Université de Neuchâtel Faculté de droit et des sciences économiques Le marché de l'emploi: structures locales et segmentation Thèse Présentée à la faculté de droit et des sciences économiques pour obtenir le grade de docteur es sciences économiques par Daniel Held NEUCHÂTEL 1983 Monsieur Daniel Held est autorisé à imprimer sa thèse de doctorat es sciences économiques intitulée "Le marché de l'emploi: structures locales et segmentation". Il assume seul la responsabilité des opinions énoncées. Neuchâtel, 17 décembre 1982 Le doyen de la Faculté de droit et des sciences économiques Jean-Pierre Gern HELD, Daniel. Le Marché da l'emploi : structures locales et segmentation / par Daniel Held. - 1963. - VIII, 438 p. : fig. ; 21 cm Thèse se. écon. Neuchâtel, 1982. - Bibliogr.: p. 419-438 • A Liliane et Vincent A mes parents I AVAMT-PROPOS La présente étude constitue l'aboutissement de 5 années de recherches en économie régionale et en économie du travail effectuées sous la direction du Prof. D. Maillât au Groupe d'Etudes Economiques (G.E.E.) de l'Université de NeuchStel, en relation avec la Communauté d'Etudes pour l'Aménagement du Territoire (C.E.A.T.), Lausanne. Durant cette période, j'ai préparé et réalisé un projet de recherche dans le thème "marché de l'emploi" du Programme national de recherche "Problêmes régionaux en Suisse". Ceci m'a permis de me familiariser avec le sujet, de disposer de données statistiques abondantes et originales, de situer en permanence l'approche que je poursuivais par rapport à une problématique de politique régionale et de bénéficier d'oppor- tunités d'échanges en Suisse et à l'étranger. Outre les contacts internes au G.E.E. et à la C.E.A.T., je mentionnerai è ce propos les apports des séminaires organisés par la direction du programme de recherche et les contacts étroits avec plusieurs instituts français, en particulier avec le Centre d'Etudes de l'Emploi (Paris). Ces échanges se sont encore poursuivis à l'occasion d'une "Table ronde" organisée par le G.E.E. en juin 1982 à Neuchâtel sur le thème du fonctionnement du marché de l'emploi au niveau local. Chacune de ces opportunités m'a fourni beaucoup de critiques et d'enrichissements stimulants pour l'avancement de ce tra- vail. La rédaction finale de cet ouvrage a eu lieu durant les six mois que j'ai passé en Allemagne, grâce à une bourse du Fonds national suisse de la recherche scientifique. J'ai pu à cette occasion séjourner dans quatre instituts de recherche spécia- lisés dans l'analyse du marché de l'emploi (Institut für Sozialwissenschaftliche Forschung, München; Internationales Institut für Management und Verwaltung, Berlin; Universités de Paderborn et de Brème). Les contacts très intenses que II j'ai eus avec de nombreux chercheurs expérimentés m'ont apporté beaucoup de critiques utiles et de stimulation et m'ont permis de mieux situer ce travail dans le cadre des principales recherches européennes dans le domaine. Cette étude n'a évidemment pu être menée à son terme que grâce au soutien et â la collaboration de nombreuses per-' ¦ sonnes et institutions, notamment lors de la réalisation et du dépouillement de l'enquête et de la transcription pro- visoire ou définitive de mes nombreux manuscrits. Je tiens â leur exprimer ici ma vive reconnaissance. Enfin, j'aimerais remercier spécialement le Prof. D. Maillât de la confiance qu'il m'a témoignée tout au long de cette période, de ses encouragements et de ses remarques toujours pertinentes chaque fois que je m'éloignais de l'objectif fixé. Daniel Held, décembre 1982 Ill TABLE DES MATIERES INTRODUCTION PAGE 1. POTENTIEL REGIONAL ET MARCHE DE L'EMPLOI 3 2. PRESENTATION DE L'ETUDE 8 PARTIE I A LA RECHERCHE D'UNE THEORIE, OU LES CONTROVERSES STERILES DE FRERES ENNEMIS 1. LE MODELE CLASSIQUE DU MARCHE DU TRAVAIL 15 1-1. La place du marché du travail dans le modèle concurrentiel 15 1.2. Le fonctionnement du marché du travail dans le modèle classique 16 1.3. Les hypothèses du modèle 17 2. LE MODELE CONCURRENTIEL SOUS LE FEU DE LA CRITIQUE 21 2.1. Introduction 21 2.2. Critiques à l'hypothèse d'homogénéité du travail 21 2.3. Critiques à l'hypothèse de transparence du marché 2 5 2.4. Critiques à l'hypothèse du comportement con- currentiel des agents 28 2.5. Obstacles à la mobilité et segmentation 31 2.6. Conclusions 38 3. MARCHES INTERNES ET EXTERNES, FORMES PARTICULIERES D'EMPLOI ET STRATEGIES D'ENTREPRISES 43 3.1. Origine et définition du concept de marché interne 4 3 3.2. Les formes particulières d'emploi et la re- cherche de la flexibilité 51 3.3. Les stratégies d'emploi des entreprises: une conclusion micro-économique 55 4. LA THEORIE DE LA SEGMENTATION 57 4.1. Introduction: segmentation et dualisme 57 4.2. Origine des théories de la segmentation 58 4.3. La segmentation comme caractéristique endogène au système 61 4.4. Dualisme et chaînes de mobilité 65 4.5. Les limites de la recherche empirique 69 4.6. La segmentation: théorie ou concept? 75 IV PAGE PARTIE II ANALYSES LOCALES ET SEGMENTATION METHODES ET PRINCIPAUX RESULTATS DE PLUSIEURS ETUDES DE CAS 1. INTRODUCTION 81 1.1. Les limites des approches globales 81 1.2. L'enjeu des analyses locales 83 1.3. Contenu de la deuxième partie 84 2. ANALYSES LOCALES ET SEGMENTATION: UN SCHEMA DE COMPTABILITE LOCALE POUR STRUCTURER LES DONNEES QUANTITATIVES 87 2.1. Introduction 87 2.2. Les emplois 88 2.3. Les individus 94 2.4. Flux de main-d'oeuvre 98 2.5. Synthèse 103 2.6. Mobilité "directrice" et mobilité "induite": deux concepts pour une extension du schéma 113 2.7. Conclusion 119 3. SEGMENTATION ET CAPACITE FONCTIONNELLE DES MARCHES REGIONAUX DU TRAVAIL 125 3.1. Le concept de capacité fonctionnelle 125 3.2. Origine des approches 126 3.3. Polarisation et segmentation 126 3.4. Le rôle des marchés internes 129 3.5. Une analyse comparative de deux régions 131 3.6. La capacité fonctionnelle du marché du travail: le cas de la région de crise de l'Asturie 138 3.7. Conclusion 142 4. FLUX DE MAIN-D'OEUVRE, SOUS-MARCHES ET CHAINES DE MOBILITE 145 4.1. Introduction 145 4.2. Travailleurs stables et travailleurs mobiles 146 4.3. Chaînes de mobilité et entreprises 148 4.4. Chaînes de mobilité et typologie des positions d'emploi 160 4.5. Comportements de mobilité et parcours professionnels 169 V PAGE 4.6. Les situations d'emploi des individus 176 4.7. La méthode simplifiée préconisée par le Groupe interministériel sur les bassins d'emploi 182 4.8. Conclusion 192 5. LE MARCHE DE L'EMPLOI EST STRUCTURE: RESULTATS ISSUS DE L'ETUDE DE CAS DE NEUCHATEL 199 5.1. Introduction 199 5.2. L'analyse quantitative des flux de main-d'oeuvre révêle l'existence de processus différenciés 200 5.3. Le marché de l'emploi est structuré 216 5.4. Les établissements présentent des structures de l'emploi caractéristiques 223 5.5. Des politiques d'emploi différenciées 235 5.6. Conclusion 258 6. TYPOLOGIE DES POSTES DE TRAVAIL ET TYPOLOGIE DES ETABLISSEMENTS: LES DEUX AXES CENTRAUX DE LA METHODE D'ANALYSE 259 6.1. Typologie des postes de travail et chaînes de mobilité 259 6.2. La configuration du bassin d'emploi 266 6.3. Une typologie de la position des établisse- ments sur les chaînes de mobilité 279 6.4. Conclusion: présentation d'une typologie normative 298 PARTIE III ESPACE, ENTREPRISES ET MARCHE DE L'EMPLOI 1. LES RELATIONS ENTRE AGENTS 303 1.1. Introduction 303 1.2. Les stratégies des entreprises et l'espace 305 1.3. Quelques notions importantes 315 1.4. Etablissements dominants et établissements dominés: une tentative de modélisation 319 1.5. Les situations de marché des établissements 324 1.6. Situations de marché et chaînes de mobilité 331 2. MOBILISATION DE LA FORCE DE TRAVAIL ET RELATIONS ENTRE ETABLISSEMENTS DANS LE BASSIN D'EMPLOI DE NEUCHATEL 333 2.1. Situation du marché et relations de marché 333 2.2. Stratégies de mobilisation de la main-d'oeuvre 334 . vi PAGE 2.3. Le bassin de recrutement des établissements 337 2.4. L'aire de recrutement 339 2.5. Les formes d'organisation du marché 341 2.6. Synthèse: une typologie des situations de marché 342 2.7. Situations de marché et postes de travail: deux typologies complémentaires 355 3. LA DIMENSION SPATIALE DU MARCHE DE L'EMPLOI 359 3.1. La délimitation de marchés locaux et de bassins de main-d'oeuvre 359 3.2. Du marché local au système local de l'emploi 366 CONCLUSION GENERALE 373 1. ECONOMIE DU TRAVAIL ET STRUCTURES LOCALES 373 2. STRUCTURES LOCALES ET CHAINES DE MOBILITE 374 3. STRUCTURES LOCALES ET ETABLISSEMENTS 379 4. DES PROMESSES ET DES QUESTIONS 381 ANNEXES Annexe 1: Le tableau postes/qualifications 385 Annexe 2: Le tableau situations de marché/qualifications 388 Annexe 3: Analyse des données 390 Annexe 4: Le fonctionnement du marché de l'emploi au niveau local: présentation de quelques études de cas 404 Annexe 5: Le bassin d'emploi de Neuchâtel, caracté- ristiques méthodologiques et description des échantillons et de l'espace d'application 410 BIBLIOGRAPHIE 419 VII TABLEAUX ET FIGURES TABLEAUX: Partie il PAGE 1. Comptabilité des emplois dans les diverses études 92 2. Comptabilité des individus dans les diverses études 99 3. Comptabilité des flux dans les diverses études 104 4. Synthèse des résultats 112 5. Stabilité et mobilité selon le secteur d'activité (enquêtes) 203 6. Structure des départs 206 7. Recrutements en premier emploi 208 8. Flux selon le niveau de qualification 209 9. Répartition spatiale des changements d'emplois 212 10. Répartition spatiale des recrutements effectués en Suisse 213 11. Coefficients de corrélation existant entre les différents types de flux 217 12. Tableau de corrélation entre variables de flux et variables de stocks 219 13. Tableau de corrélation entre variables de stocks et la structure des flux 221 14. Structure de l'emploi selon le secteur d'activité 224 15. Coefficients de corrélation entre catégories 226 16. Répartition des catégories dans les établissements 228 17. Structure moyenne des qualifications des établisse- ments de la région 230 18. Répartition des établissements selon la branche et l'intensité des changements d'emploi régionaux 234 19. Gestion empirique et gestion structurée 236 20. Politique d'emploi et rotation du personnel 253 21. Critères considérés pour établir la typologie des postes 264 22. Types d'établissements observés et escomptés selon la fonction remplie et la structure des qualifi- cations 299 Vili Partie III PAGE 1. Critères considérés pour établir la typologie des situations de marché 346 2. Importance relative des situations de marché dans l'échantillon 351 3. Situations de marché et types de postes 356 Annexes 1. Forme du tableau postes/qualifications 385 2. Importance relative de chaque variable du tableau postes/qualifications (enquêtes) 387 3. Importance relative de chaque variable du tableau situations de marché/qualifications (enquêtes) 388 4. Caractéristiques des études locales citées 406 5. Caractéristiques de l'échantillon 417 FIGURES: Partie II 1. Relations existant entre emplois et individus 105 2. Relations existant entre emplois et individus dans la région 109 3. Mouvement des individus et des emplois 111 4. Schéma du fonctionnement du marché de l'emploi 215 5. Chaînes de mobilité des semi- et non-qùalifiés- hommes 268 6. Chaînes de mobilité des semi- et non-qualifiës- f einlies 270 7. Chaînes de mobilité des qualifiés 272 8. Chaînes de mobilité des cadres 273 9. Une structuration possible des données 277 10. Présentation structurée de la typologie finale des établissements 286 Annexes 1. Evolution de l'emploi par secteurs d'activité 415 INTRODUCTION 3 INTRODUCTION 1. POTENTIEL REGIONAL ET MARCHE DE L'EMPLOI Les pays industrialisés se trouvent actuellement dans une phase particulière de la transformation des activités, que l'on a coutume d'appeler redéploiement. Celui-ci se caracté- rise principalement par le fait que "les exigences de la division internationale du travail déterminent la structure des spécialisations et les dynamiques différentielles des branches industrielles" (Philippe 1980, p. 6}. Plus généra- lement, le redéploiement implique, tant pour les systèmes régionaux que pour les systèmes nationaux, le captage, l'assimilation et la diffusion de technologies nouvelles, ainsi que la reconversion des activités existantes. Toutes les régions ne présentent pas les mêmes atouts ou les mêmes handicaps pour s'adapter, car la structure de leurs activités est différente. Il en est de même de leur environnement et de tout ce qui forme leur potentiel. Et un des éléments essentiels du potentiel des régions est constitué par leur marché de l'emploi, qu'il s'agisse de sa composition ou des mécanismes qui président è son fonc- tionnement. En effet, la taille, la structure et les carac- téristiques du marché de l'emploi sont des facteurs d'attrac- tion ou de rejet, tant pour la main-d'oeuvre que pour les entreprises: main-d'oeuvre qualifiée, personnel technique et d'encadrement, savoir-faire de la main-d'oeuvre, menta- lité industrielle, places d'apprentissage, possibilités d'avancement, niveau des salaires, conditions de travail, etc. La crise qui a débuté en Suisse en 1974 a touché particu- lièrement certaines branches d'activité et certaines ré- gions du pays, qui n'étaient d'ailleurs pas nécessairement les régions qu'on appelle périphériques. C'est en effet 4 surtout dans les régions qui étaient relativement spéciali- sées dans les industries du textile, de l'horlogerie et des machines que la chute de l'emploi a été la plus forte. Dans ce cas-là, elle n'avait plus seulement un caractère con- joncturel, mais accompagnait une modification profende des produits et/ou de l'appareil de production. Les changements gui sont survenus ont influencé l'organisation spatiale des activités et désarticulé les structures régionales du mar- ché de l'emploi. v Ces processus se sont, notamment traduits: - par l'existence de Jrtime-iags" entre la disparition d'emplois et la création (occasionnelle) d'emplois nou- veaux - par la forte émigration (par rapport à ces régions) de travailleurs qualifiés, que l'immigration de travailleurs même moins qualifiés ne parvenait pas à compenser - par la disparition d'emplois stables, de professions in- dispensables et de filières promotionnelles internes à certains établissements ou groupes d'établissements - par des situations où des licenciements dans un éta- blissement n'impliquaient pas nécessairement une amélio- ration de la situation dans les autres,-mais les met- taient parfois en péril. On ne parvient cependant à saisir les conséquences de ces événements que si l'on précise le contexte national dans lequel ils se sont déroulés: a) Entre 1973 et 197 7 , l'emploi total en Suisse a dimi- nué de 12,6% chez les hommes et de 10,5% chez les femmes, soit de plus de 300'000 emplois . Malgré cela, le taux 1) Période durant laquelle la crise a été la plus forte. 2) Voir OFIAMT 1980, chapitres 1 et 3 (3.1.). 5 de chômage est resté très faible (moins de 1% la plupart du temps}. Cette capacité d'adaptation considérée comme idéale résulte essentiellement du départ d'étrangers, de la sortie d'activité de femmes, de retraites anticipées et d'une diminution du nombre de prises de premier emploi. C'est ainsi que le nombre d'étrangers actifs au bénéfice d'un permis d'établissement ou de séjour a passé de 595'0OO en 1973 à 493'0OO en 1977. Cette diminution de 102'000 est le résultat de 135'0OO entrées et de 237'0OO départs. La comparaison avec la période 1969- 1972 (257'0OO entrées et 264'0OO départs) laisse suppo- ser que l'ajustement a surtout pu être réalisé à l'aide de la rotation habituelle des étrangers Il existe encore deux autres statuts dont peuvent béné- ficier des étrangers: le permis de saisonnier (séjour annuel de 9 mois au maximum) qui se termine à la fin de chaque année et ne peut être renouvelé que si les entre- prises parviennent à démontrer aux autorités leur be- soin et le permis de frontalier oü le travailleur étranger doit regagner son domicile tous les soirs. Ce type de permis concerne particulièrement quelques régions du pays: Bâle, Genève, Tessin et Jura. Le nombre des saisonniers, qui s'élevait à 194'0OO fin 1973, avait diminué de 127'0OO en 1977. Le nombre de frontaliers, qui avait atteint son maximum en 1974 seulement (111'00O), a diminué entre 1973 et 1977 de 12'000. Au total, on compte que 241'0OO emplois précédemment occupés par des étrangers ont été supprimés. D'autres emplois ont encore disparu. Le faible chômage qui en a résulté s'explique par la sortie d'activité d'un grand nombre de femmes, qui ne voulaient pas entrer au 1) Contrairement à ce que l'on dit souvent, il semble donc que la Suisse n'ait pas "exporté" beaucoup de "chômeurs". En revanche, elle a bel et bien réussi â exporter son "chômage". ' 6 chômage ou qui refusaient une mobilité géographique "rai- sonnable" et perdaient de ce fait leur droit aux presta- tions. Par'ailleurs, le nombre de nouvelles entrees en activité a diminué dans certaines catégories de la popu- lation: jeunes prolongeant leurs études ou choisissant des solutions alternatives à l'emploi et femmes mariées renon- çant à travailler. Il faut préciser à ce propos que l'entrée au chômage était sujette à des conditions relativement restrictives pour ceux qui n'avaient encore jamais occupé durablement un emploi. Enfin, de nombreux travailleurs ont bénéficié de retraites anticipées. Il est.difficile de quantifier précisément ces "modes d'ajustement". On sait simplement que le taux d'activité a passé de 48,4% en 1973 â 4'4,5% fin 1977. Cependant, le départ des étrangers a aussi influencé ce score (les saisonniers notamment ont par définition un taux d'activité de 100%). b) Depuis 1977, l'emploi a augmenté de nouveau et a permis S de nombreuses femmes de prendre ou de reprendre une acti- vité professionnelle. En revanche, il n'en a pas été de même pour les étrangers. C'est ainsi que la politique d'immigration qui a été poursuivie en Suisse depuis le début des années septante se caractérise par un contin- gentement (cantonal) très strict des nouvelles entrées. Les travailleurs qui sont partis n'ont de ce fait pas pu être remplacés dans leur totalité. On n'a d'ailleurs pour ainsi dire pas tenu compte du nombre d'emplois per- dus pour fixer ces contingents. c) Les petites régions que l'on considère en Suisse ne constituent pas des espaces fermés. Compte tenu de la proximité entre les régions, toute baisse d'emploi dans une région conduit davantage à des émigrations qu'à du chômage, du moins à moyen et à long terme. C'est bien ce qui s'est passé pour un grand nombre de travailleurs gé- néralement qualifiés, qui sont parvenus assez facile- 7 ment â retrouver un emploi attractif dans d'autres ré- gions moins touchées par la crise. Perdant leur main- d'oeuvre qualifiée, plusieurs régions ont vu diminuer en même temps leurs chances de parvenir à reconstituer leur appareil de production. Ce n'est donc pas en termes de chômage que se pose le problème du marché de l'emploi au niveau régional en Suisse, mais en termes de potentiel. On ne peut de ce fait pas re- courir aux indicateurs ni aux critères habituellement uti- lisés dans les analyses régionales. On se rapprocherait dé- jà plus de la réalité en examinant l'évolution du volume et de la structure de l'emploi. Mais, face au changement, c'est la capacité d'adaptation des systèmes régionaux qui devient centrale. Système de production et système de l'emploi sont intime- ment liés dans ce processus, les problèmes de 1'un suffi- sant à occasionner les difficultés de l'autre. Les exemples de modification des structures régionales du marché de l'emploi, qui ont été mentionnés au début, montrent à ce propos que le problème n'est pas seulement celui du volume de main-d'oeuvre ou de la présence ou de l'absence de cer- taines qualifications, mais bien un problème de structure et de fonctionnement. En conséquence, l'enjeu de la recherche dans le domaine du marché de l'emploi en Suisse se situe actuellement au ni- veau de l'élaboration de concepts et de méthodes d'analyse propres à ce contexte. Plus précisément, il s'agit de par- venir à identifier la structure et le fonctionnement du mar- ché dans ce qu'ils ont de caractéristique, afin de pouvoir agir de manière préventive, c'est-à-dire en augmentant la capacité d'adaptation des systèmes régionaux. 1) Cette notion est plus vaste que celle de marché de l'emploi et permet d'intégrer d'autres aspects essentiels, en particulier le système de formation. Voir Partie III, chapitre 3. 8 2. PRESENTATION DE L'ETUDE a) Pour atteindre cet objectif, il est évidemment indispen- sable de disposer de certaines bases théoriques. A ce propos, il faut préciser d'emblée que la théorie de la polarisation, qu'on retrouve pourtant dans la probléma- tique exposée dans la section précédente, n'a pas du tout été abordée ici. En effet, l'approche théorique qui a été effectuée ici a porté uniquement sur le domaine du marché de l'emploi, afin d'examiner dans quelle mesure les théories existantes pouvaient être appliquées au niveau régional et aider à comprendre et à expliquer ce qui se passe dans la réalité. Il s'agissait donc de rechercher si d'autres approches spécifiques à ce do- maine pouvaient apporter une perspective plus riche que la théorie de la polarisation, mais compatible avec elle. C'est dans cet esprit qu'a été réalisée la première par- tie. Apres avoir présenté le modèle classique (chapitre 1), on a examiné quelques-unes des multiples critiques qui lui ont été faites (chapitre 2). On est ainsi arrivé a la conclusion que le modèle classique ne s'appliquait qu'à un cas tout à fait particulier. Les diverses cri- tiques qui ont été retenues ont permis de présenter en même temps d'autres approches. Les réponses néo-classiques les plus récentes sont ainsi apparues comme intéressantes, en ce sens qu'elles permettent de mieux décrire la réa- lité. Mais les approches nouvelles ont finalement toutes été strictement ramenées au modèle concurrentiel et généralisées de manière à conserver au modèle son caractère universel. D'autres courants de pensée ont montré qu'il existait d'autres modes de fixation des salaires (insti- tutionnels et par la politique de certaines gran- ii Compte tenu de la taille des régions suisses, on peut pratiquement assimiler le niveau régional au niveau local (bassin de main-d'oeuvre). Les deux termes ont été utilisés dans cet ouvrage. 9 des entreprises) et d'allocation (marchés internes et segments-chaînes de mobilité) que ceux postulés dans le modèle concurrentiel, ce qui confirmait la nécessité d'une approche théorique différente. Ceci ne veut pas dire - même si certains auteurs l'ont écrit - que tous les élé- ments de ce modèle doivent être rejetés, mais que chaque apport nouveau doit être resitué dans son contexte et re- lativisé compte tenu de la diversité des problèmes ren- contrés. Il suffit d'un tel changement dans l'état d'esprit des néo-classiques pour que les oppositions théoriques actuelles (où tout le monde a à la fois raison et tort, â quelques nuances près) se transforment en coopération (complémentarité). Ceci n'étant pas encore le cas, c'est à l'examen de théories alternatives, mettant en avant les marchés internes et la politique d'emploi des entre- prises sur le plan micro-économique (chapitre 3) et l'existence de segments au niveau macro-économique (cha- pitre 4), qu'a été accordée la plus grande place dans cette partie. Des réserves importantes ont cependant aussi été faites au sujet de ces approches, dans la me- sure où des confusions, des imprécisions ou des générali- sations abusives ont été fréquentes. C'est finalement plus un esprit et quelques concepts qu'on a pu retenir: le rôle des entreprises sur le marché, leur politique d'emploi (formation, promotion et recrutement, inclusion et exclu- sion), les flux de main-d'oeuvre orientés qui en résultent, l'existence de chaînes de mobilité et leur incidence sur la structure du marché, la non-convergence des processus et l'interdépendance entre offre et demande d'emploi. 10 b) C'est dans la deuxième partie, la plus longue, que les implications de ces hypothèses sur plusieurs études lo- cales ont été examinées. Les analyses de flux ont.ainsi .apporté des résultats fort importants. Afin de pouvoir les comparer, mais aussi de proposer un modèle de struc- turation de données statistiques, dont on pourrait dis- poser une fois (il s'agit en fait surtout d'un problème politique), un schéma pour une comptabilité locale de l'emploi a été proposé (chapitre 2). La proximité qui existe entre la notion de potentiel et celle de capacité fonctionnelle du marché du travail (D. Marx 1975a) expli- que la présentation de deux études réalisées en Allemagne (chapitre 3). Mais c'est surtout aux études qui ont porté directement ou indirectement sur le rôle de l'entreprise et l'existence de chaînes de mobilité qu'a été consacrée cette partie (chapitre 4). Les diverses approches exami- nées ont toutes contribué à préciser la démarche à suivre pour parvenir à appréhender simplement la structure et le fonctionnement du marché de l'emploi. On a en particulier distingué des types de postes de travail qui remplissent des fonctions différentes sur le marché (formation, inser- tion, stabilisation, etc.), des enchaînements de postes qui forment (en termes probabilistes) des chaînes de mo- bilité et des regroupements de postes relativement ty- piques au sein de certains établissements (typologie des établissements). L'instrument analytique consiste alors en la mise en relation d'établissements de types diffé- rents dans le système régional étudié. Les résultats obtenus dans l'étude sur Neuchâtel vont tout à fait dans le môme sens, mais poussent la réflexion plus loin sur le plan analytique et méthodologique, en montrant en particulier que la démarche à utiliser varie selon la nature de l'espace et la structure des localisations (chapitres 5 et 6). 11 c) Lorsque l'espace joue un rôle important, c'est-à-dire que le tissu industriel est fortement dispersé et que cer- taines entreprises plus grandes parviennent à utiliser leur situation sur le marché ä leur profit, le concept de chaînes de mobilité perd de sa pertinence. Il faut alors s'intéresser beaucoup plus à ce qui se passe à l'intérieur de la région, c'est-à-dire S la dimension spatiale des politiques d'emploi des entreprises et â la structure des localisations. C'est à cette problématique qu'est consacrée la troisième partie. Après une analyse plutôt théorique (chapitre 1), une application est tentée sur la base des résultats de l'étude sur Neuchâtel (cha- pitre 2). La comparaison des résultats des deux approches qui ont été menées (typologie des établissements et si- tuations de marché) montre que, dans le cas précis, l'espace ne joue pas un rôle essentiel, même s'il permet de mieux comprendre certaines situations qui semblaient à première vue paradoxales. Fondamentalement, les deux approches ont montré leur complémentarité, mais l'accent à mettre sur l'une ou l'autre dépend du contexte de l'espace et des objectifs de l'étude. Une réflexion relative aux dimensions locales et spatiales du marché de l'emploi, au problême des frontières que l'on veut toujours tracer et au concept de système local de l'emploi conclut cette partie (chapitre 3). d) La notion de structures locales du marché de l'emploi a constitué la ligne directrice de toute la démarche. C'est donc tout naturellement par un rappel de la manière dont ces structures se manifestent et dont elles devraient être analysées que se termine cet ouvrage. PARTIE I. A LA RECHERCHE D'UNE THEORIE, OU LES CONTROVERSES STERILES DE FRERES ENNEMIS 15 CHAPITRE I; LE MODELE CLASSIQUE DU MARCHE DU TRAVAIL 1.1. LA PLACE DU MARCHE DU TRAVAIL DANS LE MODELE CONCURREN- TIEL La notion de marché est à la base de la théorie économique traditionnelle. Une économie est analysée comme un système de marchés en relation les uns avec les autres. Toute modi- fication de l'un de ces marchés influence ce qui se passe sur tous les autres. On distingue fondamentalement deux types de marchés: le marché des produits et le marché des facteurs. Sur le marché des produits, le consommateur retire une satisfaction optimale lorsque le taux marginal de substi- tution entre biens est égal au rapport de leur prix, sous la contrainte de son budget. Sur le marché des facteurs, le chemin d'expansion d'une firme correspond à la situation ou le taux marginal ae substitution entre facteurs est égal au rapport de leur productivité marginale en valeur. Le profit maximal est atteint si la productivité marginale de chaque facteur est égale à son prix. Le passage entre les deux types de marchés est effectué par la transforma- tion des facteurs en produits, d'où résultent les courbes d'offre des biens. Pour définir les courbes d'offre des facteurs, il faut en- core tenir compte des mécanismes du marché des capitaux et de l'arbitrage que fait chaque individu entre le travail et les loisirs, compte tenu de l'utilité marginale de chacun des modes d'allocation de son temps. Chaque courbe d'offre ou de demande au niveau global est formée par l'addition des courbes individuelles. Toute modification sur l'un des mar- chés influence le niveau d'équilibre sur tous les autres. Les mécanismes du marché sont cependant tels qu'un nouvel 16 équilibre est atteint automatiquement. Le facteur travail apparaît dans deux processus d'allocation: a) Le premier a trait ä l'allocation du travail par rapport aux autres facteurs de production (fonction de production, qui implique une combinaison optimale entre les facteurs). C'est le marché des facteurs. b) Le second concerne le marché du travail proprement dit, c'est-a-dire celui oü la demande de travail issue des entreprises est confrontée à l'offre de travail des in- dividus. C'est uniquement a l'examen de ce second type d'allocation qu'est consacrée cette étude. 1.2. LE FONCTIONMEMENT DU MARCHE DU TRAVAIL DANS LE MODELE CLASSIQUE Le mode de fonctionnement du marché du travail est stricte- ment calqué sur celui du marché en général. La formulation classique de la théorie du marché du travail se trouve chez Adam Smith : "The whole of the advantages and disadvantages of the diffe- rent employments of labour and stock must, in the same neighborhood, be either perfectly equal or continually ten- ding towards equality. If, in the same neighborhood, there was any employment evidently either more or less advantageous than the rest, so many people would crowd into it in the one case, and so many would desert it in the other, that its ad- vantages would soon return to the level of the other employ- ments. This at least would be the case in a society where things were left to follow their natural course, where there was perfect liberty, and where every man was perfectly free both to choose what occupation be thought proper, and to chan- ge it as often as be thought proper. Every man's interest would prompt him to seek the advantageous, and to shun the disadvantageous employment." (Smith 1776, p. 201) 1) Dans le chapitre "Of Wages and Profit in the Different Employment of Labour and Stock" de la "Richesse des Nations" (Wealth of Nations ). 17 Cette conception, qui ne s'est guère modifiée depuis lors, contient l'essentiel du modèle de fonctionnement du marché du travail dans l'hypothèse de concurrence pure et parfaite. C'est un modèle entièrement déterministe, où les lois éco- nomiques sont extrêmement contraignantes. En effet, lorsque les conditions de travail sont différentes entre entreprises ou qu'elles se modifient quelque part (a la suite de changements de l'offre ou de la demande de biens, ou d'évolutions différentes de la productivité ou de la production), la main-d'oeuvre quitte les occupations moins favorables et tente d'être embauchée là où les con- ditions sont meilleures, et ceci jusqu'à ce qu'un nouvel équilibre soit rétabli. 1.3. LES HYPOTHESES DU MODELE Pour que le marché du travail fonctionne selon ce modèle, il faut que les conditions suivantes soient satisfaites : a) Homogénéité du travail Les biens apportés par les vendeurs sur le marché (le travail) sont considérés comme identiques (homogènes) par les acheteurs. Ceci signifie que les travailleurs sont parfaitement interchangeables (substituables). Il n'y a aucune discrimination en fonction de caracté- ristiques personnelles. b) Atomicité des offres et des demandes Les offreurs et les demandeurs sont très nombreux et de petite taille, de sorte qu'aucun d'entre eux ne peut, par son intervention, modifier le prix du marché. c) Transparence du marché Chaque agent est au courant de toutes les données du marché du travail. Ceci signifie que l'offreur de tra- vail connaît tous les emplois possibles et les avantages 18 liés a chacun d'eux. A l'inverse, le demandeur de tra- vail dispose d'informations sur chaque travailleur (réel ou potentiel) et sur les avantages (en termes de pro- ductivité marginale) qu'il est susceptible d'apporter. d) Liberté d'action des agents L'entreprise choisit librement les travailleurs qu'elle' veut engager et le travailleur choisit librement l'entre- prise dans laquelle il désire être embauché. Il n'y a donc aucun obstacle au bon fonctionnement des mécanismes de marché. e) Comportement concurrentiel Le salaire constitue la dimension centrale sur laquelle repose la rationnalité commune à l'offre et à la demande. L'individu (offreur de travail) cherche à maximiser son utilité. Il est prSt à prendre un travail plus attractif lorsqu'il en existe un. Ceci signifie que les travailleurs sont parfaitement mobiles. La mobilité du travail consti- tue dans ce cas une condition pour un fonctionnement du marché du travail conforme au cadre concurrentiel. Mais elle devient aussi une conséquence des autres hypothèses, dans la mesure où leur réalisation implique nécessaire- ment la mobilité de la main—d'oeuvre. Les entreprises pour leur part doivent chercher à maxi- miser leur profit/ c'est-à-dire qu'elles ne doivent employer des travailleurs qu'aussi longtemps que leur pro- ductivité marginale dépasse leur coût marginal. Si toutes ces conditions sont satisfaites, le mécanisme des prix permet de tendre constamment vers un équilibre parfait tant pour les individus que pour l'ensemble de l'économie. Cet équilibre se traduit par un taux de salaire unique/ autrement dit par le fait que la productivité de tout tra- vailleur est similaire et que son utilisation â des fins productives est optimale. Chaque individu retire de son 19 travail un bénéfice maximal, compte tenu de sa courbe de préférence entre le travail et les loisirs. Il n'y a donc pas de chômage, puisque chacun travaille jusqu'au point où le revenu marginal de son travail est égal au taux margi- nal de substitution entre travail et loisir. Pour certains travailleurs, le niveau des salaires peut être très faible pour compenser la désutilité de la plus pe- tite quantité de travail. Ils n'entrent alors pas sur le marché. A. Smith ne se faisait cependant guère d'illusions quant aux rapports de force entre entrepreneurs et ouvriers: "The master being fewer in number can combine much more easily... In all disputes, the masters can hold much longer." (Smith 1776, p. 169). Plusieurs "paradigmes" contradictoires - et pas seulement le modèle de la concurrence pure et par- faite - peuvent de ce fait se référer aux écrits de A. Smith. I) Ce terme a été défini par T.S. Kuhn (1962). 21 CHAPITRE 2: LE MODELE CONCURRENTIEL SOUS LE FEU DE LA CRITIQUE 2.1. INTRODUCTION Compte tenu du caractère extrêmement restrictif des hypothè- ses nécessaires pour que le modèle concurrentiel fonctionne, il n'est pas surprenant que des critiques aussi nombreuses que variées lui aient été adressées. Ces critiques sont le plus souvent le fait de certaines écoles de pensée, dont les contributions méritent d'être signalées. En conséquence, ce chapitre a été organisé de manière à faire apparaître les limites du modèle concurrentiel à travers les critiques et concepts d'auteurs marquants de la littérature économique. Les principales hypothèses du modèle ont servi de fil di- recteur à la présentation. Deux aspects ne sont qu'effleurés ici, car leur importance a nécessité une analyse séparée: les marchés internes et les théories de la segmentation. 2.2. CRITIQUES 'h L'HYPOTHESE D'HOMOGENEITE DU TRAVAIL 2.2.1. Groupes et classes Le caractère peu réaliste de cette première hypothèse a été mis en évidence depuis fort longtemps. J.S. Mill a d'abord reconnu l'existence de classes ("grades" ou niveaux) telle- ment différenciées que l'on pourrait parler de castes: "So complete, indeed, has hithertoo been the separation, so strongly marked the line of demarcation between the diffe- rent grades of labourers, as to be almost equivalent to a hereditary distinction of caste." (Mill 1848, p. 387). J.E. Cairnes, constatant que les possibilités de concurrence entre travailleurs sont limitées "for practical reasons to a certain range of occupations", exprime explicitement l'existence de groupes non concurrents: 22 "We are thus compelled to recognize the non-competing groups as a feature of our Social Economy" (Cairnes ¦ 1874, p. 68). Les principaux obstacles à la mobilité sont pour Cairnes comme pour Mill l'insuffisance de moyens financiers des classes non possédantes pour pouvoir acquérir une formation et accéder à une classe supérieure. L'approche de la théorie des groupes non compétitifs a con- nu un regain d'intérêt dans les années 50, sous l'effet du courant institutionnel conduit par C. Kerr et J.T. Dun- lop, et plus récemment au travers de l'approche dualiste 21 introduite par P. Doeringer et M. Piore Enfin, il faut signaler que l'existence de classes est au centre même de l'analyse de K. Marx. L'intérêt principal de son approche consiste à mettre en évidence le rule du systè- me de production (en l'occurrence du système capitaliste) sur la création de divisions au sein de la population plu- tôt que d'en rechercher les causes au niveau de la seule force de travail. La division constatée de la classe ouvrière est donc endo- gène au système de production. Cette analyse est à la base des travaux des économistes ra- dicaux relatifs à la segmentation du marché du travail 2.2.2. Les réponses néo-classiques Au début du siècle, les marginallstes avaient déjà tenté de trouver une explication économique à l'existence de groupes non concurrents. Ils pensaient que le bas niveau des sa- laires de certains groupes d'individus, qui résulte de leur place dans le système de production (ils sont rémunérés à leur productivité marginale), a pour conséquence qu'ils ne disposent pas d'un "fonds de réserve" suffisant. Ceci les oblige â accepter des conditions d'emplois souvent diffi- li Voir chapitres 2 (2.5.3.) et 3 (3.1.1.). 2) Voir chapitre 4 (4.4.). 3) Voir chapitre 4 (4.3.). 23 ciles et empêche les parents d'investir suffisamment dans l'éducation des enfants (Marshall 1909). Les marginalistes sont cependant tous convaincus que les progrès de la société tendent à atténuer les barrières entre groupes. Plus récemment, les réponses des néo-classiques, qui in- tègrent leur interprétation particulière des faits sociaux, sont apparues sous trois formes: a) Le marché du travail est constitué d'une multitude de sous-marchés complémentaires , dont la differentiation est liée à la qualification, donc en général â la forma- tion des travailleurs. Les déséquilibres qu'on peut ob- server sur le marché sont alors imputables au temps né- cessaire pour changer de profession et acquérir la nou- velle formation. Le calcul individuel du taux de rende- ment de l'éducation garantit le retour à l'équilibre. b) La théorie du capital humain constitue un prolongement du premier point (Fisher 1906). Il est admis que les in- dividus investissent eux-mêmes dans leur formation. Le choix de l'investissement est effectué sur la base de la comparaison entre les coûts d'acquisition de la forma- tion et la rémunération future escomptée. Le calcul des coûts, donc le montant investi, est influencé par les caractéristiques de l'offreur et par ses capacités fi- nancières. Dans la mesure où la formation est censée accroître la productivité du travailleur, la rémunération offerte augmente en parallèle et explique l'existence d'une hiérarchie des salaires. 1) La complémentarité des catégories ne remplace que partiellement l'hypothèse de substituabilité des travailleurs, car celle-ci s'appli- que toujours à l'intérieur de chacun des sous-marchés. 24 G-S. Becker (1964) a élargi ce schéma en introduisant le cas où les coûts d'acquisition de la formation sont pris en charge par l'entreprise (formation spécifique )• "L'intérêt de cette approche réside dans l'introduction d'une variable relative à la "qualité" du travail et dans le rapprochement entre la formation et l'emploi. Tout se passe cependant dans la stricte logique du marché, lequel garantit d'ailleurs le maintien de l'équilibre. Les hypothèses du schéma n'ont cependant pas encore pu être 2) 3) 2) testées ,et ceci malgré de multiples tentatives dans ce sens c) L'existence de différences permanentes entre les niveaux de salaires, selon la race et le sexe notamment, a con- duit au développement de la théorie de la discrimination (Becker 1957), dont l'objectif consistait à intégrer l'effet des facteurs sociaux sur les comportements écono- miques et à dépasser la seule vision en termes d'imper- fections du marché (Arrow 1973, p. 4) '. Il s'agit en l'occurrence d'expliquer des différences de salaires entre travailleurs ayant une même productivité et la concentration d'individus présentant des caracté- ristiques données sur certains postes de travail. Becker introduit ainsi la notion de "goût pour la discrimination". L'employeur qui accepte d'embaucher une femme ou un Noir supporte un coût supplémentaire du fait de sa préférence sociale pour les hommes ou les Blancs. Ceci le conduit à offrir des salaires plus faibles. Un raisonnement similaire est tenté pour les salariés blancs, qu'il faut payer davan- tage pour qu'ils travaillent avec des membres de ces mino- rités. L'introduction de ce "goût" dans la fonction d'uti- li Opposée à la formation générale. 2) Voir p.ex. la critique de J.C, Eicher (1979). 3) Une présentation en est faite par M. Riboud (1978). 4) D'autres approches ont tenté de poursuivre dans la voie ouverte par G.S. Becker pour remédier aux insuffisances de son modèle. Elles sont fort bien présentées par M. Reich (1981). 25 lite permet d'expliquer la correspondance étroite entre certains emplois et certains groupes d'individus. Mais aucune tentative n'est effectuée pour expliquer l'existen- ce de ce "goût", qui reste donc entièrement exogène. Les règles de fonctionnement demeurent aussi dans ce cas celles du modèle concurrentiel. On reprochera enfin â cette approche de justifier économiquement certaines pratiques sociales. 2.3. CRITIQUES A L'HYPOTHESE DE TRANSPARENCE DU MARCHE 2.3.1. La reconnaissance empirique de la non-transparence La transparence du marché est, comme toutes les autres hypo- thèses, indispensable au bon fonctionnement du marché du travail. La mobilité géographique et/ou professionnelle ne peut corriger un déséquilibre que si les individus sont in- formés sur les emplois disponibles et sur leurs caracté- ristiques. Toutes les études réalisées dans ce sens dé- montrent que les informations dont disposent les agents sont extrêmement fragmentaires. Dans son étude sur le marché du travail de New Haven, L.G.Rey- nolds (1951, p. 84) a constaté que seul un quart des tra- vailleurs pouvait nommer une entreprise dans laquelle ils iraient chercher, le cas échéant, un autre emploi, alors que 40% étaient capables de citer une entreprise dans laquelle ils n'iraient pas travailler. Il est ensuite apparu que même pour ces individus, les sour- ces d'informations étaient souvent informelles (amis ou pa- rents dans plus de 50% des cas) et ne donnaient donc pas l'image de l'ensemble des possibilités existant au sein du marché du travail. Les résultats de l'étude sur Augsburg ont conduit à des observations similaires, puisque 55% des individus inter- rogés ne connaissaient pas de "meilleure" entreprise que la 1) Lutz et al. 1972 et 1973. Voir aussi le tableau de l'Annexe 4 (1). ¦ 26 leur et que seul un travailleur sur quatre pouvait nommer l'entreprise qui offrait les salaires les plus élevés. Et encore s'agissait-il dans 50% des cas de sa propre entre- prise (Weltz 1971, pp. 22-28). Ceci confirme que les individus ne sont que fort mal infor- més sur les aspects négatifs de leur emploi actuel et sur les éléments attractifs d'autres emplois. Ils n'ont d'ailleurs pas davantage l'impression d'être dans un marché du travail, puisqu'ils ne connaissent qu'un nombre très limité d'autres emplois (Reynolds 1951, p. 85) et qu'ils n'ont guère conscien- ce des tendances générales de l'évolution de la structure des activités. Ils ne parviennent souvent pas à distinguer les branches dynamiques de celles qui sont confrontées â de gran- des difficultés {Weltz 1971, pp. 23s). Ces résultats,s'expliquent aisément par l'absence d'un système d'information centralisé, qui seul parviendrait à réunir toutes les informations nécessaires. Les Offices du travail ou autres Agences pour l'emploi ne sont que partiel- lement utilisés par les entreprises, parce qu'elles préfè- rent, si aucune candidature spontanée.ne leur convient, recru- ter par la voie de la presse {Paris 1973, p. 174j Vincens 1974, pp. 48s) ou par le biais de leur personnel. Dans le cas d'un recrutement par voie d'annonce, le champ couvert est large, mais l'information fournie demeure incomplète et a souvent une connotation plus publicitaire qu'informative (Vincens 1974, p. 50). La transmission d'informations par l'intermédiaire des amis présente en revanche l'avantage de renseigner sur des éléments utiles aux travailleurs (nature du travail, climat, etc.) et de faciliter leur intégration (Gravenotter 1974, p. 13; Vincens 1974, pp. 50-51). Il ne s'agit cependant en aucun cas d'une information par- faite. L'existence de marchés internes du travail nuit également à la transparence du marché. 1) Voir chapitre 3 - 27 En résumé, on observe qu'aucun des partenaires n'a véritable- ment la possibilité, ni d'ailleurs la volonté, de disposer d'une information parfaite. 2.3.2. Les réponses néo-classiques Pour les économistes néo-classiques, 1'imperfection de 1'in- formation a été traitée en termes de coûts. Ceci signifie que le marché doit être divisé en sous-marchés au sein des- quels les coûts de l'information sont faibles et les méca- nismes du marché peuvent fonctionner. Plus récemment, le caractère imparfait de l'information et l'incertitude qui en résulte pour la connaissance des emplois et des salaires, ont été repris dans la théorie du "Job Search", laquelle s'inscrit dans l'ensemble des travaux sur la "New Microeconomics" (Phelps 1970). Cette théorie part du fait que toute recherche d'informations représente un coût, que les échangistes intègrent dans leur calcul économique. Les individus vont donc souvent investir dans une activité de recherche plutôt que d'accepter le premier emploi offert. La décision d'embauché survient lorsque le coût marginal d'une recherche supplémentaire correspond au gain marginal de l'emploi obtenu. De son côté, la firme peut aussi attendre avant de repourvoir un emploi vacant. On admet qu'elle sé- lectionne la main-d'oeuvre j usqu'à ce que la productivité marginale du travailleur qui se présente est égale au coût représenté par la vacance de l'emploi. Dans ces cas, on assiste à une utilisation rationnelle du temps. On explique de la sorte l'existence simultanée d'emplois vacants et. de chômeurs volontaires: c'est le caractère frictionnel du chOmage. Cette approche contient dans son esprit plusieurs éléments importants: non-homogénëitë de l'offre de travail, rôle de l'environnement social et familial sur le comportement des individus, interdépendance des stratégies des offreurs et des demandeurs, reconnaissance que le marché du travail 28 est composé d'un ensemble de flux variant selon la conjonctu- re et le pouvoir contractuel des partenaires et constatation du caractère aléatoire des rencontres, vu l'opacité de l'in- formation et l'existence induite de barrières sur le marché. Mais, au lieu de rester à ce niveau, plusieurs auteurs ont cherché à en faire un modèle universel. Or, on a pu montrer que les chômeurs qui peuvent être considérés comme "chômeurs volontaires" sont peu nombreux et que tout changement d'emploi n'implique de loin pas toujours le passage par le chômage. D'une manière générale, on a dû constater que le "Job Search" est finalement devenu un simple "satellite" du modèle con- currentiel, dans lequel le salaire reste en fin de compte l'unique base de référence. 2.4. CRITIQUES A L'HYPOTHESE DU COMPORTEMENT CONCURRENTIEL DES AGENTS 2.4.1. Le salaire: une variable parmi d'autres Le débat relatif au rôle du salaire est très nourri, car il s'agit du point central du modèle concurrentiel. Dans un premier temps, les auteurs ont examiné si les salaires jouent un rôle déterminant pour tout ou partie du marché du tra- vail, ou si d'autres éléments sont priorisés et influencent t significativement les comportements des agents. De nombreuses études ont ainsi montré que le comportement des travailleurs sur le marché résulte de motivations diver- ses (facteurs répulsifs ou attractifs: rémunération, condi- tions de travail, insécurité de l'emploi, inadaptation de la formation, ambitions intellectuelles), mais qu'il est aussi influencé par une propension à ne pas changer d'emploi. A ce propos, on peut citer certaines contraintes extérieures (notamment la charge d'une famille, les dettes liées à la 1) En Allemagne, Windolf et Weirich (1980) ont évalué leur nombre à 8 - 10* du total des chômeurs. 2) P.ex. Reynolds 195Ij Ingham 1970; Weltz 1971; Destefanis/Vasseur 1974. 29 construction d'une maison, etc.), l'impression d'impuissance, les possibilités de changement au sein de l'entreprise, et la crainte de l'inconnu et l'attachement à l'employeur. Il faut aussi tenir compte de mécanismes psycho-sociologiques,tels que l'image d'une profession . Enfin, il faut que le chan- gement soit possible {acquisition de compétences nouvelles). De surcroît, ces divers facteurs n'exercent pas la même influence sur tous les individus: "Les uns tiennent compte des salaires en monnaie, d'autres des avantages en nature, des conditions de travail, du prestige ou de la considéra- tion sociale, les uns s'intéressent uniquement aux gains immédiats, d'autres songent à la retraite." (Marchall/Le- caillon 1958, p. 34). Il est donc impossible d'appréhender 2) les comportements des individus à l'aide d'une seule variable 2.4.2. Les réponses néo-classiques Les économistes néo-classiques ont évidemment tenté d'in- tégrer tous ces éléments dans leur problématique, en les transformant en un rapport coOt/bénéfice. Dans cette concep- tion, un changement d'emploi survient lorsque la somme des avantages dépasse celle des inconvénents. L* individu de- meure à la base des comportements sur le marché du travail. Les critères considérées sont simplement beaucoup plus nom- breux que dans le modèle concurrentiel, mais demeurent dans le cadre d'une certaine rationnalité, qui est simplement liée à des échelles de préférence différentes. On parvient ainsi à fournir une explication du comportement des individus, mais pas à intégrer dans le raisonnement les causes de ces représentations subjectives. Il faudrait pour cela faire appel à des facteurs socio-économiques globaux, souvent différents de la somme des comportements individuels. D'ailleurs, même si tous les facteurs pouvaient être traduits en termes de coûts (ce qui est loin d'etre évident), cela ne 1 JC1RSt le cas p.ex. pour les professions d'employés par rapport à celles d'ouvriers, dont le prestige est supérieur malgré des salaires; souvent inférieurs. 2) Il est également intéressant de se référer au concept de "World Views" et aux conséquences qu'en tire Ch. Sabel (1982). 30 signifierait pas encore que le modèle concurrentiel aurait gardé sa validité. Il servirait simplement à formaliser une partie de l'analyse. Son pouvoir explicatif en revanche de- meurerait très faible, car une analyse socio-économique préa- lable aurait dans tous les cas été nécessaire. Ceci montre la nécessité d'inverser la démarche: le modèle n'existe pas a priori, mais permet a posteriori de formaliser certains résultats et de mieux comprendre certains processus. 2.4.3. La découverte de l'entreprise comme agent Les développements précédents montrent que les causes de la mobilité des travailleurs ont le plus souvent été re- cherchées du côté de l'offre de travail. Du côté de la demande de travail, les premiers travaux dignes d'attention datent de 1946. Des auteurs américains, parmi lesquels Lester et Reder (Lester 1946a et b; Reder 1955 et 1959) ont montré l'absence quasi générale d'un prix unique pour un même type de travail. C'est la théorie "du marché naturel": des salaires différenciés existent mSme sans coa- litions. Ces différences sont encore renforcées par la prise en considération des prestations non salariales. Il apparaît ainsi que les entreprises ont des comportements salariaux différents; certaines pratiquent de hauts salaires, alors que dans d'autres les rémunérations sont plus faibles. Ces travaux ont été les premiers qui ont pris en considéra- tion les politiques d'emploi des entreprises. Il apparaît ainsi déjà que "l'entreprise est une organisation qui doit assurer sa survie, qui adopte des attitudes spécifiques face â ses rivaux, qui traverse des phases conjoncturelles diffé- rentes et dont les objectifs ne sont plus seulement la maxi- misation du profit." (Gambier 1978a, p. 346). Hais ce n 'est que lorsqu'on a vraiment pris conscience du pouvoir économique des grandes firmes et de leur capacité d'utiliser l'espace à leur profit que des progrès no- tables ont été réalisés dans ce domaine. 1) Voir Partie III, chapitre 1. 31 2.5. OBSTACLES A LA MOBILITE ET SEGMENTATION 2.5.1. La nature des critiques Dans l'exposé des hypothèses, la mobilité des facteurs a été présentée d'une part comme une condition pour un bon fonc- tionnement du marché du travail selon le modèle concurren- tiel. D'autre part, la mobilité est aussi apparue comme une conséquence découlant des autres hypothèses. Cette deuxième conception a eu de très fortes répercussions politiques. En effet, l'augmentation de la mobilité géographique ou pro- fessionnelle a été proposée dans pratiquement tous les pays occidentaux, durant une certaine période tout au moins, com- me la solution à l'existence de déséquilibres sur le marché du travail. Les critiques faites à cette conception sont â la base de plusieurs analyses locales et d'une importan- te réflexion relative à une réorientation de la politique régionale dans le sens de la valorisation et de la dynami- 2) sation de potentiels régionaux de développement . Elles ont aussi conduit certains auteurs marxistes à un "plaidoyer pour l'immobilité collective" {p.ex. de Gaudemar 1975 et 1976). La première conception de l'hypothèse de mobilité parfaite a surtout eu des incidences théoriques: mobilité forcée pour les marxistes, règles institutionnelles d'allocation et de rémunération pour les "institutionnalistes", barrières à l'entrée et segmentation pour les "segmentaristes". Les néo- classiques enfin ont proposé la constitution de sous-marchés (géographiques et catégoriels notamment), au sein desquels les mécanismes de marché continuent de fonctionner. 2.5.2. La problématique marxiste: la mobilité forcée Le déterminisme économique sous-jacent à la problématique marxiste - dépendance totale de la main-d'oeuvre par rapport au système de production - a donné lieu au concept de "mobilité forcée". La mobilité du travail est alors soumise aux con- traintes et au rythme de l'accumulation du capital, dont les 1) Voir Partie II, chapitres 3 et 4 et Annexe 4. 2} Held/Maillat 1.983, (Partie I, chapitre 10 et Annexe 5). 32 fluctuations conduisent à un processus d'absorption et de re- foulement de la main-d'oeuvre par les entreprises. Ceci sig- nifie que les individus sont soumis à une logique (celle du système capitaliste) qui n'est pas socialement maîtrisée (Aglietta 1978). .2.5.3. Le courant instltutionnaliste Le courant institutionnaliste est apparu aux U.S.A. à la fin des années quarante. Il coïncide avec une période oü les né- gociations collectives de travail ont été institutionnalisées et réglementées (notamment par le "Wagner Act" de 1935 et par le "Taft-Hartley Act" de 1947). C'est aussi une période où l'on a assisté au développement de syndicats nationaux de branche, pour répondre à la concentration des entreprises et à l'éclatement spatial de leurs activités. Le courant insti- tutionnaliste est d'ailleurs issu de travaux dans le domaine des relations industrielles plutôt que d'analyses économi- ques . A.M. Ross (1948) a ainsi signalé que certaines institutions entravent le libre fonctionnement du marché du ¦travail et le remplacent par des règles définissant l'allo- cation des travailleurs et le niveau des salaires. C. Kerr, observant la situation dans la baie de San Francisco, a montré que les mécanismes de marché ne fonctionnaient guère que dans ce qu'il appelle le "structureless market", c'est-à- dire celui des travailleurs non-qualifiés, pour lesquels les différences de salaires expliquent la mobilité ("The only nexus is cash", Kerr 1954, p. 24). Hais pour Kerr, le marché est très fortement structuré, essentiellement sous l'effet de règles institutionnelles. Ces règles créent des marchés internes, pour lesquels le marché externe ne consti- tue qu'un lieu où puiser et rejeter de la main-d'oeuvre. Les marchés sont structurés, en ce sens que les travailleurs appartenant à un marché interne ont plus de droits et de possibilités que les autres. Ils occupent donc une sorte de 1) La théorie keynésienne, supposant les salaires rigides à court terme - et notamment à la baisse - reconnaissait bien le rôle des syndicats, mais elle n'a pas eu sur ce plan une grande influence sur l'analyse du fonctionnement du marché du travail. 33 "territoire" protégé et contrôlé '. Les marchés internes présentent deux formes fondamentalement différentes, dont l'importance relative varie selon le lieu et dans le temps: - "Craft Labor Markets" ou "Guild system": Ce premier groupe comprend les travailleurs qui sont membres des syndicats locaux ("craft unions") et qui occupent un emploi contrôlé 2} par eux - "Plant Labor Markets" ou "Manorial system": Cette catégorie comprend les marchés internes aux entreprises, constitués par un ensemble de règles qui régissent l'allocation et la rémunération de travailleurs non liés à un syndicat local au sein de l'entreprise. L'allocation des travailleurs aux postes montre le caractè- re interne de ces deux types de marchés: - Dans le "Craft Labor Market", l'accès ne s'effectue que par l'entrée au syndicat. Celle-ci est réglementée et consiste notamment en l'acquisition d'une qualification. Une fois entré, le travailleur peut se déplacer facilement au sein du marché, car les conditions de travail, les salaires et les qualifications requises sont pratiquement uniformes et les informations sur les places vacantes excellentes. La mobilité entre entreprises est donc horizontale. La sécuri- té de l'emploi résulte du contingentement du nombre de travailleurs qui peuvent acquérir une qualification. - Dans les marchés internes aux entreprises en revanche, l'allocation des individus aux postes se fait, à l'excep- 1) Le concept de "Jo& Territory" explique celui de balkanisation du marché (Kerr 1954, p. 25). 2) Dans cette étude faite à cette époque dans la baie de San Francisco sur 350'COO contrats de travail, il est apparu que plus de 50% des travailleurs étaient soumis aux règles de ce marché. 34 tion du premier emploi, uniquement par promotions internes basées sur l'ancienneté. La mobilité est donc verticale. Le rôle du marché est alors presque nul. La relation-tra- vailleur/entreprise subsiste souvent même lorsque le tra- vailleur a été licencié La stabilité des travailleurs peut s'expliquer par les per- spectives de promotions, le système de retraite, l'obliga- tion de quitter son emploi avant d'en trouver un autre et par la forte probabilité de devoir entrer au bas de l'échel- le dans le marché interne d'une autre entreprise. L'accès au marché interne est restreint, la sélection étant effectuée par l'entreprise elle-même. La seule véritable concurrence entre travailleurs se déroule donc au niveau de l'entrée dans les marchés internes, alors qu'elle disparaît pour ainsi dire ensuite. Le mode de fixation des salaires diffère dans les deux cas de celui du modèle concurrentiel: - Dans le marché des ouvriers professionnels, le taux de sa- laire est fixé au cours de négociations collectives. Il dé- termine le niveau de la demande de travail. Pour éviter des déséquilibres, les syndicats contrôlent l'offre de tra- vail en limitant l'accès au marché. Ce n'est qu'en cas de forte baisse de l'activité qu'un problème peut apparaître. - Dans les marchés internes aux entreprises, les procédés sont très différents. La marge de manoeuvre que conservent les firmes conduit les syndicats à mettre l'accent sur la sécurité de l'emploi, en rendant les licenciements coûteux. Par ailleurs, la notion de taux de salaires perd de sa clareté, dans la mesure où l'existence de promotions in- ternes conduit les travailleurs S accepter de bas salai- res d'embauché. Le niveau du salaire dépend alors pour les individus de l'évaluation des postes de travail et de la rapidité de leur avancement. 1) Ce cas est toujours très fréquent aux Etats-Unis. 35 Le mode de fonctionnement du marché du travail diffère donc fortement de celui du modèle concurrentiel, puisque les fonctions d'allocation et de fixation des salaires sont de nature le plus souvent institutionnelle. L'accent qui a été mis de la sorte sur les marchés internes a eu de très fortes répercussions. La plupart des auteurs ont cependant glissé de la conception large de Kerr {barriè- res ä l'entrée) vers une limitation de la perspective à la seule prise en considération des marchés internes aux entre- prises (Gitelmann 1966; Doeringer 1967 ; Robinson 1970f Mackay et al. 1971) 1}. 2.5.4. Le "Job Competition Model" de Thurow et le concept de la "Labor Queue" La constatation que les salaires sont rigides à court terme et que des déséquilibres existent a conduit Thurow à rai- sonner par rapport au volume de l'offre et de la demande plus que par rapport aux salaires. Il appelle de ce fait son modèle "Job competition", qu'il oppose au modèle tradi- tionnel du "Wage competition" (Thurow 1975, p. 87). Le point de départ de la réflexion réside dans l'obser- vation que la qualification "cognitive" (ou générale) des travailleurs ne suffit pas pour occuper un emploi, mais qu'elle doit être complétée le plus souvent par une forma- tion sur le tas. Or, la mise au courant de tous les indivi- dus ne représente pas un coût similaire. Ceux qui peuvent être formés rapidement (les bons travailleurs) se retrou- vent en tête de la "labor queue" et obtiennent de "bons emplois", alors que ceux pour lesquels les coûts sont élevés doivent se contenter des "mauvais emplois" (Thurow 1975, p. 87). Les salaires ne dépendent plus dans cette problématique de la productivité marginale du travailleur (capital humain), 1) Ce point est repris au chapitre 3. 36 mais de celle de l'emploi auquel le travailleur parvient à accéder. Les entrepreneurs ont pour leur part intérêt, vu leurs in- vestissements en formation, à stabiliser la main-d'oeuvre et à constituer dans l'entreprise un marché interne {chaî- nes de mobilité et structure rigide des salaires). On accède à celui-ci par des emplois d'entrée. En conséquence, les déséquilibres sur le marché du travail ne modifient pas à court terme le niveau des salaires, mais influencent les critères d'embauché (sélectivité). Dans cette perspective, le marché du travail apparaît comme structuré, en ce sens qu'il existe des barrières à l'entrée, et par conséquent des sous-marchés clairement séparés. Ce modèle a pu être partiellement récupéré dans le "para- digme" néo-classique, parce que l'individu demeure au centre de la réflexion. Le critère initial de sélection des entreprises {productivité individuelle) est simplement remplacé par celui du coût de la formation nécessaire pour atteindre le niveau de productivité exigé par le poste. Les néo-classiques ont donc tenté de donner a cette approche un caractère universel. Or, il est évident qu'il ne s'agit que d'une théorie très limitée, qui peut s'appliquer au mieux à l'entrée dans les marchés internes. Les autres mécanismes, et surtout la grande diversité de situations que l'on rencontre en réalité, ne sont pas pris en compte dans ce schéma. Celui-ci a cependant eu un grand succès, particulièrement dans le cadre de pseudo-analyses de la segmentation, mais qui ne sont rien d'autre qu'une forme nouvelle d'analyses néo-classiques basées sur la seule no- tion de barrières à l'entrée. Il convient maintenant de présenter ,-très brièvement les prin- cipales conceptions rencontrées sous le nom de théories de la segmentation. 1) Cette notion a été introduite et discutée par T.S. Kuhn (1962). 37 2.5.5. Les théories de la segmentation Actuellement, l'opposition la plus forte par rapport aux approches néo-classiques est regroupée sous l'étiquette de théories de la segmentation. On comprend cependant sous ce terme des approches fort différentes, dont le principal point commun consiste à dire qu'il n'existe pas un seul marché du travail, mais plusieurs sous-marchés, ou segments, au sein desquels les travailleurs changent d'emploi. Cette segmentation résulte de l'interaction entre des forces et des intérêts économiques et politiques sur le marché du travail, donc de processus endogènes à son fonctionnement. La diversité des approches est cependant grande. Elle a donné lieu â des applications empiriques aussi nombreuses que va- riées. Fondamentalement, on peut néanmoins distinguer deux grands courants de pensée: - Les économistes radicaux, s'appuyant sur la critique marxiste de l'économie politique, ont tenté d'identifier, de décrire et d'expliquer la segmentation dans le cadre de la logique du système capitaliste et des rapports de production qui le caractérisent. Ils introduisent une perspective historique. - Les néo-institutionnalistes, économistes ou spécialistes des relations industrielles, se sont appuyés sur les ana- lyses institutionnalistes de Kerr, Ross et Dunlop des années cinquante et soixante et sur celles, plus anciennes, de Veblen, Commons et surtout Perlman qui concernaient le mouvement ouvrier aux Etats-Unis et l'émergence des syndi- cats. Le concept qu'ils ont proposé est celui du "Dual labor Market". Les obstacles à la mobilité sont dus à l'existence de marchés internes du travail et aux processus. de qualification et de promotion qui leur sont associés. L'explication de la segmentation repose essentiellement sur des variables micro-économiques. 1) Le chapitre 4 est entièrement consacré à ce groue de théories. 38 2.6. CONCLUSIQHS 2.6.1. Conclusion générale A l'issue de ce chapitre, une conclusion s'impose à l'évi- dence: le modele concurrentiel apparaît comme beaucoup trop étroit par rapport à la complexité de la réalité et le mode de fonctionnement du marché du travail ne peut être assimi- lé aux principes qui régissent le marché des produits. Les fonctions d'allocation, de régulation, de rémunération et d'information ne correspondent donc en général pas pour le marché du travail â celles qui sont postulées dans le mo- dèle de concurrence pure et parfaite. Cette constatation a conduit à deux types de démarches: - Si le marché ne fonctionne pas comme prévu, c'est qu'il existe des obstacles qui induisent des dysfonctionnements ou des discontinuités. Les principes fondamentaux du mo- dèle ne sont cependant pas remis en cause. - Si les fonctions du marché ne sont pas conformes au modèle néo-classique, c'est que le marché du travail ne s'appa- rente pas à un marché des produits. La présence d'agents ou de groupes d'agents élargit en effet le champ de l'ana- lyse bien au-delà du réductionnisme économique postulé par le modèle concurrentiel (y compris le modèle néo-classique). Ceci explique l'intérêt croissant des sociologues pour l'analyse du marché du travail. 2.6.2. Les grandes lignes du "renouveau" nëo-classique Les réponses des néo-classiques "modernes" aux critiques for- mulées au modèle concurrentiel ont deux caractéristiques fon- damentales: - Elles sont "néo"-classiques, car elles visent â rendre au modèle de base sa validité, mais dans le cadre de contrain- tes de plus en plus nombreuses. - Elles sont toutes partielles, en ce sens qu'elles parvien- nent à apporter des réponses souvent assez satisfaisantes 39 ou en tout cas plausibles aux critiques formulées, mais en prenant les objections une â une. Le modèle général auquel on aboutit repose sur le principe de l'addition de nombreu- ses théories partielles, dont la validité est le plus sou- vent déjà limitée à un petit nombre de cas. La somme de ces théories donne bien une théorie unique, mais qui constitue un cas particulier et non un modèle universel. Considérées isolément, ces approches ont cependant toutes un sens, qui peut enrichir l'analyse, mais à condition de ne pas les appliquer indifféremment dans toutes les si- tuations. Parmi les axes de recherche qui ont été men- tionnées dans ce chapitre, on retiendra les éléments sui- vants: - Existence d'une multitude de sous-marchés qui résultent de l'existence de coûts divers (formation, information, mobilité, transactions, etc.). - Explication des différences de salaires par les théories de la discrimination et du capital humain. Cette dernière théorie sert aussi à expliquer le retour à l'équilibre. - Intégration des imperfections diverses dans le raisonne- ment (information imparfaite, rentes de situation, etc.), en démontrant la tendance à leur supression et/ou en réclamant la réduction de ces imperfections pour amé- liorer le fonctionnement du marché du travail. - Développement de théories de la recherche d'emploi ("Job Search and Labor Turnover Theory"), en vue de rendre compte de la coexistence d'emplois vacants et de chômeurs volontaires dans un même espace. On remarquera pour terminer que les modèles néo-classiques n'incorporent aucune perspective historique ni institu- tionnelle. ' 40 2.6.3. "Institutionnalistes" et "segmentaristes" Par rapport notamment aux hypothèses d'atomicité des agents et de fixation des salaires par le marché s'est développé un important courant institutionnel, dont l'objectif premier a consisté â démontrer que les mécanismes de marché ne s'appli- quent qu'à une partie des agents (â cause du rôle des syn- dicats et de l'Etat). Il a débouché en premier sur la prise en considération des marchés internes du travail et sur la reconnaissance de principes d'allocation et de fixation des salaires très différents de ceux du marché. Ce point est repris au chapitre 3. Quittant la problématique miero-économique pour une approche macro-économique, les "nëo-institutionnalistes" ont proposé le concept du double marché du travail ("Dual Labor Market Theory"). Enfin, sur la base des apports de la critique marxiste de l'économie politique se sont développées les approches des radicaux. Celles-ci tentent de donner ä l'analyse une perspective historique et de comprendre le fonctionnement du marché du travail dans le cadre des rapports de production mis en place par le système capitaliste. Ces théories sont souvent assimilées â celles du double marché du travail, mais leur intérêt a consisté â mettre l'accent sur des phé- nomènes globaux et à tenter, dans le cadre de la logique du système de production, d'expliquer la persistance de la pauvreté et le bas niveau des salaires de certaines catégo- ries de travailleurs. Les théories de la segmentation sont discutées au chapitre 4. 2.6.4. Marché du travail et marché de l'emploi Ainsi qu'on a pu le constater tout au long de ce chapitre, on rencontre le plus souvent dans la littérature le terme de marché du travail. C'est récemment que la notion de marché de l'emploi s'est répandue. Certains auteurs (p.ex. Barrère 1979} considèrent les deux approches comme fondamentalement 41 différentes par leurs bases théoriques. Le marché du travail ferait ainsi référence au modèle néo-classique, où la régu- lation entre offre et demande se réalise sur un marché par le biais du mécanisme des prix et ou le travail est une marchandise. Raisonner en termes d'emploi procéderait en revanche d'une démarche inverse, où les entrepreneurs pro- posent des emplois qu'ils ont défini, dans leur contenu et dans leur nombre, au vu de leurs besoins et d'un niveau de salaires fixé par ailleurs. Les salariés sont alors placés dans une position d'infériorité. D'autres auteurs voient entre les deux approches des perspec- tives certes différentes, mais complémentaires. "Travail et emploi sont indissociables, séparés, aucun n'est satisfai- sant. " (Germe/Miction 1975, p. 1762). La complémentarité des deux approches est en effet évidente dans une perspective très large, parce que l'emploi rend compte de la manière dont se concrétise la demande de tra- vail sur le marché. D'une manière générale, la notion de marché du travail appa- raît comme plus large que celle de marché de l'emploi. Elle convient autant aux systèmes de marché des modèles de type walrasien qu'aux analyses marxistes de l'exploitation des travailleurs. Son utilisation est également indispensable si l'on s'intéresse aux effets du progrès technique et/ou technologique sur l'emploi, â la productivité ou à l'orga- nisation du travail. Cependant, le concept de marché de l'emploi convient mieux à l'approche qui est effectuée ici. En effet, celle-ci est axée sur les processus d'allocation des travailleurs aux emplois, et non sur la manière dont sont constitués les emplois ni à celle dont sont fixés les salaires. Les concepts utilisés par les auteurs sont cependant repris dans les chapitres suivants dans leur forme originale. 43 CHAPITRE 3; MARCHES INTERNES ET EXTERNES, FORMES PARTI- CULIERES D'EMPLOI ET STRATEGIES D'ENTREPRISES 3.1. ORIGINE ET DEFINITION DU CONCEPT DE MARCHE INTERNE 3.1.1. Définition Le terme de marché interne du travail a été utilisé à de nombreuses reprises dans la littérature. Les définitions qu'on y rencontre concordent sur le fait qu'il s'agit d'un marché qui est séparé de l'extérieur (marché externe) par des "portes d'entrée" et dans lequel l'allocation du tra- vail entre les postes et les rémunérations des salaires sont organisées par un ensemble de règles et de procédures plus ou moins institutionnalisées. Elles divergent cepen- dant quant au champ couvert par le concept. On parle ainsi de marché interne â un établissement, â une entreprise, à un groupe d'entreprises, â des ordres professionnels (avo- cats p.ex.) ou à des professions très organisées (p.ex. dockers). On a vu que pour Kerr (1954) les marchés étaient internes dans la plupart des entreprises et dans les "Craft Unions". Pour Doeringer et Piore (1971), la définition est au moins aussi large puisqu'elle englobe toute unité admi- nistrative ou des règles institutionnelles déterminent l'allocation et la rémunération des travailleurs. Robinson (1970), en revanche, limite son approche aux seules entre- prises. Telle est aussi la vision de Lutz et Sengenberger (1974), alors que Biehler et Brandes (1981) reviennent â la conception de Kerr. Ces différences s'expliquent en bonne partie par les objectifs des diverses approches. Les insti- tutionnalistes et les néo-institutionnalistes ont eu pour premier but sur le plan théorique de montrer que le marché du travail ne fonctionne que très partiellement selon les principes du modèle concurrentiel (marché externe) et que 44 d'autres principes régissent la grande majorité des flux. Les auteurs qui ont privilégié les définitions étroites se sont pour leur part davantage intéressés aux entreprises, à leur politique d'emploi et à leur manière de faire face aux fluctuations conjoncturelles. 3.1.2. Origine du concept L'essor de la notion de marché interne est lié à l'évolu- tion économique de l'après-guerre. On s'est ainsi aperçu, même parmi les économistes néo-classiques, de la quasi-fixité des charges salariales (Oi 1962), dont les causes devaient en partie être recherchées dans des contraintes légales (p.ex. Okun 1962) ou dans l'existence de qualifications spé- cifiques dans lesquelles les entreprises ont investi (Becker 1964). Des interprétations plus récentes décrivent la période allant de 1945 à 1974 comme étant caractérisée par une forte croissance de l'économie, par un processus de concentration du capital et donc par la constitution de grands groupes industriels et financiers. Durant cette phase, on a aussi assisté à une forte division du travail, rendue possible par la standardisation des produits et l'augmentation des échelles de production. Les qualifications exigées de la part des travailleurs se sont alors éloignées des forma- tions professionnelles de base, soit pour faire place à des situations totalement non-qualifiées, soit pour introduire des formations spécifiques à une entreprise, voire à un procédé de production. Le processus d'internalisation de la formation a encore été accru par la pénurie de travailleurs qualifiés (Lutz 1979a) et par l'arrivée sur le marché d'étrangers souvent peu qualifiés 1) L'interprétation radicale de D. Gordon, R. Edwards et M. Reich (19B2) porte sur une période plus longue et met l'accent sur la nécessité qu'ont ressentie les entreprises face aux résistances ouvrières et a un pouvoir syndical accru, d'un contrôle plus efficace du processus de production. Voir aussi le chapitre 4 (4.3.). 45 Ce sont donc les entreprises qui ont supporté de plus en plus les coQts de la formation. Les investissements qu'elles ont réalisés dans ce sens les ont conduites à se protéger de la concurrence. Elles ont pu utiliser dans ce but plusieurs moyens : - politique de rémunération (faibles salaires d'entrée et progression à l'ancienneté) - bonnes perspectives de promotion, prestations sociales éle- vées, etc. - politique d'allocation tenant compte de la durée potentiel- le de l'emploi à l'embauche, limitant les points d'entrée et/ou favorisant les promotions à 1'ancienneté - minimisation du coût des changements d'emploi internes S l'entreprise (grandes entreprises} - offre d'une grande sécurité de l'emploi. Elles ne peuvent cependant constituer un vrai marché interne que si leur activité est stable et leur mode de production très capitalistique (Sengenberger 1975) . La formation interne est le plus souvent conférée sur le tas, car c'est la que son coût est toujours le plus faible. Dans ce cas, sa spécificité est généralement élevée, ce qui signi- fie que les qualifications ne sont pas négociables sur le marché. Tout changement d'emploi implique alors la perte d'avantages souvent importants (p.ex. Kerr 1954; Becker 1964 ; Lutz/Sengenberger 1974; Sengenberger 1975). L'intérêt que représente pour l'entreprise un marché interne consiste aussi dans une facilité plus grande des embauches et dans une réduction de leur coût, ainsi que dans une plus grande facilité d'adaptation. En satisfaisant en même temps aux intérêts des travailleurs et des syndicats, les marchés internes ont aussi pour fonc- tion d'améliorer la "cohésion sociale de l'entreprise" (Gam- bier/Verniëres 1982, p. 95) 1^.____________________________ 1) Voir aussi Vincens 1974, pp. 66s et Robinson 1974, pp. 121s. 46 Il faut cependant ajouter que l'intérêt pour une entreprise de disposer d'un marché interne diffère considérablement se- lon la technologie employée, l'organisation de sa production, la-nature de son activité, la stabilité de ses marchés, le degré de spécificité des qualifications de son personnel, sa taille, sa localisation et plus généralement selon la na- ture du marché local (existence d'une concurrence, dynamisme des autres entreprises, disponibilités en main-d'oeuvre, etc.). Lorsque l'on néglige de prendre en considération - ainsi que de nombreux auteurs l'on fait - le contexte dans lequel un marché interne a été constitué, on aboutit à une vision sta- tique des choses. On s'intéresse alors plus à des particu- larités internes de l'organisation qu'aux comportements des entreprises qui permettent de comprendre la fonction des marchés internes D'autres auteurs ont évité ce piège. La reconnaissance de l'existence de marchés internes les a conduit â mettre l'ac- cent sur les politiques d'emploi des entreprises et sur leur relative indépendance par rapport aux activités de produc- tion. Le champ d'analyse qu'ils ont ainsi ouvert est de na- ture micro-économique, mais les répercussions des politiques d'emploi des firmes au niveau du marché de l'emploi dans son ensemble sont souvent considérables. Il faut encore signaler que, durant toute la phase d'expan- sion, la place qui avait été accordée aux syndicats dans l'analyse était restée très limitée. Ce n'est que récemment que certains auteurs ont été amenés à leur attribuer un rôle beaucoup plus actif dans la structuration du marché de l'emploi. Cet élargissement des perspectives est une con- séquence des critiques de Rubery (1978) et Bruno (1979) aux approches des "dualistes" et des radicaux, mais aussi de l'apparition d'un contexte institutionnel nouveau et d'une modification des stratégies syndicales (p.ex. Germe/Michon 1979/1980; Michon 1981; Sengenberger/Köhler 1982a et b). 1) Critiquant les analyses privilégiant des variables micro-économiques, B. Lutz (1982) relève qu'on oublie de la sorte que l'attachement bi- latéral entre entreprises et travailleurs, observé dans la longue pé- riode d'expansion de l'après-guerre, était exceptionnel dans l'histoire du capitalisme. 47 3.1.3. Les marchés internes: un concept très vaste Si l'on se réfère aux définitions très strictes données par les premiers auteurs qui ont traité des marchés internes, on se rend vite compte que le nombre d'entreprises qui sa- tisfait aux descriptions proposées est extrêmement limité. D'un autre côté, rares sont les entreprises qui ne connais- sent aucune forme de marché interne, c'est-à-dire où l'accès à certains emplois (de l'extérieur ou de l'intérieur) n'est pas lié à des règles relativement stables. Par ailleurs, toutes les entreprises disposant d'un marché interne ne présentent pas des caractéristiques et une orga- nisation comparables. Des marchés internes assez purs, mais de type souvent différent, ont ainsi été observés: - dans l'administration publique, les banques et les assu- rances pour les travailleurs qualifiés - dans la police, l'armée et la poste pour des travailleurs non-qualifiés par rapport au nouvel emploi, mais qui peu- vent accéder aux postes les plus élevés - dans certaines grandes entreprises industrielles pour des travailleurs non-qualifiés acquérant une formation spéci- fique, mais dont les perspectives promotionnelles sont li- mitées au niveau contremaître ou chef d'atelier (chimie, aciérie, etc. ) Si l'on se limite à prendre en considération l'existence de règles durables et d'une organisation interne des emplois et des flux, ces divers types de marchés internes ne doivent pas être distingués. En revanche, une approche dynamique des flux internes et externes observés sur le marché de l'emploi et des muta- tions structurelles consécutives à des fluctuations con- 1) P.ex. Drexel/Nuber 1979 et Drexel 1982. 48 joncturelles, au progrès technique ou à l'introduction d'une technologie nouvelle réclame une analyse détaillée des points d'entrée dans les marchés internes, ainsi que des éventuels points de rupture de filières promotionnelles internes. Dans cette perspective, des marchés internes pour ouvriers ayant acquis des qualifications spécifiques ne sont absolument pas comparables à ceux qui sont organisés pour des employés qua- lifiés. Enfin, il existe des entreprises dans lesquelles coexistent un marché interne pour les ouvriers et un autre pour les employés, les points de contact entre eux étant selon les cas nuls, faibles ou fréquents. Il est évident que cette diversité de situations ne peut que difficilement faire l'objet d'une formalisation théorique. De ce fait, tant que les concepts proposés visent simple- ment à montrer l'existence de marchés internes ou à placer le champ de l'analyse sur les entreprises et leur politique d'emploi, ces objections se révèlent peu fondées. Mais il n'en va pas de même si on prétend par là proposer un schéma représentatif de la réalité. Des conséquences de la diversité des formes de marchés in- ternes sont aussi perceptibles au niveau de la relation entre marchés internes et marchés externes, relation qui soulève d'ailleurs quelques problèmes théoriques. 3.1.4. Marchés internes et marchés externes Ce qui ne fait pas partie du marché interne est appelé mar- ché externe. Celui-ci a été subdivisé en Allemagne entre les sous-marchés des travailleurs qualifiés ("Berufsfachliche Teilarbeitsmärkte"),dont la formation est reconnue et trans- férable, et les sous-marchés des non-qualifiés ("Jedermanns- Teilarbeitsmärkte") (Lutz/Sengenberger 1974; Sengenberger 1975) . Les relations entre les marchés internes et les mar- 49 chés externes surviennent aux points de contact (ou "ports d'entrée"). Selon la forme et la nature du marché interne, les points de contact sont différents. Entre les extrêmes que sont des marchés internes entièrement fermés (un seul point d'entrée) ou des structures entièrement ouvertes existent une multitude de situations intermédiaires que l'on est susceptible de rencontrer dans la réalité . La signifi- cation du marché externe varie dans chacune des situations. Dans le cas de marchés internes fermés, le marché externe apparaît comme un résidu qui comprend les "exclus". Lorsque les marchés internes sont partiellement ouverts, on voit réapparaître sur le "marché externe" des formes d'échanges entre entreprises de travailleurs souvent très qualifiés, qui peuvent même grSce à l'expérience accumulée améliorer leur situation lors d'un passage par le marché de l'emploi. Dans ce cas, qui est indiscutablement le plus probable en réalité, le concept de marché externe n'a plus une signi- fication globale, mais prend un sens différent pour chaque entreprise selon le type de main-d'oeuvre dont elle a be- soin et le degré de contrôle qu'elle a sur son marché in- terne. Les notions de marchés internes et de marchés ex- ternes sont donc des notions micro-économiques qu'il ne faudrait en aucun cas généraliser. Dans l'entreprise elle-même, il arrive que tout le personnel ne fasse pas partie du marché interne, mais qu'il existe une barrière entre un noyau stable ("Stammbelegschaft" ) et un volant de mobilité ("Randbelegschaft"). Les combinaisons entre ces deux sphères peuvent prendre trois formes typi- ques : a) Combinaison d'un noyau stable, composé de travailleurs au bénéfice d'une grande ancienneté et disposant de qua- lifications spécifiques à l'entreprise, et d'un volant 1) Voir p.ex. les schémas présentés par D. Gambier et M. Verniëres (1982, pp. 98-100). On les trouve aussi chez Gambier 1978a. 50 de mobilité, composé de travailleurs sans qualifications spécifiques. Il n'y a guère de possibilités de passage de l'un à l'autre. b) Combinaison d'un noyau stable et d'un volant de mobilité, mais où les membres du noyau stable sont recrutés au sein du volant de mobilité. Des possibilités de passage de l'un à l'autre existent donc. c) Le noyau stable s'étend à l'ensemble du personnel de l'entreprise. C'est le cas type d'un marché interne complet Le genre de combinaison entre noyau stable et volant de mobilité n'est d'ailleurs pas nécessairement le même pour toutes les catégories de main-d'oeuvre ou pour tous les départements d'une entreprise. L'entreprise devient dans cette conception un lieu de seg- mentation entre marché interne et marché externe. Lutz et Sengenberger parlent à ce propos de "betriebszentrierte Arbeitsmarktsegmentation" (Lutz/Sengenberger 1980; Sengen- berger 1981; Lutz 1982). Cette diversité de situations est apparue à l'évidence du- rant et aprës la crise. On s'est alors rappelé que les firmes avaient d'une manière générale besoin de flexibilité. Les comportements des entreprises depuis la crise s'expli- quent ainsi très largement par la tentative de retrouver la flexibilité perdue durant la phase de croissance. Cet aspect fait l'objet de la section suivante. 1) H. Destefanis et L. Foucher (1981) démontrent empiriquement que les éta- blissements présentent des structures diverses du point de vue des taux de rotation calculés pour 21 fonctions. Ils ont ainsi identifié des établissements stabilisants, mobilisants et neutres (le taux de rotation est 3 peu prSs semblable pour toutes les fonctions dans ces trois premiers types, c'est-à-dire respectivement faible, fort et moyen} et des établissements oö coexistent un noyau stable et un volant de mobilité. 51 Mais avant de passer à son examen, on peut encore rapide- ment remettre en cause l'opportunité d'analyser en termes de marché le fonctionnement interne des entreprises. Il n'y a en effet pas véritablement confrontation entre une offre et une demande internes, puisque le contrat est conclu lors de l'entrée dans l'entreprise 3.2. LES FORMES PARTICULIERES D'EMPLOI ET LA RECHERCHE DE LA FLEXIBILITE 3.2.1. Définition 2) La notion de formes particulières d'emploi (FPE) qui est apparue récemment en France, est destinée à rendre compte de la gestion de la flexibilité. Les FPE sont définies par un statut qui ne correspond pas à un contrat de travail nor- mal, autrement dit qui est l'exact opposé de l'emploi ty- pique décrit par Puel (1980): durée indéterminée, unicité de l'employeur, activité à plein temps, travail dans l'entre- prise de l'employeur, etc. Il s'agit de formes d'emploi pré- caires (c'est-à-dire dont l'avenir est incertain) et/ou ex- tériorisées, c'est-à-dire qu'elles permettent de "libérer l'unité de production des obligations liées au statut d'employeur" (J. Freyssinet 1979, p. 141). Il ne faut pas confondre ces deux notions avec le concept d'instabilité de la main-d'oeuvre, qui a trait aux changements d'emploi, ni avec celui de 1'instabilité des emplois, gui se rapporte aux processus de création et de suppression d'emplois {Michcn 1981, p. 93; Germe 1981, pp. 58s). Il semble que les diverses formes de gestion de la flexi- bilité peuvent être le mieux appréhendées par la notion d'extériorisation, qui permet la précarisation. Il faut dans ce cas distinguer l'extériorisation physique, c'est-à- dire que le travail est effectué hors de l'unité de pro- 1) Voir p.ex. Mallet 1978 (pp. 81-84). 2) Développée notamment par Germe/Michon 1979/19BO. 52 duction, et l'extériorisation juridique, ou l'unité de pro- duction qui utilise la force de travail n'est pas l'employeur, une relation à trois remplaçant le schéma traditionnel employeur-employé (J. Freyssinet 1979, p. 141). Ces deux formes d'extériorisation peuvent exister indépen- damment l'une de l'autre (travail â domicile lorsque l'ex- tériorisation n'est que physique; travail intérimaire ou en régie lorsqu'elle n'est que juridique) ou simultanément (sous-traitance). Les fonctions remplies par les FPE sont au moins de trois types: le besoin de flexibilité quantitative, le besoin de flexibilité qualitative et l'adaptation à des problèmes spé- cifiques (absentéisme, départs, rotation, etc.). 3.2.2. La recherche de la flexibilité comme cas général Les FPE se sont fortement répandues depuis la crise, en rai- son d'une incertitude économique croissante, mais surtout parce que les entreprises avaient en bonne partie accepté, pour se protéger de la concurrence, le blocage du mécanisme classique de l'armée industrielle de réserve (Lutz 1982}. Autrement dit, ces entreprises avaient perdu une grande par- tie de leur flexibilité. La capacité d'adaptation aux fluctuations conjoncturelles que l'on avait attribuée aux grandes entreprises durant la phase d'expansion a été fortement mise à contribution dans les années 1974/1975 (mesures d'adaptation du volume de tra- vail ou du volume de la main-d'oeuvre (Mendius/Sengenberger 1976; Schultz-Wild 1978 et 1979). Elle s'est traduite par und disjonction entre les courbes de production et celles des effectifs, mais des conséquences très importantes sur d'autres entreprises (sous-traitants p.ex.) et sur l'organisa- tion spatiale des activités (fermeture d'établissements secon- daires p.ex.) ont aussi été enregistrées. Plus généralement, lorsque de grandes entreprises ne parviennent plus, comme ce fut le cas au cours de la dernière crise, â s'adapter de manière 53 interne, des répercussions profondes sont à attendre au niveau de la structure du marché du travail: - parce que les effectifs concernés sont souvent importants - parce que certaines catégories de travailleurs sont plus touchées que d'autres (celles pour lesquelles les coûts des licenciements ou des incitations au départ, les pertes d'investissements en capital humain ou les obstacles régle- mentaires sont les plus faibles) - parce que certaines branches ou entreprises sont plus sen- sibles à la conjoncture ou plus touchées par les mutations structurelles - parce que certaines fluctuations sont transférées sur des receveurs d'ordre ou sur des établissements secondaires (Hendius/Sengenberger 1976; Broudic/Espinasse 1980; Gam- bier /Verniêres 1982). Certaines lacunes sont aussi apparues dans les premiè- res formalisations du concept de marchés internes à propos de la définition du noyau stable et de la justification de son existence par la notion d'investissement en capital humain. Il est en effet arrivé assez souvent, lors de restructurations profondes, que des qualifications spécifiques qui étaient rentables deviennent une source de blocage pour l'entreprise, compte tenu des technologies nou- velles et de l'orientation de l'appareil de production vers des activités plus spécialisées- La capacité d1adaptation des structures et la polyvalence des qualifications sont alors devenues essentielles. Le recours aux FPE s'est inscrit dans ce processus, en ce sens qu'il a permis d'éviter à la fois du personnel en sur- nombre et des pénuries temporaires {absentéisme, vacances, commandes supplémentaires, etc.). On a aussi observé que certaines entreprises parvenaient à réduire leur délai de production et à décrocher des contrats grâce à l'engagement massif de travailleurs temporaires (intérim ou travail en 54 régie). Si elles ne sont pas mises en relation avec les contraintes institutionnelles et légales qui s'opposent au comportement classique du "hire and fire", ces raisons éco- nomiques ne suffisent pas à elles seules à expliquer le déve- loppement des FPE. La période d'expansion avait en effet été mise â profit par les syndicats pour cloisonner les marchés internes par rapport â l'extérieur (protéger les avantages acquis) et pour garantir la sécurité des travailleurs en place contre les licenciements Les solutions adoptées varient cependant selon les cas {pays, branches, etc.). Les contraintes légales ont aussi été éten- dues durant la phase d'expansion ou au début de la période de crise, afin de préserver le niveau de vie atteint. En France par exemple, la loi sur les licenciements de 1975 a eu pour conséquence une augmentation très rapide du travail tempo- raire, et plus tard la création de formes de contrats nou- velles (contrats à durée limitée, pactes pour l'emploi, etc.). Les relations entre patronat et syndicat se sont évidemment durcies autour du thème de la flexibilité, dont les entre- prises ont besoin et dont les syndicats ne veulent pas. L'évolution actuelle peut donc être interprétée comme des réponses aux rigidités introduites au cours des décennies précédentes. Elle ne signifie cependant nullement que l'optimum pour les entreprises se trouve dans une préca- risation complète des emplois, mais qu'en période d'incerti- tude le noyau stable doit être complété par un volant de mobilité, afin de garantir à la fois la stabilité voulue et la flexibilité nécessaire. Ces deux aspects, qui ont été présentés ici sous les termes de marchés internes et de FPE, sont donc complémentaires et forment ensemble la stratégie d'emploi des entreprises. 1) Les comparaisons réalisées dans l'industrie automobile entre l'Alle- magne et les Etats-Unis (Sengenberger/Koehler 1982a et b) le montrent de manière évidente. 55 3.3. LES STRATEGIES D'EMPLOI DES ENTREPRISES: UNE CONCLUSION MICRO-ECONOMIQUE Au termes de ces développements, on voit apparaître l'entre- prise comme un agent susceptible de définir le contenu des emplois et de mettre en oeuvre une politique de ges- tion du personnel différente selon le contexte économique et selon celui du marché de l'emploi (Pommier-Peneff 1975). L'entreprise est donc l'agent prédominant sur le marché. Il n'est cependant pas l'agent exclusif,puisqu'il subit l'influ- ence d'un certain nombre de contraintes économiques, so- ciales, démographiques, institutionnelles et techniques. Et c'est sous la pression de la concurrence et des autres contraintes qu'une firme prend ses décisions par rapport aux formes d'utilisation (ou de non-utilisation) de la force de travail et qu'est concrètement mis en place en termes d'organisation technique et hiérarchique le processus de production. Une certaine "élasticité" est requise, car les entreprises cherchent à éviter que les changements survenus au niveau de variables externes n'interfèrent directement sur le processus de production. Cela revient à tenter de neutra- liser leurs effets au niveau de leurs causes ou â l'aide d'une modification de l'organisation interne des entreprises. C'est donc sur les comportements des entreprises que doit porter l'analyse si l'on veut comprendre les processus en oeuvre et donner à l'approche une dimension explicative, qui "permet de mettre en évidence les transformations dans les rapports de l'entreprise à son environnement industriel et regional" (Alaluf 1980, p. 54). C'est d'ailleurs l'appa- rition de problèmes de main-d'oeuvre qui a révélé l'existen- ce de stratégies d'emploi (Altmann/Bechtle/Lutz 1978; Becht- Ie 1980). 56 Ceci conduit à rejeter les théories générales et â leur préférer des analyses ponctuelles, puisque les variables en jeu sont multiples. On ne poursuivra pas davantage l'examen de cette probléma- tique ici, dans la mesure oü les résultats auxquels elle a conduit ne sont plus généraux et ne peuvent être interpré- tés que dans des contextes locaux spécifiques . Il faut ce- pendant préciser que l'on oublie souvent dans ces approches d'identifier les établissements qui ont vraiment une poli- tique d'emploi (les grandes entreprises) et qu'on en fait facilement un critère universellement valable. Avant de passer aux théories de la segmentation, il est important de rappeler que la notion de marché interne est de nature micro-économique au départ et qu'elle implique une partition horizontale entre marchés internes et marchés externes. Avec les théories de la segmentation, on entre en revanche dans un domaine macro-économique, où la parti- tion est verticale et s'apparente plus â une stratifica- tion. 1) Ces aspects sont repris dans la partie III, chapitre 1. 57 CHAPITRE 4: LA THEORIE DE LA SEGMENTATION 4.1. INTRODUCTION; SEGMENTATION ET DUALISME Le terme de segmentation vise à s'opposer à l'unicité du mo- dèle classique du marché du travail. Mais au-delà de cette définition générale apparaissent une multitude de points de vue différents. Dans sa définition la plus large, la seg- mentation est même un concept compatible avec le modèle néo- classique: une segmentation constitue une discontinuité quel- conque, c'est-à-dire que les catégories de travailleurs et d'emplois ne sont pas homogènes ou substituables, mais qu'ils sont réunis en un certain nombre de groupes. Ceux-ci ré- sultent de l'hétérogénéité des individus ou des emplois et/ou de l'existence de règles formelles ou informelles. C'est uniquement au sein de,ces groupes que le terme de marché du travail a un sens. On peut alors imaginer des marchés pro- fessionnels, des marchés internes aux entreprises, des mar- chés régionaux, etc. On devrait parler dans ces cas-là d'une "pre-market segmentation" (Ryan 1981, p. 7) ou d'une "pre- entry discrimination" (Loveridge/Mok 1979, p. 82), en ce sens que seules les caractéristiques des individus influen- cent leur allocation à certains emplois. La segmentation est donc unilatérale. Dans la version la plus précise de la théorie, la segmen- tation est définie comme étant fonctionnelle (un segment a besoin d'au moins un autre pour exister), bilatérale (cer- tains groupes d'individus, quelles que soient leurs caracté- ristiques, ne peuvent avoir accès qu'à des emplois précai- res), endogène (la segmentation est produite par le fonctionne- ment du marché du travail, et plus généralement du système de production) et dynamique (il s'agit d'un processus d'inclusion et d'exclusion permanent, dont la forme varie selon la con- joncture, les mutations technologiques et structurelles, 1) P. Ryan {1981, p. 7) parle de "In-market segmentation". 58 la tension sur le marché du travail, etc.). Ces théories signalent donc la nécessité de faire référence â l'ensemble des relations sociales et des rapports de force pour comprendre l'origine et la nature de la segmentation. La plupart des approches ont vu le problème en termes dua- listes, que ce soit au niveau du marché du travail (primai- re/secondaire, interne/externe, etc.) ou de l'économie (centre/périphérie, secteur moderne/traditionnel, etc.). Les explications produites s'appuyent pour leur part sur des variables économiques (technologie, concentration du capi- tal, etc.}, institutionnelles (marchés internes, syndicats, etc.) ou sociales (rapports de forces, lutte de classes, etc.). L'hétérogénéité de l'ensemble des travaux regroupés sous le nom de théories de la segmentation est à l'origine de bien des confusions conceptuelles. Elle explique en bonne partie la diversité et les limites évidentes de la recherche empirique dans le domaine. Ce chapitre est consacré à une discussion relativement complè- te des principales approches rencontrées, des problêmes qu'el- les soulèvent et des enseignements qu'il est possible d'en tirer pour une analyse locale de la structure et du fonction- nement du marché de l'emploi. 4.2. ORIGINE DES THEORIES DE LA SEGMENTATION On distinguera ici au moins trois origines différentes, mais complémentaires, des théories de la segmentation. 4.2.1. La lutte contre la pauvreté Au début des années soixante, le gouvernement américain avait lancé un programme de lutte contre la pauvreté, la discrimi- nation et le chômage sur la base de mesures d'intégration ou de réintégration, de formation ou de recyclage,..., bref de mesures destinées à faciliter l'accès des pauvres, et no- 59 tamment des minorités ethniques, au marché de l'emploi. Ces mesures touchaient exclusivement l'offre de main-d'oeuvre et s'appuyaient plus au moins directement sur le modèle néo- classique (capital humain). Mais, malgré cette aide, la pauvreté n'a pas diminué et a donc infirmé l'hypothèse de convergence du modèle concurrentiel. Durant cette période, plusieurs études avaient été menées in- dépendamment dans des ghettos noirs, afin d'étudier de ma- nière qualitative leur marché du travail "local" (Boston, Chicago, Detroit et Harlem - citées par Gordon 1972, pp. 44-45). Elles ont montré que, malgré la persistance de pénu- ries de main-d'oeuvre, le chômage demeurait extrêmement élevé parmi les habitants des ghettos de la seconde génération, dont le niveau de formation était supérieur â celui de leurs pa- rents. Ces derniers avaient, de ce fait, des exigences plus élevées en matière d'emploi. Or, c'est le manque d'emplois de bonne qualité et les difficultés que ces travailleurs avaient pour accéder à de tels emplois qui sont apparus com- me responsables de la persistance de la pauvreté. Il ne restaient donc pour ceux-ci comme alternative au chômage que la possibilité d'accomplir des tâches mal rémunérées/ peu attractives et ou le taux de rotation était très élevé. 4.2.2. Une économie duale La duallsation de l'économie américaine avait été mise en évidence au cours des années soixante. J.K. Galbraith (1967) voyait se développer la concentration du capital et le contrôle de l'économie par un petit nombre de très grandes entreprises. R.T. Averitt (1968) reconnaissait l'existence, â côté de ce secteur oligopolistique, d'une économie secon- daire composée de petites et de moyennes entreprises en con- currence les unes avec les autres. Le partage entre une éco- nomie primaire et stable et une économie périphérique était considéré comme fonctionnel, c'est-à-dire que la possibilité 60 de rejeter l'instabilité sur la périphérie permettait la sta- bilité du centre (Vietorisz/Harrison 1973, pp. 366 et 375 11J. Les deux économies se caractérisent par des modes de pro- duction très différents, qui ont de ce fait des conséquen- ces sur leur structure de l'emploi, leur organisation inter- ne, le niveau des salaires versés, la présence syndicale, etc. Il était dès lors facile de tirer un parallèle entre la dualisation de l'économie et celle du marché du travail (Berger/Piore 1980, pp. 66s). 4.2.3. Marchés internes et marchés externes La distinction entre marchés internes et marchés externes, dont le caractère miero-économique a été signalé dans le chapitre précédent, a aussi conduit â une vision duale du marché du travail. Dans le cas de Doeringer et Piore (1971, pp. 1-2), les marchés internes sont définis comme des uni- tés administratives au sein desquelles des travailleurs suivent un certain nombre de règles, alors que le mécanisme des prix continue de fonctionner dans le marché externe. La liaison entre les deux types de marché se faisant par des "ports d'entrée", on est bien en présence d'une structure duale, oü l'on parvient à entrer dans le marché interne ou dont on demeure exclu. Il existe donc des barrières à l'entrée, qui peuvent expliquer la discrimination. A ce niveau, on de- meure en présence de critères généraux qui peuvent avoir une dimension globale. En revanche, lorsque le marché interne est divisé en sous-marchés internes aux entreprises et en sous-marchés professionnels (Kerr 1954; Doeringer/Piore 1971; Lutz/Sengenberger 1974 et Sengenberger 1975; Biehler/Brandes 1981), on n'est plus en présence d'une segmentation globale, mais de nombreux sous-marchés en bonne partie distincts. Pour que l'on puisse alors parler de segmentation, il faut 1} La relation centre/périphérie observée au niveau de l'économie a aussi reçu une dimension spatiale, pour caractériser la dépendance du Tiers- Monde par rapport aux pays industrialisés {Friedmann 1972) ou plus ré- cemment pour définir la division intra-nationale du travail. 61 que ces sous-marchés puissent être additionnés en un tout. Ceci suppose que les "marchés internes" soient parfaitement fermés , c'est-à-dire que les seuls échanges de main- d'oeuvre aient lieu avec le marché externe ou au sein de ce dernier. L'irréalisme de cette conception montre bien que l'on ne peut pas, dans ce cas, parler de segmentation, mais que l'on doit rester au niveau micro-économique. Il n'en de- meure pas moins que les approches des institutionnalistes ont joué un grand rôle pour Doeringer et Piore et ont été à la base des explications proposées à l'existence de cette structure duale (technologie, spécificité des qualifications institutionnalisation-coutume). 4.3. LA SEGMENTATION COMME CARACTERISTIQUE ENDOGENE AU SYSTEME 4.3.1. L'approche radicale L'approche radicale, qui est le mieux présentée dans les écrits de R. Edwards, D.M. Gordon et M. Reich (Gordon 1972; Reich/Gordon/Edwards 1973; Gordon 1977a et h-, Edwards 1979; Gordon/Edwards/Reich 1982), trouve son origine dans le ma- térialisme dialectique et dans la critique marxiste de l'éco- nomie politique. La segmentation est considérée dans ces tra- vaux comme une réponse de la part du capitalisme monopolistique aux menaces qui pesaient sur lui. Celles-ci résultaient de tensions croissantes au sein du monde ouvrier consécutives â la prolétarisation et à l'homogénéisation de la force de tra- 2} vail . Les nombreux conflits de travail de l'entre-deux- guerres et des résistances internes croissantes menaçaient les nouveaux objectifs du capitalisme monopoliste, en parti- culier la recherche d'une stabilité de longue durée au tra- vers du contrôle du marché des produits et des facteurs. Une division de la main-d'oeuvre était dès lors nécessaire. Cette 1) Si tel n'est pas le cas, on peut entrer dans une entreprise 3 divers niveaux, ce qui postule l'existence d'autres formes d'échanges de travailleurs entre entreprises. Voir aussi 3.1.4. 2) Gordon et al. 1982, pp. 13-17. 62 division semblait résulter à la fois d'efforts délibérés et de forces liées â la dynamique du système. Les efforts déli- bérés ont trait â une modification du mode de gestion de la main-d'oeuvre, autrement dit des structures et relations in- ternes à l'entreprise (organisation de la production, ges- tion du personnel, hiérarchisation du contrôle , constitu- tion de marchés internes avec formation sur le tas et fi- lières promotionnelles, etc.). Cette modification aurait per- mis d'augmenter la rentabilité des entreprises tout en satis- faisant aux aspirations des ouvriers et des syndicats. Les forces systématiques ont pour leur part trait a la dua- lisation de l'économie et à ses conséquences sur la stabili- té des emplois et les conditions de travail qui leur sont associées dans chacun des secteurs. La segmentation est donc fonctionnelle, parce qu'elle facilite le fonctionnement du Systeme capitaliste. Cette analyse a l'avantage d'offrir une perspective histo- rique et d'expliquer pourquoi les prédictions de K. Marx ne se sont pas réalisées. Il n'est pas opportun de discuter l'approche radicale en dé- tails ici, car une étude approfondie de l'histoire économique américaine s'imposerait. On retiendra cependant de cette ana- lyse le fait que la segmentation constitue une phase particu- 2) lière du développement du système capitaliste , une tenta- tive d'explication globale des processus en oeuvre et sur- tout une perspective historico-institutionnelle, dont la per- tinence ne fait cependant pas l'unanimité parmi les histo- riens du travail aux Etats-Unis 1) R. Edwards (1979) développe la thèse d'un contrôle bureaucratique. 2) Son déclin aurait d'ailleurs commencé dans les années 70 (Gordon et al. 1982). 3) Voir p.ex. la critique de D. Brody in Journal of Interdisciplinary History, 1983 (à paraître). 63 4.3.2. Un processus cumulatif Tentant d'expliquer les causes de la segmentation plutôt que d'en décrire simplement l'existence ou de retenir la théorie de la discrimination, T. Vietorisz et B. Harrison (1973) ont proposé un modèle comparable à celui que G. Mydral (1957) avait élaboré pour comprendre le phénomène du sous-développe- ment . Ils ont montré, à l'aide d'une série de relations entre variables, comment des disparités initiales s'ampli- fient plutôt qu'elles ne se compensent. La segmentation ré- sulte donc du fonctionnement du système économique, et plus précisément de l'intensité capitalistique de la production. Celle-ci influence le niveau des salaires par l'intermé- diaire de la productivité. Le haut niveau des salaires in- cite les entreprises à investir dans des équipements à haute intensité de capital, afin de réduire la part du facteur tra- vail. Elles recourent alors à des travailleurs de plus en plus qualifiés. Ces deux opérations vont encore accroître la productivité et élever les salaires. Un haut niveau des sa- laires signifie aussi une qualification élevée, donc un sa- laire minimum croissant pour que les individus acceptent d'offrir leurs services. Cet élément contribue également à la hausse des salaires. L'inverse se produit dans le reste de l'économie, ce qui accroît la distance entre les deux segments. Pour que la démonstration soit complète, il faut encore que ces diffé- rences aient des conséquences sur la mobilité des tra- vailleurs: "Segmentation implies internal cohesion within the segments as much as divergence between them" (Vietorisz/ Harrison 1973, p. 372). La justification retenue repose sur les barrières à la mobilité entre segments, qui résultent des diverses qualifications qui sont requises. Plus ces diffé- rences sont grandes, moins il y aura de flux entre segments. En revanche, au sein de chaque segment, on devrait assister 1) Leur étude de cas a porté sur le ghetto de Harlem. 64 à une égalisation des salaires, la mobilité étant élevée. L'intérêt de cette analyse réside dans le fait qu'elle re- jette fondamentalement l'hypothèse de convergence et met en évidence des processus cumulatifs. Elle ne fournit en re- vanche aucun moyen d'appréhender empiriquement la segmenta- tion, n'explique pas l'origine du processus et suppose fon- damentalement l'existence d'une dualisation évidente. Elle laisse aussi de côté les rapports de force sur le marché. Enfin, l'argumentation quant â l'égalisation des salaires au sein de chaque segment n'est guère convaincante. 4.3.3. Dualisation de l'économie et dualisation du marché du travail Le passage entre une économie duale (économie primaire/se- condaire, centre/périphérie, secteur oligopolistique-mono- polistique/concurrentiel, etc.) et la dualisation du marché du travail a certes un sens, mais celui-ci est loin d'être absolu. Freiburghaus/Schmid {1975, pp. 438 - 439) ont ainsi subdivisé les secteurs primaire et secondaire de l'économie selon les fonctions d'exécution et de direction. Ils ont montré que les fonctions de direction du secteur secondaire de 1'économie doivent être affectées aux segments primaires supérieur et inférieur et qu'une partie du segment secon- daire se trouve dans le volant de mobilité du secteur pri- maire. Piore signalait d'ailleurs déjà en 1970 que la plu- part des firmes du "centre" disposent d'un "volant de mobi- lité" d'une certaine importance et que les firmes de la "pé- riphérie" offrent généralement quelques emplois de type pri- maire (Piore 1970). R. Hodson (1978) pense pour sa part que les structures éco- nomiques sont premieres, alors que la segmentation du marché du travail s'applique aux emplois au sein des deux secteurs {"monopoly" et "competitive"). Sur la base d'une analyse em- pirique, l'auteur affirme que: "The division of the labor 1) Voir aussi Freiburghaus 1976, p. 75. 65 force by fractions of capital has a moderately high corre- lation with the division into primary and secondary labor markets but the constructs are by no means identical." (Hodson 1978, p. 479). 4.4. DUALISME ET CHAINES DE MOBILITE 4.4.1. L'analyse dualiste et la typologie des segments de Doerinqer et Piore La conception initiale du double marché du travail, où le segment primaire offre de bons emplois et le segment secon- daire de mauvais et où le segment primaire est constitué d'une série de marchés internes (Doeringer/Piore 1971, p. 167), a rapidement montré ses limites, puisque certaines situations ne pouvaient être appréhendées par le schéma. Il s'agit notamment du marché des travailleurs très qualifiés (qualification générale), dont la fluidité est assez élevée. La mobilité qu'on y observe peut être due aux salaires ou à d'autres éléments qu'elle permet d'améliorer. Le segment primaire - qui offre des conditions d'emplois favorables, des salaires élevés, de bonnes perspectives promotionnelles, un climat et des relations de travail respectueuses des in- dividus et surtout une grande sécurité de l'emploi - a de ce fait été subdivisé, afin d'intégrer les situations qui ne correspondent pas au schéma des marchés internes- Il comprend désormais deux catégories: - Un segment primaire supérieur, qui concerne surtout les professions libérales et dirigeantes et les activités les plus lucratives et à statut social le plus élevé. Il offre les meilleures perspectives promotionnelles. La mo- bilité assez élevée implique presque toujours une amélio- ration de la situation ("upper tier jobs"). - Un segment primaire inférieur, qui comprend le reste du secteur primaire ("lower tier jobs"), où la mobilité se 66 déroule surtout â l'intérieur des entreprises (marchés internes) Dans le segment secondaire, les emplois sont mal rémunérés, les conditions de travail difficiles et les perspectives pro- motionnelles limitées. Les relations de travail sont très personnalisées et peuvent conduire à du favoritisme. La sé- curité des emplois apparaît comme réduite. Une forte mobi- lité résulte de telles conditions; mais celle-ci ne permet guère aux travailleurs concernés d'améliorer leur situation. Les définitions présentées ici reposent sur les caracté- ristiques des emplois. Ces dernières ne peuvent cependant être examinées indépendamment des attributs des individus qui les occupent. On peut de ce fait, pour chacun des seg- ments, proposer une série de variables .caractéristiques: la catégorie sociale, la formation, la famille, le style de vie 2) et la nature des relations sociales entretenues (Piore 1972) L'intérêt d'une approche simultanée des caractéristiques des emplois et de celles des individus est évidente, puisqu'elle porte en fait sur le résultat des processus d'allocation des individus aux postes de travail. -Elle constitue en conséquen- ce la meilleure réponse aux analyses néo-classiques, qui ne peuvent prendre en compte que l'un des deux aspects à la fois. L'approche de type sociologique qui est proposée pose cepen- dant des problèmes analytiques considérables, que discute par exemple A. Azouvi (1981, pp. 16s)'. Ce débat ne sera pas repris ici. 1) Plusieurs auteurs radicaux (p.ex. Edwards 1979; Gordon et al. 1982) re- tiennent une typologie comparable, qu'ils appellent "indépendant pri- mary" et "subordinate primary" respectivement. On trouve chez R.Edwards (1979, chapitre 9) une description détaillée de chaque segment et une synthèse des principales recherches empiriques qui soutiennent une telle hypothèse. 2) Pour R. Edwards (1979, chapitre 9), la caractéristique principale des individus concerne la qualification générale dans le "indépendant pri- mary", spécifique dans le "subordinate primary" et nulle dans Le "se- condary sector". Sur le plan empirique, ce sont pourtant les emplois qui sont affectés aux divers segments. 67 M. Piore était conscient de ces difficultés, puisqu'il a pro- posé de dépasser le caractère intuitif de son approche ini- tiale en définissant les segments plutôt par rapport à la nature des comportements de mobilité (Piore 1972). 4.4.2. Le concept de chaînes de mobilité Les comportements de mobilité se différencient plus par leur nature que par leur intensité. En effet, la principale diffé- rence entre les segments primaire et secondaire consiste en l'existence ou en l'absence de possibilités d'un avancement professionnel lors de changements de poste ou d'emploi. C'est ainsi que la mobilité promotionnelle résulte, pour le segment primaire inférieur, de l'acquisition automatique - c'est-à- dire par l'exercice même du travail - de connaissances et/ou d'un savoir-faire spécifiques. Celle-ci facilite, en réduisant leur coût, les changements d'emploi promotionnels. Pour le segment primaire supérieur, la formation, de nature générale, n'est pas liée aussi précisément à un processus de production. Elle facilite ainsi la mobilité entre emplois. Dans le segment secondaire, la mobilité n'apporte aucune amélioration de la situation, dans la mesure où elle n'est pas liée â un processus d'acquisition de qualifications. Le concept proposé pour cerner la segmentation à partir de ce point de vue est celui de "chaînes de mobilité". Il est issu de la constatation que la mobilité des travailleurs n'est pas aléatoire, mais suit des chemins plus ou moins déterminés. Ceci provient du fait que la plupart des emplois (en tout cas ceux du segment primaire) ne sont accessibles qu'à partir d'un nombre limité d'autres emplois. De ce fait, les travailleurs occupent différents emplois au cours de leur carrière dans un ordre déterminé par les exigences des entreprises (sélectivité du recrutement) ou par les règles de la promotion interne. 68 C'est donc sur l'enchaînement entre les divers emplois que doit porter l'analyse (les emplois passés et ceux auxquels l'emploi actuel permet d'accéder). En effet, deux emplois présentant des caractéristiques similaires {en termes de contenu et de salaires, de conditions de travail, etc.) peuvent' être intégrés dans des chaînes de mobilité diffé- rentes. La spécificité de chaque segment résulte, dans cette perspec- tive, de la nature des chaînes de mobilité: elles sont de forme ascendante entre établissements dans le segment pri- maire supérieur, ascendante.au sein de filières promo- tionnelles dans le segment primaire inférieur et horizontale dans le segment secondaire. Il faut préciser ici que, pour Piore, chaque position d'une chaîne de mobilité ("station") peut représenter un poste ou un établissement, mais aussi diverses caractéristiques écono- miques et sociales (école, milieu familial) qui influencent la position d'entrée sur le marché, donc les emplois ulté- rieurs auxquels il est possible d'accéder. Cette conception des chaînes de mobilité apparaît comme très prometteuse, en ce sens qu'elle met l'accent sur des pro- cessus qui sont liés au marché du travail et non sur des ca- tégorisations a priori. On ne peut donc parler de segmentation que si des chaînes de mobilité relativement stables existent et qu'elles exer- cent un effet de catégorisation, c'est-à-dire de partition quasi-permanente des travailleurs et des emplois entre grou- pes dissociés, mais complémentaires. Le concept de chaînes de mobilité a eu un impact considérable pour la recherche empirique locale en Europe . En revanche, elle n'a pas eu un grand succès aux Etats-Unis et même M. Piore ne s'y réfère plus guère dans ses derniers travaux (p.ex. in Berger/Piore 19S0). Ceci s'explique par le fait 1) Voir partie IZ, chapitres 4 à 6. 69 que les principaux auteurs se sont consacrés récemment à la recherche de l'explication de la segmentation et à une ré- interprétation historico-institutionnelle de la structure socio-économique actuelle {notamment Bruno 1979; Loveridge/ Mok 1979; Berger/Piore 1980; Sabel 1982; Gordon et al. 1982). La recherche empirique pour sa part s'est davantage orientée sur la définition des segments par leurs caractéristiques apparentes et sur l'étude de l'intensité et des causes présumées de la mobilité entre les segments ainsi définis. Les données statistiques existantes ne permettent en effet pas d'aller plus loin. 4.5. LES LIMITES DE LA RECHERCHE EMPIRIQUE 4.5.1. Des conceptions multiples La relation étroite établie entre l'économie et le marché du travail, les variables utilisées relatives aux emplois. aux individus et aux flux ainsi que le côté élémentaire de la définition initiale (bons et mauvais emplois) sont à l'origine de grandes confusions parmi les auteurs. Les étu- des empiriques qui ont été réalisées dans ce sens le con- firment. On a ainsi privilégié parfois les branches d'acti- vité (p.ex. Alexander 1974; Oster 1979; Tolbert et al. 198O)/ les professions (Ostermann 1975; Rosenberg 1975; Fabricant Lowell 1978), les établissements (Biehler/Brandes 1981) ou les individus (Wachtel/Betsey 1975), parfois aussi des com- binaisons d'éléments (p.ex. branches, taille et taux d'ouver- ture - Stoeckel 1978) . Les critères utilisées peuvent être simples (le revenu - Rosenberg 1975; Wachtel/Betsey; Fabri- cant Lowel 1978 - le taux de rotation - Alexander 1974 - l'intensité des échanges - Stoeckel 1978 - l'importance des flux internes ou externes - Biehler/Brandes 1981 - les perspec- tives promotionnelles - Osterman 1980) ou complexes. Ils dé- pendent dans ce cas aussi de la méthode utilisée. Elle est par exemple uniquement qualitative chez P. Ostermann (1975), où elle repose sur une évaluation personnelle. De nombreux 1) Ces travaux sont bien présentés par Edwards 1979. Ils sont également discutés rapidement dans la prochaine section. 70 auteurs ont cependant recouru à des méthodes multivariées, où les variables considérées sont par définition nombreuses. On retiendra: - la segmentation chez Wachtel/Betsey 1975 et Freedman 1976 - l'analyse factorielle chez Oster 1979 et Tolbert et al. 1980. Dans les autres cas, des méthodes statistiques plus simples (distribution de fréquences, seuils a priori, etc.) ont été utilisées. La diversité de ces approches s'explique en bonne partie par l'hétérogénéité des bases théoriques sur lesquelles elles se sont appuyées, et qui a été signalée ci-dessus. Elle laisse aussi supposer que la frontière n'est pas toujours parfaite- ment nette entre les deux segments. Pour que tel soit le cas, il faudrait que, par rapport au critère retenu - p.ex. le re- venu - une courbe clairement bimodale existe et permette d'identifier sans ambiguïtés deux segments (Ryan 1981, p. 7). Il convient néanmoins de s'attarder quelque peu sur certains travaux empiriques. Ceux-ci peuvent être subdivisés en deux grandes catégories: certaines études visaient a démontrer l'existence de phénomènes de segmentation et â en décrire la nature (4.5.2.), alors que d'autres travaux avaient pour but premier de proposer des catégorisations nouvelles (4.5.3.). 4.5.2.L'existence de phénomènes de segmentation Les premières applications empiriques ont examiné trois hypo- thèses principales relatives à la dualisation du marché du travail. Il s'agissait de tester l'existence de deux segments distincts, de comportements différents au sein de chacun des segments et de restrictions à la mobilité entre segments. On n'entrera pas ici dans le détail de ces analyses, dont plu- sieurs auteurs rendent soigneusement compte (p.ex. Rosenberg 1979 et Ryan 1981). On signalera cependant que l'hypothèse de segmentation n'était pas soutenue dans tous les cas, qu'il s'agissait le plus souvent d'analyses transversales portant sur une seule année et que les données traitées concernaient surtout les hommes. 71 Le fait de ne pas considérer les femmes devrait avoir conduit à sous-estimer la taille du segment secondaire et la clareté de la segmentation, et a sur-estimer la mobilité entre seg- ments. Les biais liés à l'utilisation de méthodes trans- versales sont aussi évidents, parce que les données ne per- mettent pas de tester les changements qui peuvent survenir au cours de la vie active des individus. La valeur du rende- ment de l'éducation (théorie du capital humain) est par exemple sous-estimë et peut conduire à accepter trop facile- ment l'hypothèse de segmentation. En revanche, rechercher des barrières absolues plutôt que relatives (p.ex. Cain 1976) ou ne considérer que les différences raciales dans la mobi- lité entre catégories professionnelles (p.ex. Leigh 1976) peut conduire à rejeter cette même hypothèse trop rapidement. Certains auteurs ont tenté de remédier au biais inhérent aux analyses transversales en utilisant des données longitudina- les (p.ex. Buchele 1976 ; Rumberger/Carnoy 1980; Rosenberg 1980 et 1981). Ces analyses ont permis de préciser l'hypo- thèse de segmentation, mais sans pour autant la confirmer de manière absolue. En effet, la limite entre segments n'est jamais très nette, les barrières ne sont pas absolues et l'accent mis sur la mobilité semble avoir été exagéré, parce que les comportements de mobilité semblent plus liés à l'âge qu'à la profession ou a la race (Flanagan 1978; Osterman 1980). Par ailleurs, les périodes sont courtes (5 à 10 ans) et très spéciales (entre 1960 et 1975). Les données traitées sont souvent partielles et leur agrégation repose généralement sur la race, le sexe et/ou la catégorie professionnelle. Ensuite, la forme des segments est définie a priori. De ce fait/ même si le modèle testé était confirmé, ce qui n'est donc pas toujours le cas, cela ne signifierait pas encore que la forme de la segmentation ainsi identifiée soit la seule possible. On peut aussi s'interroger quant à la possibilité de s'appuyer sur des techniques économétriques pour trancher le débat relatif è l'existence de la segmen- tation. La réalité est en effet toujours plus complexe que 72 les modèles testés et change au cours du temps. Enfin, les problèmes des rapports de causalité et de la temporalité dans laquelle s'inscrivent les événements ne doivent pas être sous-estimés. Les analyses menées par D. Gordon et al. (1982, pp. 165-227) sont plus satisfaisantes sur le plan de la période couver- te . Divisant les branches industrielles entre centre et 2) périphérie , ils montrent que l'écart entre ces deux groupes s'est accru dans le temps , que ce soit en matière de salaires, de valeur ajoutée, de proportion de personnel affecté ä la production et d'instabilité de l'emploi {me- surée par la fréquence des licenciements). Ces diverses analyses ont incontestablement le mérite de couvrir une période suffisamment longue pour être signifi- cative. L'insuffisance des données a cependant nécessité des simplifications et des hypothèses non négligeables. C'est ainsi que les affectations de branches entières au centre ou à la périphérie cachent souvent de grandes différences entre entreprises, voire entre établissements ou lignes de production d'une entreprise. La stabilité du découpage constitue un autre problème, qui est discuté ci-dessous. Une critique similaire concerne les affectations des caté- gories professionnelles. Enfin, on relèvera que les indi- cateurs au travers desquels la segmentation est mesurée sont très globaux et n'ont que des relations indirectes avec le fonctionnement du marché du travail. 4.5.3. Segmentation et catégories statistiques Lorsque la délimitation de segments est liée ä un objectif de recherche précis, elle prend un sens par rapport à celui- ci. Mais la délimitation de segments a parfois constitué un 1) Selon les données disponibles, cette période va de 1947 ou 1958 â 1979. 2) D'après Oster 1979. 3) Une analyse plus fine montre cependant que tel n'a pas été le cas du- rant chacune des phases des cycles conjoncturels ni pour toute la période étudiée. 73 but en soi, c'est-à-dire qu'on voulait proposer des regroupe- ments statistiques nouveaux. Dans ces cas-là, on se trouve immédiatement confronté à deux types de difficultés: - Les critères utilisés sont le plus souvent partiels et présentent de grandes lacunes. Ch. Jencks (1972, pp. 224- 226) signale ainsi que les catégories professionnelles ne sont pas homogènes, puisque même au niveau de désagrégation le plus fin atteignable aux Etats-Unis (435 positions), deux tiers des écarts de salaires surviennent à l'inté- rieur même des catégories. F. Eymard-Duvernay (1980) apporte pour sa part une démonstration empirique de la médiocrité d'une approche basée sur le seul secteur d'acti- vité. Il a utilisé dans ce but un indice de stabilité des effectifs. Les approches plus complexes qui ont été men- tionnées ci-dessus vont aussi dans le mêine sens. D'une manière générale, on constate que plus le niveau d'analyse est fin, meilleure est la classification. Mais ce n'est qu'en prenant en considération les couples individu/emploi qu'une approche empirique fiable pourrait être réalisée. - Pour qu'un découpage ait un sens, 11 faut qu'il soit stable. Or, tout changement dans la conjoncture entraîne la trans- formation d'emplois primaires en emplois secondaires, ou inversement (p.ex. Rosenberg 1980 et 1981). Il faut con- naître ces transformations pour comprendre les processus en oeuvre. De ce fait, les découpages statiques qui ont le plus souvent été proposés perdent de leur intérêt. Toute application empirique devient d'ailleurs difficile dans un tel contexte. 4.5.4. Segmentation et dualité: des synonymes? Plus que par sa pertinence théorique, c'est grâce à son caractère souple et relatif que la notion de dualité a connu un grand succès. En effet, cette notion est applicable à n'importe quelle situation oü un objet d'analyse veut être séparé du reste. Les multiples conceptions rencontrées le 74 confirment. Il est d'ailleurs apparu que l'on ne peut pas identifier simultanément et indépendamment l'existence des deux segments. Les bons emplois ne sont bons que parce qu'il existe de très mauvais emplois, mais ils ne constituent pas une catégorie homogène. On ne peut donc définir un segment primaire sur la seule base de la qualité ou de la stabilité des emplois, mais par rapport à un groupe d'emplois hien définis- Réciproquement, on peut.identifier comme primaires des emplois insérés dans un marché interne (dont la défini- tion peut varier), mais c'est alors le segment secondaire qui apparaît comme un résidu. Toutes les tentatives effectuées pour caractériser les deux segments à la fois ont abouti à définir des cas idéaux, mais à laisser dans l'ombre la plus grande partie de la réalité. F.C. Valkenburg et A.M.C. Vissers (1978 et 1980) ont par exemple examiné plusieurs indicateurs de segmentation. Lorsqu'ils sont cumulés, comme c'est le cas dans la théorie (p.ex. grandes entreprises de secteurs à haute intensité de capital, occupant des travailleurs stables et responsables dans leur marché interne pour le segment primaire, et à l'in- verse pour le segment secondaire), leur représentativité de- vient vite négligeable par rapport à l'ensemble de la popu- lation (11,5% dans le cas mentionné} et laisse supposer l'existence de formes de segmentation beaucoup plus comple- xes. Pour leur part, M. Freedman (1976) et F. Stoeckel (1978) ont obtenu la confirmation de la multiplicité des segments. M. Piore et S. Berger écrivent pour leur part que "...the significance of dualism is not that a society is divided into two autonomous and discontinuous segments but that a society is divided segmentally and not continuously." (Ber- ger/Piore 1980, p. 2). C'est donc l'existence de disconti- nuités qui est centrale pour l'analyse, plus que la défini- tion et la délimitation précise de n segments. En d'autres termes, la segmentation apparaît surtout par une forte dis- persion autour de la moyenne, qui empêche de considérer les 75 emplois et les individus comme homogènes, et par l'existence d'un certain nombre de discontinuités observables au niveau des flux de main-d'oeuvre. 4.6. LA SEGMENTATION: THEORIE OU CONCEPT? 4.6.1. Segmentation et théorie économique Les ambiguïtés et les imprécisions qui ont caractérisé la plupart des approches "segmentaristes" leur ont enlevé beau- coup de crédit et ont facilité les réponses des néo-classi- ques (notamment Wächter 1974 et Cain 1976). On ne peut d'ailleurs que relever avec M.L. Wächter et G.C. Cain la multiplicité et l'incohérence de nombreux concepts et le fait que tous ne sont pas incompatibles avec le modèle néo- classique. Cependant, tant que le débat reste au niveau actuel, c'est-à-dire que l'on s'efforce de montrer à coup d'analyses économétriques ou de tests empiriques que l'une des approches est bonne et l'autre mauvaise, on ne progresse- ra pas beaucoup dans le domaine. D. Freiburghaus (1979) a fort bien souligné que, malgré la complémentarité des perspec- tives, il s'agissait souvent d'un dialogue de sourd entre frères ennemis. Ce qui est certain, c'est qu'aucune des deux théories n'est parfaite. Montrer que les approches des seg- mentaristes sont insuffisantes ne suffit en aucun cas à con- férer au modèle néo-classique la "toute-puissance". Même s'il est actuellement le seul à pouvoir se vanter d'une cohé- rence par le biais du système des marchés entre l'ensemble des variables économiques et de possibilités universelles d'applications, cela ne signifie de loin pas qu'il s'agit d'une approche correcte. D. Robinson écrivait ainsi que "...la recherche d'une théorie unique...est condamnée à aboutir â de telles généralisations, que son utilité serait nulle pour la formation de politiques." (Robinson 1974, p.94). L'universalité rend en effet les explications et les structu- rations théoriques tellement incertaines que le champ d'application en devient presque négligeable. 76 Ce désir de tendre â l'universalité a aussi pu être observé chez de nombreux segmentaristes, qui ont omis de tenir compte du contexte dans lequel le modèle qu'ils préconisent a été élaboré et de s'interroger sur les possibilités de son appli- cation véritable. Les interprétations superficielles de nombreuses situations sur lesquelles on a calqué le modèle dual sont à l'origine d'un appauvrissement de concepts pour- tant très riches au départ. C'est-ainsi que l'approche duale a été conçue dans un esprit d'opposition à la conception unitaire du modèle néo-classique et à partir de l'obser- vation de la persistance de la pauvreté dans certaines ca- tégories de la population. Elle ne permet en revanche pas de procéder, sous sa forme originale, a une analyse globale du fonctionnement du marché de l'emploi. 4.6.2. Quelques concepts a retenir D'une manière générale, il semble qu'on puisse parler de segmentation dès que les individus et/ou les emplois ne sont plus homogènes (substituables), mais qu'ils sont réunis en un certain nombre de groupes ou de segments au sein des- quels des échanges ont lieu. Ces propriétés doivent être durables, c'est-à-dire que les processus qui régissent la partition du marché et le fonctionnement de chaque sous- marché doivent être stables et contraignants. Chaque indi- vidu ne peut donc accóder à chaque type d'emploi. Les causes de cette segmentation peuvent avoir trait aux caractéristiques des individus, à des règles collectives formelles ou infor- melles et à des coûts (au sens large) à surmonter. La segmentation n'est en outre jamais parfaite, car cela signifierait une hétérogénéité complète des parties et une allocation déterministe des individus aux emplois. Elle s'oppose néanmoins à une flexibilité parfaite, c'est-à-dire que tous les individus et tous les emplois sont substi- tuables. Il ne s'agit cependant pas de poser le problème en termes d'alternative segmentation/flexibilité, mais 77 d'examiner la maniere dont la flexibilité est utilisée par les entreprises en vue de résoudre leurs problèmes de main- d'oeuvre, et ceci en termes dynamiques: "Segmentation ist das strukturelle Ergebnis der Lösung betrieblicher Arbeitskräfte- probleme unter Berücksichtigung verschiedener betrieblicher Interessen und Bedingungen. Sie bedeutet nicht schlechthin die Reduzierung von Flexibilität oder gar Erstarrung, son- dern eine interessengeleitete Umschichtung von Flexibilität, d.h. einerseits deren Reduzierung, andererseits aber deren Erhöhung in einer Weise, die einzelwirtschaftlichen Renta- bilitätsinteressen förderlich ist." (Sengenberger 1979a, p.7). La définition de W. Sengenberger résume fort bien plusieurs observations empiriques, qui ont montré à l'évidence qu'un modèle simple et unique ne permet pas d'appréhender correcte- ment la réalité. En l'état actuel des recherches, la notion de segmentation apparaît donc de plus en plus comme un con- cept qui aide â comprendre la réalité, mais dont la portée reste limitée. Il faut aussi éviter de procéder à des analyses indépen- dantes pour chacun des segments et de retomber dans les in- suffisances du modèle néo-classique. La segmentation n'a en effet de sens que si les divers segments sont vus comme un tout, c'est-à-dire qu'ils remplissent dans le système économique des fonctions complémentaires. PARTIE II ANALYSES LOCALES ET SEGMENTATION MÉTHODES ET PRINCIPAUX RÉSULTATS DE PLUSIEURS ÉTUDES DE CAS I. INTRODUCTION 81 1.1. LES LIMITES DES APPROCHES GLOBALES Les études locales sont issues de la constatation que les approches globales, au-delà de la dimension quantitative qu'elles apportent, se heurtent rapidement à certaines limites lorsque l'on souhaite comprendre en détail ce qui se passe dans la réalité, afin de pouvoir orienter correcte- ment les politiques des autorités. Leur origine est cependant récente et résulte assez directe- ment de l'apparition de problèmes nouveaux, tels que la dé- centralisation en France et l'accentuation des disparités interrégionales en Allemagne, ou plus généralement les con- séquences de la phase actuelle du redéploiement des activités. Les économistes se sont en effet beaucoup trop longtemps arrêtés â la considération de seuls bilans, c'est-à-dire qu'ils ont négligé entièrement de considérer les processus en oeuvre. Il est ainsi assez symptomatique de voir qu'il a fallu attendre presque jusqu'à maintenant pour voir publiés les résultats d'une étude globale relative aux créations et aux disparitions d'emplois dans toute une éco- nomie (en l'occurrence les U.S.A. - Birch 1979 et 1981). Et ces résultats se sont révélés surprenants par rapport aux idées les plus répandues : - 66% des créations d'emploi surviennent dans des entre- prises de moins de 20 salariés et 77% dans des entreprises de moins de 50 salariés. - Ce qui différencie les régions dynamiques des autres n'est pas le nombre des suppressions d'emplois, mais celui des créations. 1) Peu d'éléments sur la méthodologie employée et sur la base de données uti- lisées sont livrés au lecteur. Une certaine prudence s'impose donc, d'autant plus que quelques travaux récents donnent des résultats contra- dictoires. 82 - La croissance ou le déclin ne sont pas des caractéristiques permanentes de certaines entreprises, le déclin annonçant souvent une expansion future et inversement. - Les créations d'emplois résultent dans 50% des cas de la naissance de nouvelles entreprises et dans les 50% restants de l'expansion des firmes existantes. La mobilité des activités pour sa part semble constituer un processus négligeable . De tels résultats modifient évidemment profondément l'appro- che des problêmes. On constate d'abord que les seuls bilans ne suffisent pas. Ensuite il apparaît que les raisonnements qui se limitent aux seules grandes entreprises et/ou qui sont orientés sur la conservation de l'acquis plus que sur la re- cherche de la nouveauté se révèlent inappropriés. Par ailleurs, on voit que l'importance des créations et des suppressions d'emplois est très élevée: environ 8% des postes dispa- raissent et 11% apparaissent chaque année (moyennes approxi- matives de la période 1969-1976). Déjà pour cette seule rai- son, les flux sur le marché de l'emploi vont être considé- rables, dans la mesure où il est improbable que la mobilité naturelle permette â elle seule de faire face à ces modifi- cations structurelles. La manière dont les ajustements s'opè- rent devient alors un ob-jet d'étude privilégié. Ces phénomè- nes ont déjè été reconnus au début des années septante dans le cadre de quelques études locales (Lutz et al. 1972 et 1973; Destefanis/Vasseur 1974), mais ils n'ont pas eu un retentissement similaire. D'autres exemples peuvent être don- nés qui montrent les insuffisances des approches globales. On mentionnera par exemple la constatation du fait qu'une offre d'emplois supplémentaire n'implique pas toujours une diminu- tion du chômage (p.ex. Thëlot 1975a) et la mise en évidence 1) On peut formuler quelques doutes au sujet de ce résultat, car on a de la peine à s'imaginer que l'on ait pu différencier les transferts d'activité dans les multiples formes qu'ils revêtent pour Les 5,6 mil- lions d'établissements considérés. 83 des causes des bilans migratoires défavorables des régions périphériques, lesquels résultent non d'un excès d'émigra- tion, mais d'une immigration insuffisante (p.ex. Pella- ton 1980). Des approches fines des processus en oeuvre apparaissent donc comme indispensables. 1.2. L'ENJEU DES ANALYSES LOCALES Plusieurs raisons permettent d'expliquer l'essor d'analyses locales relatives au marché de l'emploi: - Le bassin d'emploi (quelle que soit sa définition exacte) constitue un espace significatif autant pour les tra- vailleurs que pour les entreprises par rapport au problè- me de l'emploi. - Le bassin d'emploi constitue un lieu d'observation privi- légié des processus en oeuvre. - L'inadéquation des données statistiques disponibles par rapport aux besoins réclame de nouveaux modes de prélève- ment d'informations (enquêtes). Celles-ci ne peuvent être réalisées de manière satisfaisante que dans des espaces restreints. - C'est au niveau local que le besoin de mieux comprendre la réalité et de disposer de concepts^ et de critères per- tinents s'est fait le plus sentir. - La prise de conscience de l'aggravation des disparités interrégionales et plusieurs mouvements de régionalisation ("Vivre au Pays") ont contribué à placer, particulière- ment au début des années 70, le fait régional au centre des débats. C'est du contexte de haute conjoncture que les premières études sont issues, mais c'est durant la période actuelle de transformation de la structure des activités qu'elles prennent tout leur sens. Malheureusement, on observe actuel- lement un revirement de perspectives, l'ampleur du chômage national rejetant au second plan les problêmes régionaux. 84 Or, il est probable - et les résultats de l'étude de Birch confirment cette hypothèse - que les petites entreprises se- ront aussi à l'avenir à la base de la croissance du nombre des emplois. La théorie traditionnelle de la localisation pourrait bien dans ce contexte se montrer dépassée, parce que les régions moyennes auraient beaucoup plus de chances de développement que précédemment. Et peut-être est-ce à partir d'une dynamisation des potentiels régionaux que l'on peut attendre les stimuli d'un nouvel essor économique. 1.3. CONTENU DE LA DEUXIEME PARTIE Les travaux auxquels il est fait référence dans cette partie sont tous basés plus ou moins strictement sur- les apports de la théorie de la segmentation. Ils tournent tous plus ou moins étroitement autour de quelques thèmes: structure des flux de main-d'oeuvre, sous-marchés, chaînes de mobili- té, caractère structurant de l'offre d'emploi et position de l'entreprise sur le marché de l'emploi. Au-delà de cette concordance très générale apparaissent des méthodologies fort diverses, qui rendent leur examen fructueux pour la poursuite des efforts importants qui ont déjà été réalisés, mais dont le caractère encore imparfait n'échappe à personne. Ces étu- des sont présentées dans les trois premiers chapitres. Elles sont suivies par une synthèse des résultats de la recherche empirique réalisée dans la région de Neuchâtel: a) D'abord un schéma pour une comptabilité locale de- l'emploi est proposé, afin de structurer de manière similaire les résultats quantitatifs des principales études dans le domaine et de relier en un système cohérent des données relatives aux emplois, aux individus et aux flux. Ce sche- ll On l'appellera ainsi par souci de simplification. 85 ma constitue aussi un point de départ pour améliorer la collecte d'informations statistiques (chapitre 2). b) Le chapitre suivant porte sur deux études qui ont été réalisées en Allemagne autour de la notion de région fonctionnelle et qui ont une problématique orientée sur l'action (chapitre 3). c) L'accent principal de cette partie est placé sur le con- cept de chaînes de mobilité et sur la position des entre- prises au sein de la structure régionale du marché de l'emploi. Les études présentées au chapitre 4 consti- tuent des tentatives de structurer des informations complexes relatives aux flux de main-d'oeuvre de manière simple et utile pour la compréhension des processus en oeuvre sur le marché de l'emploi. d) C'est dans cette perspective que l'étude de cas sur Neuchâtel a été réalisée. Sa présentation est divisée en deux chapitres..Le premier (chapitre 5) est consacré â la démonstration du caractère structuré du marché de l'emploi. Le second (chapitre 6) propose une approche méthodolo- gique du fonctionnement du marché de l'emploi et consti- tue en fait une synthèse personnelle des apports des autres travaux et des résultats de l'étude sur Neuchâtel. Toute cette partie est consacrée à des approches régionales, c'est-â-dire que l'espace défini est étudié comme un espace homogène. Ce n'est que dans la dernière partie de cette étude que la dimension spatiale a véritablement été intro- duite. 87 CHAPITRE 2: ANALYSES LOCALES ET SEGMENTATION: UN SCHEMA DE COMPTABILITE LOCALE POUR STRUCTURER LES DONNEES QUANTITATIVES 2.1. INTRODUCTION Les travaux à partir desquels a été préparée cette section sont tous basés sur une analyse des flux de main-d'oeuvre ^'. Dans le but de comparer ces études, une partie de leurs résul- tats ont été présentés sous la forme d'un schéma comptable . Il s'agit en fait d'une manière de répertorier simplement les principaux mouvements survenus au sein d'un bassin d'emploi donné durant une certaine période et de disposer immédiatement d'agrégats interprétables. Pour cela, une période annuelle semble constituer une durée raisonnable. En effet, on pourrait de la sorte se rattacher à des sources statistiques officiel- les et obtenir des bases de comparaison fiables dans le temps, afin de mesurer l'ampleur des changements intervenus dans un bassin d'emploi donné. Par ailleurs, une période trop longue nuirait a l'utilité de l'analyse pour la politique régionale. Trois comptabilités ont été établies: celle des emplois, celle des individus et celle des mouvements qui relie les deux pre- mières. Cependant, dans'la mesure où aucune des études présen- tées n'a été conçue en fonction d'un tel schéma, les possibi- lités de véritables comparaisons demeurent limitées. Les con- textes très différents dans lesquels elles ont été réalisées les réduisent encore. L'objet de ce chapitre consiste de ce fait plutôt à montrer une possibilité d'application, à confir- mer certains ordres de grandeur et à indiquer certaines varia- bles ou les différences de la structure et du fonctionnement du marché de l'emploi apparaissent le mieux. 1) Ils sont présentés dans l'Annexe 4. 2) Une première version de ce schéma a été présentée par L. Mallet (1980). 68 2.2. LES EMPLOIS 2.2.1.. La comptabilité des emplois Supports de la mise en oeuvre de la force de travail, les em- plois voient leur nombre varier par des créations et des sup- pressions et leur structure se modifier par la transforma- tion des emplois existants. Dans une analyse très fine, l'ensemble des emplois d'une zone pourrait être considéré comme une population soumise a des événements de type démographique. Certains ont une existence longue, d'autres courte; d'autres encore ont une existence périodique ou limitée au départ; certains, enfin, sont dépla- cés dans l'espace. Une telle analyse n'est évidemment pas envisageable à une grande échelle, vu la nature des informations nécessaires, mais aussi vu le caractère modifiable d'un poste de travail. Pour parvenir, malgré tout, â utiliser au mieux des informa- tions accessibles, certaines hypothèses simplificatrices sont nécessaires: - on ne compte pas les emplois vacants (imprécision du con- cept et difficulté de compter leur nombre) - un emploi supprimé pendant une période et recréé ensuite est considéré comme une création simple - on suppose le contenu des emplois stables - les déplacements d'emplois sont considérés comme de simples suppressions. C'est sur la base de ces hypothèses qu'ont été étudiés les emplois. Soit une période allant de t0 à ti. Connaissant les données suivantes: E0: emplois existants en t0 Ei: emplois existants en ti, on peut calculer Ei-E0 = A E, qui représente le bilan de la période. 89 On peut encore connaître: Coi: créations d'emplois entre t0 et ti et Dol: disparitions d'emplois entre t0 et t± Les relations entre ces deux variables sont les suivantes: Ei - E0 = Col - DoI ou E1 + D0i = E0 + Col = Et, ou Et = nombre d'emplois ayant existé en cours de période. Le solde AE est relativement facile à obtenir. En revanche, les flux de créations et de disparitions sont plus difficiles à estimer. Il faut en effet établir le niveau auquel va être effectuée l'observation. Dans une version très agrégée, les mesures peuvent être réalisées au niveau de la branche ou de la région. Plus le niveau de l'observation sera fin, plus nom- breux seront les flux répertoriés. On peut ainsi étudier les créations et les suppressions au niveau de l'établissement, des départements ou des services de l'entreprise, voire au niveau de poste lui-même, si l'on connaît le motif de l'em- bauche . Les procédures utilisées dans les études retenues sont assez différentes. - Dans l'étude sur Augsburg , les informations relatives aux recrutements et aux départs de travailleurs ont été agrégées selon 130 unités statistiques significatives constituées sur la base de critères relatifs a la main- d'oeuvre (profession exercée, sexe) ou aux entreprises (nature de l'activité, taille, localisation, type juri- dique) . Le bilan de ces flux pouvait Stre positif (créa- tions) ou négatif (suppressions). Le raisonnement a donc été conduit au niveau du groupe d'emplois. 1) Annexe 4 (1). 90 - Dans l'étude sur Annecy D, les créations d'emplois ont pu Être calculées au niveau du poste de travail lui-môme. En effet, elles correspondent au nombre des réponses donnant la création du poste comme motif de recrutement. Connaissant la variation totale de l'emploi durant la période (AE), il est alors aisé d'en déduire le nombre des disparitions. - Dans l'étude sur Neuchatel 2^, les créations et les suppres- sions d'emplois ont été-calculées au niveau des établisse- ments. Elles sont obtenues en sommant séparément les varia- tions positives (créations) et négatives (suppressions) du nombre des emplois offerts- par chaque établissement en début et en fin de période. Cette méthode présente plusieurs avantages: - Elle est plus précise que l'observation au niveau de la branche. - Elle convient assez bien pour apprécier les flux sur le marché de l'emploi. - Elle peut s'appliquer à des informations statistiques existantes ( p. ex. statistique de l'industrie en Suisse). - Elle incorpore la notion d'établissement. - Elle est d'autant plus précise que le nombre d'établisse- ments est élevé et que leur taille est petite. Aucune de ces méthodes ne considère les mouvements internes aux entreprises, lesquels peuvent être très nombreux lors- qu'existe un marché interne. Les événements survenus en cours de période sont également ignorés. En admettant que C0i et D0i reflètent correctement les varia- tions du nombre des emplois, on peut calculer les emplois "pérennes" 2'8OO (1,6%) 2'171 (6,2%) 345 (1,7%) 57 (2,8%) 402 (1,8%) Col + Doi 7'700 7'275 817 162 979 £P a 172*200 98,-S* 32'672 93,8* 19'764 98,3% 2'014 97,2% 21*778 98,2% Et 179*900 39'950 20*581 2' 176 22*757 1) Cette étude porte sur 17 mois, contre 12 pour les deux autres. 2) Le total de l'emploi n'est pas connu, dans la mesure ou l'enquête a porté sur les seuls flux de main-d'oeuvre. Les auteurs se basent sur une estimation comprise entre 170'000 et 180*000. Nous avons retenu 1751OOO par souci de simplification. Par ailleurs, les chiffres ont été calculés pour l'ensemble de la population, sur la base d'un échantillon représentatif. Ils ont de ce fait été arrondis. 3) Ce résultat différera considérablement lorsque l'on prendra en considé- ration les flux de main-d'oeuvre* Ces imprécisions proviennent du prin- cipe même d'une enquête auprès des individus plutôt que des entreprises. 4) 40,8% des embauches sont consécutives à la création de postes. 93 Les résultats ne sont pas tous comparables en raison de défi- nitions et de périodes différentes. L'intérêt de cette étape est cependant réel: - Elle confirme qu'une analyse au niveau des postes révêle un nombre de mouvements beaucoup plus élevé que le seul bilan ne le laisse supposer, et ceci quelle que soit la situation conjoncturelle. La forte croissance de l'emploi influence cependant fortement le résultat de l'étude d'Annecy - Les résultats obtenus dans les études sur Augsburg et sur Neuchâtel semblent donner des ordres de grandeurs à peu près comparables, bien qu'avec des méthodes et dans des contextes différents. Elles indiquent approximativement l'ampleur des mouvements en situation économique relativement stable. - Les mouvements des emplois sont dans tous les cas importants et méritent d'être pris en considération pour l'analyse. - Les comportements de toutes les populations d'établissements ne sont pas les mêmes durant une période donnée, ainsi qu'en témoignent les mouvements des emplois dans les enquêtes (grands établissements) et dans les questionnaires (petits établissements) relatifs à l'étude sur Neuchâtel. Des sub- divisions peuvent donc être particulièrement intéressantes (p.ex. selon l'activité économique, la localisation ou toute autre caractéristique pertinente par rapport au problème à étudier). En fait, il ne s'agit là que d'un premier élément dans la comparaison des résultats visée dans ce chapitre. 1) Dans l'étude sur Compiègne, CQ]_ valait 4,3% de EQ et D0^ 3,8%, pour une variation totale de l'emploi de +0,5%. 94 2.3. LES INDIVIDUS 2.3.1. La comptabilité des individus Les individus peuvent occuper un emploi, Stre au chômage ou être inactifs (c'est-à-dire ne pas faire partie des deux ca- tégories précédentes). Dans un espace fermé, les deux derniers groupes sont détermi- nés par le volume et la structure des emplois offerts sur le marché. Ces trois groupes, en apparence clairement différenciés, ca- chent cependant des interrelations souvent étroites. Relevons par exemple les inactifs effectuant du travail au noir, les chômeurs déguisés (inactifs touchant une indemnité de chômage, mais sans avoir l'intention de travailler), les personnes ayant perdu leur emploi et refusant de s'inscrire au chOmage, les personnes au chômage depuis longtemps et ne touchant plus d'indemnités,etc...Ces interrelations varient selon la con- joncture et présentent certainement des particularités loca- les. Seules des approches spécifiques permettent de les éva- luer . La comptabilité des individus, même sous sa forme la plus simple, exige beaucoup d'informations statistiques: entrées et sorties de l'activité, entrées et sorties du chômage, en- trées et sorties de l'inactivité, ainsi que flux d'entrée et de sortie du bassin d'emploi. Soit: 10 : nombre d'individus actifs en t0 (I0 = E0) 11 : nombre d'individus actifs en tx (I1 = E1) I1 - I0 = Variation de la population active occupée -^ . 1) On ajouterait dans une version complète pouvant s'appuyer sur des sta- ¦tistiques officielles: U0 = chômeurs en to Ui = chômeurs en ti ul-uo = variation du nombre de chômeurs Y0 = inactifs en to Yi = inactifs en ti Y0-Yi = variation du nombre d'inactifs. 95 On peut aussi connaître les individus actifs durant la période (actifs "pérennes", ou Ip): Ip = Io ~ sol = Il - Aol = e*Io où Sol = sorties d'activité d'individus actifs en tQ, et A01 = entrées en activité d'individus inactifs ou chômeurs en t0. Enfin, e-I0 peut être comparé ä a.E0: Si "e" = "a", cela signifie que les mouvements d'individus sont inexistants. Ils résultent uniquement des créations et des suppressions de postes. En général, "a" est supérieur à "e", car Soi> D01, et A01 > C0i Les relations entre les trois groupes d'individus (au sens défini ci-dessus - actifs, inactifs et chômeurs) constituent en effet des composantes importantes du fonctionnement du marché de l'emploi. Plus le ratio calculé (ê) est grand, plus les mouvements d'actifs "pérennes" sont importants. Les accès è l'emploi et les sorties d'activité peuvent être analysés plus en détail: A0i = Rifi + RCa + Rhr + Rh1 + rhc + rhe où A01 = accès â l'emploi rir = recrutements d'individus inactifs ou de chômeurs en t0 et actifs en t^ RçA = recrutements d'individus au chômage en tQ et actifs en ti Rh& = recrutements hors région d'actifs rhi = recrutements hors région d'inactifs RHC = recrutements hors région de chômeurs RHE = recrutements hors du champ de l'échantillon dans la région. 96 S0l ~ SRI + SfiC + SAH + SIH + SCH + SHE où S0i = sorties du système régional de l'emploi Sai = sorties d'activité (dans la région) SfiC = sorties d'activité vers le chômage (dans la région) sah = sorties de la région vers un autre emploi SIH = sorties de la région vers l'inactivité SCH = sorties de la région vers le chômage SHE = sorties hors du.champ de l'échantillon dans la ré- gion. Enfin, on peut connaître le total des individus salariés au cours de la période: ^t = 1I + soi = 1O + Aoi Toutes les études ne se prêtent -pas de la même manière à l'application de ce schéma: - Les informations disponibles dans l'étude sur Neuchâtel sont incomplètes du côté des individus. Les calculs n'ont pu être effectués que pour le seul échantillon des enquêtes, mais sous l'hypothèse simplificatrice que l'échantillon recouvre l'ensemble de l'emploi. - tous les flux identifiés dans l'étude sur Augsburg n'ont pas pu être affectés de manière satisfaisante. - Aucune étude n'a pu prendre en compte la provenance de la sphère du chômage. Il est néanmoins intéressant, une fois ces limites reconnues, d'effectuer une application. L'exemple détaillé présenté se réfère à l'étude sur Neuchâtel (enquêtes). 2.3.2. Application: Exemple issu de l'étude de cas de Neuchâtel Compte tenu de l'information recueillie, il n'a pas été possi- ble de répondre à toutes les exigences du schéma. Si A0i et Sol sont connus, leur ventilation ne l'est que très partielle- ment. Ces lacunes n'auraient pu être'complétées qu'à l'aide d'un questionnaire d'entrëe/sortie pour chaque emploi qui su- bit une mutation. De plus, si la représentativité de l'ëchan- 97 tillon est satisfaisante sur le plan de l'emploi, elle ne l'est probablement pas pour les individus. Aucune information ne pourra donc Stre donnée concernant l'inactivité ou le chô- mage : - Actifs 10 = 20'109 11 = 20*236 AI = +127 - Sorties d'activité ou du bassin d'emploi Sol = SAI + SAC + SIH ' + SCH + SAH ,------------y------------, ,---1 sorties d'activité changements d'emploi hors du bassin 1*624. = 1'099 + 525 - Entrées en activité ou dans le bassin d'emploi ^) A0i = Ii - I0 + Soi = 127 + 1*624 = 1'751, oü Aol = RIA + 11CA + RAH + RIH + RCH, >-----y-----> ,--------v---------1 prises recrutements d'emploi hors région 1*751 = 613 + l'138 - Total des salariés occupés Au total, durant la période, ont été occupés: IT = I1 + Sol = I0 + Aol = 21*860 individus - Actifs "pérennes" Durant la même période, le nombre d'actifs "pérennes" dans la région s'est élevé à: 1P-1O- Sol = 1I - Aol = 18M85 Si I = e.IQ, e = 0,919 (ou 91,9%) 1) Les départs vers l'étranger sont assimilés à des sorties d'activité. 2) Parmi les accès à l'emploi, 472 concernaient des qualifiés (CFC). 98 2.3.3. Comparaison des résultats des diverses études Les coefficients de pérennité des individus dans l'activité sont très proches les uns des autres et tendraient à suggérer l'hypothèse selon laquelle les comportements d'entrée ou de sortie du marché de l'emploi dans une région dépendraient sur- tout de facteurs sociologiques ou démographiques. La décomposi- tion des flux selon leur nature révèle cependant les profondes différences qui existent réellement et pour l'explication des- quelles la délimitation même du bassin d'emploi ne joue pas le moindre rôle (tableau 2). 2.4. FLOX DE MAIH-D'OEUVRE 2.4.1. Recrutements et départs a) Les recrutements Les recrutements entre tQ et ti équivalent aux recrutements en remplacement d'un départ (RRD), auxquels s'ajoutent les créations d'emplois nouveaux (C01) *'. 11Ol = RRD + Col Les recrutements peuvent encore être décomposés de deux autres manières. - Roi = Aol + Rp où Aol = accès à l'emploi dans le système régional R^ = recrutements d'actifs "pérennes" 2' Roi = rlt + rht + re oü RLT = recrutements dans la région RHT = recrutements en Suisse {sauf région) RE = recrutements à l'étranger 1) Rrd est équivalent à SnRf ou départs remplacés. 2) Rp = Sp1 sorties d'actifs "pérennes" reprenant un autre emploi dans la région. 99 Tableau 2: Comptabilité des individus dans les diverses études ^""""---^^^ Etude Comptabilité -^^^ Symb. Augsburg Annecy Neuchatel Enquêtes Questionnaires Total Actifs en t0 Actifs en tL û Actifs Accès (S recrutements} Sorties (% départs) Actifs pérennes Coeff. de pérennité Total actifs Io II il A0I Sol Ip e It 175'000 177'100 +2*100 16*900 15'030Z> 159'970 91,4 191'835 34*846 37'779 +2'933 5'839 1J (46,7) 2*875 (30,0) 31'940 91,7 40'654 20'109 20*236 +127 l'751 (53,5) 1*624 (51,6) 13'485 91,9 21-860 2'071 2'119 + 48 22*180 22*355 +175 Accès {% A^,} Rar Bia/c RIA/C RHE 6'775 (40,1) I 8'5853J JtSO,8) l'540 (9,1) U.'970 Jm,7) 2'939 (50,3) 930 (16,0) Ll'138 f [65,0) 613 (35,0) - 4) 1 208 Ll*346 Actifs hors région (%) Inact./chômeurs hors rég. (%) Inactifs chômeurs région I») Hors échantillon (%) Autres S) H) Sorties (I S„i) SAH sia/c SftI/C She Sit 5'245 L 8'295 l'490 L 950 H33,0) 1*455 (50,6) 470 (16,3) 525 [>1*099 - 4) - - Actifs hors région <%) Inact./chômeurs hors rég. <*) Inactifs/chômeurs région (%) Hors échantillon (%) Autres 5J (%) 1) Diverses estimations empêchent les résultats de coïncider parfaitement. AoI ~ sol est Plus grand que AI (-+31) ,. 2) Ce chiffre est obtenu en réaffectant proportionnellement 3*000 à 4'000 cas spéciaux. Le résultat obtenu ne coïncide de ce fait pas parfaite- ment avec Û.I. 3) Ce poste comprend les flux avec l'étranger et les entrées dans le bas- sin d'emploi sans changement du lieu de domicile* 4) Ce poste ne devrait pas être nul, puisque l'échantillon n'est pas exhaustif. On a cependant dû admettre cette hypothèse ici. Les postes A0^et S0^ devraient donc être augmentés de 1%^ resp. She- 5) Il s'agit de flux qui n'ont pas pu être affectés a un type. 100 Les divers flux de recrutements peuvent encore être subdivisés selon qu'ils concernent des actifs ou des inactifs 1) : RLT - RLA + RLI ou RLfi = recrutements d'actifs dans la région = R RLI = recrutements d'inactifs dans la région RBT = RHfi + RHI ou RHfi = recrutements d'actifs hors région RHI = recrutements d'inactifs 2' hors région Enfin, les recrutements totaux d'inactifs, R71, valent: RTI = RLI + RHI b) Les départs Les départs entre t0 et t± peuvent être étudiés de plusieurs manières (Q0ï): - Qoi = sdr + Doi ou SDR = départs remplacés D0L = suppressions de postes - Qoi - so1 + sp où SoL = sorties du système régional de l'emploi (sorties d'activité et/ou de la région) et S. = SLA, sorties vers un autre emploi dans la région S0I peut ensuite être ventilé: sol = SAI + SflC + SHI + SHC + SRA *------------------------------------V-----------------¦-------------------' '------------' sorties d'activité changements d'emplois dans et hors du bassin hors du bassin 1) Les flux avec l'étranger n'ont pas été subdivisés, car pour le marché de l'emploi national, il s'agit d'une entrée en activité. 2) Par inactifs, il faut aussi entendre ici les chômeurs. 101 On sait aussi que: °û SHft = sorties d'actifs vers le reste de la Suisse Sea = sorties d'actifs vers l'étranger On définira encore Sit» qui comprend les sorties d'activité dans et hors du bassin: Sit = SAC + SAI + SHI + SHC, donc sol = shr + sea + sit On peut alors calculer la rotation pure (rp) par la formule: QoI- S1T rP = E0 - E1 2 2.4.2. Application: Exemple issu de l'étude de cas de Heuchâtel {enquêtes) Au total, on a dénombré dans les 81 établissements enquêtes: - 3'273 recrutements - 3*146 départs, soit un accroissement de 127 emplois. a) Les 3'273 recrutements peuvent être décomposés: - Recrutements en remplacement d'un départ: RRD = Ròl " col RRD = 3'273 - 472 = 2'8Ol - Recrutements d'actifs "pérennes" dans la région: Rp = Rol - Aol Rp = 3'273 - l'751 = l'522 - Recrutements selon la provenance: Rol = RLT + Rj1T + RE Rol = 2'135 + 803 + 335 = 3'273 102 Sur 2'135 recrutements locaux, RLI (RLI = RLT - R) concer- nent la prise d'un premier emploi dans la région *): *LI ~ RLT - *P RLI = 2'135 - 1-522 = 613 Dans la région, on a donc eu: 613 (19%) recrutements en premier emploi de résidents, l'522 (47%) recrutements de travailleurs changeant d'emploi dans la région, 803 (24%} recrutements en Suisse hors de la région, 335 (10%) recrutements hors des frontières, dont 121 em- plois saisonniers (nouveaux). b) Les 3'146 départs peuvent être ventilés de différentes ma- nières: - Départs .remplacés: SDR = Qol - Dol SDR = 3'146 - 345 = 2'8Ol - Sorties d'actifs "përennes" restant dans la région: SP = QoI - sol Sp = 3'146 - 1'624 = l'522 2> - Sorties selon l'espace: QoI ~ SLA + Sol _Sp + SIT + SHA + SEA QoI " 1*522 + 1*624 = l'572 + 750 + 525 + 349 (48%) (52%) (48%) (24%) (16%) (12%) 1) Dans l'hypothèse où l'échantillon considéré recouvre toute la région. 2) Donc Sp = Rp = S1^. 103 2.4.3. Comparaison des résultats des diverses études C'est l'étude sur Augsburg qui contient les informations les plus détaillées relatives aux flux de main-d'oeuvre. Dans les autres cas, seules des données incomplètes sont disponibles. Des difficultés ont surgi dans le comptage des flux interré- gionaux et dans celui des changements de situation notamment. Le but de cette comparaison n'est pas de mettre en regard l'une de l'autre des études peu comparables au vu du contexte (temporel, géographique et institutionnel) dans lequel elles ont été réalisées et des objectifs poursuivis. Elle permet cependant de se rendre compte de l'importance re- lative des divers flux et de l'intérêt de connaître leur structure et leur évolution dans le temps (tableau 3). 2.5. SYNTHESE 2.5.1. Stabilité des individus et des emplois Connaissant In, le nombre d'individus qui occupaient en t± leur emploi depuis moins d'un an, il est possible de calculer Is, le nombre d'individus "përennes" et stables (n'ayant pas changé d'emploi en cours de période) *•> : 1S = 1I - 1N = b#Io Les comparaisons entre "b" et "a" d'une part, entre "b" et "e" d'autre part, sont intéressantes. En effet, si a = b, cela signifie qu'aucun emploi "pérenne" n'a changé de titulaire. En général, a>b car la mobilité existe sur les emplois "pë- rennes" . Le rapport entre "a" et "b" peut constituer un indicateur de la mobilité sur les postes "pérennes". Plus il sera grand,plus forte sera cette mobilité. La mobilité sur les emplois 1) La réciproque est vraie si Ig est connu (nombre d'individus ayant plus d'un an d'ancienneté auprès de leur employeur en tj_). 104 Tableau 3: Comptabilité des flux dans les diverses études s. Etude Flux ^V^^ Symb. Augsburg Annecy *¦' Heuchatel Enquêtes Question -1 nalres Total Recrutementst - Total »ol 37'9SO 12*509 3'273 582 3*855 - Remplac. de départs BBD .33'05O 7*405 2*801 477 3'278 - Régionaux BLT IR01) - _ 2'13S (65,2) 374 (64,3) 2'509 (65,1) - Actifs pérennes (*) Rp(RiA) :*bo1) 21-115 (55,6) 7-600 (60,8} 1*522 (46,5) - Inactifs région (U - - 613 2) (18,7) - _ - Inactifs - total (I) Rit »Roi» S'910 (15,6) 2-939 (23,5) _ _ _ - Actifs hors région (U BHA IR01) 6*745 (17,8) 1*970 3> (15,7) ** - - - - Total hors région (%) Rht :%Roi) - - 803 (24,5) - _ - Strangers (%) RE :»Roi> 2-640 (7,0) _ 3) 335 (10,2) - - - Autres 20'690 (58,2) 7*170 (74,9) 1*522 (48,4) 271 (50,7) 1-793 (48,5) - Inactifs région (%) SLI !IQoI > _ _ ~ ~ _ - Inactifs total (U HQ01 ) 5'245 (14,6) 1-455 (15,2) 750 (23,8) . - - - Actifs hors région (I) Sha (IQoI> . S*23S (14,6) 950 (9,9) 525 (16,7) - - - Actifs total (nation) (U Sa IIQol ) 26-125 (72,8) L8'120 (84,B) 2-047 (65,1) - - - Etrangers (%) S BA (%Qol > 3'05O (B,5) 349 (11,1) _ - - Autres (U Sx (IQ01) 1*490 (4,1) - - - - Rotation pure (U Tp (U 17,4 22,4 11,9 - - 1) Période de 17 mois. 2) Dans l'hypothèse où l'échantillon considéré couvre toute la région. 3) La ventilation entre Français et étrangers n'a pas été effectuée. 105 "pérennes" n'a cependant lieu que sur une fraction de ceux-ci, plus précisément sur Ep« emplois "pérennes", mobiles, où: EPM = Ep " 1S La comparaison de "b" et "e° est aussi intéressante. En effet, si e = b, cela signifie que les actifs "pérennes" ne changent pas d'emploi. En général, e>b, donc une partie des actifs "pérennes" change d'emploi en cours de période. Le facteur de mobilité des actifs "pérennes" par rapport aux actifs stables est égal à r- . Plus ce rapport est grand, plus forte est la mobilité des actifs "pérennes". Les trois variables a.E0, b.Io et e«Io sont représentées gra- phiquement ci-dessous, de maniere à révéler clairement les intersections et les différences entre les trois agrégats (figure 1). Figure 1: Relations existant entre emplois et individus Quatre parties différentes peuvent être identifiées dans ce schéma: - Les parties 1 et 2 forment l'intersection des deux sous-en- sembles a«E0 et e*I0: elles concernent les actifs "pérennes" stables (1) ou mobiles (2) sur des emplois "pérennes". - La partie 3 concerne les actifs non "pérennes" sur des em- plois "pérennes". 106 - La partie 4 concerne les emplois non "pérennes" occupés par des actifs "pérennes".. Chacun des sous-ensembles a*Eo et e«Io peut être décomposé en trois sous-groupes, dont deux leur sont communs. Pour a-E0, il s'agit des groupes suivants: - Emplois stables occupés par des actifs stables {b.Io) (1)• - Emplois stables occupés par des actifs "pérennes" instables (2). - Emplois stables occupés par des actifs non "pérennes" (3). Pour e«I0, nous pouvons également différencier trois groupes: - Actifs "pérennes" stables occupés dans des emplois stables (b.I0) (lì. - Actifs "pérennes" instables occupés dans des emplois sta- bles {2) . - Actifs "pérennes" occupés dans des emplois créés ou suppri- més durant la période (4). Pour parvenir à ces désagrégations, il faut disposer, pour chaque mouvement, de données permettant de dire la cause d'un recrutement ou d'un départ (remplacement, création ou suppres- sion de postes} et le type de personne dont il s'agit (entrée ou sortie de l'activité, changement d'emploi intra- ou inter- régional) . 2.5.2. Mouvements des travailleurs et des emplois On peut comparer les emplois et les individus qui ont connu un mouvement entre t0 et t±. Parmi IT individus actifs S un moment ou ä un autre de la pé- riode, I3 n'ont pas changé d'emploi, alors que IH occupent un.emploi différent. De ce fait: 1M = 1T " 1S ¦ ou IM = nombre d'individus ayant connu au moins un mouvement, qu'il s'agisse d'un changement de situation (passage 107 actif-inactif et inversement) ou d'un changement d'emploi. - IT = total des individus occupés dans la région entre fco et fcl Is = individus "pérennes" stables. Le total Im peut aussi s'écrire: 1M = Aol + Sol + 1PM ou Aol = accès à l'emploi dans le système régional S01 = sorties du système régional de l'emploi, et IpM = individus "pérennes" mobiles. Ce nombre correspond aussi à Rp et à Sp {flux de main-d'oeuvre entre postes au sein de la région). Ces IM individus ont été occupés sur un nombre d'emploi dé- terminé (EH): emplois "pérennes" sur lesquels ont eu lieu des mouvements de main-d'oeuvre (EPH), créations {C0i) et dispa- ritions (D01) d'emplois : - epm = Ep - Es et E„ = EpM + C01 + D01 ou EM = Emplois "mobiles" EPM = Emplois "pérennes" mobiles C01 = Créations d'emplois D01 = Disparitions d'emplois Le total des mouvements,répertoriés dans la région est égal à la somme des recrutements et des départs, soit: Mol = Rol + Qol ou M01 = total des flux Roi = recrutements Q01 = départs On peut alors calculer les mouvements par individu "mobile" «IM = Mol/I„ et les mouvements par emploi "mobile" (HEM): «EM = Mol/EM 108 2.5.3. Application: Exemple issu de l'étude de cas de Neuchâtel (enquêtes) Sur les 20*236 individus actifs en tx, environ 2'564 avaient moins d'un an d'ancienneté dans l'entreprise qui les occupait alors. On peut à partir de là calculer les actifs "përennes" stables (I3) : IS = 20'236 - 2'564 = 17*672 Ce chiffre correspond à Es emplois "pérennes" stables (sans changement d'occupant). Comme I5 =.b.I0, on en déduit que le coefficient de stabilité dans l'emploi des individus vaut 0,879 (ou 87,9%). On obtient donc a = 0,983, b * 0,879 et $ = 1,12, facteur de D mobilité sur les postes "përennes". Cette mobilité concerne en outre Ep - Is emplois "pérennes", soit: 19*764 - 17'672 = 2*092 emplois actifs emplois "pérennes" "përennes" "përennes" stables mobiles Q Le facteur de mobilité des actifs "pérennes" (r-) s'élève à 1,37. Ce ratio permet ainsi d'éliminer la mobilité de parti- cipation à l'activité et de pouvoir apprécier l'intensité de la seule mobilité entre postes. Quant au schéma comparant a.Eo, b-lo et e-Io» il ne peut être reconstitué que partiellement, en raison d'un manque d'infor- mation (figure 2). 109 Figure 2 : Relations existant entre emplois et individus dans la région Ne connaissant pas la fraction d'actifs "pérennes" stables ayant changé d'emploi ("pérennes"), les classes 2, 3 et 4 ne peuvent être quantifiées. On sait seulement que (2) + (3) = 2'092 et que (2) + (4) = 813. Les données synthétiques relatives aux mouvements des emplois et des individus conduisent aux résultats suivants: - Individus mobiles (IM): Im = It - Is IM = 21'860 - 17'762 = 4'188, ou 1M = Aol + sol + 1PM IM = 1*751 + l'624 + 813 = 4¦188 - Emplois mobiles (EM): Les mouvements ont eu lieu sur EM emplois "mobiles". Pour ce calcul, il faut d'abord connaître EPH (emplois "péren- nes mobiles"): EPH = Ep "1S EpH = 19'764 - 17'672 = 2'092 Alors; EM = EPM + Col + Dol EM = 2'092 + 472 ¦+ 345 =2'909 110 - Total des mouvements (Mol): Mol = Rol + QoI M01 = 3'273 + 3'146 = 6'419 On connaît alors: - Les mouvements par individu "mobile" (MIM): »im = »oi / Im MIM » 6'419 / 4'188 = 1,53 - Les mouvements par emploi "mobile" (MEM): MEM = MOl '/ EM MEM = 6'419 / 2'909 = 2,21 A l'exception des coefficients, les résultats obtenus ont été présentés sous forme graphique dans la figure 3. 2.5.4. Comparaison des résultats Des informations fiables relatives à la stabilité de la main- d'oeuvre ne pouvaient être récoltées que par enquête auprès des établissements. Tel ne fut pas le cas dans l'étude sur Augsburg, puisque les informations prélevées concernaient uniquement les flux de main-d'oeuvre. Une estimation de la proportion des actifs impliqués dans un changement d'emploi a cependant été effectuée-, de laquelle a été déduit le co- efficient de stabilité (tableau 4). Les trois ratios calculés entre les trois coefficients de stabilité {emplois "përennes", actifs "përennes", actifs sta- bles) révèlent des modes de fonctionnement assez différents entre les bassins (en termes relatifs): - forte mobilité des actifs dans le cas d'Augsburg - forte mobilité des emplois dans le cas d'Annecy - nombreux changements de situation à Neuchatel. Le calcul des ratios "Mouvements par actif mobile" et "Mouve- ments par emploi mobile" montre que la mobilité ne concerne qu'un petit nombre d'emploi et un petit nombre Ill til ill Il ¦a> CO Œ «2 Q. E £ C Q- « D Q > (O 'o a. E Q) O) (D (D CO ¦D '> CO O) ¦o *-» C O) E CD > O \ / ** "5 a 3 ^ Q. ra ^^ 3 TJ Ol E 9 8iS ¦ra V) (A 5 Ê 5 0 C V - S'S .Q) j^ ra 2 U (P C U O (B 672 a i mêm ute l'a 51 ac 09 to = § I ^ CO T* s* r- 5 o V- ra •< Il I1 »'s« I!! o i O 5,t 17672 i Stabla: lunuMnoui un «nom ne osas mino« BSi t luaiu»Anotu un ttnotu ne o*ne tioidiiia 606I S Q. u . I ¦ B I I I. f. 5 I ES * i » Jl 92 a oblìi *° -S a -« , o £ tjRs i? en C J2 m O O CO ^S m pli O tioi ari nnes"( (0 a (V •£ JS ^- U ¦u to O n'ont mal- heureusement pas permis la considération simultanée des deux axes d'analyse. C'est donc par recoupements que l'existence d'une structure a pu être révélée. Il faut préciser ici que, si l'information avait été disponible ä un niveau d'analyse très fin, les effectifs le plus souvent faibles dans chacune des rubriques auraient rendu impossible une analyse au niveau de l'établissement et auraient conduit à reprendre des re- groupements traditionnels (branche d'activité p. ex.), dont la pertinence n'a pas été démontrée pour une telle étude. L'objectif de ce chapitre consiste à montrer, sur la base des résultats de l'étude sur Neuchâtel, que le marché de l'emploi 1) Pour une présentation de la recherche, voir l'Annexe 5. 2) La qualification des individus ne prend son sens que par rapport à celle de l'emploi occupé ou de celui auquel elle permet d'accéder. Analytiquement, elle vient en second lieu, mais ne perd pas pour au- tant de son importance. 3) Voir l'Annexe 5 (2,) et Held 1982b. 200 est structuré et à préciser la forme de cette structuration. Plusieurs étapes ont été réalisées dans ce but: a) L'analyse quantitative des flux de main-d'oeuvre a révélé l'existence de processus différenciés selon les branches, les niveaux de qualification et les catégories de main- d'oeuvre (5.2.). b) Le calcul des coefficients de corrélation entre variables de flux a permis de mettre en évidence l'existence d'une structure. Il est aussi apparu que la structure de l'em- ploi des établissements influence celle des flux de main- d'oeuvre (5.3.). c) L'établissement constitue une dimension essentielle de l'analyse. L'existence de structures d'emploi caractéris- tiques permet de l'affirmer (5.4.). d) L'examen de la politique d'emploi des établissements a montré des différences de comportements très importantes , qui influencent la position des établissements sur le mar- ché de l'emploi (5.5.). Ces résultats ont orienté la méthode d'analyse dans le sens présenté au chapitre 6. 5.2. L'ANALYSE QUANTITATIVE DES FLUX DE MAIW-D'OEUVRE REVELE L'EXISTENCE DE PROCESSUS DIFFERENCIES 5.2.1. Rappel des résultats issus de la comptabilité locale de l'emploi En étudiant la nature, l'intensité et l'orientation des flux de main-d'oeuvre, on est amené à constater l'insuffisance de toute vision en termes de stocks ou de bilans. Le schéma pour une comptabilité locale de l'emploi qui a été développé ci- dessus *¦) le montre clairement. 1) Chapitre 2. 201 Les résultats qui ont été obtenus dans l'étude sur Neuchatel n'ont qu'une valeur indicative, dans la mesure où l'exhausti- vitê serait nécessaire dans une application de type statisti- que. Les ordres de grandeur sont néanmoins significatifs et permettent, dans le cadre de comparaisons interrégionales, de mettre en évidence certaines spécificités locales du fonction- nement du marché de l'emploi. Il faut en particulier retenir les éléments suivants ^ : a) Les mouvements de création et de suppression d'emplois sont importants (4%) , mais n'expliquent qu'une très faible proportion (13%) de l'ensemble des mouvements (31% du to- tal des emplois). b) - 11% des emplois "pérennes" ont changé au moins une fois d'occupant. - Le total des emplois sur lesquels la mobilité a eu lieu s'élève à 14%. - 19% du total des individus actifs à un moment ou à un autre de la période ont connu au moins un mouvement,dont 5% sous la forme d'un changement d'emploi interne à la région et 14% sous celle d'un changement de situation ou d'un changement d'emploi sortant des limites du bassin. - En même temps, on constate que 88% des individus n'ont pas changé d'emploi durant la période. - La mobilité concerne ainsi un petit nombre d'actifs (1,5 mouvements par actif "mobile") et un petit nombre d'em- plois (2,2 mouvements par emploi "mobile"). Il existe donc des actifs très stables et d'autres très mobiles, et des emplois où la rotation est très faible et d'au- tres ou elle est très élevée. Ces résultats correspondent à ceux des premières analy- ses sur la base des hypothèses de segmentation, ils ne 1) Les résultats se rapportent à l'année 1979. 202 sont cependant pas suffisants pour définir la forme de la segmentation (ou plus justement de la structuration) du marché de l'emploi. c) Les changements d'emplois représentent 65% des flux, et réclament un examen plus approfondi de leur nature. d) L'introduction de la notion de multiplicateur a permis de mettre en évidence l'existence d'un système, c'est-à-dire que toute disparition d'emploi a des répercussions sur la mobilité, mais que celles-ci varient selon l'espace consi- déré et la "perméabilité des frontières" du bassin d'em- ploi . D'autres points méritent d'être étudiés dans cette section: - l'intensité et la rapidité de la rotation (5.2.2.) - les motifs des départs (5.2.3.) - les recrutements en premier emploi (5.2.4.) - la dimension spatiale des flux {5.2,6.). Tous ces points doivent être mis en relation avec le niveau de qualification (5.2.5.). On peut préciser ici que chacune de ces dimensions consti- tuerait un axe d'extension et d'enrichissement du schéma simplifié pour une comptabilité locale de l'emploi qui a été présenté. 5.2.2. Stabilité et mobilité Dans cette première section, trois indicateurs ont été sélec- tionnés : - la proportion d'individus stables (en l'occurrence, ceux qui qui ont plus de 10 ans d'ancienneté) - le taux de rotation global 1) - la proportion des départs durant la première année . 1) Mesuré par le ratio "Départs/Effectifs moyens". 203 Ces ratios permettent d'examiner l'intérêt des concepts de stabilité et de mobilité, dont il est question en théorie de la segmentation. Tableau 5: Stabilité et mobilité selon le secteur d'activité (enquêtes) >vBStiO Secteur ^"^*^ Ancienneté (plus de 10 ans) Rotation Départs 1ère année Industrie 35,8 15,7 36,9 Construction 24,3 LS, 4 40,4 Tertiaire 44,8 15,8 39,4 Total 33,8 .15,5 37,9 On constate dans le tableau 5 qu'un travailleur sur trois n'a pas changé d'emploi au cours des 10 dernières années. Ce chif- fre peut être rapproché du taux de rotation (15,5%) ¦*¦' . Parmi les personnes ayant changé d'emploi au cours de la période, près de 40% l'ont fait avant la fin de leur première année de service. On retrouve donc le résultat précédent, c'est-â-dire qu'il existe des travailleurs stables, mobiles et très mobi- les 2). L'intérêt de considérer les trois indicateurs mentionnés est apparu lors de la désagrégation selon le secteur et la bran- che d'activité 3'. Celle-ci a révélé des situations très di- verses, où stabilité, mobilité et mobilité de courte période 1) Ce ratio (image annuelle) complète utilement le précédent (ancienneté), où transparaît l'histoire récente de l'établissement. 2) La fréquence des départs durant la première année n'est pas parfaite- ment corrélée (r=0,3G) avec la valeur du taux de rotation. Ceci montre l'existence de deux types de rotation: - une rotation de courte ou de très courte période (période d'essai, emplois transitoires, etc.) - une rotation de moyenne période (2 â 5 ans), acquisition de quali- fication ou d'expérience, sortie d'activité, etc.). 3) Voir Held 1982f. 204 occupent des places respectives variables. On peut donc déjà en conclure que les établissements des diverses branches d'activité occupent sur le marché de l'emploi des positions différentes. Il convient maintenant d'en préciser la nature. 5.2.3. Motifs principaux de départs a) Changements d'emploi et changements de situation Les départs d'une entreprise peuvent Stre volontaires ou for- cés. Cette première distinction semble surtout importante en période de crise (licenciements économiques). Durant la pé- riode étudiée, elle s'est révélée peu intéressante et n'a pas été retenue. De toute manière, il s'agit d'un domaine très chargé subjectivement et il n'aurait guère été possible, vu les modalités de l'enquête, d'obtenir des réponses fiables à une telle question. Les départs peuvent en revanche être décomposés selon qu'il s'agit d'un changement de situation (passage de l'activité vers l'inactivité) ^) ou d'un changement d'emploi (flux in- ter-postes). La portée de cette distinction est considérable. On peut en effet imaginer un cas où toute la mobilité se ré- sume à des changements de situation, en fonction de créations ou de disparitions d'emplois, de contraintes démographi- ques ou d'un revenu insuffisant par rapport à la "désutilité" du travail. Mais,à l'autre extrême, on peut aussi envisager un cas où l'ensemble des travailleurs reste actif du premier emploi S l'âge de la retraite et oü les changements d'emploi sont la seule forme de mobilité. En principe, le premier cas concerne plutôt des zones péri- phériques, dans lesquelles existe un nombre limité d'entre- prises non concurrentes sur le marché de l'emploi. Un exemple du second cas peut se trouver dans une zone indus- trielle â prédominance d'emplois masculins, comprenant un 1) On parle souvent à ce propos de mobilité de participation. 205 grand nombre de firmes qui se concurrencent au niveau de la main-d'oeuvre. La réalité se situe certainement entre ces deux extrêmes. Ce- pendant, les proportions respectives de ces deux types de flux renseignent déjà clairement sur le mode de fonctionne- ment du marché de l'emploi. Dans le cas où les changements de situation sont les plus nombreux, l'analyse des flux ne sera guère intéressante. En revanche, si les changements d'emploi sont fréquents, une analyse de la structure des flux et des chaînes de mobilité s'impose. Tel est bien le cas de la région d'étude, puisque 65,0% des mouvements concernent des changements d'emploi. b) Motifs des départs Parmi les changements d'emploi et de situation, plusieurs subdivisions méritent d'être effectuées. Pour les changements de situation, quatre catégories ont pu être identifiées: les départs en retraite, les cessations d'activité professionnel- le de femmes, les départs vers l'étranger ainsi qu'une rubri- que "autres motifs" (décès, accidents, formation, etc.). Pour les flux entre postes, on a retenu les départs â la suite de mutations, ceux qui surviennent durant la période d'essai et les autres changements d'emploi (appelés ici volontaires). Les résultats figurent dans le tableau 6. On y constate d'a- bord une Importance assez similaire des sorties par retraite, des cessations d'activité de femmes et des départs vers l'é- tranger. On observe aussi que le quart des changements d'em- ploi a lieu durant la période d'essai. L'intensité de la rotation durant la période d'essai a ensui- te été comparée avec celle survenant durant la première an- née de service. La valeur du coefficient de corrélation entre ces deux variables est moyenne (r = 0,46) et montre que les facteurs explicatifs de ces deux formes de mobilité diffè- rent partiellement. En particulier, la rotation durant la 206 période d'essai constitue un mode de sélection du personnel. Elle recouvre donc un phénomène particulier, alors que la ro- tation au cours de la première année concerne une forme plus générale de mobilité de courte durée. Tableau 6: Structure des départs Structure des flux Nombre Pourcentage Changements de situation - Retraites - Cessations/femmes - Etranger - Autres Changements d'emploi - Volontaires - Essai - Mutations l'097 276 331 349 141 2'049 1-436 506 107 35,0 6, B 10,5 11,1 4,5 65,0 45,6 16,1 3,4 Total 3'146 100,0 En décomposant ces résultats selon la branche d'activité, on observe de grandes différences dans la nature des flux obser- vés U : - Les changements d'emploi sont les plus fréquents dans l'in- dustrie (métallurgie, machines et horlogerie) et dans le Commerce (de gros et de détail), alors que les changements de situation surviennent plus souvent dans le tertiaire (retraites et cessations d'activité professionnelle de fem- mes) . - Sur la base des critères "départs volontaires" et "départs durant la période d'essai", on peut identifier au sein de l'industrie des branches où une forte rotation durant la période d'essai annonce' une forte rotation d'ensemble, dont elle n'est que l'une des manifestations, et des branches où 1) Voir Held 1982f. 207 la rotation durant la période d'essai révèle une sélectivité assez stricte: - La sélectivité de la période d'essai concerne essentiel- lement l'industrie. Elle s'y trouve inversement corrëlée avec la proportion des retraites. - Les sorties d'activité de femmes caractérisent essentielle- ment le tertiaire, et plus particulièrement les hôpitaux, les banques et les assurances. Dans l'industrie, elles ne sont vraiment significatives que dans l'horlogerie. Dans ce cas, ce sont notamment les femmes travaillant à domicile qui sont concernées. - Les flux avec l'étranger sont fortement dépendants de la politique d'immigration (construction, hôpitaux), alors que les mutations ne surviennent qu'au sein d'établisse- ments liés à de grandes entreprises (multi-) nationales (banques, assurances, PTT). Ces critères ont permis de mettre en évidence des différences nettes entre les établissements des diverses branches selon l'importance des changements de situation et de la nature des relations avec l'inactivité (retraites, sorties d'activité de femmes) et selon le rôle joué par la période d'essai. 5.2.4. Entrées en activité L'enquête n'a permis de s'intéresser qu'aux entrées en acti- vité de jeunes qualifiés (CFC ou supérieur) et bien sûr aux entrées en apprentissage. L'objet de cette section se limite aux seuls emplois d'insertion de jeunes ayant terminé leur formation professionnelle. Ceux-ci représentent 39% des re- crutements de travailleurs qualifiés. Ils ont été répartis selon le genre de profession dont il s'agit (administratives, techniques ou autres) (tableau 7). En examinant les branches d'activité où les jeunes trouvent des emplois d'insertion , il apparaît que le secteur 1) Voir Held 1982f. 208 tertiaire recrute dans l'ensemble plus facilement en premier emploi que le secteur secondaire. Il s'agit notamment des banques et des assurances et du commerce. Dans le secteur se- condaire/ aucune branche ne parvient à la moyenne régionale. Tableau 7: Recrutements en premier emploi """""¦sgecnite- Recrutements de qualifies - dont en 1er emploi Professions Autres Administrât. Techniques Nombre 1*148 452 207 146 99 Pourcentage — 39,4 4S,B 32,3 21,9 Le recrutement des qualifiés du type "autres formations" con- cerne par définition le commerce (vente) et les hôpitaux (professions liées au secteur de la santé). L'insertion des jeunes qualifiés ne peut donc être réalisée dans n'importe quel établissement. Certains semblent recruter indifféremment des jeunes, d'autres recrutent surtout des dé- butants, alors que les derniers exigent de l'expérience. Le type d'emploi offert et les conditions de travail et de rému- nération jouent certainement un rôle S ce niveau. Certains recoupements, ainsi que les données qualitatives, peuvent ai- der à en préciser la nature - 5.2.5. Flux selon le niveau de qualification La proportion des changements d'emploi et le taux de rotation par catégorie diminuent lorsque s'élève le niveau hiérarchi- que des travailleurs {tableau 8). Ce résultat confirme les hypothèses généralement émises à ce propos. On peut de ce fait s'attendre â ce que les établissements les moins quali- fiés connaissent les taux de rotation les plus forts. Ainsi, durant l'année 1979, en moyenne un cadre sur quinze, un qualifié sur sept et un semi- ou non-qualifié sur cinq ont connu un mouvement sur le marché de l'emploi. 209 ¦H ni D tT> Ot •a 3 m a) > ¦a- O O O m •H Pl « U! h « * P- a r« O « O F-I Ul pi JJ r) O ri O -H *h O B -H - H + H Pl Pl a (N in Pl 4) in I I I I i « U U a -a -i -a 3 JJ -H C -H 3 U «1 a o ¦H U B CT o; 0" a <•> 00 UP h u m S C Ki i •H U) kl 0 H kl ¦H OJ •*4 O 3 U) 0 r-l t) (0 U OJ tjl -s M OJ H ki <0> "CJ JJ c n) •O JJ JJ C C U C nj •m C O C (J O O O 0 C r-l 1O - 0 U) U) d) J r-l -H 0) OJ U) U) JJ rH kl V) IO C OJ rd 4-) CJ Qi ¦ri 3 JJ ri 3 ¦o C C 0 3 0 JJ t U a in C • • D) m r> oj Oj VD m aj g) OJ -I H ijj 3 -H *D C rH ki s -a C U 0 3 01 CJ S 3 ¦H JJ Èi a ¦H UJ ¦H JJ CJ W 5 a OJ JJ kl i •H 3 •H « OJ IQI 0) m -ri I OJ jj g Vl C •S -3 W JJ C OJ O v> J3 C) «M s H * g OJ O O QJ O ? 0 JJ IJJ Oi JJ B JJ -rJ M C . r-i y JJ OJ TJ (U O m OJ g r-l ¦a 10 OJ - OJ kl U) K jj c 3 U JJ 0) r-l OJ ¦H D- OJ OJ C -H 3 <0 e "D kJ O JJ U U) M U) OJ Z U) M r-l a JJ OJ 01 C O IO O E 41 O U CJ U) U « kl CJ S3 3 OJ U u) a) M UJ SI JJ -3 Gl r-l C rO (B O •o d O) l> U) X-I TJ J= O ¦H Ul r-l 3 V) U) - kl ¦o OJ C OJ UI r-l Q1 C -rJ ¦S"3 OJ ¦H JJ ¦H U >1 JJ C [A OJ VlI M U) -j a g kl O Ut § I IO H V) CJ •CI g U > V) ¦P 4J O (0 ¦u IM U) 3 tn C U U C C -H OJ W C H) 0 JJ JJ -H O O -H O) U) •H E O OJ > (0 ¦rJ u jj m OJ Ul kl (d AJ Ij H rJ -H 3 en u ¦H -ri K) ni io m J= vi oj r-l UJ a S u JJ 01 Ul JJ H ¦m C C 3 C 3 «y ¦o a O ïï 5 0 OJ > -O ¦— J E S1 a B 210 La population féminine s'est montrée plus mobile que la moyen- ne des autres catégories et aussi mobilei que les semi- et non- qualifiés. Ceci provient certainement en partie du fait que 55% des femmes employées dans les 81 établissements n'ont au- cune formation. La comparaison de la structure des recrutements et de celle des départs montre l'existence de perspectives promotionnelles non négligeables pour les cadres, alors qu'elles sont faibles pour les autres catégories D. D'une manière générale, les recrutements en vue de promotions sont effectués au niveau des travailleurs qualifiés. Cependant, l'évolution différen- tielle de l'emploi des diverses qualifications biaise quelque peu les résultats 2J. Par la désagrégation selon la branche, on apprend que la structure des taux de rotation n'est pas partout conservée ^). a) Dans certaines branches, on retrouve bien la structure moyenne de la zone. C'est le cas: - dans les branches où la rotation est faible pour toutes les catégories: alimentation, boissons et tabac, machi- nes , administration - et dans les branches où la rotation est forte pour tou- tes les catégories: hôpitaux. b) Dans d'autres branches en revanche, la mobilité ne concerne spécialement qu'une ou deux catégories particulières: - les cadres dans la métallurgie 1) L'existence de perspectives promotionnelles peut être defluite d'une grande différence entre les recrutements (faibles) et les départs (nombreux) pour un niveau de qualification donné, dans l'hypothèse d'une stabilité des effectifs. 2) Les données n'ont pas été recueillies dans ce but. Il aurait fallu éliminer les variations dues aux créations et aux suppressions de pos- tes par niveau de qualification. 3) Voir Held 1982f. 211 - les qualifiés dans les banques et lés assurances - les cadres et les qualifiés dans le commerce - les semi- et non-qualifiés dans la construction, En considérant le ratio recrutements/départs selon la branche d'activité et le niveau de qualification, il apparaît que l'industrie n'offre, dans son ensemble, que peu de possibili- tés de promotions. L'horlogerie et la bijouterie sont ainsi dans une phase dans laquelle elles font appel très largement à l'extérieur pour élargir leur encadrement {contraintes de la mutation techno- logique) . En revanche, la branche machines et appareils recrute par- tiellement de manière interne. Dans la construction, les pro- motions internes existent pour le niveau contremaître. Mais c'est surtout dans le tertiaire, et plus précisément dans les banques et les assurances et dans les transports et com- munications (PTT) que s'opèrent les recrutements internes. L'indicateur utilisé présente cependant de grandes limites lors d'une désagrégation. Il est en effet très difficile, sur une année, de se prononcer de manière rigoureuse sur les perspectives de promotions, car celles-ci s'inscrivent dans une temporalité de plus longue durée. C'est seulement pour de grandes entreprises et après élimination de la variation des effectifs que cet indicateur peut être interprété de manière fiable. Son utilisation n'était destinée ici qu'à révéler de manière quantitative des processus très différents selon les branches et les établissements en matière de politique de recrutement et de promotions internes. 5.2.6. Répartition spatiale des flux Il est possible de mesurer le degré d'autonomie d'une région donnée, et donc indirectement les relations qu'elle entre- tient avec l'extérieur, par la proportion des changements d'emploi effectués dans 1'espace régional. 212 Ces flux ne peuvent être quantifiés ici que pour les départs (tableau 9). Tableau 9: Répartition spatiale des changements d'emplois ^«4yian geme n t t Dans la région Ailleurs en Suisse Total Departs Nombre 1-522 525 2*047 3"146 Pourcentage 74,4 25,6 65,1 - Un départ sur quatre concernant des travailleurs reprenant un emploi dans le pays se fait donc hors région. Ceci signifie qu'un équilibre ne peut exister dans un espace donné que si cet important flux de sorties est compensé par un flux d'entrées équivalent, en volume et en nature. Autrement dit, c'est le volume et la nature des recrutements hors région, c'est-à-dire la capacité d'attraction de la ré- gion sur l'extérieur, qui est déterminante. Et c'est bien cette capacité qui se modifie le plus rapidement en cas de crise ou de déclin d'urie région D. La répartition spatiale des recrutements effectués en Suisse permet de poursuivre cette analyse. Malheureusement, les flux concernent l'ensemble des recrutements sans dis- tinction entre prises d'un premier emploi et changements d'emploi. Trois sous-espaces ont été identifiés: bassin régional, Chaî- ne et Pied du Jura et reste de la Suisse {tableau 10). 1) Un même raisonnement a été effectué pour les flux migratoires. Voir p.ex. Pellaton 1980, pp. 197s, qui montre très bien que c'est un taux d'immigration faible qui pretèrite les régions périphériques. 2) La Chaîne du Jura connaît de très fortes difficultés économiques et constitue un bassin d'approvisionnement privilégié de la zone étudiée. 213 On constate dans Ie tableau IO que près des trois quarts des flux sont régionaux et que les recrutements externes se ré- partissent de manière identique entre la Chaîne et le Pied du Jura et le reste de la Suisse. Tableau 10: Répartition spatiale des recrutements effectués en Suisse ^^s^Espace Région Chaîne du Jura Reste de la Suisse Hors région Total des recrutem, en Suisse Nombre 2-135 400 403 803 2'938 Pourcentage 72,7 13,6 13,7 27,3 100,0 Lorsque l'on examine la structure spatiale des changements d'emploi par branche, on constate que les flux des diverses branches ne s'inscrivent pas tous dans un même espace: - Certaines branches ne sont liées qu'au bassin d'emploi local (commerce et administration notamment). - D'autres recrutent plus ou moins intensivement dans la Chaîne du Jura, mais les départs ne sortent que rarement du bassin d'emploi (machines et horlogerie dans le cas présent}. - D'autres recrutent localement, mais perdent de la main- d'oeuvre au profit d'autres régions du pays (banques et assurances p.ex.). - D'autres encore recrutent dans la Chaîne du Jura, mais pour le compte d'autres établissements après une période de for- mation initiale (Postes). - Les dernières enfin sont insérées dans des réseaux de flux couvrant un espace large, parfois national (hôpitaux, alimentation, boissons et tabac notamment). 214 Les établissements des diverses branches occupent donc des positions assez variables par rapport aux autres régions, en raison du type d'emplois offerts et du genre de main-d'oeuvre requis. 5.2.7. Représentation schématique du fonctionnement du marché de l'emploi (sans niveaux de qualification) La majorité des résultats obtenus dans les sections précéden- tes peut être représentée dans un schéma (figure 4). Le grand cercle délimite le bassin d'emploi étudié. Le cercle du bas concerne la population résidente n'occupant pas encore un emploi et le cercle du haut la population résidente qui a déjS occupé un emploi, mais est sortie d'activité. Il arrive bien entendu que des personnes sortent d'activité temporaire- ment et reprennent un emploi durant la période. Les deux cer- cles de population résidente ne sont donc pas indépendants l'un de l'autre. Leur position s'explique par l'analogie que l'on a cherchée à établir entre les flux identifiés lors de l'enquête et le déroulement habituel de la vie active des in- dividus: entrées en activité, changements d'emploi et retrai- tes. Hors du bassin d'emploi ont été définis deux sous-ensembles, avec lesquels des flux de main-d'oeuvre s'établissent (autres régions de Suisse et pays étrangers) et un sous-ensemble im- portant du point de vue de l'adéquation emploi/formation (appareil de formation professionnelle). A l'intérieur du bassin d'emploi ont été dessinés divers cer- cles montrant l'importance relative des divers sous-ensembles identifiés (stabilité et pérennité des emplois et des indivi- dus) . Ce schéma fournit une bonne image du fonctionnement du marché de l'emploi dans une zone donnée, mais sans considérer les niveaux de qualification ni l'établissement comme agent éco- nomique . 215 FIGURE 4 Schéma du fonctionnement du marché de l'emploi !Transformations des emplois Pays étrangers ^=O Autres régions de Suisse Appareil de formation' professionnelle' (ensemble de ta Suisse) Total des reerutements:3 273 Total des départs : 3146 216 5.3. LE MARCHE DE L'EMPLOI EST STRUCTURE 5.3.1. Introduction Dans la section 5.2., des différences dans la nature et l'in- tensité des divers flux ont pu Stre dégagées. Dans cette sec- tion, chacun des types de flux a été mis en relation avec les autres (5.3.2.) , puis étudié par rapport à certaines caracté- ristiques de la structure de l'emploi des établissements (5. 3.3.).. Ces analyses ont été effectuées sur la base de simples coefficients de corrélation. 5.3.2. La structure' des flux: quelques tendances importantes L'étude des coefficients de corrélation entre les divers types de flux permet de prendre connaissance des résultats suivants (tableau 11): - Les coefficients inverses calculés entre les changements d'emploi (volontaires ou durant la période d'essai) et les changements de situation (retraites, cessations, etc.) ré- vèlent bien la différence entre ces deux types de flux et' le fait qu'ils ne se rencontrent pas dans les mêmes établis- sements . - Les recrutements et les départs s'inscrivent souvent dans un même espace. C'est le cas notamment pour les étrangers, dont la mobilité interne ä la région ou à la nation est très faible. Cette regie ne s'applique cependant pas aussi bien aux flux régionaux et nationaux, pour lesquels les résultats annoncent des exceptions nombreuses. Ainsi qu'on l'a vu lors de la désagrégation des flux selon la branche (5.2.), il n'est pas rare de voir des établissements recruter abondam- ment hors région mais perdre de la main-d'oeuvre dans la région, ou l'inverse. - Les relations entre les motifs des départs et l'espace dans lequel s'inscrivent les flux montrent que, lorsque les chan- gements d'emploi sont fréquents, les flux sont de type ré- gional (r=0,44 pour les recrutements et 0,74 pour les 217 H -H ci « C) m O / Cl O H suof^smw / O I O O I I I O I i O O / Ul F-I IC en O IT Ul / CO toSubjuj C-I (M T (N fl" IO T O m Ul -uiaBuBqo O O I O I a O O O O i O O O O saurais j « CO CO Cl n O Cl CI a r-J Cl 3UO1ÌSSS30 O O O I O I O i O O 1 O I O I O O I O / m (N H Ul UJ H CJ Cl r-J / / O 1 l I O I I I O I O I O I TOTdraa 0t / en O O Cl H m O Cl O -4 CO O .H r-O CO CJ -J Cl •ura^njosy / O O O O i O O O O 1 O I es O O / Ol -H 4J O m m C r-l «1 -U i) C C C C C U CJ tu O) g u ai U -H Ë O IO O) OJ CJ O) in O) Ul O) O Sì / m « O) u> a s H 3 m 3 C U O) 4J U W g )J -H u >a .¦0 (O ra U F-J O) ü -h U Ll a v O C a o> u £ - O (D O) « O) 3 a JJ W) O vu -j 3 (J -O a uî a en Q VU 218 départs). Ce résultat reste valable tant pour les départs volontaires que pour ceux qui surviennent durant la période d'essai. - Parmi les sorties d'activité, les départs en retraite ca- ractérisent des entreprises qui recrutent facilement hors région. - Lorsque les flux sont orientés vers l'étranger, tous les autres coefficients sont négatifs. Il s'agit donc d'un cas. qu'il convient de considérer séparément dans l'analyse. 5.3.3. La structure de l'emploi des établissements influence celle des flux de main-d'oeuvre L'étude des relations entre la structure de l'emploi des éta- blissements et celle des flux de main-d'oeuvre révèle en par- ticulier les caractéristiques suivantes (tableau 12}: - La rotation globale est corrélée négativement avec le ni- veau de qualification et 1'ancienneté, et positivement avec les niveaux de qualification bas (sauf SNQ-H et les catégories dites précaires. Le résultat obtenu pour les SNQ-H indique qu'un grand nombre d'entre eux connaît la stabilité. - Contrairement â ce qui se passe pour les autres catégories, la rotation des femmes augmente quand la proportion de femmes occupées s'élève. - La rotation durant la première année n'est faible que lorsque la proportion de cadres et de qualifiés est élevée. Elle est le mieux corrélée avec la proportion de SNQ-T. - La présence des catégories dites précaires (femmes, étran- gers, jeunes) est dans l'ensemble corrélée positivement avec le taux de rotation, mais les exceptions sont fré- quentes. 1) SNQ-H: semi- et non-qualifiés - hommes SNQ-F: semi- et non-qualifiés - femmes SNQ-T: semi- et non-qualifiés - total. 219 - Plus les proportions de femmes, de SNQ-F, d'étrangers et de jeunes sont fortes, plus importante est la rotation des qualifiés. La précarité des postes non-qualifiés influ- ence donc souvent celle des qualifiés. Tableau 12: Tableau de corrélation entre variables de flux et variables de stocks Stocks >^ ROTATION 1979 1978 Première année Cadres Quali-llfies SKQ-T Femmes Effectifs -0,11 -0,07 -0,02 +0,06 -0,14 -0,10 0,07 Cadres -0,03 -0,22 -0,34 0,18 0,19 0,01 0,04 Qualifiés -0,26 -0,23 -0,37 0,19 -0,16 -0,02 -0,08 SNQ-T 0,22 0,26 0,43 -0,22 0,05 -0,02 0,05 SNQ-H -0,20 -0,10 0,16 -0,22 -0,21 -0,21 -0,28 SNQ-F 0,40 0,34 0,27 0,00 0,23 0,21 0,31 Femmes 0,37 0,24 0,19 0,07 0,32 0,32 0,28 Etrangers 0,07 0,22 0,36 -0,10 -0,15 0,07 -0,06 Etrangères 0,35 0,49 0,33 0,02 0,13 0,21 0,32 Jeunes 0,33 0,26 0,11 -0,04 0,19 0,31 0,21 voiant de TTlOhI 1 1 t.6 0,07 0,08 0,37 -0,17 -0,04 0,09 -0,03 Ancienneté -0,33 -0,25 -0,09 -0,04 -0,36 -0,13 0,05 - L'importance de la sphère de stabilité (ancienneté supé- rieure à IC ans) annonce le plus souvent une rotation fai- ble. La rotation durant la première année en revanche appa- raît comme presque neutre par rapport à la variable "ancien- neté". Elle laisse supposer l'existence de deux types de phénomènes: - Sélectivité du personnel avant de pénétrer dans le "mar- ché interne" des entreprises (stabilité importante, donc corrélation négative "ancienneté-départs première année"), ¦ Coexistence de travailleurs stables et de travailleurs très mobiles. Cette situation peut provenir de licencie- ments durant la période d'essai, d'une dualisation des 220 emplois selon leur contenu ou de la nature même du tra- vail, que l'on apprécie et accepte ou que l'on rejette très rapidement. Il s'agit dans ce dernier cas d'une for- me de sélectivité dans l'emploi lui-même. L'ancienneté est alors corrélée positivement avec les départs durant la premiere année. - La taille (effectifs) ne joue qu'un faible rOle. Certes, la rotation globale, ainsi que celle des qualifiés et des SNQ-T,diminue lorsque la taille augmente, à l'inverse de ce qui se passe pour les femmes et pour les cadres. Mais aucun coefficient ne dépasse 0,14. D'autres données relatives aux flux de main-d'oeuvre peuvent encore être étudiées dans leurs interrelations avec les caté- gories de travailleurs (variables de stocks). Il s'agit des motifs de départs et de la répartition spatiale des flux. Les coefficients de corrélation qui les concernent permettent d'observer les éléments suivants (tableau 13): - Les recrutements de qualifiés en premier emploi (en % des recrutements de qualifiés) sont les plus faibles lorsque les étrangers sont nombreux et les plus importants dans les entreprises oü la sphère de stabilité est grande. Le coef- ficient demeure cependant faible. - Les retraites caractérisent le mieux les entreprises où les qualifiés et le personnel stable sont nombreux. La valeur des coefficients concernés n'atteint pourtant pas le niveau que l'on aurait escompté. - Les cessations d'activité professionnelle de femmes sont corrélêes avec la présence des catégories féminines. Mais le coefficient assez élevé qui a été calculé entre la pro- portion de femmes et la fréquence des changements d'emploi confirme que certaines femmes connaissent une mobilité d'entrée/sortie de l'activité, alors que pour d'autres la mobilité est forte et très souvent de courte période (pé- riode d'essai). Les cessations d'activité sont un peu moins 221 -M (U m x i) O JJ Ul O) -O m O) ¦-H -¾ ¦H U m > Q) U JJ C HJ C O •H JJ (Tl X .-H 3 «il <-i U U-I U O in U ni Tl (Il Tl (i) Ij 3 3 m JJ 0) D rH 3 ¦a M JJ H U] (O 0 ¦H (N CN T (N m r- O -J >T —I S3JBa?a O I O I O I O O O 0 1 0 O O 1 O O 1 I36UBJ}§ O O O •s (N (1 ri Pl en 10 (N in en rH ¦malaises O O O I O O O I I O I O I O O I O » 1-1 •r CN M a * CN O m (N Ê^jBdga O O O O I O I 0 CI O I O 0 I O CO W CO ri rJ .H (N (N H ¦H 0 (N r-H O p-i rH ¦ ois^n jssy O O O I O O O I O D I Cl O I O ¦W UOT&3-I O (N « (N O (N (N O 1-1 r-J O CN s^^cdga O O I O I O O O O O I O O O O I uotBçj ITi (O 03 CO O O r* -H (N m <-i (*> CN O m O ¦uissiijosh O O O O I 0 0 O I O O 0 O Ul en CI m *ï CO (N O H (N CN r-4 i-i .H O (N I i O I 1 1 I r-t (N CO fv4 r-l n O (N C* "1 m 0 m O rH a ¦fessa 1 I O r-l r-l (N t-H 03 CO CO TT 833TEq. O O ^ r-l a O O (N O O CN -UOTOA O O 0 O I 0 1 O O I O t O I O O I O I Toidioa.p .H «1 r-4 (N F-J m . en en IN -j (N (N (N s^uain -aßtretO I O I O I S SUBIS 3 O CO r- (N (N r- Cl Oi EO en -SUOT3 O ' I I I T (N H H (N ssiTca^ea I O 0 1 O I O 1 t I I •jTTBnb % (N CO O «1 m fi ci O O r- -J cl Tot drus oT ¦inainJOSH O I 0 O I 1 I •a a DJ M Cl JJ la U 14 -a 10 a> jj IX jj MJ U -H / ¦* O -H C C C -J U * A IJ ¦a g Ll U -J A U Im a 3 Oi JJ 4J (B 0 0 G U U U] « M Cu U IiJ fj 222 nombreuses chez les Suissesses que chez les étrangères, mais on ne peut en tirer de conclusions définitives sur' les comportements respectifs de ces deux populations/ dans la mesure où seules les femmes actives sont considérées ici. - Les femmes et les autres catégories "précaires" sont les seules dont la présence en grand nombre indique une rota- tion pure (changements d'emploi) élevée, particulièrement durant la période d'essai. - La proportion des changements d'emploi volontaires augmente avec le niveau de qualification. - Les mutations surviennent surtout dans les établissements où les cadres et les qualifiés sont nombreux. - Les flux concernant les cadres et les qualifiés sont plus fréquemment orientés vers l'extérieur de la région. Le coefficient de corrélation beaucoup plus élevé pour les dé- parts vers d'autres régions de Suisse que pour les recrute- ments qui en proviennent montre une attract!vite plutôt faible de la région d'étude. Les scores obtenus pour les ' SNQ-T vont dans le même sens. Plus les SNQ-T sont nombreux, moins il y a de flux avec d'autres régions. Cependant, le coefficient moins "négatif" pour les recrutements que pour les départs indique une attractivité relativement bonne pour les SNQ-T par rapport à l'extérieur de la région. Un processus de substitution semble ainsi se dérouler entre qualifiés et SNQ-T 1J. - A travers les coefficients relatifs aux flux avec l'étran- ger, on obtient la confirmation du fait qu'ils concernent essentiellement les étrangers et les saisonniers, dont la majorité appartient a la catégorie SNQ-H. 1) Ces résultats vont dans le sens de la théorie de la migration par éta- pes (Pellaton 1980, pp. 174s]. 223 5.3.4. Conclusion Les valeurs obtenues pour les coefficients de corrélation ont le plus souvent Été significatives, sans pour autant attein- dre des niveaux très élevés. Ceci signifie en particulier qu'un type de flux donné (par sa nature, sa dimension spatia- le, son intensité, etc.) survient le plus souvent lorsque la structure du personnel présente certaines caractéristiques. Mais on peut aussi en déduire que tous les individus d'une catégorie et/ou tous les établissements comparables du point de vue de la structure de leur emploi n'ont pas un même com- portement de mobilité. Les résultats obtenus laissent supposer que la nature, l'o- rientation et l'intensité des flux ne sont pas aléatoires, mais varient en fonction de particularités diverses de la structure de l'emploi et de la gestion du personnel des en- treprises . La nature des flux de main-d'oeuvre et l'espace dans lequel ils s'inscrivent permettent d'entrevoir que tous les établis- sements ne sont pas concernés par les mêmes flux. Il existe donc un partage de la main-d'oeuvre entre les établissements. Ce partage peut être horizontal (qualifiés/non-qualifiés, hommes/femmes) ou vertical (entrée en activité, promotions successives). Il révèle la véritable structure du marché de l'emploi. 5.4. LES ETABLISSEMENTS- PRESENTENT DES STRUCTURES DE L'EMPLOI CARACTERISTIQUES 5.4.1. Structure de l'emploi des établissements de l'échan- tillon Dans l'ensemble de l'échantillon, on constate que près de 52% des travailleurs sont occupés ä des postes qualifiés ou d'encadrement, 40% dans des emplois peu ou pas qualifiés, les 9% restants faisant partie des catégories apprentis et autres 224 travailleurs 1). Plus en détail, on constate que l'importance de l'encadrement inférieur est ä peine plus faible que celle de l'encadrement moyen et supérieur. On peut ajouter à ces deux groupes les 1,7% de collaborateurs à haut niveau de formation n'occupant pas encore de postes de cadres, afin d'obtenir la valeur de ce qui a été considéré ici comme l'encadrement total (16%). On constate ensuite que plus d'un travailleur sur trois fait partie de la catégorie "qualifiés". L'importance relative des catégories semi- et non-qualifiés-hommes (SNQ-H) et -femmes (SNQ-F) est pratiquement semblable (SNQ-H: 21%; SNQ-F: 19%). Les postes de formation pour leur part sont assez peu nom- breux. On apprend en outre que près d'une personne active sur trois était une femme, qu'une sur quatre était d'origine étrangère, mais que la proportion de jeunes était assez faible (4,3%, plus 2,6% de jeunes en formation). Tableau 14: Structure de l'emploi selon le secteur d'activité \Categorie Secteur \. m U 3 U m -h V U u w "O ft a 3 u » Cadres Inférieurs m (o 1-1 O) 3 kl -4 a C U *i r ff> C C O — C Cadres total Qualifiés X i O Z È Apprentis Femmes Etrangers n 5 0) •-> Industrie 8,2 5,1 2,1 15,4 33,2 23,9 22,, 1,8 27,7 27,5 3,2 Construction 5,8 9,9 0,2 15,9 36,0 41,8 0,0 2,9 4,0 65,4 1,6 Tertiaire 8,7 7,4 1,8 17,9 38,5 14,6 17,6 4,0 |44,8 13,4 7,2 Total 6,0 6,2 1,8J16,0 34,9 21,2 19,0 2,6 (31,6 24,4 4,3 D'importantes différences entre structures de l'emploi appa- raissent lors d'une désagrégation selon le secteur d'activité {tableau 14). Une décomposition selon la branche permet 1) Saisonniers, personnel â domicile, auxiliaires, etc. 2) Voir Held 1982f. 225 d'affiner ces diagnostics et d'observer que les catégories de travailleurs sont associées de manière relativement réguliè- re. 5.4.2. Des structures d'emploi caractéristiques Le calcul de coefficients de corrélation entre les diverses variables montre que les catégories les plus fréquemment as- sociées sont (tableau 15): - Cadres supérieurs et: - qualifiés - apprentis - SNQ-H et : - étrangers - SNQ-F et : - femmes - étrangères - Femmes et : - étrangères - jeunes A l'inverse, les catégories les plus clairement opposées sont: - Qualifiés et : - SNQ-F - étrangers - jeunes - SNQ-H et : - cadres supérieurs - qualifiés - apprentis - SNQ-F - femmes - étrangères - jeunes - SNQ-F et : - qualifiés - SNQ-H - Femmes et : - SNQ-H - Etrangers et : - cadres supérieurs - qualifiés - Etrangères et : - qualifiés 226 Jeunes - 0,16 0,15 - 0,29 - 0,19 IO O - 0,02 0,39 - 0,08 0,36 Etrangères - 0,16 - 0,14 - 0,45 - 0,28 0,75 - 0,09 0,66 0,28 0,36 Etrangers - 0,34 0,03 m O 0,48 - 0,03 CO O 1 ST'O - 0,28 - 0,08 Femmes 0,18 - 0,21 - 0,23 - 0,54 0,72 0,11 - 0,15 0,66 0,39 h 0,29 - 0,01 0,37 - 0,28 - 0,11 0,11 - 0,28 - 0,09 - 0,02 SNQ-F - 0,16 - 0,14 - 0,55 - 0,43 - 0,11 0,72 - 0,03 0,75 0,46 SNQ-B - 0,42 0,09 - 0,43 - 0,43 - 0,28 - 0,54> 0,48 - 0,28 - 0,19 Qualifies 0,32 - 0,06 - 0,43 - 0,55 0,37 - 0,23 - 0,35 - 0,45 - 0,29 m • St U U «J •0 IM n c - 0,32 / - 0,06 0,09 - 0,14 - 0,01 - 0,21 0,03 - 0,14 0,15 a • (V U U 4) TJ a « 3 U D) / - 0,32 0,32 - 0,42 - 0,16 0,29 0,18 - 0,34 - 0,16 - 0,16 D) O) kl O CT> "U 4J II U Cadres supérieurs Bl M 3 O m -h W U u IB,7% > 34,6% 46,7% (Encadrement) (Qualifiés) (Semi- et non-qualifiés) Les analyses factorielles qui ont été réalisées ont permis de dégager deux axes factoriels significatifs 2). ces axes dif- férencient très nettement les SNQ-H, les SNQ-F et les quali- fiés. Sur le troisième facteur 3), le groupe qualifiés admi- nistratifs et cadres supérieurs est opposé aux qualifiés- production (activité principale). La distinction entre quali- fiés-production et qualifiés administratifs se révèle donc pertinente. En effet, les qualifiés-production sont le plus souvent associés a des SNQ-H et a des cadres inférieurs, alors que les qualifiés administratifs n'existent en propor- tion significative que lorsque l'encadrement supérieur est lui-même conséquent. En projetant sur le système d'axes les points-établissements, des groupes sont apparus. Ils ont été délimités à l'aide 1) Voir Held 1982b. 2) 53,6% et 28,2%. 3) 8,1%. 231 d'une classification automatique D. Une typologie comprenant sept classes a pu être constituée: - Type 1: Etablissements féminins (SNQ-F) : Ce premier type est caractérisé par une très forte proportion d'emplois fé- minins non-qualifiés et par une faible importance des au- tres catégories. - Type 2: Etablissements masculins (SNQ-H): A l'opposé du ty- pe 1, les établissements de ce type sont spécialisés dans l'utilisation d'une main-d'oeuvre semi- ou non-qualifiée masculine. Leur encadrement est moyen. - Type 3: Etablissements mixtes (SNQ): Certains établissements à faible niveau de qualification occupent à la fois beaucoup de femmes et beaucoup d'hommes. L'encadrement reste faible. - Type 4: Etablissements masculins moyennement qualifiés (qua- lifiés/SNQ-H): C'est par une proportion à peu près compara- ble de qualifiés et de SNQ-H que se caractérise le type 4. L'encadrement inférieur y est important et s'accompagne d'un encadrement technique non négligeable. - Type 5: Etablissements féminins moyennement qualifiés (qua- lifiës/SNQ-F): A l'instar du type 4, le type 5 offre une combinaison d'emplois qualifiés et d'emplois semi- et non- qualifiés, mais ces derniers sont surtout féminins. L'enca- drement supérieur et technique dépasse la moyenne, alors que l'encadrement inférieur reste faible. - Type 6: Etablissements qualifiés ä fort encadrement supé- rieur: un haut niveau de qualification et un fort encadre- ment supérieur et administratif sont les principaux attri- buts du type 6. - Type 7: Etablissements a forte qualification de la produc- tion: Un encadrement assez important, des services adminis- tratifs réduits, mais surtout une très forte proportion de 1) KMEAN, voir Annexe 3 (3.3.). 232 qualifiés occupés à la production (au sens de l'activité principale des établissements) constituent les signes iden- tificateurs du type 7. Cette typologie constitue une première approche des comporte- ments de mobilité, puisque la rotation diminue au fur et S mesure que s'élève le niveau de qualification des établisse- ments . Elle ne suffit cependant pas, parce que la rotation est faible dans: - 57% des établissements masculins (forte dans 14% des cas) - 78% des établissements mixtes (forte dans 11% des cas) - 36% des établissements moyennement qualifiés (forte dans 32% des cas) - 62% des établissements qualifiés (forte dans 19% des cas). En revanche, 87% des établissements féminins connaissent une forte rotation. L'interprétation en termes de tendance cache donc une grande diversité de situations sur le marché de l'emploi. Les résul- tats demeurent d'ailleurs comparables lorsque d'autres critè- res sont considérés (rotation durant la première année ou la période d'essai, espace dans lequel s'inscrivent les motifs des départs, etc.). Dans tous les cas, des établissements semblables sur la base de leur structure des qualifications peuvent se caractériser par une position très différente sur les divers flux de main-d'oeuvre. 5.4.5. Des regroupements traditionnels insuffisants Les analyses de la structure de l'emploi et des flux de main- d'oeuvre qui ont été réalisées sur les données des échantil- lons d'établissements ont régulièrement contribué à tester la qualité des regroupements traditionnels que sont la branche d'activité et la taille D. 1) Voir Held 1982c et f. 233 Les résultats obtenus sont assez limités: - La désagrégation selon' la taille s'est révélée décevante dans presque tous les cas et a conduit à rejeter l'importan- ce de cette variable dans le cadre d'une approche globale {de tous les secteurs d'activité). - La désagrégation selon la branche a donné de meilleurs ré- sultats. Cependant, seule la construction et les hôpitaux présentent une homogénéité suffisante et des caractéristi- ques claires et identifiables à partir de quelques indica- teurs. Dans les autres cas, des situations très différentes ont été observées au sein de chaque branche. Par exemple, les taux de rotation extrêmes de l'échantillon ont été relevés dans deux entreprises de décolletage (même activité): 2,3% et 38,0%. D'une manière générale, le sens des moyennes apparaît comme très relatif dans le cadre d'une étude locale et cache une grande diversité de situations. A titre d'exemple, on a retenu la répartition des établisse- ments des diverses branches dans cinq classes relatives à l'intensité des changements d'emploi survenant au sein de la région (tableau 18). La seule considération de ce tableau suffit pour démontrer que, dans des espaces de petite dimension, il faut prendre en considération pour l'analyse des établissements et non des branches. Ceci apparaît très nettement par exemple dans les branches machines et horlogerie, où pour ainsi dire toutes les classes d'intensité comprennent des établissements. La branche constitue ainsi un niveau d'agrégation insuffisant pour tenir compte de spécificités locales. Les résultats du tableau 18 ne sont pas une exception. Au contraire, pour pratiquement chaque indicateur considéré dans le secteur 5.2., un tableau similaire pourrait être présenté. 234 Tableau 18: Répartition des établissements selon la branche et l'intensité des changements d'emploi régionaux On peut donc conclure que, au niveau local en tout cas, les regroupements sur lesquels on travaille habituellement (bran- ches et classes de taille) n'ont guère de sens en eux-mêmes, et que c'est l'établissement qui apparaît comme la catégorie significative de la mobilité du personnel. Il est évident qu'en combinant plusieurs critères (par exem- ple la branche, la taille et le type), les résultats s'en trouveraient améliorés. Mais les effectifs de chaque classe seraient le plus souvent si faibles qu'on serait ramené très rapidement à analyser l'établissement en tant que tel. Et mê- me si l'on se trouvait dans de grandes zones, cela ne signi- fierait pas encore que la position de tous les établissements d'une même classe serait identique sur le marché de l'emploi. L'établissement se confirme davantage encore comme base d'a- nalyse lorsque l'on examine les caractéristiques de la poli- tique d'emploi des établissements. 235 5.5. DES POLITIQUES D'EMPLOI DIFFERENCIEES 5.5.1. Les politiques d'emploi des établissements La manière dont les établissements gèrent leur personnel in- fluence fortement leur position sur le marché de l'emploi. Il s'agit là d'un résultat important de plusieurs recherches ré- centes. Dans cette section, on a cherché à savoir en quoi les politiques d'emploi différaient lés unes des autres, si elles ne se recouvraient véritablement pas avec des caractéristiques économiques connues et si elles influençaient la mobilité des travailleurs. On a distingué pour commencer les deux axes principaux sur lesquels reposent les politiques du personnel: - la politique interne à la firme {formation et promotions d'une part; pratiques salariales et conditions de travail d'autre part), - la politique de recrutement (relations avec l'extérieur). Globalement, elles peuvent être classées selon un axe allant d'un empirisme parfait (gestion au coup par coup) à une structuration importante (gestion de type ressources humaines) Les deux types extrêmes ont été illustrés dans le tableau 19, 2) pour trois dimensions (recrutement, promotions et formation ) et selon les critères suivants: nature, critères de sélection et objectifs visés. Cette grille a constitué le fil directeur des variables étudiées dans cette section. 1) Voir à ce propos p.ex. Baroin 1978. 2) La politique interne a été subdivisée. 236 Tableau 19: Gestion empirique et gestion structurée ~*"-^^ Type de Type a>^r,tlon politique ^^"-^^^^ Gestion empirique Gestion structurée Recrutement - en fonction des besoins (coup par coup) - en partie prévisionnel Nature: - pratiquement a niveau - à quelques niveaux particuliers Critères: - formation et experience pour les cadres et les ouvriers qualifiés - aucun pour les non-quali-fiës - qualification et 8ge S tous les niveaux Oblectifs: - remplacement surtout - transformation de la maln-d"oeuvre Promotions -.occasionnelles; remplacement des postes vacants mais pas de gestion des carrières - fréquentes; remplacement des postes vacants et gestion des carrières Nature : Critères : - concernent seulement les qualifiés et les cadres - existent S tous les niveaux Oblectifs: - reconnaître le mérite individuel et l'ancienneté - répondre aux revendications catégorielles et et aux demandes individuelles de promotions Formation - faible ou inexistante - partie intégrante de la politique de l'entreprise Nature : Critères: - si existe, ne concerne guère les non-qualifiës - pour toutes les catégories du personnel Oblectifs: - souvent externe; efforts individuels - en vue de promotion (perfectionnement) ou pour adapter la main-d'œuvre (recyclage, p. ex.) 5.5.2. Les politiques de formation et de promotions a) La formation La politique de formation concerne la formation de base (ap- prentissage) , qui s.e déroule partiellement en entreprise, et la véritable formation interne. Celle-ci peut prendre deux formes : - La formation formalisée, qui est fournie par une institu- tion de formation avant l'occupation du nouveau poste. Elle peut être interne ou externe a l'établissement. L'important 237 n'est en effet pas le lieu où s'effectue la formation, mais le fait que l'entreprise soit l'agent déterminant de sa réalisation, de la définition de son contenu et de son fi- nancement . - La formation sur le tas, qui résulte soit du travail effec- tué dans le poste précédemment occupé, soit de l'exercice de l'activité au cours de la phase initiale du travail {plus ou moins longue selon les cas} au nouveau poste. Dans ce cas également, c'est l'entreprise qui est à la base de ce mode de formation. En examinant les variables suivantes D : - intensité de la formation - objectifs de la formation - existence d'une formation sur le tas - recours à la formation externe il est apparu que 6 situations étalent les plus fréquentes: 1) absence de formation (15) 2J 2) formation occasionnelle ou limitée dans son ampleur, quel- les qu'en soient les caractéristiques (35) 3) formation visant la mise au courant ou l'adaptation du personnel d'exécution (9) 4) formation spécifique remplaçant des qualifications inexis- tantes sur le marché (8) 5) formation destinée à .favoriser les promotions des quali- fiés et des cadres (6) 6) formation intégrée dans un marché interne véritable, avec qualifications spécifiques ou non, et concernant toutes les catégories de main-d'oeuvre (8). 1) Voir Held 1982e (2.1.3.). 2) Les chiffres entre parenthèses font référence dans tout ce chapitre au nombre d'établissements concernés. 238 b) Les promotions Les promotions correspondent au passage d'un emploi à un au- tre hiérarchiquement supérieur à l'intérieur d'une entreprise. Elles se produisent le plus souvent au sein du même établis- sement. Lorsqu'elles surviennent entre établissements d'une même entreprise, il s'agit de mutations, qui impliquent en général un départ de la région- Les établissements concernés ne sont alors que des relais dans des filières promotionnel- les interrégionales, qui conduisent le plus souvent aux grands centres urbains. Cette forme de promotions existe avant tout dans certains établissements relativement grands (17), et pour les niveaux de qualification élevés, voire très élevés (4 cas) . Les promotions répondent à des objectifs très divers 1): - recrutement de personnel spécialisé lorsque les qualifica- tions sont spécifiques (11 cas) - stabilisation de la main-d'oeuvre par la valorisation de l'expérience acquise (21 cas) - partie intégrante du marché interne de l'entreprise (18 cas) . Certaines entreprises ne procèdent â des promotions qu'au coup par coup, en fonction de besoins occasionnels. Réunissant les dimensions intensité et objectifs, on constate que: - les politiques au coup par coup et celles qui sont induites par la spécificité des qualifications ne surviennent que lorsque les promotions sont rares - l'objectif de stabilisation de la main-d'oeuvre concerne des intensités relativement moyennes (il en va de même lorsque les qualifications sont spécifiques, mais ne don- nent pas lieu à l'existence d'un marché interne) 1) Held 1982e (2.1.4.). 239 les promotions sont nombreuses dans les cas où elles cons- tituent l'une des dimensions principales du marché interne à l'entreprise. On a de ce fait pu distinguer: 1) l'absence complète de possibilités de promotions (9) 2) une politique de promotions limitée, quels qu'en soient les objectifs {32) 3) une politique de promotions moyenne et "empirique" (coup par coup) (12) 4) une politique de promotions assez importante visant la stabilité du personnel qualifié et d'encadrement ou impli- quée par la spécificité des qualifications (12) 5} une politique de promotions importante liée à l'existence d'un marché interne (15). Les établissements pratiquant la promotion interne appartien- nent à un nombre limité de branches (banques et assurances, communications, machines et appareils ainsi que alimentation, boissons, tabac. Ils sont plutôt de grande taille. Ces résul- tats ne signifient cependant pas que tout établissement des branches mentionnées, même s'il est de grande taille, offre des perspectives promotionnelles, ou réciproquement. c) Formation et promotions La confrontation des deux critères formation et promotions internes montre qu'une politique de promotions importante s'accompagne toujours d'une formation poussée. Lorsque la formation vise à favoriser les promotions, elle ne concerne que des cadres ou des qualifiés supérieurs. Dans les autres cas, on a affaire à un véritable marché interne dans lequel le personnel d'exécution est aussi intégré. Enfin, quand la formation est spécifique, les promotions sont surtout desti- nées à stabiliser les travailleurs ou à valoriser leurs com- pétences. 240 Ces résultats peuvent s'expliquer de deux manières: - Les "investissements en capital humain" (formation) consen- tis conduisent à chercher des moyens pour stabiliser la main-d'oeuvre. - La spécificité des qualifications rend indispensable le re- crutement interne des cadres. Dans quelques cas, les relations entre ces deux variables sont plus lâches, mais l'importance des promotions ou de la formation est alors réduite. C'est la raison pour laquelle il a été possible de regrouper les variables promotions et formation en une seule 1); 1} Marché interne complet (7) 2) Marché interne partiel (cadres et qualifiés seulement) (8} 3) Promotions induites par la spécificité des qualifications (5) 4) Promotions destinées à stabiliser la main'-d'oeuvre (10) 5) Formation spécifique sans promotions (3) 6) Politique du coup par coup, ou absence de politique (48). d) La formation de base (apprentissage) La formation par voie d'apprentissage n'est pas pratiquée d'une manière comparable par les divers établissements. Elle est en effet inexistante dans 26 établissements, très limitée dans 26 autres, alors qu'elle n'est très forte que dans 18 d'entre eux. La formation de base est effectuée dans différents buts: - pour bénéficier d'une main-d'oeuvre stable et bon marché (8 cas) - pour participer â l'effort général de formation (objectif "marché de l'emploi" - 20 cas) et pour faciliter indirec- tement le recrutement (11 cas) 1) Pour plus de détails, voir Held 1982e (2.1.5.). 241 - pour approvisionner directement l'entreprise en main-d'oeu- vre qualifiée (18 cas). En simplifiant, on constate que la formation de base peut être: 1) Inexistante (26) 2) faible, quels que soient les objectifs poursuivis (25) 3) motivée par le coût de la raain-d*oeuvre (5) 4) motivée par un effort de formation destiné indirectement à faciliter les recrutements (14) 5) motivée par le recrutement direct de collaborateurs (11). La répartition par branche montre avant tout que le recrute- ment direct constitue l'objectif visé dans les banques, les assurances et dans les communications, alors que le facteur coOt intervient surtout dans le commerce de détail et les hôpitaux. Les autres situations sont mieux réparties entre branches d'activité -^ . 5.5.3. Conditions de travail et politique de rémunération 5.5.3.1. Attrait d'un travail: méthode d'évaluation Il est difficile d'apprécier l'attrait qu'un travail exerce sur les individus à partir d'un indicateur unique. En effet, des variables multiples doivent Stre considérées: conditions de travail, prestations sociales, politique salariale, niveau de salaire, etc. Il est probable que toutes ces variables influencent la mobilité du psrsonnel et les problèmes de re- crutement rencontrés, mais de maniere différente selon les individus. Afin d'obtenir un critère représentatif, on a cherché à classer les établissements en fonction d'un ensem- ble de variables. 1) Voir Heia 1982e (2.1.2.). 242 Dans ce but, une méthode de classement simple a été utilisée, ou les notes obtenues ont été additionnées pour les quatre séries de variables suivantes: - niveau des salaires - politique de rémunération (sens strict) - prestations sociales - conditions de travail proprement dites. Les trois premières variables font partie de l'ensemble de la politique de rémunération (au sens large). a) Politique de rémunération La politique de rémunération pourrait être analysée sur la base d'une enqu&te relative ä la structure des salaires. Com- me il ne s'agissait pas de l'objet de cette recherche et que cela conduit inévitablement à de grandes difficultés en ma- tière d'obtention de l'information, d'autres solutions ont dû Stre trouvées. Pour apprécier le niveau des salaires, l'indicateur du salai- re minimum 1) n'a pas semblé pertinent dans le contexte hel- vétique 2) et au vu du biais qu'introduisent la structure des qualifications et l'éventuelle existence d'un marché interne. Il a de ce fait fallu se contenter d'appréciations qualitati- ves, portées sur l'ensemble de la grille des salaires 3> ou sur la base des renseignements obtenus lors de l'enquête. D'autres variables se sont avérées nécessaires pour compléter l'appréciation des prestations financières: existence d'une rémunération selon les performances, d'une politique salaria- le valorisant l'ancienneté, d'un 13&me mois ou d'une gratifi- cation de fin d'année. On y a ajouté le mode de rémunération 1) Utilisé par le Centre d'Etudes de l'Emploi (Destefanis/Foucher/Gouterma- noff 1977, pp. 84s). 2) Absence du SMIC, notamment. 3) Lorsqu'une Convention Collective de Travail (CCT) ou un Règlement d'entreprise existait. 243 (mensuel ou horaire) et une appréciation qualitative des prestations sociales {logements, cantine, vacances, âge de la retraite et autres avantages sociaux qu'il n'était pas possi- ble de considérer séparément), qui ne sont qu'indirectement financières 1^. b) Les conditions de travail Les conditions de travail â proprement parler ont trait aux formes mêmes du travail et aux conditions dans lesquelles il est effectué. Leur évaluation a été établie à partir des cri- tères suivants: les horaires de travail, la pénibilité physi- que du travail, la pratique de l'horaire libre ainsi que l'existence et l'importance du travail par équipes. 5.5.3.2. Le classement simple des établissements En additionnant les scores obtenus dans chacune des quatre rubriques considérées (niveau des salaires, mode de rémunéra- tion, prestations sociales et conditions de travail) 2) et en transformant les scores en rangs, on a obtenu un classement des conditions de travail. Il est apparu que les meilleures conditions sont offertes en moyenne dans le tertiaire, mais que l'industrie est présente dans toutes les classes. La situation est peu favorable dans la construction et explique probablement le désintérêt mani- festé par les travailleurs suisses pour ce secteur ^)# 1) Avantages annexes ("fringe benefits" dans la littérature anglo-saxonne). Ils sont ajoutés aux salaires pour donner une appréciation correcte de leur niveau. Il s'agit d'un élargissement du modèle concurrentiel. 2) Chaque rubrique a reçu un même poids. 3) Voir Held 1982e (2.2.4.a). 244 5.5.3.3. Le classement par analyse factorielle Le rang seul ne permet pas d'obtenir une appréciation absolu- ment correcte de la situation (sauf pour les valeurs extrêmes, ou toutes les notes sont uniformément bonnes ou mauvaises). En effet, les combinaisons des quatre critères qui permettent d'aboutir à un rang donné peuvent varier fortement. Il est donc important d'analyser ces combinaisons. On a recouru dans ce but à l'analyse factorielle 1J. Sur le premier facteur, on a retrouvé le classement des éta- blissements selon le rang. Sur le second, on a pu voir que des établissements qui ont obtenu un score similaire peuvent soit offrir d'excellentes conditions de travail, mais des a- vantages financiers moyens, soit mettre l'accent sur les pres- tations financières ou sociales 2>. On obtient ainsi une ima- ge plus différenciée encore de la situation. Cette distinc- tion est utile sur le plan analytique, car elle montre que des situations très diverses existent entre les établisse- ments au niveau des conditions de travail (au sens large) offertes, et que le mode de rémunération et la qualité des conditions de travail (au sens strict) varient parfois en pa- rallèle et parfois de manière divergente (compensation). 5.5.3.4. Conditions de travail et mobilité L'effet sur la mobilité est difficile â évaluer. Si l'on ten- te de comparer le rang obtenu avec le taux de rotation, on voit que la mobilité n'augmente que légèrement lorsque se détériorent les conditions de travail. Trois raisons au moins expliquent pourquoi cette relation demeure faible: 1) La méthode de l'analyse en composantes principales a été retenue en vue de tenir compte non pas seulement du profil des notes obtenues (en ana- lyse des correspondances, les établissements dont les notes sont uni- formément mauvaises se rapprochent de ceux dont les notes sont unifor- mément bonnes), mais aussi de la valeur de ces notes, afin de rejoindre l'interprétation obtenue par le simple classement. (Le principe des méthodes factorielles est expliqué dans l'Annexe 3, point 2.) 2) Pour les détails de l'analyse, voir Held 1982e, point 2.2.4.b). 245 a) La mobilité mesurée ne concerne que la rotation sur les postes de travail de la firme. Or, l'effet des conditions de travail s'exerce aussi sur la décision de s'engager dans une entreprise. Et si l'on admet que la personne qui prend un emploi connaît et accepte les conditions offertes/ il n'y a aucune raison a priori pour que la mobilité sur les emplois "précaires" (au sens des conditions de travail) soit beaucoup plus élevée. b) Les facteurs influençant la mobilité sont nombreux 1^. c) Il faudrait différencier plusieurs formes de mobilité: du- rant la période d'essai, la première année ou au-delà d'une année; volontaire ou involontaire; interne ou exter- ne à l'établissement. Ce n'est donc que par une approche complète que des résultats satisfaisants peuvent être attendus. 5.5.4. La politique de recrutement Le recrutement de la main-d'oeuvre est une opération complexe, dont les modalités varient selon la structure interne de l'em- ploi (p. ex. "ports d * entrée" conditionnés par 1'existence d'un marché interne), les qualifications requises, la locali- sation de l'établissement et de la main-d'oeuvre, la situa- tion du marché de l'emploi lui-même (tension ou chômage)- et selon la conjoncture (stabilité des marchés, permanence de la demande, etc.}. Lorsqu'un emploi est vacant, le premier choix que doit effec- tuer l'entreprise est celui du lieu du recrutement: interne (puiser dans les ressources de l'entreprise) ou externe (fai- re appel à du personnel extérieur à l'entreprise). Les résul- tats des choix effectués apparaissent au travers du degré d'ouverture de l'entreprise sur l'extérieur, autrement dit 1) Voir à ce sujet également l'approche du C.E.E. (Destefanis et al. 1977, pp. Ills et 121s). 2) Voir la section 5.2. 246 du nombre et du niveau des "ports d'entrée" existants. Parfois institutionnalisées, les "ports d'entrée" varient cependant selon la situation du marché de l'emploi. Par exem- ple, une pénurie de certains diplômés peut conduire à un re- crutement à un niveau de qualification inférieur aux exigen- ces, l'ajustement étant réalisé par une ou plusieurs promo- tions internes U. Le second choix concerne les modalités de l'embauche. Celles- ci résultent des exigences de l'entreprise par rapport à la personne à engager pour un emploi donné. Ces exigences con- cernent la formation de base, l'expérience accumulée, les qua- lités personnelles mais aussi l'âge, le sexe et l'origine des travailleurs. La durée prévue du contrat est également prise en considération: elle peut par exemple être très longue lorsqu'existe un marché interne, très courte lorsqu'il s'agit d'un contrat de durée limitée (p. ex. temporaires, saison- niers) ou indifférente lorsque l'employeur peut s'accommoder d'une rotation rapide du personnel. Quand la stabilité requi- se et les exigences de l'emploi sont élevées, l'employeur cherche à éviter d'accepter des candidats non "valables". Il sélectionne alors strictement la main-d'oeuvre, par les moyens de recherche (presse, contacts personnels, agences spéciali- sées, etc.), par l'application de normes d'embauché préci- ses ^i et/ou par l'introduction d'une période d'essai, à l'issue de laquelle s'opère seulement l'engagement définitif 3'. 1) Voir p. ex. Gantier 1978a, pp. 303. 2) Ces normes peuvent conduire a des pratiques de discrimination. 3) Il faudrait aussi tenir compte des alternatives au recrutement: sous- traitance, transferts d'activité entre établissements, "contracting", etc. Leur prise en considération est cependant difficile, car elle n'a de sens qu'en termes de processus. Or, les informations recueillies présentaient sur ce point certaines limites. (Voir cependant Held 1982a.) 247 La dimension spatiale dans laquelle s'inscrit la politique de recrutement mérite aussi d'être considérée (aire de recrute- ment, aire de recherche de main-d'oeuvre, politique de mobi- lisation du personnel, etc.). Elle sera traitée avec l'ensem- ble des données qui ont trait à l'espace D. Dans cette section,1'accent est surtout mis sur la sélectivi- té et sur les modalités du recrutement. La variable "ports d'entrée" a été indirectement traitée dans le cadre de la section relative aux promotions ^)r alors que les normes d'em- bauché exactes n'auraient pu être étudiées que cas par cas, si l'information avait été disponible. Enfin, les modalités particulières de recrutement n'ont pas été étudiées en vue de mettre en évidence les moyens de re- cherche proprement dits, mais de donner une vision d'ensemble des efforts fournis pour recruter du personnel. a) La sélectivité à l'embauche La sélectivité à l'embauche de la part de certaines entrepri- ses prend essentiellement deux formes: une sélectivité propre aux emplois eux-mêmes et aux qualités qu'ils exigent et une sélectivité qui reflète la position de force de l'entreprise sur le marché de l'emploi ou son organisation interne. Les critères retenus pour apprécier ces deux formes de sélec- tivité ont été influencés par les informations disponibles. Ils sont de ce fait relativement simples. La sélectivité liée aux emplois a d'abord fait l'objet d'une séparation en trois classes: - Exigence de qualités physiques - Exigence d'une grande habileté et d'une bonne vue - Exigences faibles ou liées aux qualifications des individus. 1) Partie III. 2) 5.5.2. 248 Cette dernière catégorie a ensuite été subdivisée selon le niveau de qualification: - élevé (qualifiés et cadres) - moyen (qualifiés/non-qualifiés) - bas (non-qualifiés). La sélectivité en tant que politique de l'entreprise prend pour sa part les formes suivantes: - aucune {en raison notamment de problèmes de recrutement) - par l'intermédiaire de la période d'essai - modérée à l'embauche et durant la période d'essai - de manière stricte, ä l'embauche. On constate,en considérant simultanément ces deux critères, que la sélectivité comme politique des entreprises existe dans un établissement sur trois et se rencontre surtout dans les établissements à niveau de qualification assez élevé. A l'inverse, c'est dans les établissements exigeant des qua- lités physiques (force, résistance ou habileté) que les au- tres formes de sélectivité sont les moins importantes. L'existence de normes précises d'embauché pour les non-quali- fiés cache pour sa part des besoins de stabilité (formation spécifique) ou de "capacités à apprendre", en vue d'être in- tégrés è un marché interne D. b) Modalités de recrutement Par modalités de recrutement, on entend les moyens générale- ment utilisés pour recruter la main-d'oeuvre dont la firme a besoin. La diversité de ces moyens est grande: - Presse locale, régionale, nationale voire internationale; annonces diverses - Contacts personnels, relations 1) Voir Held 1982e (3.2.3.1.). 249 - Office du chômage - Ecoles et Universités - Sous-traitance à une agence spécialisée (en principe pour spécialistes et cadres uniquement}. Parfois, aucun moyen n'est nécessaire, un nombre suffisant de travailleurs se présentant spontanément. Une analyse précise des modalités de recrutement aurait né- cessité de remplir un questionnaire par embauche . L'en- quête réalisée n'a pas atteint ce degré de finesse. Elle a néanmoins montré le rôle premier des annonces internes ou par voie de la presse, alors que le poids des autres formes est resté faible. De ce fait, l'appréciation des modalités de recrutement a été restreinte à l'examen de l'intensité des moyens rais en oeuvre. Trois classes ont été constituées: - Moyens limités par les possibilités (petites entreprises) ou temporairement étendus en raison de problèmes de recru- tement ponctuels (26) - Moyens limités vu les besoins réduits à satisfaire (37) - Moyens très complets pour répondre à des exigences élevées (18) 2), c) Sélectivité à l'embauche et modalités de recrutement Une certaine relation a pu être dégagée du croisement entre le degré de sélectivité du recrutement et les moyens mis en oeuvre pour rechercher de la main-d'oeuvre. Ainsi, l'absence de sélectivité correspond â des moyens limités et caractérise plutôt un mode de gestion empirique de la main-d'oeuvre. Les entreprises qui mettent en oeuvre des moyens importants sont aussi celles qui pratiquent une politique de sélectivité as- sez importante dans le cadre d'une gestion globale de la main-d'oeuvre de type "ressources humaines". 1) Voir les travaux du Centre d'Etude de l'Emploi (et notamment Destefa- nis/Foucher 1981, pp. 66-75). 2) Voir Held 19B2e (3.2.3.2.). 250 La mise en oeuvre de moyens limités vu les besoins à satis- faire s'applique pour sa part S deux situations: celle d'éta- blissements utilisant de la main-d'oeuvre semi- et non-quali- fiée et celle d'établissements qui sont très attractifs pour des travailleurs qualifiés (marché interne ou niveau techno- logique élevé) et qui peuvent de ce fait, sans moyens de re- cherche de main-d'oeuvre importants, être très sélectifs lors des embauches. On a aussi pu constater que les moyens de recrutement les plus complets ne sont pas le fait des entreprises disposant d'un marché interne, mais de celles qui ont des exigences élevées pour le personnel d'encadrement. La politique de recrutement complète donc utilement les variables considérées jusqu'ici. On peut désormais envisager la construction d'une typologie simple qui rende compte de toutes les dimensions de la poli- tique d'emploi des établissements. 5.5.5. Une premiere synthèse Le nombre de variables qui ont été considérées au départ est important. En simplifiant quelque peu, les variables exami- nées peuvent être considérablement réduites. On aboutit alors à une typologie de la politique d'emploi des établissements qui comprend sept catégories *': a) Marché interne complet: La formation est-orientée dans le but de conférer les qualifications nécessaires et de pré- parer à des promotions internes, et ceci quelles que soient les catégories de main-d'oeuvre concernées. Les recrute- ments ont lieu de manière sélective è la base (avant ou après la formation professionnelle) et sans efforts consi- dérables pour attirer de la main-d'oeuvre. Les conditions de travail sont très bonnes (7). 1) Held 1982e (4). Les variables relatives à l'espace ne sont pas consi- dérées ici. 251 b) Marché interne partiel: La formation a pour but essentiel de préparer les promotions internes. Elle concerne unique- ment les cadres et les qualifiés. Les recrutements ne s'o- pèrent que partiellement en premier emploi et la formation de base est limitée. L'embauche est relativement sélective et les conditions de travail sont bonnes (7). c) Sélectivité/stabilisation: Les promotions réalisées visent d'abord à stabiliser la main-d'oeuvre. Les recrutements ont rarement lieu en premier emploi, mais ils sont carac- térisés- par une sélectivité conséquente â l'embauche. Les conditions de travail sont bonnes. Enfin, il n'y a pour ainsi dire aucune formation par apprentissage (3). d) Promotions seules: Une certaine spécificité des qualifica- tions conduit au recrutement interne pour les niveaux de qualification supérieurs et pour les cadres. Les recrute- ments sont peu sélectifs et les emplois offerts sont ca- ractérisés par des conditions de travail très moyennes. Lorsque des apprentis sont formes, c'est pour approvision- ner l'entreprise en main-d'oeuvre (5). e) Sélectivité â l'embauche: Dans certains établissements, la formation, les promotions et les recrutements en premier emploi sont plutôt rares. La formation de base est même exceptionnelle. Les recrutements s'opèrent en revanche de manière sélective, de l'expérience ou un certain âge étant requis pour occuper des postes de travail exigeant de bonnes qualifications ou un sens des responsabilités. Les conditions de travail sont souvent bonnes (10) , mais par- fois aussi assez moyennes (7). f) Spécificité des qualifications: Dans quelques établisse- ments, la spécificité des qualifications est élevée, mais ne s'accompagne guère de promotions internes. Les recru- tements concernent surtout des non-qualifiés qui ont à 252 faire face a des conditions de travail plutôt pénibles (3). g) Autres : Les critères considérés dans cette section ne per- mettent pas de caractériser les autres établissements. On distinguera simplement ici les établissements où les con- ditions de travail offertes sont assez bonnes (17) et cel- les où elles sont médiocres (22). Dans aucun cas, les catégories qui ont été identifiées ici ne se recouvrent parfaitement avec d'autres variables: branche, taille ou autres caractéristiques économiques 1). L'établis- sement s'affirme donc clairement dans son rôle d'employeur. On dépasse ainsi la stricte vision de l'entrepreneur 2', pour lequel compte uniquement 1'adéquation immédiate entre le pro- fil des postes et les qualités des individus. Cela ne signi- fie pas que le rôle de l'entrepreneur disparaît, mais que des établissements qui exercent une même activité économique peu- vent mettre en oeuvre des politiques du personnel assez dif- férentes . 5.5.6. Politique d'emploi et mobilité Si la politique d'emploi des établissements constitue une va- riable importante â considérer dans l'analyse, il faut qu'el- le influence la forme et l'intensité de la mobilité des tra- vailleurs. Celle-ci peut être appréhendée globalement (taux de rotation), par catégorie (niveaux de qualification), dans sa durée (ro- tation au cours de la première année) ou à travers la dimen- sion spatiale des flux de main-d'oeuvre. Ces diverses dimensions de la mobilité ne peuvent cependant être appréciées simultanément, ce qui serait pourtant néces- saire pour se prononcer sur le rûle de la politique d'emploi 1) Held/Maillat 1983, Appendice ft (3) et Held 1982d. 2) Robinson 1974, pp. 108s. 253 des établissements. Le seul examen de la relation entre le taux de rotation global .U et la variable "politique d'emploi" proposée ci-dessus montre une augmentation de la mobilité au fur et à mesure que se détériore la "qualité" de la politique menée (tableau 20). Tableau 20: Politique d'emploi et rotation du personnel ^xJ*0 lltique ^d* emploi Rotations. M. int. complet M. int. partiel Sélect./ stabil. Promotions Sélect./ bonne Sélect./ moyenne ¦v. Chan0amant d'tmptol $ ^K Chanflemant d'amploi Intama * ^ è on type da poata Fluì infamai aux atabutcarnttnta 269 ment d'emploi interne aux établissements) plus 1,5% des postes promotionnels de ,cadres inférieurs. La sphère de sta- bilité représente alors plus de 15% de l'emploi, soit près des 2/3 des emplois de ce niveau de qualification (23,6% plus environ 1,5% de postes promotionnels des cadres inférieurs). Les autres postes occupés par les SNQ-H sont insérés pour 7,5% dans des chaînes de mobilité horizontale et orientés pour 2,6% sur l'étranger. Ils comprennent également des postes de formation (2,0%). Le rapport stabilité/mobilité est assez proche de la moyenne de la région (15%/25%,contre 62%/100%), de même que la part de la sphère promotionnelle S l'emploi total (6%/25%, contre 25%/100%). Cependant, la faible proportion de postes-étapes laisse supposer que les qualifications ne sont pas négociables sur le marché. b) Semi- et non-qualifiés-femmes (SNQ-F - figure 6) Une sphère de mobilité plus importante (près de la moitié des effectifs) - la stabilité prenant le plus souvent la forme de postes d'ancrage {entrée/sortie d'activité) - et une sphère promotionnelle très limitée, telles sont les deux caracté- ristiques principales des postes occupés par les SNQ-F. En effet, cette catégorie de postes ne réserve que peu de possi- bilités de promotions, qu'elles soient internes ou externes. Le passage par le marché de l'emploi ne conduit en outre guère à la stabilité: 4% des postes seulement sont du type postes d'arrivée. La stabilité est donc le résultat de facteurs tels que la localisation ou la présence d'avantages divers (horai- res par exemple) plus qu'elle ne constitue l'aboutissement d'une carrière. Au sein de la sphère de mobilité apparaissent surtout des postes à mobilité horizontale et des postes pré- caires, ainsi que des postes non liés au marché (auxiliaires et personnel à domicile). 270 FIGURE 6 B. Chaînes de mobilité des SNQ-F Retraites-inactivité Inactivité O Proportion des emplois occupés par tes SNQ-F :23,1% Trp* Oiangamam d'ampio) Tn, ChingtmMii d'amplol Intama ^ i un typa da posta â ^> Fhiï imam** aui atabOssamanta 271 e) Qualifiés (figure 7) Après leur formation, qui survient très souvent en entre- prise, les qualifiés entrent sur le marché de l'emploi de trois manières: - par un poste d'insertion, dont la rotation est forte et résulte de son statut d'emploi situé au départ de chaînes de mobilité ascendante (3,9%), - par un poste d'insertion au marché interne, qui ouvre des perspectives promotionnelles (3,3%), ou par un poste d'ancrage, dans lequel la stabilité ne s'accompagne guère d'avantages matériels ou de respon- sabilités (3,9%) . La mobilité (12,8%, ou environ un tiers des effectifs) s'ins- crit fréquemment pour les qualifiés dans des chaînes de mo- bilité ascendante: insertion (3,9%) et postes-étapes (3,0%). Seuls 4,9% des effectifs sont intégrés a des chaînes de mo- bilité horizontale plus ou moins courtes. Les passages par le marché de l'emploi se terminent souvent dans des postes stables d'arrivée (13,7%), qui ouvrent encore des perspecti- ves promotionnelles internes dans un cas sur trois. d) Encadrement (figure 8) La promotion interne constitue certainement le meilleur moyen pour parvenir à occuper un poste de cadre inférieur: 5% des effectifs sont dans ce cas, contre 2% qui ont suivi une voie externe. Pour les cadres supérieurs, les deux moyens d'accès se ren- contrent dans des proportions similaires: 4,5% par promotion, 4,3% par passage par le marché de l'emploi. D'une manière générale, la mobilité est faible pour ces caté- gories. Lorsqu'elle existe, elle prend en principe la forme de la mobilité ascendante. 272 FIGURE 7 C.Chaînes de mobilité des qualifiés Retraites-inactivité Inactivité Proportion des emplois occupés par des qualifiés 34,6% Typ» Chanvamant d'ampfoi ^J ^i Changamant d'amplol Intani* I/ NIm typa da pomta Flui I marna* «tu atabllaaamanta 273 FIGURE 8 D. Chaînes de mobilité des cadres Retraites-Inactivité Inactivité Proportion des emplois occupés parles cadres: 16,8% Typa . Dans les autres cas, les différences de taille entre établissements peuvent être gênantes pour une tentative de formalisation des résultats. Le nombre de cas où ce problè- me se pose est cependant limité. On pourra facilement en tenir compte dans l'interprétation, voire dans la forme même de la typologie construite. Celle-ci devrait notam- ment comprendre un groupe d'établissements "atypiques", ainsi qu'une catégorie d'établissements ou prédominent des phénomènes aléatoires. D'une manière générale, il semble que le recours à une typologie des établissements a d'au- tant plus de sens que la taille des établissements est pe- tite â moyenne, que leur nombre est élevé et que des diffé- rences de structure sont perceptibles. c) La forme et le nombre de types rencontrés peuvent varier et l'affectation des établissements aux divers types se modifier. Ce problême est lié au fait que les structures économiques sont l'objet de perpétuelles mutations. Or, ces mutations doivent être connues et leurs effets compris. Même si la méthode de la typologie n'est pas prévue pour cela, l'absence d'alternatives satisfaisantes conduit à 1) Ce point est développé dans la Partie III. 282 rechercher une adaptation de la méthode. Deux solutions semblent envisageables: - Une typologie très précise et dont les limites sont bien marquées est construite. On s'intéresse dans ce cas à la modification de l'affectation des établisse- ments et des emplois dans les divers types. - Deux typisations sont effectuées sur la même popula- tion des établissements, caractérisée à l'aide de la même typologie des postes, à deux dates différentes. On compare alors la forme et le contenu des deux typo- logies. Dans les deux cas, une analyse statistique de l'évolution de la situation du marché de l'emploi {à l'aide p. ex. d'une comptabilité de l'emploi) contribue â faciliter les diagnostics et ä établir un cadre de référence fiable. Le principe de la construction d'une typologie des établisse- ments semble ainsi se justifier, mais il se heurte â de nombreuses difficultés qu'il convient de garder â l'esprit et de chercher à surmonter. En effet, le recours à une typo- logie des établissements n'est pas utile dans tous les cas. Il faut aussi préciser que plus la population étudiée est homogène, plus petit sera le nombre de types d'établisse- ments rencontrés. A l'inverse, la prise en considération de l'ensemble des secteurs d'activité et de tous les niveaux de qualification accroît inévitablement le nombre de types constitués. La typologie qui est présentée dans cette section est forte- ment influencée par le choix méthodologique qui a présidé à la constitution de l'échantillon d'établissements enquêtes et par l'objectif de la recherche Une simplification de la typologie est envisageable lorsqu'on ne considère que des sous-ensembles d'établissements ou d'emplois, ou que l'on ne s'intéresse qu'à des aspects par- li Annexe 5. 283 tiels du fonctionnement du marché de l'emploi (par exemple l'existence ou l'absence de possibilités de formation, d'in- sertion ou de promotions) C'est en fait surtout dans une perspective dynamique que les problèmes soulevés par le recours a une typologie des établissements sont les plus grands. Ceci montre que cette méthode ne constitue pas une fin en soi, mais un point de départ fournissant une vision synthétique de la situation, sur laquelle d'autres informations relatives,aux divers établissements peuvent être greffées. 6.3.2. Présentation de la typologie construite La typologie des établissements qui a été construite avait pour objectif de rendre compte de la position des établisse- ments sur les diverses chaînes de mobilité qui structurent le marché de l'emploi. Les effectifs de chaque établissement ont été répartis selon les niveaux de qualification dans les 2) diverses catégories de postes de travail . C'est en" compa- rant entre elles les structures de l'emploi des établisse- ments ainsi obtenues qu'une typologie a pu être établie. Les principales différences entre structures ont été révé- lées à l'aide de la méthode de l'analyse factorielle . Les groupes ont été constitués à l'aide de méthodes de classifi- 4) cation automatique Les deux méthodes qui ont donné les meilleurs résultats sont les suivantes: a) Classification hiérarchique ascendante (chaînage moyen) sur les données de base, afin d'examiner les relations do- minantes entre observations, d'identifier d'éventuels cas 1) Held/Maillat 1963, Partie II, chapitre 3 (3.4.2.). 2) II s'agit du tableau "postes/qualifications", qui est présenté dann l'Annexe 1. 3) La nature des données a conduit à retenir la méthode de l'analyse fac- torielle en composantes principales. Voir l'Annexe 3 (2.). 4) La présentation de ces méthodes est faite dans l'Annexe 3 (3.). 284 particuliers, de se faire une idée du nombre de classes à constituer et de choisir les centres de classes pour la pa'rtition initiale de la seconde méthode. b) Classification par partitionnement (KMEAN) sur une par- tition initiale issue de la classification hiérarchique ascendante, pour un nombre de classes que l'on fait va- rier autour du nombre indiqué par la méthode précédente et selon les apports de l'analyse factorielle. Malgré le haut niveau mathématique de ces méthodes et les fa- cilités de traitement par ordinateur, il est apparu qu'il n'y a pas de méthode parfaite pour la construction d'une typologie. Seule une analyse bien structurée, dans laquelle chaque étape est maîtrisée, permet d'aboutir à un résultat satisfaisant. Les différentes méthodes doivent donc être utilisées de ma- nière complémentaire, afin que les groupes constitués puis- sent Être interprétés et qu'ils représentent aussi bien que possible la population initiale. Le nombre élevé des variables considérées dans cette ana- lyse (70) s'oppose ä une présentation simple des résul- tats. On se contentera de ce fait de signaler ici que la structure des qualifications constitue d'une manière générale un pre- mier filtre. Ainsi, trois subdivisions principales ont été identifiées: - SNQ-H - SNQ-F - Qualifiés Les types de postes ne se sont avérés discriminants qu'à un deuxième et à un troisième niveau.On a d'abord distingué: - les établissements de premier emploi - les établissements de deuxième emploi 1) 7 niveaux de qualification et 10 types de postes; 5 variables avaient cependant une valeur nulle. Voir Held/Maillat 1983, Partie I, cha- pitre 7 et Held 1982g. 285 - les établissements combinant stabilité et mobilité - les établissements' offrant une majorité de postes précaires et, au troisième niveau, on a tenu compte des perspectives promotionnelles ' . La structuration des treize types apparaît désormais claire- ment (figure 10). 6.3.3. Description des treize types d'établissements Chacun des types qui a été identifié peut être caractérisé par la position sur les diverses chaînes de mobilité, par la structure de l'emploi, par la politique du personnel et par les caractéristiques économiques des établissements qui en 21 font partie On s'est contenté ici de retenir les caractéristiques prin- cipales. La présentation de la typologie est effectuée en quatre groupes: marché interne (a), deuxième emploi (b) , mobiles et précaires (c) et intermédiaires (d). a) Marché interne - MIQ: Etablissements promotionnels de premier emploi pour qualifiés (marché interne) Composé de 7 établissements, couvrant 9,6% de l'emploi, le type "MIQ" n'a que peu de relations avec le marché de l'emploi. La moitié du personnel fait partie du marché in- terne proprement dit. La formation et les promotions y sont fréquentes et les conditions de travail sont bonnes. Sur le plan du niveau de qualification, on relèvera sur- tout l'importance de l'encadrement moyen et supérieur et celle des qualifies en général, des qualifiés administra- tifs en particulier. Les SNQ, peu nombreux, sont généra- il Pour les détails de l'analyse, voir Held/Maillat 1983, (Partie I, chapitre 71 et Held 1982g, 21 Pour plus de détails, voir Held/teillat 1983, chapitres 7 et8 . 236 UJ CC (O ¦M C 0) E 4> (O (O (Q ¦*-• ¦0) (0 0) T3 -SJ <0 C "5) O a >» +¦• .2 0) "D 4) O 3 (O C O "J (Q 0) (0 _ »- u. a. a » Ï» ¦la O EJ3 « " ¦g O ÏJ SPS •IE " CQ H *Ésl O S ~i m* S/1 km ° JL S ^ m MlQ/7 287 ralement du sexe féminin. Les établissements sont plutôt de taille moyenne, mais dépendent de grandes entreprises. Leur domaine d'activité fait partie du secteur des ser- vices (privés et publics) et se caractérise par une grande stabilité. Des mutations surviennent entre établissements du groupe en début de carrière ou à l'occasion de promo- tions importantes. - MIQS: Marché interne de qualifiés, mais limité au niveau cadres inférieurs (cas spécial "pur") Particulier sur le plan de l'activité, cet établissement public l'est aussi dans la structure de son emploi. Avec 25,6% de cadres inférieurs et 60,3% de qualifiés, la struc- ture des qualifications apparaît comme caractéristique. La nature des postes (stables â 80% et intégrés au marché in- terne pour 56% des effectifs) démontre qu'il n'existe pra- tiquement aucune relation, sauf en premier emploi, avec le marché. L'encadrement supérieur est très réduit et est pourvu en partie de manière externe. Cet établissement de petite taille se caractérise par une stabilité parfaite de son activité. Ceci permet la constitution d'un marché interne pur jusqu'au niveau des cadres inférieurs, où pra- tiquement tous les recrutements externes se font â la base, l'allocation aux autres postes survenant uniquement de ma- nière interne. Des conditions de travail assez difficiles posent cependant quelques problèmes de recrutement. - MISQ: Marche Interne pour SHQ-H (cas spécial "pur") A quelques très rares exceptions près, l'ensemble de la sphère de stabilité appartient au marché interne (70%). La mobilité ne prend dans ce cas que la forme d'une mobi- lité de premier emploi. Les travailleurs effectuent la plupart un apprentissage de professions spécifiques en un an. Ces formations n'ont pas été considérées comme de vé- ritables qualifications. C'est la raison pour laquelle la proportion des SNQ s'élève à plus de 70% des effectifs. 288 L'encadrement véritable demeure limité, mais on doit inclu- re la grande majorité des qualifiés dans les niveaux hiérar- chiques atteints à la suite de promotions. Le service public rempli par cet établissement lui garan- tit une grande stabilité de son activité, et seules quel- ques périodes de l'année réclament le recours à du per- sonnel auxiliaire. Le marché interne de l'établissement est intégré à celui du groupe et donne lieu en début de carrière à des mutations assez nombreuses. La subdivision effectuée dans la catégorie marché interne est donc apparue comme indispensable, vu les particulari- tés des deux types d'établissements précédents b) Deuxième emploi DEQC: Etablissements de deuxiëme emploi pour cadres et qualifiés insérés dans des chaînes de mobilité ascendante Très qualifiés, avec une forte proportion de cadres supé- rieurs et un encadrement administratif important, le type "DEQC" comprend 8 établissements (6,6% de l'emploi). Les ingénieurs et universitaires non cadres sont également nombreux-. Pour l'essentiel, les postes supérieurs sont occupés à la suite de promotions internes, consécutives à des recrutements en deuxiëme emploi. L'importance des postes-étapes et des postes stables d'arrivée conduit à identifier les établissements de ce type comme de deuxiëme emploi pour cadres et qualifiés. Ils sont insérés dans des chaînes de mobilité ascendante internes et externes aux établissements. Dans ce dernier cas, elles se terminent souvent dans d'autres firmes et régions. Les établissements 1) Leur présence dans l'échantillon provient de l'option qui a été prise au départ, à savoir celle de rendre compte du plus grand nombre de situations possibles. 289 de ce type sont de taille petite ou moyenne et exercent une activité de services aux entreprises ou de services mixtes. Leur marché est relativement stable, mais dépend de l'évolution de l'activité des groupes industriels aux- quels ils sont assez souvent liés. - SPSQ: Etablissements d'arrivée offrant des perspectives promotionnelles aux SMQ-H Les trois établissements composant ce type constituent plu- tôt des cas particuliers. Occupant beaucoup de SNQ-H, mais aussi une proportion moyenne de qualifiés et une propor- tion élevée de cadres inférieurs, ces établissements possè- dent un marché interne accessible en deuxième emploi (exi- gence de stabilité, en vue d'acquérir une formation inter- ne qui permet des promotions). Ils se situent donc au bout de chaînes de mobilité horizontale, lorsque le désir de stabilité devient déterminant chez certains travailleurs. L'ensemble de la sphère promotionnelle s'élève à" plus de 50%, celle de la stabilité à près des trois quarts des effectifs, alors que la part des postes accessibles en premier emploi est faible. Ces trois établissements couvrent 8,5% de l'emploi. Leur taille est plutôt grande et leur activité fait partie du secteur secondaire. Les marchés sont relativement incertains et peuvent menacer la sta- bilité de l'emploi de travailleurs stables et â qualifi- cation spécifique. - SSQ: Etablissements stables d'arrivée pour qualifiés Les perspectives promotionnelles ne sont pas absentes de ces 8 établissements (elles concernent environ un quart des effectifs), mais pour l'essentiel ce type d'établisse- ments recrute en deuxième emploi des travailleurs dont l'intérêt réside plus dans le travail lui-même que dans le niveau hiérarchique. 290 Une partie des travailleurs quitte cependant 1'entreprise en raison de perspectives promotionnelles insuffisantes. Le passage par le marché de l'emploi leur permet générale- ment de réaliser leurs ambitions grâce à l'expérience acquise. Ces établissements se situent au bout de chaînes de mobi- lité ascendante ou constituent l'.un des derniers maillons de ces chaînes. Ce type peut d'une manière générale être considéré comme très qualifié (6,3% dans la catégorie "ingénieurs", 59,5% dans les catégories "qualifiés"). L'encadrement, moyen, est pourvu en partie par recrutements externes. L'emploi total couvert est de 5,4%. La petite taille des unités contribue sans doute â l'intérêt du tra- vail et aux faibles perspectives promotionnelles. La stabi- lité de l'activité de ces établissements est due â leur spécialisation ou â leur compétence (biens industriels in- termédiaires ou services techniques). - SSHQ: Etablissements stables d'arrivée pour SNQ-H Ces cinq établissements, de taille relativement petite, représentent 3,2% de l'emploi. Ils comprennent plus de 50% de SNQ-H, dont la moitié occupent des postes stables d'arrivée non promotionnels. La rotation du personnel y est assez élevée. Ces établissements se situent en bout de chaînes de mobi- lité horizontale. Quitter ces entreprises apporte peu d'avantanges aux individus, voire des désavantages après une certaine période. Les motifs de sécurité de l'emploi et probablement une qualification spécifique semblent pré- dominants dans l'explication du phénomène. L'activité de ces établissements est plutôt industrielle et dépend assez fortement de la clientèle. 291 c) Mobiles et précaires Ancrage : Etablissements offrant des postes d'ancrage a des SNQ-F Près de 58% du personnel des établissements de petite taille qui forment ce type appartiennent à la catégorie SKQ-F. L'encadrement et la qualification y sont faibles. La stabilité, assez importante, prend surtout la forme de la stabilité horizontale (postes d'ancrage), qui n'est pas liée au marché de l'emploi proprement dit (entrée/ sortie d'activité). Les postes stables d'arrivée y sont aussi nombreux. Ils concernent surtout' les cadres et les qualifiés, pour lesquels une expérience professionnelle assez longue s'impose. Pour certaines femmes, ils consti- tuent aussi l'aboutissement de chaînes de mobilité hori- zontale, dans lesquelles ces établissements sont d'ailleurs insérés. La formation y est limitée. Les 7 établissements de ce type occupent seulement 3% de l'emploi. Leur acti- vité est de type industriel. Une partie d'entre eux connaît d'ailleurs un déclin marqué. Il n'y a pas de vé- ritable politique d'emploi et seule la localisation géo- graphique et l'absence d'alternatives en matière d'emploi pour la main-d'oeuvre leur permettent de suppléer à l'ab- sence de perspectives promotionnelles et â la précarité des conditions de travail. - Mobiles: Etablissements féminins â fort volant de mobilité A part un encadrement inférieur légèrement plus élevé, la structure des qualifications du type "Mobiles" ressemble fortement à celle du type "Ancrage" et se caractérise no- tamment par une très forte proportion de SNQ-F. Aucun ty- pe de postes n'apparaît véritablement comme dominant. Ce- pendant, entre les postes à mobilité horizontale, les postes précaires et les postes précaires non liés au marché, le volant de mobilité s'élève à plus de 40%. A cela s'ajoutent les fortes proportions de postes d'inser- 292 tion et de postes de formation. L'association de postes de premier emploi et de postes relevant du volant de mobilité caractérise des établissements offrant des conditions d'em- ploi peu favorables et n'exigeant guère là stabilité. Les 6 établissements de ce type sont de taille moyenne à gran- de. Ils couvrent 8,7% de l'emploi de 1'échantillon et appartiennent aux branches du commerce de détail et des hôpitaux. - PF: Etablissements offrant une forte proportion d'emplois précaires féminins non liés au marché de l'emploi Avec près de 70% de leur personnel compris dans la caté- gorie SNQ-F et 45% de postes du type "précaires-femmes", les trois petits établissements de ce dernier groupe {1,3% de l'emploi) constituent un cas particulier. La mo- bilité proprement dite reste assez limitée. Qualifiés et cadres y sont recrutés en deuxième emploi et occupent des fonctions de responsabilité. La seule forme de stabilité offerte aux femmes relève du type "postes d'ancrage". La sphère promotionnelle en est totalement absente. Le recru- tement n'est possible qu'en raison de conditions particu- lières d'exercice de l'activité: travail à domicile ou à titre d'auxiliaire. Il s'agit dans les trois cas d'établis- sements industriels où les tâches peuvent être fraction- nées ou dans lesquels l'activité subit de grandes varia- tions saisonnières irrégulières. - PE: Etablissements où un grand nombre d'emplois à statut précaire sont occupés par des étrangers Un encadrement inférieur et une qualification de la pro- duction assez importants accompagnent,dans les 6 établisse- ments de ce type (5,0% de l'emploi), une forte proportion de SNQ-H. Ceux-ci sont insérés pour l'essentiel dans des chaînes de mobilité liées â l'étranger et qui concernent surtout des saisonniers. Le statut de saisonniers peut être transformé après cinq ans en une autorisation de sé- jour à l'année. Cette transformation ne prépare que rare- 293 ment à un changement d'emploi ultérieur (quasi absence de flux entre entreprises de la construction) au sein de la région. La stabilité est assez souvent récompensée par une promotion interne. La politique nationale de la main-d'oeuvre étrangère, la précarité des conditions de travail ainsi que l'incertitude et les fluctuations sai- sonnières de l'activité expliquent la position particu- lière de ces établissements sur le marché de l'emploi. d) Intermédiaires Deux types intermédiaires ont été constitués, l'un occu- pant surtout de la main-d'oeuvre masculine alors que l'autre est légèrement spécialisé dans l'emploi de per- sonnel féminin. - SMSQ: Etablissements de deuxième emploi pour SHQ-H, avec noyau stable important et rotation élevée Le type "SMSQ", comprenant 12 établissements et couvrant 14,9% de l'emploi, constitue un type intermédiaire: sur le plan de la structure des qualifications, il s'approche de la moyenne pour toutes les catégories (sauf pour les SNQ-H); sur le plan de la structure des postes, la pro- portion élevée de postes stables d'arrivée s'accompagne de nombreux postes à mobilité horizontale. Les tra- vailleurs peuvent parfois bénéficier d'une formation (généralement spécifique, laquelle conduit assez souvent à des promotions). Mais S côté de ce noyau existent des catégories de travailleurs très mobiles, il s'agit dans tous les cas d'établissements industriels de taille moyenne. Neutres: Etablissements "neutres" et mixtes Les 14 établissements de ce type, de grande taille (30,5% de l'emploi), sont peu caractérisés, que ce soit du point de vue de la structure des postes ou de celle des quali- fications. Seule la proportion des SNQ-F dépasse nette- ment la moyenne, alors que les niveaux de qualifiés et de 294 cadres sont légèrement moins importants que dans l'en- semble des établissements. On constate aussi une rota- tion considérable et une sphère de stabilité réduite, com- posée essentiellement de postes sans perspectives pro- motionnelles. L'activité de ces établissements est de type industriel ou consiste en un service à la population. La grande taille de plusieurs établissements est vraisemblablement responsable de leur absence de particularités. 6.3.4. Evaluation de la typologie La typologie qui est proposée ici est certes imparfaite, no- tamment parce que les emplois de la production n'ont pas été séparés, dans les plus grands établissements, des emplois de l'encadrement technique, administratif et commercial. Il a cependant été dit plus haut que le principe même d'une typo- logie était discutable dans le cas de grands établissements . On a cependant pu démontrer qu'une telle typologie pouvait donner lieu à une analyse de fonctionnement du marché de l'emploi, sur là base de laquelle les diagnostics possibles sont apparus comme plus précis et plus riches que ceux de regroupements différents. Une réflexion prospective s'est aussi révélée possible et intéressante Mais pour qu'une typologie des établissements puisse être utilisée comme instrument d'analyse simple et général, deux conditions doivent être satisfaites: - L'analyse doit pouvoir s'appuyer sur une base statistique aussi complète que possible (comptabilité locale de l'emploi), afin de caractériser l'évolution globale du 1) One analyse portant uniquement sur la position des grands établisse- ments dans le marché de l'emploi permettrait peut-être de lever cette difficulté. 2) Held/Maillat 1983 (Partie I, chapitres B et 9). 295 volume et de la structure de l'emploi, ainsi que celle de la nature et de l'intensité des flux de main-d'oeuvre dans la zone. La typologie des établissements doit pouvoir être établie à partir d'un nombre limité d'informations quantitatives, dont l'interprétation seule serait vérifiée à l'aide de données qualitatives. Une typologie normative ainsi qu'une grille d'affectation des établissements aux di- vers types ont pu être proposées dans ce but 6.3.5. Typologie des établissements et théorie de la segmentation On a vu que la théorie de la segmentation identifie des emplois et des catégories de main-d'oeuvre, et non des entreprises. Ce n'est qu'au travers de l'existence de marchés internes du travail que l'entreprise est apparue de manière concrète. Dans certains cas, une segmentation interne {latente) a été mise en évidence: dans certaines firmes existe, à côté d'un noyau stable, un "volant de mobilité" formé de tra- 2) vailleurs du segment secondaire La typologie d'entreprises qui résulte d'une telle démarche est la suivante: - entreprises disposant d'un marché interne - entreprises oü coexistent "noyau stable" et "volant de mobilité" - entreprises offrant des emplois de type secondaire. 1) Held/MaiUat 1983, (partie II, chapitres 3 et 4). 2) Voir partie I, chapitre 3 13.1.4.}.. 296 La typologie qui a été obtenue dans le cadre de l'étude de cas de Neuchâtel peut être présentée selon cette classification: 1) Etablissements du segment primaire: ce groupe comprend les établissements promotionnels insérés dans des chaî- nes de mobilité ascendante, ainsi que ceux situés en bout de chaînes de mobilité (groupes "marché interne" et "deuxième emploi"). 2) Etablissements où coexistent de maniere significative des emplois du segment primaire et des emplois du segment secondaire. C'est le cas des types intermédiaires. 3) Etablissements du segment secondaire: il s'agit des établissements des types précaires et mobiles. Le segment primaire peut être' subdivisé: a) Marché interne: "MIQ" + "MIQS" + "MISQ" b) Deuxième emploi : - Mobilité ascendante: "DEQC" + "SPSQ" - Stabilité d'arrivée: "SSQ" + "SSNQ" Le segment secondaire peut lui aussi être partagé selon le type de flux qui le caractérise: a) Entrée/sortie d'activité ou de l'espace national: - Stabilité: "Ancrage" - Précarité: "PE" + "PF" b) Mobilité inter-postes: "Mobiles" Le sexe des travailleurs peut aussi être pris en compte dans les groupes "primaire/secondaire" et "secondaire". 297 Ceci donne les effectifs suivants: Segment - Primaire Nombre d ' établissements a) promotionnel b) Mobilité ascendante O Stabilité - P rima i re/se cond aire (intermédiaire) H 9 11 13 26 a) Masculins 12 b) Mixtes 14 Secondaire 22 a) Mobilité 6 b) Entrée/sortie d'activité 16 - Stabilité 7 - Précarité - masculins 6 - féminins 3 Total 81 Emploi 36,6 12,9 15,1 8,6 45,4 14,9 30,5 18,0 8,7 9,3 3,0 5,0 1.3 100,0. Certaines affectations - comme celle du type "SSNQ" au seg- ment primaire - peuvent Stre discutées, vu l'imprécision de la plupart des concepts de référence. Par ailleurs, le fait de considérer tous les travailleurs d'un établissement dans une seule catégorie n'est pas trës satisfaisant, dans la mesure ou il conviendrait plutôt de regrouper les types de postes On constate dans tous les cas que la typologie duale se ré- vèle insuffisante pour une analyse du fonctionnement du mar- ché de l'emploi au niveau local et qu'il existe, entre des établissements disposant d'un marché interne et ceux où la rotation est trës élevée, une série de types importants dont il faut tenir compte. 1) 6.2,4. 298 6.4. CONCLUSION: PRESENTATION D'UNE TYPOLOGIE NORMATIVE Une typologie normative a été construite sur la base des résultats précédents et d'informations relatives aux établissements de' petite taille qui ont répondu au question- naire postal 2) On a ainsi distingué les neuf fonctions les plus fré- quemment remplies par les établissements sur le marché de l'emploi et les sept structures de qualification les plus typiques. Comme plusieurs fonctions sont propres â l'un ou l'autre des niveaux de qualification, le nombre de types prévu est bien inférieur au total envisageable. Le tableau 22 montre les types observés (0) ou escomptés (E). Ce tableau révèle l'existence de 20 types d'établissements principaux. Il s'agit de: 1) Marché interne - qualifiés 2) Arrivée promotionnels - qualifiés 3) Deuxième emploi - qualifiés 4) Arrivée stables - qualifiés 5) Insertion/formation - qualifiés (ou futurs qualifiés) 6) Stables/mobiles - SNQ-H 7 ) Arrivée stables - SNQ-H 8) Arrivée promotionnels - SNQ-H 9) Marché interne - SNQ-H 10) Mobiles - SNQ-H 1) Annexe 5 (2.). 2) Les fonctions de formation et d'insertion ont pu être étroitement assi- milées pour les qualifiés (CFC) ou futurs qualifiés. En effet, la for- mation en entreprise, dont il est question ici, confère déjà une cer- taine expérience du travail pratique et facilite l'insertion ultérieure. L'insertion de jeunes qui ont été formés dans des écoles profession- nelles ne s'effectue pour sa part généralement pas dans des établis- sements très typiques. Il est probable cependant que dans d'autres contextes institutionnels ou dans d'autres configurations d'établis- sements le problème se pose en termes différents. 299 Tableau 22: Types d'établissements observés (0) et escomptés (E), selon la fonction remplie et la structure des qualifications. 11) Précaires - étrangers 12) Précaires - SNQ-F 13) Ancrage - SNQ-F 14) Stables/mobiles - SNQ-F 15) Mobiles - SNQ-F 16) Mixtes - stables 17) Mixtes - stables/mobiles 18) Mixtes - mobiles 19) Neutres - masculins 20) Neutres - féminins Le nombre des types identifiés est élevé. Cependant, il faut préciser que dans certaines régions les effectifs peuvent être nuls dans plusieurs types et que le recours à la typo- logie complète n'a de sens que dans le cadre d'approches globales. 300 Le plus souvent, des regroupements peuvent être effectués selon le problème à.étudier (p.ex. possibilités d'insertion, perspectives promotionnelles, existence de marchés inter- nes, etc. ) . Seul un petit nombre d'informations est nécessaire pour affecter chaque établissement à l'un ou à l'autre de ces 20 types. Il suffit de connaître': - la structure des qualifications - la rotation du personnel (globale, durant la première année de service et par niveau de qualification) - l'ancienneté du personnel - la fréquence des recrutements en premier emploi - l'importance de la formation - la proportion de l'emploi représentée par des jeunes (moins de 25 ans), par des étrangers et par des tra- vailleurs ne bénéficiant pas du statut de personnel permanent. Un premier pas a donc été franchi dans le sens d'une géné- ralisation de la démarche . Mais d'autres travaux sont en- core nécessaires pour préciser la typologie et tester sa stabilité, et pour vérifier la validité des indicateurs prévus pour affecter les établissements. 1) Pour plus de détails, voir Held/Maillat 1983 (Partie II, chapitre 3). PARTIE III ESPACE, ENTREPRISES ET MARCHE EE L'EMPLOI 303 CHAPITRE I: LES RELATIONS ENTRE AGENTS 1.1. INTRODUCTION La différenciation des politiques d'emploi, des modes de fixation des salaires et de la position des établisse- 2) ments sur les chaînes de mobilité indique que le fonc- tionnement du marché de l'emploi au niveau local résulte de l'agencement spécifique à chaque zone des diverses caté- gories identifiées. Si les établissements, une fois qu'ils ont été caractérisés, sont situés dans l'espace, une image de la constellation du marché très illustrative de son mode de fonctionnement et des particularités des sous-espaces qui le composent se dessine. On peut alors comprendre beau- coup plus facilement pourquoi le taux de rotation de cer- tains établissements peu attractifs est bas {en zones ru- rales ou mal desservies par les réseaux de transport, mais aussi lorsque des établissements non concurrents pour le recrutement de leur main-d'oeuvre sont localisés à proxi- mité) ou pourquoi il est élevé dans certains établissements où l'on ne s'y attendait pas {p. ex. lorsqu'une grande entreprise offrant des perspectives de formation et d'avan- cement internes qui recrute en deuxième emploi concurrence la main-d'oeuvre des autres établissements). Une telle démarche permet d'élargir considérablement la problématique qui a été développée dans la partie précé- dente â partir des travaux sur les théories de la segmen- tation. En effet, ceux-ci ont pratiquement toujours négligé 1) Partie II, chapitre 5. 2) Partie II, chapitre 6. 3) En termes Oe mouvements de main-d'oeuvre et de fluctuations des salaires. 304 la dimension spatiale, considérant le bassin d'emploi soit comme une zone fermée, soit comme un terrain d'observation des chaînes de mobilité et des positions correspondantes des établissements. L'espace-type pour lequel ces approches sont prévues est caractérisé par un grand nombre d'établissements de taille petite et moyenne, par l'absence d'établissements de très grande taille qui influencent fortement la structure des flux de main-d'oeuvre, par une grande proximité entre les établissements et par une densité minimale d'emplois. Il a été signalé à plusieurs reprises qu'une approche diffé- rente conviendrait mieux dans les espaces dominés par une grande entreprise ou à tissu industriel dispersé. De telles situations sont toujours très caractéristiques. L'explica- tion des processus observés passe alors le plus souvent par des monographies d'entreprises. C'est surtout en France, dans le cadre notamment des mesures de décentralisation, que de telles approches ont été réalisées. Leur essor est aussi lié aux travaux relatifs à la nouvelle division spatiale du travail. On a ainsi pu montrer les éléments suivants : a) Les établissements qui ont été sensibles aux mesures de décentralisation, ou plus généralement de politique régio- nale, sont le plus souvent caractérisés soit par des activi- tés mûres ou en déclin , soit par des fonctions peu quali- fiées, pour lesquelles le coût et la disponibilité de la main-d'oeuvre constituent des variables essentielles (p.ex. Décentralisation...1975; Hannoun/Templé 1975; Aydalot 1976 et 1979; Maurau 1978; Saliez 1978; Aydalot et al. 1979; Freyssinet 1980 et 1981; Müller 1981; Coing 1982). 1) Voir les bibliographies commentées sur le sujet {Delagrange/Micheau 1978 et Centre de Documentation sur l'Urbanisme 1978). 2) Selon la notion du cycle du produit. 305 b) Les stratégies des entreprises influencent considérable- ment le mode de fonctionnement local du marché de l'emploi, par l'offre de travail qu'elles révèlent, par la différen- ciation de l'espace qu'elles sont capables d'effectuer ain- si que par leur manière de mobiliser la main-d'oeuvre et de se comporter par rapport aux autres établissements et aux autorités. C'est le second point qui est susceptible d'en- richir le plus la problématique de cette étude Les travaux qui ont abordé les différents aspects mentionnés ici se sont intéressés pour la plupart à des situations par- ticulières. H. Coing écrit par exemple au sujet du cas de Dunkerque qu'il étudie: "C'est justement parce que Dun- kerque n'est pas représentatif des villes françaises qu'il devient éclairant pour l'analyse de ces dernières (Coing 1982, p. 81). 1.2. LES STRATEGIES DES ENTREPRISES ET L'ESPACE 1.2.1. Apports des principales études Les stratégies des grandes entreprises se situent au centre de toutes les approches examinées. Celles-ci s'inscrivent très souvent dans un courant qui cherche â comprendre la nature et les conséquences de l'évolution du système de production capitaliste. En conséquence, leur objectif n'est que rarement méthodologique. C'est la raison pour laquelle la place qui leur est consacrée ici est assez limitée. L'accent a surtout été mis sur les concepts proposés et sur les principaux résultats obtenus. Seuls quelques exemples issus d'études de cas ont été mentionnés: a) Les stratégies des grandes entreprises: un concept issu de la. haute conjoncture La période d'expansion a conduit à une augmentation de la 1) Le premier point a été abordé dans la partie précédente (chapitre 3). 306 taille des plus grandes entreprises et à un fort processus de concentration du capital {Galbîraith 1967, Averitt 1968). En même temps, l'évolution technique et la standardisation de nombreux produits a facilité l'éclatement des grandes entreprises en unités plus petites (établissements ou grou- pes de fonctions homogènes - Saliez 1978, pp.45s). Le choix de leur localisation semblait résulter de processus ration- nels, c'est-à-dire que les entreprises cherchaient à attein- dre un optimum par rapport à l'ensemble des facteurs entrant en considération (main-d'oeuvre, environnement industriel, situation géographique, possibilités pratiques d'implanta- tion, accueil et aides des autorités, niveau artistique et culturel, etc.) (p.ex. Galbraith 1978; Aydalot et al. 1979, pp. 6-7). La standardisation des produits ayant conduit â un mode de production de masse, les qualifications concernées par les établissements implantés en périphérie étaient relativement basses et les facteurs de localisation prédominants étaient indiscutablement le coût et la disponibilité de la main- . d'oeuvre. L'expansion quasi ininterrompue qui a caractérisé les éco- nomies occidentales entre 1945 et 1974 avait conduit à une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée et à la mise sur pied de filières de formation et de promotions internes aux entre- prises. D'une manière générale, il s'agissait d'une période où la gestion des entreprises était devenue de plus en plus structurée (direction par objectifs et au niveau de la poli- tique du personnel: gestion des' carrières, politique des sa- laires globale ou différenciée selon les zones, etc.). Travailler dans des établissements de grandes entreprises était souvent perçu comme très attractif: possibilités de formation et de promotions, stabilité de l'emploi, bons sa- laires, etc. 307 Cet aspect a déjà été présenté dans les parties précé- dentes, mais il prend ici une signification spatiale, puisqu'il influence les rapports de force sur le marché de l'emploi et conduit â l'amplification de la hiérarchie existant entre les firmes. b) Les grandes entreprises et la capacité d'adaptation en période de crise Il était généralement admis que les grandes entreprises, et notamment celles qui disposent d'un marché interne, parve- naient mieux à surmonter la crise et avaient plus d'inté- rêt â le faire (investissements en formation et image de la firme). Les ajustements pouvaient être effectués par la mo- bilité interne, par l'occupation à des tâches de diversion (peinture, nettoyage, etc.), par le chômage partiel, etc. (p.ex. Mendius/Sengenberger 1976; Schultz-Wild 1978). Les grandes entreprises disposent aussi au niveau de la structure de leurs activités de marges de manoeuvre plus im- portantes: innovation, diversification, stockage, rapatrie- ment de sous-traitance ou action sur la répartition de l'activité entre établissements. Dans ce dernier cas, il est possible de spécialiser les établissements, de concentrer l'activité en moins d'établissements et/ou de transférer cer- taines activités dans un établissement ou un lieu nouveau (Watts 1974). Les capacités supérieures d'ajustement de l'emploi étaient manifestement vraies durant des récessions de courte durée. Avec la crise structurelle qui sévit depuis 1974, la stabi- lité des grandes firmes, que l'on considérait comme acquise, a été profondément ébranlée. On a alors compris que la ca- pacité de restructuration des entreprises avait de grandes conséquences dans l'espace et pris conscience du caractère dépendant du développement qu'avaient connu de nombreuses 308 régions périphériques - La prise en considération des stra- tégies des grandes entreprises a aussi permis de mieux com- prendre les problêmes de certaines régions et de constater que l'espace dans lequel raisonnent ces finnés est beau- coup plus large que le bassin d'emploi. c) Les stratégies d'emploi des entreprises dépendent fonda- mentalement de leur dynamisme économique Toutes les entreprises ne disposent pas d'une marge de ma- noeuvre similaire dans leur politique d'emploi. Le processus économique dans lequel elles sont engagées a une influence considérable dans ce domaine. C'est ainsi qu'une firme dont l'activité est en déclin a plus tendance à chercher à éviter la concurrence qu'une autre. Ceci signifie que la nature des relations de marché diffère selon le dynamisme économique des établissements de la zone. Même si les analyses mention- nées ici privilégient les variables relatives à la politique d'emploi, le poids des facteurs économiques demeure donc essentiel. La crise a rappelé leur existence et a montré de surcroît que les politiques d'emploi s'inscrivaient dans un contexte économique global. Toute modification de ce con- texte se traduit par des modifications du comportement des employeurs. d) Les stratégies des entreprises ne prennent tout leur sens que dans une perspective dynamique (historique) La prise en considération des stratégies des entreprises con- duit par définition à une perspective dynamique. Toute stra- tégie se répercute en effet sur les comportements des agents concernés: l'entreprise d'où elle émane, les entreprises qui en subissent indirectement les conséquences et les agents spécialement visés par cette stratégie. L) Malgré l'existence .de missions de reconversion {Saget 1979), destinées à éviter l'apparition de problèmes locaux trop importants en cas de restructuration des activités. 2) Voir à ce propos EJeld/Maillat 1983, Appendice A (3.5.), Held 1982d; (5) et Maillât 1979 et 1981b. 309 Plusieurs auteurs ont aussi placé l'analyse dans le contexte de l'évolution du système capitaliste de production. La concentration du capital et le degré croissant de structu- ration des politiques des entreprises sont inscrits dans la logique du capitalisme et utilisés dans le but d'expliquer la mobilité des travailleurs: "La mobilité du travail est un processus d'absorption et de refoulement de la main- d'oeuvre par les entreprises; ce processus est entièrement dépendant du rythme de la formation du capital et de la transformation des conditions de production" (Aglietta 1978, P. 115) ". On tient donc compte des crises dans le processus d'accumu- lation du capital (Aglietta 1976; Boyer/Mistral 1978) et par conséquent autant des phases de mutations technologiques et structurelles que des simples fluctuations conjoncturelles. e) L'implantation d'établissements a des répercussions multiples Les conséquences de l'implantation d'un établissement se manifestent sur plusieurs plans: - Offre et demande d'emploi ne sont pas indépendantes. La création d'une offre d'emploi nouvelle sur un marché lo- cal va mobiliser les chômeurs, mais également révéler une 2) partie de la population en "sous-emploi latent" , dont certains membres seront engagés par l'entreprise alors que les autres pourraient entrer dans la sphère du chômage. 1) Voir aussi p. ex. de Gaudemar 1975 et 1976 et Boyer 1981. 2) Habituellement, on considère que le chômage correspond à un déséqui- libre sur le marché de l'emploi. Or, une autre mesure consiste à éva- luer, è côté du chômage visible, le "sous-emploi latent", autrement dit la catégorie qui se situe "soit dans des positions d'attente (formation), soit à la frontière entre activité et inactivité, soit dans des branches en déclin du fait de l'évolution de la producti- vité et (ou) des conditions de vie". (Faure/Thélot 1978, p. 22), 310 La liaison positive observée par Thélot (1975a et b) dans la Loire entre la croissance de l'emploi et celle du chômage le laisse en tout cas supposer : "Contrairement aux idées reçues et toujours tenaces, la création d'emplois ne résorbe aucunement le chômage. Au contraire."(Thélot 1975b). Sur la base d'un autre exemple» Miranda écrit: "L'offre rend manifeste une demande potentielle numériquement plus importante..." (Miranda 1975) '. - Les besoins de main-d'oeuvre peuvent nécessiter la mise sur pied d'une politique conséquente de mobilisation de la force de travail. Dès que le réservoir local de main-d'oeuvre est épuisé, les entreprises sont contraintes â devenir actives: en instaurant des réseaux de transport pour mobiliser de la main-d'oeuvre {main-d'oeuvre agricole et féminine notam- ment) , en construisant des logements destinés à faciliter l'immigration (de nationaux ou d'étrangers), en cherchant à être attractives pour les jeunes entrant en activité, etc. . (Coing 1975a et b et 1982; Coing/Campagnac' 1976; Chapoutot et al. 1976). - Les entreprises en place peuvent tenter de s'opposer â l'implantation prévue. Lorsque la situation du marché de l'emploi est tendue, mais que les entreprises locales s'entendent pour éviter la con- currence sur les salaires, il arrive assez souvent que tout soit mis en oeuvre pour éviter des implantations nouvelles. Si cette tentative réussit, l'équilibre préexistant est 1) Voir aussi Faure/Thélot 1979. 2) A l'occasion du recrutement de 300 personnes pour un hypermarché, 4O00 candidatures, dont un grand nombre de femmes inactives jusque- là, ont été présentées. 3) L'exemple décrit par Coing (1982, pp. B4-104) de l'implantation d'Usinor â Dunkerque est très illustratif â ce propos. 311 maintenu. La faible compétitivité de la plupart des entre- prises concernées risque cependant d'avoir à terme des con- séquences graves et de conduire ultérieurement à la de- structuration du bassin d'emploi - Une implantation nouvelle peut modifier profondément l'organisation initiale. Plusieurs exemples de telles situations ont été mentionnés dans la littérature. Les conséquences dépendent surtout du mode de fonctionnement et de la structure des localisations préexistants- Si la nouvelle entreprise fait appel à des catégories de personnel différentes de celles qu'emploient les firmes en place, ou si elle installe des réseaux de transport consequents' qui étendent l'aire de recrutement et mettent en communication des zones d'emploi auparavant isolées, il ne faut s'attendre à court ou moyen terme qu'à des modifications secondaires de l'équilibre initial. Si une concurrence nouvelle survient, d'autres conséquences sont prévisibles. A Dunkerque par exemple , la plupart des entreprises recrutaient des non-qualifiés qu'ils for- maient de manière interne. Il n'existait pour ainsi dire pas de marché des qualifiés. L'arrivée d'Usinor a modifié cette situation et conduit à un accroissement considé- rable de la fluidité sur le marché des qualifiés (concur- rence entre firmes et apparition d'entreprises de travail temporaires). C'est alors "...le fonctionnement de tout le système urbain qui en sera modifié; le rôle des politiques de formation, de logement, de transport, va acquérir en effet un sens entièrement différent-"(Coing 1982, p.117). 1) Ce fut le cas dans plusieurs vallées de la Chaîne du Jura suisse, où Xa domination totale de l'horlogerie sur le sous-espace (par le contrôle - direct ou indirect - des autorités communales et partant des systèmes de production, de formation, d'équipement en infra- structures, etc.). Voir aussi M.E.B.S. 1978, p. 79. 2) Coing 1982, pp. 116s. 312 Les conséquences exactes de tels événements dépendent évi- demment du degré de transférabilité des qualifications La phase de construction d'infrastructures importantes (p. ex. centrales nucléaires - Gambier 1982) conduit aussi S un afflux de main-d'oeuvre, à des tensions dans l'acti- vité des sous-traitants, à des phases de mobilisation et de rejet de la main-d'oeuvre selon les besoins, etc. Ceci modifie considérablement le fonctionnement du marché de l'emploi. - Une implantation n'exerce pas toujours les effets cumu- latifs escomptés: Lors de l'implantation d'un établissement de la régie Renault {6'500 salariés) prôs de Rouen, on s'attendait à un effet de "locomotive" {implantation de sous-traitants ou de fournisseurs). Or, la domination exercée par cet éta- blissement a eu au contraire un effet de répulsion. Seuls des établissements utilisant une main-d'oeuvre complémen- taire auraient pu contribuer au développement de cet es- pace (H.E.B.S. 1978ï Gambier 1982). f) Les politiques de mobilisation de la main-d'oeuvre: des actions rationnelles aux conséquences importantes Les politiques de ramassage du personnel et de logement constituent une action sur le marché de l'emploi (Coing/ Campagnac 1976). Apparaissant à première vue comme un simple élargissement du marché, elles ne peuvent cependant être com- prises que par rapport aux conditions de mobilisation de la force de travail (logement, transport, formation) dans les entreprises ou dans l'infrastructure régionale en général. 1) L'existence d'une formation et de recrutements internes a générale- ment été justifiée par la spécificité des qualifications, mais il ne s'agit pas d'une règle absolue, d'autres facteurs (l'entente par exemple) pouvant garantir la stabilité de la roain-d'oeuvre. 313 Il en résulte que "...le ramassage ne peut s'interpréter indé- pendamment de la politique du personnel suivie par l'entre- prise, c'est-â-dire indépendamment de l'ensemble des moyens visant à rendre minimum le coût global de la main-d'oeuvre-" (Coing/Campagnac 1976, p. 37). C'est par rapport à la meilleure combinaison possible entre les divers coOts que représentent pour l'entreprise les va- riables salaires, formation, rotation, conflits sociaux, baisse du rendement, politique sociale, •-• que sont prises les décisions de recourir è une action de transport ou de construction de logements. Lorsque le ramassage du personnel s'explique de cette manière, on ne peut donc simplement l'influencer en le remplaçant par un système de transport en commun. "C'est qu'une cohérence s'établit entre fonctionne- ment du marché du travail, formes de reproduction, organi- sation spatiale de la consommation et des transports. Cette co- hérence est celle de l'entreprise et du profit; on ne peut la transformer en modifiant seulement une de ses conséquen- ces. " (Coing/Campagnac 1976, p. 46). C'est en ces termes qu'il faut interpréter les situations où le processus de substitution entre catégories de main- d'oeuvre est accéléré par l'instauration de cars de ra- il massage g) Les mesures d'aménagement du territoire ont des consé- quences sur le fonctionnement du marché de l'emploi Les exemples les plus caractéristiques sont liés à la modi- fication de l'infrastructure des transports: la construction d'un pont au-dessus d'une rivière ou d'un estuaire, une nou- velle autoroute ou une ligne de chemin de fer peuvent mettre 1) Cas du textile à Roubaix-Tourcoing (Coing 1975) et du recrutement de frontaliers dans le textile en fljoie (Jura suisse). 314 en relation des systèmes auparavant cloisonnés. Les migra- tions alternantes peuvent s'en trouver profondément modifiées. Les problèmes de recrutement de certaines entreprises vont être résolus grace à cette situation nouvelle, alors que d'autres risquent de perdre leur position de domination lo- cale (p. ex. Gambier 1983 et Held 1982a (3). Les aires de recrutement traditionnelles drainées par un ré- seau de ramassage du personnel peuvent aussi être remises en question par la modification de l'infrastructure des trans- ports, par des implantations nouvelles ou par un changement dans le comportement des travailleurs {p.ex. s'ils dispo- sent de véhicules privés qui les rendent indépendants des politiques de mobilisation des entreprises). 1.2.2. Conclusion Les approches qui viennent d'être présentées mettent l'accent sur les comportements des entreprises. Elles sont de nature dynamique et contribuent significativement à la compréhen- sion des processus en oeuvre. Elles se différencient par là des analyses en termes de types de postes et de chaînes de mobilité 1J. Celles-ci ne sont pas rejetées, mais elles occupent une pla- ce secondaire, pour préciser les interrelations entre agents, qui constituent l'essentiel du fonctionnement du marché lo- cal (Gambier 1978b, p. 65). L'ordre de priorité adopté s'explique théoriquement, en ce sens qu'il conduit directement à une remise en cause du mo- dèle concurrentiel et met en évidence l'existence de rapports de forces. Il se justifie aussi par le fait que les variables relatives au couple stabilité/mobilité dépendent des struc- tures de localisation et ne peuvent être comprises sans el- les . On reconnaît ainsi la dimension explicative des rela- tions entre entreprises sur le marché de l'emploi. 1) Partie II. 2) Mallet 1980, p. 245. 315 1.3. QUELQUES NOTIONS IMPORTAMTES Les études de cas qui ont été signalées dans les sections précédentes ont révélé quelques notions importantes. 1.3.1. Marché d'acheteur ou marché de vendeur Un marché peut fondamentalement être soit favorable â l'ache- teur (l'employeur, qui parvient à imposer sa loi) ou au ven- deur (le travailleur, qui profite alors d'une pénurie pour augmenter son revenu). La situation qui règne sur le marché de l'emploi varie dans le temps: la conjoncture, l'évolution différentielle de l'emploi des branches et des établisse- ments (donc de la demande des diverses qualifications), l'implantation d'établissements nouveaux ou la fermeture d'entreprises existantes, ... la modifient. Certains chan- gements sont progressifs et n'ont finalement guère de con- séquences. En revanche, l'implantation d'un grand établisse- ment peut très brusquement faire passer le marché d'ache- teur qu'il était en situation de vendeur, c'est-à-dire que les équilibres préexistants (stabilité notamment) sont re- mis en cause par la tension nouvelle et la fluidité accrue du marché. 1.3.2. En situation de tension, certaines entreprises affron- tent la concurrence alors que d'autres la fuient Les entreprises occupent sur le marché de l'emploi, en rai- son notamment de positions sur le marché des produits et de localisations différentes, des situations très variables, que le seul cas de la concurrence ne permet pas de com- prendre. Certaines entreprises apparaissent ainsi comme do- minantes et soit s'imposent sur le marché, soit cherchent à faire tourner des pénuries de main-d'oeuvre à leur avantage. D'autres se trouvent en difficultés et sont contraintes de trouver des solutions par la mise en oeuvre de moyens de rétention des salariés ou par une politique de recrutement 316 appropriée: ramassage du personnel dans une zone nouvelle, recours à d'autres catégories de travailleurs, etc. On peut utiliser dans ce cas le terme de "balkanisation" du marché pour désigner les discontinuités existantes, qui "...tradui- sent l'état de la concurrence et les capacités de résistance des firmes dominées sur le marché."(Coing 1982, p. 123). L'entreprise cherche avant tout ä poursuivre sa logique propre en se rendant indépendante de l'état du marché dans la zone ou en utilisant les caractéristiques de ce marché dans son propre intérêt. Le marché ne serait alors que "...le résultat de l'interaction entre plusieurs comportements d'entreprises déterminés par ailleurs...".(Coing 1982, p. 128). 1.3.3. Domination et dépendance Lorsqu'un établissement occupe une position dominante sur le marché, les autres entreprises peuvent se contenter de subir leur situation de dépendance, ou réagir face à cette situa- tion. Les mesures prises peuvent concerner leur politique de recrutement, leurs efforts pour stabiliser la main-d'oeuvre et/ou l'organisation technique et spatiale de leur activité (délocalisation, sous-traitance, automatisation, etc.). Au niveau de l'emploi, les mesures prises pour échapper aux contraintes de la dépendance peuvent être regroupées en trois types.de stratégies : - "Stratégie d'imitation": pour conserver son personnel et pouvoir le sélectionner lors de recrutements, la firme do- minée aligne ses conditions sur celles de la firme domi- nante. - "Stratégie d'acceptation": ne pouvant ou ne voulant pas imi- ter la firme dominante, la firme dominée accepte d'être sa- tellisée et de subir un taux de rotation élevé. Passive le plus souvent, cette stratégie devient active lorsque cha- que firme trouve son intérêt dans cette situation (complé- mentarité) . 317 - "Stratégie d'évitement": pour échapper à la domination, les firmes peuvent agir de plusieurs manières: en créant ou en étendant des circuits de ramassage, en valorisant l'ancienneté, en accordant une qualification spécifique ou en faisant appel à des catégories de raain-d'oeuvre nou- velles et non concurrencées localement (Mallet 1980, p.237). Pour l'aménagement du territoire, les relations entre firmes sont importantes. Une implantation n'a ainsi aucune chance de réussir pleinement si.elle concurrence directement une entreprise dominante. En revanche, une situation de complé- mentarité (hommes/femmes ou premier emploi/deuxième emploi) apparaît comme beaucoup plus favorable, voire comme indis- pensable au recrutement de certaines catégories de travail- leurs. 1.3.4. La dimension spatiale des politiques de recrutement L'espace dans lequel les recrutements sont opérés varie se- lon la nature de la main-d'oeuvre recherchée ou du poste â occuper, la structure des localisations; les contraintes du marché (et notamment les relations entre entreprises) et selon les contraintes physiques de l'environnement. C'est par rapport a toutes ces variables qu'est définie la poli- tique de recrutement des établissements. L'espace dans le- quel elle s'inscrit peut être de deux types: - Le bassin de recrutement ou "zone d'influence directe" (ZID ) : tout individu localisé dans cette zone {y.c. l'aire de ramassage) ne change pas de domicile lorsqu' il est embauché dans l'entreprise concernée. - L'aire de recherche de main-d'oeuvre ou "zone d'influence indirecte" (ZII) : elle est plus étendue que la précé- dente, puisque les individus peuvent changer de résidence en vue d'un recrutement. 1) Hallet 1930, p. 224. 2) Mallet 1980, p. 224. 318 Le rapport entre ces deux zones détermine le degré de dépen- dance de l'entreprise par rapport aux contexte local, respec- tivement extra-local. Une proportion élevée de recrutements hors du bassin d'emploi peut signifier le besoin de suivre le niveau des salaires de l'ensemble de la nation, mais aus- si la possibilité de jouer sur deux systèmes de référence en vue d'en tirer un profit maximum. 1.3.5. Conclusion Chaque bassin d'emploi présente une "constellation" d'éta- blissements spécifique, qui devient l'une des variables cen- trales de 1'analyse. Cette constellation (ou structure des localisations) se traduit par des phénomènes de concurren- ce ou de hiérarchisation. Ces' phénomènes dépendent de la proximité entre les entreprises et des configurations spa- tiales de leur bassin de recrutement, ainsi que des répon- ses des individus aux offres d'emploi - lesquelles varient aussi selon le contexte local, historique, sociologique, culturel et géographique. Au-delà de la seule concurrence apparaissent des phéno- mènes de domination, et par conséquent de dépendance, que les établissements concernés cherchent souvent à éluder par leur politique de recrutement, par des accords de non-débau- chage, par la recherche d'une localisation favorable, etc. Les types de relations existant entre entreprises dépendent de la structure des localisations^ par exemple, dans un es- pace à tissu industriel dispersé, on rencontre souvent des situations d'entente, des politiques de ramassage du per- sonnel (avec ou sans partage des aires de ramassage), des situations de maîtrise du marché grâce à l'absence de con- currence, etc. 319 1.4. ETABLISSEMENTS DOMINANTS ET ETABLIS5EMËMTS DOMINES: UNE TENTATIVE DE MODELISATION 1^ 1.4.1. Introduction Dans la version la plus simple du modèle {une seule caté- gorie de main-d'oeuvre, rOle déterminant du niveau des sa- laires, deux types d'entreprises: dominants/domines), l'ana- lyse des relations entre firmes peut présenter trois formes différentes: a) Dans le premier cas, il n'y a pas de firme dominante. On se trouve donc dans une situation proche de celle du mo- dèle classique. Cependant, un équilibre peut exister, soit en tension (peu de main-d'oeuvre disponible aux sa- 2) laires courants ), soit en sous-emploi en raison de la rigidité des salaires à la baisse (offre inélastique ou demande trop faible). Lorsqu'on introduit la structure des localisations, "...la multiplicité des lieux d'échange induit des con- figurations spatiales continues plus souvent que des juxtapositions de marchés locaux indépendants." (Mallet 198O7 p. 231}. b) Un marché dominé de façon absolue recouvre le cas du mo- nopole classique, où l'aire de recrutement de la firme dominante lui appartient en propre; les salaires sont faibles. Cette situation peut exister dans des espaces où sont localisées plusieurs entreprises non concurren- tes pour des qualifications données. c) Le cas le plus fréquent est celui de marchés comportant divers types d'entreprises pratiquant des salaires diffé- rents. L'individu compare alors le coût de son déplace- ment à une hiérarchie des salaires. Ces différences peu- vent neutraliser ou augmenter les coûts des déplacements. Le problème de la délimitation géographique d'un espace homogène perd de sa raison d'être, il s'agit davantage, 1) Mallet 1980, pp. 223 - 229. 2) C'est le cas postulé dans le modèle concurrentiel. 320 pour une structure des localisations particulière, d'observer les conséquences sur les prix et sur les mou- vements des individus et des entreprises qu'ont les ré- seaux d'influence existants. C'est ce dernier cas-qu'il faut examiner maintenant. 1.4.2. Quelques situations typiques Plusieurs situations typiques sont envisageables: a) Une firme dominante, n firmes soumises au marché - Lorsque la firme dominante contrôle toute la zone dans laquelle sont localisées d'autres firmes, les conséquen- ces de la domination sont très fortes pour les firmes dominées . Pour que tel soit le cas, la firme dominan- te doit avoir une taille minimale et des effectifs en ex- pansion. Au cas où la firme dominante débauche, il est possible que la situation des firmes dominées s'améliore (mais ce n'est pas certain).En revanche, celle des indi- vidus licenciés va se détériorer, car ils ne peuvent re- trouver dans la même zone un niveau de salaires compa- rable. Une augmentation de la durée du chômage et des flux migratoires est alors prévisible. - Lorsque les aires de recrutement ne se recoupent que par- tiellement, les influences signalées se manifestent plus faiblement. L'intérêt des firmes dominées consiste le plus souvent à éluder cette concurrence. Lorsque les aires de recrutement sont indépendantes, les différences dans les conditions d'emploi peuvent attein- dre leur maximum. L'équilibre ainsi établi est cependant fragile et peut être remis en question par l'implanta- tion de nouvelles firmes, par des modifications de l'in- frastructure des transports, des équipements collectifs et des politiques de ramassage et de logements. Pour mainte- nir cet équilibre, l'entente est fréquente. 1) 1.3.3. 321 b) Deux firmes dominantes, n firmes dominées Dans cette situation, lès relations deviennent immédiate- ment plus complexes. Les firmes dominantes peuvent: - s'entendre: dans ce' cas, le pouvoir du groupe dominant augmente, et des relations privilégiées (prêts de per- sonnel, partage de l'aire de marché, etc.) en sont sou- vent la conséquence. - se concurrencer: le conflit peut porter sur les salaires (situation coûteuse), sur une politique d'évitement de la concurrence ou sur la création de réseaux privilégiés entre firmes dominées et chacune des firmes dominantes (formation et sélection p.ex.). c) "Marché partagé" Lorsque deux (ou plusieurs) groupes d'entreprises peuvent être distingués par rapport aux salaires fixés, on ne peut plus parler de relations simples dominants/dominés. C'est par exemple le cas lorsque coexistent des établissements de branches différentes, les unes à hauts et les autres à bas sa- laires. On se trouve là dans une situation assez proche de celle d'un marché segmenté (primaire/secondaire), ou les établissements du segment secondaire peuvent occuper deux types d'individus: ceux qui attendent d'entrer dans le seg- ment primaire et ceux qui ne pourront jamais y accéder, en raison de critères de sélection stricts. 322 d) Marché à faible proportion d'entreprises â bas salaires Lorsque la proportion des entreprises offrant de bons salai- res augmente, cela signifie qu'il existe un véritable mar- ché entre entreprises à niveau de salaires élevé. Les con- ditions pour les autres entreprises deviennent alors de plus en plus difficiles. Les principales conséquences peu- vent être pour elles: la,dépendance acceptée (p. ex. recru- tement de débutants), l'évitement de la concurrence (poli- tique de recrutement), les fermetures et transferts de pro- duction ou la rationalisation de la production. Ce cas est assez fréquent, en particulier en raison d'effets en chaîne: si l'entreprise B subit partiellement la concur- rence de l'entreprise A, dominante, une modification de tou- te la structure des salaires de la firme B est probable. Dans ce cas, la concurrence que subit la firme C par une autre partie du personnel de B sera accentuée. Il est évi- dent que ces effets en chaîne peuvent porter sur d'autres éléments que les salaires (conditions de travail, éléments de l'environnement, etc.) 1.4.3. Introduction des niveaux de qualification Même dans le cadre d'un modèle très simple, l'introduction de deux niveaux de qualification (hypothèse faite ici) met en évidence l'existence d'un grand nombre de configurations possibles. En 1'absence de firmes dominantes, on peut suppo- ser que le niveau des salaires des qualifiés est supérieur â celui des non-qualifiés. 1) Les zones de recoupement considérées dans cette présentation sont géographiques (aire de recrutement). Une généralisation est possible pour diverses catégories de travailleurs, la transmission étant assu- rée par la structure des salaires et la nécessité d'éviter de trop grandes différences entre catégories au sein de l'entreprise. 323 Lorsque l'on introduit deux types d'entreprises (firmes do- minantes et firmes dominées),il faut se donner des hypothè- ses sur les salaires: en effet, les salaires des non-quali- fiés de la firme dominante peuvent être supérieurs, égaux ou inférieurs à ceux des qualifiés des firmes dominées Dans le premier cas, on peut assister â une déqualification de travailleurs qualifiés des firmes dominées. De ce fait, des pénuries de qualifiés sont probables dans les firmes dominées, à moins que celles-ci ne soient compensées par des promotions internes. Entrer dans les détails d'une telle analyse mènerait trop loin. On peut simplement signaler que les phénomènes de sub- stitution entre qualifiés et non-qualifiés peuvent être nombreux et que pour tenir compte des raretés relatives, le fonctionnement du marché de l'emploi peut conduire â des modifications de la politique d'emploi des entreprises (p. ex. au niveau de la formation et des promotions inter- nes) . Les effets de telles politiques ne sont cependant pas toujours similaires. Il faut en effet tenir compte de la spécificité des qualifications et de l'importance des effectifs concernés. Une qualification transférable peut conduire à un excédent de qualifiés qui va peser sur les sa- laires, alors que l'existence de qualifications intrans- férables peut inciter des jeunes formés à se déqualifier ä l'entrée dans la vie active, pour atteindre ensuite les emplois les plus attractifs. 1.4.4. Conclusion La formalisation la plus élémentaire d'un tel modèle devient vite extrêmement complexe. Au-delà du salaire jouent encore d'autres facteurs (formation, promotions, stabilité de 1) Il faudrait en fait aussi tenir compte des perspectives salariales, particulièrement dans le cas de marchés internes. 324 l'emploi, etc.), dont le rôle par rapport au fonctionnement du marché de l'emploi est important. Ainsi, la stabilité 'de l'emploi ou de bonnes conditions de travail sont des avan- tages gui peuvent s'ajouter S de bons salaires ou constituer ' des objets de choix pour les individus. Le critère de la do- mination devient d'ailleurs beaucoup plus complexe, toutes les variables n'étant que rarement très favorables. En par- ticulier, l'attrait exercé par les diverses variables n'est pas le même pour toutes les catégories de travailleurs. La domination peut ainsi ne concerner que des catégories par- ticulières. L'objet de la recherche n'est plus, dans cette problématique, la construction d'un modèle unique et universel, mais la détermination/ à l'aide d'un certain nombre de concepts opé- rationnels , du mode de fonctionnement spécifique au bassin d'emploi considéré. 1.5. LES SITUATIONS DE MARCHE DES ETABLISSEMENTS 1.5.1. Présentation de la typologie Une partie de la méthode d'analyse de la M.E.B.S. mise au point dans le cadre de l'étude sur Rouen a été présentée ci-dessus . Elle consiste â décrire les situations d'emploi des travailleurs. Cette dimension sert â différencier des établissements caractérisés par une même situation de mar- ché (position de l'établissement par rapport aux autres fir- mes, et au marché en général). Les situations de marché qui ont été retenues pour l'analyse du marché des ouvriers (qualifiés et non-qualifiés) peuvent être regroupées en trois catégories: 1) M.E.B.S. 1978. Voir Annexe 4 (7). 2) Partie II, chapitre 4 (4.6.). 325 - Les situations de tension: ces situations sont celles d'entreprises exposées, à la concurrence, qui éprouvent des difficultés à recruter ou à garder leur personnel. La tension forte est une situation dominée de petites entre- prises dépendantes ou de grandes entreprises acceptant une forte rotation de personnel à certains postes. Une tension faible caractérise les entreprises précédemment en marché d'acheteur, dont la situation se dégrade, ou les entre- prises dont les conditions d'emploi sont mauvaises, mais qui disposent d'une stratégie de mobilisation de la main- d'oeuvre leur assurant une certaine aisance de recrutement. - Les situations dominantes: ces situations existent lorsque l'entreprise offre suffisamment d'avantages pour n'avoir aucune difficulté à recruter sa main-d'oeuvre. Elles sont subdivisées différemment selon qu'il s'agit de personnel qualifié ou non-qualifié. Pour les non-qualifiés, on distingue les trois subdivisions suivantes : masculins, mixtes et à très hauts salaires. Chez les qualifiés se trouvent différenciés les cas où existe en continu une qua- lification maison (métallurgie et production) et ceux oü sont recrutés des professionnels expérimentés. - Les situations de marché d'acheteur: l'entreprise maîtrise les ressources en main-d'oeuvre grâce â l'absence de con- currence. Ceci lui permet à la fois d'offrir de bas sa- laires, de sélectionner son personnel et de recruter fa- cilement. Une telle situation peut aussi être créée par une politique de ramassage. L'équilibre existant risque cependant d'être mis en péril par une implantation nouvel- le ou par certaines actions d'aménagement du territoire. Le cloisonnement sous-jacent à l'existence d'un marché d'ache- teur permet d'introduire des discontinuités dans le marché, et par conséquent de se référer à un espace "balkanisé". 326 Si l'on met en relation les situations de marché et le mode de fixation des salaires , deux remarques, que l'on peut prendre comme critiques à la typologie ou comme preuve de 2) son intérêt , peuvent être faites: - Les entreprises en marché d'acheteur et en tension sont soumises au marché et dépendent des autres dans la fixa- tion de leurs prix. Le niveau des salaires y est déterminé en fonction des raretés relatives des diverses catégories. Le dépassement de l'approche en termes de marché n'est donc que partiel. - Les entreprises dominantes sont capables de fixer leurs prix. Les catégories pour lesquelles elles sont dominantes ne recouvrent cependant pas toujours l'ensemble du per- sonnel, plusieurs modes de fixation des salaires pouvant coexister au sein d'une même firme. 1.5.2. Evaluation de la typologie Les situations de marché présentent une vision synthétique de la structure et de la politique d'emploi des entreprises, et plus précisément des contacts qu'elles entretiennent avec le marché. C'est â travers elles qu'est apprécié l'impact spatial de leur comportement. L'évaluation de la typologie réclame cependant une discus- sion plus approfondie de quelques points centraux: - Les catégories de situations de marché identifiées constituent des cas typiques. Entre les extrêmes que sont la domination totale, la tension absolue et une situa- tion pure de marché d'acheteur existe une infinité de si- tuations intermédiaires. Mais 1'inteprétation de chaque situation est liée à un environnement donné. On devrait 1) Présenté dans la partie II, chapitre 5 (5.6.). 2) Mallet 1980, p. 188. 327 de ce fait considérer plutôt les positions relatives des établissements, autrement dit leur hiérarchisation, plu- tôt que de tenter d'établir des classements absolus à par- tir de critères définis une fois pour toutes. Dans l'étude mentionnée, les auteurs n'ont procédé à aucun de ces deux modes de classification, se contentant de répartir de ma- nière qualificative les établissements entre les six ca- tégories identifiées. La typologie est basée sur une situation 5 un moment donné, mais leur caractère variable est reconnu, lie problème de la dynaroisation des concepts, déjà abordé dans la partie précédente, réapparaît ici, mais il est à la fois plus discret et plus important que dans d'autres études. En effet, le caractère dynamique des processus est large- ment admis : . La tension n'apparaît ainsi que comme un problème tempo- raire , pour lequel il convient de trouver une solution : modification de la grille des salaires, installation (ou extension) d'un réseau de ramassage, modification de l'organisation spatiale des activités, etc. Elle résulte le plus souvent de modifications de l'environnement (implantations nouvelles, forte croissance de certains établissements, modification du réseau des transports publics, détérioration de la position sur le marché des produits ou de l'image de la firme, etc.) ou d'un faux calcul lors d'une implantation (p. ex. si 1'entreprise a privilégié les relations économiques par rapport au potentiel de maln-d'oeuvre à disposition). . Les situations de marché d'acheteur peuvent être remises en question par l'apparition d'une concurrence nouvelle. . Les situations de domination sont considérées comme les plus stables, parce qu'elles dépendent d'une politique d'emploi d'un grand groupe ou sont liées à une position favorable sur le marché des produits. Cette appréciation 328 est certainement correcte en termes de mode de fixa- tion des salaires, de conditions de travail et de sta- bilité de l'emploi. En revanche, un effet structurant sur le marché de l'emploi dépend en bonne partie de l'importance des recrutements effectués et par con- séquent du rythme de croissance de l'emploi. Malgré cette perspective dynamique, des problèmes méthodo- logiques surviennent lorsque l'on s'interroge, à partir d'exemples du genre de ceux qui ont été mentionnés, sur l'apport d'une formalisation des résultats. Il semble que, plus que d'une méthode, il s'agisse ici de concepts perti- nents qui aident â comprendre les processus en oeuvre. Le caractère mouvant des affectations ouvre plutôt le champ à des études de cas ou à une typisation sur la base de la position des établissements dans le réseau des flux de main-d'oeuvre. - La typologie s'applique a des établissements et ä des emplois.Les situations de marché concernent par définition des établissements. Cependant, elles peuvent varier selon les catégories de main-d'oeuvre. On arrive ainsi à répar- tir des sous-ensembles d'entreprises, autrement dit des emplois. Si l'image de la configuration du marché qui en résulte est satisfaisante, on constate cependant que l'éta- blissement disparaît en tant qu'unité mettant en oeuvre une politique d'emploi. Cette ambiguïté ne pourrait être levée que si une typologie des établissements incluant la co- existence de situations différentes était construite 1.5.3. Le fonctionnement du marché local de l'emploi L'analyse de fonctionnement proprement dite débute une fois que la "topologie" du marché a été établie (positions des établissements sur le marché et distances relatives entre eux). 1) Voir aussi dans la Partie II les chapitres 4 (4.6. et 4.8.) et 6. 329 Cette topologie consiste dans le regroupement dans un tableau à double entrée des 6 situations de marché des éta- blissements et des 6 situations d'emploi des individus Les emplois et les établissements sont positionnés dans ce tableau. Un emploi ne peut figurer que dans une seule case. En revanche, un établissement peut se trouver dans plusieurs cases, lorsqu'il offre des postes de travail de nature di- verse ou qu'il gère des postes semblables de manière diffé- renciée. Un tel tableau est constitué pour les diverses catégories de main-d'oeuvre considérées (en l'occurrence qualifiés et non- qualifiés) . Sur la base de la configuration obtenue sont alors étudiées les caractéristiques économiques des établissements, leur politique d'enroloi, la structure de leur personnel, leur po- 2) sition par rapport aux flux de main-d'oeuvre, etc. . En particulier, l'examen des flux de main-d'oeuvre montre l'exis- tence soit de mouvements internes à une case, soit d'une orientation vers les situations de domination et de "stabi- lité emploi". Les diverses analyses révèlent aussi que cha- que établissement contribue à l'équilibre ou au déséquilibre du marché, que tout déséquilibre a des répercussions sur tous les établissements et qu'en conséquence ceux-ci cher- chent à se protéger de la concurrence. 1.5.4. Conclusion L'approche préconisée par la M.E.B.S. constitue une première tentative (de nature très qualitative) de représenter en termes de système le fonctionnement du marché de l'emploi d'un espace donné. Elle ouvre de ce fait des perspectives de recherches intéressantes. 1) Partie II, chapitre 4 (4.6.2.)- 2) Pour une présentation des résultats, voir M.E.B.S. 1978, pp. 50-85. 330 Plusieurs problèmes méthodologiques en suspens ont déjà été mentionnés . Une plus grande rigueur dans les définitions serait aussi souhaitable. Le côté très empirique de l'affec- tation des emplois et des établissements aux diverses cases du tableau s'oppose pour sa part à une généralisation de la démarche et â la réalisation de comparaisons interrégionales. Telle qu'elle se présente ici, la méthode préconisée con- tient surtout des concepts utiles, mais son application de- meure limitée au domaine local. Le système est d'ailleurs considéré comme fermé. L'espace n'est guère introduit, sauf au travers.de la situation de marché d'acheteur. Lorsque la dimension spa- tiale est prise en considération, il faut abandonner la ba- se de référence fournie par le tableau des situations de mar- ché et d'emploi. On retombe alors dans des raisonnements cas par cas. C'est là que l'établissement retrouve toute sa pla- ce, mais que la méthode perd de son intérêt. On se heurte en conséquence à une contradiction. La réflexion est issue de la constatation que l'espace (au sens de la structure des localisations, de l'habitat et des réseaux de transport) joue un rôle considérable. Mais la méthode élaborée réclame l'hypothèse selon laquelle l'espace analysé est fermé et relativement homogène (c'est-3-dire qu'il ne contient pas plusieurs sous-espaces pratiquement indépendants). Enfin, la méthode d'analyse conduit à considérer séparément les divers niveaux de qualification, donc â analyser des sous-systèmes indépendants. Or, s'il est certain que l'acqui- sition d'une formation professionnelle reconnue constitue 2) une barrière importante , il n'en demeure pas moins que des relations entre les divers sous-systëmes existent, notam- ment dans le cas de marchés internes. Cette constatation ra- mène elle aussi à la prise en considération de l'établisse- ment comme base d'analvse. 1) Voir Partie II, chapitre 4 (4.6.3.) et ci-dessus (1.5.2.). 2) C'est l'une des hypothèses de Kerr (1954) et des (néo-) institu- tionnalistes, reprise p.ex. par Biehler/Brandes 1981. 331 1.6. SITUATIONS DE MARCHE ET CHAlMES DE MOBILITE La complémentarité entre l'analyse des situations de marché et celle des chaînes de mobilité est largement reconnue L'ordre dans lequel toutes les approches citées ont abordé le problème est partout similaire. Le rôle des politiques d'emploi des entreprises au sein d'un bassin est d'abord mis en évidence: structuration du marché, influence sur les comportements des autres entreprises et de la main-d'oeuvre, différenciation de l'espace. Les analyses en termes de chaî- nes de mobilité sont alors prévues pour vérifier les con- cepts proposés et prolonger la démarche. Analytiquement, la succession de ces deux phases était co- hérente pour donner â la recherche une nouvelle orientation et pour proposer des concepts utiles pour comprendre la réa- lité et structurer les informations recueillies. Mais dans la mesure oü les relations entre entreprises sont au coeur de la dynamique du marché de l'emploi, les rares tentatives de formalisation ont rencontré de grandes difficultés. Les flux de main-d'oeuvre pour leur part sont plus faciles â observer et donnent une image fiable des processus qui se déroulent sur le marché de l'emploi. Ils ne sont cependant que descriptifs, c'est-à-dire que l'explication doit être recherchée ailleurs. Et c'est précisément à ce niveau que la prise en considération des situations de marché se révèle intéressante. On aboutit ainsi à un renversement de perspectives. L'analy- se des flux de main-d'oeuvre se prête fort bien, ainsi que cela a été démontré dans la deuxième partie, à des applications fiables et générales. La dimension spatiale du marché de l'emploi (relations entre entreprises et mobilisation de la force de travail) contribue dans un second temps à élargir l'approche et à apporter une explication 1) P.ex. Gambier 1978b, pp.60-67) Mallet 1980, pp. 217-251; Coing 1982, chapitres 3 et 4. 332 (au moins partielle) â une situation donnée. Elle consti- tue aussi l'une des bases pour un raisonnement prospectif. On peut signaler encore que l'intérêt de la prise en consi- dération des situations de marché croît en fonction de deux variables: la dispersion géographique des unités et la taille des plus grands établissements. Il est ainsi probable que dans des zones à tissu industriel très dispersé, oü sont localisés de manière isolée quelques grands établissements, l'analyse des flux n'ait guère de sens et que seuls les concepts de domination ou de marché d'acheteur permettent de comprendre la structure locale du marché de l'emploi. Cette remarque explique d'ailleurs la démarche suivie par la plupart des auteurs» qui sont partis en quSte de situations typiques. Lorsque la zone étudiée ne présente pas de telles caracté- ristiques - et c'est le cas le plus fréquent - l'analyse des flux doit être première. Le chapitre suivant montre que tel était le cas dans l'étu- de sur Neuchatel, mais que les concepts proposés dans ce chapitre ne sont pas dénués de sens. 333 CHAPITRE 2: MOBILISATION DE LA FORCE DE TRAVAIL ET RELATIONS ENTRE ETABLISSEMENTS DANS LE BASSIN D'EMPLOI DE NEUCHATEL 2.1. SITUATION DU MARCHE ET RELATIONS DE MARCHE 2.1.1. La situation du marché et les problèmes de recrutement Lorsque l'étude sur Neuchatel a été réalisée, le marché de l'emploi était en situation de tension: 54 établissements sur 81 déclaraient en effet rencontrer des problèmes de re- crutement moyens à forts. Ces 54 établissements peuvent être classés en trois groupes selon les causes des problèmes ren- contrés. a) L'orientation du système de formation explique la pénurie (qualifications inexistantes ou très rares (informaticiens et spécialistes p.ex. - 11 établissements). b) L'image des professions (nature du travail, sécurité de l'emploi, etc.) auprès des jeunes (mécaniciens et décolle- teurs p.ex: ) influence les choix par rapport à la forma- tion (31 établissements). c) Les problèmes de recrutement sont dus aux conditions offer- tes par l'entreprise ou à une forte expansion de l'offre d'emplois (12 établissements). Les 27 établissements restants sont considérés comme faisant partie d'un quatrième groupe, où les problèmes de recrute- ment existent parfois, mais sans influencer significative- ment la marche de l'entreprise 2.1.2. Les relations de marché La position des établissements face à la concurrence permet de mieux comprendre les problèmes de recrutement. On peut parler à ce propos de relations de marché. 1) pour plus de détails, voir Held 1982e (3.2.2.). 334 Deux aspects complémentaires ont été considérés dans cette étude: - La nature de la concurrence: on cherche à savoir si l'entre- prise subit la concurrence d'autres entreprises et si oui, sous quelle forme cette concurrence se manifeste: concur- rence de branche, d'autres secteurs, de petites ou de grandes entreprises. - L'intensité de la concurrence: la concurrence subie est- elle forte, faible voire nulle? Dans ce dernier cas, s'agit- il d'un phénomène de domination ou de l'absence de con- currents dans le bassin de recrutement? L'examen de la nature des relations de marché existantes met en évidence le fait que l'espace étudié n'est pas fortement structuré par des entreprises de grande taille et que les pratiques "déloyales" y sont relativement rares- C'est ainsi qu'au moment de l'enquête seulement 4 établissements de l'échantillon ressentent le poids d'entreprises plus gran- des et expliquent de la sorte leurs problèmes de recrutement. Trois établissements se plaignent pour leur part de la con- currence "déloyale" de la part de petites entreprises, offrant des salaires très élevés à des qualifiés formés dans des entreprises plus grandes . Cette concurrence n'influen- ce cependant que relativement peu la position concurrentiel- le des grandes entreprises concernées. La concurrence intra-sectorielle est surtout le fait de plu- sieurs branches industrielles, où la pénurie de certaines qualifications a conduit â un accroissement de la fluidité du marché. La concurrence d'autres branches est surtout res- sentie dans des établissements ou les salaires sont bas et/ ou les conditions de travail sont pénibles. 1) Cette concurrence n'est possible que parce que les coûts de formation sont supportés par les grandes entreprises. De surcroît, celles-ci ne peuvent guère réagir en modifiant les rémunérations offertes, en rai- son de la rigidité de leur structure des salaires. Pour les pptites firmes en revanche, la présence d'un spécialiste est facile â renta- biliser. 335 Ces deux formes de concurrence ont à peu près la même im- portance dans l'échantillon. Pour sa part, l'intensité de la concurrence est la plus vive dans les établissements "polarisés" par une grande entre- prise et dans ceux qui sont soumis à la concurrence intra- ou intersectorielle. On a aussi identifié des situations d'absence de concurren- ce au niveau local. Dans ce cas, on peut constater que la non-concurrence locale ne signifie pas nécessairement une situation similaire par rapport à l'ensemble du marché. Les concurrences intra- ou intersectorielles sont en effet re- lativement fréquentes, mais elles s'inscrivent dans d'autres espaces. 2.2. STRATEGIES DE MOBILISATION DE LA MAIN-D'OEUVRE Les deux formes principales de mobilisation de la main- d'oeuvre qui ont un contenu spatial sont les politiques de ramassage du personnel et de logements . L'importance de ces deux formes est assez faible dans le bassin d'emploi con- sidéré. En effet, seuls 11 établissements sur 81 ont une politique de mobilisation digne de ce nom: - Il n'y a ainsi que trois établissements oü plus de 20% du personnel sont transportés par l'entreprise. - Dans trois établissements localisés en périphérie, l'exis- tence de logements se révèle indispensable pour trouver de la main-d'oeuvre. - Dans les autres cas, les deux formes sont combinées. Dans certains établissements, une politique de logement ou de ramassage résulte d'événements particuliers (restructura- tion p.ex.) ou du type de travailleurs employé {saisonniers, 1) Les modalités de recrutement et la sélectivité à l'embauche ont été abordées dans la Partie II (chapitre 5). 336 jeunes filles ou travailleurs étrangers à l'année dans les hôpitaux ). 11 s'agit parfois aussi d'une composante de' la politique sociale des entreprises. parmi les établissements pratiquant une véritable politique de mobilisation, l'existence de problèmes de recrutement est fréquente. Les mesures prises ne sont d'ailleurs que rare- ment récentes et constituent une constante de la politique de recrutement. Seul un établissement de grande taille loca- lisé hors du centre, parvient véritablement à se placer dans une bonne position sur le marché. Cependant, il n'est pas démontré que sa politique dé recrutement joue un rôle déci- sif dans ce cas. Lorsque l'on examine les raisons pour lesquelles les politi- ques de mobilisation de la main-d'oeuvre sont peu nombreu- ses, on constate pour l'essentiel les éléments suivants: - L'infrastructure de communication est de relativement bon- ne qualité. - La taille des établissements est assez faible. Or, seuls des effectifs importants permettent de rentabiliser l'or- ganisation d'un transport du personnel. L'existence de travaii par équipes réduit encore l'importance des grou- pes d'individus susceptibles d'être véhiculés. - Peu d'établissements occupent dans des activités à bas salairesune proportion suffisante de travailleurs non- qualifiés qui rendrait attractif, voire nécessaire, le recrutement de personnel dans des zones éloignées et peu industrialisées. - Les contraintes légales pour que puisse être instauré un 2) système de ramassage sont assez strictes 1) On peut parler de politiques induites. 10 cas ont été recensés. (Held 1982e, - p. 76). 2) Ordonnance sur les concessions de transport par automobiles du 4 janvier 1960. Voir Held 1982e, p. 75. 337 - Plusieurs entreprises ont abandonné, avec la crise, le ra- massage du personnel. Cette mesure d'économie a été faci- litée par la baisse des effectifs. Mais elle a surtout contribué â adapter la politique de plusieurs entreprises à la réalité de la situation, en rétablissant la rationa- lité du calcul des coûts. - On constate enfin que les politiques de mobilisation en- core existantes sont presque toutes l'apanage d'entre- prises localisées dans des zones périphériques, ou elles sont absolument nécessaires pour parvenir à recruter du personnel ou constituent parfois un héritage du passé. 2.3. LE BASSIM DE RECRUTEMENT DES ETABLISSEMENTS ' L'étendue du bassin de recrutement (zone où réside la main- d'oeuvre employée) peut constituer un indicateur de 1'attrac- tivité d'une entreprise sur l'extérieur. En effet, on peut admettre que lorsque la distance qu'accepte de franchir un individu pour aller travailler à un endroit donné est gran- de, son "coGt" de déplacement est compensé par d'autres avantages: salaires, nature du travail, sécurité de l'emploi ou perspectives promotionnelles. La distance ne constitue cependant pas un critère absolu, car le temps nécessaire pour la parcourir varie selon les infrastructures de commu- nication, les moyens de transport utilisés, mais aussi les horaires de travail {vitesse de déplacement}. Le type d'ho- raire appliqué (fixe ou journée continue) influence aussi la distance qu'un individu est prêt à franchir (2 ou 4 voya- ges, fin de la journée de travail). La distance entre les lieux de résidence et de travail ne constitue donc qu'une variable parmi d'autres. 1) Ou "zone d'influence directe" (ZiD). Voir 1.3.4, 338 L'étude empirique a confirmé que des facteurs multiples influencent la forme et l'étendue du bassin de recrutement des entreprises : - La topographie des lieux et les réseaux de transport: La traversée du centre-ville constitue d'une manière généra- le un facteur de cloisonnement très important, et ceci dans toutes les directions. La forme du bassin de recrute- ment des établissements localisés en banlieue ou en pé- riphérie en est très fortement marquée. Le centre-ville constitue d'ailleurs le seul lieu ou viennent s'employer des travailleurs provenant de toutes les zones du bassin d'emploi (réseau des transports publics)- On a aussi ob- servé qu'une localisation à proximité de la gare étend la zone de provenance des employés vers les villes ou grandes communes desservies par chemin de fer. - Les frontières linguistiques: Le "passage de la zone franco- phone du bassin d'emploi à la zone de langue allemande qui est avoisinante survient rarement. - Les catégories de main-d'oeuvre concernées: Les établisse- ments qui occupent surtout des femmes recrutent le plus souvent très localement, ce qui conduit à l'apparition de cloisonnements même dans le centre du bassin. Lorsque la main-d'oeuvre disponible localement ne suffit pas, des cars de ramassage sont organisés dans des zones ou le nom- bre de femmes susceptibles d'être recrutées est élevé (banlieue du Centre ou zones ou l'emploi est essentielle- ment masculin). On observe évidemment aussi une augmenta- tion de l'étendue du bassin au fur et â mesure qu'augmente le niveau de qualification, mais il ne s'agit pas là d'une tendance absolue. Cela signifie simplement que le travail- leur qualifié qui habite et se plaît quelque part accepte de se déplacer davantage pour occuper un autre emploi sans déménager que le non-qualifié. Le nombre élevé de 1) Held 1982e (3.2.5.) . 339 cadres résidant à proximité de l'entreprise où ils tra- vaillent montre qu'on ne peut en tirer des conclusions simples et définitives pour ces cas précis. - Les opportunités d'emploi accessibles: Certaines entrepri- ses (deux grandes en particulier) avaient l'habitude de recruter une main-d'oeuvre agricole par bateau (traversée du lac). La généralisation de la voiture individuelle , les opportunités d'emploi nouvelles qu'elle a ouvertes et l'implantation de plusieurs établissements dans les en- virons ont fait passer la zone concernée du bassin de main- d'oeuvre neuchatelois vers d'autres bassins. Cet exemple montre quel genre de changements peut survenir dans la structuration de l'espace à la suite de modifications dans le rapport des forces entre régions, dans le dynamisme ou dans la politique d'emploi d'une ou de plusieurs entrepri- ses, ou dans les conditions générales de l'environnement. 2.4. L'AIRE DE RECRUTEMENT * L'aire de recrutement est définie par le lieu où travail- laient précédemment les individus embauchés. Cette aire est souvent différente de celle dans laquelle la main-d'oeuvre est recherchée (p.ex. lorsque d'importants moyens sont con- sacrés à l'engagement d'un spécialiste, mais que la majorité des recrutements surviennent localement et par offres spon- tanées) . Compte tenu des données disponibles, on a pu montrer que l'aire de recrutement de la majorité des établissements (55) était locale, mais dépassait ces limites dans certaines 2) circonstances Dans tous les cas, l'étendue de l'aire de recrutement (ZII) a dépassé celle du bassin de recrutement (ZID). Le rapport entre ces deux types d'espaces varie cependant selon 1'attractivi- té de 1'entreprise, mais aussi selon sa localisation. I)Ow "zone d'influence indirecte" (ZII). Voir 1.3.4. 2) Held 1962e (3.2.5.b) et Partie II, chapitre 5 (5.2.6.). 340 Dans les zones périphériques du bassin, la faible densité de main-d'oeuvre et d'emplois limite les possibilités de choix des entreprises et des individus. Les changements d'emploi impliquent donc généralement aussi un changement de domicile (surtout pour les catégories de main-d'oeuvre qualifiée).. Le rapport entre la zone ZII {aire de recrute- ment) et la zone ZID (bassin de recrutement) est alors beau- coup plus élevé que dans la majorité des établissements à localisation centrale. Ceci signifie que, lorsque la main-d'oeuvre n'est pas dis- ponible localement (ni réserve de main-d'oeuvre "latente", ni disponibilité consécutive au déclin d'un autre établis- sement, ni situation de concurrence entre établissements autour d'un môme type de main-d'oeuvre), le bassin de recru- tement est nécessairement limité et l'aire de recrutement large. Sur la base de cet exemple, on devine déjà que le rapport ZII/ZID ne peut être interprété de manière simple. En effet, une aire de recrutement large peut avoir deux sig- nifications contradictoires: a) Une aire de recrutement large reflète une attractivitë élevée par rapport à l'extérieur, autrement dit une ca- pacité de s'abstraire des contraintes de localisation. b) L'ouverture sur l'extérieur révèle l'absence d'échanges de main-d'oeuvre entre établissements d'un même sous-es- pace et la nécessité de faire appel à l'extérieur. A l'inverse, l'absence d'ouverture sur l'extérieur peut éga- lement cacher deux types de situations différentes: a) Il existe un marché local de l'emploi, c'est-à-dire que les échanges de travailleurs au sein d'un espace restreint sont fréquents. b) Le réservoir de main-d'oeuvre local est suffisant, en raison des besoins limités des entreprises (un faible dy- namisme des établissements associé à une grande stabilité 341 de la main-d'oeuvre) ou d'un recours à une main-d'oeuvre agricole ou féminine disponible localement. On constate donc là encore que l'analyse du fonctionnement du marché de l'emploi est complexe et qu'il faut éviter toute interprétation partielle et hâtive des résultats. 2.5. LES FORMES D'ORGANISATION DU MARCHE Pour éviter la concurrence (p.ex. une surenchère sur les sa- laires qui conduirait à une rotation excessive du personnel) ou pour rationaliser certains axes de leur politique de recru- tement (p.ex. partage de l'espace drainé par des cars de ra- massage) , il arrive que' des entreprises concluent entre el- les certains accords,tacites ou formels. Ces accords modifient le fonctionnement normal du marché de l'emploi, et notamment la concurrence par le mécanisme des prix. Ils remplacent ou complètent d'autres formes d'institutionalisation du marché (Conventions Collectives de Travail p.ex.). La forme de ces accords peut correspondre au respect de la simple équité professionnelle, à des contacts visant a obte- nir des informations relatives aux salaires et à certains in- dividus ou a une véritable entente visant a refuser systéma- tiquement toute embauche d'un travailleur encore occupé dans une autre entreprise contractante et à uniformiser les sa- laires. Dans l'espace étudié, 22 établissements sur les 81 de l'échan- tillon entretenaient avec un ou plusieurs établissements des relations d'entente, alors que 41 d'entre eux suivaient une politique entièrement indépendante. Dans les 18 cas restants, les relations se limitaient à des échanges d'informations. Parmi les 22 établissements ayant des relations d'entente, on a relevé les cas suivants: 342 - Des entreprises du secteur de la construction ; qui veulent éviter tout changement d'emploi et qui pratiquent â l'occa- sion des prêts de personnel (5). - Des établissements importants localisés dans des sous- espaces relativement autonomes du bassin, désireux de conserver l'équilibre existant (9). - Trois établissements importants proches du centre, sou- cieux d'éviter toute concurrence et de créer une zone où la main-d'oeuvre serait relativement stable. L'existence d'une importante politique de logements devait aider â atteindre cet objectif. Le développement de l'emploi dans certaines zones et l'amé- lioration des moyens de transport ont cependant conduit à faire éclater dans plusieurs cas l'équilibre initial fondé sur une entente. Il faut encore préciser que l'existence d'une relation d'en- tente ne conduit pas à une suppression des flux de main- d'oeuvre entre les entreprises concernées, mais à une ré- duction de leur intensité. Les flux locaux demeurent sou- vent prédominants malgré ces accords. 2.6. SYNTHESE: UNE TYPOLOGIE DES SITUATIONS DE MARCHE 2.6.1. Résumé des résultats Les analyses précédentes ont permis de mettre "en évidence le rôle de l'espace dans les comportements des entreprises et de la main-d'oeuvre, l'existence de cloisonnements liés à la topographie du marché ou qui résultent de volontés délibé- rées de la part des entreprises et les significations sou- vent incertaines de plusieurs concepts. On a aussi pu constater que l'espace étudié n'était pas très caractéristique par rapport à ces critères, la densité d'em- 343 plois et d'établissements étant trop élevée pour conduire à un mode de fonctionnement du marché de l'emploi typique. Plusieurs exemples ont cependant été examinés. Leur apport sur les plans conceptuel et méthodologique ont servi à la construction d'une typologie des situations de marché. 2.6.2, Une typologie des situations.de marché Cette typologie doit servir à expliquer des configurations données du marché (au sens des types de postes offerts) et à faciliter l'élaboration de perspectives d'évolution réa- listes. Six critères ont été utilisés pour définir les di- verses situations de marché. Il s'agit: - de l'existence d'une concurrence sur le marché de 1'emploi - de l'intensité de la concurrence subie - des solutions éventuelles apportées - de l'étendue de l'aire de recrutement - de l'orientation des flux entre entreprises - de l'intensité des flux entre entreprises L'apport de chacun de ces critères est explicité ci-dessous: a) Existence d'une concurrence sur le marché de l'emploi Ce premier critère vise à décrire l'environnement des entrepri- ses et à différencier dans la même aire de recrutement des si- tuations dans lesquelles d'autres firmes offrent des emplois comparables à celles ou l'entreprise ne rencontre aucune con- currence. b) Intensité de la concurrence subie Au-delà de la seule existence d'une concurrence de la part d'autres entreprises, le critère principal est celui de son intensité. Faible dans les firmes bien placées sur le marché, la tension est forte dans celles qui se montrent incapables, en présence d'une forte concurrence, d'aligner les conditions 344 offertes sur le niveau moyen, ou dans celles qui souffrent d'une localisation défavorable. c) Nature des éventuelles solutions apportées (stratégies d'ëvi tentent) "Dans une situation de forte concurrence, certaines entrepri- ses parviennent à résoudre leurs problèmes en modifiant leur politique de recrutement dans sa dimension spatiale (mobili- sation) ou dans les catégories de travailleurs recherchés {complémentarité) ou en concluant.avec les principaux con- currents des accords de non-débauchage. d) Etendue de l'aire de recrutement Etroite (locale) pour les firmes localisées en périphérie ou subissant une forte concurrence, l'aire s'élargit au fur et à mesure que l'entreprise s'affirme sur le marché. L'existen- ce d'une politique de recrutement orientée vers des espaces éloignés, mais choisis par nécessité,constitue une exception à ce principe. e) Orientation des flux entre entreprises L'orientation principale des flux illustre peut-être mieux que tout autre critère les situations de marché des firmes: s'ils sont fortement convergents, ils permettent d'identi- fier un agent dominant; au contraire, s'ils sont divergents, ils mettent en évidence un phénomène de polarisation par une firme dominante ou par un groupe de firmes. Entre ces deux extrêmes existent des situations plus équilibrées, oü les divers flux se compensent partiellement ou totalement. f) Intensité des flux entre entreprises Forte lorsque l'entreprise est très exposée à la concurrence, l'intensité des flux est généralement faible. Ceci est dû au fait que l'entreprise se trouve en position de force sur le marché, ou que sa localisation ou sa politique de recru- tement la protège du marché. 345 Dix types de situations de marché ont pu être identifiés sur la base de ces critères et des résultats des enquêtes. Ils sont présentés ici selon deux axes de structuration: - l'intensité de la concurrence subie (qui croît dans les cinq premières situations, puis décroît) - la localisation (centrale dans la première moitié de la liste et périphérique dans la seconde) Les dix types retenus sont: 1) Le recrutement interne 2) La domination 3) La tension faible 4) La tension moyenne 5) La tension forte 6) La tension liée à la localisation 7 ) La tension atténuée à l'aide d'une politique de recrute- ment appropriée 8) La situation de complémentarité par rapport à une ou plu- sieurs autres entreprises 9) La tension atténuée par l'entente entre deux ou plusieurs entreprises 10) La situation de marché d'acheteur Cette typologie est caractérisée à l'aide des critères qui ont servi à l'établir (tableau 1). Les descriptions suivantes illustrent le contenu de la typo- logie des situations de marché: 1) Recrutement interne : le recrutement de la plupart des qua- lifications se faisant essentiellement par promotion in- terne, sauf pour le niveau de départ, l'entreprise n'est guère concernée par les relations existant sur le marché. 1) La situation de recrutement interne constitue un cas particulier de situa- tions de marché. Elle est reprise de la typologie des postes de travail. 346 4) m M O) vil JJ D) AJ a> 01 tt> OJ 41 41 ai O C-H-H C ^ H C O H r-l -H ^H H 41 M (O 3 a ¦Q C AJ ja JJ Jj X) JS b c U ¦H 41 U ¦H ¦H . •H ~-l -H X O 4) 3 « a I O td Q a « KI 3 U AJ -H AJ E Eu C -H Q •M •u ¦H IH UJ •H BJ IH 0) ¦. (I) m c S D) V) D) O a a D) D) H 0) O AJ «y AJ AJ 141 WJ W) AJ 4J m -h C A> B M B AJ B H M M C C-H-U C 0) O (D Jj 01 O (1) Xl Xl Jl 4) Oi h m 3 tu AJ DN ¦H Di AJ Di «H -H -H Oi HiAJ O M 3 M H h 3 U ¦H ^H r-l M X Cl C 3 Q) rH Q) •H 41 •-¦ m ¦H •H ¦H a 3 Lt 0) S S> a> 3 > a > 3 3 3 > -H AJ -H tu C H C O B O 5" •H ¦H AT S1 A? E O O O O U U AJ AJ O 0) - C C Pl Oi 4) M n a H O U JJ O 0 -H H •H A) rH V ¦rt ¦H 3S ^ iH H < O ¦o M D) ¦-t V C AJ D) Q. M -H » m Q (U DAJ 4) WAJ m « a 3 Q) AJ AJ B E C O O « (U O -I O B SS U m (SO) ö V O WJ C C B l-I C S 3 E SE AJ B ¦H -P H 3 g e a SJ 3 n CT 41 (U ero a C B JJ h O U B -H U -H H AJ-H HAfc-f 4) 3 O -U 3 9 Zt 3 »J 3 IH U 3 Oi AJ 3D JJ 3 -h a C « a n) in (B U-I HMM -HMM C « o a ~l 3 Q 3 3 HOA Htl« (U m n 6 a n CD o en-t B.MW1 0,MO a> Ü «1 a aj OJ Q) (U 4) 4) « -H ai 0) ^H B O) (U E fH H ai h a h *4 JS B AJ AJ E JJ Jj ^ M C *H fH ¦H « H M « •H ¦H ^ 3 O) 3 3 a O O >i a Q 3 U -P e e O -H C C IU y W uj ¦H •j B ^ " U i AJ u AJ O O / ^ O AJ E C E C m C D* E E C ¦H AJ Al Q O O O O -H O -H W) O O AJ O / C 3 C •H ¦H ¦H ¦H -H M AJ ¦H -H AJ V Ul U) r- 00 O O ' m r-l 347 2) Domination: l'entreprise peut recruter, en étant sélective et sans efforts, autant de collaborateurs qu'elle veut. Sa localisation est plutôt centrale. 3) Tension faible: sans être dominante pour autant, l'entre- prise ne rencontre pas de problèmes de recrutement parti- culiers. Elle est située généralement en milieu urbain. 4) Tension moyenne: cette situation', la plus fréquente, ca- ractérise les entreprises qui rencontrent des problèmes de recrutement comparables à ceux des autres entreprises sur le marché. Leur localisation est en principe centrale. 5) Tension forte: peu attractive pour ses employés et placée dans un réseau concurrentiel intense, la firme de cette catégorie doit accepter un fort turn-over et le départ de ses meilleurs collaborateurs. 6) Tension liée â la localisation: l'entreprise de cette ca- tégorie connaît de grands problèmes de recrutement en rai- son de sa localisation périphérique. Certains de ses col- laborateurs cèdent de plus à l'attraction des centres ur- bains . 7) Tension atténuée par une politique de recrutement adaptée: c'est en recrutant son personnel dans d'autres espaces géographiques - S l'étranger ou par cars de ramassage no- tamment - que l'entreprise concernée résoud ses problèmes de main-d'oeuvre. 8) Complémentarité : dans un espace dominé, une firme peut se situer sur un segment {du marché de l'emploi) nouveau ou peu concurrencé. Par exemple, l'entreprise peut choisir d'utiliser une main-d'oeuvre féminine en sous-emploi la- tent, disponible grâce ä la présence d'une firme dominante occupant essentiellement des travailleurs du sexe masculin. Dans d'autres cas, une petite firme peut accepter de con- férer â des jeunes qualifiés une expérience pratique, avant de voir ceux-ci embauchés quelques mois ou années plus tard par une entreprise plus grande. 348 9) Tension atténuée par l'entente: placées en concurrence di- recte dans un espace limité, des entreprises peuvent dé- cider d'éviter une hausse des salaires contraire â leur Intérêt, en concluant formellement ou tacitement un ac- cord de non-débauchage, voire de partage de l'espace drai- né par des cars de ramassage. 10) Situation de marché d'acheteur: localisée dans un espace fermé et isolé, l'entreprise placée en situation de mar- ché d'acheteur exerce un effet de domination locale im- portant. Elle ne présente cependant pas toutes les caracté- ristiques d'une firme véritablement dominante. Une implan- tation nouvelle ou un axe de transport meilleur peuvent remettre en question l'équilibre actuel. La typologie qui est présentée ici rend compte des situations rencontrées dans les établissements de l'échantillon, sans prendre en considération leur importance réelle. Le nombre élevé de types a l'avantage de permettre une diffé- renciation des situations de marché au sein d'une même caté- gorie de travailleurs. L'entente p.ex. n'entraîne jamais une suppression totale de la mobilité, mais agit sur certains groupes de personnes plus que sur d'autres. La main-d'oeuvre qui peut être recrutée grâce â une situation de complémen- tarité ne correspond pas davantage â l'ensemble des effectifs d'une catégorie donnée. Même si l'approche devient complexe, le degré de précision qu'elle autorise compense largement cet inconvénient. Il faut encore rappeler que ce sont des emplois et non des établissements qui sont considérés ici. L'établissement pour sa part peut être caractérisé par les "profils" des situa- tions de marché pour les diverses catégories de son per- sonnel 1) Les données ont été présentées sous la forme d'un tableau croisant les situations de marché avec les niveaux de qualification (Annexe 2). 349 2.6.3. Situations de' marché et niveaux de qualification Dans la mesure ou l'objectif poursuivi ä travers l'apprécia- tion des situations de marché n'était pas une remise en cau- se de la typologie initiale , mais consistait à compléter celle-ci par une dimension supplémentaire, on s'est contenté de considérer ici deux niveaux de qualification: les semi- et non-qualifiés d'une part, les qualifiés et les cadres d'autre part. Une désagrégation plus fine est cependant utile pour une pre- 2) mière appréciation de la situation : - Les situations de marché d'acheteur et de complémentarité concernent surtout les femmes non-qualifiées. - En revanche, ententes et politiques de recrutement adaptées existent le plus souvent pour des catégories masculines. - La tension la plus forte a été relevée dans la catégorie "qualifiés de production" et confirme la situation de ten- sion qui régnait sur le marché de la main-d'oeuvre quali- fiée. - La comparaison entre les rapports tension forte/tension moyenne ou faible pour les qualifiés de production et pour les qualifiés administratifs montre que la situation du marché est beaucoup moins tendue pour la seconde catégorie. - La domination concerne surtout le personnel qualifié de la production, pour lequel les relations de marché sont les plus intéressantes â étudier. La simplification qui a été effectuée n'a guère d'incidences sur la qualité des résultats. En effet, on peut signaler que l'on a déjà tenu compte de la structure des qualifications dans la première typologie. 1) Cette typologie est relative à La structure de l'emploi et à la posi- tion des établissements sur les diverses chaînes de mobilité. (Partie II, chapitre 6). 2) Pour une description des niveaux de qualifications, voir Held 1982b et Partie II, chapitre 5 (5.4.4.). 350 Par ailleurs, les résultats des analyses globales ont per- mis de procéder aux regroupements qui ont été présentés (qua- lifiés/cadres et SNQ) : - Le regroupement des SNQ des deux sexes a été opéré parce que la proportion d'hommes ou de femmes différencie beau- coup plus fortement la population des établissements que 2) les situations de marché elles-mêmes . Par ailleurs, la relative spécialisation des situations "recrutement" et "marché d'acheteur" respectivement dans les catégories mas- culines et féminines réduit la perte d'information qui ré- sulte de cette fusion. - Les raisons justifiant le regroupement des qualifiés et des cadres sont différentes. En effet, une analyse pour les seuls cadres conduit à opposer les établissements pra- tiquant la promotion interne aux autres . La diversité des situations de marché rencontrées est d'ailleurs limi- tée, ce qui réduit l'intérêt d'une telle analyse. Enfin, a part dans les entreprises où la spécificité de l'activi- té induit celle des qualifications, les passages les plus fréquents d'une catégorie de main-d'oeuvre â une autre s'effectuent entre les qualifiés et les cadres. 1) C'est-à-dire portant sur les 63 variables du tableau situations de marché/qualifications (Annexe 2). 2) Ce fut déjà le cas pour la typologie postes/qualifications. 3) Car 50% des cadres occupent leur emploi à la suite d'une promotion. 351 2.6.4. Résultats de l'analyse L'importance relative des diverses situations pour l'ensemble de l'échantillon pour les qualifiés et les cadres (CQ) et pour les semi- et non-qualifiés (SNQ) est présentée dans le tableau 2. Tableau 2: Importance relative des situations de marché dans l'échantillon- Situation de marché Total CQ SNQ 1. Recrutements internes 11,5% 19,7% 2,4% 2. Domination 7,5% 8,8% 6,0% 3. Tension faible 22,6« 23,9% 21,1% A. Tension moyenne 22,5* 22,5% 22,0% S. Tension forte 14,4% 14,3% 14, B% 6. Tension liée à la localisation 2,6« 2,4% 2.Bt 1. Politique de recrutement 6,0% 3,6% 6,8% 6. Complémentarité 3,1% 0,9% 5,8% 9. Entente 4,4% 3,0% 6,0% 10. Marché d'acheteur 5,2% 0,9% 10,3% Total 100,0% 53,3% 46,7% On constate immédiatement que les situations de domination et les situations relatives aux zones périphériques (situations 6 è IO) sont assez peu répandues dans la région. Ceci laisse une place plus grande aux situations de concurrence tradi- tionnelle. Pour le personnel SMQ, les situations "périphéri- ques" prennent relativement plus d'importance que dans la population totale, soit 33,6% de l'emploi de la catégorie (21,3% pour le total des effectifs). En revanche, les catégo- ries "Recrutements internes" et "Domination" sont nettement sous-représentées (8,4% contre 19,0% pour l'ensemble des ni- veaux de qualification). Parmi les qualifiés et les cadres (CQ), seuls 10% de l'emploi sont concernés par les cinq situations "périphériques", alors que "Domination" et "Recrutements internes" représentent 29%. 352 La structure des situations de marché des établissements a été analysée séparément pour les SNQ, les CQ et le total Les résultats ont montré que, dans un bassin d'emploi aussi peu typique que celui de Neuchâtel, le nombre de situations considérées pouvait être considérablement réduit, en raison des constatations suivantes : - La tension liée à la localisation ne constitue pas, en tout cas dans cette région, un critère suffisant pour caractéri- ser des établissements. La traversée du centre constitue ainsi un facteur de cloisonnement aussi important que la distance géographique. - La complémentarité, qui caractérise pourtant assez précisé- ment certains établissements de plusieurs sous-espaces, ne se dégage guère davantage. Ceci peut être expliqué par le fait que la complémentarité entre hommes et femmes - dont il est surtout question - résulte de la proximité de deux établissements (ou plus), mais ne constitue pas une succes- sion d'étapes dans les chaînes de mobilité des travailleurs (p.ex. emplois d'insertion pour accéder à des emplois sta- bles) . Cette complémentarité doit donc apparaître lors de la mise en relation dans les lieux de localisation res- pectifs des divers types d'établissements. - Pour l'entente, le problème se pose dans des termes relati- vement similaires. L'entente est en effet une situation où les parties se mettent d'accord pour éviter la concurrence sur la main-d'oeuvre. Les conséquences de cette entente peuvent otre importantes, mais n'affectent directement qu'une partie de la main-d'oeuvre. L'entente s'appuie en 2) outre souvent sur une complémentarité de fait . Elle n'influence enfin que la main-d'oeuvre employée dans les établissements concernés, mais pas la main-d'oeuvre à recruter. 1) Les méthodes utilisées ont été les mêmes que pour le traitement du tableau postes/qualifications {Partie II, chapitre 6): analyse facto- rielle et classification automatique (Annexe 3). Pour plus de détails, voir Held 1982h« 2) Il existe dans ce cas une sorte d'équilibre micro-régional. 353 - L'absence d'établissements pratiquant un véritable ra- massage de personnel réduit la portée de la situation oü la tension est atténuée par une politique de recrutement adaptée. Cette situation concerne surtout les établisse- ments recrutant des saisonniers. - L'importance des situations de marché d'acheteur demeure faible, en raison de la petite taille de l'espace. - Les situations de recrutements internes et de domination sont assez semblables. En effet, lorsqu'une promotion est accordée, l'entreprise se trouve de fait en situation de domination. L'inverse n'est certes pas toujours vrai, mais les établissements dominants qui ne pratiquent pas la promotion interne sont plutôt rares. - La distinction selon les niveaux de qualification ne s'est pas révélée nécessaire, la gestion de la main-d'oeuvre étant apparue comme relativement homogene. Ceci ne signifie pas que la mobilité qui en résulte sera similaire, car d'autres facteurs entrent en jeu. On constate simplement ici que, probablement en raison de la taille des établissements, les situations des CQ et des SNQ ne sont pas trës différentes. En outre, certaines situations concernent presque exlusive- ment l'un ou l'autre des niveaux de qualification. Sur la base de ces résultats, il semble suffisant de considé- rer, dans un bassin d'emploi semblable à celui qui a été étu- dié, six situations de marché: 1) Domination/recrutement interne 2) Tension faible 3) Tension moyenne 4) Tension forte et liée à la localisation 5) Complémentarité/entente 6) Politique de recrutement/marché d'acheteur l) Cette situation signale soit l'absence de concurrence, soit une poli- tique destinée à s'en abstraire. On parle dans les deux cas de me- sures "d'évitement". 354 Chacune des catégories retenues, à l'exception des deux der- nières, décrit relativement bien un groupe d'établissements, La construction d'une typologie des établissements a permis de concrétiser ce résultat 2.6.5. La typologie des établissements Cette typologie comprend 5 types relativement bien différen- ciés, ainsi qu'un type supplémentaire d'établissements diffi- cile à classer à l'aide d'une seule catégorie de situations de marché: 1) Etablissements dominants (9) 2) Etablissements en tension faible (22) 3) Etablissements en tension moyenne (17) 4) Etablissements en tension forte (13) 5) Etablissements évitant la concurrence (17) 6) Autres (3) Les gpproches différenciant dominants et dominés montrent ainsi leurs limites. On peut admettre que le type 1 corres- pond au type "dominant" {bien que la définition de la domi- nation soit sujette à discussion) et le type 4 au type "do- miné". Plusieurs situations intermédiaires doivent donc être considérées: - les situations de tension faible ou moyenne - les situations où les établissements bénéficient de leur localisation ou ont une politique d'ëvitement de la con- currence. Lorsqu'on examine la répartition spatiale des établissements, des spécificités locales apparaissent clairement au sein du bassin d'emploi et révêlent l'intérêt d'une analyse spatiale du fonctionnement du marché de l'emploi. Par exemple, dans les deux sous-espaces les plus éloignés du centre, les poli- 1) Held 1982h. 355 tiques d'évitement prédominent, A l'inverse, des phénomènes de cloisonnement se manifestent même en milieu urbain pour certaines catégories de main-d'oeuvre, Cette étape donne une image précise de la constellation des établissements du bassin. 2.7. SITUATIONS DE MARCHE ET POSTES DE TRAVAIL: DEUX TYPOLOGIES COMPLEMENTAIRES A première vue, l'image qui résulte de l'examen du tableau où les deux typologies d'établissements (postes et situa- tions de marché) sont mises en relation l'une avec l'autre n'est pas très claire (tableau 3). Ceci est certainement dû au problème de l'affectation parfois imparfaite de plusieurs établissements situés à la limite entre deux catégories. Un examen attentif révèle cependant la complémentarité entre ces deux typologies: - Les établissements disposant d'un marche interne sont tous dominants ou en tension faible. Leur influence sur le recrutement des jeunes est donc considérable. - Les établissements du type "Mobiles" subissent une tension relativement forte. Les établissements du type "Ancrage", lorsqu'ils ne sont pas isolés par leur localisation, sont également soumis à une concurrence assez vive. La tension forte se traduit dans les établissements du type "Ancrage" par des problèmes de recrutement, et dans ceux du type "Mo- biles" par une forte rotation. - Pour les établissements recrutant en deuxième emploi, la situation de marché constitue un indicateur important pour déterminer leur attractivité, et partant celle de l'en- 1) Partie II, chapitre 6. 356 semble du bassin. Dans cette perspective, on constate que les établissements recrutant des qualifiés en deuxième emploi (SSQ, DEQC) ne sont que partiellement bien placés au sein du bassin d'emploi considéré. - La relation entre les établissements "hors marché" et l'existence d'une "politique d'évitement" {recrutement de catégories de main-d'oeuvre spécifiques) est conforme aux définitions. Tableau 3: Situations de marché et types de postes ' -^Situations/ Types D ^**"^-^. Domination Tension faible Tension moyenne Tension forte Polit. d'êvit. Autres Total MIQ 5 2 0 0 0 0 7 MIQS 0 1 0 a 0 0 1 MISQ .1 0 0 ¦ 0 0 0 1 DEQC 1 3 3 1 0 0 B SFSQ 1 1 0 0 1 0 3 SSQ 1 4 2 0 1 0 e SSKQ 0 3 0 1 1 0 5 SMSQ 0 4 3 3 2 0 12 Neutres 0 2 7 3 1 1 14 PE 0 0 0 0 6 0 6 Ancrage 0 1 1 2 3 0 7 Mobiles 0 1 1 3 0 1 6 PF 0 0 0 0 2 1 3 Total 9 22 17 13 17 3 81 1) Pour une description des types, voir la Partie II, chapitre 6. 357 - L'hétérogénéité des situations du groupe "SPSQ" ne saurait surprendre, car la nature de l'activité des établissements concernés varie considérablement. - La grande diversité des situations rencontrées dans les types intermédiaires ("Neutres" et "SMSQ") montre l'inté- rêt qu'il y a, lorsque le type de poste ne permet pas de caractériser les établissements, d'examiner les relations existant entre entreprises sur le marché. En lisant le tableau â partir des situations de marché, on constate que l'existence d'une politique d'évitement de la concurrence ne constitue pas, dans l'espace considéré, une dimension absolument indispensable â une bonne compréhen- sion des mécanismes en oeuvre dans le bassin. Il est im- portant de constater qu'elle ne concerne aucun établissement inséré dans des chaînes de mobilité ascendante. Consécutive soit au phénomène d'isolement induit par l'espace,soit au recrutement de catégories de main-d'oeuvre nouvelles, une politique d'évitement de la concurrence traduit souvent un faible dynamisme des établissements. De ce fait, si l'espace ne jouait aucun rôle, ces établissements seraient probable- ment en tension forte. Le rôle des situations dominantes est aussi apparu comme assez limité. Deux conditions sont nécessaires pour que des établissements dominants exercent une influence structurelle durable sur le fonctionnement du marché de l'emploi: une taille minimale et une expansion des effectifs (recrutements importants). Or, dans l'échantillon considéré, le plus grand établissement dominant occupe 585 personnes et le plus petit 72. Et aucun n'est véritablement en expansion. Pour 6 établis- sements sur 9 (66¾ des effectifs), la domination s'exerce d'ailleurs surtout au niveau du premier emploi. 358 L'absence de situations véritablement dominantes, donc par définition celle de situations de dépendance marquée, montre que l'on se situe, dans le cas du bassin d'emploi de NeuchStel, dans un marché à faible proportion d'entreprises à bas salaires Ce sont donc essentiellement les types d'emploi offerts par les entreprises qui vont permettre de caractériser les établissements, et partant la structure du bassin d'emploi concerné. Les situations de marché complètent l'image ob- tenue en indiquant la manière dont un 'établissement se place dans les relations entre entreprises. Elles ne sont pas indispensables ici pour une analyse globale du fonctionne- ment du marché de l'emploi, mais elles contribuent à sa compréhension. Arrivés à ce stade de la démarche, il est intéressant, voire indispensable, de porter la réflexion sur la dimension spa- tiale du marché de l'emploi, d'examiner les conceptions les plus fréquentes et de tirer les conclusions qui s'imposent à l'issue de cette analyse. 1) (Situation présentée en 1.4.2,d). C'est d'ailleurs dans cette situa- tion que se trouve la Suisse en général, et une grande partie de ses régions en particulier. L'histoire économique récente du pays - et en particulier sa politique d'immigration -le montrent (Widmer 1978). La relation entre la politique d'immigration et l'éventail des sa- laires d'une part (Maillât 196B et 1974, pp. 204s), les comportements des entreprises face au blocage de l'immigration d'autre part (Maillât/ Jeanrenaud/Widmer 1977), permettent de confirmer cette hypothèse. Seu- le la possibilité de recourir à de la main-d'oeuvre frontalière dans certaines régions du pays explique la survie de plusieurs branches à bas salaires (Jeanneret/Maillat 1981; Held 1982g). 359 CHAPITRE 3: LA DIMENSION SPATIALE DU MARCHE DE L'EMPLOI 3.1. LA DELIMITATION DE MARCHES LOCAUX ET DE BASSINS DE MAIN-D'OEUVRE 3.1.1. Les principales conceptions existantes De nombreuses raisons ont été signalées dans les chapitres précédents pour lesquelles il est opportun de définir des bassins d'emploi: statistiques, prévisions, politiques et aussi recherches scientifiques. Plusieurs conceptions ont été proposées dans ce sens: a) Les régions administratives ou régions-plans Ces approches ne sont pas basées sur les seules variables du marché du travail. Les critères utilisés se réfèrent plutôt à des découpages administratifs préexistants (cantons, districts, etc.), à la situation géographique et aux proble- mi 2) mes rencontrés (rëgions-LIM , rêgions-Bonny , etc.) ou à la pratique des acteurs (zones d'intervention des organi- sations professionnelles ou syndicales, etc.). On prend alors comme espace d'analyse et d'action des zones existant a priori. b) Les régions homogenes Les néo-classiques ont considéré que c'est le coût de la mo- bilité du travail qui est responsable des discontinuités et qui justifie l'existence de marchés régionaux du travail distincts, au sein desquels les mécanismes du marché con- tinuent de fonctionner. Vu la diversité des variables qui peuvent entrer en jeu, plusieurs types d'espaces homogènes ont été définis. Les critères qui ont été utilisés sont liés 1) Régions définies dans le cadre de la Loi fédérale sur l'aide en ma- tière d'investissement dans les régions de montagne du 28 juin 1974. 2) Nom donné aux régions pouvant bénéficier de l'Arrêté fédéral institu- ant une aide financière subsidiaire en faveur des régions dont l'éco- nomie est menacée du 6 octobre 1978. 360 aux hypothèses du modèle classique qui ont fait l'objet des plus vives critiques: -' Homogénéité du travail: espaces basés sur la qualification, sur la profession, sur le sexe et/ou l'origine, sur l'âge, etc. - Transparence du' marché: espace tenant compte du coût de la diffusion et de Ia1 recherche d'information. - Atomicité des parties: espaces définis par l'appartenance à certaines grandes entreprises (marché interne des ban- ques p.ex.} ou l'affiliation â un syndicat, - Mécanisme des prix: espaces dans lesquels le taux de sa- laire est uniforme. D'autres critères ont encore été utilisés pour constituer des régions homogènes (par exemple: branches, types d'entreprise, aire de recrutement d'un appareil de formation, etc.). Ces approches n'ont guère eu de retombées pratiques, dans la mesure ou il s'agissait surtout d'espaces abstraits. c) Les régions polarisées A la recherche d'une définition générale et aisément appli- cable du bassin d'emploi, ce sont surtout aux flux pendu- laires qu'aménageurs et économistes se sont arrêtés. Ils ont cherché à identifier, vu la faible mobilité de la main- d'oeuvre, un espace tenant compte des contraintes de trans- port et de logement. Ils désiraient ainsi délimiter des zo- nes d'attraction sur la base du comportement de la main- d'oeuvre. Les déplacements entre lieu de résidence et lieu de travail mettent en évidence l'aire maximale dans laquelle les salariés ayant un domicile fixe acceptent un emploi, car ces déplacements doivent avoir une durée et un coût limités. Les avantages de ces découpages sont les suivants : - Les régions sont plutôt petites. 361 - Les flux sont généralement polarisés autour d'un centre d'une certaine taille, ce qui garantit une relative stabi- lité du découpage et une densité minimale d'emplois. - La réflexion porte â la fois sur le lieu de domicile et sur le lieu de travail. On inclut de la sorte le phénomène important de la localisation résidentielle. Par ailleurs, la zone ainsi délimitée constitue un espace dans lequel les individus sont, en principe, prêts a se déplacer. - Les mouvements pendulaires sont l'un des éléments du com- portement de la main-d'oeuvre et appartiennent au fonc- tionnement même du marché de l'emploi. De nombreuses méthodes ont été développées pour définir des espaces aussi pertinents que possible sous la contrainte d'une couverture complète de l'espace national . Bien que ces méthodes soient les plus satisfaisantes par rapport aux données disponibles et que le résultat ait un sens d'un point de vue analytique, plusieurs limites à ce genre d'appro- 21 ches méritent d'être signalées : - Les modes de transport et la durée des trajets ne sont pas introduits dans l'analyse et cachent ainsi les comporte- ments réels des individus dans l'espace géographique. - Il faut définir des seuils, c'est-à-dire que n % des in- dividus qui travaillent dans une zone y résident. Mais les (100 - n) % restants ne sont pas nécessairement plus loin de leur lieu de travail. 1) Les principales méthodes utilisées ont été présentées dans: Held 1982a, Appendice A. On citera notamment: Berry 1967 pour les USA; Hall et al. 1973, Smart 1974, Coombes et al. 1979 pour le Royaume-Uni; Micheau 1978 et 1981, Groupe interministériel 1979, Mallet 1980 et Gambier/Verniëres 1982 pour une synthèse des travaux en France; Klemmer/Kraeroer 1975 et G. Buttler 1975 pour l'Allemagne. 2) Voir aussi Mallet 1978, pp. 87s, Gambier/Vernières 1982, pp. 129s et Coing 1982, pp. 66s. 362 - On risque de réunir dans un môme espace des zones qui n'ont rien â voir ensemble. Ainsi, une zone A peut être polarisée sur B et sur C, mais B n'est pas polarisée sur C. Faut-il alors réunir des espaces partiellement superposés, mais qui n'ont en commun que cet espace polarisé? Ce problême se pose en particulier dans le cas de zones fortement urbani- sées. - On généralise un comportement, valable pour la majorité des travailleurs, à l'ensemble des catégories de main-d'oeuvre. Or, les catégories ont une mobilité géographique très va- riable. Les aires d'emploi de chaque groupe de travailleurs sont toutes différentes. La moyenne n'a de ce fait guère de signification économique. - Le recours au critère des mouvements pendulaires pour la dé- termination de bassins de main-d'oeuvre est aussi fondé sur l'hypothèse discutable que les déplacements quotidiens des individus, et les emplois qu'ils occupent, correspondent à leurs plus grandes préférences, dans le cadre des limites de leur situation personnelle et de leur système d'objec- tifs. Cette hypothèse s'impose pour que l'utilisation de données passées puisse servir ä la définition d'espaces utilisables en vue d'une planification. - Dans les zones périphériques â tissu industriel dispersé et qui ne comprennent aucun centre véritable, les espaces défi- nis seront soit très petits, soit n'auront guère de sens pour la plupart des travailleurs qui y résident. Au-delà de ces limites, l'intérêt du recours à des bassins de main - d'oeuvre définis à partir des flux pendulaires dépend de plusieurs conditions, qui ne sont que rarement remplies: - La délimitation du bassin de main-d'oeuvre doit être accom- pagnée de relevés statistiques systématiques et complets. - Les espaces ainsi définis doivent être considérés comme une base pour la mise en oeuvre d'une politique économique adap- tée. 363 - Le découpage de l'espace n'est sujet ä aucune modification fondamentale, même en cas de fortes mutations structurelles. 3.1.2. La délimitation de bassins de main-d'oeuvre en Suisse En Suisse particulièrement, le bassin de main-d'oeuvre n'a pas été retenu de manière systématique. Le système fédéra- liste favorisant les cantons , l'existence d'axes d'urba- nisation relativement continus et le faible développement de l'économie du travail constituent quelques explications possibles de cette situation. Sur le plan scientifique, les espaces qui ont été délimités ont généralement été fondés sur la notion de région pola- 2) risée . Les premiers travaux ont permis de construire en Suisse 48 "régions marché du travail" considérées comme stables, reflétant la qualité des communications et la topographie (Werczberger 1964). Dans la mesure où le premier découpage s'est révêlé peu sa- tisfaisant dans les parties montagneuses du pays, les 48 ré- gions initiales ont été subdivisées (surtout dans les régions de montagne) en un total de 88 régions. Des critères (topo- graphie, densité, etc. ) ont été utilisés pour cette désagré- gation de régions polarisées en sous-régions plus homogènes (ORL 1971) . 1) Les bassins de main-d"oeuvre enjambent souvent les frontières can- tonales . 2) Une exception partielle apparaît dans les travaux qui ont présidé â l'élaboration de la conception directrice CK-73 (Heer 1976). Cette conception a abouti à définir un système de régions (11 métropolitai- nes et 2 non métropolitaines). Ces régions sont polarisées autour de centres dont, le choix est établi sur la base de concepts issus de la théorie des places centrales et de critères de planification. La pé- riphérie par contre a été définie à l'aide de flux pendulaires et de temps de transport. Au total, cette conception comprend 1OO éléments de base: 13 centres supérieurs, 66 centres moyens et des régions de développement en zones de montagne. Ces dernières correspondent le plus souvent aux régions-LIH. 364 Récemment/ la méthodologie de Werczberger a été reprise et appliquée aux données des flux pendulaires de 1970 (Lami/ Leibundgut 1978). Au total, 212 régions ont ainsi été défi- nies. Ces régions ne sont cependant pas apparues comme per- tinentes dans tous les cas. En effet, certaines régions de montagne n'ont pu Stre rattachées à aucun centre. Il semble que le critère des flux pendulaires devrait être remplacé dans ce cas par des variables de type administratif ou po- litique. Le développement des méthodes statistiques disponibles sur ordinateur a conduit de nombreux auteurs à chercher à s'abs- traire de schémas a priori et à laisser "parler" les don- nées . Une tentative dans ce sens a été réalisée récemment en Suisse (Sheldon 1980). La méthode qui a été retenue pour constituer des bassins de main-d'oeuvre est la classifica- 2) tion hiérarchique ascendante . Cette méthode fusionne deux à deux les communes qui ont les profils de pendulaires les plus proches. Les résultats sont présentés sous la forme d'un arbre hié- rarchique (ou "dendrogramme"),qui permet de visualiser la manière dont se structurent les données. On n'arrive pas S définir de la sorte une partition optimale en k classes. Le nombre de classes peut cependant être" déduit de l'examen des niveaux de fusion entre les communes (ou groupes de communes). Cette méthode est très attractive, car elle donne l'impres- sion que les diverses phases du processus sont contrôlées. Il s'agit là cependant d'une grande illusion. En effet, les méthodes multivariées où une certaine structuration initiale n'est pas imposée et qui ne sont pas contrôlées par d'autres procédés peuvent conduire à des résultats surprenants. On sait notamment que si une mauvaise classe est formée, 11 n'y 1) Notamment INSEE (citée par Micheau 1981 et Garobier/Vemieres L982) ; G. Buttler 1975; Coombes Gt al. 1979 et CU.R.D.S. 1979. 2) Voir la présentation de cette méthode dans l'Annexe 3. 365 a pas moyen de la modifier. Toute "erreur" influence donc les résultats ultérieurs. Les communes périphériques pour leur part ne peuvent que difficilement être rattachées au centre le plus proche. Ensuite, les effectifs concernés sont très faibles dans certaines communes. Une personne de plus ou de moins vers une destination risque de modifier considé- rablement le profil des pendulaires . Enfin, la continui- té de l'espace n'est pas garantie, puisque la méthode ne con- sidère en fait aucune variable géographique. 2) L'auteur a certes testé diverses stratégies d'agrégation (pour retenir finalement la seule raisonnable), mais pas di- verses méthodes. Or, qui a utilisé la classification automa- tique connaît aussi ses limites. Il aurait notamment été souhaitable de comparer les résultats avec ceux obtenus par une méthode de partitionnement La région-test choisie (le canton du Tessin) ne semble d'ailleurs pas optimale pour le but visé. En effet, il s'agit d'une région au profil géographique très marqué, avec de nombreuses communes montagnardes et quelques pâles évidents. Cet espace est par définition structuré par les axes de 4) transport. Par ailleurs, les données du RFP de 1970 ne prennent pas en considération les travailleurs frontaliers (puisque le RFP ne concerne que les personnes domiciliées en Suisse). Or, le nombre de frontaliers est considérable. La démarche de Sheldon apparaît finalement un peu comme un exercice de style. En effet, pour qu'un découpage gëographi- 1) La valeur médiane est de 9 pendulaires par commune dans la région- test. On peut donc clouter de la pertinence du rattachement d'au moins 50% des communes. La variable utilisée montre aussi ses limites, puisque seule une petite partie de la population se déplace pour aller travailler. 2) Annexe 3 (3.2.). 3) Annexe 3 (3.3.). 4) Recensement Fédéral de la Population. 366 que soit utile, il faut qu'il soit intégré à une démarche d'ensemble et qu'il corresponde (ou soit susceptible de correspondre) à des régions-plans et à des espaces pour les- quels des informations statistiques sont ou pourraient être prélevées. Ce travail devait en principe s'inscrire dans une démarche globale, qui consistait à élaborer des bilans prévisionnels D 2) par région . Or, on sait que la méthode des bilans n'a de sens que dans des régions d'une certaine taille, les- quelles ne correspondent absolument pas aux bassins de main-d'œuvre souvent très petits qui caractérisent les ré- gions de montagne. Le déroulement séparé des travaux conduit alors assez normalement à une impasse. Cette constatation n'aurait cependant pas dû servir à évacuer la dimension spa- tiale, mais aurait plutôt dû contribuer â élargir la réfle- xion et à intégrer en un tout cohérent les diverses dimen- sions. La méthode utilisée a notamment eu pour mérite de révéler les difficultés et les limites de tout découpage spatial, l'exis- tence de discontinuités (dues à la topographie des lieux, aux réseaux de transport et/ou à l'offre d'emploi) et par con- séquent le fait que l'espace délimité ne pouvait être consi- déré comme homogène. 3.2. DU MARCHE LOCAL AU SYSTEME LOCAL DE L'EMPLOI D'une manière générale, pour qu'un découpage de l'espace soit significatif pour une analyse du marché de l'emploi au niveau local, il faut que chacune des régions ainsi définies pré- sente les trois caractéristiaues suivantes: 1) Projet présenté au FNRS (PNR "Problêmes régionaux")par la "Forschungs- stelle ftrbeitsmarkt" de l'Université de Bâle. 2) Held/Maillat 1983, chapitre 1. 367 a) un haut degré de mobilité intra-régionale b) une faible ouverture sur les autres régions c) un découpage stable dans le temps La mobilité interne et l'ouverture des régions sont générale- ment appréciées à l'aide des flux pendulaires, ce qui semble discutable si l'on se réfère aux résultats de l'analyse de fonctionnement . La stabilité d'un découpage dans le temps ne pourrait Stre appréciée qu'en appliquant la même méthode à deux dates différentes. Quelques exemples issus de l'étude sur Neuchâtel ont clairement démontré que les frontières entre deux bassins n'ont de sens que pour les centres des 2) régions et qu'elles sont sujettes S d'importantes modifi- cations dues à l'évolution des moyens de transport et au dynamisme économique régional. Les conditions posées ne peuvent finalement Stre remplies que dans des agglomérations urbaines isolées gëographique- ment les unes des autres, et éventuellement dans leur pro- che périphérie. En revanche, les zones intermédiaires peu- vent subir de grands changements à la suite de l'implanta- tion ou de la fermeture d'établissements importants ou d'une variation notable de l'offre d'emploi. On se trouve donc confronté à un important dilemme. D'un cô- té, on voit qu'il n'existe aucun découpage spatial qui soit véritablement satisfaisant d'un point de vue scientifique. De l'autre côté, de tels découpages sont nécessaires à des fins statistiques, prévisionnelles et de politique régionale (économique et de l'emploi). Cette situation ne peut être ré- solue que par une séparation des deux approches: 1) Partie IIr chapitre 5. 2) Held 1982c H) et Held 1982g (3). 368 a) Dans la conception officielle du-bassin de main-d'oeuvre, il faut délimiter des espaces pour lesquels des objectifs peuvent être fixés et des moyens mis en oeuvre pour les atteindre. Il faut donc recourir â des zones déjà institution- nalisées ou susceptibles de le devenir. Les développements les plus récents de la recherche en matière de politique ré- gionale ont en effet montré le rôle essentiel de la mise en oeuvre des mesures et de l'identité régionale ^ . Il ne suf- fit donc pas de disposer de bonnes mesures dans de bonnes régions s'il n'y a pas les personnes pour les appliquer ni la volonté de le faire. Les limites de tout découpage géo- graphique devront cependant être gardées à l'esprit. b) La seconde conception repose sur la constatation que l'analyse de la structure et du fonctionnement du marché de l'emploi s'inscrit dans l'espace par le biais de la structu- re des localisations des emplois et de la population, et par l'origine et la destination des flux de main-d'oeuvre. L'existence de limites entre sous-marchés distincts (régions) disparaît, pour faire place à une vision plus complexe. Une région ne possède donc pas un marché régional, mais consti- tue un lieu dans lequel des marchés différents - par le type d'emplois et de main-d'oeuvre concernés, et partant par l'es- pace dans lequel ils s'inscrivent - se superposent et "inter- agissent". C'est aussi un lieu ou les logiques économiques des partenaires au marché s'inscrivent dans des espaces différents, ce qui influence le jeu des rapports de forces. En particulier, les relations entre entreprises et les stra- tégies de mobilisation de la main-d'oeuvre occupent une pla- ce importante. C'est donc surtout un mode de fonctionnement qui permet de définir des espaces et non l'existence de fron- tières. 1) Voir p.ex. M. Bassand (éd.)1981. 369 L'espace local ne constitue alors plus une zone fixe et immuable^ mais un espace significatif (par rapport â l'emploi) pour la majorité des entreprises et des travailleurs. Il de- vient surtout un champ d'observation de flux de main-d'oeuvre, qui ne peuvent être compris qu'au travers des comportements des agents {surtout des entreprises) et de la logique éco- nomique qui les détermine. La notion de marché local (ou régional) de l'emploi n'est alors plus correcte, puisqu' elle est basée sur l'hypothèse de limites précises entre bassins au sein desquels les méca- nismes de marché fonctionnent entre une offre et une demande locale. Le marché national était dans cette conception la somme de n sous-marchés indépendants. Le marché national est au contraire défini comme "une confi- guration spatiale particulière de lieux d'échange plus ou moins interdépendants" (Mallet 1980, p. 136) . Il devient clair alors que l'espace local fait partie d'un seul marché de l'emploi, mais dont les modes de fonctionnement locaux sont différents. Les spécificités du fonctionnement du mar- ché de l'emploi dépendent essentiellement de la constellation d'établissements (définis par le type de postes offerts et par leur situation de marché) localisée dans un espace donné, de la topographie des lieux, des infrastructures, de 1'influ- ence d'autres agents régionaux importants (système de forma- tion, système politique, syndicats, organisations profession- nelles, etc.), de l'identité régionale et de la tradition culturelle. Le marché de l'emploi n'en est plus vraiment un. Les analyses locales ont montré quelles variables, oubliées par les économistes, devaient être réintroduites et quelles conceptions devaient être modifiées. Une constatation similaire a conduit très récemment plusieurs auteurs â remplacer le terme de marché local par celui de "système local de l'emploi" 1) Notamment Mallet 1980, pp. 229-254; Garabier/Vernières 1982, pp. 136- 149; Destefanis 1982. 370 Au stade actuel de la recherche, les analyses parviennent à montrer la nécessité de l'articulation des diverses va- riables, mais pas â les intégrer dans "...un modele compré- hensif que seule une théorie rendant compte des divers modes d'affectation de la main-d'oeuvre est à même de fournir." (Gambier/Verniêres 1982, p. 148). CONCLUSION GENERALE 373 CONCLUSION GENERALE 1. ECONOMIE DU TRAVAIL ET STRUCTURES LOCALES La prise en considération de structures constitue certaine- ment l'une des principales difficultés rencontrées par la science économique. Il en va évidemment de même en économie du travail. Dans le modèle néo-classique, les structures apparaissent surtout sous la forme de structures de prix dé- terminés au sein de sous-marchés géographiques ou catégoriels. Le caractère "a-spatial", "a-historique" et "a-institutionnel" de ce modèle lui confère certainement une validité générale, mais son pouvoir explicatif et prédictif devient par là-même extrêmement limité. En effet, le nombre de variables à prendre en compte est bien plus élevé que celui dont le modèle tient compte, et il n'est pas toujours possible de considérer les processus en termes d'imperfections et de les incorporer au modèle. C'est au niveau local qu'on perçoit le plus claire- ment que les forces du marché ne constituent qu'une variable parmi beaucoup d'autres, et que de nouvelles bases théoriques sont nécessaires. On a alors examiné les travaux des institutionnalistes et des segmentaristes. Les premiers ont mis l'accent sur les forces institutionnelles qui gouvernent souvent l'allocation et la rémunération des travailleurs. Les seconds ont pour leur part mis en évidence la création et la reproduction de discontinui- tés, dont l'existence s'oppose aux hypothèses d'homogénéité et de mobilité du modèle concurrentiel. On ne peut cependant guère parler au sujet de ces axes de recherche de modèles, car adopter une approche institutionnelle et historique s'oppose presque par définition à une formalisation importante. Toutes les tentatives qui ont été faites dans ce sens ont abouti â une image statique et simpliste des processus, la- quelle ne contribuait alors plus significativement à une meilleu- re compréhension de la réalité. Les recherches empiriques ont pour 374 leur part été victimes de cette situation. L'imperfection des mo- dèles à tester et des données traitées explique en bonne par- tie la portée très réduite de leurs résultats. Pour l'analyse de structures locales du marché de l'emploi, à laquelle tendait toute cette recherche, on n'a donc pu rete- nir qu'un état d'esprit - chercher à comprendre les structu- res dans leur contexte propre - quelques hypothèses - telles que celle de l'existence d'une structure des flux de main- d'oeuvre - et concepts - en particulier ceux de chaînes de mobilité et de politiques d'emploi des entreprises - afin d'entamer une investigation empirique personnelle. 2. STRUCTURES LOCALES ET CHAINES DE MOBILITE Le principal résultat de toute la démarche réside certaine- ment dans la mise en évidence de structures locales du marché de l'emploi, qui s'imposent autant aux entreprises qu'aux travailleurs. Cette structuration ne prend généralement pas la forme d'une dualisation simple. Elle n'apparaît d'ailleurs clairement que lorsqu'on considère les comportements de mobi- lité des travailleurs sur les emplois, et plus précisément les flux de main-d'oeuvre entre postes de travail. On peut parler de structures dès que les flux font preuve de perma- nence et de régularité. On a pu montrer que ces flux ne suivent pas des voies aléa- toires. En conséquence, on a proposé d'utiliser le concept de "chaînes de mobilité". Ce concept permet en effet de procéder à une analyse détaillée du fonctionnement du marché de l'emploi dans en espace donné, et ceci pour toutes les catégories de travailleurs et de postes de travail. Pour tenir compte de la main-d'oeuvre féminine et des tra- vailleurs saisonniers, on peut identifier les points d'entrée et de sortie du marché, la durée des relations d'emploi et la précarité des postes. Lorsque les travailleurs ont une vie active complète, c'est par rapport à la notion de carrière que les emplois sont caractérisés. La plupart des travailleurs 375 se stabilisent en effet progressivement au cours de leur vie active, mais dans certains emplois seulement, surtout a la suite de l'acquisition de qualifications spécifiques â une entreprise ou à une industrie, ou à la suite de l'accès à certains emplois sûrs et garantissant une bonne rémunération. Pour les travailleurs sans formation professionnelle et pour ceux dont la qualification n'ouvre l'accès qu'à un nombre d'emplois très restreint et sans perspectives promotionnelles (boulangers, bouchers, coiffeurs, etc.), le début de la vie active est souvent marqué par une forte mobilité et par la pré- carité des emplois occupés. Cette instabilité est due â la fois aux aspirations de ces groupes de jeunes travailleurs (liberté, voyages, voiture, sorties, etc.) et aux politiques de recrutement des firmes, qui refusent fréquemment d'en- gager des jeunes pour occuper des emplois stables. Les entre- prises attribuent ainsi souvent à toute une catégorie d'indi- vidus définis par une ou plusieurs caractéristiques un com- portement qui ne concerne qu'une partie d'entre eux. Les emplois occupés ne semblent guère avoir de succession logique, sinon qu'on en attend une modification des comportements et des aspirations et une expérience de travail en général Dans plusieurs cas, la formation professionnelle ne joue guère de rôle, sauf peut-être si les entreprises pensent que les jeunes qui disposent d'un diplôme sont capables d'acquérir plus rapidement que les autres les qualifications requises. La stabilisation ou l'entrée dans un marché interne devient possible à la fin de cette période. Ces résultats concordent pratiquement avec ceux trouvés par P, Osterman (1980) dans son enquête réalisée dans la région de Boston. Le modèle du double marché du travail rend relativement bien compte de ces situations. L'accent principal de la présente étude a été placé davantage sur les chaînes de mobilité des travailleurs qualifiés, dont 1) P. Osterman (I960, p. 20) utilise le terme Oe "moratorium" pour caractériser cette phase. 376 la forme est le plus souvent ascendante. Des améliorations de statut ou des promotions notables ,peuvent en effet être acquises en changeant d'emploi (donc d'entreprise). Les deux notions centrales deviennent désormais celles d'acquisition et de valorisation de la qualification, l'une et l'autre per- mettant d'améliorer son revenu et son statut Dans le cas de PME - qui sont très nombreuses dans les régions 2) industrialisées à activités spécialisées et techniques - les fonctions d'acquisition et de valorisation de qualification sont en bonne partie dissociées. Elles induisent des flux de main-d'oeuvre entre entreprises. Ces flux diminuent en prin- cipe avec l'âge des travailleurs (l'enquête sur Neuchâtel ne permet cependant pas de l'affirmer). L'enchaînement des emplois occupés par les travailleurs est généralement cohé- rent et traduit des passages privilégiés menant vers de "meilleurs emplois". C'est ce qui différencie le plus les chaînes de mobilité des qualifiés de celles des non-quali- fiés . La mobilité entre entreprises peut aussi s'accom- pagner d'une diffusion de techniques de production ou d'idées nouvelles, qui peut induire une dynamisation du potentiel ré- gional de production. Les conséquences de l'analyse sur la politique de l'emploi et sur la politique régionale sont nombreuses: - La problématique de l'insertion dans la vie active apparaît comme cruciale pour les jeunes qualifiés, afin qu'ils ne perdent pas leurs compétences et même qu'ils parviennent à les améliorer. 1) Il est évident que toutes les professions ne tombent pas dans cette caté- gorie, parce qu'elles ne conduisent pas toutes à des emplois â niveau de qualification plus élevé. On pense en particulier aux services à la population mentionnés ci-dessus. 2) La région de Neuchàtel est partiellement de ce type. 3) Il faut souligner que la main-d'oeuvre qualifié est nombreuse en Suisse et que les emplois non-qualifiés ont très souvent été occupés par des étrangers et des femmes. Ceci explique pourquoi la catégorie des quali- fiés a été privilégiée dans cette analyse. 377 - Les non-qualifiés en revanche devraient pouvoir disposer, lorsqu'ils en expriment vraiment le désir, de possibilités de se stabiliser, notamment en acquérant une formation au sein de l'entreprise et en bénéficiant de possibilités de promotions. Les efforts doivent porter dans ce cas sur les individus qui n'ont pas réussi à se stabiliser avant l'âge de 25 ou de 30 ans, et non pas sur la transition école- emploi. - L'existence d'un nombre suffisant d'emplois d'arrivée pour qualifiés suppose un certain dynamisme économique et l'exis- tence dans la zone d'entreprises ayant des exigences élevées en matière de qualifications. Il est donc difficile S ce ni- veau de dissocier la "gestion des chaînes de mobilité" d'une politique régionale visant à favoriser l'innovation et le développement technologique. - Une telle politique s'inscrit clairement dans une tempora- lité de longue durée. Dans le court terme, et notamment en période de stagnation, voire de crise, des choix risquent de s'imposer quant aux emplois à soutenir. Faut-il privi- légier la formation, l'insertion, la stabilisation ou les promotions? La réponse dépend évidemment du contexte insti- tutionnel (par exemple l'ancienneté constitue le critère de décision principal aux Etats-Unis), mais aussi de la po- litique générale menée dans la région et des spécificités de ses structures. On ne parle intensément de ces problèmes que depuis les années 70, moment à partir duquel la question s'est posée en termes de jeu à somme nulle. En Suisse, la sortie du marché d'étrangers et de femmes a considérable- ment réduit la dimension du problème. Il n'en sera cepen- dant pas de même à l'avenir. - La problématique des chaînes de mobilité conserve aussi toute sa pertinence lorsque se modifient profondément la nature et le contenu des emplois, comme ce fut le cas dans plusieurs branches industrielles à la suite des mutations technologiques qui ont débuté dans les années 70. Il convient 378 dans ce cas d'examiner les "maillons" de chaînes de mobilité, voire les chaînes de mobilité entières, qui sont menacés. Des phénomènes cumulatifs {incidences de l'absence de cer- taines catégories de travailleurs sur des activités non affectées directement par le processus) peuvent en parti- culier apparaître et aggraver la situation. Les mesures à prendre vont évidemment varier selon les cas, c'est-à-dire selon l'ampleur du problème, selon la nature des qualifica- tions touchées et selon l'évolution différentielle de l'emploi dans les divers secteurs d'activité. La constante parmi ces mesures réside dans le fait qu'il faut chercher, par tous les moyens, à préserver le potentiel de développe- ment régional, à éviter les phénomènes de déstructuration et surtout à remplacer les activités en déclin par des activités nouvelles. Ceci porte le problême au niveau des entreprises, parce qu'on ne peut remplacer en période de crise un grand nombre d'emplois menacés par un nombre suffi- sant d'emplois créés dans des activités nouvelles. Un sou- tien temporaire d'entreprises en difficultés peut ainsi s'avérer indispensable. Ceci suppose cependant que la poli- tique régionale constitue l'une des pierres d'angle de l'édi- fice que forme une politique industrielle nationale (stimu- ler le développement national en dynamisant les potentiels régionaux de développement). La mobilité de la main-d'oeuvre est dans cette conception une condition pour un bon fonction- nement du marché de l'emploi et non un remède aux déséqui- libres interrégionaux. Si l'on n'adopte pas l'ensemble de cette vision, un conflit d'objectifs entre nation et ré- gions est imminent. La recherche d'équilibres locaux réduit alors le niveau d'équilibre global et l'efficience du système - Le même schéma peut servir à étudier les modifications dans le temps des catégories de main-d'oeuvre occupant certains groupes d'emplois. C'est évidemment l'examen des groupes 1) Voir à ce propos Held/Maillat 1983 (Partie I, chapitre 10). 379 d'individus occupant des emplois de mauvaise qualité qui est le plus répandu dans la littérature: main-d'oeuvre ru- rale, immigrants, minorités, femmes, etc. . On entre par là dans le domaine de l'analyse de l'offre de travail, qui n'a guëre été abordée dans cette étude. Cette analyse est sans aucun doute passionnante, mais réclame une perspective historique bien plus longue. Elle introduit aussi une di- mension sociologique et politique. Ses implications en ter- mes de politique de l'emploi sont délicates, parce que tout le problème du changement économique et social est sous- jacent à ce débat. Dans tous les cas, l'analyse en termes de chaînes de mobilité permet de révéler des phénomènes de structuration évidents, On préfère ce terme à celui de segmentation, parce que l'idée de discontinuités s'y trouve représentée, que la forme de la segmentation n'est pas postulée a priori, que l'on est plus loin de la notion de sous-marchés strictement compartimentés, qui conduit souvent à une vision simpliste et statique de la réalité et que l'on peut introduire dans la démarche l'agent "entreprise". 3. STRUCTURES LOCALES ET ETABLISSEMENTS Même si le concept de chaînes de mobilité apparaît comme très satisfaisant au niveau local, on ne peut pas pour autant arrê- ter l'analyse à ce stade-là. En effet, les emplois ne peuvent être dissociés des établissements dans lesquels ils se trou- vent. S'il est possible de ne considérer que des agrégats dans une analyse globale (nationale), tel n'est plus le cas lorsqu'on adopte une perspective locale. C'est ainsi que les meilleurs emplois peuvent disparaître d'une région en cas de fermeture d'un seul établissement, par exemple dans le cadre de mesures de restructuration survenant au sein d'une grande entreprise. Par ailleurs, c'est au niveau de l'établisse- ment ou de l'entreprise que sont fixées les caractéristiques 1) Voir p.ex. piore 1979 et Sabel 1982. 380 des postes {règles d'accès, rémunération, conteriu, perspecti- ves promotionnelles, etc.). Enfin, on constate au niveau lo- cal combien il est difficile de parler, comme les économistes aiment tant le faire, des comportements des entreprises en général. Il faut en effet s'intéresser aux particularités de ces comportements et à la manière dont les entreprises s'in- tègrent dans la structure locale et s'adaptent au changement. Dès qu'une zone dépasse une certaine taille, il n'est cepen- dant plus possible de considérer chaque établissement un à un. Il convient de tenter de les regrouper de la mainère la plus pertinente possible. On construit alors une typologie.- Le critère qui a été retenu dans cette étude est la position des établissements sur les diverses chaînes de mobilité, en d'autres termes le type de postes qu'ils offrent. L'intérêt d'une typologie des établissements réside surtout dans une simplification notable de la démarche analytique et dans la possibilité de représenter le marché de l'emploi comme un système d'établissements entre lesquels (et au sein des- quels) les travailleurs changent d'emploi dans un ordre pré- visible. Il semble même possible, d'après les résultats de l'analyse, d'affecter les établissements à l'un ou l'autre des types à l'aide d'un petit nombre d'indicateurs simples. Si ce résultat était confirmé par d'autres études, cela sig- nifierait qu'il ne serait plus nécessaire de procéder à tou- tes les phases de la démarche pour obtenir une bonne repré- sentation de la structure et du fonctionnement du marché de l'emploi. Un bon cadrage historico-statistique - par exemple à l'aide d'une comptabilité locale de l'emploi - semble cepen- dant constituer une condition pour l'obtention de résultats fiables et comparables dans le temps et entre régions. Il faut enfin signaler que les difficultés liées à une dynamisa- tion de l'analyse sont apparues comme solubles. Au-delà de la vision fonctionnelle qui est livrée par la métho- de et par les concepts préconisés ci-dessus apparaissent en- core des phénomènes de hiérarchisation entre établissements. 381 C'est la problématique des situations de marché qui a été dé- veloppée dans la dernière partie. La nature des relations entre établissements dans un espace donné dépend de la structure des localisations. L'entente, la complémentarité et des poli- tiques de mobilisation de la main-d'oeuvre sont les plus fréquentes dans des espaces à tissu industriel dispersé. La concurrence s'observe surtout dans des zones urbaines ou in- dustrielles concentrées, dans lesquelles les emplois sont re- lativement homogènes. Enfin, les relations de domination/dé- pendance surviennent souvent lorsqu'un grand établissement vient s'implanter dans une région et applique une grille de salaires uniforme au sein de l'entreprise ou qu'il offre de meilleures perspectives de promotions et de stabilité qui le rendent plus attractif aux yeux de la main-d'oeuvre et lui permettent de sélectionner à l'embauche. La prise en considération des situations de marché des établis- sements permet d'introduire à la fois une perspective explica- tive et une dimension spatiale. Son utilisation dans l'analyse a été prévue de manière complémentaire aux développements re- latifs aux chaînes de mobilité. Une inversion de la démarche est cependant opportune lorsque les flux sont peu nombreux ou entièrement polarisés par une seule grande entreprise. 4. DES PRCMESSES ET DES QUESTIONS La construction de typologies constitue une première étape dans la voie de la proposition d'un modèle général d'analyse de la structure et du fonctionnement du marché de l'emploi. Certains lecteurs considéreront - probablement avec raison - que les typologies proposées sont encore beaucoup trop complexes. On a vu que des simplifications sont possibles selon le problême à étudier. Dans certains cas, on se contentera même du schéma dualiste. Il semble cependant prématuré de procéder à de tel- les simplifications à une large échelle, parce que deux questions restent en suspens: - Dans quelle mesure les typologies proposées sont-elles valables dans d'autres espaces {régions ou pays)? 382 - Comment les structures locales se modifient-elles dans le temps, notamment lors de périodes de mutations technolo- giques et structurelles? D'autres travaux dans ce sens sont donc encore nécessaires avant que l'on puisse envisager d'une part la constitution d'un modèle général qui tienne compte des particularités lo- cales, et d'autre part la réalisation d'études locales dont les résultats aient une portée générale. Il semble cependant que le concept de "système local de l'emploi" soit particu- lièrement prometteur pour atteindre un tel objectif. Le chômage, qui préoccupe les économistes du travail et les "macro-économistes" depuis plusieurs années, n'a pas été re- tenu dans cette analyse, parce qu'il ne s'agissait pas, au moment oü la recherche a été réalisée, d'un problème écono- mique important en Suisse. Il semble à première vue que la méthode permette d'incorporer sans trop de difficultés le phé- nomène du chômage et la mobilité descendante qui lui est sou- vent associée, mais il faudrait évidemment le vérifier em- piriquement. Dans tous les cas, nous pensons que cette étude, qui avait pour but de proposer des concepts et une méthode simple d'ana- lyse de structures locales devrait contribuer à une meilleure compréhension de la réalité. Malgré la longueur du chemin qui reste à franchir, il semble que la démarche poursuivie ici ouvre des horizons nouveaux tant pour la recherche que pour la mise en oeuvre de politiques locales de l'emploi plus efficaces. ANNEXES 385 ANNEXE 1: LE TABLEAU POSTES/QUALIFICATIONS La combinaison des types de postes et des niveaux de qualifi- cation permet de former un tableau qui se présente de la ma- nière suivante: Tableau 1; Forme du tableau postes/qualifications ^^ —^^Niveaux de quali-m. J I II II I HIl Types de postes * -^^^ Q1-Q3 -Q7 Structure <3es postes ?1 ? i PlO X n-.'X ij-'-X 17 X ir-.X tj."X i7 X10I"-X1Qj.-.X1Q7 x v X i-x10- Structure des qualifications x .l"-x .]"-x .7 X . . Sur la base des informations quantitatives et qualitatives recueillies, chaque case du tableau (Xij) a été évaluée selon son importance relative dans chaque établissement. Une notation qualitative (établie à partir des informations recueillies, tant quantitatives que qualitatives) constituait le seul moyen utilisable pour apprécier l'importance de cha- que case. La notation a été effectuée sur une base de 10 points pour chaque colonne. Un point signifie qu'environ 10% des travail- leurs du niveau de qualification j occupent un emploi de type l. Les scores obtenus ont ensuite été pondérés par la structure des qualifications, de manière â donner une image correcte de l'importance de chaque case. La méthode utilisée peut paraître très subjective,dans la me- sure ou l'enquêteur a lui-même, sur la base d'un ensemble d'informations, procédé à la notation du tableau. 386 Cependant, cette méthode était pour plusieurs raisons Xa seule utilisable au stade actuel de la recherche dans le domaine: - Il n'existe pas de combinaison d'indicateurs reconnue pour déterminer une typologie des établissements. - La part de subjectivité dans une analyse sur la base d'in- dicateurs est en fait au moins aussi importante que celle qui a caractérisé cette démarche (choix et combinaison des indicateurs). - La fiabilité des statistiques et des autres données quanti- tatives est souvent surestimée. Seule une bonne connaissan- ce des entreprises permet d'y remédier. - Il est plus difficile de formaliser un modèle a priori que de procéder â une appréciation qualitative de la répartition de l'emploi entre les divers types de postes. Par ailleurs, le fait de ne pas préparer directement le ta- bleau traité', mais de le pondérer par la structure des quali- fications, réduit la part dé subjectivité de la méthode de codification. Il est en effet très difficile de construire a priori une typologie d'établissements sur un tableau non pon- déré et de biaiser ainsi la notation, car les ordres de gran- deur ne sont pas respectés. Le tableau de base comprend, pour chaque entreprise, 70 varia- bles (10 types de postes x 7 niveaux de qualification). La valeur de la variable ij (ou de la case ij du tableau) pour l'observation k correspond à la proportion de l'emploi de la firme k dans le type de poste i et pour le niveau de qualifi- cation j. Le total des lignes (X1.) D correspond à l'impor- tance relative du type de postes i., tandis que le total des colonnes (X.j) 2) représente la structure des qualifications. Par la pondération qui a été effectuée, le tableau de notes 1) X1. = E X1J, i = 1,10 i 2) X.j = E Xi;j, j = 1,7 387 initial (valeur de 70 pour chaque entreprise) a été trans- formé en tableau de fréquences, exprimé en pourcentage. Chaque observation possède donc un poids similaire. Une entreprise de 1'00O personnes est traitée comme une entreprise de 25 personnes. Ce choix a été imposé par l'objectif de l'ana- lyse, qui consiste à mettre en évidence des structures d'emploi typiques. La forme et la structure du tableau postes/qualifications pour l'ensemble des établissements de l'enquête sont présen- tées dans le tableau 2. Des scores nuls dans 5 cases du tableau ramènent le nombre de variables à 65. Tableau 2: Importance relative de chaque variable du tableau postes/qualifications (enquêtes) ^\pualificatlons % Typea de postes «\^ Cadres moyens et supérieurs m a U m m c U 4J 1 a -h ¦* (U 01 U -"W-H c CJ c « > .C c c h -I 3 4J Cadres inférieurs Qualifiés administratifs Qualities production (ou activité principale) Non-qualifiés hommes m O ¦H IU ¦H r4 et f.j). 398 Lorsqu'elle est appliquée à des fréquences, elle accorde au contraire à des variables, dont les valeurs mêmes consti- tuent un élément d'information essentiel, une importance simi- laire. Elle est de ce fait particulièrement sensible à des variables secondaires, mais très inégalement réparties entre les observations. Pour éviter cet inconvénient et s'approcher le plus possible des résultats auxquels on aurait abouti en traitant des ef- fectifs (forme habituelle des données statistiques), on a eu recours ici à la distance euclidienne (analyse en composantes principales) Les données n'ont pas été réduites. En effet, l'unité de mesure (fréquence) est partout similaire et la dispersion d'une variable constitue un élément d'information intéressant. 3. LA CLASSIFICATION AUTOMATIQUE 3.1. Principales méthodes ^) Les résultats des analyses factorielles, présentés sous forme graphique, ne permettent guère d'identifier des groupes de points homogènes. Dans un espace à deux dimensions (deux fac- teurs) , il est déjà très difficile de dire à quel groupe ap- partiennent les points. Cette difficulté augmente encore lors- que l'on considère simultanément plusieurs dimensions (ou fac- teurs) . Il convient donc de trouver une méthode destinée à re- grouper les points en paquets aussi homogènes que possible: l'ensemble des méthodes construites dans ce but sont les mé- thodes dites de classification. 1) Compte tenu des données utilisées (une observation est exprimée sous la forme d'un vecteur à m fréquences), la distance retenue est de la forme : m d2 (fai, £bi) = E (fai - *bi>2 i o 1 2) Pour un exposé détaillé de ces méthodes, on peut consulter: Chandon/ Pinson 1981, Lebart/Morineau/Fénelon 1979 (pp. 381-405), Guigou 1977 (pp. 69-125), Chardon 1981 (pp. 33-102). 399 De nombreuses méthodes ont été mises au point, sur une base manuelle d'abord, destinées à des utilisations sur ordinateur ensuite (classification automatique). Deux groupes de métho- des fondamentalement différentes existent en matière de clas- sification automatique: - les méthodes hiérarchiques, - les méthodes de partionnement. Dans les méthodes hiérarchiques, on cherche à regrouper les n objets en une hiérarchie de classes, de maniere à ce que les éléments d'une sous-classe présentent une similitude en- tre eux plus grande que les éléments d'une classe {degré d'homogénéité). Une telle hiérarchie peut être construite par agglomération (classification hiérarchique ascendante) ou par division selon l'attribut le plus discriminant (analyse de segmentation, analyse discriminante}. La plupart des méthodes divisives sont monothétiques (un seul attribut, interne ou externe). Les méthodes de partitionnement s'utilisent quant â elles pour regrouper n objets en m classes homogènes et aussi dif- férenciées que possible. Elles sont toutes basées sur l'en- semble des attributs {méthodes polythétiques). Pour aboutir â une typologie, les méthodes doivent toujours utiliser des critères internes (ou endogènes) et constituer des classes homogènes sur la base de l'ensemble des attributs. Les méthodes hiérarchiques descendantes doivent donc être éliminées. Restent alors les méthodes hiérarchiques ascendan- tes et les méthodes de partitionnement -*¦'. 1) Plusieurs de ces méthodes sont relativement lourdes du point de vue du temps de calcul nécessaire. Or, lorsque les tableaux sont grands, plu- sieurs méthodes deviennent inutilisables. Des méthodes simplifiées et rapides ont alors été constituées. Elles ne permettent cependant pas d'obtenir des résultats aussi précis. Dans la mesure où tous les ta- bleaux qui ont été traités dans l'étude sur Neuchâtel étaient petits (au maximum 164 observations et 65 variables), seules les méthodes les plus complexes ont été considérées. 400 Chacune de ces méthodes réclame d'ailleurs plusieurs options de la part du chercheur, lesquelles peuvent influencer forte- ment les résultats. Il s'agit des choix de la distance et de la stratégie d'agrégation dans le premier cas, des choix de la distance, de la partition initiale et du nombre de classes à former dans le second. Le problême de la distance se pose ici dans des termes compa- rables à ceux relevés dans le cas de l'analyse factorielle (nature des données) *¦'. Précisons cependant que d'autres distances sont utilisées (Minkovski, Rüssel et Rao, Sokal et Michener). 3.2. La classification hiérarchique ascendante Le principe de l'algorithme d'une classification hiérarchique ascendante est le suivant: A chaque itération, deux classes sont fusionnées. Le nombre de classes, équivalent au nombre d'objets (n) au départ, di- minue alors d'une unité, pour aboutir après n-1 itérations à une classe unique qui comprend tous les éléments. Les regroupements se font à chaque étape sur la base de la plus petite distance entre deux classes. Toutes les distances sont recalculées à chaque étape. Les résultats sont générale- ment représentés sous la forme d'un arbre hiérarchique, qui permet de visualiser la manière dont se structurent les don- nées et d'apporter une idée du nombre de classes â constituer. On n'arrive cependant pas de la sorte à définir une partition optimale en k classes. En outre, si une "mauvaise classe" est formée, il n'y a pas moyen de la modifier. L'erreur influen- cera alors l'ensemble des résultats. Au vu de ces limites, il apparaît a l'évidence que cette mé- thode ne peut être utilisée isolément. Les informations qu'el- le apporte sur la structuration des données et sur le nombre approximatif de classes à constituer, ainsi que la possibilité 1) La distance euclidienne a donc été utilisée dans tous les cas. 401 d'utiliser les éléments leaders des branches de l'arbre pour définir la partition initiale d'une méthode d'échange, suffi- sent cependant pour justifier le recours à cette méthode. Les diverses stratégies d'agrégation disponibles conduisent à des résultats souvent fort différents. C'est ainsi que cer- taines méthodes contractent l'espace (les objets sont inté- grés le plus possible dans des groupes déjà existants plutôt que de former des nouveaux groupes-chaînage simple}, d'autres le dilatent (les classes sont artificiellement différenciées les unes des autres par la constitution de nombreux groupes compacts-chaînage complet et méthode de Ward), les dernières enfin conservent dans l'ensemble les distances (chaînage moyen). Ces distinctions sont importantes, car elles permettent de mieux apprécier les résultats et de choisir, par rapport aux objectifs fixés, la stratégie â utiliser 1K Cette méthode ne permet pas d'arriver à une typologie parfai- te avec affectation optimale de tous les éléments. Les résul- tats contiennent cependant un certain nombre de groupes homo- gènes dont l'existence est très probable, et un certain nom- bre de cas particuliers difficiles à classer. L'utilisation de cette méthode est donc d'un intérêt certain si elle s'inscrit dans l'ensemble de la démarche. 1) Une stratégie de chaînage simple, en regroupant les classes en fonc- tion de la plus petite distance entre deux éléments de ces classes, conduit à former plutôt des groupes allongés. On risque ainsi d'ou- blier un certain nombre de classes importantes. Cet inconvénient n'existe pas si les classes à former sont nettement différenciées les unes des autres. Dans la phase initiale de la construction d'une typologie, le recours à une méthode dilatant l'espace entre classes aurait risqué de con- duire à retenir des classes inexistantes. C'est donc la méthode con- servante (chaînage moyen) qui a été utilisée. 402 3.3. Les méthodes de partitionnement A l'aide d'une méthode de partitionnement, on cherche à clas- ser des objets en n groupes, formant la partition la meilleu- re possible (c'est-à-dire celle qui fournit les classes les plus homogenes). Une partition optimale n'est pas envisagea- ble, car il faudrait tester toutes les partitions possibles. Certaines méthodes heuristiques permettent de s'approcher de cet objectif. Parmi celles-ci, la méthode d'échange selon KHEAN s'est révélée la plus pertinente. Les méthodes de partitionnement ne sont cependant utilisables que si l'on connaît approximativement le nombre de classes à constituer et si l'on dispose d'une fonction objectif permet- tant de mesurer la qualité d'une partition. Cette fonction objectif se réfère au calcul de variances. On peut démontrer (théorème de Huyghens) que la variation du nuage (ou moment d'ordre 2) est égale â la somme des varia- tions entre les classes et des variations dans les classes. On peut passer de cette égalité, par la division par le nom- bre d'éléments du nuage, S une relation entre les variances (V): V2 total = v2 inter + ^ intra avec V2inter = variance inter-classes V2intra = variance intra-classes. La variance totale est une caractéristique du nuage indépen- dante de la partition retenue. Les fonctions-objectif peuvent consister soit dans une maximisation de la variance inter- classes, soit dans une minimisation de la variance intra- classes. L'algorithme de KMEAN consiste à améliorer pas à pas une par- tition initiale jusqu'à l'obtention d'un optimum local du critère V inter /V2 intra (fonction-objectif). 403 La partition initiale, aléatoire ou donnée à partir des résul- tats d'autres analyses, est modifiée à chaque étape. Pour chaque élément, on cherche le centre de gravité le plus proche (avec la mesure de distance choisie), on réaffecte si nécessaire l'observation à la classe correspondante (condi- tion: la modification entraîne une diminution - si l'on mini- mise V2intra - ou une augmentation - si l'on maximise V2 inter - de la fonction-objectif), puis on calcule les nouveaux cen- tres de gravité. A la fin de chaque itération, la fonction- objectif est recalculée. La classification s'arrête si l'on ne trouve plus d'éléments à réaffecter. Avec cette méthode, les classes sont toujours convexes et le nombre de classes est égal au nombre donné au départ (pas de classes vides). C'est donc cette méthode qui a été employée dans toutes les analyses de classification effectuées dans le cadre de la re- cherche sur Keuchatel. 404 ANNEXE 4: LE FONCTIONNEMENT DU MARCHÉ DE L'EMPLOI AU NIVEAU LOCAL: PRÉSENTATION DE QUELQUES ÉTUDES DE CAS 1. INTRODUCTION Il n'existe qu'un petit nombre d'études effectuées en Europe à un niveau géographiquement limité,dont l'objectif principal a consisté en l'étude approfondie du fonctionnement du marché de l'emploi et dont les résultats ont une certaine portée théorique. Il est évident que de nombreuses études ont été effectuées au niveau local, en vue de tester des modèles bien particuliers. Utilisant alors des informations existantes, elles n'ont que très occasionnellement donné lieu à l'élaboration de nouveaux concepts. D'autres ont porté sur des aspects particuliers (re- lations emploi /formation, politique d'emploi des entreprises, division spatiale du travail, salaires, qualifications, etc.). Les études qui ont été retenues ici peuvent être réparties en trois groupes: a) Celles qui avaient pour but d'analyser le fonctionnement du marché de l'emploi sur la base d'une analyse de flux de main-d'oeuvre et des comportements de mobilité en général. b) Celles dont l'objectif consistait en une vérification d'hy- pothèses de la théorie de la segmentation. c) Celles qui visaient un élargissement des concepts et une amélioration des outils d'analyse du fonctionnement du mar- ché de l'emploi, dans lequel l'entreprise constitue l'agent principal considéré. Les travaux retenus sont les suivants: a) Etudes portant sur les flux de main-d'oeuvre - Institut für Sozialwissenschaftliche Forschung (ISF, Mün- chen) : 405 • Le bassin d'emploi d'Augsburg (1) - Centre d'Etudes de l'Emploi (C.E.E., Paris): * Le bassin de main-d'oeuvre d'Annecy (2) - Le bassin de main-d'oeuvre de Compiëgne (3) b) Etudes de fonctionnement sur la base des hypotheses de segmentation - F. Stoeckel (L.E.S.T., Aix-en-Provence): * Entreprise et flux de main-d* oeuvre : un essai d'applica- tion dans les Bouches-du-RhOne (4) - Biehler/Brandes/Buttler/Gerlach/Liepmann (Paderborn/Hanno- ver) : . Analyse comparative de la segmentation dans deux régions- test (5) - Keil (Paderborn/Oviedo): • Capacité fonctionnelle du marché du travail en Asturie (6) c) Etudes méthodologiques visant un élargissement des concepts et une amélioration des outils d'analyse - Mission d'Etudes pour l'Aménagement de la Basse Vallée de la Seine (M.E.B.S., Rouen): ¦ Le cas de Rouen (7) Les caractéristiques de ces diverses études sont présentées sous forme synthétique dans un tableau. Ceci permet de se faire une idée des approches différentes pour un thème donné, ou de saisir la structure de chaque étude dans sa globalité. Les thèmes qui ont été retenus sont les suivants: 1) Auteurs. 2) Publications. 3) Période pour laquelle des informations ont été récoltées et description rapide du contexte. 4) Objectifs fondamentaux, 406 Tableau 4: Caractéristiques des études locales citées 1 2 Etude Le bassin d'enploi JW l'emploi pa a> ^^ ¦o 100 C O g O) rr 3 "-* 3 ta O > lice LL UJ & P ^ I -R -S _ M __w 1 r«- S 8 8 S O <0 416 3.3. La structure de l'emploi Les données quantitatives concernant l'emploi sont présentées dans le tableau 5. Pour l'essentiel, on peut en retenir les éléments suivants: - Près d'une personne sur trois était une femme {une sur qua- tre dans les questionnaires (Q)), et une personne sur quatre était d'origine étrangère. - Les jeunes de moins de 20 ans représentaient pour leur part 4,3% de l'emploi, auxquels peuvent être ajoutés, dans le but de rendre compte de l'emploi total des jeunes, 3,0% d'em- plois de formation. - Un travailleur sur trois (un sur quatre dans les Q) n'avait pas, au cours des dix dernières années, changé d'emploi (au sens d'un changement d'entreprise). - L'encadrement moyen des entreprises s'élève à 16,8%, répar- tis assez également entre cadres moyens et supérieurs et cadres inférieurs. Dans les questionnaires, cette pro- portion est mSme plus élevée, notamment pour les cadres in- férieurs , mais des phénomènes statistiques liés à la taille influencent les résultats. - Les salariés hautement qualifiés non cadres ne représentent qu'un peu moins de 2% des effectifs. - Plus d'un travailleurs sur trois fait partie de la catégo- rie des qualifiés. Cette proportion est significativement plus faible dans les Q que dans les enquêtes (E). - Les hommes de la catégorie semi- et non-qualifiés représen- tent près de 22% des effectifs (23% dans les Q). - La proportion de femmes de la catégorie semi- et non-quali- fiés atteint 19%, mais diffère considérablement entre E et Q. - Les postes de formation concernent 3,0% du total des em- plois, mais 5,6% dans les Q et seulement 2,7% dans les E. 417 Tableau 3 : Caractéristiques de l'échantillon Caractéristiques Enquêtes Questionnaires Total E + Q Nombre d'établissements Effectifs (1) Taille moyenne 81 20-236 189,5) 250 83 2 "106 (10,5) 25 164 22'342 (100,0) 136 Emploi 1970/1979 Emploi 1974/1979 1,OS 1,13 0,99 1,06 1,05 1,12 Emploi industriel (*) Emploi construction (*) Emploi tertiaire (%) 59,0 5,4 33,3 41,4 11,4 47,2 56,9 6,3 44,9 Cadres supérieurs (%) Cadres Inférieurs {*) Ingénieurs (¾) Qualifiés <%) SNQ-H (%> SNQ-P (%) Autres (%) Apprentis (î) 8,2 8,1 1,8 35,7 21,7 19,4 6,4 2,1 9,3 11,6 2,2 30, 6 23,1 12,6 7,9 5,6 8,4 8,4 1,9 35,2 21,8 18,7 6,6 3,0 Jeunes (*) {-âe 20 ans) Femmes (%) Etrangers (%) Ancienneté (%) (+de IO ans 4,3 31,6 24,4 33,8 4,1 25,7 24,1 26,1 4,3 31,0 24,4 33,1 Rotation Rotation 1ère année Rotation cadres Rotation qualifiés Rotation SNQ 15,5 37,9 6,5 14,0 18,9 24,4 45,1 fi.9 18,2 27,0 16,3 39,0 6,6 14,4 19,5 Recrut-, cadres/Dép.cadres 0,82 0,98 0,82 Recrutements régionaux Départs régionaux 65,2 48,4 64,3 Sl,0 65,1 48,5 418 - Enfin, on peut ranger 7% des effectifs dans la catégorie Autres. Ainsi, plus de la moitié du personnel des établissements fait partie de l'encadrement ou de la catégorie qualifiés, 40% sont occupes à des taches semi- ou non-qualifiées, le solde se répartissent entre la formation et les autres caté- gories (saisonniers, personnel à domicile, auxiliaires, etc.). La comparaison entre les populations des enquêtes et du ques- tionnaire montre leur complémentarité et l'existence d'un effet taille dans le taux de rotation et le rapport "recru- tements/départs" pour les cadres {intensité des promotions). 419 BIBLIOGRAPHIE ABBOT, L.F., Theories of the Labour Market and Industrial Employment, (1980) Industrial Systems Research, The Printroom, Manchester, 1980. AGLIETTA, M., Régulation et crise du capitalisme, Calmann-Lévy, Paris, (1976) 1976. AGLIETTA, M., Panorama sur les théories de l'emploi, in R.E. no 1, (1978) Vol. 19, no 1, janv. 1978, pp. 80-119. 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