apport météorique du fer Comme Miserez (1973) l'a constaté, la teneur moyenne en fer de l'eau de pluie est la même que celle des eaux de l'exutoire 114 TRANSIT DU FER DE LA PÉDOSPHÈRE (VALLÉE DES PONTS) À LA RÉSURGENCE KARSTIQUE (NOIRAIGUE) r [SiO2] exutoire - [SiO2] emposieu = +0,70 r [NO3"] exutoire - [NO3"] emposieu = +0,60 r [Cl"] exutoire - [Cl"] emposieu = +0,80 r [O2] exutoire - [O2] emposieu = +0,80 r conductivité exutoire - conductivité emposieu = +0,45 r [Mat. org.] exutoire - [Mat. org.] empo- sieu = +0,80 Pour 27 échantillons, avec un seuil de signification de 0,05, le coefficient de cor- rélation linéaire diffère significativement de 0 au-dessus de r = +0.32, et pour un seuil de signification de 0,01 au-dessus de r = +0,45. En revanche, aucune corrélation linéaire significative n'existe entre le contenu chi- mique des eaux de forage et celui de la résurgence. Il n'y a pas non plus de corré- lation entre le fer de l'emposieu et celui de la résurgence, pour des raisons indiquées plus loin, mais il sera exporté en grande quantité vers la résurgence pendant les crues. 5.7. Variations du contenu chimique des eaux de l'emposieu et de la résurgence en fonction des saisons et des précipitations Nous avons relevé les maxima et les minima des concentrations des éléments pour les deux points d'eau et nous y avons fait correspondre les précipitations P1 (jour après le prélèvement), P2 (jour du prélève- ment), P3 (jour avant le prélèvement), P4 (moyenne des précipitations des 2e et 3e jours précédant le prélèvement), P5 (moyenne des précipitations de la semaine précédant le prélèvement). Voici les éléments pour lesquels le maximum se situe: au printemps: Mg2+, Fer total, Fer filtré (seulement à l'emposieu), Na+, NO3", Cl", pH (fin du printemps) en été: SiO2, dureté totale et matière orga- nique; leurs concentrations maximales cor- respondent aussi à de fortes précipitations. en automne: Ca2+ en hiver: K+ et SO42" et pour lesquels le minimum se situe: au printemps: Ca2+, K+, SO42", O2, PO43", dureté totale, dureté temporaire, matière organique, accompagnés de fortes pluies en été: aucun paramètre minimum en automne: Fer total, NO3" et pH en hiver: Mg2+, Cl" et conductivité 5.8. Etude de quelques crues de la résur- gence de la Noiraigue 5.8.1. Echantillonnage - Rythme des prélèvements Après être passés successivement de prélèvements mensuels à des prélèvements hebdomadaires puis journaliers, nous sommes passés à des prélèvements plus rapprochés (toutes les 2, 4 ou 8 heures) pour sérier d'une façon encore plus fine les phénomènes exceptionnels qui peuvent avoir lieu lors de crues, de décrues ou d'étiages, et nous assurer que les conclu- sions faites à propos des échantillonnages mensuels ou hebdomadaires quant aux fluctuations saisonnières, n'étaient pas erronées. Les prélèvements recouvrent l'hiver (10.2.77) jusqu'à la fin du prin- temps (25.6.77) et l'automne (du 11.10.79 au 20.11.79). En 1977 (1er groupe), les prélèvements à la source de la Noiraigue ont été effectués: - toutes les 2 heures pour les séries C (du 10.2 au 12.2), D (du 13.2 au 15.2), E (du 15.2 au 17.2), K (du 23.6 au 25.6); - toutes les 8 heures pour les séries F (du 9.3 au 16.3), série J (du 13.6 au 21.6). En 1979 (2e groupe), ils ont été faits toutes les 4 heures pour les séries AC (du 11.10 au 15.10), AD (du 22.10 au 26.10), AE (du 29.10 au 2.11), AF (du 2.11 au 115 Y. BOUYER Figure 1: Lieux de prélèvements des eaux. Figure réalisée par Gogniat (1997) avec l'appui du service de l'hygiène et de l'environnement de La Chaux-de-Fonds. Les points I1 2. et 3. dans le sens de l'écoulement du bied. se trouvent à l'entrée du Bois des Lattes: le point 4 au coeur et les points 5. 6 et 7 à la sortie de celui-ci. Les points 9 et 12 sont dans le marais amendé et mis en prairie 1 e point IO est à l'emposieu du "Voisinage" où disparaissent les eaux du bied. Les points 15 et 16 sont situés dans les nappes profondes. Le point 13 est la résurgence de la Noiraigue. l'ouest des Ponts-de-Martel: au fur et à mesure qu'on descend le bied principal, des drains latéraux artificiels s'y jettent et le grossissent. Situé plus au bout de cette vallée, un drainage près de Brot- Dessus, collectant des eaux de tourbes et d'argiles mélangées, disparaît après 150 mètres de course à l'air libre, dans un emposieu. Les eaux réapparaissent à la source de la Noiraigue à l'extrémité est du Val-de-Travers. Leur couleur caracté- ristique due à la présence d'humates de fer est à l'origine du nom de cette source. Le transit à travers le karst fera l'objet d'un autre article. 2.2. Paramètres chiffrés du bassin Ces valeurs sont reprises de l'étude hydrogéologique du bassin de la source de la Noiraigue (Morel, 1976): Longueur: 20,2 km Largeur maximale: 6,0 km Superficie totale: 69,9 km (Kiraly, 1969) L'occupation de cette surface se répartit comme suit: Forêts et pâturages: 36,5 km2 Tourbières protégées: 14,0 km2 Bassin du bied: 22.0 km2 Altitude moyenne: 1065 m 116 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PÉDOSPHÈRE DE LA VALLÉE DES PONTS 2.3. Les tourbières Les tourbières se développent au fond du synclinal sur la couverture imperméable à gley du Quaternaire. La situation hydro- morphique permanente a favorisé une végétation spécialisée (Ischer, 1935; Gobât et al. 1986), les sphaignes en parti- culier. Ces mousses jouent un rôle éton- nant sur le cycle hydrologique, car, tou- jours humides, elles sont le siège d'une evaporation intense. Les sphaignes situées au-dessus de la zone dénoyée, au contraire, peuvent condenser l'humidité de l'air et forment une rosée appréciable pendant les périodes de sécheresse. L'effet s'est atténué avec la disparition partielle des tourbes. La tourbe, à cause de sa couleur sombre, favorise également la fonte des neiges à la sortie de l'hiver. Même si le climat jurassien est taxé d'uniformément humide et tempéré froid (Aubert, 1969), dans la vallée des Ponts, il existe un contraste entre les hivers rudes et neigeux et les étés relativement secs. 3. MÉTHODE 3.1. Points d'observation Neuf points d'observation ont été retenus, dont sept s'étalant dans le sens d'écoulement du bied sur un transect lisière du Bois des Lattes (no 1, 2, 3), milieu du Bois (no 4), sortie du Bois (no 5, 6, 7). Les deux autres points se trouvent dans la partie amendée: points 9 et 12 (fig. I). 3.2. Prélèvements et analyses des eaux 3.2.1. Prélèvements A chaque point, les eaux prélevées sont séparées en une partie non traitée, une partie traitée avec HCl concentré, une partie filtrée à 0,45 u, puis acidifiée avec HCl (ces deux dernières parties sont desti- nées à l'analyse du fer), enfin une partie additionnée d'une goutte de HgCl2 à 1% en vue des analyses de sulfates et de nitrates. 3.2.2. Rythmes de prélèvements Prélèvements mensuels (1975-76), heb- domadaires (1977-78), et quotidiens (du 2.9.76 au 3.9.76). 3.3. Paramètres mesurés (tab. I) pH, pC02 et potentiel d'oxydoréduction doivent être mesurés immédiatement sur le lieu de prélèvement car ils varient lors du transport. Par contre, l'alcalinité totale ne change pas pour peu qu'il n'y ait pas d'évaporation. Cette alcalinité s'exprime par: [Aie] = [Na+] + [K+] + 2 [Ca2+] + 2 [Mg2+] - [Cl-] - [NO3-] - 2 [S(V-] Les méthodes d'analyses utilisées sont les suivantes (Miserez, 1973): Température par thermomètre étalonné au 1/100C pH, potentiel redox, oxygène dissous, conductibilité par électrodes Dureté temporaire par HCl titré Dureté totale par EDTA Anions par colorimetrie automatique (Techicon) Cations par S.A.A. Substances humiques par spectrophotomé- trieUVà270 mu. 3.4. Les paramètres communiqués par les bureaux fédéraux Les précipitations, les débits et les tem- pératures journaliers ont été communiqués par l'Office fédéral de l'économie hydrau- lique. 117 Y. BOUYER In situ Jour du prélèvement Semaine suivant le jour du prélèvement Mois suivant le jour du prélèvement Température en 0C Dureté temporaire Dureté totale SiO2, NO3" PO43", SO42" Substances humiques totales pH Ca, Mg, Fer total et filtré à 0,45(i Sr, Na, K, Cl Conductibilité électrique Potentiel Redox (Eh) Oxydabilité des eaux Oxygène dissous Tableau 1: Chronologie des analyses et légendes des paramètres mesurés sur tous les échantillons d'eau prélevés "in situ". Analyse minéralogique Minéraux majeurs: Soi total quartz, calcite, dolomite, feldspaths et minéraux argileux Phyllosilicates: fractions < 16|i et < 2u, Analyses granulométriques Pipette Robinson (non separative) Méthode Kopecki (separative) Analyses chimiques pH, complexe absorbant, calcaire actif, azote, carbone organique, fer libre, produits amorphes, dosage des éléments totaux, phase carbonatée, silice, alumine et phosphates totaux Tableau 2: Analyses minéralogique, granulométrique et chimique des sols percolés ou en contact avec les eaux prélevées "in situ". 118 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PEDOSPHERE DE LA VALLEE DES PONTS 3.5. Analyse des sols (tab. 2) L'analyse des sols est indispensable pour interpréter le chimisme des eaux pré- levées à divers niveaux (méthodes analy- tiques cf. Pochon, 1978). Elle indique les zones de migration ou au contraire d'accu- mulation des substances chimiques. 3.6. Analyse des sidérobactéries On reconnaît les sidérobactéries (les plus nombreuses sont les Gallionella, et bien moins nombreuses les Leptotrix) après coloration des pédoncules avec l'hexacyanoferrate (II) de potassium. Le dénombrement de ces bactéries est fait au grossissement de 40Ox, après filtration sur filtre millipore et estimé par unité de champ microscopique. 3.7. Extraction et propriétés des matières organiques 3.7.1. Séparation des acides fulviques (AF) et des acides humiques (AH) Les méthodes de séparation des acides fulviques et acides humiques sont celles de Bruckert et al. (1974) et de Kononova (1966). 3.7.2. Fractionnement des acides humiques et fulviques en fonction de leurs poids moléculaires La séparation moléculaire (fig. 2) sur cassette Pellicon consiste à faire passer une solution à travers une membrane de porosité bien déterminée. La membrane laisse passer les molécules ayant une dimension inférieure au diamètre des pores et retient les molécules de poids molécu- laire supérieur selon le principe général que la dimension d'une molécule orga- nique est d'autant plus grande que son poids moléculaire est plus élevé. Les membranes utilisées séparent les poids moléculaires de 106, 105, 2.5-104, IO4 et IO3. Mais avant de passer les solu- tions sur ces membranes, il faut éliminer toutes les particules en suspension par fil- trations successives sur des filtres Milli- pore de 8, 0.45, 0.22 et 0.10 um. 3.7.3. Séparation des molécules en fonc- tion de leur polarité (fig. 3) Trois solvants de polarités différentes sont utilisés pour séparer les molécules organiques de polarités également diffé- rentes, venant du fractionnement des acides fulviques et humiques de différents poids moléculaires. Les solvants choisis sont l'acétate d'éthyle (u. = 1,78 D), le n butanol (H = 1,66 D) et l'éther (\i = 1,15 D). Chaque lot aqueux de molécules de même poids moléculaire est concentré sous une pression réduite de 10 mm Hg à 35°C et ramené à un volume de 10 ml. 10 ml de chaque fraction sont agités avec 10 ml de solvant. Après décantation, la phase aqueuse est reprise deux fois avec le même traitement. 3.7.4. Etude du pouvoir complexant de la matière organique vis-à-vis de I 'ion Cu+2 Nous nous sommes inspirés de la méthode de Buffle et al. (1974, 1977); la détermination de ßl, constante de stabilité des complexes du cuivre avec la matière organique naturelle, et de Mw = poids équivalent de la matière organique v pour une mole de Cu+2 complexé, s'est faite à l'aide d'une électrode spécifique de cuivre (électrode Tacussel, P.C.L. 2M n° 317.341). 3.7.5. Analyse de la matière organique des histosols étudiés au R.M.N. (Résonance Magnétique Nucléaire) effectuée par R. Tabacchi, Institut de Chimie, Neuchâtel Cette analyse permet de déterminer l'évolution de la matière organique d'histosol qui de naturel passe à cultivé. Elle nous donne les % aliphatique, % aromatique et % C(a) c'est-à-dire le carbone impliqué dans les fonctions esters. 119 Y.BOUYER 5 I AH filtrés <- membrane 10^ R1 F2 membrane 25- 10d -> F1 <- membrane 10^ R2 membrane 1Cr -> R4 F3 R5 F4 R3 <- membrane 10J F5 Figure 2: Fractionnement des sub- stances organiques (acides fulviques et humiques) selon leurs poids molé- Phase.éthérée Phase aqueuse 3 x 10 ml n butanol Phase butanol ou Fj 3 x 10 ml d1 et her Phase aqueuse 3 x10 ml acétate d'éthyle Phase ac d'éthyle Phase aqueuse Figure 3: Extraction, aux différents solvants de polarité différente, des matières orga- niques séparées selon leurs poids moléculaires. 120 MOBILISATION ET IM MOBILI SATION DU FER DANS LA PEDOSPHÈRE DE LA VALLEE DES PONTS 3.8. Interprétations des résultats: analyse factorielle des correspondances, coefficients de corrélation La caractérisation des groupes d'eau par leur chimisme inorganique et organique a été faite avec succès par recours aux coef- ficients de corrélation simple, mais surtout grâce à l'analyse des correspondances selon Benzecri (1973). Les résultats figu- rent dans Bouyer & Kübler (1981). 4. RÉSULTATS 4. I.Evolution des différents paramètres des eaux des milieux observés: bord du marais, coeur du marais et marais élargi et amendé (fig. 4) Le contenu chimique dissous dans les eaux prélevées diminue lorsque l'on passe du marais amendé (drainé, chaulé, au- dessus de l'hydromorphie) - milieu ouvert (production de CO2) - au bord du marais acide (hydromorphie alternée) et au cœur du marais en hydromorphie permanente - milieu fermé (pas de production de CO2). 4.2. Analyse des sidérobactéries (fig. 5) Le départ du fer est dû parfois aux sidé- robactéries (Gallionella) qui le précipite en fer (III) dans leurs gaines. Au cours de l'année, principalement dans les eaux du marais amendé et pendant un temps très court (pas plus d'une semaine), on assiste à un départ important du fer particulate dû à ces bactéries. 4.3. Analyse aux rayons X des minéraux des argiles en suspension dans: 4.3.1. Eaux du marais acide (correspon- dant au profil BD 3) Prise d'échantillon le 15.4.1981. L'eau est filtrée à 0,45 |i, puis les suspensions sont analysées sur les poudres, puis à <16 et <2 \x. On trouve: quartz, albite, calcite, dolomite, feldspaths potassiques, chlorite, mica, illite, kaolinite, interstratifiés smec- tite-illite (smic). 4.3.2. Eaux du marais amendé (correspon- dant au profil BD 12) Prise d'échantillon le 15.4.1981. L'eau est traitée comme celle du marais acide. On y trouve: quartz, albite, calcite, dolo- mite, chlorite, kaolinite, feldspaths potassiques, illite, interstratifiés, illite- chlorite. 4.4. Analyse aux rayons Xdes minéraux des argiles correspondant aux points de prélèvements des eaux (tab. 3) L'analyse aux rayons X des minéraux des argiles rend compte de l'évolution des sols par drainage et par la mise en prairie. Elle justifie également l'origine possible du fer dans les eaux quand elle détecte des chlorites par exemple. 4.5. Schéma de la tourbière naturelle avec les points de prélèvements des eaux et des sols (fig. 6) L'influence du drainage sur la décarbo- natation du gley est nette; les eaux sont le plus minéralisées là où la décarbonatation est la plus importante. 4.6. Analyses des échantillons prélevés aux différents horizons des profils BD 3 (tourbière naturelle de l'orée du Bois des Lattes) et BD 12 (région amendée et mise en prairie près de Brot-Dessus) 4.6.1. ProfilBD 3: fig. 7 L'étude pédologique et la description complète de chaque horizon ont été faites sur tout le profil de cette tourbe acide à type fibrist. Seuls les horizons inférieurs de la tourbe s'enrichissent en éléments majeurs qui peuvent être entraînés par des précipitations dans l'eau du bied. 121 Y. BOUYER A|C S*02 (Mn\ (M0> B«. p„ *" "» Cond Figure 4: Moyennes, sur 17 prélèvements, du contenu chimique des eaux du bord du marais acide (bord), du coeur du marais acide (cœur) et du marais élargi amendé (élarg.) Les concentrations sont exprimées en mg/l. sauf pour ß (capacité tampon) exprimée en equivalenti/unite pH, pH en unité pH, et t (température en 0C) et cond. (conductivité en ohms-1 m1) (Sur l'axe des y, échelle 1/10 pour [Ca:*], [AIc], Conduct; et 1/10-* pour ß) (Mo=matière organique et Alc=alcalinité totale) Sidérobactérie i DOMO SOOOO ¦ avril Dirai DJuIn juin mai . Ostes des prélèvements Bord du marais Cœur Elan» "¦>« Figure 5: Evolution des sidérobactérics en fonction de leurs milieux, caractérisés par différents pH, et des saisons. BM=bord du marais acide; CM=cœur du marais acide; EL=marais amendé et élargi. 122 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PEDOSPHERE DE LA VALLÈE DES PONTS 4.6.2. Profil BD 12: fig. 8 L'évolution du profil BD 12 (par rapport à BD 3, marais acide) est due au drainage, au chaulage et à la mise en prairie. La tourbe s'est tassée et on passe de fibrist à saprist. Les éléments totaux dès le haut du profil sont beaucoup plus abondants que dans la tourbe acide. 4.6.3. Résultats d'analyses des échan- tillons prélevés à différents niveaux du profil BD 3 (orée du marais acide): matières et acides organiques. Eléments échangeables. Eléments majeurs (flg. 9) L'hydromorphie à la base du profil rend le milieu très réducteur (odeur de H2S). C'est dans les horizons TS 1 (15-30 cm) et TS 2 (30-50 cm) que les acides humiques sont les plus abondants, alors que les élé- ments majeurs le sont dans l'horizon TF 3 (150-180 cm). 4.6.4. Résultats d'analyses des échan- tillons prélevés à différents niveaux du profil BD 12 (marais amendé): matières et acides organiques. Eléments échan- geables. Eléments majeurs (flg. 10) Dans le profil BD 12 (marais amendé), la tourbe saprist présente un taux d'acides fulviques et humiques beaucoup plus régu- lier le long du profil, avec toutefois une augmentation au bas du profil. Les élé- ments totaux s'accumulent aussi dans la tourbe amendée à l'horizon Tg (45-60 cm) > sens du drainage Bon drainage drainage moyen Mauvais Drainage Bon drainage 750 m Figure 6: Influence du drainage sur la décarbonatation des gleys sous-jacents à la tourbe. Les points 1, 2, 6 et 7 sont des points de prélèvements situés dans de petits puits ou regards, (voir figure 1 pour la situation des points). 123 Y. BOUYER et g (60-85 cm), mais ont toujours un taux plus élevé que dans la tourbe acide. 4.7. Résultats d'analyse de la matière organique 4.7.1. Les échantillons analysés Pour les deux types de tourbe, fibrist (marais acide BD 3) et saprist (marais amendé BD 12), des prélèvements ont été faits dans les horizons supérieurs et infé- rieurs, afin de voir l'influence du drainage et de la mise en prairie de la tourbe. BD 3 0-20 cm échantillon 5915 BD 3 75-110 cm échantillon 5920 BD 12 0-18 cm échantillon 5989 BD 12 70-80 cm échantillon 5993 4.7.2. Analyse élémentaire des échantillons L'analyse des éléments organiques (tab. 4) renseigne sur les changements du contenu organique et minéral de la tourbe en fonc- tion du drainage et de la mise en culture; par exemple, le rapport C/N est plus grand dans le milieu naturel que dans le milieu cultivé. Les éléments majeurs sont aussi beaucoup plus abondants dans la tourbe mise en culture, en voie de minéralisation. A0 :*Sphaigne, Spali. Hs : Mor acide créa "souffle", Tal: Saprisc altere. Ts2: Saprist savonneux. TfI: Tourbe fibreuse fine feuilletée horizontal. Tf2: Tourbe fibreuse très fine met dense, plus ou moins altérée H2S. Tf3: Fibrist moyen, HjS feuilleté. ^cT ^ - Plan de discontinuité. ~>JlOa Il ^C1 : Cley decarbonate. " r It **G2 : Cley et cailloutis calcaire. Figure 7: Profil pédo- logique de la bordure du marais (BD 3), à l'orée du Bois des Lattes, se présentant comme un fibrist épais (1 80 cm) repo- sant sur un gley car- bonate, en hydromor- phie permanente. 15. 30. 50. 95_ 150. 180 240 <^V- rr\, g-Ye JJ.« J.i il f ? 111 Hf nu.j 11 ¦¦¦¦¦¦' j f r = O __ ^'>£y,-. ¦>MJ 124 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PEDOSPHERE DE LA VALLEE DES PONTS 4.7.3. Spectres R.M.N, des échantillons 5915, 5920, 5989, 5993 (acides humiques) Les spectres R.M.N. (tab. 5) apportent des renseignements intéressants sur la nature et l'évolution des acides humiques. Dans la tourbe acide, on trouve plus de fonctions esters (carbone a-oxygène) R- COO-R que dans le marais amendé. En revanche, le % aromatique - plus élevé dans la tourbe cultivée - marque bien le caractère aromatique des acides humiques plus prononcé que dans la tourbe acide. 4.7.4. Pouvoir complexant des échantillons 5915, 5920, 5989, 5993 Le pouvoir complexant de la matière organique hydrosoluble vis-à-vis du fer est à rapprocher des % aromatiques déter- minés par R.M.N. Les acides humiques en milieu amendé sont jusqu'à deux fois plus complexants qu'en milieu acide (tab. 6). 4.7.5. Séparation des acides humiques et fulviques après filtration sur membrane moléculaire pour extraits aux différents solvants On sépare tout d'abord par filtration sur membrane moléculaire les acides fulviques et les acides humiques d'après leurs poids moléculaires; ensuite dans chaque lot obtenu, on sépare les différentes molécules d'après leur polarité avec trois solvants de polarités différentes, éther, n-butanol et acétate d'éthyle. Après cette séparation, on pourra estimer l'importance de la migration des molécules organiques édaphiques en fonc- tion de leurs tailles et de leurs poids molé- culaires. 7 cm 25 cm 45 cm 60 cm 85 c 110 cm O © 12-1 fits humifié, noir microagrégé. Bio, Tourbe très altérée, agrégée fin., soufflée. B12-3 Tourbe fibreuse fine. Bi2_4 Transition avec argiles. 12-5 Argiles olives, décarbonatées. »12-0 Argiles ± décarbonatées, oxydées avec galets de craie. Figure 8: Profil pédologique de la zone périphérique du marais acide mise en prairie et drainée (BD 12) au voisinage des sols bruns: saprist humifié, peu épais, bien aéré, reposant sur un gley decarbonate (IO cm), lequel surmonte un cailloutis altéré et largement poreux. 125 Y. BOUYER 20 40 60 SO 100 Eléments Maleurs % 12 3 4 Eléments échangeables mequflOOg ' ' ' i ' ' ' I ¦ ¦ ¦ Vy 3 ^ j\ . . . i . . . i . . . i . . . i . . . *•. -4-.......I L-W^ <& 50 Jl... ..iVï.-;:l|. V % 100 —?>—H20% —m -C org —?— Fibre % — ---AcFuIv. --+• - Ac. Hum —*- -Humine i 150 "I^ -|.................f..............j............. -(- i 20 40 eo so 100 Ca échangeable, saturation % 0 20 40 60 60 Matières et acides organiques % Figure 9: Profil du marais acide BD 3 - Eléments majeurs (en haut, à gauche) - Eléments échangeables (en haut, à droite) - Calcium échangeable et S/T = taux de saturation en cations métalliques du complexe absorbant (en bas, à gauche) - Matières organiques: acides fulviques (Ac. FuIv.), acides humiques (Ac. Hum.), fibres, carbone organique (C. org.) humine et eau (en bas, à droite) T=capacité totale d'échange = quantité maximale de cations métalliques que le sol peut fixer S=somme des cations métalliques échangeables = quantité totale des cations alcalins ou alcalino-terreux actuellement retenus, Ca42, Mg*2, K*, Na* 126 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PÉDOSPHÈRE DE LA VALLÉE DES PONTS 30 40 50 60 Eléments majeurs % 20 - 40 60 -- 80 -- 100 H1 ,,,,,. 1 ' ¦ ¦ ¦ ¦ I . . . . :' / / ' ii / / " :' il' ir « ¦ : + :' \ I : ' '* 1 J :i I : I « MG —•— Na ---------Fe --•¦•- Ac Ech. • >i it '-'¦;-/"...... , , , i . . , -0.5 0 0.5 Eléments 1 1.5 échangeables 2 2.5 meq/IOOg q I —»—Ca —•— S/T j ................... / .................I....................|................I : / ..;...!.. 20 !30 50 i 1'''1I ¦ i 11 i i 11 ' ' ¦. 11 i i ri .....1.1...... P- —•—H20 ' c.org —';— Fibres —**—Ac.fulv - - * - - Ac.hum —û- -Humin. V / ; \ "/ / \ 7 "\7 i f 20 40 60 Ca échang., saturation % 10 20 30 40 50 60 70 Matières et acides organiques % 80 Figure 10: Profil du marais amendé BD 12 - Eléments majeurs (en haut, à gauche) - Eléments échangeables (en haut, à droite) - Calcium échangeable et S/T = taux de saturation (en bas, à gauche) - Matières organiques: acides fulviques (Ac. FuIv.), acides humiques (Ac. Hum.), fibres, carbone organique (C. org.) humine et eau (en bas, à droite) 127 Y.BOUYER ö II ïï ää il ïï ää SS -zz — c ää ää 00 e« X C n CS see >, que ana tu; CjJ O C/1 néra levé IUI pre U x1 alys eau C t/i < _0J CJ fi .> 3 CS « cu Tab cont M oo If s I ÎI sa 3 s 1 "'" I OO J= ää I ä 1 ï i ää 1 » in Q)" SS Ii 128 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PEDOSPHERE DE LA VALLEE DES PONTS Bois des Lattes, tourbe naturelle - BD 3 Echant. Prof. (cm) pH A F/A H C% H% N% 0% 9% H/C N/C O/C S/C 5915 0-20 4,0 0,19 55,8 4,59 2,22 35,01 0,48 0,99 0,034 0,47 0,003 5920 75-110 5,9 2,65 54,5 5,72 3,09 20,7 0,86 1,26 0,049 0,29 0,006 Eléments totaux (% m.s*) Eléments échangeables (meq/100 g m.s.*) Echant. SiO2 Na K Ca Mg Fe Al cendres K Ca Mg I Aci-I dite T S/T 5915 3.,39 0,005 0,10 0,66 0,02 0,32 0,41 6,12 0,36 29,14 2,11 3,40 35,01 98,29 5920 7,61 0,011 0,53 2,12 0,14 0,46 0,62 15,11 0,05 53,59 4,10 0,53 58,27 99,04 matière sèche Brot-Dessus, tourbe cultivée - BD 12 Echant. Prof. (cm) PH A F/A H C% H% N% 0% S% H/C N/C O/C S/C 5984 0-18 6„0 0,25 50,61 4,37 3,14 36,71 0,69 1,03 0,053 0,54 0,005 5993 70-80 6,2 0,63 53,02 4,34 3,38 33,69 0,56 0,98 0,055 0,48 0,004 Eléments totaux (% m.s*) Eléments échangeables (meq/100 g m.s.*) Echant. SiO2 Na K Ca Mg Fe Al cendres K Ca Mg Acidité T S/T 5984 8.29 0.010 0.30 3.43 0.12 1.50 1.04 17.4 0.94 60.98 4.54 0.63 67.09 99.06 5993 46.16 0.047 1.36 1.46 0.52 2.23 5.93 64.77 0.33 64.21 3.21 0.49 48.24 99.98 * = matière sèche Tableau 4: Analyse élémentaire de deux horizons des deux profils pédologiques BD 3 et BD 12, en sur- face et en profondeur 129 Y. BOUYER Echantillon % aliphatique 0.5-2.5 ppm % carbone a oxygène 3-4.7 ppm % aromatique 6.4-8.5 ppm Bois des Lattes: tourbe naturelle BD 3 5915 35,37 53,4 11,23 5920 48,90 44,56 6,55 Brot-Dessus: tourbe cultivée BD 12 5989 33,4 35,9 30,8 5993 48,1 24,0 27,0 Tableau 5: Spectres R.M.N. des acides humiques, extraits de deux horizons des deux profils pédolo- giques BD 3 et BD 12, en surface et en profondeur Brot-Dessus, tourbe cultivée BD 12 Echantillon log ßl Poids équivalent (g/mole) 5989 5,70 1800 5993 5,57 1400 Bois des Lattes, tourbe naturelle BD 3 Echantillon log ßl Poids équivalent (g/mole) 5915 5,42 1700 5920 5,45 1200 Tableau 6: Pouvoir complexant de la matière organique extraite de deux horizons des deux profils pédologiques BD 3 et BD 12, en surface et en profondeur. 5. DISCUSSION 5.7. Comportement général On constate in situ que l'importance de la minéralisation des eaux prélevées est proportionnelle à l'importance de la décar- bonatation du gley sous-jacent (fig. 6) et corrélativement à l'importance du drai- nage. En se rapportant à la figure 4, on constate que la minéralisation des eaux diminue lorsqu'on passe du marais amendé au bord du marais acide, puis au coeur du marais acide. Les protons attaquant la matrice carbonatée ont deux origines: 1. l'oxydation des sulfures selon l'équation suivante: S2- + 4 H2O <-> SO42- + 8 H+ + 8 e- (surtout au cœur du marais acide et en partie au bord du marais acide), 130 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PEDOSPHERE DE LA VALLEE DES PONTS 2. Ia formation de H2CO3 selon: CO2 + H2O <-> H2CO3 (surtout dans le marais amendé et en partie dans les bords du marais acide), l'attaque des carbonates se faisant alors comme suit: MeCO3 + H+ -> Me2+ + HCO3- 5.2. Etude des coefficients de corrélation entre paramètres mesurés dans les eaux; "effet piston" et dilution en fonction des précipitations (nombre d'échantillons N=37 pour chaque point d'eau) 5.2.1. Phase carbonatée L'attaque des carbonates contenus dans les gleys s'illustre par les coefficients de corrélation linéaire suivants: - Dans la région du bord du marais acide (points 1, 2, 3, 5, 6): Tout d'abord les bonnes corrélations entre pH et [Ca2+] (r = +0,81), pH et [Mg2+] (r = 0,76) confirment l'attaque des carbonates par les protons; à ces points de prélèvements, on note les corrélations sui- vantes: dureté temporaire - [Ca2+] (r = +0,91); dureté temporaire - [Mg2+] (r 0.76); dureté temporaire-conductivité (r = +0,90); dureté temporaire-[fer] (r = +0,97). Tous ces paramètres obéissent à la dilu- tion, sauf [K+] qui au contraire augmente avec les précipitations ("effet piston"), ainsi que la matière organique. - Cœur du marais acide (point 4): Ici, pas de corrélation entre dureté totale et ions [Ca2+], [Mg2+], [Fe2+], ni la conduc- tivité. On remarque in situ que le gley au lieu de prélèvement est carbonate jusqu'au haut du profil; il n'y a pas non plus d'effet de dilution marqué par les ions, mais il y a un effet piston pour K+..- - Sortie du marais acide, dans le sens de l'écoulement du bied (point 7), apparaissent de bonnes corrélations entre les concentra- tions des ions libérés de la gangue carbo- natée (r dureté temporaire - [Ca2+] = +0,97; r dureté temporaire - [Mg2+] = +0,72). En revanche, le [Fe2+] ici n'est pas bien corrélé avec la dureté temporaire, mais l'est bien avec le [Mg2+]. Deux hypothèses peuvent alors être émises: - soit, après l'attaque des carbonates, le fer libéré précipite à cause du pH plus élevé que dans les eaux recueillies au coeur du marais (ici pH = 6,7); - soit le fer accompagne le cortège sili- cate et, comme Mg2+, vient des chlorites ferrifères. Marais amendé (points 9 et 12): On y constate une bonne corrélation entre [Ca2+] et dureté (r = +0,97), [Ca2+] et conductivité (r = +0,96), une moins bonne entre [Mg2+] et [Ca2+] (r = +0,51), entre [Mg2+] et conductivité (r = +0,47); ici le fer n'est absolument pas corrélé avec la dureté et la conductivité, ni avec [Ca2+]. 5.2.2. Phase silicatée Bord du marais acide (points 1, 2 et 3): pas de corrélation significative entre SiO2 et les autres éléments. Cœur du marais acide (point 4): pas de corrélation significative entre le SiO2 et les autres éléments. Sortie du marais acide - Point 5: Les paramètres sont ici moyen- nement corrélés avec la silice: SiO2-Fe (r=+0,52); SiO2-K (r=+0,78); Fe-K (r= +0,57); Fe-Na (r=+0,64); Fe-Cond (r=+0,67); Fe-T0C (r=+0,56); Fe-Mg (r=+0,82); en revanche Ca2+ et Mg2+ ne le sont pas. Ces corrélations peuvent s'expli- quer par la présence dans les gleys, dans la fraction <16jx de feldspaths potassiques, de chlorite, de kaolinite, d'illite (peu). - Point 6: On observe les mêmes corréla- tions qu'au point 5. - Point 7: L'analyse factorielle des corres- pondances a mis en relief SiO2 pour ce point (Bouyer & KuBLER, 1981). 131 Y.BOUYER • pH, Mg2+, Na+, SiO2 ont tendance à être corrélés entre eux (présence dans les sols au point 7, d'illite et de chlorite). • Fer filtré, Mg2+, SiO2 sont bien corrélés (r > +0,75), cette association ayant déjà été rencontrée. Marais amendé (points 9 et 12) De bonnes corrélations existent entre Mg et Fe (r = +0,70), entre Mg et SiO2 (r = +0,82) et entre Fe et SiO2 (r = +0,70), et attestent donc l'appartenance de ces élé- ments à la phase silicatée attaquée par le CO2. L'analyse des sols indique la pré- sence de quartz, de feldspaths potassiques, d'albite, d'illite, de chlorite-smectite et chlorite-kaolinite (Bouyer étal, 1978). En ces points de prélèvements, dans les horizons profonds, Pulite est absente dans le marais amendé, alors qu'il y a des smec- tites: le pompage du potassium par les plantes, dont les racines peuvent atteindre les gleys situés en dehors de l'hydromor- phie, pourrait avoir transformé les illites en smectites. Le potassium dans ces eaux n'a plus de corrélation avec les autres cations. Dans les parties fortements décarbonatées, on trouve des hydroxy-AI(Fe) (Pochon, 1978). 5.2.3. Attaque des gleys - Dans le marais acide, le fer analysé dans les eaux in situ est bien corrélé avec la phase carbonatée (sauf au point 4: cœur du marais acide, où l'on n'observe aucune décarbonatation du gley), ainsi qu'à la sortie du marais; points 1, 2, 3, 5, 6, 7). De plus aux points 5, 6 et 7 (sortie du marais), le fer appartient doublement à la phase carbonatée et silicatée, car ici le gley est très decarbonate. - Dans le marais amendé et cultivé, le fer appartient à la phase silicatée (les sols ne contiennent plus de calcite), ce qu'indique une bonne corrélation Si-Fe, Si-Mg, Fe- Mg, alors que Fe n'est plus lié à la dureté. On rappellera à ce propos que Pedro & Melfi (1970) ont démontré la labilité des liaisons Si-O-Fe en milieu lessivé, ce qui semble être le cas dans le marais amendé, grâce à une activité biologique produisant du CO2. 5.2.4. Matière organique hydrosoluble et fer De bonnes corrélations existent entre la matière organique et la température [+0,50 (marais acide) < r < +0,70 (marais amendé)] et montrent qu'une fraction de la matière organique hydrosoluble est fraîche et apparaît avec l'activité biologique des sols, forte dans le marais amendé, plus faible dans le marais acide. a) Rôle acidifiant (bord du marais acide) Le rapport C/N dans les tourbes du bord du marais et de la sortie du marais (points 1, 2, 3, 5, 6) est compris entre 21 et 30, ce qui indique une matière organique peu évoluée d'après Gobât et al. (1998). Son rôle se borne ici, par son acidité, à attaquer le substratum carbonate (bonne corrélation entre pH, dureté totale et ions libérés des carbonates). L'analyse factorielle des cor- respondances (Bouyer & Kübler, 1981) pour cette région fait apparaître l'associa- tion MO-SO^-T0C, l'oxydation de la matière organique faisant apparaître des protons. On a démontré que cette matière organique était peu complexante vis-à-vis du fer (cf. titration avec électrode spéci- fique au cuivre). b) Rôle complexant • Point 4 (cœur du marais acide) C'est le point de prélèvement le moins bien drainé. Sur le terrain, en allant du bord du marais au coeur du marais, la tourbe fibrist passe à une tourbe plus évo- luée (saprist). Ici le coefficient de corréla- tion r matière organique-Fer = +0,86 et r matière organique-température = +0,70 met en évidence le rôle complexant de la matière organique. 132 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PÉDOSPHÈRE DE LA VALLÉE DES PONTS • Points 9 et 12 (marais amendé) Le rapport C/N compris entre 13 et 18 dans les sols correspondant aux points de prélèvements d'eau, indique une évolution de la matière organique des sols et un plus grand pouvoir complexant vis-à-vis du fer (r matière organique-fer = +0,70; r matière organique-température = +0,55, et r tempé- rature-S04 = +0,73). 5.3. Comparaison des propriétés chimiques des deux profils BD 3 (milieu acide) et BD 12 (milieu amendé) 5.3.1. Taux d'acides humiques Le taux global d'acides humiques est plus faible et plus constant tout au long du profil BD 12 (marais amendé), tandis qu'au profil BD 3 (marais acide), ce taux est plus important avec accumulation aux horizons BD 3-2 (15 à 30 cm) et BD 3-3 (30 à 50 cm) au niveau de la tourbe "saprist". 5.3.2. Taux d'humine Ce taux est plus important dans le profil BD 3 (tourbe acide) que dans le profil BD 12 (tourbe amendée), ce qui traduit une moins grande évolution de cette tourbe en hydromorphie soit permanente, soit alternée. 5.3.3. pH 11 est en général plus acide le long du profil BD 3 (marais acide) que du profil BD 12 (marais amendé). 5.3.4. Rapport C/N 11 est plus important pour le profil BD 3 (marais acide) que pour le profil BD 12 (marais amendé). Plus le rapport est faible, plus la matière organique est complexante. La Chromatographie sur couche mince révèle des sites d'aminés fortement com- plexants pour la matière organique du marais amendé. 5.3.5. Accumulation à certains horizons des minéraux (figs 9 et 10) Il y a accumulation de Al2O3, Fe2O3, SiO2 et MgO à l'horizon BD 12-5 (60-85 cm; marais amendé), tandis que pour le profil BD 3 (marais acide), il y a accumula- tion de SiO2 et Al2O3 à l'horizon BD 3-8 (181-185 cm); celle de Fe2O3 et MgO se fait plutôt à l'horizon BD 3-9 (185-220 cm) (présence de chlorite, de chlorite-smectite dans les deux fractions <2\x et <16)x). Dans tous les horizons decarbonates, il y a présence d'hydroxy-Al(Fe), mais pas aussi bien formés que chez Pochon (1978). Le gley au point 3 est plus fin, plus limoneux qu'au point 12 où l'on trouve des morceaux de calcaire ferrugineux et des matériaux alpins tels que des feld- spaths, de la silice. La granulometrie différente fait que le fer sera mieux retenu sur les particules fines des argiles du point 3 (marais acide) que dans les argiles du point 12 (marais amendé). 5.4. Distribution de la matière organique en fonction du poids moléculaire et de sa polarité (tab. 7a et 7b) - Dans les horizons supérieurs, les acides fulviques du marais acide, de faibles poids moléculaires, sont apolaires, tandis que ceux du marais amendé sont polaires. - On constate que pour les horizons infé- rieurs, l'effet s'inverse et ce sont les acides fulviques de faibles poids moléculaires du marais amendé qui sont apolaires, alors que ceux du marais acide sont polaires. - Les acides humiques, quels que soient leurs poids moléculaires, sont tous polaires pour les deux profils, tourbière acide et amendée. De plus, c'est la fraction R4 (104 < poids moléculaire < 25#103) pour tous les horizons, qui est la plus abondante en acides humiques. 133 Y. BOUYER 5.5. Spectres N.M.R. des acides humiques (tab. 5) - Le % aliphatique est à peu près identique pour les mêmes niveaux dans les deux tourbes (cultivée amendée et acide), mais avec une proportion plus grande pour les niveaux inférieurs. - Le % aromatique est moins grand dans la tourbe naturelle que dans la tourbe cul- tivée, avec une abondance plus grande dans les niveaux supérieurs qu'inférieurs pour la tourbe naturelle. Dans la tourbe cultivée, la différence est moins grande. Les aromatiques (hydroxybenzoïques, phénol, etc..) sont également de bons complexants vis-à-vis du fer. - Le rapport N/C traduisant l'importance des produits protéiques (également com- plexants) est également plus grand pour les acides humiques issus des tourbes culti- vées que pour les mêmes acides issus des tourbes acides. 5.6. Délocalisation du fer par les sidérobactéries (fig. 5) On remarque qu'en général les sidéro- bactéries sont plus abondantes dans les eaux du bord du marais (points 1, 2, 6 et 7) et surtout dans les eaux du marais amendé, c'est-à-dire à des pH moins acides. Leur nombre augmente aussi avec la tempéra- ture; en plus d'une progression régulière en fonction du gradient thermique, il existe des explosions ponctuelles: par exemple, le prélèvement fait le 1.5.1978, où la concentration en fer au point 12 est de 14,11 mg/1, révèle un nombre si grand de sidérobactéries qu'il en devient indétermi- nable. Une semaine avant, la concentration en fer commence à augmenter. C'est sur- tout après une période sèche suivie de fortes pluies que ces événements excep- tionnels surviennent. Une semaine après, nous retrouvons des taux correspondant aux teneurs saisonnières ([fer] s 2,0 mg/1). Les sidérobactéries sont donc bien impli- quées dans la délocalisation du fer. 5.7. Influence des saisons et des précipi- tations sur le chimisme des eaux Interprétations globales d'après l'ana- lyse factorielle des correspondances selon BOUYER& KÜBLER (1981) 5.7.1. Bord du marais acide (points 1, 2, 3) et cœur du marais (point (4 et 5) a) Rôle des saisons La matière organique (fraîche?) apparaît surtout entre mai et juillet, puis en octobre et novembre; un mois après, il y a aug- mentation des sulfates de façon constante. L'association matière organique-sul- fates-phosphates est importante tout le temps pour les points 4 et 5, mais au bord du marais, elle n'est importante qu'en jan- vier. (Rappel: Au coeur du marais [points 4 et 5] seulement, la matière organique est liée au fer, mais n'attaque pas le sub- stratum carbonate!). b) Rôle des précipitations atmosphériques Les fortes précipitations ont pour consé- quences: - une diminution de la dureté totale, de la dureté temporaire, du calcium, de la conductivité, du magnésium, du strontium, du sodium, de la silice et du pH (particu- lièrement le 1.6.1975 pour les points 1, 2, 3, 4 et 5); - une augmentation de la matière orga- nique, de sulfate, de fer filtré, d'oxygène dissous et de potassium (lixiviation). En dehors de ces précipitations, la forte montée du fer (9.8.1974 et 9.9.1974) tra- duit quand même une certaine activité bio- logique. 5.7.2. Sortie du marais acide (points 6 et 7) Ces points, comme les points 1, 2, 3, 4, 5 (bord du marais-coeur du marais) sont influencés dans l'association matière orga- nique SO42-, et PO43- par les fluctuations 134 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PÉDOSPHÈRE DE LA VALLÉE DES PONTS a) Acides fulviques Bois des Lattes BD 3 Echantillon 5915 Ether n-Butanol Acétate d'éthvle Fraction en % R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 54 2 26 51 2g 76 33 36 1 7 22 41 1 2 Echantillon 5920 Ether n-Butanol Acétate d'éthvle R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 27 31 32 22 44 25 40 47 28 44 28 32 Brot-Dessus BD 12 Echantillon 5989 Ether n-Butanol Acétate d'éthvle Fraction en % R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 33 7 5 22 57 76 86 67 1 O 1 7 8 10 Echantillon 5993 Ether n-Butanol Acétate d'éthvle R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 55 50 1 5 42 27 32 55 32 1 7 1 7 30 26 b) Acides humiques Bois des Lattes BD 3 Echantillon 5915 Ether n-Butanol Acétate d'éthvle Fraction en % R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 R? R3 R4 F4 1 4 1 1 4 45 62 71 88 33 23 1 8 8 22 Echantillon 5920 Ether n-Butanol Acétate d'éthvle R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 R? R3 R4 F4 10 1 3 9 28 76 57 73 55 1 4 30 1 7 1 7 Brot-Dessus BD 12 Echantillon 5989 Ether n-Butanol Acétate d'éthvle Fraction en % R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 R? R3 R4 F4 3 3 0,6 15 88 02 45 75 g 5 5 1 0 Echantillon 5993 Ether n-Butanol Acétate d'éthvle R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 R2 R3 R4 F4 30 1 3 1 2 39 53 70 65 45 16 1 7 22 1 6 Tableau 7: Répartition des fractions d'acides fulviques et d'acides humiques, extraits de deux horizons des deux profils pédologiques BD 3 et BD 12, en surface et en profondeur, en fonction de leurs tailles et de leurs polarités. 135 Y.BOUYER saisonnières, mais en plus par de fortes précipitations induisant une augmentation en SiO2 et de fer associé (hydrolyse des liaisons Si-O-Fe). 5.7.3. Marais amendé (points 9 et 12) Une teneur élevée en fer total, potas- sium, sodium, sulfates, H+ et phosphates caractérise les eaux de cette région, surtout en été et au début du printemps, ce qui cor- respond bien à l'activité biologique des sols. Ici l'exportation de ces paramètres est indépendante des précipitations. On note également le 1.5.1978 et le 9.8.1974 une augmentation du fer (qui correspond égale- ment à une augmentation de pC02 dans les sols). De plus, dans ce marais, on voit que NO3" et Fe sont nettement inversement corrélés (rôle oxydant des NO3" sur Fe2+ qui précipite sous forme de Fe3+). 5.8. Influences de quelques paramètres inhabituels 5.8.1. Période automnale du 12.9.1977 au 14.11.1977. Ces remarques portent sur les eaux pré- levées hebdomadairement aux points 3 (bord du marais acide), 9 et 12 (marais amendé), issues de sols qui constituent un système ouvert (production de CO2). Malgré la pluie, l'hydromorphie n'est pas permanente; la température assez élevée favorise l'activité biologique, et par conséquent, une dureté temporaire relati- vement élevée; la teneur en fer total est aussi élevée, toute proportion gardée, pour les trois points soit par attaque du substrat carbonate pour le point 3 (marais acide), soit par départ du fer associé aux silicates et à la matière organique pour les points 9 et 12. Pendant cette période, le déplacement des sidérobactéries est éga- lement favorisé par les fortes pluies automnales. 5.8.2. Période hivernale du 14.11.1977 au 6.2.1978 La neige recouvre le sol, entraînant la fermeture du système. Pour les points 9 et 12, après un pic transitoire (du 24.10 au 19.12.1977) de pC02, du fer, de la tempé- rature et de la plupart des paramètres, on assiste à un abaissement du contenu chi- mique des eaux. En revanche, les concen- trations des paramètres du point 3 baissent régulièrement dès le début de cette période. 5.8.3. Période du 6.2.1977 au 26.6.1978 (passage de l'hiver au printemps) Dans un premier temps, la pluie et la neige fondue imbibent les sols; l'hydro- morphie est très forte pour ces trois points. La teneur en fer baisse encore pour remonter dès le 21.4.1978 pour les points 9 et 12, et dès le 5.6.1978 pour le point 3. Pendant cette période, au contraire, la concentration des nitrates est à son plus haut niveau. En même temps, la dureté temporaire remonte pour les trois points, mais plus tardivement pour le point 3. La concentration en matière organique s'ac- croît également, mais en proportion, ce sont les eaux du point 3 qui connaissent la plus grande remontée en matière orga- nique, en même temps qu'un abaissement en oxygène dissous. Durant la période pour laquelle la concen- tration en nitrates est élevée, la concentra- tion en fer y est fortement abaissée lors de très fortes pluies (6.3.1978). Le 1er mai 1978, pendant la remontée du fer, on a un pic qui dépasse largement la moyenne de cette période, pour atteindre 14 mg/1. On remarque alors in situ que les eaux colmatent les filtres de 0,45 \i, et qu'il s'y trouve de nombreux colloïdes argileux. On note alors 13,9 mm de pluie provo- quant une sorte de "lessivage" des sols. 136 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PEDOSPHERE DE LA VALLEE DES PONTS 5.9. Variations des paramètres à l'échelle journalière mesurées au point 6 (sortie du marais acide) (point 6) 5.9.1. Mesures depC02 dans les sols après une nuit de pluie On confirme que les sols à activité bio- logique intense produisent plus de CO2 que les autres. On met également en évi- dence les paramètres chimiques liés à la production de CO2- La méthode de mesure est décrite par Miserez (1973). a) Orée du Bois des Lattes Association de bouleaux et de carex; profondeur 10 cm: 0,17% (nombre de mesures n = 5); profondeur 30 cm: 0,33% (n = 5). b) Dans la litière de la forêt de bouleaux Profondeur 10 cm: 0,30% (n = 5); pro- fondeur 30 cm: 0,33% (n = 5). D'après ces résultats, on voit donc que dans ce genre de sol, apparenté à ceux du marais amendé, on est en milieu ouvert avec une production de CO2 par activité biologique. 5.9.2. Autres paramètres (figs Il et 12) D'après ces figures, on voit qu'après une nuit de pluie abondante (nuit du 2 au 3 sep- tembre 1976), il y a abaissement de pC02 dans les eaux du point 6, accompagné de celui de Ca2+, Mg2+, SiO2, fer total, conduc- tibilité, Na+, NO3", dureté totale et tempo- raire, alors que matière organique, K+, PO43- , SO42- et S2- remontent. Les paramétres sui- vants sont groupés en fonction de leurs comportements identiques: - dureté totale, dureté temporaire, conduc- tibilité, NO3", SiO2, Na+, Mg2+, Sr2+,Ca2+ - fer total et fer filtré - K+, matière organique - demande chimique en oxygène (D.C.O.), - PO43- et SO42-, ces deux derniers groupes étant plus ou moins liés. Ces associations sont bien celles observées à l'analyse factorielle des cor- respondances portant sur un échantillon- nage mensuel et hebdomadaire. En quelque sorte, ce qui est minéral a ten- dance à diminuer après une pluie, alors que ce qui est organique ou lié à la matière organique (matière organique, potassium, phosphates, sulfates) aug- mente. 6. CONCLUSIONS 6.1. Les minéraux des argiles dans les sols étudiés 6.1.1. Dans le marais acide (points de pré- lèvements d'eau dans le sens de l'écoule- ment du bied: points 1, 2, 3, 5, 6, 7), il n'y a pas ou peu d'illite, sauf dans les niveaux decarbonates où elle peut être accompagnée d'hydroxy-Al(Fe). Ceux-ci ne connaissent pas la maturité de ceux de Pochon (1978), peut-être à cause de pH moins acides que ceux des sols étudiés par cet auteur. La teneur moyenne en fer des échantillons du marais acide est de 0,50%. 6.1.2. Dans le marais amendé, les échan- tillons ne contiennent pas (ou plus) d'hy- droxy-Al(Fe) dans les niveaux carbo- nates. En revanche, sa présence est fré- quente dans les niveaux totalement decar- bonates. Il y a toujours présence d'illite. L'analyse indique une teneur en fer en moyenne de 1,65% dans les horizons supérieurs. On note une disparition de la chlorite dans la fraction <2u.. 6.1.3. Au cœur du marais acide, en roche totale, à part la calcite, l'association phyl- losilicates, feldspaths potassiques, plagio- clases alcalins est présente partout avec des carbonates, soit calcite et dolomite (difficilement déterminables). 137 Y. BOUYER 3.9.76 18h30 3.9.76 16h30 3.9.76 09h00 Z.9.76 2OhOO ' 2.9.76HhOO 2.9.76 0%30 1.9.76 22h30 Figure 11: Variations du contenu chimique des eaux prélevées au point 6 (sortie du marais acide) avant et après une pluie abondante dans la nuit du 2 au 3/9/1976 (Ca, SO4, NO3, SiO2, Mg. fer total (Fe tot), fer filtré à (),45u (Fc filtr) PO4. Sr. Na. K. Figure 12: Variations du contenu chimique des eaux prélevées au point 6 avant et après une pluie abondante Conductivity (Conduct): -log [S--]= sulfures: matière orga- nique (Mat i>i u i. dureté totale (Dur. Tot.): demande chimique en oxygène (!).( .(>.): tempéra- ture (T0C); pH; potentiel redox en millivolts. (Sur l'ax« des y, elicile 1/10 pour Conduct., dureté iotale. dureté temporaire. Potentiel redox = [Eh mesuré + 7.5]/IO mv). .76 22h30 76 09h30 76HhOO 76 2OhOO 09h30 16h30 8h30 138 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PEDOSPHERE DE LA VALLEE DES PONTS 6.2. Comportements des silicates et phyllosilicates - Il existe un stock détritique assez frais, surtout visible dans la fraction grossière qui comprend la muscovite, la chlorite et la kaolinite détritiques. Muscovite, chlorite et feldspaths confirment l'origine alpine du détritisme. - Des smectites sont souvent présentes dans les échantillons du marais acide, mais en faible quantité: elles sont anchicristal- lines. Cet état de cristallisation ne permet pas une détermination précise des smec- tites; elles peuvent encore receler des feuillets non gonflants. - Des interstratifiés smectite-mica inter- viennent en quantité variable dans tous les échantillons, surtout dans les horizons pro- fonds du point 3 (bord du marais acide). - Tous les échantillons saturés à l'éthylène- glycol présentent des déplacements dans les minéraux interstratifiés. C'est la preuve de l'existence de couches de smectites gonflantes. - U subsiste soit des smectites anchicristal- lines, soit des smectites-illites. - Le quartz est souvent dix fois moins intense dans les fractions inférieurs à 2jn. - L'association feldspath potassique-pla- gioclase disparaît dans la fraction fine. - La chlorite est souvent moins abondante que la kaolinite dans la fraction fine. C'est le contraire dans la fraction inférieure à 16rx. Le gley des sols tourbeux est souvent d'origine alpine, éolienne ou remaniée des dépôts quaternaires antérieurs ou de la molasse. 6.3. Influence du drainage sur l'impor- tance de la décarbonatation des gleys L'influence du drainage sur la décarbo- natation a été mise en évidence: plus le drainage est fort, plus la couche décarbo- natée est importante. Au coeur du marais acide, où l'eau du bied est presque stag- nante, il y a des carbonates jusqu'au haut du profil des gleys. Le drainage dans le marais acide a aussi une influence sur l'évolution de la tourbe, à telle enseigne que la matière organique du cœur du marais acide (faible drainage) est plus évo- luée et a le même comportement com- plexant vis-à-vis du fer que celle issue du marais amendé. 6.4. Conclusions sur l'agression chi- mique des sols après mise en équilibre avec de l'eau distillée Les échantillons de gleys, prélevés sur place aux points de prélèvements d'eau in situ, sont mis en équilibre avec de l'eau distillée. L'eau est analysée après 10, 20 et 160 jours. Il ressort de ces analyses qu'il y a une teneur minérale des eaux prélevées in situ et in vitro identique. Nous ferons cependant les remarques suivantes: - La dureté temporaire est toujours plus faible dans les essais in vitro que dans les prélèvements in situ. Cela tient au fait que dans la nature, les gleys sont recouverts par une tourbe où il y a production de CO2 par activité biologique. On est alors en milieu ouvert, tandis que dans nos essais in vitro, même en présence de tourbe, nous sommes en hydromorphie permanente où l'activité bactérienne pou- vant produire du CO2 est faible. Seule l'eau en équilibre avec le gley carbonate prélevée dans le marais acide (essai in vitro) et celle prélevée in situ (hydromor- phie permanente) présentent les mêmes duretés; ce qui confirme bien le peu de 139 y.BOUYER CO2 dégagé en milieu fermé. On remarque également que dans ces essais in vitro, le CO2 joue un rôle visible dans l'attaque des carbonates et des liaisons des silicates Si-O-Fe, comme le notent également Pedro & Melfi (1970). - Calcium Il apparaît dans les essais in vitro que 1. La matière organique entraîne le cal- cium dans la phase aqueuse pour les échantillons du marais amendé au bout de 20 jours (coefficient de corrélation r Ca+2- matière organique dans les eaux prélevées in situ = +0,80). 2. L'échantillon du gley du marais acide, contenant de la calcite mais sans cailloutis calcaire, ne libère son calcium qu'au bout de 165 jours. - Magnésium Grâce aux essais in vitro, on démontre que l'apport du magnésium dans l'eau n'est pas dû à la présence du cailloutis calcaire (contenant ou non de la dolomite), mais l'est plutôt à la présence de la chlorite dans l'échantillon de gley decarbonate du marais amendé, dans la fraction <16n, absente dans les autres échantillons. - Potassium 1. Les échantillons libérant beaucoup de potassium sont ceux du marais amendé (horizon supérieur du gley carbonate). L'analyse aux rayons X révèle la présence de smectites de transformation à partir d'illites après pompage par les racines de K+ (effet pelouse). 2. Echantillons libérant peu de potassium (gley du marais amendé, horizon supérieur, avec ou sans cailloutis, et gley du marais acide). Dans ces trois échantillons, il y peu d'interstratifiés. Pour tous les échantillons, la libération de K+ ne dépend pas de la pré- sence de la matière organique. - Sodium Pour tous les échantillons, la libération importante du sodium se situe entre 10 et 20 jours de contact avec l'eau. Puis au bout de 165 jours, elle est intermédiaire entre celles obtenues entre 10 et 20 jours. La présence de Na+ dans l'eau n'est ici pas influencée par la matière organique. - Fer et aluminium On observe des comportements semblables pour les deux éléments. Deux familles de sols se distinguent dans la libération du fer et de l'aluminium: 1. Les échantillons solides provenant res- pectivement de l'horizon supérieur du profil du marais amendé avec et sans cailloutis, de l'horizon inférieur dans le gley sans cailloutis, et échantillon du gley du marais acide, libèrent très peu de fer. On note une première décharge minime au bout de 10 jours, légèrement supérieure au bout de 20 jours, mais qui s'abaisse à son niveau le plus bas au bout de 165 jours. 2. Les échantillons provenant de l'horizon inférieur du profil BD 12, avec gley sans cailloutis et avec tourbe relarguent fer et aluminium surtout au bout de 20 jours, puis on assiste à un abaissement des concentrations au bout de 160 jours (des- truction de la matière organique avec for- mation de NO3- et précipitation de fer par oxydation). On note que les teneurs en aluminium et en fer libéré varient comme les teneurs en K+ et inversement avec le pH. Les condi- tions in vitro pour les échantillons situés au-dessus de la nappe dans le marais amendé dans des conditions normales in situ, sont celles alors d'un milieu fermé puisqu'elles sont complètement recou- vertes d'eau, ce qui a pour conséquence: - d'augmenter le pH (ressources limitées en CO2), - de diminuer le pouvoir tampon, - d'hydrolyser les minéraux primaires. 140 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PEDOSPHERE DE LA VALLEE DES PONTS En conclusion, deux facteurs semblent jouer un rôle déterminant dans l'exporta- tion du fer et de l'aluminium dans les régions à milieu ouvert (marais amendé): 1. Le cailloutis calcaire, en augmentant le pH, a tendance à diminuer l'exportation d'aluminium et de fer. 2. La matière organique, en s'oxydant, produit des sulfates accompagnés de pro- tons, et solubilise donc indirectement le fer maintenu en solution par complexation avec la même matière organique. Ces deux dernières remarques se confir- ment sur le terrain où l'on observe que le cailloutis calcaire sert de relais au fer exporté par la matière organique: dans un premier temps, il s'échange contre le cal- cium du cailloutis calcaire et s'y dépose. Dans un deuxième temps, la matière orga- nique acidifiante et complexante reprend ce fer et l'exporte définitivement dans les eaux. In situ, nous avions noté une plus grande concentration du fer dans les eaux du marais amendé que dans celles du marais acide. Dans les essais in vitro, l'échantillon du gley decarbonate du marais acide n'ex- porte ni fer ni aluminium. Seul cet échan- tillon contient des hydroxy-Al(Fe) déter- minés aux rayons X, qui semblent donc stables vis-à-vis de l'hydrolyse. - Silice La dissolution de SiO2 s'identifie assez bien à celle de l'aluminium et du fer et vient ainsi confirmer l'hydrolyse des argiles. On remarque que, in vitro, la pré- sence de calcaire sous forme de cailloutis diminue l'exportation de Al, Fe et SiO2. 6.5. Phase silicatée et carbonatée 6.5.1. Dans le marais acide, le fer analysé dans les eaux in situ est bien corrélé avec la phase carbonatée (Mg, Ca, dureté totale) en bordure aux points 2 et 3 (Fe-dureté totale, r= +0,9) ainsi qu'à la sortie, points 5 et 6 (Fe-dureté totale, r = +0,8), mais pas du tout au cœur du marais acide (point 4), où il n'y a pas de décarbonatation du gley. 6.5.2. Dans le marais amendé et cultivé, le fer est plutôt lié à la phase silicatée (les sols ne contiennent plus de calcite), ce qu'indique une bonne corrélation Si-Fe, Si-Mg, Fe-Mg, alors que le fer n'est plus corrélé avec la dureté. 6.6. Influence de la matière organique sur l'a mobilisation du fer La matière organique hydrosoluble éla- borée sur les bords du marais acide pen- dant la période d'activité biologique, est relâchée au début septembre (matière orga- nique et sulfates sont alors liés). A la fin du printemps, au contraire, la matière orga- nique fraîche n'est pas oxydée et n'est pas accompagnée d'autant de SO42- qu'en automne. Les corrélations entre matière organique hydrosoluble et fer dans les eaux sont nulles dans le marais acide (sauf au cœur de celui-ci, point 4), mais sont bonnes dans le marais amendé, donc respectivement en hydromorphie permanente et en milieu les- sivé quand bien même la teneur en matière organique dans les eaux du marais acide est supérieure à celle du marais amendé. Ceci s'explique par le pouvoir complexant relatif de ces deux sortes de matière orga- nique hydrosoluble; ce pouvoir com- plexant est deux fois plus élevé dans le marais amendé que dans le marais acide. Cela est à rapprocher du rapport C/N de ces deux types de sols, plus petit dans le marais amendé que dans le marais acide. On peut alors imaginer qu'il y a plus d'azote et donc plus de sites complexants dans la matière organique issue du marais amendé, le doublet électronique de l'azote formant des liaisons stables avec le fer (II) et le fer (III). (Cette matière organique 141 Y. BOUYER séparée par Chromatographie sur couche mince met bien en évidence les groupe- ments -NH2). L'ensemble est confirmé par les spectres R.M.N. indiquant un pourcentage aroma- tique pratiquement trois fois plus élevé en milieu cultivé. Cela correspond à la pré- sence de molécules complexantes (phé- nols, acides benzoïques, etc.). Enfin, les nitrates, produits d'oxydation de la matière organique, abaissent de façon très signifi- cative la teneur en fer dans les eaux par oxydation du fer (II) en fer (III) insoluble. 6.7. Sidérobactéries Dans un premier temps, le fer (III) est précipité en partie dans les gaines des sidé- robactéries, puis est entraîné dans les eaux du marais amendé (points 9 et 12) lors de fortes pluies, surtout après une longue période de sécheresse. En revanche, dans le marais acide, malgré une augmentation de ces bactéries avec la température, leur nombre reste faible, voire nul, à cause de l'acidité de la matière organique. 6.8. Niveaux d'exportation ou d'immobilisation du fer 6.8.1. Tourbe BD 3 (marais acide) En descendant le long du profil, on note une accumulation de SiO2 (7,6%), Al2O3 (1,24%) et Fe2O3 (0,42%) dans l'horizon TS 1 où le taux d'acide humique est le plus élevé (et donc celui de l'humine le plus bas). Ensuite, on remarque une diminution de ces "complexes" jusqu'aux horizons TF 3 et G 1 où le taux est maximal (SiO2: 72%; Al2O3: 8,6%; Fe2O3: 2,95%). La migration du fer des niveaux supé- rieurs (TS 1) semble insignifiante, attendu que les acides susceptibles de complexer le fer sont peu polaires. Donc les chelates ne sont pas entraînés vers le bas du profil lors de précipitations. En revanche, la teneur en SiO2 (72%), Al2O3 (8,6%) et Fe2O3 (2,95%) du bas du profil G 1 (malgré une teneur en humine élevée et en AH et AF basse) est à rappro- cher de celles des gleys sous-jacents (échantilllon 1055 - gley carbonate - 185- 220 cm: SiO2 84%, Al2O3 9% et Fe2O3 2,57%). Les horizons inférieurs étant situés en hydromorphie permanente, on peut penser à une contamination "per ascensum" de ces horizons par les gleys. Dans l'eau prélevée à cet endroit, on trouve les mêmes proportions de ces élé- ments. Mais ici, la source des éléments contenus dans les eaux vient du gley qui s'enrichit en profondeur de ces éléments. En conclusion: la matière organique ici n'entraîne pas le fer mais, par l'oxydation acidifiante de ses sulfures (provenant des horizons Tf 2 et Tf 3) en SO42-, décarbo- nate les gleys contenant du fer. 6.8.2. Tourbe BD 12 (marais amendé) Si la quantité de matière organique totale est moins grande ici que dans le marais acide, en revanche, toute proportion gardée, les taux d'acides fulviques et humiques sont plus constants et plus élevés, et subséquemment le taux d'hu- mine plus faible. Les taux de fer sont plus élevés dans la tourbe cultivée et cet élé- ment est déjà exporté dès les horizons superficiels (acides organiques plus polaires) - (vérifié in situ dans les eaux prélevées à ce niveau). Dans le gley decarbonate, le taux de fer est à son maximum. C'est l'agression des carbonates des gleys qui libère le fer aus- sitôt complexé par la matière organique, alors qu'en présence de calcium, la matière organique complexe Ca2+ pour flo- culer et le fer libéré précipite alors. 142 MOBILISATION ET IMMOBILISATION DU FER DANS LA PEDOSPHERE DE LA VALLEE DES PONTS 6.8.3. Les analyses des minéraux des argiles entraînés par les eaux lors de fortes précipitations montrent que l'origine du fer est à attribuer également aux suspensions argileuses qui contiennent du fer dans leur structure (chlorite ferrifere) ou dans leur enrobement. Dans un prochain article, nous montrerons que le fer mesuré dans les crues à la résurgence comprend deux ori- gines: tout d'abord apparaît une partie de fer déposée dans les chenaux karstiques sous forme d'oxydes et d'hydroxydes (effet piston), puis plus tard, au maximum du débit, une autre partie, accompagnée des argiles de surface et de tout le cortège chimique et minéral (argiles), qui l'accom- pagne depuis la surface du bassin. 6.9. Transit du fer et recharge des sols a) Le rôle de la matière organique soluble, soit par son acidité (marais acide), soit par son pouvoir complexant (marais amendé), est de maintenir le fer en solution, Dès que le fer, accompagné de matière organique, touche un cailloutis calcaire, soit au bas des profils des sols, soit dans les calcaires dénoyés, la matière organique est oxydée. Le fer abandonné à lui-même précipite. C'est pourquoi, à la résurgence du bassin, point ultime du transfert à travers le karst, les eaux d'étiage sont pauvres en fer (0,15 mg/1), sauf en cas de crue où le flux rapide ne laisse pas le temps à la matière orga- nique d'être immobilisée et oxydée à la surface du bassin. Ainsi en période de crue, les eaux de la résurgence contiennent jusqu'à dix fois plus de fer qu'en régime normal. b) Le fer enrobe les argiles ou fait partie des complexes argilo-humiques (Jabiol et al, 1995). Une petite partie est liée à la structure des argiles et notamment aux chlorites ferrifères. Ces argiles étant éoliennes, le fer l'est donc aussi dans les parties supérieures des tourbes. c) Grejbine (1963), grâce à des pièges, a démontré que l'apport du fer atmosphé- rique (poussières et aérosols) était considé- rable et suffisant pour recharger les sols, comme l'indique Miserez (1973) dans le cas du bassin de PAreuse. d) Le transport du fer n'est pas que chi- mique: en effet, en automne et après une période de dessiccation assez grande suivie d'une forte pluie, la source du point 12 (marais amendé), qui a habituellement une teneur moyenne en fer de 2,36 mg/1, atteint une teneur de 20 à 25 mg/1, accompagnée d'une élévation considérable du nombre de sidérobactéries {Gallionella surtout). Cela dure 5 à 8 jours. REMERCIEMENTS Nos remerciements vont à B. Kubier, JJ. Miserez, I. Müller, professeurs à l'Ins- titut de Géologie de Neuchâtel (Suisse) et à B. Fritz, directeur du Centre de Géo- chimie de la Surface à Strasbourg (France). Notre gratitude est à la mesure du temps qu'ils ont consacré sans compter à nous donner des conseils scientifiques compétents, et à corriger ce manuscrit sans se départir de leur patience et de leur gen- tillesse. 143 Y. BOUYER BIBLIOGRAPHIE Aubert, D. 1969. Phénomènes et formes du karst jurassien. Eclogae geol. HeIv. 62 (2):325-399. Benzecri, J.P. 1973. L'analyse des données. Tome 2. L'analyse des correspondances. Dunod, Paris. Bouyer, Y., Miserez, J.J. & Pochon, M. 1978. Inventaire géochimique et bilan du fer dans le sol et les eaux du karst jurassien: état, importance, déplacements. Lab. de Pédologie, EPFL, En Vernay, Ecublens. Bouyer , Y. & KuBLER, B. 1981. Hétérogénéité chimique et hydrologique des eaux souterraines d'un karst du Haut-Jura neuchâtelois (Suisse). J. of Hydro!., 54: 315-339. Bruckert, S., Hetier, J.M. & Gutierrez, F. 1974. Extraction chimique des composés organiques et des complexes organo-minéraux. Science du sol 4: 225-245. 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