UNIVERSITÉ DE NEUCHATEL FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES ÉCONOMIQUES STRUCTURE DES SALAIRES ET OFFRE DE MAIN-D'ŒUVRE THÈSE présentée à la Section des sciences économiques, politiques et sociales de la Faculté de droit et des sciences économiques pour obtenir le grade de Docteur es sciences économiques par DENIS MAILLAT 1968 IMPRIMERIE CENTRALE S.A., NEUCHATEL M. Denis MAILLAT est autorisé à imprimer sa thèse rfc doctoral en sciences économiques « Structure des salaires et offre de main-d'œuvre ». Il assume seul la responsabilité des opinions énoncées. Le doyen de la Faculté de droit et des sciences économiques François Clerc STRUCTURE DES SALAIRES ET OFFRE DE MAIN-D'ŒUVRE A ma femme INTRODUCTION Depuis une vingtaine d'années, la caractéristique principale des écono- mies industrialisées a été leur croissance régulière, accompagnée de faibles taux de chômage ou du plein-emploi1, Les disponibilités en main-d'œuvre ont été déterminantes dans la vitesse du taux de croissance des différentes économies. C. Kindleberger a montré dans un récent ouvrage 2 que les pays européens qui ont connu Voffre de main-d'œuvre la plus forte sont ceux dont l'économie a crû le plus rapide- ment. Ce volume de main-d'œuvre a été le résultat, soit d'un accroissement naturel élevé de la population, soit d'un transfert de Vagriculture vers Vindustrie et les services (France, Allemagne, Italie), soit, le plus souvent, de Vimmigration provenant des pays méditerranéens. Grâce à cette offre de main-d'œuvre, il a été possible de reculer constam- ment le niveau du plein-emploi et d'éviter un blocage de la croissance par Vapparition de trop sérieux goulots d'étranglement. Certes, l'offre de main- d'œuvre n'est pas capable à elle seule d'amorcer le processus de croissance, mais une fois ce processus déclenché, elle est capable de le soutenir et de le favoriser 3. Des taux élevés de croissance, écrit C. Kindleberger, sont possibles aussi longtemps que Voffre de main-d'œuvre demeure fluide. Il n'y a pas de gou- lots d'étranglement. La forte croissance s'arrête quand Voffre de main- d'œuvre devient rigide. A ce point, les salaires et les prix augmentent, les profits et les investissements diminuent, le taux de croissance s'affaiblit et devient irrégulier 4. Cest ce qui s'estpassê en Europe entre 1961 et 1963. Parmi les facteurs qui ont contribué à freiner Vimmigration, C. Kindleberger signale la cons- truction du mur de Berlin en 1961, la croissance du nationalisme qui a 8 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION conduit la Suisse à stopper Vimmigration et la Grèce à diminuer l'émigra- tion, ainsi que le manque de qualification des immigrants5. Or, si Voffre de main-d'œuvre a des effets sur la rapidité de la croissance, elle en a également sur la structure des salaires et, par l'intermédiaire de cette structure, sur la redistribution de la main-d'œuvre entre les diverses branches d'industrie. La structure des salaires est Ie reflet du marché du travail qui est composé d'un certain nombre de marchés particuliers plus ou moins reliés les uns aux autres. Les défauts de transparence entre ces marchés et, d'une manière générale, l'inexistence d'une concurrence parfaite entraînent des prix différents pour un travail considéré comme identique. Comme il est impossible d'étudier toutes les différences de salaires, on ne retient, en général, que les différences dues à la qualification, au sexe, à Vâge, à l'industrie, à la région et à l'entreprise. Nous avons, dans cette étude, porté notre intérêt sur les différences salariales entre branches d'industrie. C'est, en effet, par l'intermédiaire de ces différences que l'on peut le mieux décrire les mouvements de main- d'œuvre entre branches. Les facteurs qui agissent sur l'évolution de la structure des salaires sont multiples. Sckématiquement, on peut les classer en deux catégories : les forces du marché (offres et demandes de main-d'œuvre) et les facteurs institutionnels (syndicats ouvriers et patronaux, Etat). On entend par forces du marché, le jeu des offres et des demandes individuelles de main- d'œuvre. Même là où existent les facteurs institutionnels, les individus ont des comportements particuliers qui ne sont pas nécessairement reliés aux comportements des groupes. Le travailleur individuel est, entre autres, libre de changer d'emploi quand bon lui semble. Quant à l'entrepreneur, il peut engager qui il veut et pas nécessairement au taux de salaire fixé par conven- tion collective. Bien que n'agissant pas selon la théorie marginale pure, les entrepreneurs savent ou sentent quand il vaut la peine de continuer à engager de la main-d'œuvre et quand il faut changer les combinaisons productives. Les forces institutionnelles ont pour effet de soustraire le mar- ché à l'action des forces de la concurrence. Les syndicats, aussi bien que les gouvernements, agissent dans le sens d'une limitation INTRODUCTION 9 de la concurrence et, de ce fait, les différences de salaires ont tendance à se réduire. Nous avons, dans un premier chapitre, analysé Vinfluence de ces fac- teurs sur révolution des diverses disparités salariales. La délimitation de leur impact respectif n'est pas toujours aisée. Ni les forces du marché, ni les facteurs institutionnels n'agissent indépendamment les uns des autres. Toutefois, dans le temps, les forces du marché agissent avec plus de persis- tance que les facteurs institutionnels. L'étude de Vinfluence respective de ces deux catégories de facteurs permet de conclure que les forces du marché expliquent les fluctuations de la dispersion des salaires (effet dynamique), alors que leur conjonction explique la raison de la plus ou moins grande dispersion des différences salariales (effet statique). Il apparaît que la dispersion des différences de salaires fluctue, à court terme, en fonction du niveau de Vemploi. En ce qui concerne la structure des salaires entre branches, la dispersion s'élargit quand le marché de /'em- ploi est souple, elle diminue quand le marché est tendu. Avant d'expliquer le mécanisme par lequel s'opèrent ces fluctuations, nous aimerions mentionner que notre analyse n'a pas toujours été facile en raison du manque de données statistiques valables. C'est, en effet, devenu un lieu commun que de signaler la pauvreté des statistiques éco- nomiques suisses. L'absence de statistiques nous a obligé à restreindre notre analyse au secteur des industries manufacturières uniquement. Si les données sur les salaires sont disponibles pour d'autres branches dans d'autres secteurs, ce n'est pas le cas des statistiques annuelles sur la main- d'œuvre (enquête de septembre sur les fabriques) 6. Ces statistiques d'ail- leurs nécessitent une grande prudence dans leur emploi. L'enquête de septembre sur les fabriques n'est pas exhaustive; seuls les ouvriers soumis à la loi sur les fabriques sont recensés. Nous pouvons néanmoins admettre que ces statistiques, bien que quantitativement sujettes à caution, sont quali- tativement significatives : elles indiquent les grandes lignes de l'évolution. Afin d'éviter de trop graves erreurs d'interprétation, nous avons, chaque fois qu'un doute subsistait quant à la tendance, tenté des vérifications en utilisant d'autres sources ou en effectuant des comparaisons avec d'autres pays. A cet effet, les statistiques publiées par l'OCDE nous ont été d'une grande utilité. 10 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Avec les données à disposition, ih est évident que l'utilisation des corré- lations n'est pas rentable, car il est souvent impossible de savoir si l'absence ou l'existence d'un lien entre deux phénomènes est due au phénomène lui- même ou à la mauvaise qualité des données. Nous avons abondamment procédé par comparaison. Dans la mesure où un phénomène a été constaté et expliqué dans d'autres pays, nous avons repris Vexplication pour le même phénomène observé en Suisse. Naturelle- ment, cette méthode ne permet pas de pousser très profondément Vanalyse au niveau sectoriel: elle reste une méthode d'explication globale. De ce fait, nous n'avons pas pu nous dégager dans nos explications d'un certain schématisme qui a certainement été encore renforcé par la technique du raisonnement basé sur un modèle à deux secteurs. Nous avons, dans la mesure du possible, tenté de nuancer notre analyse, mais nous n'y avons réussi qu'imparfaitement. L'évolution des différences salariales entre branches d'industrie: 1959-1966 Le classement des différentes branches par niveau de salaires a été stable, du moins jusqu'en 1961-62. Par la suite, quelques changements se sont produits, mais qui intéressent avant tout les branches occupant le centre de la hiérarchie salariale. On peut considérer qu'aux extrémités de la hiérarchie, le classement est resté stable. La dispersion des salaires entre branches, mesurée par le coefficient de variation, a évolué en deux phases bien distinctes. Jusqu'en 1959 Véventail des salaires s'est ouvert, mais après cette date il s'est refermé. On constate, depuis 1965, une légère réouverture. L'évolution de la dispersion des salaires entre branches dépend natu- rellement des hausses différentielles des salaires dans chaque branche. L'éven- tail s'ouvre lorsque la dispersion des taux d'augmentation est grande, il se referme lorsqu'elle est faible. Afin de déterminer le rôle particulier de chaque branche, nous avons étudié le comportement des hausses de salaires des diverses branches par rapport à la hausse moyenne. En rapprochant le comportement des hausses INTRODUCTION 11 salariales de chaque branche avec son rang dans la hiérarchie des salaires et l'évolution de la capacité d'emploi, nous avons pu constituer deux groupes. Dans le groupe I, nous rencontrons l'Horlogerie, les Arts graphiques, la Chimie et Vindustrie des Métaux et machines. Le groupe II est composé de Papier et cuir, de l'Habillement, du Textile, de VAlimentation, de Terres et pierre et de Vindustrie du Bois. Les branches du groupe I ont été qualifiées de branches à salaires élevés, celles du groupe II de branches à salaires bas. Cette appellation est surtout valable pour les branches situées à Vextrémité de la hiérarchie (Arts graphiques, Chimie, Horlogerie et Bois, Textile, Alimentation). L'éventail s'est ouvert parce que les branches du groupe I ont accordé des salaires supérieurs à la moyenne et les branches du groupe II des augmentations inférieures. L'éventail a commencé de se refermer lorsque la situation inverse s'est produite. L'explication de révolution de la dispersion des salaires a) Première période : 1949-1958/1959 C'est au cours de cette période que se sont constitués les mécanismes qui ont commandé révolution de Véventail des salaires entre branches et de la redistribution de la main-d'œuvre jusqu'en 1963. Toute notre analyse sera centrée sur Vinfluence de l'offre de main-d'œuvre. En effet, le volume de l'offre de main-d'œuvre a été considérable jusqu'en 1958J1959;mais ce qui fut plus remarquable encore fut la mobilité distri- butive de cette main-d'œuvre. La mobilité distributive de la main-d'œuvre fut le résultat de la conjonc- tion de deux phénomènes : l'immigration et l'orientation des mouvements de la main-d'œuvre suisse. Ces deux catégories de main-d'œuvre ne sont pas parfaitement substituables ; elles forment des groupes relativement non- concurrentiels. Les étrangers furent avant tout engagés au bas de la hiérar- chie professionnelle et dans certaines branches de préférence à d'autres. Leur mobilité distributive fut limitée par des mesures légales et des dis- 12 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION criminations lors de l'engagement. En principe, la main-d'œuvre suisse ne subit pas de limitations de cet ordre. La mobilité distributive des travailleurs indigènes a été déterminée par révolution de Véventail interindustriel des salaires et le développement de la capacité d'emploi des différentes branches (mécanisme des vacances d'emploi). En raison de la fluidité de l'offre de main-d'œuvre, chaque branche a bénéficié d'une offre indifférenciée quasiment illimitée. Cette situation nous fait dire que l'économie s'est trouvée dans une situation comparable au sous-emploi (offre de main-d'œuvre excédentaire). Dans une économie qui connaît une forte offre de main-d'œuvre, la demande de main-d'œuvre s'adapte généralement à cette offre. C'est ce qui s'est passé en Suisse : le développement de la capacité d'emploi s'est opéré dans un sens « capital saving ». Au début de lapériode, c'est-à-dire entre 1949 et 1952, toutes les branches ont engagé des travailleurs étrangers dans le bas de leur hiérarchie profes- sionnelle. Mais bientôt, Vabondance de l'offre de main-d'œuvre a influencé les hausses salariales des diverses branches si bien que l'éventail s'est ouvert : l'accroissement des salaires dans les branches du groupe II a été largement inférieur à la moyenne, alors qu'il était supérieur dans les branches du groupe I. Cesi dans le cadre de cet éventail que s'est opéré la redistribution de la main-d'œuvre indigène. Les travailleurs suisses, désireux d'accroître leur niveau de vie, l'ont fait en changeant de branche. Certes, nous ne prétendons pas que le salaire a constitué la seule incitation à la mobilité, mais son influence a été considérable. On constate que la mobilité distributive de la main-d'œuvre indigène dans le secteur des industries manufacturières s'est effectuée des branches à bas salaires vers les branches à salaires plus élevés. Ces mouvements de main-d'œuvre ont alimenté l'offre des branches du groupe I, alors que les immigrants ont constitué l'offre des branches du groupe II. Cette situation a entraîné une augmentation considérable du pourcen- tage des étrangers par rapport aux travailleurs suisses dans les branches du groupe II, alors que le même rapport a subi peu de variation dans les branches du groupe I. Au cours de celte période, les branches du groupe II ont perdu une partie importante de leur main-d'œuvre indigène. INTRODUCTION 13 Aux environs de 1959J1960, le mécanisme de la redistribution de la main-d'œuvre suisse s'est peu à peu bloqué, car la mobilité distributive de cette main-d'œuvre est devenue plus lente, voire insuffisante. En effet, le nombre de Suisses susceptibles de changer d'emploi volontairement s'est réduit deplus en plus. En outre, les branches dugroupe II ne pouvaient plus supporter une perte continuelle de leur main-d'œuvre indigène. Une réaction de leur part devenait inévitable. b) Deuxième période : 1959/1960-1966 Au début de la deuxième période, la Suisse connaît un nouveau boom économique. La demande globale s'amplifie. De nouveaux contingents de main-d'œuvre sont nécessaires pour assurer la production. Dès lors, la demande de main-d'œuvre s'accélère dans les diverses branches. Or, à cette époque, la mobilité distributive de la main-d'œuvre indigène n'est plus suffisante pour couvrir les besoins des branches du groupe I. Par ailleurs, ces dernières ont en effet accru leurs salaires plus rapidement que les branches de Vautre groupe. Elles doivent conserver une partie de leur main- d'œuvre indigène et rester attractives pour les travailleurs étrangers : l'éven- tail se referme. Au cours de cette période d'inflation, les branches du groupe I ne tentent pas de maintenir la dispersion des salaires, elles préfèrent engager des ouvriers étrangers. Dès lors, l'immigration change deforme. Elle devient non-sélective en ce sens que les travailleurs étrangers sont désormais engagés indistinctement dans toutes les branches. Les mesures légales prises en 1963 par le gouvernement pour restreindre l'immigration vont une nouvelle fois changer la situation. L'offre de main- d'œuvre est bloquée. L'éventail se ferme davantage, car la plupart des branches du groupe I maintiennent des augmentations salariales infé- rieures à la moyenne. Les branches du groupe II doivent éviter de perdre leur main-d'œuvre indigène qu'elles auraient de la peine à remplacer : leurs hausses salariales restent supérieures à la moyenne. Dès 1965, l'éventail des salaires s'ouvre de nouveau en raison d'un renversement de la tendance dans les hausses salariales. 14 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Apparemment, la lutte pour obtenir de la main-d'œuvre indigène, de même que de la main-d'œuvre étrangère mise récemment au bénéfice d'un permis d'établissement, reprend. A ce stade de notre recherche, nous avons tenté défaire le point. La transformation du mécanisme de Ia croissance Lapolitique de la main-d'œuvre pratiquée depuis 1963 par les autorités marque une rupture dans le processus de la croissance de l'économie : Vabondance et la fluidité de l'offre de main-d'œuvre ayant prévalu jus- qu'alors sont remplacées par un marché du travail tendu. Il est dès lors peu probable qu'à l'avenir les fluctuations' de la structure interindustrielle des salaires obéiront aux mêmes règles qu'auparavant. L'abondance de Voffre de main-d'œuvre a eu des répercussions sur le développement de l'appareil de production et la structure de l'emploi. Le développement de l'appareil de production s'est plutôt opéré dans un sens dcapital saving». Avec un marché du travail tendu et une immigration négligeable, les combinaisons de production doivent se modifier. Quant à la structure de l'emploi de la main-d'œuvre indigène, nous avons montré qu'elle ne correspond plus à la structure de l'économie : la fuite vers le tertiaire a été trop rapide par rapport à l'évolution de Vappareil de produc- tion dans le secondaire. En outre, la pénétration étrangère dans certaines branches est devenue une nécessité structurelle. Désormais, le problème n'est plus de renvoyer des immigrants pour conserver des emplois aux travailleurs suisses, mais, bien au contraire, de maintenir à tout prix la main-d'œuvre étrangère dans certaines branches et certains emplois afin d'éviter l'apparition de goulots d'étranglement et le chômage des Suisses. En tenant compte de ces éléments et de la politique de la main-d'œuvre des autorités, nous pouvons conclure que l'économie doit franchir un nou- veau seuil de croissance. Or, ce nouveau seuil de croissance ne peut être obtenu que par la transformation des combinaisons productives. De a capi- tal saving » qu'elles étaient, elles doivent devenir « labour saving ». Ceci impliquera nécessairement des modifications des échelles de production. INTRODUCTION 15 Malheureusement, toutes les branches ne sont pas armées de la même manière pour effectuer ces transformations, pas plus d'ailleurs qu'elles ne peuvent devenir toutes « labour saving ». En outre, ces modifications vont prendre du temps et, dans Vintervalle, il faudra continuer d'assurer la pro- duction au risque de perdre des positions sur le marché des produits. Nous adressons nos plus vifs remerciements au professeur J.-L. Juvet pour les conseils qu'il nous a prodigués et lui disons le plaisir que nous avons eu de travailler avec lui. Noire gratitude va également aux nombreux étudiants qui nous ont aidé dans nos recherches statistiques. CHAPITRE PREMIER LA STRUCTURE DES SALAIRES EN GÉNÉRAL SECTION PREMIÈRE GÉNÉRALITÉS Dans une société industrielle, la simple observation révèle l'existence de différences considérables dans les rémunérations que perçoivent les divers salariés ou groupes de salariés. Comme il est impossible d'envisager toute la gamme des disparités salariales sécrétée par l'évolution économique, on les regroupe générale- ment dans les catégories suivantes : a) les différences personnelles (elles ont pour origine le sexe, l'âge, la race, la personne même du salarié), b) les différences géographiques ou régionales (à l'intérieur d'un même pays), c) les différences interfirmes ou entre entreprises, d) les différences professionnelles (elles résultent de l'inégale qualifica- tion des travailleurs), e) les différences interindustrielles ou interbranches (elles existent entre les ouvriers travaillant dans les différentes branches d'activité). C'est ce complexe de différences qu'on nomme habituellement « struc- ture des salaires ». La notion de structure implique des relations d'interdépendance entre les différents taux de salaires ainsi qu'un certain degré de persis- tance dans ces relations. 18 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Les taux de salaires sont donc plus ou moins reliés les uns aux autres et ces liens déterminent le niveau relatif de chaque taux par rapport aux autres. Dans cette perspective, la structure des salaires « figure la dépendance fonctionnelle entre les diverses occupations et industries. Elle est l'image du marché du travail.7 » En retenant plusieurs taux de salaires relatifs, la théorie de la struc- ture des salaires se détache de la théorie traditionnelle qui opère avec un taux de salaire unique. La complexité croissante du marché du travail ne permet plus, en effet, de considérer un taux de salaire unique comme un indice suffisant des autres taux car tous les salaires n'évoluent pas au même moment ni dans le même sens8. SECTION DEUXIÈME L'ÉVOLUTION DES DIVERSES DISPARITÉS I. Les différences personnelles J. Les différences basées sur le sexe Les différences entre les gains ou les taux de salaires des hommes et des femmes travaillant dans une même profession ou une même occu- pation sont traditionnelles fl. Elles ont néanmoins diminué dans la plu- part des pays industriels si on les compare à ce qu'elles étaient en 1939. U faut rechercher l'origine de cette évolution dans la forte demande de main-d'œuvre féminine qui a marqué les années de guerre et dans l'amé- lioration de la qualification moyenne de cette main-d'œuvre. Ces modifications de l'offre et de la demande ont largement porté atteinte au caractère coutumier de ces différences. Pourtant, malgré l'amélioration du statut des femmes dans la société et la reconnaissance du principe « à travail égal, salaire égal », des différences subsistent encore actuellement entre salaires masculins et féminins. La diminu- tion à long terme qui s'était amorcée s'est même ralentie dans certains pays. En Grande-Bretagne, par exemple, les différences des gains entre hommes et femmes étaient les mêmes en I960 qu'en 1946 10. La persistance de ces disparités tient au caractère de la demande de main-d'œuvre féminine, mais plus encore à l'offre. On constate souvent que les femmes sont employées dans les entreprises et les industries à bas salaires. La demande de main-d'œuvre féminine pour certaines qualifications ou certains emplois est inexistante. Quant à l'offre, elle est en relation avec le rôle de la femme dans la société. Lorsqu'on étudie Ia courbe des taux d'activité par âges de la popu- 20 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION lation active féminine, on remarque crue, pour la catégorie d'âge de vingt ans, 60% des-femmes travaillent. Il y a ensuite une diminution rapide du taux d'activité occasionnée principalement par le mariage et la nais- sance des enfants. Le creux de la courbe est atteint pour la catégorie d'âge de 30 à 35 ans: 40% des femmes sont alors actives. La courbe des taux d'activité marque un nouveau sommet pour la catégorie d'âge de 45 à 50 ans : à ce moment-làs 45% des femmes participent à l'activité économique. (Chez les hommes un maximum de 97% est maintenu entre 25 et 45 ans ".) Dans la première période, on trouve surtout des femmes célibataires. Le caractère transitoire du célibat explique que cette catégorie de main- d'œuvre ne soit pas aussi revendicative que la main-d'œuvre masculine. En outre, les femmes célibataires souffrent de la concurrence que leur font les femmes mariées. Les exigences de ces dernières s'émoussent lorsque le gain qu'elles attendent a le caractère d'un salaire d'appoint. De plus, l'influence des femmes dans les syndicats n'a pas grandi dans la mesure de leur nombre sur le marché du travail. Vers 40 ans, lorsque les femmes mariées redeviennent actives, les disparités de rémunérations se doublent d'une disparité due à l'âge et à la qualification. Cette main-d'œuvre féminine n'est plus comparable à la main-d'œuvre masculine de la même catégorie d!âge qui a acquis de l'expérience, amélioré sa qualification et bénéficié de certaines pro- motions. Les fluctuations à court terme des différences entre salaires masculins et féminins sont assez disparates. On peut néanmoins retenir qu'elles se rétrécissent lorsque le marché du travail est tendu en raison de la demande pressante de main-d'œuvre. 2. Les différences basées sur la race Ces différences résultent avant tout des, difficultés qu'ont certaines catégories de main-d'œuvre de se qualifier et des discriminations à leur égard lors de l'engagement. Aux Etats-Unis, Reynolds et Taft signalent que la principale source de l'inégalité des gains entre travailleurs noirs et travailleurs blancs est due au fait que les Noirs disposent d'un choix LA STRUCTUBE DES SALAIRES EN GÉNÉRAL 21 d'occupations beaucoup plus limité que les travailleurs blancs u. Des constatations identiques ont été faites dans d'autres pays 1S. Bien que les différences de salaires entre travailleurs de races diffé- rentes se contractent en période de plein-emploi, il est difficile d'établir une tendance de longue durée. Les différences salariales dues à la race sont à rapprocher des diffé- rences entre ouvriers indigènes et immigrants car elles ont des causes communes : le manque de qualification, une certaine discrimination lors de l'embauchement, et, plus généralement, la non-substituabilité de ces deux catégories de main-d'œuvre. 3. Les différences basées sur Vâge Les différences entre les gains des travailleurs d'âge différent sont généralement attribuables à des degrés divers d'expérience acquis avec l'âge, à la promotion interne, à des augmentations de salaires récom- pensant la durée d'emploi dans une firme. Ces différences sont souvent institutionnalisées et admises comme telles w. II. Les différences entre firmes La dispersion des gains et des taux de salaires pour une occupation identique est généralement importante parmi les firmes opérant dans les mêmes marchés des produits et du travail. En outre, les firmes qui paient les salaires les plus élevés sont également celles qui offrent les meilleurs avantages non-salariaux 15. Des enquêtes conduites aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne ont révélé que les différences dans les taux de salaires pouvaient être de l'ordre de 20 à 25% entre les entreprises à salaires élevés et les entreprises à salaires bas J6. Les différences entre les gains sont encore plus considérables. Ces constatations contrastent avec les hypothèses de la théorie du marché aussi bien que la théorie « institutionnelle » qui attribue aux syndicats le pouvoir d'éliminer de telles différences 17. Certes, au cours 22 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION du temps, ces disparités ont diminué, spécialement là où les syndicats contrôlent toutes les firmes fabriquant un même produit ; mais la ten- dance n'est pas toujours très nette. Cependant, on admet que les syndi- cats jouent un rôle plus considérable dans la réduction de ce genre de disparités que les forces du marché. Une fois que ces différences se sont développées, le mécanisme du marché fait peu pour les eroder ; il permet même leur continuation pour une période de temps indéfinie w. Les facteurs expliquant la persistance de ces disparités sont mul- tiples. La composition de la force de travail n'est pas identique dans chaque entreprise, d'où des variations dans l'efficience. La pression syn- dicale diffère d'une entreprise à l'autre. Toutes les entreprises ne sont pas au même stade de leur développement. La faculté de paiement de chaque entreprise est aussi fortement influencée par la structure interne des coûts, de même que par la position occupée sur le marché des pro- duits. La politique et l'attitude des employeurs jouent également un rôle qu'il ne faut pas sous-estimer. En effet, si les employeurs étaient tou- jours à la recherche du profit maximum, les entreprises les mieux placées paieraient des salaires correspondant à ceux de l'entreprise marginale. Or, souvent, les entreprises les plus productives offrent des salaires supérieurs à la moyenne. Elles agissent ainsi afin d'acquérir un certain prestige et de recruter une main-d'œuvre de qualité supérieure. III. Les différences géographiques Les études menées dans différents pays laissent toutes apparaître des disparités réelles très substantielles, aussi bien pour les taux de salaires que pour les gains, entre les diverses régions d'un ensemble national. Au cours des trente dernières années, les disparités géographiques se sont souvent réduites, mais il est difficile de généraliser pour tous les pays 19. Les différences géographiques s'expliquent par les degrés variables d'industrialisation des régions, par le caractère de l'entreprise dominante LA STRUCTURE DES SALAIRES EN GÉNÉRAL 23 dans une région, par l'importance de la force syndicale ainsi que par la dimension du secteur agricole. II existe, en effet, un lien très net entre le pourcentage de la population agricole et le niveau des salaires dans l'industrie d'une région M. L'évolution des différences salariales entre régions est principalement liée aux migrations de capital et de main-d'œuvre. Normalement, en effet, les capitaux devraient se diriger vers les régions à bas salaires et la main-d'œuvre vers celles à salaires élevés. La tendance est certaine- ment celle-là, mais elle est lente. D'une part, il existe de puissants freins aux migrations de main-d'œuvre ; d'autre part, le capital est attiré dans les régions économiquement fortes en raison des avantages que pro- curent les économies externes existant dans ces régions. L'influence syndicale s'exerce dans le sens d'une diminution des différences régionales. Mais, mis à part le degré de syndicalisation par région, cette influence dépend du niveau auquel ont lieu les négociations salariales. Lorsque la négociation a lieu à l'échelon national ou inter- régional, ou dans une industrie ou une entreprise ayant un large marché interrégional, l'influence syndicale est plus déterminante que dans le cas de négociations de portée plus limitée. IV. Les différences entre qualifications Les différences entre qualifications sont liées directement au tra- vailleur, ainsi qu'au travail qu'il fournitM, On mesure généralement ce genre de différences en faisant le rapport des rémunérations des ouvriers les plus qualifiés à celles des ouvriers les moins qualifiés, ou en calculant le coefficient de variation pour un certain nombre d'occupations représentatives de la hiérarchie des quali- fications ^. 1. L''évolution à long terme des différences entre qualifications Le mouvement long de réduction des disparités de salaires entre qualifications, mesuré en pourcentage, est généralement apparent dans 24 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION tous les pays industrialisés. La réduction est plus considérable si Ton retient les taux plutôt que les gains. L'ampleur du mouvement varie naturellement suivant les pays et les périodes. Depuis 1946, la réduction s'est ralentie ou bien elle a cessé de se manifester. Les forces du marché aussi bien que les facteurs institutionnels interviennent dans l'explication de l'évolution à long terme des diffé- rences salariales entre les qualifications. En ce qui concerne l'offre, on peut dire qu'en raison de l'élévation du niveau moyen d'instruction et de la diffusion de l'enseignement technique et professionnel, le nombre des personnes capables d'occuper des emplois plus qualifiés s'est accru. Il en résulte une diminution de la rente monopolistique des ouvriers qualifiés. Dans le même sens, les économistes américains soulignent souvent, pour expliquer la fermeture de l'éventail des rémunérations entre qualifications aux Etats-Unis, que l'arrêt de l'immigration massive au cours des années 1920-1930 a consi- dérablement diminué l'offre de main-d'œuvre non-qualifiée M. Ainsi, l'offre de main-d'œuvre qualifiée se serait accrue plus vite que l'offre de main-d'œuvre sans qualification. Une simple application de la théorie des prix explique la diminution des disparités. Cependant, si la structure de l'offre suivant la qualification a évolué, de nombreux changements sont également intervenus du côté de la demande de main-d'œuvre. Sous l'action des modifications des techniques de production et du rythme d'industrialisation, le contenu de nombreux postes d'emploi se serait rétréci 2^. « De multiples indices donnent à penser que de nombreux postes qualifiés deviennent moins qualifiés, moins difficiles et entraînent une responsabilité moins grande au fur et à mesure que se développe l'équipement technique 25. » Cette argumentation est souvent contredite. Il n'est pas certain, en effet, que la gamme des exigences professionnelles soit réduite par le progrès technique. Il se produirait plutôt une complication de la struc- ture hiérarchique des qualifications 28. Reder 27 avance également quel- ques arguments démontrant que la transformation de la structure de l'offre est relativement indépendante de l'évolution de la demande : l'accroissement du niveau moyen de l'éducation serait dû à l'évolution des lois scolaires ; les ouvriers non-qualifiés auraient été réduits par LA STRUCTURE DES SALAIRES EN GÉNÉRAL 25 l'abolition du travail des enfants et l'arrêt de l'immigration (aux Etats- Unis) ; l'amélioration de l'éducation des enfants serait une consé- quence de l'augmentation du revenu des parents. En définitive, les transformations intervenues dans la composition de l'offre de main-d'œuvre sont plus adéquates que les modifications de la demande pour expliquer l'évolution des différences de salaires entre qualifications. L'influence des syndicats sur la fermeture de l'éventail salarial entre qualifications a fait l'objet de plusieurs études contradictoires. Certains auteurs admettent qu'en réclamant des augmentations identiques en termes absolus (flat rate) pour chaque qualification, les syndicats ont contribué au rétrécissement des disparités. On ne peut toutefois pas établir une règle générale. Tous les syndicats ne sont pas de composition identique et n'ont pas les mêmes buts. Dans le cas d'un syndicat de profession, Ia lutte s'organise pour le maintien des disparités ou même pour leur accroissementw. Mais on peut s'attendre à une attitude favo- rable à la diminution des disparités dans le cas d'un syndicat de masse où les ouvriers qualifiés sont en minorité. De leur longue étude comparative, Reynolds et Taft concluent que les effets du syndicalisme sur les différences salariales entre qualifications ont été généralement faibles comparativement aux forces du marché 2^ Les forces ayant conduit à la fermeture de l'éventail dans Ie passé n'ont pas encore produit tous leurs effets. C'est pourquoi on en a souvent conclu que l'écrasement de la hiérarchie salariale se poursuivrait dans l'avenir. Il est intéressant de signaler les arguments utilisés par R. Perl- man pour réfuter cette hypothèse *°. Selon cet auteur, la hiérarchie des salaires entre qualifications se trouve soumise à deux sortes de forces divergentes : les forces qui tendent à rétrécir les différences (éducation, salaire minimum, inflation), et celles qui poussent à leur élargissement (l'évolution technique qui accentue la demande de main-d'œuvre qualifiée, la persistance d'un niveau d'emploi élevé qui diminue l'élasticité de l'offre des ouvriers qualifiés plus rapidement que celle des ouvriers non-qualifiés). Or, ces forces élargissantes vont prédominer dans l'avenir, si bien qu'il faut s'attendre à une réouverture de l'éventail. En effet, d'une part, des 26 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION mesures sont prises pour freiner l'inflation (une des forces rétrécis- santes les plus importantes) et, d'autre part, le développement de la mécanisation et de l'automation, caractérisant les économies à haut niveau d'emploi, stimulera la demande des ouvriers qualifiés. Naturellement, il est difficile de faire des prévisions en cette matière, mais l'influence des forces élargissantes signalées par R. Perlman peut être une explication de l'arrêt de la fermeture de l'éventail salarial entre qualifications depuis 1946. 2. Les variations à court terme des différences de salaires entre qualifications Les variations à court terme des différences salariales entre qualifica- tions sont liées aux fluctuations du niveau de remploi. Il y a contraction de ces disparités en période de plein-emploi et de suremploi et élargisse- ment au cours des périodes de dépression31. Mais il s'agit là d'une approximation grossière, car il existe en réalité de nombreuses excep- tions M ; c'est pourquoi deux explications contradictoires sont possibles : 1° D'après Reder 33J en période de plein-emploi prolongé, les dispa- rités salariales entre qualifications se rétrécissent parce que l'offre des ouvriers non-qualifiés est plus élastique que celle des ouvriers qualifiés. Les employeurs modifient, selon cet auteur, leurs exigences quant à la qualification de la main-d'œuvre suivant la tension existant sur le marché du travail. En période de plein-emploi, ils remédient au manque d'ouvriers qualifiés sur Ie marché par la promotion interne. Le mécanisme opère de la manière suivante : lorsque l'offre pour chaque qualification n'excède pas la demande, les employeurs disposent de normes d'emplois pour l'embauche et de taux de salaires définis. Ceci établi, s'il survient une augmentation générale de la demande pour toutes les qualifications, les taux de salaires des ouvriers qualifiés tendent à augmenter. Mais l'augmentation est contenue dans une certaine limite dépendant des taux octroyés aux ouvriers de qualification immédiatement inférieure. En effet, un phénomène de substitution va se produire au moment où la limite est atteinte. L'employeur donnera une formation à une partie LA STRUCTURE DES SALAIRES EN GÉNÉRAL 27 de ses ouvriers moins qualifiés afin de les utiliser à des postes d'emploi nécessitant normalement des qualifications plus élevées (promotion interne), ou bien il changera son processus de production de manière à employer plus de travailleurs de moindre qualification. Ce phénomène de substitution interviendra tout au long de l'échelle des qualifications puisque le processus de promotion ou de transformation de l'appareil de production réduira toujours plus l'offre des ouvriers de qualification immédiatement inférieure. Il est évident que lorsqu'on arrivera au bas de l'échelle des qualifications, le processus de substitution sera stoppé puisqu'il n'y aura plus d'offre. Dès lors, les salaires payés aux ouvriers les moins qualifiés auront tendance à s'élever plus rapidement que ceux des ouvriers mieux qualifiés puisque l'offre des ouvriers non-qualifiés se réduit plus vite que celle des ouvriers qualifiés. L'éventail des salaires entre qualifications se refermera donc. 2° L'hypothèse d'une ouverture de l'éventail des salaires entre quali- fications en période de plein-emploi est soutenue principalement par R. Perlman M. L'élargissement s'effectue parce que l'offre des ouvriers non-qualifiés est plus élastique que celle des ouvriers quahfiés pour deux raisons : a) Les salaires élevés résultant d'une forte demande de main-d'œuvre induisent souvent les agriculteurs à devenir salariés ; b) En période de plein-emploi, la population désireuse de prendre un emploi s'accroît (arrivée des femmes mariées, des étudiants, des handicapés, des retraités sur le marché du travail). Ajoutons que, dans certains pays, l'immigration vient également accroître l'offre des tra- vailleurs non-qualifiés. Les différences dans l'élasticité de l'offre des ouvriers qualifiés et non-qualifiés entraîneront une augmentation des salaires plus rapide pour les ouvriers qualifiés que pour les autres catégories de qualifica- tions, d'où une ouverture de l'éventail salarial. Ces deux hypothèses ne sont pas totalement exclusives l'une de l'autre, tout dépend des circonstances. Si la période de tension sur le 28 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION marché de l'emploi est prolongée, l'hypothèse de Reder se réalisera probablement ; si la tension est courte, l'hypothèse de Perlman a plus de chance de se vérifier. En ce qui concerne les périodes de dépression, les avis sont moins partagés. Certes, Reder n'admet pas que son argumentation soit réver- sible ; mais d'autres auteurs soulignent qu'une certaine déclassification des ouvriers a bien lieu en période de dépression M. L'explication la plus couramment admise est basée sur la constata- tion que le chômage est plus sévère pour les ouvriers non-qualifiés que pour les qualifiés car le licenciement des ouvriers non-qualifiés précède celui des autres catégories. Par ailleurs, en cas de dépression, le volume de l'offre des ouvriers non-qualifiés est accru parce que les ouvriers qualifiés incapables de trouver un emploi correspondant à leur qualifi- cation acceptent des emplois non-qualifiés M. V. Les différences de salaires entre branches d'industrie Les nombreuses études consacrées aux différences de rémunérations entre branches d'industrie aboutissent toutes à Ia conclusion que les disparités de ce genre sont importantes aussi bien pour les gains que pour les taux. 1. L'origine des différences de salaires entre branches dHndustrie L'origine commune des disparités de salaires entre branches d'indus- trie résulte du manque de parallélisme entre l'évolution des diverses branches. On constate, en effet, qu'il y a toujours dans une économie des branches en expansion, qui paient des salaires élevés, et des branches en déclin, stagnantes ou moins florissantes, qui offrent des rémunéra- tions plus faibles 3Î. Dans les pays industrialisés, le classement des branches selon le niveau des rémunérations est, à quelques exceptions près, identique d'un pays à l'autre w. Lebergott, comparant le rang des branches aux LA STRUCTURE DES SALAIRES EN GENERAL 29 Etats-Unis avec celui de cinq autres pays, aboutit aux corrélations suivantes " : Canada 0,94 Grande-Bretagne 0,89 Suisse 0,87 Suède 0,71 URSS 0,92 Actuellement, les industries aéronautique, automobile, chimique, métallurgique et pétrolière figurent parmi les branches bien rémunérées. On trouve les salaires les plus faibles dans les industries textile, alimen- taire, dans la chaussure, l'habillement et le tabac. Plusieurs facteurs interviennent qui agissent sur le niveau des rému- nérations entre branches d'industries. Nous retiendrons le degré de concentration de la branche, le progrès technique, la productivité du travail, les profits réalisés ou espérés, l'importance des coûts imputables à la main-d'œuvre par rapport aux coûts totaux, la structure du marché du produit, la structure du marché du travail, la substituabilité des facteurs de production, les différences des implantations géographiques, la composition de la main-d'œuvre suivant la qualification, le sexe et l'âge, le degré de syndicalisation. D'une manière générale, les branches fortement concentrées, qui contrôlent le marché des produits, paient mieux que les industries qui ont affaire à une plus grande concurrence 40. Les oligopoleurs peuvent souvent, en effet, transférer une partie des hausses de salaires sur les prix. Les industries dynamiques, celles qui répondent à des demandes de produits nouveaux, essaient d'attirer la main-d'œuvre par des salaires élevés, contrairement aux branches où la main-d'œuvre décroît. Il est logique, en somme, que le3 industries capables de payer des salaires plus élevés que la moyenne le fassent : ceci facilite le recrutement, diminue le « turnover » et accroît souvent la rentabilité de la main-d'œuvre u. Ces industries suivront d'autant plus une telle politique que leur pro- ductivité est forte et que les coûts de la main-d'œuvre par rapport aux coûts totaux sont faibles. 30 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Le degré de concurrence sur le marché du travail joue également un rôle important sur les disparités interindustrielles des salaires. En prin- cipe, s'il y a concurrence, les gains des travailleurs d'une même profes- sion ou d'emplois présentant les mêmes difficultés sont identiques. Les gains des travailleurs d'efficience inégale tendraient à se diversifier42. Mais l'absence de concurrence qui caractérise certains des marchés du travail actuels favorise une tendance à l'égalisation des salaires **. Cette égalisation est d'autant plus forte que le marché du travail s'éloigne davantage du modèle de la concurrence pure et parfaite. La proportion, variable dans chaque branche, d'ouvriers de qualifi- cation et de sexe différents, influence considérablement les disparités salariales interindustrielles. Plusieurs auteurs relèvent que les salaires sont plus élevés dans les branches qui emploient beaucoup d'hommes et d'ouvriers qualifiés ; ils sont plus bas dans les branches à faible partici- pation d'ouvriers qualifiés et où il y a beaucoup de femmes. Ainsi, les disparités de salaires interindustrielles se doublent de disparités dues à la qualification et au sexe. Ces facteurs d'hétérogénéité, qui empêchent une comparaison des écarts réels entre branches d'industrie, peuvent être éliminés. La tentative a été effectuée pour la France par Vacher4*. L'élimination de l'influence due au sexe et à la qualification permet de comparer les gains d'une catégorie homogène. Les résultats montrent que les disparités de salaires entre branches d'industrie persistent une fois l'élimination des facteurs d'hétérogénéité opérée, mais elles sont plus faibles. Les disparités qui subsistent peuvent être attribuées à d'autres facteurs. Le degré de syndicalisation, en tant que facteur explicatif des diffé- rences interindustrielles de salaires, est très controversé. Les économistes américains se sont depuis longtemps penchés sur ce problème. Les uns, tels P. H. Douglas, Garbarino, Dunlop, Maher concluent en faveur de la thèse de l'inefficacité de l'action syndicale, tandis que Levinson, Sobotka, Ross, Ress, Douty tiennent plutôt pour la thèse de l'efficacité. Tout a commencé par une étude de P. H. Douglas w. Sa méthode consistait à classer les différentes industries suivant le degré d'influence syndicale qui s'y exerçait et de rechercher dans quelles industries le niveau des salaires avait le plus augmenté. Il arriva à la conclusion que LA STRUCTURE DES SALAIRES EN GÉNÉRAL 31 les taux de salaires avaient augmenté plus rapidement dans les industries à degré de syndicalisation élevé que dans les autres industries, mais que ces augmentations plus rapides étaient apparues seulement durant les premières années de l'action syndicale. Par la suite, les salaires aug- mentèrent au moins aussi rapidement dans les industries moins ou non syndiquées. Ross4G, par une méthode plus élaborée, réussit à prouver que l'action syndicale était plus importante que ne le pensait Douglas et qu'elle avait une certaine permanence. Récemment, deux auteurs ont relevé l'efficacité de l'action syndicale : Ozanne et Ress 47. D'après Ress, les syndicats sont responsables d'une hausse des salaires de 10 à 15% dans certaines branches fortement syndiquées. C. Kerr, quant à lui, soutient que l'influence de l'action syndicale n'est pas la même sur toutes les disparités ; en particulier, elle serait faible sur les disparités de salaires entre branches d'industrie. La même conclusion est apportée par Reynolds et Taft ^8. Les conclusions des auteurs anglo-saxons sont donc loin d'être uni- formes, elles sont même équivoques. Cependant, selon Tiano4B, un examen approfondi des procédés des uns et des autres permet d'accorder plus de crédit à la thèse de l'efficacité de l'action syndicale. Malgré toutes ces divergences, il existe néanmoins un point sur lequel la plupart des auteurs sont d'accord : l'influence d'un syndicat sur la hausse du niveau des salaires d'une branche d'industrie n'est efficace que pour une période de temps limitée, soit pendant ou juste après la constitution du syndicat M. En outre, même les auteurs qui adoptent la thèse de l'efficacité de l'action syndicale n'en concluent pas pour autant que l'action syndicale explique à elle seule les disparités 51. Hs admettent en général les explications alternatives ou liées. En fait, le syndicalisme n'agit jamais à l'état pur 52. Nous sommes moins bien renseignés sur la liaison entre action syn- dicale et disparités interindustrielles des salaires en Europe qu'aux Etats- Unis où les chercheurs disposent de données nombreuses et de meilleure qualité. Par ailleurs, les conclusions des auteurs américains ne peuvent pas être admises sans autre en Europe où la mentalité ouvrière, l'or- ganisation syndicale, le capitalisme sont différents 5S. 32 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION En France, en Allemagne, de même qu'en Grande-Bretagne et en Suède, on peut admettre une certaine relation entre le niveau des salaires et l'action syndicale M. Les salaires ont souvent augmenté davantage dans les industries syndiquées que dans les autres. La présomption favo- rable pour la thèse de l'efficacité de l'action syndicale est renforcée par le fait qu'en « l'absence de syndicats, il n'est pas dit que l'entreprise dont la capacité de payer est plus grande paiera spontanément des salaires supérieurs à ceux des autres entreprises » ^. Une tentative intéressante a été faite par Marchai et Lecaillon pour essayer de déterminer l'influence du syndicalisme sur les disparités de salaires interindustrielles. D'après ces deux auteurs, si la plupart des études relatives à l'influence de l'action syndicale sur les disparités inter- industrielles ne sont pas satisfaisantes, c'est qu'elles ne posent pas la question de façon tout à fait correcte. Au lieu de chercher à mesurer les différences éventuelles entre salaires dans les industries à syndicats et les salaires dans les industries sans syndicats, il faut se demander dans quelle mesure les disparités peuvent être considérées comme révélatrices d'une différence de comportement des vendeurs de travail en fonction de leur branche d'activité 58. Il y a plusieurs sortes de comportements de non-union et de com- portements de sous-union5? ; il faut préciser l'influence qu'ils doivent avoir sur les disparités de salaires. a) Les comportements de uon-union se répartissent en deux groupes selon que les vendeurs de travail adoptent ou non les mêmes critères de maximisation. Lorsque tous les vendeurs de travail adoptent les mêmes critères de maximisation, c'est-à-dire qu'ils tendent de maximiser les mêmes élé- ments (taux de salaires, avantages annexes), des disparités de salaires subsistent, mais qui sont dues à l'évolution conjoncturelle et structu- relle des différentes branches. Cependant, en période de plein-emploi surtout, ces différences sont limitées. Si, en l'absence d'union, les vendeurs de travail n'adoptent pas les mêmes critères de maximisation, les disparités salariales risquent d'être considérables. Certains vendeurs de travail « se singularisent en recou- LA STRUCTURE DES SALAIRES EN GENERAL 33 rant à des critères particuliers, us évaluent différemment leur peine, tiennent compte de la considération attachée socialement à certains emplois, donnent une importance considérable à des avantages tels que la retraite ou des garanties de non-licenciement, ne recourent pas aux mêmes procédés pour discuter du taux de leurs rémunérations. Si les salariés de certaines branches tendent ainsi à se particulariser par rap- port à ceux des autres branches, les disparités risquent de s'accuser... Même lorsque les vendeurs de travail ne concluent entre eux aucune entente, il apparaît donc qu'ils n'ont pas des comportements identiques » w. b) Les comportements de sous-union peuvent être classés en trois groupes : 1° Bien que le syndicalisme soit généralisé, il peut être organisé par fédérations d'industries sans liens entre elles (absence d'une confé- dération nationale). Dans ces conditions, chaque fédération lutte pour ses propres membres sans se préoccuper des autres syndicats. Les disparités sala- riales auront donc tendance à s'amplifier. 2° On peut supposer que les différentes fédérations sont réunies en une confédération nationale. Dès lors, chaque fédération ne tiendra plus uniquement compte des avantages égoïstes de ses membres, mais par- ticipera à un mouvement égalitaire visant à la réduction des disparités de salaires entre industries. 3° La puissance syndicale (degré de syndicalisation) peut être inégale suivant les branches d'industrie. Dans cette situation, les disparités dépendront de ce que les diverses fédérations entendent défendre : les intérêts communs ou les intérêts spéciaux, particularistes. On retrouve la situation des comportements de non-union. <( Au total, concluent Marchai et Lecaillon, une analyse judicieuse doit reconnaître qu'au-delà de l'existence ou de l'absence de syndicats, jouent deux effets profonds. D'abord ce qu'on peut appeler l'effet A ou effet de défense des intérêts particuliers par un groupe de vendeurs de travail, en l'espèce ceux d'une branche de production. Puis ce qu'on 34 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION peut appeler l'effet B ou effet de reconnaissance par un groupe de ven- deurs de travail de sa solidarité avec les autres. Les deux effets peuvent intervenir sous union comme sans union. Ce qui est important, c'est de les analyser l'un et l'autre plus que d'opposer union et non-union. Le premier effet tend à distordre les comportements et à rompre l'unité de la catégorie salaire, le second rapproche au contraire les comportements et rétablit l'unité de la catégorie. Il réduit les disparitésfi9. o Les différents facteurs économiques et institutionnels énumérés ci-dessus expliquent les raisons des différences de salaires entre branches et plus particulièrement les causes de l'apparition des disparités de salaires entre branches d'industrie. Ces facteurs réagissent différemment dans chaque branche aux variations de l'activité économique, en parti- culier au niveau général de l'emploi et à l'inflation. H est donc intéres- sant de voir dans quelle mesure le classement des branches par niveau de rémunération, de même que la dispersion des salaires entre branches, ont été altérés, à long terme, par la croissance économique et, à court terme, par les variations conjoncturelles. 2. Uévolution à long terme et à court terme des différences de salaires entre branches dHndustrie Le classement des diverses branches suivant le niveau de salaires ne varie guère dans le tempsM. Une étude de Cullen 61, réalisée aux Etats-Unis, montre que de 1899 à 1950, les variations dans la hiérarchie interindustrielle des salaires ont été faibles. Les industries qui, en 1899, étaient en haut ou en bas de la hiérarchie le sont encore en 1950. Des comparaisons pour des périodes plus courtes aboutissent à la même stabilité. En Grande-Bretagne, les coefficients de corrélation de rang sont encore plus élevés qu'aux Etats-Unis 62. Cette forte stabilité des rangs occupés par les diverses branches d'industrie apparaît d'ailleurs dans toutes les économies des pays indus- trialisés 63. Si la position des diverses branches classées par niveau de rémuné- rations est stable dans le long comme dans le court terme, cela n'em- LA STRUCTURE DES SALAIRES EN GÉNÉRAL 35 pêche pas que la dispersion des salaires entre branches d'industrie ait subi des changements. En effet, il semble qu'à long terme l'éventail des salaires se soit légèrement refermé M. Bien que, d'une manière générale, on puisse admettre cette conclusion, les exceptions sont néanmoins nombreuses6S. Les interprétations sont souvent difficiles, c'est pourquoi il faut toujours savoir de quelles disparités on parle, à quels secteurs, à quelles rémunérations, à quelles catégories d'ouvriers, à quels pays elles se rapportent. A court terme, l'éventail des salaires entre branches d'industrie subit d'importantes variations autour de la tendance de longue durée 68. Cette instabilité se caractérise par l'existence de cycles comprenant une première phase de hausse de l'indice de dispersion et une deuxième phase de retour vers la valeur initiale 6T. 3. Les causes des fluctuations à court terme de la dispersion des salaires entre branches Ölindustrie a) L'inflation En période d'inflation, c'est-à-dire de hausse des prix, les salariés réclament et obtiennent des augmentations de salaires. Or, ces augmen- tations ne sont pas égales en pourcentage dans toutes les branches d'industrie. En effet, elles se font souvent en valeur absolue (flat rate), les patrons préférant une augmentation uniforme en centimes à l'heure, par exemple, plutôt qu'une augmentation en pourcentage qui est plus coûteuse. En outre, les augmentations du coût de la vie diminuent davantage le pouvoir d'achat des salariés travaillant dans les branches faiblement rémunérées que celui des salariés travaillant dans les autres branches de l'activité économique. C'est la raison pour laquelle, en période d'inflation, les augmentations de salaires sont souvent plus substantielles pour les ouvriers occupés dans les branches à bas salaires. Ainsi, tout un processus, souvent très complexe, de hausse des salaires se met en mouvement qui a pour résultat que les hauts salaires aug- mentent moins rapidement que les bas salaires : l'éventail interindustriel des salaires a tendance à se refermer. 36 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Il arrive cependant que la fermeture de l'éventail soit stoppée ou que la situation antérieure se rétablisse après quelques années d'infla- tion lorsque les ouvriers des catégories de salaires élevés, constatant l'affaiblissement de leur position salariale, réclament la réadaptation de leurs rémunérations. b) Le niveau de Vemploi Ordinairement, ce sont les fluctuations du niveau de l'emploi qui expliquent le mieux l'évolution de l'éventail interindustriel des salaires. Cet éventail se referme en général lorsque le niveau de l'emploi est élevé et il s'ouvre en période de dépression et de sous-emploi. En période de plein-emploi, l'éventail se referme parce que les branches qui paient de bas salaires doivent réduire l'écart entre leurs rémunéra- tions et celles des branches à salaires plus élevés afin de conserver leur main-d'œuvre ou de recruter de nouveaux ouvriers. L'éventail tend à s'élargir en période de sous-emploi, parce que les industries à bas salaires n'ont plus à disputer la main-d'œuvre aux autres branches 0^ Cepen- dant, il arrive qu'en période de sous-emploi, l'éventail des salaires se referme, car les rémunérations dans les branches bien payées peuvent diminuer plus rapidement que dans les autres branches69, mais ce phénomène ne se produit pas si la capacité d'emploi continue de s'ac- croître dans les diverses branches ou dans la majorité d'entre elles. SECTION TROISIÈME LA THÉORIE DE LA STRUCTURE DES SALAIRES Les monographies consacrées aux diverses disparités de salaires, laissent apparaître que de multiples facteurs influencent l'évolution de la dispersion des salaires relatifs. Ces facteurs peuvent être classés schématiquement en deux groupes distincts : a) les forces du marché (offres et demandes individuelles de main- d'œuvre), b) les facteurs institutionnels (syndicats, groupements d'employeurs, gouvernements). Dans le premier groupe, on a affaire aux comportements d'individus ; dans le deuxième, il s'agit de groupements organisés. Quelle est l'influence respective de chacun de ces groupes de fac- teurs ? Faut-il accorder la prééminence aux forces du marché ou aux facteurs institutionnels ? Dans quelles circonstances le poids d'un groupe de facteurs est-il plus important que l'autre ? Ces différentes questions ont toujours été une matière à controverse pour les économistes. L'établissement de relations stables et significa- tives est, en effet, difficile dans un monde où les facteurs socio-écono- miques sont en perpétuel mouvement. Le problème a souvent été de savoir dans quelle mesure et dans quelles circonstances les facteurs institutionnels l'emportent sur les forces du marché. I. Les forces du marché J. Les hypothèses Pour déterminer l'influence des forces du marché sur les salaires relatifs, il faut considérer le salaire comme un prix. Le salaire est le 38 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION prix du travail et, en l'absence de contrôle, il est déterminé par la loi de l'offre et de la demande. Dès lors, sxur un marché où règne une concurrence parfaite, il n'y aura pas de différences de salaires pour un même travail, quelles que soient les entreprises ou les industries 70. Certes, l'ajustement n'est pas immédiat en raison de l'inélasticité à court terme de l'offre de main- d'œuvre, mais il sera réalisé à long terme. L'analyse des faits, ainsi que nous l'avons montré, concorde rare- ment avec cette hypothèse. Ce n'est d'ailleurs pas étonnant puisque le marché parfait n'existe pas dans la réalité. En effet, les conditions de validité (rationalité, mobilité, homogénéité, transparence du marché) ne sont pas réalisées : a) L'entrepreneur parfaitement rationnel, cherchant toujours à maximiser son profit, est rare ; b) Les travailleurs ne maximisent généralement pas leurs gains. Ils ne sont pas parfaitement mobiles en raison des coûts économiques et non-économiques qu'impHque la mobilité ; ils n'ont pas une connaissance parfaite du marché ; ils sont soumis à certaines pressions coutumières, découlant des principes du juste prix, qui favorisent l'acceptation de certaines disparités salariales n. c) Ni la demande, ni l'offre de main-d'œuvre ne sont homogènes. Cette hétérogénéité des offres et des demandes de main-d'œuvre entraîne l'éclatement du marché du travail unique. Pour cette raison, on définit la T~- D i U C Wl « =i Ol £ l'infl *~ m < salai y* Wl (- œ Ol « O 954 ta ca T- O C ¦a 1 &Ì Dl S Oi JJO: UJ Ss Mn(O(Oi-ClOrVOIr O)OOO)T-OOO)O)OlO iniO'i'iooicjfW'-too O)O)OOIt-Ot-O)O)O)O Tf(A^h(OMDMO)(Of oaiooiT— Ot- O)COO)O) SmtM^gMWMora O)OOIt-Ot-O)COO)O) Ol O) CO O) O) SSS g CM O) CO Ô) O M V IA (O V Ol ai O) o a r- oi n;n(OinoinioMooi 0)0)Oo>T—o)CMO)coo>o) (OTj-mr^ioo)ç«iooood)0o> oooo)oooo>0)oaS 0000)0000)0)00) 00)00)0000)0)00) »-OÏ»f-(2W0pr-T-3i- O)OO)OOOOO)OO) 00000000)0)00) T-or-r-«»-(o«Oìrwo 0000)0000)000) 0000)0000)000) SoOOOOOO)O)OO) i-i-r-coQomeoMoo 0000)00000)00 ÏÏJ2 E a ffl 5 » S H= 0Io^ SS or-= Bbïo « o O^ K _«1 LES DIFFÉRENCES DE SALAIRES ENTRE BRANCHES D'INDUSTRIE 57 L'élimination de l'influence due au sexe et à la qualification est réalisée en calculant la moyenne pondérée des indices de disparité brute se rapportant aux qualifications de chaque sexe (indices bruts des ouvriers qualifiés -f- indices bruts des ouvriers semi- et non-qualifiés -\- indices bruts des ouvrières) en utilisant comme coefficient de pondéra- tion les effectifs des différentes qualifications de chaque sexe pour la branche considérée (tableaux de l'appendice III). Afin d'avoir un indice de disparité corrigée dans chacune des onze branches des deux catégories ouvriers et employés, nous retiendrons par la suite les indices de disparité corrigée obtenus après élimination de l'influence due au sexe (tableaux 1 et 2). c) Etablissement d'un indice de disparité valable pour Vensemble des ouvriers et des employés Nous avons essayé de pousser plus loin notre calcul des indices de disparité corrigée en englobant dans un indice général les ouvriers et les employés, c'est-à-dire en gros, l'ensemble des salariés du secteur des industries manufacturières. Comme, d'une part, les rémunérations sont données en gains horaires moyens pour les ouvriers et, d'autre part, en traitements mensuels moyens pour les employés, on ne peut pas obtenir un salaire moyen pour les deux catégories par la moyenne pondérée des rémunérations. Il nous a paru possible, en utilisant nos indices de disparité, d'obtenir un indice général pour l'ensemble des ouvriers et des employés. Cet indice général de disparité corrigée a été établi en faisant la moyenne pondérée des indices de disparité corrigée des ouvriers et des employés obtenus après l'élimination de l'influence due au sexe 12° (tableau 3). 2. De Vindice de disparité brute à Vindice de disparité corrigée Nos indices de disparité corrigée ne sont pas parfaits, puisque l'éli- mination des diverses influences n'est pas complète. Néanmoins, les indices de disparité changent considérablement lorsqu'on passe des disparités brutes (ensemble des ouvriers par exemple) aux disparités Ol O) O) O) LntDojç3<ûÊJCsgîço fl)ŒOolrOT*0)C0B)Bl S(D(Dh>lO^(OfO0O)h O)OO)^Ot-O)(OO)O) S OIOCQ^Ot-CiCOCTO) aio>oo>T-OC40>co BOlBr-nOrBhNN anoaroeianaoi ID MO T- ?82 io r» N M o) co o> o> CN O) CO O) O) h-noioioto« SS2 Ol OJ O) CO Ò O) ¦^¦4n-3-çOïOO)Cor*çoçO 010)00)^OlrO)CÛO)01 g£ 8 2 8 3 S 8 **i Si If *- .Sï S E 5" » 5 'S ** V^ ¦ - *^ »-* «' W MnANM(Oi-IDCgNM IO (O « (O e» o> t- i*- CJ (N I- CN 8P- CO T- IO (O O oi eo cm co n«oiioa>-ii)mc4oie tomcMi-rOT-rti-oico (Owa>cnr-(ooT-(oww woooeor^coT-T-tor* nt-wtnft»giOTfn fiouocif»nänMN MCMMMM(Ot-OMMM SNWMW^ttOMlflTj WWOOTIOSOIIO OIMT-NCMCOT-r-MMM T-M(O(Ot-PIOWWO i-owwomoop-o T-T-T-T-CXt-Wt-T-M (0OMt-OW(DOMCO (OT-&jiooi(DirtT-r>-ro I WT- O J2 5 E O) £> M C T- UJ O) CJ (O ¢, T-T- <ü 84 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION prix. Cette situation a évidemment été déterminante sur les hausses différentielles des salaires et donc sur les mouvements de l'éventail inter- industriel des salaires. Au demeurant, deux facteurs sont essentiels : l'offre globale de main- d'œuvre et l'aménagement de la capacité d'emploi. L'offre globale de main-d'œuvre influence considérablement l'évolution de l'activité éco- nomique, car la demande de main-d'œuvre s'adapte à la force de travail disponible138. L'aménagement de la capacité d'emploi des différentes branches agit sur la moTïilité de Ia main-d'œuvre et, par conséquent, sur la transformation de la structure de l'emploi. Cette mobilité distributive dépend « étroitement de. la place des industries croissantes et dynamiques dans l'ensemble économique natio- nal et des effets d'entraînement qu'elles exercent. La ligne d'évolution de l'emploi et de sa structure dépend de l'orientation donnée à l'inves- tissement au privilège des industries croissantes dont le renouvellement et la survie dépendent eux-mêmes des facultés créatrices de l'économie, des réponses du marché, du milieu de propagation des impulsions données, des réseaux de pouvoir. Il n'y a, en tous cas, aucune raison pour que, dans une économie ouverte, le volume relatif de l'emploi dans le secteur secondaire ou industriel régresse, et toutes les raisons pour que son expansion et ses transformations exigent d'incessantes migra- tions de main-d'œuvre »139. 2. L*offre de main-d'œuvre disponible a) Critère de distinction entre main-d'œuvre suisse et main-d'œuvre étrangère Nous ne considérons que l'offre de main-d'œuvre indifférenciée. L'offre de main-d'œuvre disponible doit être, en Suisse, divisée en deux grandes catégories : 1° l'offre de main-d'œuvre suisse, à laquelle nous assimilons les travailleurs étrangers mis au bénéfice d'un permis d'établissement ; 2° l'offre de main-d'œuvre étrangère. l'évolution des différences salariales entre branches 85 La nationalité mise â part, notre distinction sera essentiellement basée sur le critère de la mobilité distributive. La mobilité de la main-d'.oeuvre suisse n'est soumise à aucune limi- tation, tandis que les étrangers ne peuvent pas sans autre passer d'une branche ou d'une entreprise à l'autre, ni changer de profession. L'activité lucrative que le travailleur étranger est admis à exercer est définie dans l'autorisation de séjour. La durée de celle-ci est toujours limitée ; elle dépasse rarement une année la première fois qu'elle est accordée. Dans la pratique, la durée de l'autorisation de séjour est fixée d'après le but du séjour et la situation sur le marché du travail. Dans les limites du permis de séjour au bénéfice duquel il se trouve, le travailleur étranger a besoin d'une autorisation spéciale, s'il — veut prendre un autre emploi salarié dans la même profession (chan- gement de place), — veut exercer une activité autre que celle qu'il est autorisé à pratiquer (changement de profession), — veut exercer une activité accessoire avec une certaine régularité chez le même ou chez un autre employeur, — veut exercer une activité lucrative indépendante 140. La limitation du changement de place ou de profession se double d'une restriction de la mobilité spatiale. En effet, l'autorisation de séjour n'est valable que pour le canton qui l'a délivrée. Quant au changement de profession, il est soumis « à stricte surveillance car Je danger existe sans cela que les étrangers occupés dans les professions manquant de bras passent dans d'autres activités et que des manques de main-d'œuvre toujours plus étendus se produisent dans les professions les moins recher- chées »141. Notons que le changement de profession implique souvent un changement de branche et c'est ce qui nous intéresse dans cette étude. En plus de ces limitations légales qui, dans certains cas, n'ont pas joué, une limitation de fait, souvent plus puissante, s'est manifestée. Certaines branches ont préféré en effet engager de la main-d'œuvre indigène plutôt qu'étrangère (du moins jusqu'en 1959/1960). Le fait que la mobilité distributive des travailleurs étrangers entre branches soit limitée ne signifie pas que leur taux de renouvellement 86 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION (entrées et sorties) dans chaque entreprise soit inférieur à celui des ouvriers suisses. Au contraire, à ce niveau les étrangers sont particulière- ment instables principalement parce qu'une partie d'entre eux sont des saisonniers, puis parce que la durée de leur séjour en Suisse n'est pas indéfinie, enfin parce qu'ils changent d'emploi à l'intérieur d'une même branche. b) Le volume de Voffre de main-d'œuvre suisse L'offre de main-d'œuvre indigène indifférenciée dépend du volume de la population totale du pays, de la structure par âge de cette popula- tion et de son évolution naturelle. En premier lieu donc, l'offre de main- d'œuvre est liée à la croissance démographique, ce qui signifie qu'elle est peu variable à brefs intervalles de temps. Cependant, certains facteurs socio-économiques déterminent une mobilité de participation plus ou moins grande dans le court terme. Ces facteurs agissent principalement sur le travail des femmes, spécialement des femmes mariées, de jeunes gens et des travailleurs âgés. Ces caté- gories participent à des degrés différents à la production sociale selon les moments et selon les pays de telle manière qu'il en résulte une élasti- cité de l'offre de main-d'œuvre que les seuls facteurs démographiques ne suffisent pas à expliquer. Globalement, la population active d'origine suisse s'est accrue de 5,6% entre 1950 et 1969. Par rapport aux accroissements constatés en Europe, la Suisse se situe dans la moyenne 142. Au cours de la même période, et malgré le léger accroissement de la population active, le taux d'activité, qui permet de mesurer l'offre indifférenciée relative, a diminué puisqu'il a passé de 59,0% à 57,3% en 1960 (tableau 11). La décomposition de Ia population active globale en différentes catégories permettra de mieux comprendre son évolution. D'emblée, nous pouvons constater que pour la catégorie de 20 à 64 ans, le taux de participation est resté stable, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. l'évolution des différences salariales entre branches 87 TABLEAU 11 Population active d'origine suisse (immigration exclue) PA totale 15-19 ans 20-64 ans 65 ans et plus H + F Variations par rapport à 1950 = 105,6 116,8 100 104,3 104,9 H 103,7 113,8 103,0 100,6 F 110,6 119,8 107,9 119,5 Taux d'activité en % (1) H + F 1950 1960 59,0 57,3 68,7 64,7 62,8 62,7 28,1 23,7 H 1950 1960 89,1 86,3 74,1 67,7 96,4 96,4 50,4 42,1 F 1950 1960 31,3 31,4 63,0 61,7 31,3 31,9 11,2 10,5 Taux de féminité en % (2) 1950 1960 27,6 28,9 45,2 46,3 25,8 26,7 23,7 25,9 Source: Recensements fédéraux de 1950 et de 1960. (1) Rapport de la population active de chaque catégorie à la population totale de la même catégorie. (2) Rapport de la population active féminine à la population active totale. 1° La participation des jeunes Le taux d'activité des jeunes de 15 à 19 ans a passé de 68,7% en 1950 à 64,7% en I960, celui des jeunes de 20 à 24 ans, de 77,8% en 1950 à 76,6% en 1960. Le taux de participation des jeunes a donc sensiblement décru au cours de la période 1950-1960. Cette décroissance n'est d'ailleurs pas accidentelle, pas plus qu'elle n'est essentiellement liée au phénomène de l'immigration. Il s'agit d'une tendance de longue durée constatée dans tous les pays industrialisés. Le développement de l'éducation, l'urbani- sation, la sécurité sociale, la diminution de l'emploi primaire, la hausse des revenus réels des ménages, l'offre effective des postes de travail pour les jeunes expliquent cette tendance. 88 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION La situation conjoncturelle joue également un rôle sur la mobilité de participation des jeunes. En période de prospérité, par exemple, la forte demande de main-d'œuvre peut inciter certains jeunes à prendre un emploi. 2° La participation des personnes âgées Le taux de participation des personnes âgées de 65 ans et plus a également diminué entre 1950 et 1960, puisqu'il a passé de 58,9% à 57,3%. Le manque de postes d'emploi pour cette catégorie de main- d'œuvre, l'abaissement de l'âge de la retraite, le développement de la sécurité sociale ont certainement contribué à cette diminution. Ici aussi, en période de tension sur le marché de l'emploi, les employeurs essaient de réintégrer cette main-d'œuvre dans l'appareil de production. 3° La participation des femmes De 1950 à 1960, le taux de participation de l'ensemble des femmes (15 ans et plus) est resté stable; il en est de même pour chacune des catégories d'âge retenue. Ceci s'explique par le fait que l'accroissement de la population active féminine a été de 10,6% (la population active masculine ne s'est accrue que de 3,7%). Cette augmentation a entraîné une élévation du pourcentage des femmes dans la population active de 27,6% en 1950 à 28,9% en 1960. En 1960, les femmes constituent donc le tiers de la population active d'origine suisse. L'offre de main-d'œuvre féminine a, semble-t-il, été moins grande qu'on aurait pu l'espérer. En effet, à long terme, dans la plupart des pays industrialisés, la participation des femmes dans la population active a tendance à s'accroître. Mais cette participation varie de pays à pays et de période en période. La Suisse est quelque peu au-dessous de la moyenne européenne 143. Les emplois effectivement offerts aux femmes sont apparemment déterminants dans la décision d'entrer dans la force de travail. Cepen- dant, de multiples autres facteurs interviennent également. Dans le l'évolution des différences salariales entre branches 89 long terme, c'est surtout la structure de l'appareil de production qui est décisive, car les diverses industries attirent différemment les femmes. Plus particulièrement, le développement du secteur tertiaire qui carac- térise les économies industrialisées, crée de plus en plus de postes d'em- ploi pour la main-d'œuvre féminine. A plus court terme, la demande de main-d'œuvre, l'état du marché du travail, le salaire du mari ou le salaire familial, influencent le com- portement des femmes. Il ne fait aucun doute que si des solutions étaient trouvées permet- tant le développement généralisé du travail â temps partiel, le taux de participation des femmes s'accroîtrait, indépendamment d'ailleurs du salaire du mari, car on constate de plus en plus un désir de la part des femmes d'exercer une profession. 4° La durée du travail Pour avoir une idée exacte de l'offre de main-d'œuvre, il faut tenir compte de facteurs qui ne sont pas purement démographiques et, en particulier, de la durée du travail. Ici encore, la tendance à long terme est à la diminution de la durée (légale) du travail (tableau 12). En Suisse, on a fait largement usage des heures supplémentaires. Néanmoins, le recours aux heures supplémentaires ne permet qu'un accroissement conjoncturel de l'offre de main-d'œuvre. Nous serions même enclin à penser que l'offre de travail ne s'est pas accrue par cette politique, mais que le recours aux heures supplémentaires a surtout permis de maintenir stable l'offre de main-d'œuvre indigène. TABLEAU 12 Durée du travail hebdomadaire (Troisième trimestre de chaque année, en heures) 1950 1955 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 47,5 47,7 47,4 46,8 46,7 46,0 45,8 45,7 45,5 45,4 44,9 En définitive, et à long terme, c'est bien le nombre d'individus dis- posés à exercer une activité qui importe. 90 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION 5° La mobilité de participation de la main-d'œuvre indigène L'élasticité de l'offre de main-d'œuvre (ou fluctuation de la mobi- lité de participation) à court terme fait l'objet de nombreuses contro- verses 1U. En Suisse, au cours de la période 1950-1960, divers éléments ont pu influencer la mobilité de participation : — l'accroissement de la participation des femmes, — les groupes marginaux (jeunes, personnes âgées) ont constitué une réserve aux taux de salaires courants, — le passage de nombreux paysans, artisans et commerçants de leur qualité d'indépendants à celle de dépendants (salariés). (Le rapport indépendants/population active a passé de 19,8% en 1950 à 16,9% en 1960 ; il y a eu diminution des indépendants en chiffres absolus M5.) En dehors de ces quelques considérations, il est difficile d'étudier le phénomène de la mobilité de participation de la main-d'œuvre suisse. En effet, nous ne disposons pas des données qui nous permettraient de déterminer la relation entre l'élévation ou la diminution des revenus et l'aspiration de la population active ou au contraire de son refoulementMe. En définitive, la mobilité de participation de la main-d'œuvre indi- gène entre 1950 et 1960 a été faible, comme a été modeste aussi l'offre naturelle de main-d'œuvre indifférenciée. Par ailleurs, l'offre de main- d'œuvre suisse supplémentaire (individus entrant pour la première fois dans la population active) a avant tout profité au secteur tertiaire. Or, nous verrons que le développement de la capacité d'emploi dans les divers secteurs a été si considérable qu'il a fallu faire appel à la main- d'œuvre étrangère. Dès lors, l'immigration apportera à l'offre de main- d'œuvre globale le volume et la souplesse qui lui auraient sans cela fait défaut. c) L'offre de main-d'œuvre étrangère : l'immigration Les migrations constituent, d'après Tiano et Sellier, Ia détermina- tion économique fondamentale de la population active. Ils écrivent : fl Le jeu des facteurs socio-économiques donne à Ia population active, dans le court terme, une certaine élasticité. Toutefois, les comportements l'évolution des différences salariales entre branches 91 de la population jeune, âgée ou féminine, sont soumis à des évolutions relativement lentes. Par contre, les mouvements migratoires ont des effets instantanés et parfois massifs. Ils constituent le facteur le plus important d'équilibre démo-économique en alimentant la croissance des pays en déficit de main-d'œuvre ou en allégeant la charge des pays en excédent147. » La situation des pays d'immigration se caractérise « par une dis- harmonie entre les modalités de leur développement et l'évolution de leurs ressources en main-d'œuvre insuffisantes pour faire face à tous les besoins qui en résultent, soit — ce qui est la raison la plus fréquente — parce que l'accroissement naturel de la population d'âge actif est trop lent, soit parce que la main-d'œuvre s'adapte insuffisamment aux modi- fications structurelles de l'économie, soit encore parce que les deux fac- teurs jouent simultanément et cumulent leurs effets »148. La Suisse a largement bénéficié de ce phénomène migratoire. Ancien- nement pays d'émigration, elle est devenue, dès le 19e siècle, pays d'im- migration. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, elle se situe dans la ligne des courants migratoires que de Menthon a nommé « Ia montée des travailleurs vers le Nord »14B. Les pays de l'Europe du Nord — France, Allemagne, Belgique, Suisse — dont la croissance a été rapide ont attiré la main-d'œuvre inemployée dans les pays du Sud où sévissait le chômage (Italie, Espagne, Grèce, Turquie). En règle générale, les travailleurs de ces pays, désireux d'émigrer, étaient des demandeurs indifférenciés d'emploi prêts à venir s'engager rapidement et aux taux de salaires courants. Leur caractéris- tique essentielle réside dans leur non-qualification professionnelle. En Suisse, l'immigration d'après-guerre a été une immigration d'ap- pel (pull), c'est-à-dire que l'ouvrier étranger n'avait pas la faculté d'ar- river sur le marché du travail n'importe où, ni n'importe quand, la politique d'immigration pratiquée par les autorités étant une politique de main-d'œuvre dirigée et sélective (système de l'autorisation de séjour). Les grandes lignes de cette politique ont consisté à orienter les immi- grants vers les branches ou les secteurs qui ne bénéficiaient plus d'une offre de main-d'œuvre suisse suffisante, et à restreindre, ainsi que nous l'avons déjà vu, la mobilité distributive des immigrants. Dans Ie secteur 92 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION des industries manufacturières qui nous occupe dans cette étude, les immigrants ont été avant tout dirigés vers les branches du groupe II150. Au fur et à mesure que la croissance économique se poursuivait, les besoins en main-d'œuvre augmentaient considérablement, de sorte que les autorités furent amenées à accorder assez libéralement les autorisa- tions de séjour, sans toutefois modifier les règles régissant la mobilité des immigrants à l'intérieur du pays. Bien que les chiffres à disposition soient incomplets, ils sont suffisamment explicites pour attester de l'am- pleur du phénomène (tableau 21). Nous connaissons, en Suisse, plusieurs catégories d'immigrants. Parmi ceux qui sont soumis au contrôle, il faut distinguer entre saison- niers et non-saisonniers. Ces derniers ont tendu à devenir proportion- nellement moins nombreux, ce qui suggère que la main-d'œuvre étran- gère constitue de plus en plus une nécessité structurelle. Les règles édictées sur l'immigration ont empêché un afflux incon- trôlé des immigrants. Les travailleurs des pays-réservoirs constituaient une main-d'œuvre potentielle qui ne devenait effective que dans Ia mesure où des emplois nouveaux étaient créés 151. On évitait, de ce fait, de trop grands désordres sur le marché du travail. Ainsi, en Suisse du moins, l'élasticité de l'offre de main-d'œuvre étrangère fut forte puis- qu'aussi bien on pouvait renvoyer cette main-d'œuvre ou la faire venir suivant les besoins de l'économie. Evidemment, cette souplesse dépend du volume de main-d'œuvre prête à migrer et de son renouvellement. Au fur et à mesure que les réserves proches des frontières s'épuisent, divers coûts influençant la décision de migrer interviennent, mais il semble que bien souvent l'attrait du gain soit plus fort que ces coûts. L'épuisement des réserves les plus proches n'a pas entraîné généralement une diminution de l'offre, mais une diminution du savoir-faire. On peut donc affirmer que l'offre de main-d'œuvre à l'économie suisse a été due surtout à l'immigration. C'est cette offre qui a donné une grande plasticité au marché du travail depuis 1949. La main-d'œuvre suisse, bien qu'ayant augmenté entre 1950 et I960, n'a pas constitué une offre suffisante pour donner au marché du travail une grande souplesse. l'évolution des différences salariales entre branches 93 Cependant, la main-d'œuvre indigène a contribué à rendre le marché du travail fluide, non pas par son volume, mais par sa mobilité distri- butive. C'est grâce à la conjonction de l'immigration dans les branches du groupe II et à la mobilité distributive des ouvriers suisses vers les branches du groupe I que le marché du travail a été comparable à un marché bénéficiant d'une offre de main-d'œuvre illimitée. L'élasticité de l'offre de main-d'œuvre des diverses qualifications n'a évidemment pas été aussi grande que celle de l'offre de main-d'œuvre indifférenciée. On peut présumer que l'offre de main-d'œuvre non-quali- fiée et semi-qualifiée a été grande, les immigrants faisant surtout partie de ces catégories, alors que l'offre de main-d'œuvre qualifiée a plutôt fait défaut. Toutefois, les entrepreneurs semblent avoir résolu le pro- blème assez aisément en engageant de la main-d'œuvre non-qualifiée, c'est-à-dire en engageant au niveau professionnel le plus bas, puis en procédant par formation sur le tas et par promotion interne. Ce phéno- mène nous permet d'étabUr notre raisonnement dans la suite de cette étude en faisant abstraction de la qualification de la main-d'œuvre. Nous sommes encouragé à procéder ainsi par le fait que l'éventail des salaires entre qualifications est resté stable entre 1949 et 1960 (voir appendice II). Les caractéristiques du marché du travail de Ia période 1950-1960 nous permettent de conclure que la courbe d'offre de main-d'œuvre indifférenciée à la firme a été plutôt une tranche horizontale 1S2. Ainsi que nous l'écrivions au début de ce chapitre, le volume effectif et potentiel de l'offre de main-d'œuvre va influencer la demande de main-d'œuvre. 3. La demande de main-d'œuvre a) La capacité d'emploi 1° Le développement de Vappareil de production La demande de main-d'œuvre est commandée par le développement de l'aménagement de la capacité d'emploi, c'est-à-dire le nombre d'em- plois effectivement occupés au cours d'une période153. 94 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Le développement et l'aménagement de la capacité d'emploi dépendent de la manière dont les entreprises combinent, sous l'effet des facteurs socio-économiques, les différents facteurs de production. Les facteurs socio-économiques les plus influents sont la productivité marginale du travail, les conditions générales de l'activité économique, l'offre de main-d'œuvre et la demande de produits (débouchés intérieurs et extérieurs). Le lien avec le marché des produits est important « car la demande de travail, demande dérivée, est ainsi rattachée à l'ensemble des données économiques »1H. En Suisse, dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale, on s'est trouvé dans une situation de croissance, mais avec la crainte d'une crise écono- mique prochaine. Le climat psychologique ainsi créé a influencé consi- dérablement le comportement des entrepreneurs quant au développe- ment de leur appareil de production, rendu nécessaire par une forte demande intérieure et surtout extérieure. Il ne faut pas oublier, en effet, que les anticipations des entrepreneurs commandent le volume et la qualité de l'investissement global. La reconstruction européenne néces- sitait des investissements considérables et la Suisse fut largement solli- citée puisque son appareil de production était demeuré intact. Sous l'effet de la demande interne et externe, l'appareil de produc- tion a été rapidement utilisé à plein. Pour accroître la production, il a fallu, tout à la fois, procéder par une intensification du travail et un agrandissement de la capacité de production. Cette intensification du travail a nécessité d'emblée une main-d'œuvre considérable, au point que les travailleurs suisses ont été très vite utilisés complètement (plein-emploi de la main-d'œuvre indigène). C'est pour- quoi on a dû, déjà à cette époque, faire appel à un contingent de main- d'œuvre étrangère pour certaines branches. Mais l'intensification du travail ne constitue qu'une adaptation à très court terme de la capacité de production. Très tôt, les entrepreneurs ont dû développer plus pro- fondément l'appareil de production pour répondre à une demande globale plus forte. L'agrandissement de l'appareil de production peut s'opérer, en bref, de deux manières : « capital saving » et « labour saving ». Les consé- quences sur la capacité d'emploi de l'une ou de l'autre forme ne sont l'évolution des différences salariales entre branches 95 évidemment pas identiques. L'aménagement de l'appareil de produc- tion sous forme d capital saving » favorise le développement de la capa- cité d'emploi et donc la demande de main-d'œuvre, alors que l'inves- tissement «labour saving» crée comparativement moins d'emplois155. Sous l'effet conjugué de plusieurs facteurs, l'investissement a pris en Suisse une orientation plutôt « capital saving », ce qui explique que l'industrie fut et reste une grosse consommatrice de main-d'œuvre. Il faut toutefois nuancer quelque peu cette affirmation : l'intensité du capital est plus ou moins forte suivant les branches. Un graphique établi à l'occasion de la publication de l'indice suisse de la production industrielle indique que les branches du groupe II ont une tendance « capital saving » plus poussée que les branches du groupe 11^. En effet, si Ton compare la valeur de la production nette et le nombre de per- sonnes occupées, on constate que la valeur de la production nette est plus élevée que le nombre de personnes employées dans la Chimie, l'Horlogerie, qu'elle est égale dans Arts graphiques, Papier, Alimenta- tion, Bois, qu'elle est plus faible dans Métaux et machines, Cuir, Terres et pierre, Habillement et Textile. Au cours de notre période d'analyse, on constate une tendance à une extension du capital plutôt qu'à une intensification. C'est du moins ce qui ressort de la comparaison des statistiques des agrandissements et des installations techniques (tableaux 13 et 14) : une partie importante des investissements nouveaux a été affectée à l'extension des installa- tions. Plus généralement, on peut dire que « la croissance du secteur à capital intensif est déterminée par l'abondance du capital et les perspec- tives de la demande du produit. La croissance du secteur à travail inten- sif est déterminée par l'abondance de Ia population disponible et la rareté relative du capital à long terme. Lorsqu'il y a à la fois abondance de capital à long terme et abondance de population disponible, les deux secteurs croissent ensemble et l'emploi augmente sur les deux tableaux 15\ Les décisions qui orientèrent l'investissement furent prises relative- ment tôt, probablement avant 1950. A cette époque, on n'était pas encore tout à fait remis du choc provoqué par la guerre et on voyait l'avenir avec pessimisme. D'ailleurs, il ne manquait pas de prophètes, 96 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION TABLEAU 13 Installations techniques (Chiffres cumulés) 1950 1955 1958 " 1960 1961 1962 1963 1964 Terres et pierre 47 264 460 575 648 737 821 940 Alimentation 78 403 709 946 1082 1236 1419 1577 Chimie 108 768 1251 1560 1742 1946 2186 2426 Habillement 29 206 379 506 577 650 734 812 Imprimerie 9 66 133 174 211 234 260 282 Métaux 79 540 966 1230 1429 1606 1873 2110 Machines 125 902 1560 1993 2250 2610 2968 3344 Horlogerie 16 174 315 386 432 515 551 598 Textile 75 469 726 873 971 1079 1186 1309 Bols 42 272 465 608 711 821 940 1050 Papier 16 131 227 306 355 398 450 499 Cuir 10 78 123 185 196 223 248 277 Equipement 10 . 64 112 157 192 233 274 311 Ensemble (1) 670 4508 7729 9856 11209 12 746 14 412 16109 Source: La Vie économique. (1) Comprend, en plus des branches citées, Musique et Electricité. TABLEAU 14 Agrandissements (Chiffres cumulés) 1950 1955 1958 1960 1961 1962 1963 1964 Terres et pierre 25 218 396 533 654 766 867 941 Alimentation 38 224 411 558 661 777 859 932 Chimie 20 252 464 639 724 837 908 988 Habillement 24 201 319 424 498 562 651 712 Imprimerie 17 124 232 342 385 456 524 578 Métaux 36 498 969 1316 1594 1851 2082 2308 Machines 81 968 1746 2320 2756 3205 3588 3948 Horlogerie 31 436 672 769 870 945 994 1039 Textile 32 212 370 475 548 608 670 729 Bois 52 403 731 999 1205 1416 1841 1817 Papier 6 96 154 222 269 304 330 350 Cuir 6 50 73 111 135 154 166 177 Equipement 6 34 80 121 152 176 207 229 Ensemble (1) 373 3806 6776 9017 10 663 12 296 13 738 15 032 Source: La Vie économique. (1) Comprend, en plus des branches citées, Musique et Electricité. l'évolution des différences salariales entre branches 97 économistes ou non, pour annoncer une crise économique prochaine. Nul doute que l'élasticité d'anticipation des entrepreneurs était faible. Ce climat psychologique n'était pas propice à inciter les entrepreneurs à prendre les risques que comportent les investissements nouveaux nécessitant une modification des combinaisons productives158. Encore l'auraient-ils voulu que plusieurs facteurs les en eussent empêchés : — La structure de l'industrie suisse — petites et moyennes entreprises — est favorable à l'investissement « capital saving »159. — La demande globale devint tellement pressante que les entrepreneurs n'avaient cure du long terme. Il convenait de répondre le plus rapidement possible à la demande, sans prendre de risques excessifs, sinon on risquait de perdre des clients et donc des profits. — Le marché étant fortement demandeur, la plupart des produits ne subissaient pas la concurrence des prix, si bien que les entrepreneurs n'avaient que rarement le souci d'améliorer leurs combinaisons pro- ductives. Ce qui comptait avant tout c'était la production absolue et immédiate. Pour assurer cette production, sans cesse croissante, on développait l'appareil de production en respectant presque toujours les combinai- sons productives choisies à l'origine, c'est-à-dire par multiplication d'uni- tés de production de technique inchangée ou accompagnée de rationali- sations et d'innovations mineures. On était encouragé à procéder ainsi, puisque la main-d'œuvre était abondantelfl0, que l'on se trouvait dans une économie en croissance (hausse régulière des prix) et donc que la productivité marginale en valeur pouvait être constamment reculéeiei- Dans de telles circonstances, ce sont les pays qui pouvaient dis- poser de l'offre de main-d'œuvre la plus élevée qui détenaient la possi- bilité d'accroître le plus rapidement leur production 16Z, 2° Le rôle des salaires L'abondante offre de main-d'œuvre a été un facteur de pression sur les salaires, de sorte que ceux-ci se sont trouvés au-dessous du niveau qu'ils auraient atteint sans immigration 103. 98 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION D'après l'ONU 18S les hausses salariales (gains) dans les divers pays européens se sont établies comme suit pour la période 1952-1965 : 1952-1958 1958-1965 Allemagne (Ouest) 6,6 8,9 Autriche 5,0 8,5 Belgique 5,4 6,6 Danemark 4,9 8,7 France 8,6 7,6 Grande-Bretagne 6,2 6,3 Italie 4,4 9,7 Norvège 5,5 7,0 Suède 5,8 7,2 Suisse 3,0 6,5 La pression exercée sur les salaires a accru la productivité marginale en valeur du travail. La demande de main-d'œuvre a dès lors été stimulée, puisque la productivité marginale du travail détermine logiquement cette demande de la part de l'entrepreneur. Ce phénomène de pression sur les salaires n'est pas propre à la Suisse, il se rencontre dans tous les pays qui subissent une forte immi- gration 165. L'immigration entraîne ainsi souvent une réduction du prix du travail par rapport au prix du capital166. Dès lors, pour donner sa pleine signification à l'immigration, il faut tenir compte de son influence sur la structure du capital. Généralement, l'immigration favorise un accroissement horizontal (labour saving) de cette structure167. Cette situation a certainement permis aux entrepreneurs de réaliser des profits importants 16a, ce qui dès lors a facilité le financement des investissements nouveaux. (Entre 1950 et 1960, le rapport delà somme des revenus des salariés [masse salariale] au revenu national a été en moyenne de 60,5%. Depuis 1961, ce rapport tend à se rapprocher de 62%.) Ainsi, toutes les conditions ont été réunies pour que l'investissement s'effectue dans un sens « capital saving ¦&. Il n'est pas étonnant, dès lors, que la capacité d'emploi et donc la demande de main-d'œuvre se soient accrues si fortement. l'évolution des différences salariales entre branches 99 L'orientation prise par l'investissement a été manifestement favo- rable à un développement rapide et cumulatif de la capacité d'emploi, ceci d'autant plus que des facteurs exogènes comme la guerre de Corée sont venus considérablement stimuler Ia croissance. En outre, contraire- ment aux prévisions pessimistes de l'après-guerre, la crise ne vint pas. La croissance économique des pays industrialisés se poursuivait et s'accélérait. D'une manière générale, l'effet d'accélération est « lié à l'épuisement progressif des réserves d'outillage et à l'apparition d'investissements induits destinés à accroître la capacité de production dans les divers secteurs lorsque celle-ci tend à être utilisée à 100%. Pour procéder à ces investissements, les agents sont contraints d'introduire de nouvelles sommes dans le circuit du pouvoir d'achat. Les vagues de dépenses qui se succèdent dans l'économie, au lieu de diminuer, tendent à augmenter. Le processus d'expansion s'accélère. Tout ceci suppose naturellement que l'économie continue de disposer de réserves suffisantes de travail- leurs qu'elle peut affecter à la production des outillages demandés »169. En Suisse, l'immigration a atténué le caractère inflationniste de ce processus, non seulement en diluant l'offre de travail, mais encore en retirant de l'économie une masse de revenus qui étaient transférés à l'étranger. De ce fait, la demande de biens de consommation s'est déve- loppée moins rapidement que si la masse salariale avait été dépensée en totalité en Suisse. Néanmoins, aux environs de 1960, le sous-emploi latent s'est trans- formé peu à peu en plein-emploi. Des goulots d'étranglement sont apparus principalement en raison de l'évolution de la mobilité distributive des travailleurs suisses. b) L'évolution de la capacité d'emploi des industries manufacturières La capacité d'emploi globale (ensemble de l'économie) mesurée par la comparaison des données des recensements fédéraux de la population de 1950 et 1960 a augmenté de 16,6%. Ce chiffre est une sous-estimation de la réalité puisque les étrangers ne sont pas tous présents en Suisse lors des recensements de décembre. 100 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Au cours de la même période, la capacité d'emploi s'est également développée dans chacune des branches d'industrie, mais à des rythmes différents. Pour mesurer les variations de la capacité d'emploi du secteur des industries manufacturières, nous avons utilisé les statistiques des fabriques établies en septembre de chaque année par l'OFIAMT (tableau 15). TABLEAU 15 Evolution de la capacité d'emploi 1952 = 100 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 Terres et pierre 99 104 110 114 117 112 117 125 136 143 145 149 142 Alimentation 101 102 106 109 113 114 113 116 123 130 135 135 133 Chimie 101 104 108 112 118 120 124 132 140 134 146 151 149 Habillement 106 108 109 114 121 115 117 124 132 138 112 114 110 Arts graphiques 102 107 113 115 121 126 131 137 145 153 159 162 161 Métaux et machines 93 102 109 116 124 121 121 131 144 153 146 148 144 Horlogerie 98 93 96 103 110 98 94 103 109 113 113 113 115 Textile 107 109 108 108 113 103 101 108 110 111 109 106 100 Bois 97 102 107 109 110 104 104 112 120 128 110 110 107 Papier 99 105 111 115 121 119 120 121 131 139 164 166 162 Moyenne 101 103 107 112 118 114 114 121 131 137 134 136 130 Source: La Vie économique. Enquête de septembre sur les fabriques 1^. On constate en lisant les indices du tableau 15 que les branches du groupe I ont augmenté davantage leur capacité d'emploi que les branches du groupe II. (Il faut considérer l'évolution jusqu'en 1962. Après cette date, les statistiques perdent un peu de leur valeur comparative en raison de modifications dans le recensement.) Le rôle des branches du groupe I et de leur développement est essentiel car, d'une part, l'évolution différentielle des capacités d'emploi (donc des demandes de main-d'œuvre) et, d'autre part, Ia croissance de la capacité d'emploi globale s'accompagnent inévitablement d'une trans- formation de la structure de l'emploi m. l'évolution des différences salariales entre branches 101 H. La dynamique de l'emploi 1. Les transformations de la structure de Vemploi (1949-1960) Les transformations de la structure de l'emploi dans le secteur des industries manufacturières ont été dirigées par les mouvements de main- d'œuvre indigène (mobilité distributive) et par la façon dont ont été orientés les travailleurs étrangers. a) JS''orientation des immigrants L'immigration ayant été une immigration d'appel, les travailleurs étrangers ne sont venus que lorsque la demande de main-d'œuvre était effective, c'est-à-dire lorsque des postes de travail avaient été créés et n'avaient pas trouvé de titulaires indigènes ou étaient devenus vacants à la suite du départ de la main-d'œuvre indigène (immigration de substi- tution). Or, il se trouve que les immigrants sont employés généralement dans certaines catégories d'emplois de préférence à d'autres. « L'examen atten- tif de l'emploi des travailleurs étrangers montre qu'ils se dirigent ou sont dirigés dans l'ensemble vers les branches d'activité où les pénuries se font sentir et que ce sont à peu près les mêmes dans tous les pays d'immigration : agriculture, mines, travaux publics, services domes- tiques, transports, métallurgie, textile » m. En Suisse, dans les industries manufacturières, les immigrants ont été dirigés, au cours de la période 1950-1960, principalement dans le Textile, l'Habillement, les Métaux et machines (tableaux 16 et 17). En 1950, 64,5% des étrangers travaillant dans le secteur des indus- tries manufacturières étaient employés dans les branches du groupe II, c'est-à-dire des branches à bas salaires, et 24% dans la seule branche Métaux et machines. Ainsi, seulement 11% de la main-d'œuvre étran- gère travaillait dans les branches les mieux rémunérées. En 1960, la proportion des travailleurs étrangers occupés dans le groupe II a diminué relativement puisqu'elle n'est plus que de 52,5%. La différence par rapport à 1950 est absorbée par l'industrie de Métaux et machines qui occupe alors 39,5% des étrangers de l'industrie manu- s :l S % M J Q. ^'«ô'oreorfAiOT^'uî^'T^'or T/ricMririoiiOT^tnTf^cM T- co T- CO O '. t*. ^ W * O IO_^ r ^ T- (O T- 01 Ifl N tJ-_ a, (D m « (D » I TT ¦»" m" « » w" j co_t— cm* in ri « ' ujoJO\in_oo^O)r»-o»w i « a wo; riiri'cJv'oi'oî'^'io'iri'c*' T- (O T- io n r^t^v o ^ io a in rir^cfo?ri«^^ri*"ri a o C O "S « E ,« C a> ai rrei a> E imi bill a *_ .c co t- < O I n ^ ^ a 5 P g a; etc ucti CD tu S; -t CA JO = œ Xi ¦- ¦5 » a c I O » '5 •" ° ___t« . OI (Q (0 JD £ £ U to w T^ ir_ rt co in inr~ea(o o^Tt-T^pjr*. ow NO-W o'io'i^T^'o'ofcreiTcD"^ (Ot- PJt-W N t- t- n n a) n n a I- n xi id td'oîtri'Tr"ooT(ô"Tfcô'in'T^' Nt- Ot T- Nt-T- TfCv^p^Pir«- eo m » f». * r-T of Tt" as" (C? o" to" (4-" oo" r-~ r-Ttc^T-oor-oNN in" oo" V <ô (o~ o" m r* r-~ IO 11) (D IB Ol U)Ot- ¦*_ N in" oô" Tt" ra" in" o" cô" Tt" c-" r-^ in t-_ » if » mo T œ o o" r-" co" »-T Tt" Tt" co" n" Tt" sans pour autant que les employeurs aient eu à supporter des charges sala- riales trop considérables. En conclusion, au cours de Ia période 1949-1959/1960, l'offre de main-d'œuvre a été très abondante grâce à l'immigration et à la mobilité distributive des ouvriers suisses. Ce phénomène a entraîné des hausses salariales différentielles suivant que les branches ont profité de l'une ou l'autre catégorie de main-d'œuvre. Ces hausses différentielles de salaires ont provoqué un élargisse- ment de l'éventail interindustriel des salaires qui, associé avec le déve- loppement de la capacité d'emploi des branches du groupe I, a accentué les mouvements de main-d'œuvre suisse à destination de ces branches. La main-d'œuvre étrangère a été relativement moins mobile en raison des contraintes légales destinées à limiter sa mobilité distributive et de la politique d'embauché des branches du groupe I, dont les entrepre- neurs ont préféré engager des travailleurs indigènes. SECTION TROISIÈME LA PHASE DE FERMETURE DE VÊVENTAIL INTERINDUSTRIEL DES SALAIRES A. PREMIÈRE PÉRIODE: 195911960-1964 I. La situation sur le marché du travail J. L'évolution de la mobilité distributive des travailleurs suisses La fluidité du marché du travail ayant prévalu jusqu'en 1959/1960 ne pouvait pas durer indéfiniment. La mobilité distributive des travail- leurs suisses devait une fois se ralentir ou ne plus suffire aux besoins de main-d'œuvre des branches du groupe I. En effet, tous les travailleurs ne sont pas mobiles. Cette limitation de la mobilité s'explique aisément : les travailleurs d'un certain âge ne sont en général pas désireux de changer d'emploi volontairement. L'affiliation à une caisse de retraite, la propriété d'une maison, la peur du changement, les situations acquises entravent égale- ment leur mobilité. Finalement, les changements d'emploi sont surtout le fait des ouvriers les moins qualifiés. Or, ces derniers ont été aspirés peu à peu par les branches les mieux rémunérées. Au cours de la période 1959/1960-1964, les travailleurs suisses se sont dirigés surtout vers le secteur tertiaire. D'après les estimations de Nydcgger198, le secteur des industries manufacturières a perdu, de 1960 à 1964, 21 000 ouvriers indigènes (tableau 18). Peu à peu donc, les branches du groupe II se sont vidées de leur main-d'œuvre indigène. Aux alentours de 1960, il ne restait plus beau- l'évolution des différences salariales entre branches 121 coup de travailleurs suisses désireux de changer volontairement de branches, d'autant plus que les branches du groupe II, ne pouvant pas laisser s'échapper toute leur main-d'œuvre indigène, ont dû réagir pour conserver une partie de cette main-d'œuvre. C'est pourquoi certaines de ces branches ont accéléré leurs hausses salariales afin de rapprocher leurs conditions de celles des branches du groupe I. Pour remédier à la situation, on a tenté d'accroître la mobilité de participation des travailleurs indigènes en réintégrant dans la force de travail les catégories marginales de main-d'œuvre : travailleurs âgés, handicapés. On a également envisagé de développer davantage le sys- tème du travail à temps partiel pour les femmes. Toutefois, Ia générali- sation de ce système n'est guère possible à brève échéance, car elle néces- site la modification d'un certain nombre de structures. Le volume de main-d'œuvre supplémentaire résultant de l'améliora- tion de la mobilité de participation des catégories ci-dessus a été toute- fois contrebalancé par la diminution de la mobilité de participation des jeunes dont l'entrée dans la population active a été retardée et qui se sont détournés de plus en plus du secteur secondaire. Quant à la durée du travail, elle a dans l'ensemble diminué, mais les heures supplémentaires ont largement contribué à atténuer et même à compenser cette diminution. En conséquence de cette atténuation de la mobilité distributive et du peu de succès rencontré par les politiques visant à augmenter la mobilité de participation, le nombre des ouvriers suisses ne s'est accru, au cours de cette période, que dans deux branches du groupe I : Arts graphiques et Chimie (tableau 19). Ces exceptions mises à part, la dimi- nution des travailleurs suisses a été générale dans les autres branches ; elle est particulièrement frappante dans les branches du groupe II. Si l'on tient compte que la capacité d'emploi des diverses branches a continué de croître, on peut donc conclure que la mobilité distributive, profitant aux branches du groupe I, s'est considérablement ralentie. 2. L'évolution du niveau de Vemploi A partir de 1959, les tensions inflationnistes jusque-là latentes se précisent et, en 1960, elles dégénèrent en inflation ouverte lfl9. 122 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Sous l'effet de l'afflux de capitaux étrangers en Suisse, la formation du capital s'accélère. La demande globale, préalablement déjà forte, est encore accrue (tableau 20). La production est stimulée et la capacité d'emploi doit être développée. TABLEAU 20 Augmentation annuelle de la demande globale (C + I + Exportations) 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 1962 1963 1964 2,9 6,9 8,4 9,5 6,8 — 1-1 8,3 10,9 13,9 11,2 9,2 10,5 7,2 Source: La Vie économique. Les entrepreneurs, victimes de leurs erreurs d'appréciation des années 1950, doivent le faire dans un sens « capital saving » — malgré l'afflux des capitaux — c'est-à-dire traditionnel. L'augmentation de la capacité d'emploi a été surtout forte dans les branches du groupe I. Or, ce sont justement ces branches qui profitaient de la mobilité distributive des travailleurs suisses. L'interaction de ces divers éléments a provoqué, sur Ie marché de l'emploi, une très forte tension qui est nettement marquée par notre indice (tableau 10). L'accroissement rapide de l'immigration (tableau 24) n'est qu'une indication supplémentaire de cette tension sur le marché de l'emploi. A cette époque, la Suisse connaît le plein-emploi. En effet, la dimi- nution de la mobilité distributive des travailleurs suisses vers les branches du groupe I ne permet plus de déplacer le niveau du plein-emploi, même en continuant d'engager des travailleurs étrangers dans les branches du groupe II, puisque ces ouvriers ne peuvent pas changer de branche. Notons que, dans une certaine mesure, les entrepreneurs ont eux-mêmes contribué à restreindre la mobilité en concluant entre eux des accords visant à ne pas « se voler » la main-d'œuvre (anti-pirating policy). On entre dans une période de demande de main-d'œuvre excéden- taire et généralisée alors que, jusque-là, bien que la demande de main- d'œuvre ait été forte, il y avait équilibre entre offre et demande de main-d'œuvre au niveau global comme au niveau sectoriel. l'évolution des différences salariales entre branches 123 Aucune mesure correctrice de politique économique n'ayant été prise à cette époque pour freiner l'accroissement de la capacité d'emploi, l'immigration devait changer de forme. Afin que l'offre de main-d'œuvre ne constitue pas un goulot d'étranglement, il convenait que les travailleurs étrangers puissent accéder en nombre dans toutes les branches du secondaire, aussi bien les branches du groupe I que celle du groupe II, Dès lors, cette faculté accordée aux ouvriers étrangers va trans- former la politique d'immigration qui, de sélective qu'elle était, va devenir largement non-sélective 200J en ce sens que les travailleurs étran- gers ne vont plus être a priori dirigés vers les branches du groupe II. Toutefois, les ouvriers étrangers ne sont toujours pas libres de changer d'emploi. 3. L'évolution de la structure de Vemploi Sous la pression des événements, la pénétration étrangère dans les branches du groupe I devient manifeste. La progression des permis de séjour initiaux délivrés aux ouvriers frontaliers et étrangers est plus rapide dans ces branches que dans celles du groupe II (tableau 21). Il s'ensuit que la répartition en pourcentage des ouvriers étrangers s'accroît en faveur des branches du groupe I (tableau 16). En 1960, 7,3% des travailleurs étrangers travaillaient dans les branches du groupe I (Chimie, Arts graphiques, Horlogerie) ; en 1965, Ie pourcentage atteint 11,5%. Parallèlement, le rapport des travailleurs étrangers à la main- d'œuvre totale augmente, et d'une manière très significative, dans ces mêmes branches (tableau 17). II. L'évolution des différences salariales entre branches Désormais, toutes les branches engagent principalement des travail- leurs étrangers. Le phénomène est évidemment nouveau pour les branches du groupe I. On rétablit en quelque sorte une certaine sou- 124 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION TABLEAU 21 Permis initiaux de séjour délivrés à des travailleurs étrangers 1950 1955 1960 1961 1962 1963 1964 1965 Terres et pierre — — 6504 8120 7777 7631 7495 5422 Alimentation 1402 6198 8422 11329 12408 12603 12741 9449 Chimie 68 427 1919 3048 3748 4227 4645 3076 Habillement 3314 8264 17117 21137 21011 21348 21844 15942 Arts graphiques 260 980 1755 2308 2942 2800 2675 1642 Métaux et machines 2178 20133 46621 61123 61409 54145 55350 36663 Horlogerie 283 487 2170 3893 4188 3523 4280 3698 Textile 2856 6556 14203 15746 15793 15341 15142 10021 Bois 588 5160 11467 15053 16230 14576 14231 10980 Papier 142 675 1988 2987 3380 3254 3197 1941 Cuir 510 2677 1364 1770 1708 1522 1708 1052 Total 75149 220819 341865 422545 455657 445051 455051 375160 Moyenne mensuelle 6,3 18,4 28,5 35,3 38,0 37,1 38,0 31,3 Source: La Vh économique. plesse sur le marché du travail, mais de nature très différente de celle qui avait existé auparavant puisque, à la suite de la diminution pro- gressive de la mobilité distributive des ouvriers suisses, l'offre nouvelle de main-d'œuvre n'est plus constituée pratiquement que de travailleurs étrangers, ceci pour l'ensemble des branches du secteur des industries manufacturières. Cette situation nouvelle sur le marché de l'emploi va être la cause de la fermeture de l'éventail interindustriel des salaires. En réalité, l'éventail des salaires entre branches s'est refermé un peu plus tôt que l'apparition de la tension sur le marché de l'emploi telle qu'elle est relatée par notre indice de tension de l'emploi. Ceci peut provenir d'un décalage dans les relevés statistiques ou d'un phénomène économique réel. En effet, le plein-emploi n'est pas un point fixe, mais il est le résultat d'une série de tensions sectorielles qui créent peu à peu des goulots d'étranglements M1. Au cours de cette période, l'inflation a également pu être un facteur de fermeture de l'éventail interindustriel des salaires. On a souvent l'évolution des différences salariales entre branches 125 constaté, en effet, qu'en période inflationniste les salaires augmentent plus vite dans les branches à bas salaires que dans les autres. La géné- ralisation des augmentations salariales coûte moins cher aux entre- preneurs s'ils accordent des hausses salariales identiques en termes absolus. Ce système n'a de conséquences, en ce qui concerne les diffé- rences interindustrielles, que si les négociations collectives ont lieu au niveau de la branche ou si un large effet d'imitation se produit. Le dépouillement des termes des contrats collectifs ne permet pas de conclure qu'un tel phénomène se soit généralisé en Suisse. Néanmoins, en 1961 et 1962, la dispersion des salaires interindus- triels en termes absolus a quelque peu diminué, mais cette tendance ne s'est pas poursuivie par la suite. Si l'inflation a joué un rôle, il ne peut que difficilement être dissocié de la situation sur le marché du travail. Les branches du groupe II, devant absolument conserver une partie de leur main-d'œuvre indigène, mais aussi demeurer attractives pour les immigrants dont elles ont plus que jamais besoin, sont contraintes d'améliorer leurs salaires. On constate qu'à partir de 1959/1960, les augmentations de salaires dans la plupart des branches du groupe II sont supérieures à la moyenne, alors que dans le même temps les aug- mentations dans les branches du groupe I sont plus lentes. Les branches dont les augmentations restent inférieures à la moyenne (Habillement, Alimentation) sont celles qui perdent et continueront de perdre le plus d'ouvriers suisses. Ainsi, les branches du groupe I n'ont pas tenté de maintenir les écarts interindustriels de salaires. En réalité, il semble bien qu'elles n'y trouvaient aucun avantage, puisque les disparités ne pouvaient plus influencer que faiblement la mobilité distributive des travailleurs suisses en leur faveur. La prise en considération des éléments ci-dessus nous porte à penser qu'à la fin de la période 1959-1964, l'éventail interindustriel des salaires perd momentanément son rôle d'allocateur de main-d'œuvre dans le secteur des industries manufacturières en ce qui concerne la main- d'œuvre indigène. Tout porte à croire que ce sera aussi le cas au cours de la période suivante. 126 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION B. DEUXIÈME PÉRIODE: 196Sj 1964-1965 I. La politique du marché du travail 1. La lutte anti-inflationniste : limitation de Voffre de main-d'œuvre étrangère A la suite de la forte inflation de 1961-1962, des mesures de politique économique sont prises par le Conseil fédéral en 1963. Nous ne discu- terons pas ici de l'opportunité de ces mesures, nous constaterons seule- ment que la décision de fermer la frontière aux travailleurs étrangers constitua une limitation autoritaire de l'offre de main-d'œuvre. Par un arrêté du 1er mars 1963, le Conseil fédéral restreint l'admis- sion de la main-d'œuvre étrangère. La restriction s'applique à chaque entreprise. Aucune entreprise ne pourra obtenir la délivrance d'autori- sations de séjour pour des travailleurs étrangers si son effectif total du personnel (ouvriers suisses et étrangers) est supérieur de 2% à l'effectif maximum atteint en décembre 1962 ou à l'effectif moyen de 1962. Ces mesures ne seront toutefois pas suffisantes ; elles doivent être renforcées par un nouvel ACF du 21 février 1964. Le Conseil fédéral donne les instructions suivantes : « Les autorités dont relève le marché de l'emploi veilleront à ce que l'effectif des travailleurs étrangers ne s'accroisse plus. Pour atteindre ce but, il importera — de limiter l'effectif total des travailleurs (étrangers et suisses) occu- pés dans les différentes entreprises à l'effectif total enregistré le 1er mars 1964, à l'effectif moyen atteint en 1963 ou à l'effectif sai- sonnier correspondant de 1963 ; — de diminuer l'effectif total du personnel en n'accordant des autori- sations de séjour et autorisations de travail frontalières ou des auto- risations de changer de place à des travailleurs étrangers destinés à remplacer des travailleurs quittant l'entreprise que si l'effectif total du personnel de l'entreprise ne dépasse pas 97% de l'effectif de référence. » Malgré leur aggravation, ces mesures ne permettent pas d'assurer la réduction progressive des travailleurs étrangers souhaitée par les auto- l'évolution des différences salariales entre branches 127 rites. Entre août 1963 et août 1964, les ouvriers étrangers soumis au contrôle s'accroîtront de 31 000 unités, soit de 4,5%. Dans une ordon- nance du 9 octobre 1964, la réduction de l'effectif total du personnel est portée de 97% à 95% de l'effectif de référence. Par ailleurs, on élimine l'immigration spontanée (pseudo-touristes) en rendant obligatoire l'assu- rance d'obligation de séjour pour prise d'emploi. La production d'une promesse d'emploi ou d'un contrat de travail ne suffit donc plus pour l'entrée en Suisse. 2. Conséquences de la limitation de Voffre de main-d''œuvre Cette limitation de l'offre globale de main-d'œuvre, assortie pour les travailleurs étrangers d'une aggravation des conditions à rempUr pour changer d'emploi, a entraîné une très forte tension sur le marché de l'emploi. Toutefois, cette tension a été atténuée jusqu'en 1964 dans la mesure où l'effectif des travailleurs étrangers employés dans chaque entreprise n'a pas été limité. Les travailleurs étrangers peuvent tou- jours remplacer les ouvriers suisses quittant certaines branches. Malgré tout, l'offre de main-d'œuvre est devenue de plus en plus rigide dans le secteur des industries manufacturières, car les travailleurs suisses ont continué d'abandonner les branches du groupe II pour se diriger vers le tertiaire et non pas vers les branches du groupe I. La rigidité de l'offre de main-d'œuvre a été si forte au cours de cette période que les entrepreneurs ont reçu des avertissements, telle cette circulaire que l'Union centrale des Associations patronales et l'Union suisse du commerce et de l'industrie ont adressé à leurs membres : « Les employeurs doivent se rendre compte que Ia main-d'œuvre disponible aura, au cours de ces prochaines années, davantage tendance à diminuer qu'à augmenter. Dans ces conditions, certaines entreprises pourraient être tentées de recourir encore plus à la main-d'œuvre suisse pour rem- placer une main-d'œuvre étrangère qu'il ne sera plus possible d'ob- tenir. C'est pourquoi les directives concernant le recrutement du per- sonnel, que les associations patronales suisses ont édictées, présentent aujourd'hui une importance particulière. Il n'est pas admissible de parer 128 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION à la pénurie de personnel en cherchant à engager du personnel occupé dans les autres entreprises ; chaque entreprise doit avant tout faire tous ses efforts pour économiser le plus de personnel possible ^2. » II. L'évolution des differences interindustrielles de salaires La limitation de l'immigration ainsi que la nécessité de conserver un certain nombre d'ouvriers indigènes inciteront les branches du groupe II à maintenir un accroissement de leurs salaires plus rapide que les branches du groupe L II ne faut pas oublier que les ouvriers qui quittent une entreprise ne peuvent être remplacés que si l'effectif total ne dépasse pas 97% (95%) de l'effectif de référence. II est donc primordial de conserver la main-d'œuvre dont on dispose. L'éventail interindustriel des salaires se refermera au point que la dispersion deviendra plus faible qu'en 1949. Il n'a plus dès lors qu'un effet limité sur la mobilité distributive des travailleurs suisses. D'élé- ment actif qu'il était dans la première phase et au début de la deuxième, il devient absolument neutre, les disparités de salaires entre branches étant devenues trop infimes pour constituer une incitation. La dyna- mique de l'emploi obéira à d'autres facteurs, en particulier à des fac- teurs psycho-sociologiques. C. TROISIÈME PÉRIODE: 1964(1965-1966 Dès 1965, un élément nouveau apparaît : la diminution autoritaire des travailleurs étrangers dans chaque entreprise. Cette réduction sera ressentie principalement dans les branches « capital saving » et dans celles dont l'accroissement de Ia production est fort. Nous verrons que pour ces deux raisons, les disparités salariales vont reprendre une cer- taine importance. I. L'évolution de la politique de l'offre de main-d'œuvre En 1965, la politique visant à diminuer l'offre de main-d'œuvre continue, mais elle se modifie et devient plus sévère. l'évolution des différences salariales entre branches 129 La réglementation en vigueur jusque-là limitait l'effectif total du personnel de l'entreprise indépendamment de la nationalité des tra- vailleurs. Les ouvriers suisses pouvaient donc être remplacés dans les entreprises qu'ils quittaient par des étrangers, pour autant que l'effectif total du personnel de l'entreprise ne dépasse pas 95% de l'effectif de référence. Le nouvel arrêté du 1er mars 1965 prévoit un double plafonnement : 1° maintien de l'interdiction d'augmenter l'effectif total par entre- prise, 2° institution du plafonnement du personnel étranger de l'entreprise. Les entreprises sont tenues de réduire de 5 % (par rapport au 1er mars 1965) leur effectif de travailleurs étrangers. Un autre ACF est publié le 1er mars 1966. Le système du double plafonnement est maintenu, mais modifié comme suit : 1° les employeurs sont tenus de réduire l'effectif des ouvriers étran- gers occupés dans leurs entreprises de 8% de l'effectif de base (1er mars 1965) jusqu'au 31 juillet 1966, puis de 2% jusqu'au 31 jan- vier 1967, soit au total de 10%, 2° le nombre maximum de travailleurs fixé, le 1er mars 1964, pour chaque entreprise, et accru de 4 % constitue l'effectif total du personnel que l'entreprise est autorisée à occuper, 3° les travailleurs frontaliers ne sont plus compris dans l'effectif des travailleurs étrangers. II. Evolution de la structure et de la capacité d'emploi Au cours de la deuxième période, l'éventail des salaires entre branches étant peu ouvert, il eut été possible de pratiquer une certaine libéralisation du contrôle de la main-d'œuvre étrangère en autorisant le libre-passage d'une branche à l'autre. Dans de telles circonstances, les mouvements de main-d'œuvre n'auraient pas été très considérables. Malheureusement, dès 1965, l'éventail des salaires amorce une nou- velle réouverture qui subsistera en 1966. 130 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Durant cette période, le ralentissement du rythme de la croissance de l'économie atténue la tension créée par les mesures légales sur le marché de l'emploi. Grâce à ce phénomène, ainsi qu'à l'augmentation de 4% de l'effectif total que chaque entreprise est autorisée à employer et à l'attribution d'un nombre de plus en plus important de permis d'établissement à des travailleurs étrangers, le marché de l'emploi perd un peu de sa rigidité. Dès 1962, on relève que le nombre des étrangers au bénéfice d'un permis d'établissement rapporté aux étrangers totaux est supérieur à la moyenne dans les branches du groupe I. Cette situation nouvelle sur le marché de l'emploi déterminera des réactions d'adaptation divergentes suivant les branches. Elles traduisent bien l'expectative dans laquelle elles se trouvent vis-à-vis des modifi- cations de la politique d'immigration et, plus spécialement, d'une poli- tique entrevue de libéralisation interne de la main-d'œuvre étrangère et du souci de conserver leur main-d'œuvre indigène. Il s'ensuivra que les mouvements de hausses des salaires dans les diverses branches seront assez complexes ; ils n'obéiront plus à la même logique qu'au- paravant. L'évolution des différentes capacités d'emploi ainsi que les mouve- ments de main-d'œuvre indigène ne sont pas étrangers à ce phénomène. Dans les branches du groupe I, les capacités d'emploi ont plutôt tendance à se stabiliser (Horlogerie, Arts graphiques, Chimie) et même à diminuer (Métaux et machines). La tendance à la diminution est nettement marquée dans les branches du groupe II, sauf dans l'industrie du Papier et du cuir (tableau 15). Cette diminution de la capacité d'emploi est en relation avec la dimi- nution de la demande globale consécutive à une récession généralisée en Europe. Elle n'est pas la conséquence d'une diminution de la pro- duction nationale due à un manque de main-d'œuvre. Les entreprises peuvent, dans ces circonstances, abandonner la frac- tion de main-d'œuvre étrangère qui n'était employée qu'en raison de la croissance très rapide de la production. Cette fraction constitue la main- d'œuvre qui peut être renvoyée en cas d'un ralentissement de la crois- sance. Elle n'est pas une nécessité structurelle. Les mesures légales recouvrent donc en partie un phénomène économique naturel. l'évolution des différences salariales entre branches 131 Au cours de cette période, toutes les branches perdent de la main- d'œuvre indigène, sauf Arts graphiques et Chimie. Les flux des travail- leurs suisses vers le tertiaire se concrétise donc. Ce processus ne rendra que plus difficile le renouvellement de la force de travail dans le secon- daire. Ce départ des ouvriers suisses explique pourquoi le rapport des tra- vailleurs étrangers à la main-d'œuvre totale augmente dans toutes les branches. Pourtant, certaines branches du groupe I, qui attiraient jusque-là des travailleurs suisses, réagissent en accélérant leurs hausses salariales. Il s'agit de Chimie et de Métaux et machines. Ainsi, dans Chimie, les augmentations de salaires, qui étaient inférieures à la moyenne depuis 1961, deviennent supérieure eu 1964. Dans la hiérarchie, la situation d'Arts graphiques est stable, celle de l'Horlogerie se dégrade. Les hausses de salaires dans ces deux branches sont toujours inférieures à la hausse moyenne. Ces deux branches ne cherchent plus — du moins par l'intermédiaire des salaires — à attirer de la main-d'œuvre indigène. Apparemment d'ailleurs, elles n'en ont plus besoin puisque leur capacité d'emploi se stabilise. En outre, la main-d'œuvre pouvant travailler dans Arts graphiques doit posséder une bonne qualification ; or, cette catégorie de main-d'œuvre est épuisée. Ainsi, les branches du groupe I dont la production ne s'est accrue que moyennement depuis 1958 et jusqu'en 1965 — Horlogerie et Arts graphiques — n'augmentent leurs salaires qu'à un rythme inférieur à la hausse moyenne. En un sens, elles n'ont pas tort, car le répit conjonc- turel doit leur permettre de restructurer dans un sens « labour saving » leur combinaisons productives sans en supporter des coûts salariaux trop considérables. On peut aussi avancer que l'amélioration de la pro- ductivité de leur appareil de production nécessite des investissements importants, ce qui les empêche d'accroître davantage leurs salaires, surtout si elles pratiquent l'autofinancement. En quelque sorte, leur capacité de payer des salaires diminue. Les branches dont la production s'est accrue fortement depuis 1958 (Papier, Chimie) ne peuvent pas faire abstraction de la main-d'œuvre à court terme si elles veulent maintenir leur rythme de production. 132 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION Elles doivent conserver des hausses salariales compétitives afin de se maintenir dans la hiérarchie. Métaux et machines, dont la production ne s'est accrue que moyennement, mais qui reste un gros consomma- teur de main-d'œuvre, doit également maintenir une position favorable. Dans les branches du groupe II, Terres et pierre et Bois enregistrent des hausses salariales supérieures à la moyenne entre 1962 et 1963, puis il y a stabilisation au niveau atteint. Dans Alimentation et Textile, les hausses salariales deviennent légèrement supérieures à la moyenne dès 1965. Ces mouvements des hausses salariales ont ainsi pour conséquence d'améliorer considérablement la position de Terres et pierre et de Bois dans la hiérarchie des salaires. La position de l'Habillement ne cesse de se dégrader ; cette branche n'augmente ses salaires qu'à un rythme nettement inférieur à la hausse moyenne. TABLEAU 22 Indice de la production industrielle 1958 100 1959 1960 1961 1962 1963 1964 1965 1966 Terres et pferre 116 131 151 153 159 175 175 180 Alimentation 99 103 113 121 128 133 138 139 Chimie 127 145 147 159 181 199 202 230 Habillement 104 112 119 124 143 160 167 170 Arts graphiques 105 114 125 131 141 151 157 171 Métaux et machines 105 116 125 132 136 141 142 143 Horlogerie 112 122 126 134 137 143 157 179 Textile 104 114 118 121 126 128 127 123 Bois 110 134 147 151 145 153 160 153 Papier et cuir 111 129 138 148 150 157 166 173 Ensemble de l'industrie 108 119 128 134 141 148 153 159 Source: La Vie économique. En résumé, la période 1960-1965 est caractérisée par le fait que l'immigration ne constitue pratiquement plus que la seule source d'offre de main-d'œuvre pour les branches du secteur des industries manufac- turières. En effet, la mobilité distributive des travailleurs suisses, qui s'opérait des branches à bas salaires vers les branches à salaires plus l'évolution des différences salariales entre branches 133 élevés, s'est arrêtée ou, en tous cas, n'est plus suffisante. Les travailleurs suisses se déplacent principalement vers le secteur tertiaire, occasion- nant une diminution de leur nombre dans le secteur secondaire, Il deviendra dès lors nécessaire que chaque branche engage des immigrants afin de satisfaire ses besoins de main-d'œuvre. Comparée à la période 1949-1960, l'immigration acquiert un caractère non-sélectif. Dès 1963, le gouvernement réagit pour freiner le flux des travailleurs étrangers, d'abord en limitant l'accroissement du nombre de travail- leurs totaux par entreprise, puis en obligeant les branches à réduire leur effectif de travailleurs étrangers. Les adaptations requises par ces mesures peuvent s'opérer sans trop de difficultés, car une récession gagne les pays européens. Ces modifications de l'offre de main-d'œuvre entraîneront des réac- tions d'adaptation dans les diverses branches, qui se traduiront en partie par des hausses divergentes des salaires. La nécessité de conserver un certain nombre d'ouvriers suisses obligera les branches du groupe II à augmenter leurs salaires plus rapidement que la moyenne. Quant aux branches du groupe I, elles s'accommoderont des ouvriers étrangers et laisseront l'éventail des salaires se refermer. Les mesures légales de 1963 et 1964 ne feront qu'accélérer ce processus. Dès 1965, la situation change quelque peu. Bien qu'une nouvelle diminution des travailleurs étrangers soit envisagée, l'effectif total du personnel que chaque entre- prise est autorisé à employer augmente et de nouveaux permis d'éta- blissement sont accordés. En raison de cette nouvelle souplesse du marché de l'emploi, certaines branches du groupe I essaient de rétablir les écarts de salaires : l'éventail des salaires marquera dès lors une légère tendance à l'ouverture. CHAPITRE IV LES CONSÉQUENCES DE LA POLITIQUE DE L'OFFRE DE MAIN-D'ŒUVRE La politique de Foffre de main-d'œuvre pratiquée au lendemain de la guerre et au cours des années cinquante a eu des conséquences écono- miques, conjoncturelles et structurelles multiples203. On en a souvent relevé les effets sur la balance des paiements cou- rants, sur la consommation en biens et services, sur le rendement de l'économie. Dans ces domaines, on peut agir au moyen des politiques monétaires et budgétaires modernes. H s'agit de pratiquer une politique conjoncturelle adéquate. Par contre, l'influence exercée sur la structure de l'emploi et la struc- ture de l'appareil de production est beaucoup plus profonde et durable. L'importance de cette influence est apparue dès que la politique d'im- migration eut subi un changement (1963). La limitation de l'offre de main-d'œuvre a entraîné une modification du processus de la croissance de l'économie suisse. Dans cette partie, nous amorcerons une étude des conséquences de la politique de l'offre de main-d'œuvre sur la structure de l'emploi et la structure de l'industrie (appareil de production). I. La structure interindustrielle de l'emploi Il ressort du chapitre III que la main-d'œuvre étrangère est devenue indispensable au bon fonctionnement de l'appareil de production. Dans 136 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION le secteur des industries manufacturières, la force de travail se compose pour plus d'un tiers de travailleurs étrangers. Ce rapport est sensible- ment plus élevé dans certaines branches. Par ailleurs, l'immigration a joué un rôle considérable dans le reflux des ouvriers suisses vers le secteur tertiaire et les professions les plus agréables. La Suisse a tendance à devenir un peuple de « cols blancs ». La principale conséquence du phénomène migratoire réside dans le fait que Ia main-d'œuvre étrangère constitue désormais une nécessité structurelle m. On a eu tendance, au cours des années cinquante, à considérer que la main-d'œuvre étrangère était nécessitée par une croissance trop rapide 205J mais temporaire, de l'économie. Une fois le boom passé, on espérait voir les ouvriers étrangers regagner leurs pays d'origine. Cette opinion cadrait bien avec la crainte d'une crise économique. Toutefois, depuis la guerre, la croissance économique des pays industrialisés a perdu son caractère cyclique pour devenir régulière à long terme. Au cours des années 1910-1920, l'argument soutenant que les tra- vailleurs étrangers étaient temporairement en Suisse pour réaliser des travaux uniques et non renouvelables était valable. Le phénomène n'était pas durable et, de ce fait, n'avait qu'une importance limitée sur la structure de l'emploi. Il n'était pas un catalyseur de la mobilité des ouvriers suisses. En outre, la main-d'œuvre nationale était encore abon- dante dans le secteur primaire qui constituait un réservoir pour le secondaire, ceci d'autant plus que le tertiaire au volume limité n'exer- çait pas encore le pouvoir d'attraction d'aujourd'hui. Dans les années cinquante, en raison de la croissance soutenue de l'économie, l'immigration a été persistante et permanente. La main- d'œuvre étrangère s'est incrustée dans toutes les branches de l'appareil de production de façon irrémédiable à la suite de l'orientation parti- culière de la mobilité distributive des ouvriers suisses. Il en résulte qu'actuellement, de nombreuses entreprises et branches ne pourraient plus assurer leur production si la main-d'œuvre étrangère leur faisait défaut. Une réduction trop considérable de cette main-d'œuvre entraînerait non seulement une stagnation de la production, mais une inutilisation LES CONSÉQUENCES DE LA POLITIQUE DE L'OFFRE 137 plus ou moins considérable de l'appareil de production. Ce phénomène ne doit pas être confondu avec une réduction de la production due au ralentissement de la croissance ou à une structure des coûts inadéquate. C'est de ces derniers phénomènes que procèdent actuellement les arrêts de certaines machines dans plusieurs entreprises. La main-d'œuvre étrangère est devenue structurellement néces- saire parce que nous produisons plus que la structure actuelle de notre capital national ne nous le permettrait sans les immigrants. Certes, de nombreuses branches utilisent encore des travailleurs étrangers comme appoint conjoncturel (les saisonniers), mais cette catégorie de main- d'œuvre tend à diminuer par rapport aux non-saisonniers. En réalité, même si la restructuration du secteur des industries manufacturières intervenait rapidement, la main-d'œuvre étrangère resterait nécessaire, car les travailleurs suisses qui ont passé dans le secteur tertiaire ne feraient pas marche arrière. Ce genre de migration à rebours est pratiquement inconnu. L'économie suisse est désormais définitivement tributaire des tra- vailleurs étrangers, d'autant plus que les jeunes suisses évitent le sec- teur secondaire et que, de ce fait, le vieillissement de la population active suisse dans ce secteur va s'accentuer. Dès lors, une politique d'assimilation adéquate 20° doit être envisagée à défaut de laquelle nous risquons de manquer de main-d'œuvre qualifiée à brève échéance. Il ne faudrait pas tant viser à faire des travailleurs étrangers de fl bons Suisses » que des ouvriers qualifiés, en permettant aux jeunes immigrants et aux enfants d'ouvriers étrangers de fréquenter, dans une large mesure, les écoles professionnelles. La main-d'œuvre étrangère, si elle est devenue nécessaire pour la production, l'est également pour la consommation. La baisse de la demande globale, induite déjà par le ralentissement de la croissance, ne peut que s'accentuer si les travailleurs étrangers partent en nombre. Dans cette hypothèse, des effets d'oscillation pourraient se produire et entraîner une récession. Or, la Suisse ne peut pas se permettre cela, d'une part, parce que les ouvriers étrangers obligés de quitter la Suisse n'y reviendraient pas de si tôt, d'autre part, parce que la réalisation des économies d'échelle 138 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION ne peut pas s'opérer dans une telle conjoncture. Pour que de véritables économies d'échelle soient réalisées, il faut que le marché ait plutôt tendance à s'agrandir. Ce n'est pas dans un climat récessionnel que s'accomplissent les véritables restructurations, mais bien dans un climat de croissance, puisque la croissance s'opère par la création de structures nouvelles supérieures aux précédentes qu'elle vient de détruire. La récession amène plutôt des mesures protectionnistes et cartellaires. IL Evolution de la structure de l'appareil de production 1. Une politique indirecte de différenciations des salaires Ainsi que nous l'avons exposé, l'offre de main-d'œuvre a été un facteur déterminant de la dynamique de la croissance économique suisse depuis une vingtaine d'années. L'abondance de l'offre de main-d'œuvre a oriente l'évolution des combinaisons productives et la dimension des unités de productions et, par conséquent, celle de la demande de main-d'œuvre et de capital. La politique du marché du travail pratiquée alors revenait en quelque sorte à établir indirectement une politique différenciée des salaires. La caractéristique de cette politique consiste à augmenter les salaires au rythme de la productivité de chaque branche d'industrie. Elle s'oppose â la politique uniforme des salaires qui vise à augmenter les salaires au rythme de la productivité moyenne de l'industrie ou de l'économie. Jusqu'en 1958/1960, on peut admettre que les salaires se sont accrus au rythme de la productivité de chaque branche. L'augmentation des salaires pour l'ensemble des branches des industries du secteur manu- facturier a été de l'ordre de 3% en moyenne pour la période 1949/1960 (tableau 23). Or, diverses publications estiment que la production par homme/heure s'est accrue de 2,5 à 3,5% M7. L'augmentation des salaires a été généralement plus élevée que la moyenne dans les branches du groupe I et inférieure dans les branches du groupe II. C'est d'ailleurs cette évolution différentielle LES CONSEQUENCES DE LA POLITIQUE DE L OFFRE TABLEAU 23 Evolution des augmentations salariales 139 Ouvriers masc. Ouvrières Employés Employéi SS 1949 1949 1960 1949 1949 1960 1949 1949 1960 1949 1949 1960 1960 1965 1965 1960 1965 1965 1960 1965 1965 1960 1965 1965 Terres et pierre 3,1 5,1 7,9 3,1 5,1 7,9 3,6 4,6 7,2 3,4 5,0 7,2 Alimentation 3,3 4,8 6,9 3,4 4,9 6,9 3,1 4,3 '6,6 3,4 4,3 6,0 Chimie 3,2 4,7 7,2 3,3 4,7 7,2 2,7 4,5 7,1 2,9 5,0 7,9 Habillement 2,9 4,1 6,2 3,1 4,3 6,4 2,6 3,9 6,2 3,0 4,2 6,3 Arts graphiques 3,5 4,6 6,2 3,7 5,1 6,6 3,1 4,3 6,6 3,4 4,7 7,1 Métaux et machines 3,5 5,0 7,0 3,7 5,3 7,4 3,3 4,5 6,2 3,3 4,6 6,3 Horlogerie 3,1 3,9 5,3 3,3 4,3 5,8 3,0 3,9 5,2 2,9 4,1 6,5 Textile 2,9 4,5 7,2 3,0 4,5 7,2 2,8 4,1 6,7 2,7 4,1 6,5 Bois 3,1 5,3 8,6 3,1 5,3 8,7 2,9 4,7 7,7 3,4 4,8 7,0 Papier et cuir 3,2 4,9 7.4 3,2 4,9 7,3 2,8 4,2 6,3 2,9 4,2 6,1 Divers 3,1 5,1 7,7 3,1 5,5 7,8 3,3 4,9 7,2 3,6 4,7 6,1 Moyenne 3,2 4,8 7,1 3,3 4,9 7,2 3,0 4,4 6,7 3,2 4,5 6,6 Source: La Vie économique. Enquête d'octobre sur les salaires. des augmentations qui a permis l'ouverture de l'éventail interindus- triel des salaires. Cette politique a considérablement avantagé les branches les moins dynamiques, dans la mesure où celles-ci ont pu accroître leurs salaires au rythme de l'évolution de leur productivité et non pas au rythme de la productivité moyenne ou de celle des branches les plus dynamiques. 2. Les effets de la «politique des salaires » A l'intérieur des branches, les effets économiques de cette poli- tique furent comparables aux effets des cartels ou des mesures protec- tionnistes. On peut, en effet, présumer que, dans la plupart des cas, les hausses de salaires ont été axées sur les possibilités des entreprises marginales. Bien qu'apparemment une telle politique crée une distor- sion en faveur des entreprises les plus productives qui réalisent, de ce fait, des surprofits en raison de leur productivité supérieure, elle a en réalité été prétéritablc au rendement actuel et futur de l'économie. 140 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION En permettant le maintien des entreprises les moins productives, cette politique a retardé, parfois peut-être rendu impossible, la trans- formation de la dimension des entreprises et la réalisation des économies d'échelle que nécessite la croissance. Souvent, les surprofits ont été utilisés pour l'investissement extensif, parce que la situation sur le marché des facteurs de production permettait le maintien des combi- naisons productives traditionnelles. En quelque sorte, le véritable mécanisme de la croissance n'a pas joué. Car la croissance n'est pas seulement l'augmentation du volume de biens par tête d'habitants, mais encore et surtout l'assimilation du progrès technique. Or, dans nos régimes économiques, il ne faut pas oublier que les entrepreneurs ne s'adaptent aux progrès techniques que s'ils y sont contraints. Rarement, ils procèdent par anticipation en raison de l'ab- sence de prospective. Ceci est particulièrement vrai pour les petites et moyennes entreprises. Pour cette catégorie d'entreprises, l'intégration continue du progrès technique est beaucoup trop coûteuse à cause de leur faible volume de production. Elles ne se maintiennent, si elles ne sont pas spécialisées, que si le facteur main-d'œuvre est abondant, car leur appareil de production est en général et presque nécessairement « capital saving ». L'assimilation du progrès technique exige des modifications dans les combinaisons productives sous la forme d'une intensité accrue du capital. Or, pour que ces différents phénomènes produisent leurs effets, des destructions et des restructurations doivent s'opérer. C'est le phéno- mène de la destruction créatrice, loi essentielle de la croissance. Il faut que des entreprises disparaissent, fusionnent, se créent dans un mouve- ment continuel. Il faut également que des transformations apparaissent au niveau des pouvoirs économiques, plus spécialement des centres de décision. Au cours des années cinquante, ce phénomène a été ralenti par l'afflux de main-d'œuvre qui a favorisé le maintien d'une structure fl capital saving » de l'appareil de production, ainsi qu'un ensemble de petites et moyennes entreprises avec chacune leur pouvoir économique individuel et indépendant. LES CONSÉQUENCES DE LA POLITIQUE DE L'OFFRE 141 Certes, les entrepreneurs ne sont pas restés inactifs, ils ont souvent amélioré leurs techniques de production afin de réaliser des gains de productivité : le Journal des Associations patronales abonde d'exemples. Malheureusement, ces améliorations n'ont que rarement été destinées à changer l'échelle de production, elles ont plutôt entraîné des amélio- rations mineures. Dans l'ensemble, la production par homme/heure a crû moins rapide- ment en Suisse que dans les autres pays européens. D'après l'ONU 2^, l'accroissement de la productivité a été, entre 1952 et 1965, le suivant : 1952-1958 1958-1965 Allemagne (Ouest) 4,7 5,5 Autriche 4,3 5,6 Belgique 2,7 6,2 Danemark 2,8 4,6 France 3,9 4,3 Grande-Bretagne 2,5 3,9 Italie 6,3 6,9 Norvège 4,0 5,5 Suède 4,1 5,1 Suisse — 4,0 Après 1960, on commença à se rendre compte que la politique du marché du travail pratiquée jusqu'alors avait rendu de mauvais ser- vices, peut-être pas toujours aux entreprises en particulier, mais à l'éco- nomie en général. En freinant les adaptations structurelles, on a retardé les transformations nécessaires qui deviennent tout à coup douloureuses parce qu'elles sont indispensables à brève échéance. Un nouveau seuil de croissance doit être franchi brusquement. Si la main-d'œuvre étrangère n'avait pas été dirigée, les adaptations structurelles se seraient probablement faites insensiblement. Les immi- grants auraient occupé le bas de la hiérarchie professionnelle au même moment dans les branches des deux groupes I et II, et non pas à des 142 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION périodes différentes comme cela s'est produit. L'arbitraire consistant à orienter les immigrants vers les branches du groupe II a permis à celles-ci une politique de bas salaires par rapport aux autres branches. Si les étrangers avaient pu s'orienter vers les branches de leur choix, les branches du groupe II auraient dû pratiquer une politique salariale différente : elles n'auraient pas pu laisser l'éventail interindustriel des salaires s'ouvrir. En effet, dans la mesure où les salaires se seraient trop écartés du niveau moyen ou du niveau des branches du groupe I, elles n'auraient plus été attractives pour les ouvriers étrangers. Elles auraient été contraintes de se maintenir dans le sillage des autres branches. Si de telles conditions avaient prévalu, des transformations de structures, des économies d'échelle se seraient opérées pour que la demande globale puisse être satisfaite. L'adaptation des diverses branches à la croissance aurait été régulière et naturelle, alors qu'en réalité, les branches ont été acculées dans une impasse dès que le sous-emploi relatif a cessé d'exister. A partir de 1960, la demande de main-d'œuvre a eu de plus en plus de peine à être satisfaite, ce qui a entraîné un retournement dans l'évo- lution des écarts interindustriels des salaires. Au fur et à mesure que l'offre de main-d'œuvre est devenue rigide, les hausses de salaires ont évolué défavorablement pour les branches du groupe II. En réalité, les entreprises ont pu, pour un temps, supporter cette charge car elles ont souvent répercuté la hausse des coûts de pro- duction sur leurs prix de vente en raison de la forte demande. Cette dernière s'est accrue plus rapidement entre 1960 et 1963 qu'au cours des années précédentes (tableau 20). L'évolution sur le marché du travail a transformé néanmoins la structure des hausses salariales. La politique des salaires est restée diffé- renciée, mais à rebours : les hausses ont été plus importantes dans les branches du groupe II que dans celles du groupe I. Dès cette époque, les hausses de salaires ont apparemment progressé plus rapidement que l'accroissement de la productivité (tableau 23). Cette période n'a été qu'un sursis aux adaptations structurelles. En un sens, elle les a même retardées en accréditant l'illusion du « tout va bien i). La demande globale et sectorielle a été si forte que toutes les LES CONSÉQUENCES DE LA POLITIQUE DE L'OFFRE 143 capacités de production, même les moins efficaces et les moins produc- tives, ont été sollicitées. Dès 1964, divers facteurs apparaissent qui mettront à jour les défauts de la structure de l'appareil de production dans l'industrie. Tout d'abord, la demande globale se ralentit. Les exportations fléchissent, principalement en raison des difficultés que la Suisse ren- contre vis-à-vis du Marché commun dont l'intégration, malgré tout, se poursuit, et également en raison de la diminution de la croissance dans les pays industrialisés. La lutte sur les marchés internationaux devient de plus en plus vive. Ce sont les entreprises ou les groupes qui ont les réseaux de vente les mieux organisés qui s'arrogent les marchés. Dans ces conditions, il convient de demeurer le plus compétitif pos- sible. Les prix de vente ne peuvent plus être augmentés à souhait. Cette situation devient de plus en plus inquiétante pour de nombreuses entre- prises qui connaissent une hausse sensible de leurs coûts de production. En effet, d'une part, en raison de l'égalisation internationale des taux d'intérêt et des mesures prises par la Banque nationale suisse, l'afflux de capitaux étrangers s'arrête, les taux d'intérêt à l'intérieur augmentent, d'autre part, l'offre de main-d'œuvre devient très rigide ; les salaires s'accroissent plus fortement qu'auparavant. Dans la mesure où l'offre de main-d'œuvre est bloquée, le travail devient un facteur fixe de production. Les entreprises doivent tout faire pour conserver leur main-d'œuvre. Elles ne peuvent pas procéder à des licenciements, car elles risqueraient de ne plus pouvoir retrouver de main-d'œuvre lors d'éventuels réengagements. Cette situation conduit même certaines entreprises à pratiquer une politique de thésaurisation de la main-d'œuvre. Elles y sont d'ailleurs plus ou moins incitées par la politique du double plafonnement. Tout cela réduit encore la mobi- lité distributive de la main-d'œuvre, pourtant déjà faible. La Suisse connaît dès lors toutes les caractéristiques de l'inflation par les coûts. Notre structure des coûts est telle que nous risquons de ne plus pouvoir supporter la concurrence des entreprises étrangères. Dès lors, il devient évident que les combinaisons productives ne sont plus valables. Le manque de main-d'œuvre déterminera sans ambages 144. STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION dans quelle direction il faut s'engager poux apporter les modifications nécessaires : il faut procéder par une intensification du capital de carac- tère 21°. La pression des coûts salariaux obligerait les branches les moins dynamiques, principalement les branches à bas salaires, à des transfor- mations et à une libération de main-d'œuvre dont profiteraient les branches les plus dynamiques. Toutefois, le maintien de la dispersion des salaires à un certain niveau est difficile. La structure des salaires est essentiellement dyna- mique et elle réagit sous l'impulsion des forces du marché lorsqu'il est permis à celles-ci de s'exprimer. Ce fut le cas en Suisse dès 1965/1966 malgré les mesures de limitation de l'immigration. Dès que le plafond de la main-d'œuvre que chaque entreprise a le droit d'employer a pu être dépassé, la demande de main-d'œuvre par certaines branches a entraîné des hausses salariales et une réouverture de l'éventail. S'il est impossible de figer, sans intervention directe sur les salaires, la structure des salaires, d'autres mesures peuvent être envisagées pour limiter la mobilité distributive. On peut, par exemple, renforcer les mesures visant à empêcher les changements de place ou de profession des travailleurs étrangers. Cette politique est de plus en plus recom- mandée : « un changement de place ne devrait être autorisé pour les travailleurs étrangers durant toute la durée de leur séjour en Suisse, qu'une seule fois au cours d'une période de douze mois» m. Cependant, toute limitation supplémentaire de la mobilité distri- butive des étrangers entraînerait nécessairement une réouverture de l'éventail interindustriel des salaires due à la lutte que ne manqueraient CONCLUSIONS 149 pas de se faire les branches pour obtenir les travailleurs suisses. Les diffé- rences salariales nécessaires pour inciter les travailleurs suisses occupés dans les branches du groupe II à changer d'emploi devraient être considé- rables, car les ouvriers qui restent dans ces branches sont les moins mobiles. De même, dans la mesure où les autorités s'engagent vers un déblo- cage du personnel total autorisé dans chaque entreprise, il faut s'attendre à une réouverture de l'éventail des salaires entre branches d'industrie. Or, toute ouverture de l'éventail nécessitera tôt ou tard une nouvelle immigration, car il sera impossible d'empêcher très longtemps qu'une redistribution de la main-d'œuvre ne s'opère au profit des branches à salaires les plus élevés. Certes, cette redistribution dépend du développe- ment de capacité d'emploi. Or, à long terme, on peut supposer que les transformations structurelles de l'appareil de production s'effectueront en économisant de la main-d'œuvre ; mais, dans une période intermédiaire, d'importants contingents de main-d'œuvre seront encore nécessaires pour assurer la production. Ce qu'il faut éviter, c'est que les nouveaux immi- grants n'incitent les branches à retarder leurs modifications structurelles. Un tel phénomène ne manquerait pas de se produire si l'immigration ne bénéficiait qu'aux branches à bas salaires. Un tel apport de main- d'œuvre aurait principalement pour effet de faire pression sur les salaires et de les maintenir à un niveau inférieur à celui qu'ils attein- draient sans immigration. Si de nouveaux contingents d'immigrants se révélaient inévitables, la politique la plus adéquate consisterait à attribuer un contingent à chaque branche en fonction de l'évolution présumée de sa capacité d'emploi. Une telle politique aurait des chances de maintenir une dis- persion des salaires relativement faible, mais elle nécessiterait l'établisse- ment d'objectifs précis. De toute évidence, il apparaît que la domestication de la mobilité distributive est difficile à réaliser. C'est pourquoi nous sommes scep- tiques quant à la possibilité d'assurer la période transitoire de restruc- turation de l'économie suisse uniquement en agissant sur l'offre de main-d'œuvre. Peut-être faudra-t-il se résoudre à agir directement sur la structure des salaires relatifs, ce qui nécessiterait certainement une action sur l'orientation des investissements. APPENDICE I LES DISPARITÉS GÉOGRAPHIQUES DE SALAIRES LES DISPARITÉS GÉOGRAPHIQUES DE SALAIRES I. L'évolution de la structure intercantonale de l'emploi L'évolution de la répartition de la main-d'œuvre entre les différents cantons dépend de la localisation des diverses entreprises. Or, ces entre- prises jouissent de pouvoirs d'attraction très différents, principalement en raison de leurs niveaux de salaires. J. Calcul d'un indice de mobilité intercantonale La mobilité distributive des ouvriers suisses entre les différentes bran- ches a été considérable au cours de la période que nous étudions. Une telle mobilité ne va pas sans des mouvements importants de main- d'œuvre d'une région à l'autre. Afin d'avoir une image des différents mouvements de population au bénéfice ou au détriment des divers cantons suisses, nous avons établi un indice de mobilité. Cet indice a été calculé en faisant le rapport, pour chaque canton, des habitants nés hors du canton du domicile aux habi- tants résidant dans le canton nz. Pour ce faire, nous avons utilisé les recensements de la population de 1950 et 1960 ; nous n'avons pas de données intermédiaires. Nos calculs se rapportent à la population totale née en Suisse et non pas à la seule population active. Notre indice traduit l'effet final de toutes les migrations qu'un indi- vidu a pu accomplir entre le jour de sa naissance et le jour du dernier recensement qu'il subit. L'omission des différentes étapes conduit néces- sairement à une sous-estimation de la mobilité géographique. Des calculs identiques effectués par Ie Bureau fédéral de statistique pour l'ensemble de la Suisse indiquent que la mobilité intercantonale a crû entre 1950 et 1960, mais moins rapidement que dans les décennies LES DISPARITÉS GÉOGRAPHIQUES DE SALAIRES 153 TABLEAU 1.1 Indices des migrations cantonales (Classement selon le rang des cantons) 1950 1960 SUISSE 25,8 NW 23,6 SUISSE 27,7 VD 28,0 GE 78,0 AG 22,1 BL 48,5 AG 26,4 BS 57,0 SZ 21,8 GE 48,2 SZ 26,2 ZH 46,6 SG 21,1 BS 45,4 SG 25,3 ZG 45,6 OW 20,2 ZG 44,4 OW 23,5 BL 42,1 LU 19,4 SH 38,3 LU 22,2 SH 34,5 UR 16,4 ZH 37,3 UR 19,3 TG 32,8 GR 14,2 AE 36,9 GR 16,8 NE 30,9 BE 13,1 TG 36,8 BE 15,9 VD 29,1 Tl 10,7 NE 33,8 Al 15,8 SO 28,6 Al 10,4 SO 31,3 FR 13,7 GL 24,3 FR 10,1 NW 30,1 Tl 12,5 AE 23,9 VS 6,1 GL 28,2 VS 8,0 Source: Recensements fédéraux de la population. précédentes as. Ceci s'explique par le fait que les cantons autrefois sous-développés ont accru depuis 1950 leur produit social plus rapide- ment que les autres cantons. La forte croissance de l'économie nationale s'est répercutée sur ces cantons économiquement faibles (FR, VS, TI) (croissance résiduelle). Dès lors, les migrations se sont ralenties, faute de population susceptible de migrer. 2. Relation entre les indices de mobilité entre cantons et divers autres éléments a) Aucun changement appréciable n'apparaît dans le rang des indices entre 1950 et 1960 (corrélation de rang : 0,95). Il n'y a donc pas eu de modification dans le courant migratoire traditionnel des Suisses des cantons économiquement faibles vers les cantons forts entre 1950 et I960. b) Il n'y a pas de relation significative entre le taux de croissance du produit social cantonal ^4 et l'indice des migrations. La relation est 154 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION plutôt inverse : les cantons économiquement faibles se sont développés malgré le départ des Suisses. c) Par contre, on constate une relation positive très significative (sur- tout si l'on supprime BE) entre l'indice des migrations intercantonalcs et le produit social par tête. Les Suisses se sont donc dirigés vers les cantons où le revenu par habitant est le plus élevé a5, accroissant ainsi leur niveau de vie. d) On constate également une relation entre le niveau des salaires par canton et la mobilité. II. L'évolution des disparités géographiques de salaires 1. Le classement des cantons selon le niveau des salaires Les cantons à salaires élevés sont Bàie, Genève, Zurich, Schaffhouse, Soleure, Neuchâtel, Vaud, Berne. Ces cantons ont des salaires supérieurs à la moyenne (indices supérieurs à 100 dans le tableau 1.2). Le groupe à faibles salaires (indice inférieur à 95) est constitué par Argovie, Unter- wald, Glaris, Schwyz, Uri, Tessin, Fribourg. Les autres cantons occupent des positions intermédiaires. Au cours de la période 1950-1965, Ie classement des différents can- tons selon le niveau moyen de salaires est resté stable bien que quelques changements interviennent dans la hiérarchie dès 1960/1961. Neuchâtel, Soleure (deux cantons horlogers) perdent quelques rangs dans la hiér- archie, alors que des cantons comme Fribourg, Valais améliorent leur position. 2. L'évolution de la dispersion des salaires entre cantons La dispersion des différences de salaires entre cantons (coefficient de variation) reste relativement stable jusqu'en 1958/1959, ensuite elle LES DISPARITÉS GÉOGRAPHIQUES DE SALAIRES 155 TABLEAU 1.2 Différences des salaires entre cantons pour les ouvriers (Disparités corrigées de l'influence due au sexe et à la qualification) 1950 1951 1952 1953 1954 1955 1956 1957 1958 1959 1960 1961 19G2 1963 1964 1965 ZH 113 113 112 113 112 112 111 111 111 111 111 110 109 107 108 108 BE 104 104 104 105 104 104 104 105 105 104 104 104 103 103 103 102 LU 100 99 99 100 100 100 99 100 100 99 99 99 99 99 99 99 UR 100 100 98 97 94 94 96 96 95 94 95 94 94 96 96 96 SZ 93 94 93 93 94 93 93 92 92 91 93 93 93 94 96 95 OW 89 91 91 91 93 91 93 90 91 91 91 92 92 94 93 93 NW 91 90 91 90 88 91 90 90 89 89 91 92 93 94 94 96 GL 96 95 94 94 94 94 94 93 95 94 96 96 93 93 93 93 ZG 101 101 101 100 100 102 102 101 102 101 99 100 100 101 100 101 FR 93 92 93 94 95 95 96 94 96 96 96 96 98 98 98 97 SO 104 106 106 106 106 106 107 109 109 110 109 109 105 106 106 106 BS 119 117 117 117 118 117 115 115 114 114 114 114 113 112 113 111 BL 108 109 108 109 108 108 107 107 108 108 107 108 108 107 107 106 SH 109 109 109 109 108 108 108 110 109 109 109 109 109 107 107 107 AE 91 90 90 89 90 92 91 90 91 90 91 91 91 92 92 92 Al 86 89 90 82 86 84 89 88 87 88 89 89 91 91 89 94 SH 98 97 98 97 98 98 97 97 96 97 97 97 97 97 97 97 GR 93 92 93 92 93 93 93 92 93 92 93 93 95 96 98 98 AG 100 100 101 101 100 101 101 101 101 101 100 100 101 101 100 101 TG 100 99 99 99 98 99 99 98 98 98 99 99 99 98 98 98 Tl 93 93 93 93 92 92 93 92 93 95 94 94 96 97 97 96 VD 105 101 105 106 106 106 106 106 106 106 106 105 106 105 104 103 VS 96 101 97 99 99 99 100 102 102 101 102 101 101 101 101 100 NE 110 104 111 112 111 112 111 112 112 111 111 106 108 106 102 104 GE 118 115 116 118 116 116 116 117 117 115 115 114 112 111 110 110 Coefficient de variation 8,6 8,0 8,0 9,1 8,5 8,5 7,8 8,5 8,3 8,1 7,6 7,3 6,7 5,9 5,9 5,4 Source: La Vie économique. Enquête d'octobre sur les salaires. diminue. Une tendance à l'égalisation des salaires entre cantons s'opère, qui coïncide avec la fermeture de l'éventail des salaires entre branches. La croissance rapide du produit social des cantons à faibles salaires explique en partie cette fermeture. En effet, diverses branches ont étendu leurs activités dans les cantons à faibles salaires pour bénéficier du potentiel de main-d'œuvre de ces cantons. Pour recruter des ouvriers, 156 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION elles ont dû leur offrir des salaires comparables à ceux payés dans les autres cantons. 3. Différences salariales et mobilité entre cantons Une liaison statistique significative est très souvent constatée entre les mouvements de main-d'œuvre entre régions et les niveaux de rému- nérations entre ces différentes régions. Cette relation peut être expliquée, comme pour les mouvements de main-d'œuvre entre branches, par le mécanisme des vacances d'emploi ou par l'attrait d'un gain supérieur ^6. En Suisse, il est évident que les offres d'emplois (demandes de main- d'œuvre) ont joué un rôle important dans l'orientation des mouvements intercantonaux de main-d'œuvre ; mais les différences salariales ne sont pas à négliger. Lorsque le marché du travail est tendu, il est plus que probable que le choix des travailleurs sera fait en fonction du salaire proposé. Le travailleur qui change de région volontairement le fait pour améliorer son revenu. Cette constatation peut être soutenue en Suisse si l'on considère que les travailleurs se sont dirigés vers les cantons où le revenu social par habitant et les salaires sont les plus élevés. Ces cantons sont Zurich, Bâle, Schaffhouse, Vaud, Neuchâtel, Genève, Soleure. Le coefficient de rang établi entre les indices de mobilité intercan- tonale et le revenu par habitant est de 0,75 pour 1950 et de 0,70 pour 1960. Pour la relation, indices de mobilité et niveaux des gains (rang), on obtient 0,75 pour 1950 et 0,70 pour 1960. (Dans les deux cas, on a exclu Berne). Ainsi, entre 1950 et 1960, période où l'éventail interindustriel des salaires s'est ouvert, les Suisses ont abandonné les cantons à faibles salaires pour s'engager dans les cantons à salaires plus élevés et, d'une manière générale, à plus forte puissance économique. Nous pouvons faire nôtres ici les constatations du délégué aux possi- bilités de travaila7 : « Lorsque dans un canton, les entreprises qui n'exercent qu'une faible attirance l'emportent, les effectifs indigènes diminuent ou n'augmentent que faiblement, tandis que ceux des tra- LES DISPARITÉS GEOGRAPHIQUES DE SALAIRES 157 vailleurs immigrés s'accroissent fortement. Lorsque les entreprises et branches qui ont un fort pouvoir d'attraction sont déterminantes, les effectifs suisses et étrangers croissent ensemble ». Bien que cette pro- position souffre quelques exceptions, nous pouvons l'admettre comme une loi de tendance. Pour apprécier les conséquences de ces mouvements de main-d'œuvre, il nous faut encore voir quelle a été l'évolution de la répartition des travailleurs étrangers entre les cantons. On peut présumer que certains des cantons qui ont perdu une partie de leur main-d'œuvre indigène et qui sont souvent ceux dont la crois- sance a été la plus rapide dès 1958/1959, ont dû faire appel aux travail- leurs étrangers pour remplacer leur force de travail. Dès lors, l'arrêt de l'immigration pourra prétériter leur croissance future. 4. La répartition des ouvriers par nationalité entre les cantons Une relation existe entre les taux de mobilité entre cantons et Ia distribution des travailleurs étrangers entre ces divers cantons. On peut dégager qu'entre 1950 et 1960, les immigrants se sont dirigés généralement vers les cantons qui bénéficiaient déjà de l'afflux des Suisses et vers les cantons dont la puissance économique était Ia plus forte. L'afflux de main-d'œuvre étrangère a été si considérable dans ces cantons que le rapport des travailleurs étrangers aux ouvriers totaux est supérieur à Ia moyenne (Exceptions : Neuchâtel, Soleure, Vaud). Ce rapport est inférieur à la moyenne dans les cantons où l'indice de mobflité est faible avec quelques exceptions comme le Tessin et Saint- Gall. Au cours de cette même période, certains cantons ont maintenu stable leur population active suisse (Schwytz, Obwald, Grisons, Saint- Gall, Thurgovie) ou l'ont vu diminuer (Glaris, Fribourg, Appenzell). Elle a augmenté dans les autres cantons. Les cantons riches ont donc bénéficié d'un double afflux de main- d'œuvre évitant ainsi un blocage de leur croissance et une hausse trop rapide des salaires. 158 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION HI. Conclusions Les mouvements de main-d'œuvre n'ont pas trop disturne la crois- sance des cantons faibles jusqu'en 1959/1960. Mais on constate ensuite un mouvement de fermeture de l'éventail intercantonal des salaires occasionné par la nécessité, pour les cantons faibles, de ralentir les mouvements intercantonaux de main-d'œuvre. Depuis cette époque, la pénétration des travailleurs étrangers dans ces cantons s'accroît, sans que le rapport des travailleurs étrangers aux travailleurs totaux ne devienne pour autant supérieur à la moyenne. Dans certains de ces cantons, il existe encore des réserves de main- d'œuvre indigène. En effet, Fribourg, Valais, Obwald, Nidwald, Grisons, Appenzell Rhodes-Intérieures ont pu accroître, entre 1959 et 1965, le nombre des ouvriers suisses dans le secteur des industries manufactu- rières 2IB. Il n'en demeure toutefois pas moins, qu'au niveau global, la demande d'ouvriers étrangers est plus forte dans les cantons à puissance économique faible que dans les autres (tableau 1.3), avec une exception notable qui est Fribourg. Ceci est le signe que ces cantons désirent de plus en plus adapter leur structure de l'emploi par nationalité. Ils ont besoin de travailleurs étrangers dans divers secteurs (agriculture, ser- vices) pour permettre à leur main-d'œuvre suisse de s'engager ailleurs et d'établir ainsi des structures de l'emploi comparables aux cantons plus développés. Si un tel phénomène ne se produit pas, ils risqueront de perdre une partie considérable de leur main-d'œuvre indigène. La nécessité d'éviter une trop forte pression sur les salaires existe également. En effet, les différences salariales ont constitué un élé- ment important dans leur développement économique en incitant les entreprises à venir profiter de ces bas salaires. Une fermeture trop considérable de l'éventail intercantonal des salaires annulerait cet avantage. Dans la mesure où l'offre de main-d'œuvre étrangère est désormais bloquée et où chaque entreprise doit réduire ses ouvriers étrangers, il est probable que les cantons qui ont le moins d'immigrants souffriront le plus. La réduction est linéaire et ne tient pas compte des diverses situations particulières. LES DISPARITÉS GÉOGRAPHIQUES DE SALAIRES 159 TABLEAU 1.3 Demande de main-d'œuvre supplémentaire par canton (de mars 1965 à février 1966) Suisses Etrangers Suisses Etrangers FR 78,4 21,6 BS 45,5 54,5 SH 66,7 33,3 AG 45,3 54,7 LU 66,6 33,4 BL 44,7 55,3 VD 64,8 35,2 VS 37,0 63,0 SO 61,8 33,2 ZG 31,4 68,6 NW 56,4 43,6 GR 31,3 68,7 ZH 53,1 46,9 SW 26,7 73,3 GL 51,2 48,8 AE 22,6 77,4 SG 50,5 49,5 OW 18,5 81,5 NE 49,6 50,4 Al 15,4 84,6 GE 49,4 50,6 Tl 10,3 89,7 BE 47,4 52,6 UR 7,7 92,3 TG 47,2 52,8 Source: Bulletin d'information des délégués aux possibilités de travail et à la défense économique nationale, N* 3, nov. 1966. Dès lors, la fermeture de l'éventail intercantonal des salaires et la limitation de l'offre pourront compromettre un acquis de la période 1949-1965 : le rapprochement des niveaux de vie entre les différentes régions du pays 819. APPENDICE II LES DIFFÉRENCES DE SALAIRES ENTRE QUALIFICATIONS ET ENTRE SALAIRES MASCULINS ET FÉMININS îsïï; SS in CM s;a Sm co q m n o SS3 m CM « CM CM a ssïïîsss CM 5*3 n CM ScmS^S SS CM sta a r oioinei Ol CM «- T- Tf co n i- OJ S3 sta a co co io n g Soi Tt CM SSS CM co en io » g 25 m CM SSS CM h Cl (D (O O ^ *— ^ *— Tf ?5 124 Ol « Ol 121 O COCO(OQ)CMr-TrTf- s: O) O *~ -I M S (ooiOi-i-Nnnpn i-^t-CMtc^CMCMCMt- CO S * 'OC NOfllIJiWMOM i-OlT-T-Vi-tN« co O *~ CD cooaawhinv as Ol ,_ C ^- LiI C) 3 t5 tssssaas? 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Nydegger, « Die statistische Erfassung der Arbeitskräfte o, Aussenwirt- schaft, juin 1965, pp. 144-161. Cet auteur donne une vue générale des statistiques suisses de la main-d'œuvre. 7 F. Sellier, « Marche du travail et analyse de la répartition », Economie appli- quée, janvier-juin 1955, p. 91. B J. T. Dunlop, « The Task of Contemporary Wage Theory », in G. W. Taylor et F. C. Pierson, New Concepts in Wage Determination, p. 128. * Les principales études sur ce genre de disparités ont été recensées par Marchal et Lecaillon, La Répartition du Revenu national, Génin, Paris, 1958, t. I, pp. 495 ss, Cf. également OCDE, fl Salaires et mobilité de la main-d'œuvre », Suppl. N0 1, Résumés d'articles choisis, Paris, 1966. 10 J. R. CR05SLEY, Collective Bargaining, Wage Structure, and the Labour Market in the United Kingdom, p. 207. 11 R. Pressât, L'analyse démographique, PUF, Paris, 1961, pp. 258 ss. 12 L. G. Reynolds et C. H. Taft, TAe Evolution of Wage Structure, Yale University Press, 1956, p. 349. 15 TiAKO et Sellier, Economie du travail, PUF, Paris, 1962, pp. 272 ss. 14 Au surplus, les différences salariales personnelles qui ne sont pas dues au sexe, à la race ou à l'âge proviennent des différentes méthodes de paiement des salaires, L. G. Reynolds et C. H. Taft, op. cit., pp. 170 ss. 16 R. A. Lester, Economies of Labor, Macmillan, New York, 1964, p. 311. 16 J. R. CrOSSLEY, Op. cit., p. 210 ; C. Kerr, fl Wage Relationships - The Compara- tive Impact of Market and Power Forces », in J. T. Dunlop, Ed., The Theory of Wage Determination, pp. 175 ss, 17 J. R. CrOSSLEY, op. cit., p. 210. 18 L. G. Reynolds ct C. H. Taft, op. cit., pp. 174 ss. iS Ibid,, op. cit., p. 359. M Marchal et Lecaillon, op. cit., pp. 304 ss. et L. G. Reynolds et C H, Taft, op. cit., pp. 330 ss. et 445 ss. 184 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION 11 Marchal et Lecaillon, op. cit., p. 347. " Principales études : Marchal et Lecaillon, « La Répartition du revenu natio- nal ¢, op. cit., ; Reynolds et Taft, * The Evolution of Wage Structure », op. cit. ; Tiano et Sellier, a Economie du travail », op. cit. ; OCDE, Les salaires et la mobilité de la main-d'œuvre, Paris 1965 ; OCDE, « Salaires et mobilité de la main-d'œuvre », Suppl. N0 1, Résumés d'articles choisis, Paris, 1966 ; P. G. Keat, « Long Run Changes in Occupational Wage Structure ¢, The Journal of Political Economy, dec. 1960, pp. 584- 600 ; R. Perlman, « Forces Widening Occupational Wage Differentials I, The Reviav of Economics and Statistics, mai 1958, pp. 107-115 ; M. Parodi, Croissance économique et nivellement hiérarchique des salaires ouvriers. Ed. Rivière, Paris, 1962; G. Marion, « L'offre de travail et la disparité occupatîonnelle des salaires en longue période », L'Actualité économique, N0 2, 1963. M R. Perlman, t Forces Widening Occupational Wage Differencials », op. cit., p. 109 ; E. E. Muntz, « Ln diminution des différences de salaires fondées sur la qualifi- cation professionnelle aux Etats-UniB », Revue internationale du Travail, N0 6, 1955, pp. 637-655. u G, Marion, « L'offre de travail et la disparité occupationnelle des salaires », op. cit., p. 222. K Reynolds et Taft, « The Evolution of Wage Structure », op. cit., p. 357. M G. Friedmann, Le travail en miettes, Gallimard, Paris, 1956 ; A. Touraine, L'évolution du travail ouvrier aux usines Renault, CNRS, 1955. 27 M. W. Reder, fl Wage Differentials : Theory and Measurement », in National Bureau of Economic Research, Aspects of Labor Economics, p. 265. tB C. Kerr, « Wage Relationships- The Comparative Impact of Market and Power Forces », op. cit., pp. 185 ss. *° Reynolds et Taft, * The Evolution of Wage Structure », op. cit., pp. 185 ss. M R. Perlman, « Forces Widening Occupational Wage Differentials », op. cit. Les arguments de R. Perlman sont contredits par M. W. Reder, . Bulletin of the Oxford University Institute of Statistics, avril 1951 ; P. H. Douglas, Real Wages in the United States 1690-1926, Boston, 1930. 44 M. Vacher, e Quelques aspects de la structure des salaires horaires ouvriers dans l'industrie et Ie commerce en 1954 s, Etudes statistiques, N0 1, janv.-mars 1956, pp. 49-68. « P. H. Douglas, Real Wages in £/.S.,.1930. 40 A. ROSS, Trade Union Wage Policy, University of Michigan Press, 1953, pp. 116-119. 4Ï R. Ozanne, « Impact of Unions on Wage Level and Income Distribution », The Quarterly Journal of Economy, mars 1959 ; A. Ress, The Economics of Trade Unions, University of Chicago Press, 1962, pp. 62 ss. 48 C. Kerr, « Wage Relationships - The Impact of Market and Power Forces t>, op. cü., p. 181 ; Reynolds et Taft, o The Evolution of Wage Structure », op. cit., pp. 192 ss. 49 A. Tiano, L'action syndicale ouvrière et la théorie économique du salaire, Ed. Génin, Paris, pp. 367-373 et 380-385. 80 R. A. Lester, « Economics of Labor s, op. cit., p. 309 ; Marchal et Lecaillon, « La répartition du revenu national », op. cit., p. 301 ; A. Tiano, « L'action syndicale ouvrière et la théorie économique du salaire », op. cit., pp. 370-371 ; L, G. Reynolds, « The Impact of Collective Bargaining on the Wage Structure in the United States », in J, T. Dunlop, fl The Theory of Wage Determination », op. cit., p. 220. Reynolds, qui admet la thèse de l'efficacité, estime que l'amélioration des rémunérations de certains travailleurs est acquise au détriment de la grande majorité des autres ouvriers. 11 A. Tiano, « L'action syndicale ouvrière », op. cit., pp. 376-377. M Marchal et Lecaillon, o La répartition du revenu national », op. cit., p. 301. M Jbid., op. cit., p. 303. " A. TlANO, fl L'action syndicale ouvrière », op. cit., p. 375 ; cf. également les différentes monographies in Reynolds et Taft, « The Evolution of Wage Structure », op. cit. K Tiano et Sellier, « Economie du travail », op. cit., p. 587. 186 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION se Marchal et Lecaillon, « Ln répartition du revenu national », op. cit., p. 303. " Ibid., op. cit., pp. 267 ss. » Ibid., op. cit., p. 269. M Ibid., op. cit., pp. 272-273. 80 3Lc coefficient de corrélation de rang, utilisé généralement pour ce genre de comparaison, ne permet pas de retenir les branches nouvelles, ni celles qui ont subi des transformations importantes, ni celles qui ont disparu. On ne peut comparer que les branches existantes à l'époque de hase. « D. E. Cullen, 0 The Interindustry Wage Structure 1849-1950 », The American Economie Revieic, janv. 1956, 1956, pp. 363 ss. 81 P. Haddy et N. A. Tolles, « British and American Changes in Inter- industry Wage Structure under Full Employment j>, The Revieto of Economics and Statistics, nov. 1957, pp. 408-414. 83OCDE, «Les salaires et la mobilité de la main-d'œuvre», op. cit., pp. 29-30; Reynolds et Taft, « The Evolution of Wage Structure o, op. cit., p. 353, 64 OCDE, « Les salaires et In mobilité de la main-d'œuvre », op. eu., p. 38 ; R. A. Lester, « Economies of Labors », op. cit., p. 307 ; P. Haddy et N. A. Tolles, « British and American Changes in Interindustry Wage Structure under Full Employ- ment ; C. Kerr, c Wage Relationships - The Impact of Market and Power Forces ». op. cit., p. 180 ; Reynolds et Taft, « The Evolution of Wage Structure », op. cit., p. 352. 45OCDE, «Les salaires et la mobilité de la main-d'œuvre», op. cii., p. 38; D. E. Cullen, » The Interindustry Wage Structure 1899-1950 », op. cit. ; TiAtvo et Sellier, a Economie du travail », pp. 237 ss. 66 Pour Slichtcr, il y a stabilité en courte période. S. H. Slichter, « Notes on the Structure of Wages e, The Review of Economics and Statistics, fév. 1950. Cf. Cullen, o The interindustry Wage Structure », op. cit., p. 354. 87 J. J- Silvestre, a Le comportement cyclique des hausses salariales dans les industries de transformation », Revue d'économie politique, N° 2, 1965, p. 312. 88 D. E. Cullen, a The Interindustry Wage Structure 1899-1950 », op. cit., p. 362 ; P. Haddy et N. A. Tolles, fl British and American Changes in Interindustry Wage Structure under Full Employment», op. cit. ; J. T. Duinlop et M. Rothuaum, « Com- paraisons internationales des structures de salaires », op. cit., p. 399 ; G. Rottier, A The Evolution of Wage Differentials : A Study of British Data », in J. T. Dunlop, e The Theory of Wage Determination », op. cit., p. 242. '• D. E. Cullen, « The Interindustry Wage Structure », op. cit., p. 362 ; J. T. Dun- lop et M. Rothbaum, « Comparaisons internationales des structures de salaires », op. cit. 70 A. Marshall, Principles of Economies, cité par M. Niveau, a Les formes de la concurrence et la dispersion des salaires», op. cit., p. 572. 71 E. H. Phelps Brown, TAe Economics of Labor, Yale University Press, 1964, p. 127; Reynolds et Taft, « The Evolution of Wage Structure», op. cit., p. 369. 71 M. Niveau, « Les formes de la concurrence et la dispersion des salaires », op. cit., p. 578. 73 fl L'existence de groupes, Ie développement des grandes unités modifient la forme et Ie fonctionnement des marchés, mais ne les fait pas disparaître. Lc prix des facteurs peut être fixé par l'Etat ou par négociations entre grandes unités économiques ; cependant, l'offre et la demande des facteurs restent fibres... Certes, les marchés de facteurs n'ont rien à voir avec les marchés de concurrence parfaite ; ils relèvent de l'analyse moderne des marchés (monopole, monopole bilatéral, oligopole) : le fait qu'un NOTES 187 marché change de forme ne permet pas cependant de dire qu'il ne mérite plus le nom de marché. 8 R. Barre, Economie politique, t. II, PUF, 1956, p. 48, cité par M. Niveau, op. cit., p. 582, 74 D. J. Robertson, The Economies of Wages, Macmillan, Londres, 1963, p. 103 : * La structure des salaires est, d'une part, créée par la demande de différents types de travail, chacun soumis à la productivité marginale, et, d'autre part, à l'offre des diffé- rents types de main-d'œuvre..., cette offre étant relativement peu élastique en raison d'un certain nombre d'immobilités, Il en résulte différents marchés qui sont plus ou moins reliés les uns aux autres, car des transferts de main-d'œuvre existent entre ces différents marchés. » Cf. également F. Sellier, « Marché du travail et analyse de la répartition », op. cit., pp. 87 ss. " L. Ulman, b Labor Mobility and Industrial Wage Structure in the Postwar United States », op. cit., p. 76 ; OCDE, « Les salaires et la mobilité de la main-d'œuvre e, op. cit., pp. 81 ss. 78 R. L. RaimON, « Interstate Migration and Wage Theory », The Review of Economics and Statistics, nov. 1962, pp. 423-438 ; S. Rottenberg, « On Choice in Labor Markets ¢, Industrial and Labor Relations Review, janv. 1956 ; R. L. Bunting, fl A Test of the Theory of Geographic Mobility », Industrial and Labor Relations Revieiv, oct. 1961, pp. 75-82 ; L. Ulman, « Labor Mobility and the Industrial Wage Structure », op. cit., p. 76, note 2 ; M. W. Leiserson, « Wage Decisions and Wage Structure in the United States », in Hugh-Jones, Wage Structure in Theory and Practice, p. 54. 77 R. L. RaimON, « Interstate Migration and Wage Theory », op. cit., pp. 437 ss. 78 D, E. Cullen in M Ibid., p. 175. 105 Tiano et Sellier, a Economie du travail », op. cit., p. 583. 106 Ibid., pp. 582 ss. 1^ Reynolds et Taft, « The Evolution of Wage Structure », op. cit., pp. 192 ss. et pp. 395 ss. Et plus généralement chap. 7. 108 M. W. Leiserson, op. cit., pp. 53 ss. ; C Kerr, «Wage Relationships - The Comparative Impact of Market and Power Forces », in J. T, Dunxop, éd. ; cf. égale- ment in N. Chamberlain and others, éds., A decade of Industrial Relations Research, New York, 1958, les communications de G. Hildenbrand, The Economics Effects of Unionism et N. W. Reder, Wage Determination in Theory and Practice. 1M Reynolds et Taft, a The Evolution of Wage Structure », op. cil., p. 368. 110 M. W. Leiserson, op. cit., p. 58. 111 M. Niveau, * Les formes dc la concurrence et la dispersion des salaires », op. cit., pp. 576 ss. ; J. R. Crossley, op. cit., pp. 232 ss. NOTES 189 111 E. H. Phelps Brown, * The Economics of Labor e, p. 151. 113 La Vie économique, nov. 1956. lw MARCHAI, et Lecaillon, « La détermination du revenu national », op. cit., pp. 262 ss. "* OCDE, « Les salaires et la mobilité de la main-d'œuvre », Paris, 1965. 118 Les salaires versés aux ouvriers de& entreprises affiliées à l'Association suisse des constructeurs de machines et des industries en métallurgie font exception aux règles énoncées. Les salaires de ces branches se rapportent à l'ensemble du second semestre ; les salaires et les traitements moyens n'englobent pas non plus les allocations pour enfants, les gratifications et les autres prestations accordées indépendamment du lieu du travail. Les allocations d'automne et les gratifications annuelles ne sont non plus pas comprises dans les gains moyens perçus dans les entreprises de l'Association suisse des industries chimiques bâloiscs, les entreprises affiliées à l'Association des industriels suisses de la chaussure et à la Convention patronale de l'industrie horlogère suisse. Dans les Arts graphiques, les allocations pour enfants ne sont plus comprises depuis 1960, dans les chiffres relatifs aux entreprises affiliées à la Société suisse des maîtres imprimeurs. Ces différences dans les relevés peuvent être la cause d'une sous-estimation des différences réelles de salaires entre branches. Dans la mesure toutefois où les branches ci-dessus font partie des branches qui paient les salaires les plus élevés (donc d'un même groupe), on peut considérer que ces statistiques sont valables. Il faudra se sou- venir néanmoins que les disparités réelles entre les deux groupes sont plus considérables que ne le laissent apparaître les calculs. 117 Reynolds et Taft, « The Evolution of Wage Structure », pp. 11-12 ; R. A. Les- ter, « Economies of Labor », pp. 294 ss. 118 Nous avons retenu cinq catégories de gains horaires moyens pour les ouvriers et neuf catégories de traitements mensuels pour les employés : Ouvriers : — Cains horaires moyens de l'ensemble des ouvriers (Hommes et femmes), — Gains horaires moyens des ouvriers masculins totaux, — Gains horaires moyens des ouvriers masculins qualifiés, — Gains horaires moyens des ouvriers masculins semi- et non-qualifié s, — Gains horaires moyens des ouvrières (totales). Employés : — Traitements mensuels moyens de l'ensemble des employés, — Traitements mensuels moyenB des employés masculins totaux (toutes qualifications), — Traitements mensuels moyens des employés masculins, catégorie 1 (employés qualifiés travaillant de façon indépendante et justifiant d'un apprentissage ou d'études complètes), — Traitements mensuels moyens des employés masculins, catégorie 2 (employés ne travaillant pas de façon indépendante mais justifiant d'un apprentissage ou de con- naissances spéciales), — Traitements mensuels moyens des employés masculins catégorie 3 (employés auxiliaires). Nous avons retenu les mêmes catégories pour les employées (femmes). ub.Vaciieb, Etudes statistiques, janv.rmars 1956. 190 STRUCTURE DES SALAIRES ET IMMIGRATION a (ind. de disp. corrigée des ouv.) -f- b (idem employés) ' = a + b (a et b sont les coefficients de pondération, c'est-à-dire le nombre des salariés de chaque catégorie). 1M L'indice de dispersion interindustriclle des salaires a été obtenu en calculant le coefficient de variation des indices de disparité. L'indice de dispersion des disparités brutes est représenté par le coefficient de variation des gains horaires moyens et des traitements mensuels moyens. (Ce coefficient de variation s'obtient en divisant l'écart- type des gains ou des traitements par la moyenne arithmétique Bimple des gains ou des traitements de Ia catégorie considérée.) L'écart-type des gains ou des traitements constitue une mesure de dispersion en termes absolus. "' Les coefficients de corrélation de rang ont été obtenus en comparant le rang occupé par chacune des onze branches en 1949 (année de base) avec le rang occupé dans les années postérieures (formule de Spearman). m D. E. Cullen, « The Interindustry Wage Structure 1899-1950 f>, The American Economie Revieiv, juin 1956, pp. 353-369 ; OCDE, « Les salaires et la mobilité de la main-d'œuvre ¢, op. cit., pp. 27 ss. ; P. Haddy et N. A. Tolles, « British and American Changes in Interindustry Wage Structure », op. cit. "* En général, les écarts en termes absolus (écart-type) se sont accrus tout au long de la période. Ils marquent néanmoins un mouvement d'arrêt lors du reversement de la tendance de la dispersion en termes relatifs (coefficient de variation). Cet accroissement de la dispersion en termes absolus s'explique par l'évolution divergente des différents taux d'augmentation des salaires, cf. OCDE,